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La séance est ouverte. Nous accusons quelques minutes de retard. Nous poursuivons notre étude du maintien en disponibilité opérationnelle des Forces armées canadiennes et nous accueillons parmi nous aujourd'hui tout un groupe d'universitaires.
Premièrement, nous accueillons M. David Bercuson, directeur du Centre for Military and Strategic Studies, de l'Université de Calgary, .
Se joint également à nous le vice-amiral Gary Garnett, maintenant à la retraite, qui occupe une poste de chercheur universitaire au Centre d'études sur les politiques étrangères.
Enfin, nous recevons M. Stéphane Roussel, professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes, de l'Université du Québec à Montréal, qui est accompagné de son adjoint à la recherche, le professeur Battiss.
Bienvenue à vous tous.
Nous allons entendre de vous quelques brèves déclarations pour lancer la discussion.
Monsieur Bercuson, commencez donc, je vous prie.
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Merci beaucoup. Je n'en ai pas long à dire, ce qui facilitera sans doute de beaucoup les choses pour tous les autres participants ici ce matin.
J'ignorais que vous discutiez plus particulièrement du maintien en disponibilité opérationnelle. Il me faut dire, avec tout le respect que je vous dois, que je ne sais pas très bien ce que cela signifie. Je croyais que je viendrais ici pour vous parler des capacités des forces canadiennes; je suis certain que ce que j'ai à vous dire débordera facilement sur le maintien en disponibilité opérationnelle.
Je me demande depuis quelque temps déjà pourquoi nous éprouvons au Canada tellement de difficulté à établir ou à appliquer de façon durable une politique de défense. Je pense qu'il y a en gros trois raisons à cela.
Premièrement, toute menace directe au Canada est, bien sûr, une menace abstraite. Nous ne nous sentons pas menacés dans la partie du monde dans laquelle nous vivons, contrairement à d'autres pays, comme l'Australie. Nous nous percevons comme une nation qui participe à des opérations avec des alliés pour des raisons d'intérêt national, qu'il s'agisse de guerres totales ou de petites guerres, comme cela a été le cas en Afghanistan, mais cela relève, encore une fois, de l'abstrait, du fait qu'il n'y a pas d'incidence directe sur les citoyens canadiens. Les Canadiens ne voient pas réellement les menaces à moins qu'il ne s'agisse de grandes guerres. Mais, dans le cas de guerres comme celle que nous sommes sur le point de conclure en Afghanistan, il est plus difficile pour les Canadiens de comprendre ce qui est en jeu.
La deuxième raison est que le calendrier décisionnel politique — et je me suis appliqué à bien choisir mes mots — n'est pas adapté aux phénomènes stratégiques de longue durée qui surviennent. Nous avons dans ce pays notre propre calendrier décisionnel politique, qui est en grande partie fonction des cycles électoraux. Peu importe, à vrai dire, le parti au pouvoir, les considérations sont les mêmes. Les progrès stratégiques de longue durée, qu'ils nous étonnent, comme cela a été le cas du réveil arabe ou du printemps arabe, qu'ils nous prennent par surprise, ou qu'ils évoluent à long terme, comme la montée de la puissance navale de la Chine, n'attendent pas le cycle politique canadien. Ces phénomènes suivent tout simplement leur cours.
La troisième raison est qu'il faut longtemps, en cette ère moderne qui est la nôtre, pour bâtir une capacité militaire. Je ne parle pas simplement de l'équipement ou du matériel. Il faut bien évidemment beaucoup de temps pour construire quelque chose comme un hélicoptère maritime embarqué ou un chasseur à réaction moderne, mais il faut également beaucoup de temps pour former des soldats d'infanterie, pour vous donner un exemple. Encore une fois, le cycle décisionnel politique n'est pas un cycle à très long terme. Il s'agit d'un cycle annuel, budgétaire, et il lui faut réagir aux réalités quotidiennes de l'économie canadienne et de l'économie mondiale. Ce que nous observons depuis 2008 a eu une très forte incidence sur la planification de la défense au Canada, mais ce n'est pas la première fois que cela arrive. C'est une situation qui ne cesse de se répéter depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le meilleur exemple d'actualité que je puisse vous donner est la stratégie de défense du Canada de 2008, que j'ai de nouveau passée en revue l'autre jour en prévision de ma comparution ici. Plus on s'éloigne dans le temps de l'annonce de cette politique en 2008, et plus elle devient désuète. Je soupçonne fortement que le prochain budget fédéral — celui qu'on va nous présenter le mois prochain, en mars, ou peut-être au début d'avril, on ne sait trop — repoussera encore plus loin dans le futur les projections concernant les forces et le financement, les infléchissant vers la droite selon certains, en réaction aux pressions réelles qui s'exercent sur le budget du Canada.
Ce ne sera pas la première fois que la situation financière aura une forte incidence sur la planification de la défense au Canada, mais, encore une fois, le monde évolue et il n'attend pas que le Canada, l'Amérique ou même l'OTAN règle ses problèmes budgétaires. Les Chinois n'attendent pas que nous réglions nos problèmes dans les avancées qu'ils font pour exercer une hégémonie sur la mer de Chine occidentale et dans ses environs.
Et le phénomène que nous constatons n'est pas réservé aux seuls problèmes stratégiques. Je voulais m'appuyer sur deux exemples, l'un national, l'autre international. Il me semble qu'il est assez clair qu'il existe au Canada depuis longtemps une demande croissante de capacité en matière de recherche et de sauvetage. J'essayais de me rappeler la première fois qu'a été soulevée la question du remplacement de l'aéronef à voilure fixe pour la recherche et le sauvetage, mais c'était au début des années 2000, peut-être en 2001 ou en 2002. Aujourd'hui, 10 ans plus tard, j'ai entendu dire qu'on s'efforce réellement de mener à bien un appel d'offres concurrentiel en vue de trouver et d'acquérir un nouvel aéronef pour la recherche et le sauvetage.
Vous savez sûrement tous qu'il n'y a pas très longtemps, un jeune garçon est mort à Terre-Neuve-et-Labrador faute d'un hélicoptère disponible. J'ignore ce qu'en diraient vraiment le ministère et le ministre de la Défense nationale, mais je sais que, chez les militaires, on nous dit que c'est une question de rapport coûts-avantages. Nous ne pouvons pas avoir partout dans l'Arctique du matériel de recherche et de sauvetage. Je comprends cela — ce serait un énorme gaspillage de ressources —, mais en avons-nous suffisamment, et pourquoi le problème n'a-t-il pas encore été réglé? Eh bien, encore une fois, c'est parce que la question a été reportée pour diverses raisons, dont des raisons budgétaires.
Je pense également que quiconque, ou presque, regarde la situation mondiale actuelle comprendra qu'il nous faut absolument accroître la capacité militaire de notre Marine hauturière. La nouvelle génération de Canadiens devrait se préoccuper autant, voire davantage, de la Marine. Je ne dis pas cela parce que Gary est assis à ma droite et qu'il va me donner un coup de coude, mais c'est là que vont se poser les défis — pas juste dans la mer de Chine occidentale, mais dans beaucoup d'endroits dans le monde où les biens communs vont être moins bien gardés par nos voisins du Sud.
La Marine américaine va subir des compressions budgétaires considérables. Il est déjà question de désarmer beaucoup de croiseurs et de destroyers. Une longue liste a récemment été détaillée. Il semble que les Américains ne vont pas toucher pour le moment à leurs porte-aéronefs, mais à peu près tout le reste subira des réductions importantes.
Ce n'est pas un jugement de valeur de ma part, mais je me plais à penser que la Marine américaine, aujourd'hui, joue le même rôle dans le monde que la Marine royale au XIXe siècle, et que nous tous, les pays commerçants, qui croyons en la liberté de navigation, dépendons très largement des Américains à ce sujet. Lorsque les Américains commenceront à opérer des coupes, quel rôle, à supposer qu'il y en ait un, notre Marine jouera-t-elle?
Tout le monde parle de défense intelligente, les alliés travaillant ensemble, et ainsi de suite. Notre Marine n'est pas interopérable avec la Marine américaine depuis le milieu des années 1990. Mais à un niveau stratégique, quelles décisions doivent être prises concernant le rôle que devrait jouer à l'avenir notre Marine pour aider les Américains, les Australiens, la Grande-Bretagne et d'autres à effectuer le travail que la Marine américaine assure en gros toute seule depuis une ou deux générations?
Enfin, j'aimerais dire que je pense que nous devrions étudier de très près nos expériences en Afghanistan, car je crois que celles-ci pourraient nous pousser à revoir notre planification de la défense axée sur l'OTAN. Je ne nous vois pas quitter un jour l'OTAN, ni même menacer de nous en retirer, mais il y a une différence appréciable entre le travail que nous faisons avec ce que l'on appelle les Five Eyes — soit les Britanniques, les Américains, les Australiens, les Néo-Zélandais et nous-mêmes — et le travail que nous faisons avec l'OTAN, selon toutes les formules de l'OTAN. Cela inclut les pays de l'OTAN qui ne font rien, les pays de l'OTAN qui font beaucoup, et les pays de l'OTAN qui prennent des engagements politiques mais qui ne sont pas prêts à y donner suite, soit parce qu'ils ne le peuvent pas, soit parce qu'ils refusent de prendre quelque engagement militaire que ce soit. Je pense qu'il nous faut examiner cela de très près, au lieu de continuer à mettre l'OTAN sur un piédestal.
Voilà à peu près tout ce que je souhaitais vous livrer à titre de remarques liminaires. Je me ferai, bien sûr, un plaisir de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la défense nationale, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui, et ce, même si je dois avouer que le contraste avec le climat doux et ensoleillé de Victoria, en Colombie-Britannique, est saisissant.
En tant que vice-amiral, mes trois dernières affectations avaient toutes quelque chose à voir avec la disponibilité opérationnelle dans un contexte de restrictions des ressources; aussi, je possède une certaine expérience à cet égard. J'ai été amiral dans la Marine de la côte Est, puis commandant dans la Marine, et, enfin, vice-chef d'état-major de la Défense. Mon occupation principale dans cette dernière affectation consistait à gérer les ressources, et ce, de la façon la plus rigoureuse possible, pour tirer le maximum des sommes disponibles.
Depuis que j'ai pris ma retraite, j'ai occupé des fonctions dans le secteur privé et auprès de plusieurs institutions. Je comparais devant vous aujourd'hui à titre de chercheur universitaire au Centre d'études sur les politiques étrangères de l'Université Dalhousie. Toutes les opinions que j'exprime sont les miennes et ne représentent pas nécessairement celles du Centre d'études sur les politiques étrangères.
La disponibilité opérationnelle est un sujet compliqué, qui porte parfois à confusion, sans compter qu'il peut varier considérablement d'un service à l'autre. Toutefois, les principes demeurent les mêmes. Dans quelle mesure souhaitez-vous que vos capacités soient prêtes à accomplir n'importe quelle tâche? Autrement dit, avec quelle rapidité le Canada peut-il réagir efficacement avec ses forces armées pour intervenir en cas de situation nouvelle ou de menace?
Il faut mener des études et les tenir à jour afin que notre analyse de la menace, de l'environnement de sécurité et de la probabilité de déployer nos forces pour intervenir dans de telles situations soit elle aussi à jour. Certaines éventualités exigent l'intervention d'une unité; d'autres requièrent un regroupement plus imposant et des forces de soutien. Certaines unités sont relativement autonomes et d'autres nécessitent l'appui de tout un éventail de sources pour se déployer. Certaines unités jouissent d'une certaine marge de manoeuvre dans leurs opérations — les unités maritimes majoritairement — tandis que d'autres ont besoin de bases ou d'un soutien maritime ou aérien pour pouvoir se déployer et demeurer opérationnelles.
La disponibilité opérationnelle repose sur le personnel, sur son degré de préparation, de même que sur l'état de son équipement et du leadership. Cela inclut les plates-formes — armes, véhicules et équipement — à l'aide desquels le déploiement est effectué, ainsi que la disponibilité du soutien, y compris le transport aérien. Elle dépend aussi du préavis de mouvement, lequel est, bien sûr, tributaire de la déployabilité de l'unité. Par exemple, un navire peut simplement larguer les amarres et naviguer, tandis que d'autres capacités nécessitent une plate-forme, voire plusieurs, pour les transporter, que celles-ci fassent partie de l'appui intégral ou qu'elles soient fournies dans le cadre d'un marché. D'autres encore doivent pouvoir compter sur des arrangements pour atterrir et du soutien en route jusqu'à la zone de la mission.
Normalement, on souhaite maintenir le minimum d'effectifs en état de disponibilité opérationnelle élevée, étant donné que ce niveau de disponibilité est plus onéreux sur le plan des ressources et restreint la marge de manoeuvre de l'unité ou du groupe de personnel. De ce fait, la structure de la force doit compter de nombreuses unités possédant les mêmes capacités — autrement dit, plusieurs petites unités semblables, des multiples de deux, de trois ou des regroupements de capacités encore plus importants capables d'intervenir dans des situations où les tâches sont de plus grande ampleur et s'apparentent davantage au combat.
À titre d'exemple de ces grands regroupements, je mentionnerai deux groupes opérationnels navals, mais dont seulement un est prêt à se déployer dans un délai particulier, tandis que l'autre pourrait atteindre cette même disponibilité opérationnelle dans des délais suffisants pour venir remplacer le premier, au besoin, afin d'assurer le maintien en puissance de l'opération. Voilà un exemple où le premier groupe opérationnel se situe à un niveau de disponibilité opérationnelle élevé, tandis que le second se trouve à un niveau de disponibilité normal. Toutefois, si des éléments importants du deuxième groupe opérationnel se trouvaient dans la situation où ils font l'objet de travaux de maintenance de longue durée, dans ce cas, on pourrait dire qu'ils se trouvent placés en disponibilité opérationnelle prolongée.
Le gouvernement doit comprendre l'état de disponibilité opérationnelle globale des forces et réaliser qu'il ne peut exiger des interventions dans des délais prédéterminés qu'en tenant compte de la disponibilité opérationnelle prévue. Les militaires, en revanche, doivent tenir le gouvernement au courant de la gamme des possibilités qui existent, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale, sur le plan des opérations visant à répondre aux besoins et aux intérêts potentiels du gouvernement.
Il arrive que l'on connaisse le moment où se tiendront certains événements, comme le bogue de l'an 2000 ou les Jeux olympiques de 2010, et la structure des forces nécessaires pour appuyer la tenue de ces événements peut alors être articulée et formée à l'avance. Mais, dans la vaste majorité des cas, on ne connaît pas à l'avance le moment où les événements vont survenir, et la structure de la force doit être telle qu'elle permette une intervention selon la disponibilité opérationnelle globale.
On pensait que le fait d'être formé en fonction des plus hauts niveaux d'intervention offrirait la capacité d'intervenir tout aussi bien dans le cas de tâches de niveau moins élevé. Je crois que l'on ne voit plus désormais la situation du même oeil, parce que même les tâches d'intervention les plus simples à l'échelle nationale sont devenues plus difficiles, à l'instar de la gamme complète des besoins potentiels pour la force, qui s'étend de l'aide humanitaire à la guerre totale, en passant par les mesures anti-insurrectionnelles.
La formation comporte plusieurs aspects: d'abord le niveau individuel et le niveau de l'équipe, pour évoluer vers le niveau de l'unité, puis vers des regroupements plus importants, comme celui d'un groupe opérationnel ou d'une force opérationnelle, d'une brigade ou d'un escadron. Entre ensuite en jeu l'aspect interarmées, qui prévoit le regroupement d'unités de divers services en vue de recevoir de l'instruction et de s'entraîner ensemble, ce qui contribue à créer une capacité qui est souvent supérieure à la somme des participants individuels, et offre au gouvernement une capacité nationale très visible.
Il est fréquent que le Canada déploie ses troupes et se joigne à une coalition en vue de mener des opérations mixtes, ce qui ajoute un niveau additionnel de formation à part celui de la capacité interarmées nationale.
Bien entendu, si on se trouve déjà embarqué dans une mission qui perdure, dans ce cas, il faudra également compter avec une formation propre à la mission, afin que celle-ci progresse au fil du temps, que l'on tire des leçons des opérations menées et que celles-ci soient réinjectées dans le cycle de formation. Dans ce cas, le premier déploiement de la mission devrait être effectué en fonction du niveau de disponibilité opérationnelle de la structure de la force d'intervention, et puis, après cela, le cycle de disponibilité opérationnelle serait harmonisé avec celui de la rotation des forces sur cette mission, comme cela a été le cas en Afghanistan.
Comme je l'ai déjà mentionné, la disponibilité opérationnelle est coûteuse et doit être financée convenablement afin de ne pas mettre en péril les membres des forces, ni limiter la capacité souhaitée par le gouvernement d'intervenir dans les situations impondérables dans des délais acceptables. Cette question doit être examinée en profondeur, et le gouvernement doit être informé des résultats.
Il faudra toujours faire des compromis, et particulièrement lorsque les ressources deviennent rares. Mais il faut néanmoins faire preuve de jugement. Consacrer une part trop importante de nos ressources limitées à la disponibilité opérationnelle n'est pas la solution non plus, parce qu'alors l'un des autres piliers — qu'il s'agisse du personnel, de l'équipement ou de l'infrastructure — en souffrira et se désorganisera.
Ceci étant dit, il faut toutefois se doter d'un ensemble de capacités d'une portée définie et dont la disponibilité opérationnelle est suffisante pour se déployer rapidement, sans quoi la marge de manoeuvre du gouvernement s'en trouvera sérieusement compromise lorsque viendra le moment d'intervenir avec efficacité, tant au pays qu'à l'étranger.
Monsieur le président, voilà qui met fin à mes remarques liminaires. Je suis convaincu que nous allons explorer certains de ces concepts et questions au cours de la période des questions.
Je vais faire ma déclaration en français, ce qui est quelque peu dangereux, car David Bercuson a parlé de « readiness », et je ne sais même pas comment dire « readiness » en français, mais je vais essayer.
[Français]
D'abord, je voudrais vous remercier de nous avoir invités ici, ce matin. Pour moi, c'est un retour, parce que j'ai commencé ma carrière universitaire en faisant un stage parlementaire au comité de la défense nationale en 1990, ce qui ne me rajeunit pas.
Mon collègue Samir Battiss et moi allons traiter de deux thèmes. Tout simplement pour que vous le sachiez pour vos questions, M. Battiss est un spécialiste de tout ce qui touche aux relations avec les alliés avec l'OTAN, à l'interopérabilité et aux missions outre-mer. Pour ma part, je suis surtout spécialisé dans les questions d'opinion publique et les relations avec les États-Unis, et depuis six ans, je suis très impliqué dans le sujet de l'Arctique. Donc, nous allons parler aussi un peu de l'Arctique.
Ce matin, dans les quelques minutes que nous avons, nous voudrions attirer votre attention sur le concept de global commons, ou biens communs, en français. C'est un concept de plus en plus utilisé dans la documentation. Vous allez trouver ce concept à l'OTAN et dans les livres blancs des autres États et gouvernements. C'est dans bien des cas le nouveau mot à la mode.
Nous voulons en parler pour deux raisons. D'abord, pour le Canada et pour les Forces canadiennes, cela représente de belles occasions. Toutefois, en même temps, cela peut aussi être un très sérieux problème pour le Canada. Nous allons traiter de ces deux dimensions.
D'abord, qu'entend-on par « biens communs »? Ce sont ces zones entre les États qui doivent être contrôlées pour assurer une certaine stabilité du système international. Ce sont les espaces aériens, les espaces spatiaux, le cyberespace et les espaces maritimes. Donc, ce sont quatre domaines auxquels il convient de porter une attention particulière. Par exemple, les missions que la Marine canadienne fait en matière de lutte contre la piraterie vont entrer dans ce type de mission.
Pour le Canada, il est crucial que les voies maritimes, et en particulier celles dans le Pacifique, soient sécurisées afin que le commerce puisse transiter librement.
Au chapitre des satellites et des télécommunications, le Canada dispose d'une expertise extraordinaire, et c'est aussi un domaine vital pour les Canadiens. Pour les Forces canadiennes et pour l'avenir des missions qu'on veut confier aux forces, ce sont des domaines essentiels.
On peut avoir aussi une vision plus élargie de ce que sont les biens communs en parlant d'environnement, de mondialisation et de commerce. Ce sont tous des éléments qui attirent l'attention du gouvernement canadien.
Vous allez nécessairement devoir en parler. Vous allez souvent en parler dans des termes positifs, c'est-à-dire que le Canada est un État qui peut contribuer à la stabilité du système international et les Forces canadiennes doivent contribuer au maintien de ces biens communs.
Néanmoins, il y a un piège pour le Canada. Un problème est attaché à ce concept de biens communs. Cet argument du bien commun est utilisé par de plus en plus de gouvernements et bon nombre de ces gouvernements sont des États intéressés par l'Arctique, par le Grand Nord, sans être des États arctiques. Généralement, on va considérer qu'il y a huit États arctiques, soit le Canada, les États-Unis, la Russie, le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède ainsi que l'Islande.
La plupart des autres États qui ne sont pas des États arctiques et qui ont un intérêt dans cette région, que ce soit la Chine, la France, le Japon ou l'Allemagne, peuvent utiliser cette notion de biens communs pour justifier leur présence dans l'Arctique et, éventuellement, pour contester les méthodes de gouvernance qui sont actuellement à être mises en place dans l'Arctique.
La principale de ces méthodes de gouvernance est le Conseil de l'Arctique, qui est composé essentiellement des huit États arctiques et d'un certain nombre de participants et d'observateurs.
Toutefois, des États comme la Chine ou la France peuvent remettre en question la prédominance du Conseil de l'Arctique en utilisant cette notion de biens communs.
De façon plus pratique et plus concrète, pour vous et pour les Forces canadiennes, que signifient la présence du Canada dans l'Arctique et le besoin d'être présent pour gérer les problèmes qui se posent et qui sont bien réels dans cette région, mais en même temps pour contrer l'argument selon lequel les États arctiques ne sont pas capables de gérer ces problèmes? Le gouvernement canadien doit investir dans la région.
Concrètement, qu'est-ce que cela signifie? D'abord, il y a trois postulats ou éléments de base sur lesquels le raisonnement peut être construit.
La présence humaine dans l'Arctique va vraisemblablement augmenter de manière considérable au cours des prochaines années. La tendance est amorcée et va certainement se poursuivre. Il y a donc une présence grandissante dans l'Arctique, soit une présence économique et commerciale, la présence de beaucoup de sportifs et d'aventuriers extrêmes et une présence scientifique.
Deuxièmement, malgré l'approche pangouvernementale que l'on tend à utiliser lorsque l'on parle de l'Arctique, les Forces canadiennes demeurent le principal pourvoyeur de services du gouvernement canadien. Ce sont d'abord et avant tout sur les Forces canadiennes que le gouvernement s'appuie pour offrir les services et affirmer sa présence dans l'Arctique.
La troisième dimension que l'on tend à oublier également est le fait que les missions des Forces canadiennes dans l'Arctique sont les plus populaires auprès de l'opinion publique. S'il y a des missions que la grande majorité des Canadiens aime, appuie et est prête à encourager, ce sont celles qui sont reliées à la protection de la souveraineté et de l'environnement dans l'Arctique. La présence militaire canadienne dans l'Arctique trouve un écho très favorable auprès de la population.
Concrètement, que peut-on faire au cours des prochaines années pour augmenter la présence canadienne dans la région et son degré de readiness? Je vais faire essentiellement trois suggestions. Je reprends celles qui sont largement mentionnées dans la documentation.
Tout d'abord, il s'agit de vous assurer que les promesses qui ont été faites depuis 2007 sont bien réalisées, notamment la création d'un port en eau profonde et de centres d'entraînement dans l'Arctique.
Deuxièmement, il faut établir une collaboration plus étroite avec les États-Unis. Il existe très peu d'ententes ou de protocoles avec les Américains dans la région. En fait, les Canadiens et les Américains sont étonnamment parmi les moins présents dans l'Arctique, si on les compare aux Russes ou aux Norvégiens. Il existe donc un besoin. Non seulement la tâche est-elle énorme et immense — M. David Bercuson l'a dit il y a quelques minutes —, mais en même temps, ni les Canadiens ni les Américains, dans l'état actuel des choses, ne peuvent remplir seuls toutes les tâches. Il y a donc place à une plus grande collaboration entre le Canada et les États-Unis.
Troisièmement, le gouvernement canadien devrait prendre des initiatives pour contribuer à définir cette notion de biens communs et la façon dont on doit les gérer, de manière à contrer en même temps les définitions qui seraient potentiellement risquées pour le Canada. L'une de ces initiatives pourrait être prise dans le cadre du Conseil de l'Arctique dont la présidence sera assumée par le Canada l'année prochaine. Pour le Canada, ce serait probablement le cadre idéal pour mettre en place d'autres accords comme ceux qui ont été signés récemment en matière de recherche et sauvetage. Il s'agirait d'avoir un même type d'accords qui définiraient concrètement comment les États arctiques, que ce soit les huit États arctiques ou les cinq États côtiers, pourront gérer par eux-mêmes les défis et les problèmes de la région et contrer en même temps les risques associés à la notion de biens communs.
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De nombreuses idées là-dessus.
La première est qu'il n'y a pas d'autres solutions à court et à moyen terme. Il faut convenir que ces militaires savent comment fonctionner dans cette région; ils disposent de tout le nécessaire pour vivre là-bas. Aucun autre ministère ou organisme ne pourrait faire la même chose, exception faite, peut-être, de la Garde côtière, et la Garde côtière doit être quelque peu renforcée. Alors ma réponse est oui, c'est la seule solution, à court et à moyen terme.
À long terme, si nous développons l'Arctique — s'il s'y trouvait davantage d'infrastructure, davantage de lignes de communication et davantage d'endroits où d'autres ministères et services pourraient s'implanter et organiser leurs propres activités —, la situation pourrait changer. Les Forces canadiennes se retireraient graduellement pour céder la place à d'autres ministères.
Mais il y a un envers de la médaille à la militarisation de l'Arctique. Un certain risque se pose, et il nous faut le gérer. Lorsque je voyage en Europe et que je m'entretiens avec mes homologues européens ou avec des diplomates étrangers, ils me demandent toujours « Pourquoi vous, les Canadiens, agissez-vous de la sorte? Pourquoi êtes-vous en train de militariser l'Arctique? C'est vous qui êtes les plus agressifs. C'est vous qui avez enclenché dans cette zone la spirale de la course aux armements ». Il existe donc un danger.
Le message que doit transmettre le gouvernement canadien au niveau international est que ce qu'il fait est légitime, qu'il n'y a pas d'autres solutions et que nous ne sommes pas agressifs. En effet, ce n'est pas canadien de dire cela. Il y a donc un risque à gérer ici. D'autre part, il nous faut élaborer un plan à long terme pour que d'autres ministères soient présents dans l'Arctique et y mènent leurs opérations sans devoir compter sur des navires gris ou des aéronefs militaires.
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Excellent, et merci pour cette réponse fort complète.
Amiral Garnett et monsieur Bercuson, j'ai des questions pour vous, si vous permettez. Amiral, vous avez terminé votre déclaration en disant « Ceci étant dit, il faut toutefois se doter d'un ensemble de capacités d'une portée définie dont la disponibilité opérationnelle est suffisante pour se déployer rapidement, sans quoi... » et vous poursuivez. Cela va au coeur du problème.
Il y a deux éléments. Le premier est que nous voulons que les militaires soient prêts à réagir, et le deuxième est que, cela étant établi, il importe de déterminer ce qui doit être mis en place pour être en mesure d'atteindre les objectifs visés. Dans tous les cas de figure, nous sommes sans cesse ramenés à ce point. La situation nationale concernant les mesures à prendre pour répondre aux besoins est dans une certaine mesure évidente, bien que complexe. La vraie question — et c'est là que surviendra peut-être, si vous voulez, un clivage politique au sein de notre Parlement — concerne l'aspect des corps expéditionnaires.
Je vous demande à tous deux de partager avec nous vos réflexions sur les engagements internationaux qui, selon vous, constituent une priorité absolue pour nous. Je vous demanderais d'être aussi précis que possible. Je me rends bien compte que cela est difficile, mais quels seraient ces engagements, reconnaissant que nous ne pouvons pas être en situation de disponibilité pour tout et pour tout le monde?
Cela n'est tout simplement pas possible. L'idée que le Canada puisse avoir des forces armées permanentes en mesure de réagir unilatéralement à toute situation survenant dans le monde est tout simplement exclue. Cela étant, la question est de savoir à l'égard de quels engagements il est absolument impératif pour nous d'être en situation de disponibilité opérationnelle. Livrez-nous vos réflexions concernant les obligations internationales dont nous devons absolument nous acquitter.
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Non, je ne le suis pas. Je suis historien, Gary, allons donc!
Premièrement, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous ne pouvez pas avoir des forces armées conçues pour tout faire, et je pense que le meilleur exemple est le cas des Américains eux-mêmes en janvier 2012. Ils réagissent très clairement à la réalité économique en restructurant leurs propres forces militaires pour que celles-ci soient beaucoup mieux adaptées aux situations dans lesquelles elles risquent d'être appelées à intervenir.
Il y a deux réponses à la question. Tout d'abord, quels intérêts stratégiques avons-nous qui soient si essentiels que nous contribuerions à une force militaire internationale d'un genre ou d'un autre? Il faut réfléchir à certains points de passage obligatoires de couloirs de navigation, par exemple, et aussi à la mesure dans laquelle nous pourrions réellement faire une contribution. Je vais vous donner un exemple concret. Le détroit d'Hormuz est aussi important pour le Canada qu'il l'est pour les États-Unis et pour environ la moitié du reste du monde, et ce pour des raisons évidentes, mais avons-nous la capacité d'intervenir dans le détroit d'Hormuz? Et y a-t-il quelque chose que nous puissions y faire qui soit susceptible de véritablement contribuer aux efforts déployés pour garder le détroit ouvert?
Nous pourrions parler de certains passages, par exemple le passage du Vent et le canal de la Mona vers la mer des Caraïbes. Nous avons déclaré que la mer des Caraïbes revêt un intérêt national plutôt considérable pour le Canada depuis 10 ou 15 ans. Avons-nous la capacité d'intervenir dans certaines zones des Caraïbes, advenant quelque menace politique s'y profilant? Je dirais que la réponse est que nous avons une bien plus grande capacité là que dans le détroit d'Hormuz.
Puis, intervient un autre aspect, qui est le suivant. Que pensent les Canadiens de telle ou telle situation à un moment donné? Une question qui n'est peut-être pas d'actualité aujourd'hui va tout d'un coup capter l'intérêt du public, qui va exiger d'ici deux ou trois semaines une réponse du gouvernement. Et qui sait ce que ce peut être? Par exemple, personne n'aurait pu prédire les événements du 11 septembre une semaine avant; pourtant, la réponse canadienne par la suite a été plutôt solide.
Je pense que ce que nous n'avons pas fait au Canada, c'est de déterminer quels sont les intérêts vitaux de notre pays pour lesquels nous sommes prêts à participer à des opérations internationales, que celles-ci relèvent des Nations Unies, de l'OTAN ou d'une autre entité, parce que ces intérêts sont cruciaux pour répondre à nos besoins. Je pense que cela concerne la vie des Canadiens, la capacité des entreprises canadiennes de faire affaire sur d'importants marchés étrangers et certains aspects de ce que l'on pourrait appeler la moralité internationale et le maintien de certaines normes — une responsabilité de protéger, si vous voulez.
Je pense qu'il nous faut ramener le débat à une réflexion pratique sur la manière dont nous concevons et devrions utiliser nos forces armées. Je ne pense pas que nous ayons en la matière fait un très bon travail. Nous savions à l'époque de la Guerre froide à quoi devaient servir nos militaires, puis, depuis une vingtaine d'années environ, il me semble que nous n'avons pas tenté véritablement de concevoir une stratégie canadienne ou une politique de défense canadienne.
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Premièrement, je n'ai probablement pas écrit cette partie du rapport.
Des voix: Oh, oh!
M. David Bercuson: Sept personnes y ont, je pense, contribué.
En tant qu'historien, j'adhère à quelque chose qui s'appelle « la loi d'airain de l'histoire de Bercuson », qui veut qu'il ne se passe pas grand-chose tant que quelque chose n'est pas arrivé, et lorsque quelque chose arrive, en règle générale, cela arrive très rapidement, et n'est jamais prévisible.
Je pense qu'on parle de chômage, de pauvreté, de dégradation, etc., à long terme, et des attentes croissantes suscitées par la révolution des communications dans le monde, il faut se rappeler que des pressions s'exerceront toujours sur les gouvernements qui sont non démocratiques et qui écrasent les aspirations de leur peuple. Il y aura toujours des pressions en faveur de quelque explosion sociale, politique, quasi-militaire.
Je ne suis pas un spécialiste de l'Afrique, mais je constate qu'il y a de nombreuses zones dans cette partie du monde qui sont et qui resteront aux prises avec des conflits militaires. Le problème que j'ai à cet égard est que j'ignore dans quelle mesure nous pouvons intervenir, ni même si nous devrions intervenir. Ce n'est pas que certaines parties du globe sont intrinsèquement plus importantes que d'autres, mais il est des endroits où nous pourrions faire mieux, où nous pourrions intervenir, où nous avons des alliés, et où nous avons le soutien logistique nécessaire pour être opérationnels.
Il nous faut nous rappeler que nous devons en permanence fonctionner à l'intérieur d'une coalition. Nous n'avons jamais fonctionné en dehors d'une coalition. Je pense que lors de la guerre de 1812, comme nous le savons tous, les Britanniques étaient eux aussi ici. Nous n'avons jamais fonctionné en dehors d'une coalition. Il est très important de nous assurer que les partenaires avec lesquels nous oeuvrons sont sur place et en mesure de fournir le soutien logistique et autre qui nous est nécessaire pour mener nos opérations.
C'est là une partie du problème — nous ne disposons tout simplement pas seuls de la capacité de planifier, car nous n'occupons pas en la matière une position de premier plan. Je pense qu'il nous faut davantage décider de la façon dont nous allons intervenir lorsque nos alliés viendront à bouger et déterminer les campagnes auxquelles nous allons nous joindre et celles auxquelles nous refuserons de participer.
Ce n'est sans doute pas une bonne réponse à votre question, mais à moins d'essayer de prédire quand et où éclatera le prochain printemps arabe — ce que je ne veux pas faire —, c'est le mieux que je puisse vous offrir.
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Cela me fait penser à quelqu'un qui a dit, au tout début, à l'époque de l'établissement de l'OTAN, que toute l'idée était de maintenir les Américains à l'intérieur, les Russes à l'extérieur et les Allemands par terre.
Ce n'est certainement plus le cas aujourd'hui.
La situation est anormale, car l'Allemagne jouit d'une puissance économique extraordinaire, pour des raisons évidentes, mais ses capacités militaires ne cadrent pas avec sa puissance économique. D'autre part, on a déjà constaté que l'Allemagne a commencé à faire certaines coupes importantes dans son budget de défense, et nous allons en voir davantage encore.
Je pense que l'Allemagne d'aujourd'hui n'est d'aucune façon la nation qu'elle était en 1945. L'Allemagne est un pays moderne tout à fait démocratique. Je suis heureux que nous ayons avec elle un partenariat au sein de l'Europe, et je pense qu'il nous faut essayer de renforcer autant que possible ce partenariat, reconnaissant que ce pays est confronté à certains problèmes géostratégiques — par exemple, il achète son gaz naturel à la Russie — et à d'autres questions économiques, qui sont, je crois, assez évidentes et que je n'ai pas à aborder ici.
Mon université a un accord d'échange avec l'équivalent allemand du Collège royal militaire — et c'est ainsi que nous accueillons, à l'Université de Calgary, des membres des forces armées allemandes et d'autres, qui viennent également dans le cadre d'autres programmes d'échange, pour obtenir leur diplôme d'études supérieures —, et j'ai constaté que l'enracinement du pacifisme chez le peuple allemand est une chose que nous, au Canada, ne comprenons pas vraiment. Lors de notre participation active à Kandahar, nous nous plaignions que les Allemands ne participaient pas plus activement aux opérations de combat, mais les Allemands se demandaient s'ils allaient même mettre les pieds en Afghanistan, sans parler de participer à des opérations de combat.
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Je pense que cela est clair. David a brandi le document américain qui est sorti en janvier, et qui dit exactement ce que vous avez déclaré, soit que les États-Unis vont maintenant se concentrer surtout sur le Pacifique, même si des forces américaines résiduelles de 40 ou 45 p. 100 — ce qui est considérable — demeureront dans l'Atlantique et en périphérie de l'Atlantique. Mais les Américains disent également qu'ils vont retirer davantage de forces de l'Allemagne.
Vous vous demandez peut-être pourquoi les Américains y sont toujours. C'est là une autre question. Ils sont en partie là pour des raisons de maintien de puissance et d'infrastructure pour soutenir leurs forces en Afghanistan et ailleurs. Ils ont une grosse empreinte en Allemagne, avec des hôpitaux et l'infrastructure des bases.
Je pense que cette réorientation en faveur du Pacifique offre au Canada et aux Forces canadiennes l'occasion d'intervenir davantage dans ce qui est en train de devenir le centre ou le coeur de la puissance mondiale. David a mentionné que, dans le milieu des années 1990, nous avions en fait des frégates canadiennes — et c'était une première au monde pour un pays — qui se sont non seulement jointes à des groupements tactiques navals américains, mais sont en fait devenues partie intégrante du groupement tactique. En d'autres termes, un bâtiment partait lorsque arrivait un bâtiment canadien. On nous livrait le commandement et le contrôle des communications et l'infrastructure d'information nécessaire pour que nous puissions agir pour ainsi dire comme une unité américaine.
Pourquoi la Marine a-t-elle fait cela? La Marine a fait cela pour nous mettre à niveau ou nous assurer une capacité supérieure et pour devenir elle-même une marine de niveau beaucoup supérieur à ce qu'elle était, dotée des moyens et de la formation qu'une telle participation à la Marine américaine lui a permis d'acquérir.
Je pense que cela s'est poursuivi à un niveau encore plus important, car à l'occasion du prochain exercice RIMPAC, c'est un amiral canadien qui sera le commandant adjoint de toute l'opération. Les amiraux australiens ont fait la même chose. C'est ainsi que nous avons une situation dans laquelle, en Afghanistan, des Canadiens ont commandé les forces américaines — personne d'autre n'avait jamais fait cela — et, en mer, il y a des Canadiens, et des Australiens, dans ce cas particulier, qui commandent les forces américaines dans le Pacifique.
C'est une belle occasion, et c'en est une pour laquelle nous sommes bien équipés. Nos aéronefs sont maintenant en train de participer à ces opérations dans le Pacifique, tout comme c'est le cas de nos unités de l'Armée de terre. Il y a là une occasion, nous possédons la capacité requise, et cela rehausse le profil du Canada dans cette partie du monde.
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Différentes optiques se côtoient, mais certains pays, particulièrement les États européens, inscrivent l'enjeu dans la problématique de l'environnement. Ils disent que nous devons gérer l'environnement de la région, car certaines des répercussions sont mondiales. Je ne sais pas dans quelle mesure cela est un prétexte ou bien un souci sincère de l'environnement.
Quelques autres États pourraient être intéressés. L'Espagne en est un exemple. Il est surprenant de voir la présence de l'Espagne comme observateur au Conseil de l'Arctique, mais la raison en est simplement que l'Espagne est un grand pays de pêche, cette dernière représentant une part importante de son économie. Dans l'éventualité où les stocks de poissons migreraient vers le nord, ce qui est possible dans une quarantaine ou une cinquantaine d'années, elle aura fortement intérêt à garder la région ouverte et à réduire autant que possible les droits des États côtiers, afin de préserver son accès à la ressource.
On peut dire la même chose de quelques autres ressources. Certes, ces dernières restent une grande inconnue dans la mesure où le plancher océanique n'a toujours pas été cartographié. Nous ne savons pas précisément où se situent les frontières, ni où finissent les droits de pêche exclusifs. Certains États auraient intérêt à exploiter les ressources qui s'y trouvent. D'autres États, et j'imagine que la Chine en fait partie, pourraient dire que l'Arctique deviendra une route maritime très intéressante pour le transport. Ils veulent garder ouvert cet océan afin de l'exploiter comme voie maritime. Ce pourrait être un autre motif de son désir de marquer sa présence.
De façon générale, on peut dire que c'est presque par une sorte de réaction instinctive qu'ils ne veulent pas laisser à ces cinq États côtiers, ou ces huit États arctiques, le droit exclusif de gérer la région. Ils veulent tenir un rôle, non parce qu'ils y ont un intérêt précis, mais simplement parce qu'ils veulent garder ouvertes toutes leurs options pour l'avenir.
C'est pourquoi il existe un clivage entre certains États arctiques — je dis certains États arctiques car le Danemark n'est pas très actif dans ce débat — comme le Canada, la Norvège et la Russie, d'une part, et les États non arctiques d'autre part, dont les intérêts sont clairement contraires. Certains d'entre eux, comme le Canada, veulent exercer un plus grand contrôle sur la région, et les États non arctiques veulent réduire ce contrôle.
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Le concept de mutualisation est plus approprié. Que ce soit une bonne ou une mauvaise idée, là n'est pas la question: je pense que c'est une nécessité. L'opération en Libye a révélé notamment que seuls quelques joueurs parmi les États membres, dont le Canada, d'ailleurs, étaient capables de fournir un effort soutenu dans le cadre des opérations. L'idée de défense intelligente a son équivalent au sein de l'Union européenne. Je parle de l'Union européenne parce que la majorité des États au sein de l'OTAN sont européens.
C'est surtout en réponse à la pression du Canada et des États-Unis que les Européens sont amenés à faire de la défense intelligente. Ils le font dans le cadre de ce qu'ils appellent en anglais pooling and sharing, un concept déjà un peu plus avancé que ne l'est la défense intelligente au sein de l'OTAN. Il a été adopté entre autres par l'Agence européenne de défense. Les Européens ont dû envisager ce concept de mutualisation parce qu'ils n'avaient pas eux-mêmes la capacité de planifier une opération du début à la fin. Au sein de l'OTAN, seuls deux pays sont vraiment capables de le faire: la France et le Royaume-Uni. Et encore, ils y arrivent très difficilement, à l'heure actuelle.
La mutualisation est une nécessité. C'est une bonne idée si on veut garder une OTAN capable d'opérer là où elle doit le faire et où les dirigeants politiques décident qu'elle va le faire. Si je peux me permettre ce commentaire, je dirai que la réflexion est beaucoup plus poussée au sein d'une autre institution, extérieure à l'OTAN, qui regroupe à la fois des pays alliés et des pays partenaires de l'OTAN. Je parle ici du Conseil multinational de l'interopérabilité. Le Canada y joue un rôle très important. Il s'agit d'une réflexion doctrinale, dans ce cas. En effet, la défense intelligente comporte à la fois un aspect doctrinal et un aspect tactique. Les pays contributeurs incluent le Canada, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il y a également des États observateurs. L'OTAN est représentée par l'entremise du Commandement allié Transformation. L'état-major et l'Union européenne y sont aussi représentés.
Au sein de cette institution, on se penche depuis quelques années déjà sur cette question de mutualisation, soit les concepts de pooling and sharing et de défense intelligente. Comme on l'a souligné à plusieurs reprises ici, aucun État n'est capable de mener une opération seul. Les opérations en coalition sont donc la règle. Or à partir du moment où il y a des opérations en coalition, il y a nécessairement une mise en commun des capacités. Cette nécessité est aussi budgétaire, mais pas uniquement. Il y a entre autres divers savoir-faire éparpillés ici et là. Le sommet de Chicago devrait donner un peu plus d'élan dans cette direction à l'ensemble des alliés.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup à nos témoins de ces excellents exposés.
J'aimerais juste énoncer quelques faits. Nous venons au deuxième rang des plus grands pays du monde, après la Russie. Seulement 2 p. 100 des Canadiens ont jamais franchi le cercle polaire, et 90 p. 100 de la population vit à 100 milles de la frontière.
Monsieur Bercuson, vos connaissances historiques font autorité. Vous avez décrit le rôle des ingénieurs militaires dans la construction du Canada à l'époque de la formation de notre pays. Nous devons faire face à des menaces sur quatre fronts maintenant; en effet, outre la mer, l'espace aérien et la terre, il y a aujourd'hui le cyberespace. La préoccupation alors était de sécuriser l'espace aérien, le territoire, la mer etc. Le cyberespace constitue aujourd'hui la nouvelle menace.
En quoi ces nouveaux éléments influencent-ils la disponibilité opérationnelle de nos forces et quels conseils pourriez-vous nous donner, particulièrement du point de vue des leçons enseignées par l'histoire? C'est très important, sachant que l'une des principales préoccupations de nos pères de la Confédération a été de relier la côte Ouest à la côte Est. Aujourd'hui, nous avons l'immense Arctique qui offre un grand potentiel, un potentiel économique. Habituellement, le potentiel économique suscite un grand intérêt de la part d'autres pays susceptibles d'influencer d'une certaine façon, disons, notre souveraineté et notre sécurité.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette menace nouvelle, ou virtuellement nouvelle, et sur la manière de nous y préparer? La situation aujourd'hui est complètement différente de ce qu'elle était pendant la guerre froide.
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C'est une question complexe.
Permettez-moi de dire tout d'abord que je ne considère pas que notre souveraineté sur le territoire soit réellement menacée. Nul n'a essayé de voler du territoire canadien, et la question n'est donc pas là. C'est beaucoup plus, d'abord, une question de symbole, et les symboles coûtent beaucoup moins cher qu'une défense réelle, concrète. Si nous pouvons juste envoyer des bateaux et des patrouilles de temps à autre, c'est certainement utile.
Le vrai défi pour le gouvernement canadien est qu'il doit mener des activités gouvernementales dans cette région. Plus il y aura de monde, et plus il faudra faire respecter la loi pour assurer la sécurité de la population et pouvoir contrôler ce qui se passe. Donc, pour conserver notre capacité, nous devons créer l'infrastructure, car ce territoire est vide. Ces quatre millions de kilomètres carrés sont vides, sur le plan de l'infrastructure. Nous devons maintenir le rythme.
Nous avons complètement négligé cette région dans les années 1970, 1980 et 1990 et je ne veux que la même chose se reproduise, parce que nous devons maintenant recréer une expertise dans cette région. Mon conseil est donc de conserver à tout le moins ce que nous avons, et c'est pourquoi, dans mon exposé, j'ai invité votre comité à veiller à ce que le gouvernement tienne sa promesse dans l'Arctique.
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Merci, monsieur le président.
Tout ce que vous avez dit jusqu'à présent est très intéressant. Cela fait pas mal de temps que nous passons sur cette étude sur la disponibilité opérationnelle et je crains de plus en plus que nous nous soyons lancés dans une étude qui va s'avérer être, très franchement, un gaspillage monumental de notre temps.
Cette crainte est renforcée aujourd'hui par vous, les experts; le professeur Bercuson a commencé d'ailleurs par dire que vous n'êtes même pas sûrs de la signification du terme, et le professeur Roussel a même indiqué qu'il n'a pas d'équivalent en langue française.
Je suis récemment tombé sur quelque chose que j'ai trouvé intéressant et utile, vous ne devinerez jamais où: l'Australian Journal of International Affairs. Une poignée d'universitaires ont mis au point une méthode pour cerner cette notion d'état de préparation. Je pense qu'ils l'ont assimilé à des capacités, et ce que nous faisons ici est une sorte d'évaluation des capacités.
Dans leur étude — et je simplifie leurs propos probablement à l'excès — ils indiquent qu'avant même d'entreprendre une évaluation des capacités, il faut régler le problème de la détermination. Je suppose qu'il s'agit de la détermination des menaces ou, pour reprendre le terme qu'ils préfèrent — des vulnérabilités. Cela fait, on procède à une évaluation de risque, et ce n'est qu'ensuite que l'on peut commencer à parler de niveau de disponibilité opérationnelle.
Je déduis de tout cela que nous avons sauté quelques étapes dans notre étude et qu'il nous faut revenir en arrière et réfléchir de plus près aux menaces ou aux vulnérabilités, et aux risques qui en résultent. C'est une évaluation quantitative, ou même qualitative, de ces risques.
La question que je vous pose, après ce long préambule, porte réellement sur la méthodologie. Je ne vous demande pas quels sont les risques eux-mêmes, mais vu ce que vous avez dit — et particulièrement vous, professeur Bercuson, avec votre loi d'airain de l'histoire — quelle solution à ce problème stratégique recommandez-vous? Je pense que c'est une question de fond incontournable. Comment pouvons-nous revenir en arrière et changer de direction pour parvenir à cette évaluation des capacités?
Existe-t-il une méthode, messieurs Bercuson et Roussel, que nous devrions envisager ou que le gouvernement devrait employer pour parvenir au stade où nous pourrons avoir une discussion rationnelle sur les capacités?
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Il y a des limites à ce que l'on peut faire au moyen d'une politique, car tous les gouvernements réagissent à l'opinion publique. Ils réagissent à l'impulsion du moment, et ainsi de suite. En outre, je pense que les universitaires tendent à surestimer le rôle des politiques, car ils pensent pouvoir les influencer, et donc une politique devient pour eux un enjeu important.
Je ne suis pas certain que nous ayons besoin d'une politique en l'occurrence. Je pense que nous recherchons plutôt un ensemble de principes, par exemple. En effet, un ensemble de principes qui reste de grande valeur pour les Canadiens, à mon avis, a été énoncé par Louis St. Laurent en 1946. Au sujet du rôle que le Canada devrait jouer dans le monde, il a souligné l'importance de l'unité nationale comme l'un des principaux objectifs de la politique étrangère canadienne; il n'a pas parlé de la politique de défense.
Je pense que nous pouvons réviser ces principes que St. Laurent a établis il y a si longtemps, et je pense que nous n'aboutirions probablement pas aujourd'hui à des principes très différents des siens. Par exemple, dans quelle mesure est-il important pour nous d'intervenir dans une situation comme la Libye? Et si nous intervenons en Libye, pourquoi n'intervenons-nous pas en Syrie? Eh bien, cela tient pour une moitié à notre capacité, et pour l'autre moitié à ce que font les autres pays, mais dans quelle mesure est-ce important pour nous? Pourquoi les Caraïbes sont-elles une région importante pour le Canada alors que la Méditerranée, disons, l'est moins?
Je pense que ce sont des choses que nous pouvons faire. Je pense que ce sont des choses que nous devrions faire. Je pense que le gouvernement devrait prendre l'initiative à cet égard, mais aussi écouter le peuple canadien et les entreprises canadiennes pour voir si un consensus général se dégage sur certains enjeux. Vous n'aurez pas l'unanimité, bien sûr, mais je pense qu'il est important d'avoir une certaine adhésion des Canadiens à toute opération, qu'elle soit à court ou à long terme.
Je pense que l'une des leçons que nous devons tirer de l'Afghanistan tient à la dispersion de l'opinion, les gens partant dans toutes sortes de direction différentes pour toutes sortes de raisons — Jack Granatstein et moi en avons étudié certaines dans une publication de l'automne dernier — si bien que nous n'avons pas eu d'unité nationale sur la question de l'Afghanistan. Nous n'avons même pas eu de consensus large sur la question de l'Afghanistan pendant un certain temps, si bien que la politique a eu tendance à dérailler.
Je pense qu'il nous fait essayer d'isoler les aspects sur lesquels la plupart des Canadiens s'accorderaient pour pouvoir dire « Ceci est conforme à nos valeurs et cette action s'inscrit dans notre identité ». Ensuite, lorsque nous aurons dressé un ensemble de principes, je pense que nous devrons déterminer si nous sommes prêts ou non à agir chaque fois que survient une crise internationale.
Si vous voulez appeler cela une politique, très bien. Je considère cela davantage comme un simple aide-mémoire, mais je pense que c'est indispensable, car, à l'heure actuelle, nous n'avons absolument rien de très clair sur ce plan.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence.
J'ai l'esprit très pratique. J'aime ce que le professeur vient de dire. M. Garnett vient de la même région du Canada que moi, où l'on fait ce que l'on vous dit. J'ai été policier et il était militaire; nous faisons ce que l'on nous dit de faire et nous gérons les budgets que l'on nous octroie.
Je crois réellement que l'on perd ce que l'on n'utilise pas. Nous avons quelque chose de très précieux dans notre pays qui s'appelle l'Arctique, et comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, monsieur Roussel, si nous ne faisons rien, d'autre pays, même s'ils ne vont pas revendiquer une partie du territoire canadien, diront qu'il ne nous appartient pas d'interdire la circulation de leurs navires ou leurs forages. Si vous n'utilisez pas le territoire, vous en perdez le contrôle.
Pour l'utiliser, nous n'allons pas pouvoir y installer des segments importants de notre population, mais le petit exemple que je cite aux élèves du secondaire est qu'il y a 20 ans, le Canada ne produisait pratiquement pas de diamants et aujourd'hui, nous sommes l'un des plus gros producteurs au monde de diamants de qualité gemme ou industrielle, dont la plupart proviennent du Nord. Nous savons que le Nord est probablement très riche en ressources naturelles.
Ne diriez-vous pas qu'il est dans notre intérêt national — et que l'opinion publique accueillerait cela favorablement — d'envisager sérieusement d'exploiter les richesses que Dieu nous a données dans le Nord et de faire appel pour cela aux Forces canadiennes, qui ont l'expérience des opérations dans un milieu rude? Nous pourrions peut-être demander d'abord à MM. Bercuson et Garnett, et ensuite à M. Roussel, de nous dire quelques mots à ce sujet. Ce qui n'est pas utilisé sera perdu. Devrions-nous accélérer notre exploitation des ressources naturelles?
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Je vais vous donner quelques faits et mon opinion.
J'étais le vice-chef de l'état-major de la Défense lorsque le gouvernement libéral a décidé, juste après le 1er avril 1998, d'acheter les sous-marins. J'étais le gestionnaire des ressources, et cela m'a coûté une partie de l'argent qui avait été mis de côté pour payer l'acompte, car vous savez que lorsqu'on dépasse le 1er avril, les fonds non utilisés sont perdus et le ministre des Finances d'alors a joyeusement raflé la somme. Mais c'est une autre histoire.
L'achat des sous-marins de classe Upholder est le produit du Livre blanc de 1994, mais, et c'est peut-être le facteur le plus important, il n'y avait pas de ressources dans les années 1990 pour construire de nouveaux sous-marins ou même en acheter des neufs. Le Livre blanc de 1994 était très clair. Quatre programmes avaient l'aval du gouvernement, et le troisième disait en substance que si l'on pouvait trouver les ressources au sein du ministère de la Défense nationale pour acquérir des sous-marins d'occasion d'une certaine classe, à savoir la classe Upholder, le MDN devait le faire.
À l'époque, après le Livre blanc, en dépit des contraintes financières que nous connaissions, nous disposions de ressources suffisantes pour acheter ces sous-marins. Il circule quantité d'histoires sur les coûts d'alors et ceux qui ont cours depuis. En réalité, si nous n'avions pas acquis ces sous-marins, le Canada n'aurait aucune capacité sous-marine. Nous étions hors-jeu à la fin des années 1990, et lorsque vous n'êtes plus dans la partie, vous ne jouez plus. Il a fallu 10 à 15 ans pour rendre opérationnels les sous-marins O au départ, et nous avions déjà auparavant quantité de marins canadiens naviguant sur les sous-marins britanniques de classe Oberon.
Donc, si nous voulions conserver cette capacité pour que notre Marine soit équilibrée et dotée d'une structure de force équilibrée, il n'y avait pas d'autres choix que de les acquérir, et c'est ce que nous avons fait.
Nous savons tous ce qui s'est passé depuis. Il y a certes eu des erreurs, une tragédie terrible dans le cas du Chicoutimi. Des décisions furent prises. Des décisions furent modifiées, et pas mal de temps s'est écoulé avant que le Canada ou le MDN signe un contrat avec l'industrie appelé Contrat de soutien en service des navires de la classe Victoria, ou quelque chose du genre, si bien que l'industrie participe maintenant pleinement à l'entretien des sous-marins. Le Victoria lui-même a été longtemps en carénage dans l'installation d'entretien de la flotte à Esquimalt, et c'est le cas en ce moment du Windsor à Halifax, je crois. On a vu le chef de l'état-major de la Défense à la télévision. La presse locale a été invitée à bord, et le Victoria, je crois avoir lu cela dans le journal aujourd'hui, a suivi un exercice d'entraînement préparatoire complet cette semaine, et la semaine prochaine il effectuera des tirs dont les médias parleront.
Nous aurons ainsi le premier sous-marin canadien pleinement opérationnel, le Victoria, aux alentours de Pâques, et l'on me dit que le Windsor sera pleinement opérationnel d'ici la fin de l'année.
Mon opinion est que nous voulions conserver une capacité sous-marine, pour avoir une Marine et une force équilibrées. Il n'y avait pas d'autre moyen. Oui, pendant quelque temps, les choses allaient mal, mais je crois certainement ce que dit le chef de la Marine, à savoir que c'est fini. L'industrie participe — il est dommage qu'elle n'ait pas pleinement participé plus tôt — et nous avons une capacité pour l'avenir.
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Merci, monsieur le président.
Je pense comme Chris que ce groupe de témoins a été absolument excellent, et j'apprécie la contribution de chacun.
Le général Bouchard, dans une allocution très humoristique lors d'un déjeuner la semaine dernière, a parlé des trois règles stratégiques des coalitions de l'OTAN et de la façon de s'entendre. La première règle, a-t-il dit, est que les enfants doivent jouer gentiment les uns avec les autres. La deuxième règle est que les enfants doivent partager leurs jouets, et la troisième est qu'ils devraient faire une sieste l'après-midi.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John McKay: Il disait cela pour illustrer son propos sur le partage des renseignements — ce qui est en rapport avec les points que vous avez tous deux abordés — et en particulier sur la façon de travailler en vase clos des pays qui participent à la coalition, pour ce qui est des renseignements. Les Américains en général n'en communiquent pas beaucoup.
C'est d'ailleurs devenu assez sérieux au début de la mission, lorsqu'il fallait littéralement utiliser les cartes Google pour déterminer les passages de bombardement. C'est aussi devenu pas mal sérieux en ce sens que, lorsque certains pays participaient au breffage, Al Jazeera diffusait le contenu du breffage l'après-midi même.
Je serais intéressé à avoir votre avis sur la façon dont l'OTAN pourrait surmonter ce problème, car si elle ne le surmonte pas, cela va... Eh bien, cela ne sera peut-être pas la fin de l'OTAN, mais cela ne va certainement pas favoriser sa survie.