NDDN Réunion de comité
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 20 octobre 2011
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Nous poursuivons notre étude de la disponibilité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
Nous accueillons aujourd'hui le major-général Steve Bowes, qui n'est pas un inconnu pour beaucoup d'entre nous puisqu'il nous a accueillis au début de la semaine, lundi et mardi, au Centre canadien d'entraînement aux manoeuvres de Camp Wainwright.
Je vous donne immédiatement la parole pour votre déclaration liminaire, général.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous exposer le Système de la doctrine et de l'instruction de la Force terrestre.
Je suis le major-général Steve Bowes, commandant du Système de la doctrine et de l'instruction de la force terrestre à la base des Forces canadiennes Kingston.
Comme vous avez pu le constater lors de votre récente visite au Centre canadien d'entraînement aux manoeuvres, nous faisons beaucoup pour entraîner nos soldats de façon réaliste et les préparer à relever les défis qui les attendent au cours des opérations. La doctrine et les leçons retenues sont les éléments fondamentaux d'une instruction efficace. La doctrine est une expression souvent mal comprise; essentiellement, il s'agit d'une compréhension commune de la nature de la guerre et, donc, d'une approche cohérente quant à la manière de résoudre des problèmes tactiques.
Cette approche se fonde sur la théorie, les antécédents et l'expérience acquis au cours des guerres livrées par le Canada, mais également sur les dernières leçons retenues lors d'opérations. Voici quatre diapositives qui vous donneront un aperçu du Système de la doctrine et de l'instruction de la force terrestre du Canada. J'aimerais vous les commenter au cours d'un bref exposé, après quoi je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La première diapositive reflète une approche systémique de l'instruction.
L'instruction de la force terrestre suit une méthodologie bien établie, une approche systémique de l'instruction de l'Armée de terre, susceptible d'assurer la solution la plus efficace et la plus efficiente possible. Cette méthodologie s'applique selon un paradigme d'instruction pyramidale débutant par une instruction institutionnelle générale, suivie d'une instruction de base fondamentale, puis d'un régime d'instruction au niveau de préparation élevé propre aux diverses unités, couronnée par une instruction axée sur la mission.
À tous les niveaux, de l'instruction individuelle à collective, les membres et les officiers de l'Armée de terre bénéficient de nombreuses occasions de se perfectionner sur le plan professionnel, notamment grâce à une éducation générale, à la formation à un métier, et à une formation linguistique et déontologique. Le système d'instruction de la force terrestre forme des militaires et des unités qualifiés, capables d'accomplir des missions et des tâches dans un large spectre d'emplois, depuis des interventions nationales ou expéditionnaires à d'autres lors de catastrophes dues à des causes naturelles ou humaines, à des opérations de soutien de la paix, de stabilisation, de soutien d'États en déroute ou défaillants, jusqu'aux opérations les plus complexes.
L'instruction de la force terrestre doit être suffisamment générale pour couvrir tout l'éventail des tâches et des missions que les Canadiens s'attendre à voir leur armée de terre effectuer, lorsque cela est nécessaire. L'instruction militaire se fonde sur la stratégie de défense Le Canada d'abord, qui priorise les besoins nationaux par rapport aux exigences expéditionnaires. La Force de réserve de l'Armée de terre consacre une part substantielle de son instruction à de telles tâches nationales, vu que les réservistes sont bien à même d'intervenir sur place puisqu'ils sont bien intégrés aux diverses collectivités du pays. Dans les collectivités nordiques, les Rangers canadiens jouent un rôle semblable et tout aussi vital. La Force régulière de l'Armée de terre, même si elle accomplit souvent des tâches nationales, axe une bonne partie de son instruction sur la préparation à des opérations expéditionnaires. La souplesse de l'instruction de l'Armée de terre lui a permis de passer efficacement d'un rôle de combat à celui de l'instruction en Afghanistan.
Je passe à la deuxième diapositive. La doctrine de l'Armée de terre est le fondement rationnel de toute notre instruction et de notre perfectionnement professionnel. On définit la doctrine comme l'expression formelle et de référence des connaissances et de la pensée militaires que l'Armée de terre considère comme pertinentes à un moment donné, cette instruction couvrant la nature des conflits, la préparation de l'Armée de terre à ceux-ci ainsi que la méthode pour les affronter et remporter la victoire.
Pour élaborer sa doctrine, l'Armée de terre adopte un processus en cinq phases: analyse, élaboration, production, approbation et validation. Grâce à ce processus, elle s'adapte continuellement de façon à maximiser son efficacité dans une situation donnée, toujours en fonction de la compréhension de la nature des conflits qu'elle a acquise comme institution au fil de nombreuses années. Continuellement, elle suit et analyse l'évolution de l'environnement opérationnel, entre autres les progrès techniques, les lacunes relevées lors d'opérations et l'expérience de ses alliés, afin de déterminer si elle doit adapter ou revoir sa doctrine.
Lorsqu'un problème est décelé, elle décide durant la phase d'élaboration de la meilleure façon de le résoudre. Des solutions sont mises au point à la lumière de la recherche, de l'expérimentation, de discussions, de débats et de jeux de guerre. Elle peut élargir l'analyse en s'inspirant de démarches alliées interarmées ainsi que des revues professionnelles et de comptes rendus de recherches.
Une fois la solution retenue, elle entre en phase de production, qui comprend tous les processus indispensables pour rédiger, commenter, publier et diffuser la doctrine de l'Armée de terre, y compris tout débat et toute expérimentation additionnels. Le commandant de l'Armée de terre et moi-même sommes chargés d'approuver la doctrine à publier et à diffuser. Des exposés d'approbation de la doctrine sont faits à des forums de gouvernance, par exemple, au Conseil de l'Armée, avant sa diffusion.
La phase de validation est en fait une activité continue dans laquelle on évalue la pertinence, la justesse et la modernité de la doctrine, à la lumière soit des leçons retenues, soit des enjeux relevés par les écoles ou observés durant des activités d'instruction. Cette phase peut également servir à piloter des changements de doctrine et ainsi chevaucher la face d'analyse dans un cycle permanent d'élaboration de la doctrine.
Passons maintenant au processus d'apprentissage dans l'Armée de terre.
Par son processus d'apprentissage, l'Armée de terre canadienne veille à recueillir, analyser et assimiler l'expérience qu'elle acquiert au cours de ses opérations, de manière à s'améliorer constamment et à damer le pion à tout adversaire qui s'adapte lui aussi.
Les comptes rendus prennent d'abord la forme d'observations et de réflexions de son personnel concernant des opérations réalisées au Canada ou à l'étranger. Ces observations peuvent être communiquées directement dans une analyse après action, mais souvent elles sont recueillies par des équipes, intégrées, de liaison des leçons retenues. La liste des sujets critiques du commandant de l'Armée de terre sert également à orienter et à concentrer les activités de collecte et les priorités.
Après leur analyse initiale, les observations sont classées par ordre de priorité en fonction de leur pertinence et importance. Celles qui sont désignées comme recelant une leçon cruciale, c'est-à-dire qui concernent un problème opérationnel pressant, qui nécessitent l'acquisition de nouvel équipement ou qui exigent une révision importante de la doctrine en vigueur, sont communiquées en vue d'une analyse approfondie.
La responsabilité de prendre connaissance de chaque leçon cruciale est confiée par le Groupe de travail sur l'apprentissage de l'Armée de terre. Des experts en chaque matière analysent et valident cette leçon, puis recommandent des solutions à chaque problème.
L'observation et le plan d'action recommandé sont ensuite exposés au responsable compétent, puis la décision et l'orientation adoptées font l'objet d'un suivi de la part du Centre des leçons retenues de l'Armée. Le directeur du centre rend compte régulièrement aux officiers supérieurs de l'Armée de terre des progrès réalisés en ce qui concerne les leçons cruciales recensées. Le directeur, État-major de l'Armée de terre, tient les organismes des Forces canadiennes n'appartenant pas à l'Armée de terre ainsi que les autres ministères au courant des questions qui les concernent.
Une fois que le commandant de l'Armée de terre a approuvé l'orientation annoncée par la ligne de gouvernance, le directeur de la doctrine de l'Armée de terre et les centres d'excellence mettent en oeuvre les changements nécessaires, puis le Centre des leçons retenues de l'Armée a recours à divers modes de communication pour s'assurer que les changements sont compris par toutes les unités et tous les soldats.
L'Armée de terre canadienne peut à juste titre s'enorgueillir du bilan de ses opérations de combat en Afghanistan, mais elle est bien consciente que les capacités qu'elle acquiert à grands frais ne sont pas éternelles. Dans son instruction, l'Armée de terre doit relever le défi de poursuivre ses succès tout en continuant à s'adapter à un environnement changeant. Elle doit également s'attaquer à certaines lacunes relevées et, malheureusement, voir s'affaiblir à regret quelques capacités propres à des missions.
Elle doit continuer à concentrer ses efforts à instruire des forces de taille moyenne, efficaces au combat et capables de s'adapter à n'importe quelle tâche. L'expérience afghane lui a permis de valider certains des concepts centraux de sa doctrine: le groupement tactique toutes armes demeure le noyau de sa capacité, vu que cette organisation réalise sur le terrain des effets dans l'ensemble du spectre opérationnel, depuis l'assistance humanitaire jusqu'au combat tous azimuts. Le quartier général d'un groupe-brigade formant le noyau du quartier général d'un groupe opérationnel constitue le lien essentiel pour planifier et synchroniser les opérations, maintenir une force en puissance et intégrer la vaste gamme des capacités dont dispose une coalition, notamment l'imagerie satellite, la puissance aérienne, les véhicules aériens sans pilote, le soutien du tir à grande distance, la coopération civilo-militaire, l'évacuation médicale. Elle doit continuer à produire des groupements tactiques et des quartiers généraux de brigade confiants et bien entraînés, qui répondent aux besoins énoncés dans la stratégie de défense Le Canada d'abord. Son plan d'état de préparation de gérer fera en sorte que ses forces d'intervention rapide bénéficieront de l'instruction nécessaire au moment opportun, tout en ordonnançant le désir bien compréhensible des commandants de voir l'instruction prendre de l'ampleur.
Tout cela repose sur la qualité de nos gens. L'Armée de terre doit continuer à prodiguer une instruction individuelle qui prépare ses soldats à des opérations dans des environnements complexes, inspirée des leçons chèrement acquises qu'elle retient. Avant tout, elle doit continuer à former des chefs remarquables.
Permettez-moi de souligner quelques succès qu'elle doit poursuivre et prolonger. En quelques années, elle a instauré une intégration et une coopération remarquables avec ses camarades, les hommes et les femmes de l'Aviation royale canadienne, et je sais que les officiers supérieurs de cette force aérienne sont aussi résolus que les nôtres à bien tenir le flambeau. L'Armée de terre a énormément progressé pour ce qui est d'instaurer le respect réciproque entre la Force régulière et la Force de réserve de l'Armée de terre. La mise en application de normes d'instruction communes chez les militaires de ces deux forces a pour effet qu'elle peut continuer à incorporer les réservistes à des forces d'intervention rapide, parfaitement confiante qu'ils seront au niveau de leurs homologues de la Force régulière, bien que dans une gamme de tâches plus restreinte n'exigeant pas une instruction au niveau de préparation élevé.
À court terme, il y a certains domaines où elle doit faire du rattrapage. L'accent mis sur les opérations de contre-insurrection en Afghanistan l'a conduite inexorablement à réduire le temps disponible pour des volets fondamentaux des opérations tactiques. À compter de l'exercice Maple Resolve 2011, ces exercices comprendront la participation d'un adversaire de force presque égale, capable de manoeuvre blindée, mais comprendront encore les défis d'un champ de bataille densément occupé et l'intégration de forces alliées. Par ailleurs, dans les cours du Collège de commandement et d'état-major de l'Armée canadienne et dans d'autres activités de perfectionnement professionnel, elle mettra davantage en avant les opérations tactiques d'intensité moyenne.
Enfin, j'aimerais attirer votre attention sur deux défis à long terme qui se posent à l'Armée de terre en matière d'instruction. Après une période d'activité intense, elle entre dans une période exempte de toute opération immédiate d'envergure. Certes, cela pourrait changer rapidement; or, nos soldats pourraient souhaiter relever d'autres défis, si nous ne les maintenons pas occupés.
Le commandant de l'Armée de terre a forgé l'expression « instruire pour motiver », signifiant par là qu'on mettra en avant l'instruction à des opérations dans l'Arctique et la jungle, la guerre en montagne et les opérations en littoral ainsi que d'autres, parachutées et aéroportées. Certains auront du mal à trouver « motivante » la perspective de peiner dans la jungle brésilienne, mais voilà le genre de défi professionnel et personnel susceptible d'entretenir l'intérêt et la motivation des soldats.
Un autre défi pour notre système d'instruction consiste à conserver la faculté d'adaptation qui l'a si bien servie au cours des dernières années. Elle doit continuer à intégrer rapidement et efficacement à son instruction les leçons retenues, mais elle doit également tirer profit des nouvelles technologies, notamment dans le domaine de la simulation, pour rendre l'instruction non seulement plus efficace, mais aussi plus efficiente.
J'espère que ce bref exposé vous a permis de mieux comprendre l'instruction que donne l'Armée de terre aux soldats canadiens. Ceux-ci constituent ses atouts les plus précieux. Bien instruits, ils peuvent relever n'importe quel défi au Canada et se rendre n'importe où dans le monde pour défendre le Canada et les valeurs canadiennes.
Je suis maintenant disposé à répondre à toutes vos questions.
Merci, monsieur le président.
Merci, général.
Nous entamons le premier tour de questions, de sept minutes.
Monsieur Christopherson, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, général, de cet exposé très instructif. Je regrette de ne pas avoir pu vous accompagner plus tôt cette semaine. Je viens tout juste d'être nommé critique intérimaire — et je souligne intérimaire — de la Défense pour l'opposition officielle. Je ferai donc partie de ce groupe-ci pendant un certain temps.
Commençons par le début. Mes questions seront les plus élémentaires qu'on vous posera jamais, général.
Expliquez-moi d'abord la différence entre une doctrine et un but de mission.
La doctrine et simplement un ensemble de connaissances, la fondation que nous employons pour résoudre un problème tactique. Je vais vous parler de doctrine au niveau le plus élevé. Au Canada, nous suivons une doctrine de commandement de mission. Cela veut dire que, face un problème tactique, nous déterminons l'objectif que nous voulons atteindre et nous permettons à nos commandants subalternes de prendre avec la souplesse voulue l'initiative nécessaire pour résoudre le problème tactique. Nous leur donnons les ressources dont ils ont besoin pour accomplir la mission, mais nous leur laissons le soin de déterminer la méthode. Voilà un exemple de doctrine.
En ce concerne le point suivant, monsieur…
Je n'ai probablement pas employé la bonne terminologie. En lisant votre mémoire, j'ai eu l'impression que c'était très similaire à un but de mission, dans la mesure où, une fois une mission commencée, les choses que vous avez énumérées au sujet de la doctrine me semblaient correspondre tout à fait à un but de mission précis.
Il y a certainement une différence mais je ne la vois pas.
Un but de mission est un effet que l'on souhaite obtenir sur le terrain, et c'est une tâche qui est attribuée, par le truchement du gouvernement du Canada, par le truchement de COMFEC, aux soldats qui partent en mission. Nous les préparons aux tâches les plus variées possibles mais c'est une fois qu'ils arrivent sur le théâtre d'opérations et qu'ils analysent le plan de campagne pour cette opération qu'ils déterminent les tâches à exécuter pour atteindre les buts du gouvernement.
Merci.
Pourriez-vous m'expliquer le défi à relever pour être prêt au combat, pour essayer de maintenir la disponibilité opérationnelle, ce qui est le thème de ces audiences, tout en participant en même temps à une guerre? Y a-t-il deux lignes de pensée et deux responsabilités distinctes, ou doit-on considérer que, à cause de la nature de la guerre, cela a une incidence fondamentale sur votre disponibilité?
Comprenez-vous la question? Vous essayez de faire deux choses en même temps: vous participez activement à une guerre tout en essayant en même temps d'être prêt à réagir à n'importe quelle situation.
Pour mener une opération soutenue outre-mer, il faut constituer une base à partir des soldats qui sont recrutés dans les unités pour aller remplacer régulièrement ceux qui sont à l'étranger. C'est un cycle continu d'instruction.
Nous avons des soldats en mission quelque part dans le monde, où que ce soit. Nous savons qu'ils ne vont pas y rester indéfiniment et nous préparons donc au Canada ceux qui iront les remplacer.
Pendant que nous faisons cela, et je vous ramène à la première diapositive, nous maintenons le volet institutionnel. Les Forces canadiennes recrutent de nouveaux membres tous les jours. Ces membres suivent des cours à Saint-Jean. Une fois qu'ils sont diplômés de ces cours fondamentaux, ils entrent dans l'Armée de terre, dans la Marine, ou dans l'Armée de l'air, selon le cas, et notre système institutionnel entre en jeu. Nous les formons à diverses qualifications, nous les intégrons aux unités, et ces unités vont sur le terrain, ou en mer ou dans les airs, pour s'entraîner afin d'atteindre un niveau de préparation élevé.
Quand nous parlons de niveau de préparation élevé, ça ne veut pas dire que tout le monde dans l'Armée de terre fait la même chose chaque jour. Cela dépend de la géographie du Canada et de la nature diverse de notre organisation, ce qui veut dire que nous avons des éléments différents des Forces canadiennes qui participent à des volets différents de ce paradigme d'entraînement sur une base quotidienne.
Très bien. Merci.
Vous avez dit tout à l'heure que l'Armée de terre a « en quelques années [...] instauré une intégration et une coopération remarquables avec ses camarades », et vous en donnez ensuite la liste.
Pourriez-vous me dire quelle était la situation antérieure et la raison pour laquelle vous êtes si fier de la situation actuelle, afin que je puisse me faire une idée de l'évolution?
Il suffit de remonter 20 ans en arrière, vers la fin de la Guerre froide.
Le Canada disposait d'une armée de terre, de mer et de l'air conçue pour travailler avec d'autres armées de terre, de mer et de l'air dans le contexte de l'OTAN. Même si nous étions lourdement engagés dans des opérations de soutien de la paix, nous n'avions pas d'antécédents particulièrement forts de fonctionnement dans cet environnement commun dans un contexte national. Nous avons traversé une période difficile dans les années 1990. Vers le milieu de cette décennie, nous sommes entrés dans une phase d'opérations en Afghanistan dans laquelle il est devenu évident qu'il nous fallait mieux définir la relation avec, par exemple, l'Armée de l'air.
La première chose que vos collègues ont vue durant leur visite de lundi est un hélicoptère Chinook. Bien que, dans le contexte canadien, nous associions cela à l'Aviation royale canadienne, à juste titre, et au fait que c'était un hélicoptère allié, c'est une composante essentielle de la puissance de combat à terre.
Ce que nous avons fait, c'est que nous avons reformulé cette synergie outre-mer. Il y avait une escadre aérienne avec nous en Afghanistan. Dans le cadre de ce groupe opérationnel, en plus d'avoir des troupes terrestres, nous avions une escadre aérienne. L'aviation tactique nous a appuyés — par du transport aérien tactique et stratégique pour nous amener là-bas — et, bien que nos CF-18 n'étaient pas déployés dans le Sud de l'Afghanistan, d'autres forces aériennes de l'OTAN l'étaient et nous avions des groupes aériens tactiques et des contrôleurs aériens avancés faisant partie de l'équipe.
Nous sommes parvenus à grands frais à un bon niveau d'intégration, et c'est quelque chose que nous tenons absolument à préserver pour l'avenir.
Merci.
Je vais peut-être arriver à poser deux questions, mais au moins une.
Je m'intéresse à l'expression « entraîner pour motiver », dont vous avez convenu qu'elle peut surprendre. Pourriez-vous nous l'expliquer un peu plus?
Vous devez comprendre que j'ai un certain âge et que je possède une certaine expérience de l'armée, par rapport aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui franchissent nos portes aujourd'hui. Il serait naïf de penser que tous ceux qui arrivent chez nous se disent: « Je suis né pour être soldat, je vais l'être pendant 35 ans et je vais en faire une carrière. » Aujourd'hui, il faut constamment motiver les jeunes, il faut leur lancer des défis. Comme nous consacrons beaucoup de temps et d'efforts à les recruter et à les entraîner, la dernière chose que nous souhaitons est de les voir partir.
Un entraînement motivant signifie beaucoup de choses. Ça doit être un défi sur le plan non seulement physique mais aussi intellectuel. Ça veut dire qu'il faut leur donner l'occasion de s'épanouir en tant que personnes totales, avec une éducation militaire professionnelle mais aussi une formation à la citoyenneté. En fin de compte, il s'agit essentiellement de les maintenir intéressés. C'est une expression que nous avons choisie précisément parce qu'elle trouve un écho chez les jeunes, pas nécessairement de la manière dont nous la percevons nous-mêmes.
Merci, monsieur le président.
Général, beaucoup d'opérations impliquent plus qu'un seul environnement des FC et, de ce fait, exigent à l'évidence la coopération des trois armes.
À votre connaissance, existe-t-il des lignes directrices auxquelles ces environnements peuvent se référer durant les missions où la coopération est nécessaire?
Absolument. L'OTAN possède un système complexe de doctrine qui régit les opérations interarmées, et elle a donc une documentation sur les opérations interarmées que nous utilisons tous pour nous informer.
Nous avons notre propre doctrine interarmées. Faire collaborer les armées de terre, de mer et de l'air dans ce contexte est plus limité par les plates-formes et systèmes disponibles que par notre aptitude à travailler ensemble.
Il existe donc un cadre de référence à ce sujet, qui nous permet, par exemple, de faire travailler des soldats canadiens avec des alliés, même dans un contexte littoral avec le United States Marine Corps, avec les Royal Marines ou avec la marine brésilienne. Ce cadre existe.
C'est merveilleux.
Dans le même contexte, pouvez-vous nous dire comment sont dirigées les opérations interarmées? Par exemple, quel est le processus de décision lorsqu'on doit choisir l'environnement ou la division à la tête d'une mission donnée? Sinon, les opérations sont-elles dirigées par la chaîne de commandement du QGDN?
Cela dépasse largement la question de l'entraînement de l'Armée de terre mais, de manière générale, une fois que le chef d'état-major reçoit ses instructions du gouvernement du Canada, il analyse l'effet qui doit être obtenu et cherche la meilleure manière de l'obtenir. Il doit donc décider quel est l'environnement ou la composante des Forces canadiennes qui doit prendre la tête des opérations, et il le fait en consultant le commandant de COMFEC.
Bien.
Le SIDTF assume beaucoup de responsabilités, comme le montrent la Direction de la doctrine de l'Armée de terre et le Centre des leçons retenues.
Pouvez-vous nous donner un bref aperçu du rôle et des responsabilités de chaque organisation au sein des FC?
En qualité de commandant du Système de la doctrine et de l'instruction de la Force terrestre, je dois signaler que nous avons plusieurs formations principales, mais que ce n'est pas seulement un exercice de commandement. Nous avons aussi plusieurs directions des forces terrestres, si vous voulez. Il y a, par exemple, le Centre canadien d'entraînement aux manoeuvres, que vous avez vu dans l'Ouest. Il s'occupe de l'entraînement collectif. Nous avons aussi le centre d'excellence de l'entraînement individuel à Gagetown, qu'on appelle le Centre d'instruction au combat. C'est là que se trouvent nos écoles pour l'arme blindée, l'artillerie, l'infanterie, le génie militaire et la tactique. Nous avons aussi trois autres écoles: l'école des communications, à Kingston, l'école du génie électrique et mécanique, à Borden, et le Centre d'instruction supérieure en guerre terrestre, à Trenton. Ces huit écoles font partie du Centre d'instruction au combat.
Nous avons aussi un collège de commandement et d'état-major à Kingston. En arrière de tout cela, nous avons la Direction de la doctrine de l'Armée de terre, la Direction de l'instruction de l'Armée de terre, et le Centre des leçons retenues de l'Armée. J'ai aussi un groupe des activités d'influence. Tout cela fait partie de l'organigramme. Les responsabilités de la DAD consistent fondamentalement à faire les liens. Le directeur de la doctrine est une personne très dynamique qui cherche constamment à savoir ce qui se passe sur la scène internationale, qui examine comment évolue la réflexion de nos alliés sur les questions de doctrine et qui fait le lien avec les autres services.
Le Centre des leçons retenues de l'Armée est une très petite organisation, de cinq ou six personnes seulement. Cela comprend notre utilisation des renforts en opérations. J'ai deux personnes affectées outre-mer dans le cadre de l'Opération Attention dans la mission en Afghanistan. Leur rôle consiste à ramener les leçons apprises et les observations. Bien qu'ils fassent rapport chaque jour au major-général Mike Day outre-mer, ils travaillent en fait pour l'Armée de terre. Ils aident à nous rapporter les leçons identifiées, que nous utilisons ensuite pour déterminer ce que nous devons incorporer à la doctrine et ce que nous devons utiliser immédiatement en instruction.
Je peux vous donner très rapidement un exemple précis de la manière dont fonctionne ce processus. Nous sommes fiers de notre adaptabilité, si vous voulez poursuivre sur ce sujet ensuite.
Ce que je voudrais faire maintenant, c'est parler de la quatrième diapositive. Vous avez parlé de capacités de missions qui vont se dégrader ou s'affaiblir. De quoi s'agit-il exactement?
Depuis 2005, nous analysons les opérations de contre-insurrection en Afghanistan, notamment au sud de Kandahar. Nous savons que nous devons prendre du recul par rapport à cela. Nous avons déjà tourné une page. Bien que l'environnement opérationnel mondial dans lequel les soldats canadiens pourraient éventuellement aller aurait probablement des caractéristiques très similaires à l'Afghanistan, nous ne faisons pas d'entraînement pour cette mission spécifique. Par exemple, ce que nous avons appris de la culture pachtoune pour nous sensibiliser à la culture de cette région perdra peu à peu de son importance à mesure que nous commencerons à nous concentrer sur ce qui est nécessaire pour préparer nos soldats à aller n'importe où ailleurs dans le monde. C'est juste un exemple.
À Wainwright, nous utilisons un scénario plus générique. Notre diaspora afghane que nous avons recrutée pour les activités d'instruction passées a été remplacée par d'autres acteurs pour simuler la complexité de l'action dans une autre langue dans un autre environnement. C'est juste un exemple.
Mes connaissances sont peut-être un peu désuètes mais ceci désigne-t-il le SICA, le scénario d'instruction commun de l'armée?
Vous avez parlé d'éducation militaire, et je signale ici que j'ai passé trois ans au Collège des Forces canadiennes. Il y a de l'entraînement de terrain, comme les membres du comité ont pu le constater récemment. Pourriez-vous nous parler un peu du système d'éducation militaire et de sa valeur pour maintenir les compétences, les connaissances et le professionnalisme, non seulement dans tout notre système mais aussi parce que nous travaillons en coopération avec d'autres forces et nations du monde?
Absolument. Pour atteindre mon grade, on doit suivre environ quatre ans d'éducation militaire professionnelle, c'est-à-dire des cours et de l'instruction. Nous sommes fiers de dire que nous avons un environnement d'apprentissage continu. Nous devons apprendre quelque chose de nouveau chaque jour. En qualité de membre de l'une des quatre professions classiques, nous avons la responsabilité, dans ce contexte, de nous améliorer et d'améliorer nos connaissances chaque jour.
Si vous retournez à la première diapositive, on y parle d'instruction en établissement, d'instruction de base et d'instruction pour disponibilité opérationnelle élevée. Cela ne veut pas dire que tout le monde dans les Forces canadiennes, ou dans l'Armée de terre en particulier, fait la même chose au même moment. Il y a des gens à des étapes différentes du processus d'instruction, jusqu'à l'étape du départ en mission, mais nous accueillons toujours des personnes à des niveaux d'instruction différents. Même les cours de Gagetown comprennent un volet qu'on devrait plus exactement qualifier d'éducation militaire, portant sur l'histoire, les traditions, l'éthos, l'éthique. Nous développons cet ensemble de connaissances. Nous évoluons dans un système où nous affectons des périodes de développement de niveaux différents à chaque officier ou soldat à mesure qu'il avance dans DP1, 2, 3, 4, 5, etc. Nous avons des objectifs particuliers à atteindre, et tout cela constitue un volet du système des Forces canadiennes.
Pour revenir à certaines des leçons que nous avons tirées des situations difficiles des années 1990, nous avons fait de grands progrès vers un corps d'officiers diplômés, comme exemple, mais sommes aussi allés au-delà de l'octroi de diplômes supérieurs en collaboration avec le Collège des Forces canadiennes et avec le Collège militaire royal de Kingston, en intégrant un bloc plus étoffé de savoir militaire professionnel, mais aussi des connaissances applicables dans la société canadienne. C'est quelque chose dont nous sommes fiers.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour votre information, je remplace un collègue, M. McKay.
Plusieurs choses ont retenu mon attention. Si vous lancez une opération commune avec les forces de l'OTAN, par exemple, en Syrie, ou en Libye en ce moment, ou en Afghanistan, quels sont les défis à relever pour essayer d'intégrer les doctrines canadiennes, les aspirations, etc., à celles de vos alliés? Cela doit être extrêmement difficile, n'est-ce pas?
Je n'aurais aucun intérêt à sous-estimer les défis que cela pose, et l'Afghanistan n'en est qu'un exemple. À une époque, il y avait des soldats de 46 ou 47 nations différentes. La plupart venaient de pays de l'OTAN, mais il y avait beaucoup d'autres officiers et soldats de pays qui n'en font pas partie, et c'est un vrai défi.
Par le truchement de l'OTAN, nous avons des organisations conçues pour… Par exemple, pour les officiers arrivant dans un QG commun, la FIAS a deux QG principaux. L'un assume la responsabilité globale de la campagne, et il y a un QG de commandement commun qui gère l'opération elle-même.
Il y a quelques années, je n'étais que l'un de 14 officiers généraux servant dans ce QG, qui représentait environ 11 nations différentes. Nous venons donc de milieux différents mais nous avons aussi ce lien avec la doctrine commune de l'OTAN. La doctrine commune est enseignée au Collège des Forces canadiennes à Toronto. C'est au Collège des Forces canadiennes que j'ai commencé à apprendre la doctrine commune de l'OTAN, quand j'étais major, il y a une quinzaine d'années. C'est donc un thème constant depuis le début.
Nous cherchons continuellement des occasions de nous entraîner aux côtés de nos alliés. Nous avons à la Direction de la doctrine de l'Armée de terre et à la Direction de l'instruction de l'Armée de terre un groupe d'officiers qui assiste presque mensuellement à des groupes de travail avec nos alliés de l'OTAN et qui travaille constamment sur ces questions et tient les lignes de communication ouvertes. Cela assure cette capacité fondamentale qui donnera à n'importe quelle organisation la possibilité de mener des opérations interarmées.
Certes, il y a toujours des points de friction dans n'importe quelle organisation, simplement lorsqu'il y a plus d'une personne, mais ce sont là des choses que nos élèves apprennent à surmonter.
Vous avez parlé d'instruction éthique. Va-t-il y avoir une différence, disons, avec la tendance éthique naturelle d'un certain groupe de personnes dans les forces interarmées auquel vous pourriez éventuellement être confronté, par exemple, du point de vue de sa compréhension des droits humains, ou du sens de compréhension de la culture du pays où vous vous trouvez? Rencontrez-vous ce genre de défi d'ordre éthique?
Je n'ai jamais constaté de problème d'éthique de cette nature. En ce qui concerne nos soldats canadiens, soyons clairs, nous représentons les valeurs canadiennes, et c'est ce que nous projetons. Je suppose d'ailleurs que c'est ce à quoi tous les Canadiens s'attendent, que nous représentions ces valeurs à l'étranger.
Les défis sont plus d'ordre linguistique, pour communiquer avec les gens d'autres organisations, plutôt que d'ordre éthique. J'ai effectué deux missions de longue durée en Afghanistan et je n'ai jamais perçu le genre de problème dont vous parlez.
Votre travail en Libye, par exemple, est très différent de ce que vous faisiez en Afghanistan. Choisissez-vous des soldats ou des officiers particuliers, possédant des compétences particulières, pour aller sur les différents théâtres d'opérations que vous occupez? Doit-on avoir des compétences différentes pour aller en Libye, disons, plutôt qu'en Afghanistan où il s'agissait de lutter contre une insurrection, ce qui n'est pas le cas en Libye?
Nous n'avons pas de troupes au sol en Libye, et je ne suis pas en mesure de parler de l'influence ou de la nature du processus de décision du commandant de la Marine royale canadienne ou de l'Aviation royale canadienne.
Quand on y pense bien, on s'attend cependant à ce que chaque soldat de l'Armée canadienne possède certaines compétences fondamentales. Si nous allons dans une région particulière, nous allons examiner son environnement opérationnel et conclure qu'il serait peut-être idéal d'avoir certains experts de la culture considérée. Toutefois, nous pouvons aussi nous doter de cette compétence durant l'instruction dispensée pour cette mission particulière. Par exemple, si nous allions dans une région hispanophone ou lusophone, si nous avions des soldats parlant ces langues, pas seulement en termes de communication mais aussi en aidant à développer l'aptitude de nos propres soldats à parler l'espagnol — parce que nous commencerions cette instruction —, nous ferions cela aussi.
Nous analysons donc la mission pour déterminer nos besoins. Ce n'est pas une question d'équipement mais aussi de personnes. Nous analysons la formation dont elles auront besoin et nous adaptons leur instruction en conséquence, ce que nous avons déjà fait très rapidement. Parfois, il faut une rotation ou deux pour arriver exactement là où nous voulons aller, mais nous faisons cela dans un processus délibéré.
Combien de temps me reste-t-il? Deux minutes? Bien.
Vous parlez beaucoup de formation culturelle, etc., et vous dites que nos soldats projettent les valeurs canadiennes. Vos valeurs concordent-elles toujours avec les valeurs de certains de vos alliés?
Ce que je veux savoir, c'est comment vous relevez les défis lorsque vos valeurs canadiennes risquent d'être en décalage, même de manière mineure, avec des gens qui viennent d'un pays totalement différent, qui peuvent avoir des valeurs différentes. Nous savons que ça existe. Je vais à l'assemblée parlementaire de l'OSCE où nous entendons certaines valeurs très différentes autour de cette table de 57 nations, dont certaines sont membres de l'OTAN.
La question est donc de savoir comment vous relevez ce genre de défi. Si vous prenez une décision, qui a le pouvoir de prendre cette décision? Y a-t-il quelqu'un qui possède un pouvoir de décision supérieur? Êtes-vous obligé de négocier sur place?
J'apprécie votre sincérité. C'est une question tout à fait hypothétique. Je reviens à l'instruction. Nous essayons de produire un niveau de friction dans l'environnement d'instruction qui nous amène à traiter avec des gens d'autres cultures, et leurs systèmes de valeurs sont différents. Je peux vous parler de mon expérience en Afghanistan mais, au final, nous sommes des Canadiens. Certaines des questions que vous soulevez peuvent être tellement mineures qu'on se dit qu'il suffit de les imputer à la personne concernée. Nous avons des personnalités, même dans notre propre pays et avec nos propres valeurs.
Si l'on parle de ne pas enfreindre les valeurs canadiennes fondamentales, c'est une autre histoire. Nous sommes très bien instruits sur le droit des conflits armés. Nous sommes très bien instruits sur les normes morales et éthiques canadiennes. Si nous partons en mission, nous nous assurons que nos soldats les respectent.
La chaîne de commandement entre en jeu. Avec ce que nous dispensons comme instruction, notamment aux sous-officiers de grade supérieur, qui sont le coeur et l'âme de l'Armée de terre, nos sergents vont intervenir pour s'assurer que les soldats canadiens se comportent comme il faut.
Merci. Votre temps de parole est écoulé.
Nous entamons le tour de cinq minutes.
Monsieur Chisu, vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, général, de cet excellent exposé et des informations que vous nous avez fournies.
Les difficultés de nos soldats en Afghanistan sont-elles le résultat de différences de capacités et de procédures opérationnelles standard entre nous et nos alliés de l'OTAN et de la FIAS? Je vous pose cette question parce que vous savez très bien qu'il y a des règles d'engagement et des procédures différentes, ce qui rend difficile la conduite des opérations dans cette situation. Nous devons tenir compte de cette question et vous pouvez peut-être m'éclairer.
Permettez-moi de prendre un peu de recul. Du point de vue de l'instruction, si nous allons dans une région en sachant que nous allons travailler avec des alliés de certaines nations, nous nous assurons que nos chefs connaissent les paramètres que ces nations appliqueront éventuellement dans cet environnement tactique. De cette manière, ils savent exactement ce que chaque nation fera ou ne fera pas dans une situation donnée.
Je peux vous dire qu'on a souvent tendance à exagérer certaines des différences entre nos nations. La plupart des différences se trouvent à l'extérieur quand on arrive. Autrement dit, elles se manifestent plus entre les capitales des nations qu'entre les hommes et les femmes de terrain. Le fait que vous vous trouviez dans un environnement hostile et que quelqu'un essaye de vous abattre peut avoir un merveilleux effet d'unification sur votre aptitude à vous focaliser et à collaborer.
J'ai personnellement servi, mais il n'est pas nécessaire que j'entre dans les détails, avec des soldats d'autres nations qui ont mis leur propre vie en péril pour me protéger. Je ne saurais mieux vous répondre.
J'ai une autre question à poser à Steve au sujet de l'Afghanistan parce que j'y ai également servi. L'Afghanistan a présenté tout un nouveau faisceau de défis de combat à nos soldats, qu'ils ont relevés avec distinction en faisant la fierté du Canada. Avec le retrait de l'Afghanistan, pourriez-vous décrire au comité certaines des leçons apprises sur la manière dont les Forces canadiennes mènent des opérations, ainsi que sur l'instruction, et sur la manière dont nous pourrons appliquer ces leçons aux futures missions?
J'aimerais parler aussi de la Réserve, qui a fourni 25 p. 100 de nos troupes pour les opérations en Afghanistan. Maintenant que nous commençons à réduire cette opération en Afghanistan, comment la Réserve continuera-t-elle d'être entraînée pour rester en disponibilité opérationnelle?
D'accord.
Comme exemple des défis et des leçons apprises, nous avons réagi très vite à une menace émergente d'engins explosifs improvisés et de terroristes-suicides. Durant ma première tournée en Afghanistan, les défis dans cet environnement ont été perçus et ont évolué très rapidement. Nous avons réagi d'une manière qui nous a permis d'acquérir la capacité, la doctrine et, maintenant, des tactiques, des techniques et des procédures auxquelles nos alliés s'intéressent beaucoup. Voilà un exemple d'une leçon durement apprise puisque nous y avons perdu des vies. C'est une capacité que nous ne voulons pas voir disparaître car, si l'on examine le monde, nous pourrions trouver des menaces similaires dans pratiquement n'importe quel scénario envisageable. Voilà donc un exemple d'une leçon apprise que nous devons conserver pour nous améliorer. Je pourrais vous parler aussi du renseignement, de la sensibilité culturelle, et de son application à des théâtres d'opérations de manière différente.
En ce qui concerne la Réserve, je ne connais aucun haut gradé qui vous dira que la Réserve n'a pas joué un rôle crucial pour nous appuyer en Afghanistan. Nous n'aurions pas pu mener cette mission à bien sans les réservistes. Il y a une différence phénoménale entre les forces régulières et de réserve d'il y a 10 ans et d'aujourd'hui. Nous ne perdrons pas cela non plus.
Dans les missions immédiates qui viennent juste de partir, nous n'avons peut-être pas obtenu le pourcentage de réservistes que nous aurions souhaité mais je peux vous dire que, dans une rotation subséquente qui viendra du Secteur Québec de la force terrestre, nous aurons près de 25 p. 100 de réservistes. Nous allons donc continuer dans cette voie, à cause des compétences qu'ils apportent à la table. Ce sont une valeur ajoutée.
La Réserve agit également dans un contexte domestique. Dans mon poste précédent de commandant du Secteur de l'Atlantique de la force terrestre, à Halifax, deux tiers des soldats qui ont répondu sur le terrain à l'ouragan Igor à Terre-Neuve étaient des réservistes, et ils ont agi brillamment. Nous ne pourrions pas nous passer d'eux.
Monsieur le président, je vais axer mes questions principalement sur la réserve.
Bien que beaucoup de réservistes se soient portés volontaires pour participer, par exemple, aux missions en Afghanistan, ce n'est pas la majorité des réservistes qui a participé à des missions outre-mer. Comment vous êtes-vous assurés que ces réservistes allaient intégrer les nouvelles connaissances en lien avec ce qu'on a acquis en Afghanistan? Comment vous êtes-vous assurés que ces unités allaient intégrer ces nouvelles connaissances?
[Traduction]
La Force de réserve est un défi, et il y a plusieurs manières différentes d'aborder cette question.
En ce qui concerne les connaissances acquises par les réservistes — et beaucoup d'entre eux reviendront et relèveront d'autres défis —, c'est vrai. Nous constatons aussi que de nombreux réservistes restent, et les connaissances qu'ils ont acquises sont pertinentes dans un contexte opérationnel domestique. Fondamentalement, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont acquis des compétences de leadership pouvant être utilisées dans toute la gamme des opérations au Canada. C'est donc là un élément que nous nous efforçons vigoureusement d'enchâsser dans la communauté des réservistes.
Nous travaillons aussi beaucoup plus dur que dans le passé parce qu'il y a un taux de roulement naturel dans la Réserve et qu'il est encore plus important que jamais, considérant le temps qu'il faut à un soldat pour acquérir ces compétences et ces connaissances, de conserver et d'améliorer ces compétences.
Finalement, il y a certains domaines dans lesquels les réservistes sont particulièrement qualifiés pour fournir un bloc de connaissances qu'on ne retrouve pas dans la Force régulière parce que ce ne sont pas des soldats à temps plein, qu'ils ont des carrières à temps partiel — et aussi dans bien des cas à temps plein — et que ces connaissances se traduisent par des expériences très utilisables outre-mer. Par exemple, essayer de bâtir cette culture dans le contexte total de la Force de réserve est très important. La coopération entre civils et militaires me vient à l'esprit.
J'espère vous avoir répondu aussi complètement que vous le souhaitiez.
[Français]
D'accord.
De plus, lorsqu'on parle des membres de la force régulière, il est question de gens qui travaillent sur une base. Il y a plusieurs régiments ou unités sur une base. Ils sont donc habitués de voir travailler les autres unités.
Lorsqu'on est membre de la force de réserve, on travaille seulement avec son régiment et les gens de son métier. Donc, si on est dans une région où un régiment de génie est en place, on va voir les choses relatives au génie, mais on va connaître un peu moins les autres unités.
Vous parlez de la nouvelle doctrine. On a vu l'importance de travailler ensemble. Comment vous assurez-vous que les unités de réserve apprennent à travailler avec d'autres corps de métier alors que l'éloignement géographique nuit un peu à cette approche?
[Traduction]
Que voilà une excellente question, madame!
La solution est que nous avons 10 brigades de réserve dans le pays, chacune étant responsable de produire à l'interne un groupe de bataille territorial. Considérant que les soldats à temps plein ne sont pas toujours disponibles en permanence, il faut un certain nombre de réservistes pour s'assurer que l'on a un groupe de bataille territorial pouvant être entraîné. C'est une équipe toutes armes.
Ce que ça veut dire, c'est que toutes les unités différentes sont représentées dans le groupe de bataille territorial: génie, artillerie, infanterie, groupe blindé, et reconnaissance blindée en particulier. Ce groupe de bataille territorial suit des étapes d'instruction qui sont similaires en concept et en principe à la Force régulière. Ses membres vont sur le terrain. Ils commencent leur entraînement sur le terrain au niveau individuel et au sein de leur unité particulière, mais nous les faisons avancer durant l'année pour qu'ils travaillent en équipe.
Par exemple, certaines des unités iront à Gagetown pour une semaine d'instruction. L'été dernier, nous avons eu à Wainwright 1 100 réservistes de deux secteurs différents des forces terrestres, dans certains cas représentant 11 ou 12 unités différentes travaillant ensemble dans une unité similaire pour faire le travail. Nous les réunissons, ce qui est crucial pour nous doter à l'avenir d'une capacité qui nous permettra de répondre à n'importe quel scénario d'incident au Canada. Nous utilisons le groupe de bataille territorial de la Réserve pour veiller à ce que les réservistes obtiennent un entraînement ensemble et soient également capables de fournir une capacité de réponse selon les besoins. C'est très important.
Le deuxième aspect de cette question est que nous cherchons d'autres occasions de continuer à entraîner ensemble les membres de la Force régulière et de la Réserve. Quand nous déployons une unité régulière, nous amenons des éléments de la Réserve. Et même si l'unité régulière a été sur le terrain pendant trois ou quatre semaines, les réservistes peuvent aller passer une semaine avec elle puis retourner à leur emploi. Nous cherchons donc de telles occasions d'instruction communes.
[Français]
Merci, monsieur le président. Merci, général.
L'Afghanistan nous a montré que nous ne sommes plus nécessairement confrontés à la guerre conventionnelle mais sommes passés à la guerre asymétrique. Nous ne bataillons plus en terrain ouvert mais face à un ennemi qui se cache dans la population.
Pouvez-vous nous dire comment l'instruction, la planification opérationnelle et la doctrine ont changé dans ce contexte, et si l'on dispense de l'instruction pour identifier les comportements des gens dans une foule afin d'aider les soldats à repérer des belligérants potentiels se cachant parmi des civils?
Où que nous allions aujourd'hui, nous sommes à certains égards fortement influencés par la perception qu'il y a soit un conflit traditionnel, soit de la contre-insurrection. La réalité est que les scénarios de conflit produisent le niveau d'asymétrie dont vous avez parlé, où les menaces peuvent varier, ce qui fait qu'on pourrait à n'importe quel moment être confronté à une menace d'un quasi-pair, c'est-à-dire quelqu'un qui est capable d'une manoeuvre blindée, qui a des véhicules de combat blindé, et à la capacité d'infliger de gros dégâts, en descendant jusqu'à une activité de type insurrectionnel dans cet environnement. Nous nous attendons donc à aller dans ce scénario.
Nous parlons à ce sujet d'opérations dans la totalité du spectre. Nous devons être capables de faire un peu de cela chaque fois que nous franchissons la porte. Ensuite, nous nous attaquons simplement à la situation pour relever le défi. Nous formons les soldats, et je me souviens de ma propre formation. Nous examinions les divers comportements pour apprendre les signes révélateurs. Je ne peux pas vous donner beaucoup de détails à ce sujet mais nous utilisions un processus uniforme de théâtre pour surveiller continuellement et essayer de cerner ce que seront à notre avis les tactiques, techniques et procédures de l'ennemi, la manière dont il mènera une opération. Ensuite, nous informons nos soldats. C'est un processus quotidien. « Qu'est-ce que tu as vu? » « J'ai vu ceci, j'ai vu cela, voici ce qui va se passer. » Nous essayons d'apprendre à nos soldats ce qu'il faut surveiller. Même lors de ma dernière affectation comme général à Kaboul, j'en étais particulièrement conscient car je me trouvais sur un théâtre d'opérations différent, avec un groupe différent qui employait une méthodologie différente pour mener ses attaques. Nous essayons donc constamment de faire ça.
Ce ne sera pas différent si nous allons sur un autre théâtre. Nous essaierons de repérer ce genre de signes. Ça fait simplement partie de notre entraînement.
Le rythme d'entraînement sur une base individuelle semble s'être accéléré. Il y a quelques années, il y avait peut-être deux groupes qui terminaient leur entraînement au leadership chaque été mais, l'été dernier, il sortait un groupe de toutes les deux semaines. Ce rythme sera-t-il maintenu longtemps?
Ça durera des années. On a l'impression que l'Armée de terre est allée en Afghanistan avec beaucoup de ressources spécialisées et qu'elle en sort en très bonne position. C'est une impression très superficielle. Ce qu'il faut savoir, c'est que nous avons consacré une quantité énorme de ressources pour mener une mission et que cela a débouché sur cette intensification du rythme d'entraînement des soldats.
Nous avons aussi manqué d'effectifs. En 2005, nous avions un certain nombre d'unités qui manquaient d'effectifs et nous avons donc recruté des soldats. Ces soldats sont maintenant de jeunes leaders, des caporaux-chefs, le grade terrestre primaire auquel vous avez fait allusion. Ce sont nos futurs sergents et adjudants.
Nous avons beaucoup d'unités dans diverses professions qui n'ont pas assez d'adjudants et de sergents pour avoir un effectif complet. À l'avenir, nous continuerons d'en former. En même temps que nous en formons, nous devrons faire du rattrapage, sinon nous retomberons dans la situation où nous étions, avec les carences que nous avions avant 2005. Ce ne serait bon pour personne, et certainement pas pour le Canada. Notre capacité n'était pas ce qu'elle aurait dû être.
Le rythme va donc rester très soutenu.
L'entraînement est un aspect énorme de la disponibilité opérationnelle d'une armée, et je dois dire que je suis très impressionnée. J'ai assisté à certains des cours qui préparent nos soldats à aller en Afghanistan et j'ai vu à quelle vitesse vous arriviez à inculquer à ceux qui étaient sur le point de partir les leçons retenues de là-bas. Il n'y a rien de plus puissant que de demander à un récent amputé de sensibiliser un groupe aux EEI.
Quelle est la vitesse? Si quelque chose se passe durant un déploiement, à quelle vitesse pouvez-vous communiquer cette connaissance à ceux qui sont sur le point de partir?
Ça se fait parfois en quelques jours. Je ne dirais pas ça peut être moins que cela mais c'est parfois en quelques jours. Parfois, il faut un mois pour que ce soit correctement enseigné, ou deux ou trois mois. Si l'on a besoin d'équipement pour ce faire, ça peut prendre plus longtemps.
Par exemple, je viens d'envoyer une équipe en reconnaissance de la mission à Kaboul, pour nous assurer que l'information que nous fournissons est bien celle qui est nécessaire. Elle nous fournit des informations. Je l'ai ramenée ici. J'ai modifié mon orientation en réponse à sa réaction. C'est ce qu'utilise en ce moment même à Gagetown avec le 2e Bataillon, The Royal Canadian Regiment, pour entraîner les soldats qui partiront là-bas au début de l'année prochaine. Nous pouvons faire ça aussi vite que ça. Tout dépend de la complexité du sujet.
Merci, monsieur le président.
Parlant de plaisir, je n'étais pas particulièrement excité quand j'ai vu le sujet de la séance d'aujourd'hui et je dois donc être tout à fait franc avec vous, général, vous savez rendre la doctrine extrêmement excitante.
Des voix: Oh, oh!
M. Matthew Kellway: J'aimerais cependant prendre un peu de recul pour essayer de mieux comprendre ce qu'est ou signifie réellement la doctrine. La doctrine est-elle exprimée dans la documentation que vous nous avez présentée aujourd'hui, dans vos notes ou vos diapositives? Par exemple, la quatrième diapositive est-elle l'expression succincte de notre doctrine actuelle?
Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, doctrine est un terme pouvant être difficile à interpréter. Quelqu'un pourrait dire, par exemple, qu'une certaine tactique — comment faire quelque chose — constitue une doctrine, ce qui ne serait pas vrai. La doctrine se situe à un niveau plus élevé. C'est comment on résout des problèmes. Ce sont des choses telles que le commandement de mission, la compréhension de l'intention d'un commandant, l'affectation de ressources subalternes.
L'instruction pour le spectre complet des opérations, qui est l'exemple que vous avez évoqué dans la quatrième diapositive, n'est pas nécessairement de la doctrine à mes yeux. Ce sont des principes qui fondent notre environnement. La doctrine n'est pas quelque chose qu'on peut trouver, comme exemple. Bien des soldats l'exprimeraient de cette manière. J'essaye de simplifier une notion complexe.
Quand je pense à la direction d'opérations terrestres, ces principes y sont enchâssés. Quand je descends à ce niveau particulier de doctrine, c'est enchâssé. D'un certain point de vue, ce que vous voyez là en fait partie.
Ce qu'il faut comprendre de la doctrine, c'est qu'elle a plusieurs couches. Nous avons des manuels cadres et nous descendons ensuite dans la hiérarchie par une série de paliers nous amenant à l'élément voulu. Comment la reconnaissance blindée effectue sa mission? Comment les ingénieurs effectuent leur mission? Il y a beaucoup de niveaux différents.
Certaines personnes veulent parfois utiliser la doctrine pour tout englober et je pense que ce n'est parfois pas très utile.
Bien, cela m'aide à comprendre. Donc, si nous essayons de lire la doctrine actuelle, nous devons en réalité consulter des montagnes de papier, dans un sens. Ça ne peut pas être réduit à X. Si je vous comprends bien, ça découle de certains principes qui sont énoncés.
D'où viennent ces principes?
Si je peux résumer, comme je le disais dans ma déclaration liminaire, ils proviennent d'un ensemble de connaissances à l'intérieur de la profession. Nous examinons ce que font nos alliés. Nous examinons ce que nous avons fait. Nous examinons notre histoire et nos expériences. Nous examinons nos valeurs. À bien des égards, la manière dont nous menons des opérations est le résultat direct d'un ensemble de valeurs canadiennes. Tout cela est utilisé par la profession pour déterminer notre doctrine, notre problématique.
Les Canadiens sont très habitués à prendre de l'initiative, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'autres armées nationales dans des contextes différents. Nous nous fions aux individus. Par exemple, pendant la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes fiés à nos sous-officiers.
Il y a énormément d'exemples avec lesquels nous sommes familiers où des individus ont compris qu'un ordre qui était donné risquait de ne pas survivre à la friction du conflit et qui ont dû faire preuve d'initiative pour respecter l'intention d'un commandant supérieur. Ils l'ont fait parce que c'était la bonne chose à faire. Le système de valeurs que nous avons élaboré au cours des années est enchâssé dans notre doctrine.
Les principes sont-ils influencés ou formulés par le pouvoir politique, dans une certaine mesure, où sont-ils internes aux forces armées?
Je vous donne un exemple. L'idée d'avoir des opérations couvrant tout le spectre est une forme d'énoncé de principe. Est-ce là quelque chose qui est communiqué aux Forces comme principe d'où découle la doctrine?
Il faut être prudent ici. Les tâches ou attentes, les missions que les Forces canadiennes et, par conséquent, l'Armée de terre, sont censées exécuter sont fournies par le gouvernement, mais cette expression de la doctrine et la manière dont nous agissons constituent un ensemble de connaissances professionnelles. Ce n'est pas différent de la profession juridique, de la profession médicale, etc.
Pouvons-nous trouver dans la doctrine d'aujourd'hui des énoncés sur les missions humanitaires ou les missions de maintien de la paix? Cela fait-il partie de la doctrine?
Absolument. Nous avons des doctrines sur les opérations de stabilité. Même dans le contexte du manuel contre-insurrectionnel, vous trouverez des indications très claires de ce que sont les attentes sur la manière dont les soldats canadiens mèneront leurs opérations.
Merci, monsieur le président.
Général, je tiens à vous remercier à nouveau de nous avoir accompagnés à BFC Wainwright et au CCEM. Ce fut certainement une révélation. Certains d'entre nous y avaient déjà été mais pas moi. C'est un établissement de première classe.
Durant cette visite, nous avons parlé un peu d'instruction et de ce par quoi passe un soldat avant d'être envoyé en mission. Pourriez-vous nous dire combien de temps dure la formation, et combien il y a de paliers d'instruction, entre le moment où quelqu'un arrive dans un centre de recrutement et le moment où il est affecté? Combien de temps cela prend-t-il, dans un cas typique?
Il serait quasiment impossible à un soldat canadien d'être recruté et d'être envoyé outre-mer pour une opération en moins d'un an. Une recrue passe d'abord à Saint-Jean pour obtenir une qualification militaire de base qui peut prendre deux ou trois mois. Bien souvent, il y aura une période de quelques semaines, peut-être d'un mois ou deux, avant que commence la prochaine série de séances d'instruction pour les diverses professions.
Prenons l'exemple d'un soldat d'infanterie. Il commencera son instruction dans l'un des centres d'instruction de l'Armée de terre du pays pour se qualifier. Il sera ensuite affecté à son bataillon et commencera immédiatement une autre série de sessions de qualification sur les armes du niveau de peloton et sur les choses qu'il devra utiliser.
Ensuite, quand il entrera dans le cycle d'instruction collective de son unité — supposons que cette recrue se trouve dans un bataillon sur le point de partir en opérations —, il commencera une série de ce que nous appelons des sessions d'entraînement de niveau 1 à 7. Il apprendra les tâches de bataille individuelles normalisées, puis fera partie d'une équipe de sa section dirigée par un sergent, avec un caporal-chef comme commandant en second, et étudiera les tactiques, techniques et procédures par toute une série d'exercices militaires. Ensuite, il travaillera dans le contexte d'un peloton, puis dans le contexte d'une compagnie. Une bonne partie de cette instruction doit être dispensée en garnison avant de partir en mission.
Quand il partira en mission, il devra être prêt à travailler avec les autres en équipe, ce qui implique normalement qu'il pourra aller sur le terrain et s'entraîner au niveau de peloton. Donc, un peloton peut littéralement s'en aller et assumer la charge de son entraînement, son commandant étant normalement appelé à entraîner les jeunes sergents sous ses ordres. Et ce système s'applique tout le long de ce que vous avez vu, qui était une brigade et un commandant de brigade. Et, bien que nous faisions des choses pour contribuer à l'entraînement de ces soldats, le public primaire qui était visé était en réalité les compagnies à l'intérieur des bataillons.
Il y a donc de l'instruction qui est dispensée à de nombreux niveaux différents en même temps, parce que c'est ce que nous devons faire. Nos ressources sont limitées mais le public primaire là-bas était un niveau 4 à 5, dans un contexte de niveau 6. Pour nous, cela veut dire le niveau de compagnie au sein du groupe de bataille.
Merci.
Pourriez-vous comparer l'état de disponibilité opérationnelle des troupes avant 2001, lorsque nous étions déployés en Afghanistan, à l'état actuel? La situation est-elle différente? S'est-elle améliorée?
La situation s'est améliorée. Les gains sont toujours fragiles mais chaque jour vous apporte un nouveau défi.
Prenez l'équipement. Sans pouvoir quantifier où nous en étions en 2001 et où nous en sommes maintenant, ce que je dois vous dire, c'est que nous essayons de recouvrer tout l'équipement que nous avions en Afghanistan — c'est le groupe de transition de la mission qui s'en charge — et de le ramener ici afin de le vérifier, de le réparer si nécessaire et de le réutiliser. Cela va nous prendre environ un an. En jargon militaire, on appelle ça recharger l'Armée de terre, la préparer à repartir. Nous y veillons actuellement.
Cela dit, la disponibilité opérationnelle est une préoccupation constante car il peut y avoir chaque jour un officier ou un sous-officier qui prend sa retraite, ou quelqu'un qui obtient une promotion, et quelqu'un qui doit être entraîné pour prendre sa place. C'est donc un processus continu pour lequel nous avons inventé l'expression « instruction perpétuelle ».
Donc, si vous prenez l'ensemble de l'Armée de terre et toutes les diverses brigades, tout le monde ne suit pas d'instruction au même niveau élevé chaque jour. Nous avons un bon équipement maintenant. Nous avons des soldats et nous sommes extrêmement fiers de ce qu'ils ont fait, mais c'est un éternel recommencement.
Certes, nous pouvons être fiers de notre passé, mais nous devons faire face aux défis d'aujourd'hui. Or, nous avons des défis importants de préparation et d'instruction à relever pour adapter l'Armée de terre à tout ce que le gouvernement pourrait lui demander de faire à l'avenir.
Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup apprécié votre témoignage, major-général, et je vous en remercie. Voici quelques questions.
Vous avez dit que l'Armée a fait d'énormes progrès en ce qui concerne le respect mutuel entre l'Armée régulière et la Réserve. Cela me fait penser que ce respect mutuel n'a pas toujours été là.
Pouvez-vous nous donner des précisions?
Certainement.
Il y a 5 ou 10 ans, il n'était pas fréquent que les éléments réguliers et de réserve s'entraînent ensemble. Or, quand on ne s'entraîne pas ensemble et qu'on ne travaille pas ensemble, on ne peut pas se connaître.
Ce n'est donc pas tant une question de respect que de collaboration. Quand on travaille avec quelqu'un, quelle que soit son origine, on finit par respecter les compétences qu'il possède. Dans bien des cas, vous ne connaissiez pas la personne auparavant. Vous ne saviez pas ce dont elle était capable, et c'était en réalité la situation dans laquelle se trouvait l'Armée de terre.
L'Afghanistan a fourni ce contexte pendant les cinq à sept dernières années où un nombre important de réservistes sont venus appuyer les opérations et se sont brillamment comportés. Nous avons maintenant un niveau d'intégration et un niveau de respect qu'il importe de maintenir car il rend l'armée plus efficiente, plus efficace, et nous assure aussi un contact avec la société canadienne.
Voici une analogie que j'aime employer. Nous avons trois brigades régulières, dont nous sommes très fiers, mais elles travaillent dans trois endroits différents du pays avec quelques unités détachées plus petites. Or, il y a des réservistes dans chacune des grandes collectivités du pays. Ils ont avec les Canadiens des liens qui font qu'il est difficile pour nous de travailler dans ces grandes bases et d'être plus isolés.
Nous sommes parfaitement conscients des atouts que les réservistes nous apportent et nous ne voulons pas les perdre. Je pense que c'est là que se situe le respect aujourd'hui, par opposition au fait de ne pas travailler ensemble comme c'était le cas il y a 5 ou 10 ans.
Il y a une question que je me dois de poser. Vous avez parlé des réservistes de Terre-Neuve, ma province d'origine. Combien y en a-t-il dans la province?
Vous avez dit aussi qu'on risque de voir partir certains soldats si on ne les tient pas intéressés. Voulez-vous dire qu'ils risquent de vouloir quitter la carrière militaire?
Avez-vous essayé de calculer le nombre de soldats qui pourraient partir si on ne leur lance pas constamment des défis?
Je n'en ai aucune idée. C'est une question qu'il faudrait poser au commandement du Chef du personnel militaire qui fait ce genre d'analyses au moyen de questionnaires, par exemple. Nous avons donc certaines analyses de cette nature. Nous procédons chaque année à un examen de l'occupation militaire dans le cadre duquel nous faisons des projections à ce sujet.
À mon avis, cependant, c'est surtout intuitif. C'est une question de bon sens. Si vous donnez aux gens des choses qui les intéressent, quelque chose qui les rend heureux de se rendre au travail chaque jour, alors…
Je repense aux raisons pour lesquelles je suis devenu militaire. Je n'étais pas allé au collège militaire mais je suis entré dans l'armée un peu plus tard. Les choses qui me poussent à revêtir mon uniforme chaque jour sont les choses que nous continuons à vouloir reproduire de façon à avoir une équipe solide qui soit plus efficiente et plus efficace.
Quand vous employez l'expression « instruire pour motiver », en mettant plus l'accent sur l'entraînement dans l'Arctique ou dans la jungle, c'est surtout l'Arctique qui m'intéresse. Pourquoi de l'entraînement dans l'Arctique?
C'est à cause de l'environnement de l'Arctique. Nous disons souvent que nous nous entraînons à faire la guerre en hiver.
J'ai passé plusieurs années à Valcartier. Nous faisions parfois des exercices par -40. Je peux vous dire que -40 à Valcartier et -40 dans l'Arctique, ce n'est pas la même chose. Tant qu'on n'est pas allé dans l'Arctique, on ne peut pas savoir que la survie y est un concept totalement différent. Il faut donc y envoyer les soldats pour qu'ils apprennent à fonctionner dans cet environnement, à s'y déplacer, à s'adapter, à comprendre ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire. Si les exercices sont trop intenses sur le plan physique, ça peut mettre la vie en danger. Il y a donc des choses auxquelles nous voulons exposer nos soldats, dans ce genre d'environnement, et de l'équipement que nous voulons tester, et nous ne pouvons pas le faire au sud.
J'ai vu un jour la lame d'un chariot élévateur casser en deux par -40 et j'ai trouvé ça très instructif.
Une dernière question au sujet de l'expression « instruire pour motiver ». N'y a-t-il pas danger d'en faire trop? Si l'on entraîne les soldats pour qu'ils soient extrêmement motivés, ne risquent-ils pas d'être confrontés à des difficultés de réadaptation une fois qu'ils quitteront l'armée?
Je ne le crois pas car le soldat n'est jamais seul. Nous travaillons en équipe. Il y a des leaders à chaque niveau, des caporaux-chefs, des sergents, qui font partie de l'équipe. Donc, quand on parle d'instruire pour motiver, on veut simplement motiver assez les soldats pour qu'ils aient envie de mettre leurs bottes le matin et aller au travail.
Je suis très sensible à ce que signifie cette expression pour les jeunes. Ce n'est pas différent d'être un entrepreneur dans n'importe quelle industrie. Si les gens ne sont pas assez rémunérés, s'ils ne sont pas fiers de ce qu'ils font, si on ne leur donne pas de raison de venir travailler, ils vont voir ailleurs. C'est la réalité.
Nous avons aujourd'hui une génération de jeunes qui ont des valeurs différentes de la génération des 45 à 50 ans. Il faut comprendre que ce sont ces jeunes hommes et jeunes femmes que nous devons instruire afin qu'ils puissent aller représenter le Canada dans des opérations diverses dans le monde. Il nous faut les motiver. Il nous faut aussi les garder parce que nous avons dépensé beaucoup d'argent pour leur enseigner certaines compétences dans les Forces canadiennes. Cela nous permet d'avoir ce genre de flexibilité, cette fierté pour ce que nous faisons.
Donc, cet aspect de leur motivation ne me préoccupe pas du tout, monsieur.
Merci beaucoup. Par votre intermédiaire, monsieur le président, je tiens à remercier le témoin qui nous a permis d'assister plus tôt cette semaine à l'entraînement de nos hommes et nos femmes en uniforme.
Je voudrais réorienter un peu la discussion, toujours en parlant du niveau de préparation de nos forces armées, mais en l'abordant du point de vue humanitaire.
Il y a la 8e Escadre dans ma circonscription. Nous avons acheté l'avion de transport tactique et stratégique. Bien des gens pensent que c'est un matériel extrêmement dispendieux et se demandent si l'on devrait se servir de l'argent qu'ils ont durement gagné pour aller dans des endroits à l'étranger et faire des choses.
Toutefois, bien des gens ne réalisent pas que cela nous offre également une autre capacité, et je veux parler de Haïti. Évidemment, on peut aussi parler dans le même contexte de certaines activités dans notre propre pays, par exemple la lutte contre les inondations, les incendies de forêt, etc.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment nous nous préparons et nous entraînons pour des missions comme celle de Haïti et en quoi c'est différent des missions militaires traditionnelles, à cause de l'entraînement que cela exige et, particulièrement, du fait de nos capacités actuelles, comment notre expérience au Sri Lanka se compare à celle de Haïti du point de vue de la rapidité de notre arrivée sur la scène d'une terrible catastrophe.
J'aimerais que vous me parliez un peu de ce genre de formation car il ne s'agit pas de la mission militaire traditionnelle consistant à protéger, repousser et neutraliser, mais plutôt d'un effort humanitaire.
La réalité est que, dans bien des environnements où nous allons, comme ceux que vous avez donnés en exemples, et je ne parle pas ici des missions traditionnelles de soutien de la paix que nous avons menées en Haïti, la réaction à une catastrophe doit être extrêmement rapide. Lorsque notre capacité et notre préparation nous permettent de réagir, nous pouvons faire appel à des unités qui sont à un niveau élevé de préparation et qui ont l'habitude de travailler ensemble, afin de réagir à très court préavis.
Je me permets de vous signaler que, comme on m'a demandé deux fois d'aller outre-mer avec relativement peu de préavis, j'ai toujours mon paquetage prêt chez moi. S'il n'y avait la nécessité de signer une procuration en quelques heures, je peux être dans un avion pour aller n'importe où dans le monde. C'est quelque chose que nous essayons d'inculquer à nos soldats, de savoir s'adapter et réagir à n'importe quelle situation.
La réalité pour les soldats est cependant que beaucoup des situations dans lesquelles on peut les envoyer peuvent être bénignes, mais qu'il y en a aussi où des organisations criminelles peuvent représenter une menace, ou qu'il peut y avoir une insurrection en plein milieu d'une calamité humanitaire. Avant toute chose, les soldats doivent être capables de se défendre, et ensuite de faire ce qu'ils ont à faire. Le critère fondamental est de travailler en équipe.
Le C-17, par exemple, et le nouveau Hercule que nous achetons, nous donneront une capacité énorme d'exprimer les valeurs canadiennes en période de besoin extrême n'importe où dans le monde. Nous travaillons avec l'Armée de l'air et avec beaucoup d'organisations non militaires. Il est important de reconnaître que c'est là un facteur de niveau supérieur pour les Forces canadiennes.
En ce qui concerne l'entraînement de nos soldats, nous essayons de leur inculquer cette mentalité. Ils doivent être prêts à aller n'importe où n'importe quand pour pouvoir répondre avec les compétences acquises par leur niveau de formation pour leur permettre de réagir au plus large éventail de tâches auxquelles ils pourraient être confrontés.
Merci beaucoup.
Ce que je disais était relié à l'expérience que nous avons eue. C'était dans une situation extrêmement instable mais pas très différente de ce qui pourrait arriver dans un pays comme Haïti.
Ma question portait cependant sur le genre d'entraînement qui permet d'intervenir très rapidement, parce que nous savons que c'est ce qu'il faut faire en cas de catastrophe. Peut-être pourriez-vous nous dire si nous avons la capacité de le faire? Vous avez mentionné le C-17 qui nous évite de devoir faire la queue pour louer un Antonov afin d'aller quelque part.
En particulier, pourriez-vous nous expliquer un peu comment nous transférons une EICC de Kingston à Trenton? Les gens sont-ils continuellement entraînés à l'assemblage et au désassemblage de trousses de purification de l'eau et de choses comme ça?
En bref, on les entraîne pour des choses comme ça. C'est un niveau supérieur au mien, du point de vue de l'entraînement, parce que c'est un volet opérationnel. C'est en fait le commandant de la 1re Division du Canada qui a l'EICC et la tâche d'évacuer des non-combattants, par exemple. Mais nous entraînons nos gens. Nous les maintenons à un niveau de préparation supérieur. Dans l'une de mes organisations, qui est aussi à Trenton, le Centre d'instruction supérieure en guerre terrestre, nous avons des parachutistes qui ont pour tâche d'être prêts. Leur paquetage est vérifié chaque jour et ils sont prêts à réagir sur le champ à une catastrophe aérienne, par exemple. Il y a plusieurs organisations concernées, et tout cela est basé sur une tâche qui vient du gouvernement du Canada et descend le long de la chaîne de commandement. Nous nous entraînons continuellement à ce genre de choses.
Je peux vous relater quelque chose qui est arrivé à Terre-Neuve. Je planifiais un exercice pour les soldats au moment même où l'unité était déployée à partir de Gagetown pour rejoindre des réservistes. J'avais prévu à leur intention un exercice qui était très similaire à ce déploiement. Quand je leur ai dit de partir, ils savaient qu'il allait se passer quelque chose en bout de ligne.
Ça doit faire partie de notre culture.
J'espère avoir répondu à votre question.
Merci, monsieur le président.
Général Bowes, merci encore pour l'expérience du début de la semaine. Nous avons tous été fort impressionnés.
Pouvez-vous nous dire comment se compare l'investissement que nous effectuons dans la disponibilité et la préparation de nos soldats par rapport à ceux de nos principaux alliés, ceux qui font des déploiements semblables aux nôtres? Je sais qu'il est très difficile de quantifier en dollars et en statistiques solides combien nous investissons dans l'entraînement et la préparation, mais comment nous comparons-nous à ce chapitre aux États-Unis, au Royaume-Uni, à la France, aux Pays-Bas et aux autres alliés fortement déployés?
Merci de votre question. Il est très difficile d'y répondre.
C'est comparable à nos alliés, comme on peut s'y attendre, mais chaque nation a ses propres caractéristiques. L'Armée américaine est tellement énorme qu'elle est totalement à part à ce chapitre. Elle peut être beaucoup plus spécialisée. Nous, nous devons être plus généralistes. Nous avons moins de soldats et nous leur demandons de faire plus. Par exemple, nous formons des subalternes pour qu'ils soient capable de remplacer leurs supérieurs au pied levé. Cela nous donne plus de flexibilité institutionnelle.
L'entraînement coûte cher. Maintenir une armée, régulière et de réserve, sur le pied de guerre coûte de l'argent. Nous essayons d'avoir un système de disponibilité gradué. Nous ne sommes plus à l'époque de la Guerre froide, quand un nombre énorme de soldats était toujours prêt à aller faire face à cet ennemi. Nous essayons d'avoir un système rendant cela prévisible, de modérer le tempo, d'équilibrer les cours individuels et les cours de carrière qui sont nécessaires, et d'intégrer là-dedans l'éducation militaire professionnelle, mais cela veut dire que l'Armée de terre est continuellement en cycle de formation, lequel est géré par les brigades, les unités et les sous-unités, dans toute la hiérarchie.
Je dirais, en essayant de replacer ça dans le contexte américain, que nous sommes peut-être plus comparables aux Hollandais. Pour ce qui est des Britanniques, il me serait très difficile de faire la comparaison en ce moment parce que je n'ai pas eu de contact avec eux et qu'ils procèdent à de profonds changements. Il faut donc comprendre que nous soutenons très certainement la comparaison, mais que ça coûte de l'argent.
Vous avez peut-être une question plus précise à me poser.
Non, cette réponse me convient très bien.
Ce que nous avons vu à Wainwright, c'était de l'instruction collective dans le cadre de l'instruction de base. Évidemment, certaines unités s'entraîneront pour un niveau de préparation élevé cette année et l'an prochain pour une mission qui n'a pas nécessairement encore été définie, à la différence des rotations successives en Afghanistan, ou même en Libye.
Nous avons vu à Wainwright une sorte de scénario hybride, avec certains éléments qui étaient peut-être familiers à ceux des soldats qui étaient allés en Haïti. Certains éléments rappelaient la Libye, surtout l'élément air. Certains rappelaient l'Afghanistan.
Pour quel genre de mission à niveau de préparation élevé prépare-t-on un groupe de bataille dans l'Armée canadienne en 2011-2012?
Nous essayons de préparer un groupe de bataille pour un combat d'intensité moyenne dans toute la gamme des opérations. D'un côté, il pourrait s'agir d'une mission d'assistance humanitaire pour une population locale, et, à l'autre extrême du spectre, d'opérations de combat d'intensité moyenne avec des chars d'assaut, des blindés et de l'artillerie. Ça couvre toute la gamme. Nous essayons de leur inculquer des éléments génériques et nous les exposons aux particularités des besoins et des cultures sans les exposer nécessairement à une culture particulière ou à un champ d'opération donné. Autrement dit, ça ajoute quelque chose à quoi ils doivent réfléchir.
Nous avons toujours le groupe de bataille au coeur de notre doctrine. Nous avons vu aux États-Unis, certainement pour l'Afghanistan et l'Irak, et aussi de plus en plus chez nos alliés européens, que la brigade de combat est l'unité de mesure dominante pour la préparation et notre contribution. Évidemment, l'Armée canadienne est plus petite mais nous formons des gens pour commander des brigades. Devrions-nous avancer vers au moins un certain niveau de focalisation sur la préparation d'équipes de combat en brigade?
Absolument. En fait, je dirais que c'est ce que nous faisons. Bien que nous nous exprimions en disant que le 1er Groupe de bataille est la pierre angulaire, la brigade, qui est le noyau d'un groupe opérationnel, est la seule pièce. Nous sommes une armée de formations, pas une armée de groupes de bataille. Nous sommes une armée de formations parce que c'est la pièce qui rassemble tous ces facteurs habilitants.
En Afghanistan, il y avait une brigade. Elle avait peut-être une équipe de reconstruction provinciale. Elle avait des soldats qui faisaient partie de l'équipe opérationnelle de mentorat et de liaison. Mais avec toutes ces autres ressources sur le théâtre, la formation rassemble le tout. Sans cela, vous ne pouvez pas coordonner tous les éléments qui constituent une équipe de l'ensemble du gouvernement dont, d'un point de vue militaire, nous ne sommes qu'une seule tranche travaillant par le truchement de nos représentants supérieurs.
J'aimerais moi aussi poser quelques questions, avant d'entamer le troisième tour.
Quand nous étions à Wainwright, l'une des choses qui ont retenu mon attention dans l'un des exposés, du colonel Thomas, je crois, était tout le changement de paradigme dans la manière dont vous vous entraînez. Vous voulez maintenant être prêts à faire face à un quasi-pair en préparation à la bataille, plutôt qu'à une insurrection, ce sur quoi nous nous sommes concentrés pendant les cinq ou dix dernières années.
Pouvez-vous nous dire en quoi cela change l'instruction? Nous avons vu le résultat final, avec des soldats travaillant ensemble comme brigade entière, comme groupe de bataille, mais comment cette instruction de quasi-pair est-elle dispensée à partir du niveau le plus bas en allant jusqu'aux différents régiments?
Les soldats doivent se préparer à l'attaque et à la défense. Les opérations de contre-insurrection que nous avons menées dans le passé étaient très différentes. Les menaces auxquelles ils étaient exposés, bien que malheureusement si létales, étaient de nature différente. Aujourd'hui, quand vous êtes dans un environnement où vous êtes préoccupé par la présence d'un quasi-pair, vous ne devez pas seulement surveiller chaque côté de la route pour voir s'il n'y a pas un EEI ou, peut-être, une bombe humaine, vous devez aussi voir s'il n'y a pas d'autres systèmes d'armement qui pourraient avoir un effet négatif.
Le scénario que vous avez vu avec un autobus scolaire, comme exemple, avait aussi la présence d'autres forces militaires dans le secteur. Donc, quand ils ont réagi, ils l'ont fait d'une manière qui leur a dit qu'il y avait d'autres personnes dans le secteur avec des systèmes d'armement pouvant les atteindre de loin. Cela imposait un autre niveau de résolution de problème tactique par lequel le commandant a dû passer dans son analyse. Comme c'était au tout début de son instruction, c'était un excellent scénario à lui présenter parce qu'il serait ensuite capable de l'analyser en détail dans sa tête.
Les questions de temps et d'espace sont très différentes quand on est dans des situations de quasi-pair. L'ennemi peut se tenir à distance et vous devez constamment vous interroger non seulement sur l'environnement immédiat mais aussi sur ce qu'il pourrait y avoir derrière la colline. Et c'est ce que nous essayons d'inculquer.
Nous avons pu voir à Wainwright que vous intégrez les leçons apprises, mais comment choisissez-vous aujourd'hui un exemple pour un exercice en sachant ce qui se passe dans le monde? Comment utilisez-vous le renseignement interne sur ce qui se passe du point de vue des affaires mondiales pour déterminer le genre d'exercice que vous devriez intégrer à l'entraînement?
Nous ferons cela cette semaine, au sens où le scénario que vous avez vu était évolutif. On monte d'un cran chaque jour pour arriver au point où des soldats en uniforme des forces ennemies ont traversé la frontière à l'intérieur du centre d'entraînement aux manoeuvres de Wainwright, et cela va forcer notre commandant à entreprendre un exercice d'analyse tactique délibérée. Il y aura d'autres forces blindées et d'autres soldats d'infanterie — des soldats réguliers, pas des irréguliers — et il devra en tenir compte au même moment où apparaîtra une menace possible d'activité insurrectionnelle le long de ses lignes de communication. Nous préparons donc ça maintenant.
Voilà ce que nous voulons dire quand nous parlons du spectre complet des opérations. C'est là que nous insérons un quasi-pair. En théorie, il aura assez de forces pour surmonter le problème mais, s'il ne le surmonte pas de la bonne manière, il apprendra certaines leçons très dures.
En poursuivant notre étude du niveau de préparation, nous allons parler à des représentants d'autres segments des forces armées, de la Marine royale canadienne et de l'Aviation royale canadienne. Dans votre rôle de commandant de la doctrine de l'Armée de terre, comment assurez-vous l'interaction avec ces deux autres armes?
Comme les opérations à Kandahar étaient axées sur l'action terrestre, les relations se sont développées plus du côté aviation. Évidemment, nos pilotes pilotaient des Chinooks et des Griffons et réapprovisionnaient le terrain d'aviation, ce qui a engendré un niveau de travail d'équipe qu'on a reproduit dans un environnement d'instruction collective.
La doctrine existe pour que nous menions des opérations poussées avec la Marine royale canadienne. Le problème pour nous est simplement que c'est une plate-forme et une occasion d'entraînement. Nous travaillons dans le contexte d'autres scénarios d'exercice, que ce soit sur la côte du Pacifique ou la côte de l'Atlantique, et nous établirons donc un lien avec elle.
Lors de mon récent conseil d'instruction de l'Armée de terre, j'avais des représentants de l'aviation, de Commandement Canada, etc., et nous avons réfléchi aux occasions futures d'instruction. Dans mon poste, il est très difficile de suivre ce que nous faisons sur une base quotidienne dans une armée de terre. J'essaye en fait de planifier 12 à 24 mois à l'avance pour identifier les occasions d'entraînement qui nous aideront à nous préparer, et d'aligner ensuite les ressources voulues pour pouvoir travailler ensemble.
Merci.
Nous entamons un troisième tour puisque nous en avons le temps.
Qui veut commencer, du NPD?
Madame Moore.
[Français]
Plusieurs analystes considèrent qu'il est nécessaire de profiter de la période de l'après-Afghanistan pour faire une refonte générale des Forces canadiennes. Dans son rapport sur la transformation de l'État, le lieutenant-général Leslie proposait de réaffecter 3 500 fonctionnaires à des tâches plus importantes, de diminuer le nombre de personnes dans les quartiers généraux et de diminuer le financement des Forces canadiennes.
Croyez-vous que ces suggestions de refonte pourraient assurer le maintien en disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes ou cela risquerait-il de le compromettre?
Madame, c'est une question hypothétique. C'est bien loin de mes responsabilités.
[Traduction]
Il y a beaucoup d'initiatives dont on discute quotidiennement, et il est important que le haut commandement des Forces canadiennes, les membres civils du ministère et nos chefs politiques en discutent de manière exhaustive et franche. Par contre, dans le contexte du rapport du général Leslie ou de certaines des autres initiatives, il y a un niveau qui me dépasse. Je travaille littéralement sous la gouverne du lieutenant-général Devlin, le commandant de l'Armée de terre, et je travaille avec l'enveloppe de ressources qu'on lui donne. Mais il y a entre lui et les autorités supérieures du ministère un niveau avec lequel je ne travaille pas, en qualité d'instructeur.
Il y a beaucoup de discussions dont je ne sais rien. Je n'en fais pas partie. Il y a des choses que même le général Leslie lui-même lance dans la nature. Il pourrait dire qu'il y a toute une panoplie, un buffet d'idées, de choses à prendre en considération. Actuellement, c'est en cours de digestion et d'analyse au niveau ministériel et c'est loin d'arriver à mon niveau. C'est tout ce que je peux vous dire.
[Français]
Selon vous, y a-t-il certains corps de métier de la force terrestre qui ont vécu des difficultés de recrutement, qui ont présentement de la difficulté à être opérationnels à cause du nombre de membres, ou qui sont dans une situation plus critique que d'autres?
[Traduction]
Dans le système des Forces canadiennes, la Direction médicale travaille pour le médecin-chef. Vous avez vu mardi des médecins qui travaillaient bien, surtout à l'hôpital. Ils travaillent avec nous mais ils ne font pas vraiment partie de la chaîne de commandement de l'Armée de terre. Je n'ai aucune connaissance de leurs problèmes de recrutement. Le recrutement relève du chef du personnel militaire et du Groupe de recrutement des Forces canadiennes.
Je suis cependant prêt à dire que le recrutement est une préoccupation constante. C'est l'une des choses que nous avions bien faites, dans le passé, de temps à autre, mais que nous avons ensuite laissée un peu en plan. Nous avions fait certaines hypothèses mais avons constaté ensuite que nous devions consacrer plus de ressources au recrutement. Partout dans les Forces canadiennes, mais surtout dans l'Armée de terre, nous devons consacrer un effort constant au recrutement.
En ce qui concerne la chaîne médicale, je n'en connais pas du tout les diverses professions ni le statut. C'est au médecin-chef qu'il faudrait poser cette question, ainsi qu'au chef du personnel militaire.
[Français]
Sauf erreur, à l'heure actuelle, tous les corps de métier qui relèvent de votre chaîne de commandement sont opérationnels et ne connaissent pas de pénurie.
[Traduction]
Il y a certaines pénuries. On peut former des officiers, on peut former des soldats, des sous-officiers, mais il y a certaines professions… Nous manquons, par exemple, d'officiers de l'arme blindée alors que nous avons un effectif complet d'infanterie. Ce n'était pas le cas il y a trois ou quatre ans. Ces choses fluctuent à l'intérieur du spectre.
D'un point de vue global, le niveau actuel des effectifs de l'Armée de terre est assez bon, mais c'est parce que nous faisons vraiment bien dans certaines professions, et moins bien dans d'autres. Nous essayons d'équilibrer cela sur une base constante mais c'est toujours un défi. Nous avons des problèmes avec les techniciens de véhicules. Nous essayons de le résoudre en recrutant et en qualifiant des individus pour l'Armée de terre.
Nous avons nos problèmes, c'est incontestable, mais, au-delà du seul recrutement, il y a certains trous dans les grades. Il y avait pénurie dans certains grades pour lesquels nous devons dispenser plus de cours, et c'est parce que nos soldats n'étaient pas disponibles durant les quatre ou cinq dernières années parce qu'ils retournaient constamment en opérations. Ça fait partie de la réinitialisation. Nous ramènerons certains individus et essaierons de leur faire reprendre leur cheminement de carrière de façon à pouvoir prendre un caporal-chef et en faire un sergent, ou prendre un sergent et en faire un adjudant.
[Français]
Vous avez répondu plus tôt à une question de mon collègue M. Strahl sur la formation et la manière dont elle était ajustée à la situation. J'aimerais que vous nous parliez davantage de la formation des officiers. Comment a-t-elle été ajustée au fil du temps à la nouvelle réalité que vivent nos Forces canadiennes?
[Traduction]
C'est une excellente question.
À titre d'exemple, on disait dans le rapport Granatstein, il y a quelques années, que les officiers n'avaient pas de diplômes et avaient besoin d'une éducation plus formelle, ce qui serait bénéfique au corps des officiers. L'Armée — les Forces canadiennes — a lancé un processus délibéré.
Plus récemment, même durant la période 2003-2005, avant l'Afghanistan, nous avons entrepris un programme de renouvellement de l'éducation militaire professionnelle. Les anciens PEMPO, comme on les appelle, en sont un exemple. Sur divers sujets, comme l'incidence de la science et la technologie sur la guerre moderne, ou le système d'approvisionnement, ou quoi que ce soit d'autre, nous formons ces officiers. C'est ce que nous appelons la qualification d'état-major d'officier subalterne de l'Armée de terre, qui relie tous les différents cours. Nous renouvelons continuellement nos cours et notre éducation militaire professionnelle.
Quand j'étais commandant du Centre d'instruction au combat, à Gagetown, j'ai inventé l'expression que beaucoup utilisent maintenant, c'est-à-dire que l'état de stabilité n'existe pas. Chacun nos cours est un projet pilote. Ce que ça veut dire, c'est que nous devons être honnêtes et réfléchir à ce que nous venons juste de faire et nous assurer que la prochaine série est prête à démarrer. Nous avons des programmes d'éducation et d'entraînement en évolution constante.
Nous avons examiné en profondeur notre cours des opérations de l'Armée de terre, qui est le cours le plus important du corps d'officiers. Il est dispensé au collège d'état-major de Kingston. Autrefois, c'était un cours donné totalement en résidence. Maintenant, il y en a une partie importante, d'une durée de sept semaines à peu près, qui est dispensée par enseignement distribué. Les officiers restent chez eux et cela nous permet d'harmoniser l'instruction des réservistes à celle des forces régulières, avec des sujets similaires, bien que les cours soient dispensés par des membres différents du personnel d'instruction. Cela nous permet de focaliser plus ce que nous faisons dans le volet en résidence sur la formation opérationnelle. Nous avons donc évolué.
Nous essayons d'introduire de plus en plus de simulations et de plus en plus de technologie dans l'instruction, mais nous tenons à nous assurer que ça reste très concret. Chaque jour, nous essayons de nous assurer que l'équilibre entre l'éducation et l'instruction individuelle se situe à l'intérieur de l'enveloppe d'expérience.
J'aimerais donc croire que nous avons bien répondu. Nous consacrons beaucoup plus de temps à ces sujets, comme le droit du conflit armé, qu'il y a 10 ou 15 ans.
Merci, monsieur le président.
Général, Mme Fry vous a interrogé, et je pense que ça mérite qu'on y revienne un peu, sur les valeurs canadiennes appliquées à l'étranger dans les missions. Je pense que nous convenons tous que nous avons une bonne fondation qu'on appelle l'éthique militaire. Pourriez-vous préciser comment nous l'enseignons de façon à renforcer ces valeurs dans le cadre de ce programme particulier?
Absolument. Il existe un manuel de doctrine, intitulé L'Armée de terre du Canada, qui expose ces valeurs. Je ne vais pas vous le décrire mais sa lecture est obligatoire pour tout le monde. C'est la pierre angulaire de nos attentes. Nous nous attendons à ce que les soldats canadiens, où qu'ils arrivent, représentent cette éthique et reflètent les valeurs que les Canadiens veulent que nous représentions. C'est une chose que nous ne devons jamais oublier. Nous devons nous assurer, jour après jour, à mesure que nos soldats s'entraînent et se préparent à des opérations, qu'ils comprennent qu'ils sont d'abord des Canadiens et qu'ils sont représentatifs des Canadiens. C'est ce qu'exprime cette éthique.
Parfait.
Revenons maintenant à « instruire pour motiver », mais au sujet des réservistes. Comme vous le savez, nous avons eu des périodes différentes d'interaction entre la Force régulière et la Réserve. Les années 1970 ont été positivement comiques, très franchement, tout comme les années 1980, jusqu'à ce qu'on arrive au début des années 1990 et à la Bosnie. Ensuite, d'un seul coup, il a fallu trouver des effectifs supplémentaires pour exécuter les missions, comme en Afghanistan — avec 20 p. 100 à 25 p. 100 de réservistes, selon la mission — et ça a continué jusqu'à maintenant. Nous venons donc d'avoir près de deux décennies de ce genre d'intégration, ce qui est excellent.
Toutefois, comme vous l'avez dit, nous voulons prévenir le plus possible l'étiolement des compétences. Nous n'aurons pas de solutions à 100 p. 100 pour ça, ce n'est jamais possible. Cela dit, quelles mesures prend-on actuellement pour le système d'instruction de la Réserve? Nous avons le système PD, mais n'y a-t-il de la flexibilité ou envisage-t-on d'autres choses, comme mettre des réservistes dans les séries de cours de la Force régulière — disons, le COAT —, ou faire suivre à un certain nombre d'officiers de réserve, s'ils sont disponibles, tout le cours des sept ou huit semaines, et ce genre de chose? Vous voyez ce que je veux dire?
Oui, monsieur, absolument.
Nous faisons cela maintenant et, si un réserviste est disponible pour le COAT, il peut tout à fait y participer. Nous faisons cela sur plusieurs fronts différents. Nous le faisons aussi comme je l'ai déjà mentionné, c'est-à-dire en entraînant les membres de la Force régulière et de la Réserve selon la même norme, mais pas nécessairement pour les mêmes tâches. Nous essayons donc d'harmoniser le système dans un format modulaire pour permettre aux réservistes de faire ça. Cela nous donne l'assurance que, si un réserviste doit partir en opérations, il passera par le même processus délibéré de préparation à un niveau élevé. Nous compléterons la formation qu'il a déjà obtenue afin qu'il soit bien préparé.
Considérant la manière dont l'Armée de terre a relancé le régime d'entraînement collectif, nous avons maintenant des unités de la Réserve qui s'entraînent à côté d'unités régulières dans un contexte ou un scénario qui leur est bénéfique. Nous appliquons aussi les normes d'entraînement collectif plus formellement aux unités de la Réserve.
Par exemple, dans mon poste précédent, nous avons déployé le groupe de bataille territorial de la Réserve, la 36e brigade de Halifax, à l'Île-du-Prince-Édouard pour un exercice dans la région de Summerside. Nous avions le soutien aérien de l'Aviation royale canadienne. Nous avions des navires de la défense côtière dont l'un a servi au transport des troupes. Nous avions donc les armées de terre, de mer et de l'air qui travaillaient ensemble avec la Réserve. C'est un phénomène énorme. Même s'il s'agissait d'un entraînement de fin de semaine, c'était selon un scénario normal. Donc, au niveau de la compagnie, les jeunes soldats ont pu faire des choses très stimulantes. En même temps, à un niveau plus élevé, j'avais une situation de réaction domestique où j'exerçais le commandement et le contrôle de cette brigade de la Réserve et du groupe de bataille territorial pour vérifier qu'ils pourraient répondre et s'organiser en temps de crise, tout comme ils l'avaient fait à Terre-Neuve, lorsqu'il s'agissait d'une autre brigade.
Il est parfois très difficile à un réserviste de suivre tous les cours d'instruction prévus, parce que beaucoup ont des emplois à temps plein, comme vous le savez, et il faut donc parfois à un officier plusieurs années pour pouvoir suivre tous les cours. A-t-on envisagé des mesures spéciales pour les CO et EO sur une base de FCE si vous êtes déployés ou allez en renfort du 3e RCR, disons, pendant six mois dans un poste…
Oui. Dans le cadre d'un processus de révision sain, nous exécutons en ce moment un autre niveau de révision pour nous assurer que notre octroi d'équivalences, si vous voulez, est équitable et basé sur le niveau de service et les compétences de l'individu. C'est une constante.
Il y a toujours des systèmes de contrôle. Nous veillons à ne pas créer deux groupes différents, au sens où nous ne voulons pas que ceux qui partent en opérations se considèrent comme membres de deux composantes différentes de l'Armée de terre car il n'y en a vraiment qu'une aujourd'hui. Il faut trouver le juste milieu. Nous tenons compte des compétences chaque fois qu'un soldat est transféré. Nous employons un format, une méthodologie, qui nous permet de tenir compte de toutes les compétences, des cours suivis, et de déterminer ce qu'il faut compléter. Et c'est une évaluation du risque du point de vue de l'institution. Nous pouvons accepter plus de risque aux niveaux inférieurs. Plus on monte dans la hiérarchie, moins on doit accepter de risque car on n'a pas alors nécessairement le temps de faire le rattrapage.
En matière de formation, vous avez dit que nous employons essentiellement le SICA à Wainwright mais vous avez dit que le 2e RCR assure l'entraînement pour la prochaine rotation qui partira à Kaboul. Donc, c'est encore l'entraînement COIN.
Ce n'est pas l'entraînement COIN au sens afghan comme quand ils partaient à Kandahar. Ils s'entraînent à devenir des entraîneurs, des mentors, des conseillers et des développeurs de capacité. C'est une mission d'entraînement et nous les préparons donc avec ces compétences.
Ils s'en vont dans un environnement où il y a encore des menaces et où il y a encore un ennemi, et c'est donc un environnement de combat en Afghanistan, même si nous n'y menons pas d'opérations de combat offensives. Nous leur inculquons les compétences nécessaires pour qu'ils puissent se défendre et nous nous assurons d'avoir le nombre voulu de soldats qualifiés en combat tactique et en traitement des blessés, pour qu'ils puissent assurer les premiers soins et les choses de ce genre. Voilà les éléments qui font partie de l'ensemble.
Il y a aussi l'élément de sensibilisation culturelle car, par exemple, nous avons été concentrés à Kandahar où la grande majorité de la population est pachtoune. Bien que nos soldats travaillent avec l'Armée nationale afghane et avec la police, dont les membres ne sont pas tous des pachtounes, ils peuvent avoir à traiter avec des gens de Kaboul d'origine ethnique différente, et il y a des choses à prendre en compte dans ce contexte.
Je sais que ça concerne plus le CPM mais, selon vous, quel est le taux d'attrition actuellement, après les missions...
Je ne sais pas. J'ai un poste d'entraîneur. Quand je suis sur le terrain, j'emploie comme analogie que j'entraîne les joueurs qu'on m'a donnés. Je ne m'intéresse qu'à cette équipe dans le contexte de l'Armée de terre.
Le reste, ça relève du directeur général et du directeur du recrutement des joueurs. Ils risquent de se froisser si je m'aventure dans ce domaine-là, et je tiens à garder mon poste.
Merci.
J'ai quelques brèves questions pour vous, général. Quand nous étions à Wainwright, vous nous avez dit que vous avez besoin de plus de coopération et de plus d'instruction avec les autres ministères du gouvernement du Canada. Pouvez-vous nous donnez quelques précisions à ce sujet?
Quand nous partons en mission, quel que soit l'environnement, nous savons que nous allons devoir travailler avec d'autres ministères.
Le problème que nous avons maintenant est que, sans l'opération en temps réel, comme nous en avions en Afghanistan, tout le monde est extrêmement occupé. Nous n'avons pas tout le personnel et nous employons donc des acteurs et d'autres militaires avec certaines compétences. Par exemple, si je n'occupais pas ce poste, et comme j'ai été commandant d'une équipe de reconstruction provinciale, je pourrais jouer plusieurs rôles différents dans le contexte de l'exercice.
Nous employons ces gens pour simuler des rôles. Nous simulons toujours une équipe représentant la totalité du gouvernement dans le contexte de l'exercice, même si les ministères ne sont pas tous totalement représentés.
Nous comprenons leurs problèmes, et ceci n'est aucunement une critique. La réalité est que nous voulons simplement être préparés parce que nous avons appris de dures leçons en 2005-2006. Bâtir l'équipe a pris du temps et nous ne voulons pas perdre ça.
Nous achevons la mission à niveau tel que, quand j'étais à Kaboul et que j'écoutais les membres de nombreuses autres nations qui se retirent, je les entendais dire que ce que fait le Canada est exemplaire du point de vue de la manière dont tous les membres de l'équipe, pas seulement les militaires mais les militaires et les civils, travaillent ensemble. Je ne voudrais pas que nous soyons obligés de réapprendre ces leçons.
Merci.
Une dernière question qui nous sera utile au cours de nos études, je le sais.
Le gouvernement du Canada a mis en oeuvre la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant les femmes, la paix et la sécurité. J'aimerais savoir si vous avez apporté des changements à l'instruction afin de la mettre en oeuvre, et si cela a eu une incidence quelconque sur l'instruction au sein de l'Armée de terre.
C'est la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies que le gouvernement du Canada a mise en oeuvre. Elle s'applique à tous les ministères fédéraux pertinents. Elle concerne les femmes, la paix et la sécurité, et je me demande si elle a produit des changements...
Absolument.
Du point de vue de ce que nous faisons, de l'entraînement des soldats, ce qui est une merveilleuse manière de n'être pas sexiste
Nous respectons la diversité. L'Armée de terre en est maintenant à une étape dont nous sommes très fiers, au sens où les débats des années 1990 sont vraiment chose du passé. En fait, si vous entendez quelqu'un parler d'une manière… Nous lui demanderions de partir car nous avons beaucoup évolué.
Mais nous formons des soldats. Quel que soit leur sexe, ils doivent être capables d'utiliser une arme pour se défendre et de soutenir les membres de leur équipe. C'est donc dans ce contexte. En outre, dans le contexte des opérations, on peut prendre l'exemple de l'Afghanistan mais, pour prendre l'autre extrême, nous tenons compte des sensibilités culturelles, des divers aspects culturels du secteur d'opérations, de la nature des relations entre les hommes et les femmes dans cet environnement, afin de ne choquer personne. Pour prendre l'exemple, j'ai dit que nous ne voulons pas causer de mal. Avant tout, ne causer aucun mal. C'est l'une des choses que nous prenons en considération.
Je suis pas sûr que ça répond vraiment à votre question.
Elle fait suite à l'une de celles que vous avez posées.
Messieurs, nous avons un peu discuté de cela à Wainwright. Il s'agit de la réalité que vous, moi et d'autres autour de cette table avons vécue en Afghanistan. L'une des grandes différences entre les missions récentes — en Haïti, en Libye, en Afghanistan, et des missions plus petites en Afrique, et même des missions comme la mission récente dans les Balkans — et les missions du passé, et certainement par rapport à la Corée et aux guerres mondiales, est qu'il y a un nouveau principe d'organisation des missions récentes, qui est que nous appuyons le gouvernement local. Nous n'allons pas dans un environnement où l'ONU détient le pouvoir administratif — et le Canada n'a été nulle part récemment en qualité de puissance occupante. Nous sommes là pour appuyer. Cela engendre une nouvelle série de défis en matière d'instruction et de préparation, et il est évident que vous parvenez à les relever.
Pourriez-vous résumer — et c'est relié à la question du travail avec les autres ministères — dans quelle mesure la doctrine d'instruction a changé pour refléter la nouvelle réalité voulant que, souvent, dans votre centre d'opérations, dans votre QG de brigade, dans votre QG de division, vos principaux interlocuteurs sont des ministres du gouvernement local, ou des généraux, ou la société civile, ou même le secteur privé du pays d'accueil? Les premiers problèmes que vous rencontrez dans ce contexte sont de gagner leur confiance, de travailler en partenariat avec eux, d'identifier ceux qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas, et de toujours maîtriser cet aspect de la mission. Cela représente-t-il le coeur de l'instruction et de la préparation comme nous conviendrions probablement que ça devrait l'être?
C'est proche du coeur et, de cette manière, je pense que c'est manifestement un atout que les Canadiens apportent à la table quand ils s'en vont outre-mer. Je l'ai vraiment constaté parmi des soldat très jeunes et juniors, dans la manière dont ils approchent les gens, dans la manière dont ils se conduisent en travaillant dans des environnements divers, et même dans les environnements d'entraînement.
Cela m'a été rappelé lorsque nous avons mené une mission d'entraînement de certaines des nations des îles des Caraïbes. L'un de leurs officiers est venu me dire qu'il admirait les Canadiens parce que nous leur parlions de la bonne manière.
Je pense que c'est simplement naturel pour les Canadiens, et je pense que c'est très important de mettre cela en exergue parce que, quand nous arrivons, l'une des choses les plus difficiles est d'entraîner les soldats à un niveau de combat pour là où ils doivent aller. Quand nous bâtissons à partir de ça, et quand je vois le contexte de votre question, je me dois de préciser que nous travaillons toujours dans un esprit d'équipe. Nous en sommes conscients. C'est pourquoi, par exemple, certains réservistes qui passent tellement peu de temps dans l'Armée de terre ont été capables de répondre brillamment dans des opérations domestiques.
La doctrine a-t-elle été modifiée? Au niveau supérieur, je pense que ça n'a fait en réalité que renforcer ce que nous avions déjà. Ça nous a permis d'examiner ça, sur la base de l'éthique de l'Armée de terre, comme exemple, où nous considérons que la diversité au Canada est un atout. Quand nous travaillons dans des équipes, dans des coalitions, nous pouvons évidemment trouver des choses qui nous divisent et qui causent des frictions, mais il y en a toujours plus qui nous unissent. Nos hommes et femmes en uniforme à l'étranger m'ont montré que nous avons probablement plus en commun les uns avec les autres qu'avec beaucoup de nos propres secteurs de la société chez nous.
Donc, je pense que cela a amplifié certains aspects de la doctrine existante, et il est évident qu'il y a des éléments qui ont changé, mais je pense que cela a été simplement une évolution graduelle et que cela a été beaucoup influencé, pas tellement par les opérations, nécessairement, mais par qui nous sommes comme Canadiens. Par rapport à qui nous étions il y a 15 ou 20 ans, il y a eu une évolution graduelle du Canada et de nos valeurs, et ce sont les gens qui arrivent maintenant chez nous pour vous représenter.
Merci.
Je crois comprendre que la cloche va se mettre à sonner.
Je sais que vous avez un horaire incroyablement chargé, général, et que vous allez repartir en Alberta. Je vais donc mettre fin à la séance un peu plus tôt pour vous donner un peu plus de temps.
Vous avez parlé d'entraîner pour motiver, et votre enthousiasme est contagieux. Je ne vois pas comment des soldats pourraient ne pas être motivés avec tout l'excellent travail que vous faites. Je comprends que vous avez le devoir de veiller à ce que nos soldats soient correctement formés afin d'aller faire leur travail où que ce soit de la manière la plus efficace et la plus sûre possible.
Merci beaucoup d'avoir pris sur votre horaire très chargé pour venir nous rencontrer, pas seulement ici, aujourd'hui, mais aussi à Wainwright où vous nous avez accueillis et montré combien nos soldats sont vraiment des soldats de première classe. Ce sont les meilleurs des meilleurs, et nous allons veiller à ce qu'ils puissent faire le travail que le gouvernement leur demande de faire de temps à autre.
Sur ce, merci beaucoup.
La séance est levée.
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