Bonjour.
[Français]
Pour commencer, je tiens à m'excuser. En effet, il m'a été impossible de transmettre mon texte à l'avance pour en permettre la traduction et la distribution. Par contre, j'ai donné des copies au greffier pour faciliter l'interprétation simultanée.
[Traduction]
Je sais que ce n'est pas l'idéal, et je m'en excuse, mais j'espère que les interprètes pourront suivre mon texte. Le document sera disponible après, mais je n'ai pas une version traduite et je ne peux pas le distribuer tout de suite.
Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être ici.
Mon document porte le titre « Is it time to take a hard look at NATO's second pillar: crisis management? » Il s'agit du deuxième pilier de l'OTAN, la gestion des crises, un pilier sur le plan du concept stratégique des tâches fondamentales.
Tout d'abord, à mon avis, l'OTAN n'est pas l'ONU et elle ne devrait pas gaspiller un temps, des efforts et des ressources précieux à tenter de reproduire le rôle de l'ONU dans la gestion des crises. Les membres de l'OTAN devraient plutôt s'efforcer de déterminer la meilleure façon d'appuyer le rôle militaire de l'ONU dans la gestion des crises en participant de nouveau avec des ressources sur le terrain, en mettant plus régulièrement des capacités opérationnelles de pointe à la disposition de l'ONU et, bien sûr, en dirigeant les efforts de stabilisation mis sur pied par l'ONU, le cas échéant.
Deuxièmement, si le Canada et les autres pays membres de l'OTAN avaient participé davantage aux activités de maintien de la paix par les Casques bleus de l'ONU — certains pays l'ont fait, mais pas tous —, l'action internationale de stabilisation en Afghanistan, par exemple, aurait peut-être été tout autre.
Rappelons-nous les mots utilisés dans le Concept stratégique 2010 et lors du Sommet de l'OTAN à Chicago pour la déclaration portant sur le rôle de l'OTAN dans la gestion des crises.
Essentiellement, l'OTAN déclare que pour gérer les conflits, et certainement pour les éviter ou en gérer les séquelles, le rôle militaire ne suffit pas. C'est ce qui a amené l'OTAN à adopter la démarche globale et à faire intervenir toute la gamme des outils politiques, diplomatiques, policiers, techniques et autres dans la résolution des conflits. Mais, à mon avis, et je parle en connaissance de cause pour avoir passé la majeure partie des 10 dernières années à travailler avec l'OTAN, s'attendre à ce que l'OTAN fasse cela se résume à faire les choses à l'envers, car l'OTAN est, avant tout, une organisation militaire même si elle a, bien sûr, une importante structure de surveillance politique. Les opinions varient grandement à savoir si le rôle est principalement militaire ou principalement politique. À mon avis, la composante militaire ajoute de la valeur aux opérations de maintien de la paix et de stabilisation. Je dirais donc que la composante militaire ne peut assumer la direction quand les solutions sont essentiellement politiques, même si celles-ci ont souvent un élément important de soutien militaire.
Disons les choses franchement: 28 nations ne sont pas 193 nations. Le Conseil de l'Atlantique du Nord n'est pas le Conseil de sécurité de l'ONU, même s'il y a un certain recoupement des membres. L'État-major militaire international de l'OTAN n'est pas le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Les conseillers politiques de l'OTAN ne sont pas le Département des affaires politiques de l'ONU.
Comme l'ont fait remarquer de nombreux témoins avant moi, la valeur ajoutée que présente l'OTAN est sa capacité militaire.
Tout effort, aussi bien intentionné soit-il, de reproduire le rôle international essentiel de l'ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité, et en particulier de la prévention et de la gestion des crises ainsi que de la consolidation après les conflits, est hautement problématique, surtout lorsqu'un tel effort détourne les ressources militaires les plus professionnelles des opérations menées par l'ONU.
Voilà pourquoi peut-être des témoins précédents, comme Paul Chapin dans ses paroles et dans l'article qu'il a écrit avec David Bercuson, ont dit que ce rôle élargi de l'OTAN dans la gestion des crises était à la limite — les paroles mêmes de Paul Chapin — de ce que plusieurs pays en Europe peuvent considérer confortable, même avant la crise financière.
Et la saga difficile de l'OTAN en Afghanistan n'a pas calmé leurs peurs.
Revenons en arrière un instant. Quand Jill Sinclair, sous-ministre adjointe (Politiques) à la Défense nationale a témoigné, elle a mentionné les opérations et les missions de gestion des crises de l'OTAN: l'Afghanistan, la Lybie, le Kosovo, le contre-terrorisme en Méditerranée et la mission de formation de l'OTAN en Irak, puis elle a aussi parlé des plans civils d'urgence. L'OTAN a fait tout ceci et maintenant, bien sûr, le nouveau Concept stratégique ou la déclaration à l'issue du sommet de Chicago aidant, l'accent est encore plus fort sur l'aspect prévention des conflits.
Comme je l'ai déjà dit, certains témoins avant moi ont indiqué à quel point ce rôle est à la limite de la zone de confort pour beaucoup de monde en Europe.
J'aimerais parler un peu des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Il est extrêmement triste pour le Canada qu'après avoir eu un rôle prépondérant dans les activités de maintien de la paix de l'ONU pendant si longtemps, ayant cessé de participer aux opérations Casques bleus de l'ONU après la FORPRONU — la Force de protection des Nations Unies en ex-Yougoslavie au début des années 1990 —, nous sommes maintenant dans l'ignorance presque totale de la transformation, de la planification, de l'exécution et de la gestion des opérations menées par l'ONU depuis lors. Une révision fondamentale a été exécutée, et des leçons importantes ont été apprises.
De nouvelles structures de commandement et de contrôle, des mécanismes perfectionnés de planification intégrée et des structures de soutien des missions sur le terrain ont été instaurés. Malheureusement, le message ne s'est pas transmis aux structures militaires de nombreux pays membres de l'OTAN, étant donné qu'ils sont loin de cette activité de l'ONU. Par conséquent, bien sûr, cette activité est privée de l'accès à toute cette spécialité militaire de pointe.
J'aimerais citer ce qu'a dit James Appathurai au sujet de l'OTAN, à l'OTAN, — il a qualifié de primordial le rôle de l'OTAN en ce qui concerne les opérations de maintien de l'ONU, et je cite:
En tant qu'organisation, l'OTAN est mieux équipée que nulle autre organisation pour générer, déployer, commander et maintenir de vastes forces dans le cadre de ses opérations multinationales. Aucune autre organisation ne peut faire cela...
Aujourd'hui, l'OTAN a plus de 150 000 soldats... dans une diversité d'opérations.
Comparez cela au fait que l'ONU a actuellement 82 000 soldats oeuvrant dans quelque 16 missions de maintien de la paix, ainsi que 3 000 observateurs militaires, 14 000 membres de personnel policier et 13 000 civils.
Il est important de remarquer que la majorité de ces missions de Casques bleus ne sont pas de petites opérations. Elles sont mandatées au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, de la même façon que l'a été la mission de l'OTAN en Afghanistan. Parlant franchement une fois de plus, si les Nations Unies comptaient principalement sur les missions menées par l'OTAN, d'immenses étendues du monde seraient abandonnées.
C'est sur les dimensions politiques des opérations de maintien de la paix que je veux insister. Dans le rapport Brahimi, qui examinait les leçons tirées des échecs de mission de maintien de la paix de l'ONU en particulier — et je dirais que cela s'applique aussi à ce que l'OTAN appelle des opérations de réponse aux crises ou des opérations de gestion des conflits —, la leçon principale est le fait que le maintien de la paix ne peut se substituer à une démarche politique efficace. Si l'on veut faire concorder les mesures politiques aux mesures de maintien de la paix, les opérations de maintien de la paix doivent, idéalement, venir appuyer la mise en oeuvre d'un accord de paix ou, tout du moins, un processus de paix crédible.
Crédibilité signifie un appui intérieur et une légitimité au niveau des parties en conflit. Elle signifie également que les mesures sont largement appuyées à l'extérieur par une sorte de cadre politique ou stratégique commun. Je dirais que les problèmes inhérents à bon nombre des opérations Casques bleus, mais aussi, ce qui est particulièrement pertinent pour nous aujourd'hui, des opérations mandatées par l'ONU, mais non menées par l'ONU... autrement dit, les opérations de maintien de la paix menées par l'OTAN. Les problèmes de ces missions découlent du fait que la communauté internationale, certainement le Conseil de sécurité de l'ONU, n'a pas tenu compte de la leçon qu'une activité militaire doit être à l'appui d'un cadre politique et d'une démarche de paix crédibles.
À mon avis, Haïti est l'exemple même d'une démarche de paix incomplète — le plus grand parti politique n'a pas participé aux élections. En République démocratique du Congo, divers groupes rebelles restent en dehors des accords négociés. En Afghanistan, où l'OTAN a une force de stabilisation, la Force internationale d'assistance à la sécurité, la communauté internationale a mis au point un cadre commun pour ses relations avec divers acteurs internes, sans tenir compte d'un processus qui aurait pu assurer une plus large inclusion politique. De plus en plus, une des principales fonctions des opérations de maintien de la paix de l'ONU est l'extension de l'autorité de l'État, ce qui a fini par se produire dans le cas de la FIAS.
Comment une mission de maintien de la paix de l'ONU peut-elle fonctionner quand toute une variété d'actes non étatiques s'y opposent, surtout quand certains ou tous sont appuyés de l'extérieur, chose à laquelle la MONUC est confrontée en République démocratique du Congo? À mon avis, c'est une question que l'OTAN pourrait se poser pour l'Afghanistan. Jusqu'à quel point une mission de l'ONU peut-elle oeuvrer contre la volonté du gouvernement hôte, comme la MINUAD doit faire à Darfour? Dans quelle mesure la FIAS peut-elle réussir en Afghanistan suivant un cadre politique où la communauté internationale a pris position, intentionnellement ou pas, dans une guerre civile?
Bien sûr, il y aura toujours des perturbateurs qui resteront en dehors de l'accord, mais il faut commencer par mettre au point un cadre politique aussi inclusif que possible pour que les perturbateurs puissent être effectivement isolés.
:
Je suis désolée. J'ai lu plus lentement pour les interprètes et j'ai pris bien du retard.
Le deuxième point dont je voudrais parler, et j'invite les questions à ce sujet, est que le plus grand malentendu au sujet des opérations actuelles de maintien de la paix de l'ONU se rapporte à l'emploi de la force. Je reviens à Paul Chapin qui parlait de la tâche aisée de l'ONU pour le maintien de la paix. En réalité, ils oeuvrent dans des environnements extrêmement dangereux avec des règles d'engagement très rigoureuses. Cela invite à se demander quelles sont les limites de l'emploi de la force quand on n'est pas en guerre, mais que l'on tente de stabiliser une situation? À mon avis, un dialogue sur les limites de l'emploi de la force, dans le contexte d'une discussion plus large sur l'exigence fondamentale d'un processus de paix crédible, pourrait aider à démontrer que la force robuste, aussi essentielle soit-elle, n'élimine quand même pas la nécessité de trouver des solutions politiques à des problèmes politiques.
Essentiellement, je dis que, paradoxalement, si les pays membres de l'OTAN avaient continué à participer aux opérations de paix de l'ONU, ils auraient peut-être mieux compris que la force militaire robuste ne suffit pas à arriver à ces fins, si cette force n'est pas appuyée par un cadre politique crédible. Cela a été démontré à maintes reprises en Afghanistan. À mon avis, les membres de l'OTAN et les membres de l'ONU devraient tenir un dialogue très sérieux à ce sujet. L'ONU peut analyser les missions menées par l'ONU, mais elle ne peut analyser les missions menées par l'OTAN sans être parrainée par un pays membre de l'OTAN. C'est une chose qu'il serait très important de faire.
L'autre point que j'ai à soulever — et vous me poserez peut-être des questions à ce sujet — porte sur le domaine dans lequel je travaille avec l'OTAN, la fausse perception que le commandement et le contrôle des missions de l'ONU sont très problématiques. De fait, à l'encontre des missions de l'OTAN, il n'y a pas de division entre le contrôle politique et le contrôle militaire dans les missions de l'ONU. Dans le cas de l'ONU, le commandement et le contrôle sont décentralisés jusqu'au niveau opérationnel sous un commandement civil, le responsable civil de la mission de l'ONU. C'est là, à mon avis, un élément essentiel de la réussite d'une opération de gestion de crise ou de maintien de la paix. Un commandement séparé entre une mission de l'ONU s'occupant de l'aspect politique, d'une part, comme en Afghanistan, et une mission militaire relevant d'autres autorités, d'autre part, mène à un commandement inefficace.
:
Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
Tout d'abord, je vous remercie de m'offrir cette occasion d'assister à votre séance afin de discuter de ce sujet important relatif à votre étude.
[Traduction]
Il y a plusieurs années, vers la fin de la guerre froide, j'ai fait partie de la délégation canadienne à l'OTAN. J'admire profondément l'alliance pour sa capacité de s'adapter aux nouvelles circonstances tout en maintenant la solidarité traditionnelle cruciale entre ses membres.
Pour leur part, les membres de l'alliance, y compris le Canada, ont la responsabilité de revoir régulièrement les activités de l'OTAN pour déterminer si l'organisation offre encore le meilleur rapport qualité-prix. Le Concept stratégique a présenté une certaine orientation générale en établissant la défense collective, la gestion de crise et la coopération en matière de sécurité comme tâches fondamentales de l'alliance.
J'approuve toutes ces tâches, mais j'aimerais voir un accent plus prononcé sur le rôle consultatif de l'alliance et le potentiel qu'il présente dans la prévention des conflits. La défense collective demeure le fondement de l'OTAN, mais, au cours des dernières années, cela ne signifie plus autant défendre un territoire allié en cas d'attaque que collaborer pour défendre des intérêts alliés quand ceux-ci sont menacés.
La force unique de l'OTAN réside dans ses structures intégrées civile et militaire et la capacité que cela lui procure de mener d'importantes opérations conjointes complexes. Cette capacité inégalée de projeter et soutenir des forces et de gérer efficacement une mission multinationale est ce qui a fait de l'OTAN l'organisation de prédilection pour les opérations de combat à mener au nom des Nations Unies et d'autres groupes d'États. C'est ce qui s'est produit dans le cas des Balkans, de l'Afghanistan et, plus récemment, de la Lybie. L'alliance peut s'attendre à d'autres requêtes semblables à l'avenir.
De son côté, le Canada devrait continuer à contribuer au maintien de cette capacité collective et à s'assurer que les États membres contribuent de façon appropriée. Une approche intelligente à la défense devrait comprendre une certaine mise en commun des ressources et le développement de capacités de créneau, plutôt que la tentative de faire en sorte que chaque membre possède toutes les capacités.
Voilà pourquoi la décision du Canada de se retirer du programme AWACS de l'OTAN envoie, à mon avis, un message regrettable, car c'était l'exemple d'un programme commun de l'OTAN fournissant une capacité très spécialisée qui aurait représenté un coût prohibitif pour la plupart de ses membres si les nations avaient eu à l'acquérir individuellement. La présence continue du personnel des Forces aériennes canadiennes en Europe dans le cadre des équipages aériens intégrés des avions AWACS de l'OTAN a aussi fait fonction de rôle symbolique et politique important démontré par une présence tangible du personnel canadien sur le territoire européen, travaillant côte à côte avec des compagnons d'armes d'autres États de l'OTAN.
Constituer des capacités expéditionnaires pour les Forces canadiennes est une façon de contribuer à la capacité de l'OTAN de projeter des forces, tout comme l'est appuyer les programmes communs ou contribuer à des capacités spécialisées qui pourraient être hors de portée pour d'autres alliés ou partenaires.
J'ai mentionné plus tôt que l'OTAN devrait consacrer autant de temps à la prévention des conflits à la gestion des crises. À mon avis, cela se rapporte au rôle consultatif de l'alliance —, une fonction qui était la principale raison pour laquelle le Canada a appuyé l'article 2 du Traité de Washington lors de son inauguration — et à l'importance de maintenir l'OTAN comme point central des consultations politiques-militaires sur les défis de sécurité de nos jours.
Le Canada, de concert avec les autres alliés qui ne font pas partie de l'Union européenne, comme la Norvège et la Turquie, doit faire preuve d'une grande fermeté pour voir au maintien de ce rôle de l'alliance car, à l'heure actuelle, l'Union européenne, d'une part, et les États-Unis, d'autre part, ont tendance à procéder de leur côté à leurs propres consultations internes, à nos dépens. Si le désir qu'a le Canada de voir à ce que l'OTAN soit une alliance autant politique que militaire est destiné à être plus qu'un but rhétorique, il va falloir qu'il y ait une réénergisation des mécanismes consultatifs de l'alliance et le déploiement d'efforts à cet effet au niveau central et des délégations.
Quand j'ai travaillé à l'OTAN, le comité politique de l'alliance a mené des consultations régulières sur les problèmes de contrôle des armes et de désarmement, ainsi que sur les préoccupations de sécurité régionale. J'ai l'impression qu'il y a eu une diminution continue de ce genre d'activités collectives d'évaluation et d'établissement de stratégie, ce qui est indispensable si l'alliance doit rester à l'avant-garde pour créer des programmes de prévention des conflits et non pas seulement des séances de gestion des crises. Ces consultations politiques sont essentielles si l'alliance doit contribuer activement à la sécurité internationale par le truchement de la diplomatie et du désarmement, et non pas seulement au moyen de l'emploi de la force.
Malgré le Concept stratégique et l'étude subséquente sur la dissuasion et la défense, l'alliance s'accroche encore à une politique rétrograde et désuète en matière d'armes nucléaires. C'est une absurdité de conclure que tant que les armes nucléaires existent, l'OTAN restera une alliance nucléaire. Manifestement, tant et aussi longtemps que de telles armes demeurent dans l'OTAN elles vont continuer à exister. Malgré sa déclaration qu'elle est déterminée à créer les conditions propices pour qu'il n'y ait plus d'armes nucléaires dans le monde, l'alliance a apparemment peu fait pour identifier et réaliser ces conditions. Le Canada devrait faire cause commune avec l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et les autres alliés du même avis pour s'assurer que l'alliance a effectivement une politique en matière d'armes nucléaires qui est crédible et compatible avec les obligations de ses membres au titre du TNP. Une revitalisation des consultations de l'OTAN s'occuperait aussi du contrôle des armes conventionnelles et du besoin de préserver les réalisations du passé qui sont actuellement menacées, comme le Traité FCE, et de renforcer d'autres, comme le Document de Vienne sur les mesures de confiance et le Traité Ciel ouvert, dans lequel le Canada a tenu un rôle important.
La dernière mission exprimée dans le Concept stratégique porte sur la sécurité coopérative. Cette tâche fait aussi appel à une consultation soutenue entre les alliés et entre les membres de l'OTAN et leurs partenaires. Les conseils avec la Russie et l'Ukraine exigent une attention et un renouveau d'effort pour surmonter l'attitude de confrontation qui caractérise encore leurs séances. Dans le cadre d'une stratégie de prévention de conflits progressiste, nous devrions aussi encourager une approche créative pour l'établissement de normes de comportement d'état responsable au niveau de la sécurité cybernétique, et chercher des moyens d'éviter que le cyberespace se transforme en un nouveau champ de bataille est-ouest.
Le Canada doit être prêt à investir dans l'alliance s'il veut continuer à bénéficier des dividendes importants en sécurité qu'il en retire. En une période où tant le MDN que le MAECI subissent des restrictions budgétaires, il va falloir poser des actions militaires et politiques canadiennes créatives et bien coordonnées pour s'assurer que nous sommes, en bout de ligne, un décideur de politique de l'OTAN, et non pas simplement un preneur de politique.
Merci de votre attention.
[Français]
Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais. J'espère que j'ai bien compris la question.
[Traduction]
En quelques mots, la différence fondamentale entre une mission menée par l'OTAN et une mission menée par l'ONU est la division du commandement. Dans une mission menée par l'ONU, l'autorité politique — le chef de la mission, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU — a le pouvoir de diriger la mission, y compris l'élément militaire. Dans une mission autorisée par l'ONU et menée par l'OTAN...
En Afghanistan, par exemple, il y a une mission politique de l'ONU, la MANUA, qui s'occupe parfois d'éléments étroits, et parfois d'éléments plus larges. Le problème en Afghanistan découle, en partie, du fait que la MANUA était initialement une mission très étroite qui ne bénéficiait pas d'un processus diplomatique étendu de maintien de la paix. Puis, vous avez la mission militaire de l'OTAN. L'OTAN tient le discours, par exemple, que les forces militaires doivent toujours être à l'appui d'un processus politique, mais que la mission politique est distincte, même si l'OTAN intervient. Ce sont deux choses différentes. Il faut donc constamment travailler très fort pour s'assurer que la mission militaire menée par l'OTAN, qui relève d'un organe politique distinct de l'OTAN, le Conseil de l'Atlantique du Nord, va dans le sens du cadre établi par la communauté internationale et présenté par la mission politique de l'ONU.
On se trouve donc à séparer les rôles politique et militaire dans une situation où une cohérence des deux est absolument cruciale. C'est là que se situe la différence. Dans une mission de l'ONU, il n'y a pas une telle division et la responsabilité repose entièrement sur la direction politique; par conséquent, on peut être certain que toutes les actions militaires prises appuient les grands objectifs politiques.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Si nous avons fini par avoir ces missions divisées, c'est parce qu'un pays particulier, les États-Unis, ne voulait pas que ses forces soient dirigées par un commandement de l'ONU. Par conséquent, si les capacités formidables des États-Unis devaient être disponibles, il fallait que ce soit sous une autre forme. C'est l'origine de la situation. Initialement, les pays comme le Canada participaient aux deux types de missions. Cependant, il y a une limite à ce que des forces de bien plus petite taille peuvent faire. Il a fallu choisir, et le Canada a choisi de participer aux missions menées par l'OTAN.
Malheureusement, on aboutit à la situation problématique où les meilleures forces, en termes de capacité professionnelle, sont éloignées d'un cadre où elles peuvent être utilisées le plus efficacement pour faire en sorte que l'action militaire appuie entièrement le cadre politique plus large. Cette séparation mène aussi à la possibilité de ne pas remarquer si le cadre politique est assez solide pour permettre la réussite de l'action militaire.
L'Afghanistan est l'exemple parfait d'une situation où le cadre politique n'était pas assez solide pour permettre une action militaire efficace. Malgré toute son efficacité, une action militaire ne saurait se substituer à un cadre politique efficace; par conséquent, si les deux sont dans une même mission, il est plus facile de réévaluer.
Je suis désolée d'avoir parlé si longtemps, mais c'est vraiment...
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Merci beaucoup de cette question.
J'aimerais revenir un instant à la dure leçon, l'expérience frustrante du Canada, surtout dans le cadre de la Force de protection de l'ONU en ex-Yougoslavie, et comparer cela au sentiment de satisfaction retiré des missions menées par l'OTAN, la IFOR et la SFOR, qui vient appuyer le point de vue que nous ne voulons pas participer aux activités de l'ONU, nous voulons participer à celles de l'OTAN.
J'ai parlé du changement important qui s'est produit, du fait que l'ONU s'est réorganisée pour mieux mettre sur pied des opérations de paix très complexes. Mais j'aimerais mentionner un autre aspect qu'il ne faut pas oublier. La Force de protection de l'ONU en ex-Yougoslavie a été détruite parce qu'il n'y avait pas de paix à maintenir au milieu d'une guerre. La très robuste force de stabilisation internationale de l'OTAN, déployée après les accords de Dayton, a été déployée dans le contexte d'un accord à faire respecter.
La leçon à tirer ici, à mon avis, est qu'il ne suffit pas d'avoir une force militaire capable, il faut avoir un accord de paix à faire respecter. C'est cette portion de l'équation qui s'est perdue quand nous avons opté pour les opérations du côté de l'OTAN et avons concentré nos efforts sur la capacité militaire, perdant de vue le fait que les deux éléments sont extrêmement importants. Lorsqu'on parle d'un cadre de rétablissement de la paix, l'ONU est l'organisme leader pour cela.
Quant à ma recommandation pour un premier pas — parce que c'est manifestement un changement important dans la façon de penser —, je propose que les pays comme le Canada, qui ont l'expérience que nous avons, entament un dialogue, prennent dans le contexte de l'OTAN et de l'ONU l'initiative de parrainer un dialogue au sein des Nations Unies sur les leçons tirées de l'emploi de la force dans ces opérations complexes.
Un processus permanent assez rigoureux est en cours du côté de l'ONU pour examiner les leçons à retenir des missions dirigées par l'ONU, c'est-à-dire les missions des Casques bleus. Il y a une grande somme de travail à cet égard. Cependant, l'ONU, comme organisation, ne peut donner l'apparence de juger des opérations dirigées par l'OTAN, c'est pourquoi nous n'avons pas le même genre d'analyse globale. Les différents pays membres de l'OTAN se penchent sur leur expérience en Afghanistan par exemple, mais il n'y a pas d'examen rigoureux portant sur quelques-uns des enjeux clés qui ont surgi, qui ont posé de lourds problèmes dans le contexte de l'ONU.
En particulier se pose cette question des limites du recours à la force. Aussi robuste que soit votre capacité militaire, le but d'une mission de stabilisation, qu'elle soit dirigée par l'ONU ou par l'OTAN, n'est pas de finir par déclarer la guerre aux différentes parties, c'est de stabiliser la situation. Où se situent les limites du recours à la force? Combien faut-il convaincre de pays membres d'entrer dans la tente pour que la mission fonctionne, au lieu d'isoler les détracteurs? L'ONU a fait un assez bon bout de chemin dans cette discussion sur sa mission, mais je crois qu'il est fondamental que nous mettions à contribution toute l'expérience chèrement acquise de l'OTAN en la matière. Il faut donc que le Canada parraine ce dialogue.
Il y a aussi d'autres éléments. Le deuxième élément serait les difficultés inhérentes aux missions bicéphales, lorsque le leadership politique et le leadership militaire sont séparés, comme dans une mission dirigée par l'OTAN et une mission de l'ONU, par opposition à une mission intégrée, ce qui est le modèle de l'ONU. Penchons-nous sur la question, et si c'est aller trop loin de demander à de nombreux pays de l'OTAN de se réengager sous le leadership de l'ONU, pouvons-nous examiner des façons de réduire le plus possible les problèmes inhérents au leadership bicéphale?
Le Canada pourrait en discuter avec d'autres pays de l'OTAN puis parrainer ce dialogue à l'ONU... Il faudrait que l'ONU soit de la partie, il y a des mécanismes pour le faire.
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Merci beaucoup pour votre question.
Bien entendu, le recul est toujours une chose merveilleuse, tout est toujours tellement beaucoup plus clair avec le recul et j'en suis très consciente.
Avant toute chose, nous devons faire la distinction entre une opération militaire et une opération de stabilisation ou une intervention de gestion de crise. Les toutes premières mesures qui ont été prises en Afghanistan, qui étaient clairement destinées à chasser les talibans ne sont pas ce dont il est question ici, c'est-à-dire les mesures qui ont été prises après cette intervention, l'effort de stabilisation que l'OTAN a fini par diriger.
Dans ce contexte, la communauté internationale a effectivement tenté de mettre en place un cadre politique, au début par l'Accord de Bonn, qui est devenu l'Accord de Londres. Il y avait un cadre très large. Le problème tient au fait que des acteurs importants ont été laissés de côté, c'est-à-dire les talibans, et les Pachtounes, dans une grande mesure, le plus important groupe ethnique en Afghanistan. Avec le recul, beaucoup ont dit, et de fait Brahimi l'a dit à l'époque, que le moment le plus propice pour négocier l'accord était le moment où les talibans étaient incroyablement faibles et pratiquement décimés.
S'il y avait eu un cadre politique inclusif, les choses auraient pu être très différentes aujourd'hui, mais comme il n'y en avait pas, au bout du compte, l'intervention militaire n'a pas été suffisante pour stabiliser la situation, et nous connaissons tous la situation dans laquelle nous nous trouvons par rapport à Afghanistan
:
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
C'est une très bonne question.
C'était très intéressant, si on pense aux témoignages antérieurs des représentants de l'OTAN dans ce dossier — le sous-secrétaire général adjoint James Appathurai, par exemple. Il a insisté sur l'importance pour l'OTAN d'avoir la légitimité d'un mandat accordé par l'ONU et il a souligné qu'à une seule occasion et pour une courte période, à cause du blocage — évidemment, il parlait de Kosovo — une intervention militaire a eu lieu sans mandat de l'ONU et, au bout du compte, l'ONU a donné rétroactivement son aval, pour ainsi dire. J'évoque cet exemple parce que l'une des choses que l'OTAN a apprise dans le cadre des opérations auxquelles elle a participé, c'est l'importance fondamentale d'obtenir cette autorisation de l'ONU et la légitimité qui l'accompagne.
Plus tôt au cours de notre discussion, nous avons dit à quel point ces interventions sont difficiles. Sans autorisation de l'ONU, elles sont infiniment plus difficiles et je ferais l'hypothèse que c'est une partie du problème qui se pose par rapport à la Syrie. Il est simplement si difficile d'obtenir la légitimité générale nécessaire à une opération — par exemple pour pouvoir recruter des participants arabes à l'opération libyenne parce qu'elle était largement appuyée par la communauté internationale et qu'elle avait la sanction importante de l'ONU dont nous parlons. C'est primordial au succès d'une opération.
Je dirais qu'actuellement, cela ne signifie pas qu'il ne peut pas y avoir d'exception à l'avenir, disons, par exemple, lorsque le conseil est si bloqué et que nous croyons vraiment que nous devons agir malgré tout. Toutefois, ce genre de décision devrait être vu comme une exception extraordinaire dans des circonstances extraordinaires, parce qu'ainsi, les chances de succès deviennent encore plus minces.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
:
Bien sûr. Plusieurs défis se posent à la communauté internationale par rapport à la non-prolifération, au contrôle des armes et au désarmement, et en partie, ces problèmes découlent de la nécessité de prendre conscience de ce que le traité de non-prolifération, lequel est l'accord de sécurité internationale en vigueur ayant suscité le plus grand nombre d'adhésions, avec 189 États parties et seulement 4 États en dehors de ce régime... Le traité prévoit le désarmement nucléaire et la non-prolifération et l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. Des progrès ont été accomplis dans tous ces domaines, mais de toute évidence, on pourrait faire beaucoup plus.
Si je ne m'abuse, un sujet dont il a été question et qui était à l'étude à la dernière conférence d'examen du TNP en 2010 est un document consensuel renfermant plusieurs plans d'actions. L'un de ces plans visait à réduire le statut opérationnel des forces nucléaires. Comme plusieurs d'entre vous le savent, même plus d'une génération après la fin de la Guerre froide, il reste près d'un millier de forces stratégiques déployées en état soi-disant « d'alerte instantanée ». À mon avis, il faut se pencher sur le danger que représente cette état des choses, surtout compte tenu de la situation stratégique et des relations politiques nettement plus favorables. Il s'agit d'un domaine auquel les États avaient convenu de s'attaquer mais à l'égard duquel, honnêtement, les choses ne bougent pas.
Le Traité sur l'interdiction de la production de matière fissile est un autre domaine dans lequel le Canada a été actif. La matière fissile est ce qui sert à produire des armes nucléaires, il est donc tout à fait logique que pour avoir vraiment une chance d'en arriver au désarmement nucléaire, l'une des premières mesures à prendre consiste à fermer le robinet de la production. C'est un objectif dont la communauté internationale est convenue depuis près de 50 ans et, une fois encore, cela faisait partie des résultats escomptés du TNP. Malheureusement, la Conférence de Genève sur le désarmement, qui devait négocier ce traité, n'a pas réussi à produire d'entente sur un plan d'action depuis 1998 et nous sommes maintenant rendus au point où des pays disent à juste titre que si la Conférence sur le désarmement ne peut livrer la marchandise, envisageons d'autres façons de procéder. Le Canada est, de tradition, le promoteur d'une résolution qui est actuellement soumise à l'Assemblée générale. Elle propose de former un groupe d'experts gouvernementaux pour aider à élaborer le texte de ce traité.
À mon avis, l'approche pourrait être encore plus opérationnelle, mais c'est un autre exemple d'un enjeu reconnu comme une priorité et pourtant, depuis des années, nous n'avons pas réussi à faire de progrès. Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires en est un autre. Là encore, huit pays bloquent l'entrée en vigueur officielle du traité. J'aimerais que ces pays fassent ce qui doit être fait et mettent en oeuvre ce traité.