Passer au contenu
Début du contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous.
    Nous allons poursuivre notre étude sur le maintien en disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes. Nous accueillons aujourd'hui Lee Windsor, le directeur adjoint du Centre d'étude Gregg sur les conflits et sociétés, de l'Université du Nouveau-Brunswick, ainsi que le vice-amiral (à la retraite) Larry Murray, président du Forum des politiques publiques. Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue parmi nous. Nous avons hâte de savoir ce que vous avez à nous dire au sujet de cette étude importante que nous avons entreprise.
    Monsieur Windsor, voulez-vous commencer?
    Messieurs et mesdames les membres du comité, amiral Murray, c'est un privilège pour moi d'avoir été invité à comparaître devant votre comité pour participer à cet important débat sur la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes.
    Je suis ici au nom du brigadier Milton F. Gregg, V.C., du Centre d'étude Gregg sur les conflits et sociétés, qu'on appelle couramment Centre Gregg, de l'Université du Nouveau-Brunswick. Ce centre a pour mandat général d'étudier les causes, le déroulement et les conséquences des conflits dans l'histoire et à l'époque contemporaine, et d'examiner, en particulier, l'évolution de l'Armée canadienne ainsi que son avenir. À cet égard, nous entretenons une collaboration étroite avec le centre d'instruction au combat de la base de Gagetown.
    C'est ainsi que des professeurs du Centre Gregg sont invités à participer au perfectionnement professionnel de la force terrestre et des unités d'instruction. Notre programme de recherche comprend notamment des projets en cours sur la mission du Canada en Afghanistan, sur la série de missions dangereuses de maintien de la paix des années 1990, et sur le rôle des Forces canadiennes pendant les deux guerres mondiales. Nous avons bien sûr d'autres projets, mais je serai mieux en mesure de vous parler de ceux que je viens de mentionner, étant donné que je travaille directement dessus.
     Le point commun de nos missions en Afghanistan, de nos interventions pendant les années 1990 et, bien sûr, de notre rôle pendant les deux guerres mondiales, c’est qu’à ces trois époques, les forces canadiennes ont fait partie d'une grande coalition d'alliés, qui avaient décidé de conjuguer leurs efforts dans un objectif commun. Il y a aussi ce qu'on appelle aujourd'hui les missions pangouvernementales, c'est-à-dire l'approche globale, ou, le cas échéant, des missions comportant des dimensions inter-agences, multinationales et politiques.
    Permettez-moi d'ajouter que nos professeurs, moi y compris, sont des historiens militaires de formation, et que par conséquent nous adoptons une approche historique, fondée sur des données probantes, pour toute cette étude sur la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes. Par exemple, en 2006-2007, le Centre Gregg a entrepris un projet sur les opérations de l'Armée de terre canadienne en Afghanistan, en examinant l'instruction, le déploiement et le rapatriement, après une première période d'affectation, de la force opérationnelle à Kandahar. Cette étude s’est traduite par une courte description d’une période d’affectation, et, avec les autres recherches que nous avons faites sur des événements qui se sont produits depuis 2008, elle constitue pour l'essentiel la source des informations que je vais vous communiquer aujourd'hui.
    En cette époque de guerre technologique très sophistiquée, il semble que la disponibilité opérationnelle nous ramène pratiquement toujours à une question d'équipement. D'après ce que j'ai observé, les composantes les plus importantes de la disponibilité opérationnelle, c'est-à-dire les composantes qui, plus que n'importe quels autres facteurs, déterminent si une unité peut réussir dans sa mission et remporter la victoire sur le champ de bataille, ces composantes, donc, sont l’entraînement et l’éducation. Ces deux préparations intellectuelles très distinctes servent à forger la volonté et la capacité mentale de surmonter l'obstacle afin de mener à bien la mission. L'entraînement et l'éducation sont aussi importants pour les officiers que pour les soldats du rang.
    L'histoire militaire du Canada contient de nombreux exemples d'unités bien entraînées et commandées par des officiers ayant un bon niveau d'éducation qui ont réussi à mener à bien leur mission, même sans avoir le matériel le plus perfectionné ou les ressources suffisantes pour garantir leur succès. Je ne veux pas dire par là qu'en investissant dans l'entraînement et l'éducation, on peut faire l'économie d'un bon matériel. On sait que beaucoup d'unités canadiennes ont payé cher en vies humaines leur infériorité en matériel et en armement, mais je suis convaincu qu'une armée a beau avoir les navires, les avions et les tanks les plus sophistiqués, ce qui compte avant tout, ce sont les cerveaux qui les manipulent.
    J'associe l'entraînement et l'éducation parce que les deux sont inséparables si l'on veut donner aux membres des Forces canadiennes les compétences pratiques et les capacités intellectuelles nécessaires pour résoudre des problèmes militaires. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de l'entraînement et de l'éducation, surtout que cette année, les Forces canadiennes vont devoir se serrer la ceinture avec les coupures budgétaires qui s'annoncent. En effet, il va falloir faire des choix difficiles entre les individus, les institutions, les capacités et les équipements qui sont essentiels au maintien de la disponibilité opérationnelle que doit avoir le Canada, et les autres dont il faudra réduire les financements.
    L'expérience des 65 dernières années nous enseigne que, lorsque le Canada décide, en temps de paix, d'imposer des restrictions budgétaires, il réduit traditionnellement les budgets consacrés à l'entraînement et à l'éducation afin de pouvoir continuer d'acheter de gros équipements.
    Depuis la Seconde Guerre mondiale, les progrès technologiques font grimper les coûts des équipements militaires, et c'est une réalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper. Mais les gens qui se servent de ces équipements doivent toujours être considérés comme notre investissement le plus important. Ça peut prendre 10 ans ou plus pour construire un bateau de guerre, mais, comme je le dis toujours à mes étudiants, ça prend 35 à 40 ans pour former un maître de bord, ça prend 22 ans au moins pour former un bon fantassin, et ça prend 30 ans pour former un bon commandant de section ou un bon officier marinier. Les établissements d'entraînement et d'enseignement au Canada forment d'excellents militaires et n'ont jamais été aussi sophistiqués. Comme en 1914 et en 1939, l'inéluctabilité de la dernière guerre et le risque de perdre des vies humaines obligent ces établissements à viser l'excellence.
    Étant donné le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, où les menaces qui pèsent sur la sécurité globale du Canada sont incertaines, j'estime qu'on n'a jamais eu autant besoin de soldats bien entraînés et bien éduqués. Par conséquent, les établissements qui dispensent l’entraînement et l’éducation doivent être considérés comme une composante essentielle de la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes, car ils ont été capables, au cours des 20 dernières années, de former les militaires compétents dont le Canada a eu besoin pour les différentes missions auxquelles il a participé.
     Les établissements d'enseignement comprennent l’Académie canadienne de la Défense, le Collège militaire royal et le Collège des Forces canadiennes, avec des passerelles vers les universités et collèges civils appropriés.
    Pour ce qui est de l'entraînement, je vais parler de l'Armée de terre, puisque c'est ce que je connais le mieux. À cet égard, la doctrine des forces terrestres, le programme d'entraînement et les diverses écoles qui composent le Centre d'instruction au combat sont les ingrédients indispensables qui permettent de former des soldats et des officiers de grande qualité. Ensuite, ces individus sont affectés à des unités sur le terrain pour s'entraîner en équipe. Traditionnellement, pour réduire les budgets, on réduit les coûts de l'entraînement individuel en espérant que le soldat réussira à acquérir ces compétences une fois qu'il se retrouvera dans un régiment, dans un escadron ou sur un navire. D’un autre côté, en temps de guerre, on privilégie souvent l’entraînement collectif, car on se dit que les individus qui ne sont pas qualifiés pourront quand même acquérir des compétences au sein de leur unité, pendant la préparation intensive qu'ils suivent juste avant le combat, et que s’ils n’en sont pas capables, ils seront écartés.
     Il est indéniable que la meilleure façon d'assurer la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes, quelle que soit la menace à laquelle elles doivent faire face, c'est de former des soldats compétents avant qu'ils ne soient affectés à leurs unités. De cette façon, ces soldats peuvent ensuite être préparés et mobilisés plus rapidement, à court préavis, que ce soit pour le soulèvement en Libye, une contre-insurrection soudaine et violente à Kandahar, ou une invasion de la Pologne par l'Allemagne.
    Permettez-moi de mentionner, pour conclure, deux aspects de l'entraînement et de l'éducation sur lesquels, à mon avis, les Forces canadiennes devraient insister davantage. Le premier concerne l'histoire militaire; je prêche pour ma paroisse, me direz-vous. Je sais que le Comité permanent des affaires des anciens combattants s'intéresse aux activités commémoratives des grands exploits canadiens en temps de guerre. Il est important que les Canadiens connaissent l'histoire du Canada, mais il est important aussi, si l'on veut se préparer intellectuellement aux différentes menaces qui risquent de se présenter, de connaître l'histoire militaire du Canada, récente et moins récente, sans compter que cela ne coûte pas très cher.
    Le deuxième aspect de l'entraînement et de l'éducation dont j'aimerais parler, et qui exige une plus grande attention de la part de plusieurs ministères — je sais qu'un membre de votre comité s'y intéresse plus particulièrement — consiste à offrir la possibilité à des membres des Forces canadiennes de travailler et de s'entraîner avec des agents du MAECI ou de l’ACDI. Peu de gens le savent, mais notre expérience en Sicile, en Normandie, en Somalie, en Bosnie et en Afghanistan nous enseigne chaque fois que la politique du Canada en matière de défense et de politique étrangère est beaucoup plus efficace lorsque les stratèges militaires collaborent avec les représentants civils, les envoyés diplomatiques et les travailleurs humanitaires.
    Mais cette collaboration est rendue difficile par les cultures professionnelles divergentes de ces groupes. Ce n'est certainement pas la première fois que vous l'entendez. Pour améliorer la collaboration entre ces différentes entités, il faut donc que les Canadiens appelés à servir dans les quatre composantes (militaires et civiles) reçoivent l'instruction et l'éducation nécessaires pour comprendre que c'est en conjuguant nos efforts que nous pourrons améliorer les choses à l'échelle mondiale. C'est assurément ce qu'ils ont réussi à faire dans le passé.

  (1110)  

    Je vous remercie de m'avoir écouté.
    Cela vous a pris exactement 10 minutes. Merci, monsieur Windsor.
    Nous allons passer au témoin suivant.
    Amiral Murray, vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui.
    Au fil des années, le Comité permanent de la défense nationale a largement contribué à la défense et à la sécurité du Canada, et c’est un réel privilège pour moi de présenter des commentaires relativement à votre étude sur le maintien en disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes.
    Je me dois d’emblée de souligner que je ne comparais pas devant vous aujourd’hui en ma qualité de membre externe du Comité de vérification ministérielle, et que les commentaires que j’exprime représentent mon point de vue personnel à titre de simple citoyen.
    L'une des exigences de la stratégie de défense Le Canada d’abord, ou SDCD, est la suivante:
... une force bien équilibrée, polyvalente et apte au combat et avoir toute la souplesse nécessaire pour relever l’ensemble des défis qui se présenteront dans les années à venir.
    Il est primordial pour la défense et la sécurité canadiennes de satisfaire à cette exigence.
     Dans mes observations préliminaires, je préciserai ce que signifie un tel engagement au chapitre de la disponibilité opérationnelle, laquelle est définie dans la SDCD comme étant:
... la souplesse et l’état de préparation des Forces canadiennes pour se déployer à la demande du gouvernement. Elle englobe les ressources nécessaires pour assurer la maintenance de l’équipement, la tenue de l’entraînement et la préparation des unités en vue des opérations.
    La disponibilité opérationnelle est l’un des quatre piliers des capacités militaires décrits dans la SDCD, les trois autres étant le personnel, l’équipement et les infrastructures.
    Revenons à l’engagement de disposer d’une force bien équilibrée, polyvalente et apte au combat. Je vais maintenant présenter certains aspects clés nécessaires à une force opérationnelle bien équilibrée, polyvalente et apte au combat des Forces canadiennes.
    Tout d’abord, l’équilibre comporte de nombreuses facettes et doit inclure un équilibre entre les quatre piliers eux-mêmes, c'est-à-dire un équilibre entre les capacités des Forces canadiennes au sein de la Marine, de l’Armée de terre, de la Force aérienne, de la force interarmées et de la force spéciale; et un équilibre dans les niveaux de préparation des diverses capacités et unités de nos Forces canadiennes.
    L’atteinte des divers types d’équilibre dont je vous parle ici est un art, et non une science, qui nécessite une bonne dose de jugement professionnel et aguerri, exactement du genre de celui acquis et amplement démontré par les Forces canadiennes au cours de la dernière décennie.
    L’équilibre constitue aussi un objectif permanent quelque peu théorique qui doit être rajusté de temps à autre en fonction des réalités opérationnelles et financières courantes. La mission terrestre de combat en Afghanistan est un exemple où il a fallu accorder une priorité particulièrement élevée, entre autres, à la disponibilité opérationnelle des unités d’armes de combat de l’Armée de terre et à la capacité de la Force aérienne en matière d’hélicoptères tactiques.
    En ce qui a trait aux quatre piliers, le maintien d’un équilibre entre le personnel et la disponibilité opérationnelle requiert un financement suffisant pour garantir un entraînement individuel et collectif permettant de doter le personnel de la force nécessaire pour satisfaire pleinement et concrètement aux niveaux de préparation. Autrement dit, le nombre de militaires portant l’uniforme doit s’équilibrer avec les ressources disponibles pour ainsi obtenir des membres qualifiés et efficaces des Forces canadiennes.
    En ce qui concerne l’équipement, il se doit d’être moderne; il doit garantir une capacité de combat et permettre aux Forces canadiennes de remporter la victoire sur des champs de bataille complexes et redoutables en ce XXIe siècle. En cette ère technologique très avancée, aucun entraînement, même celui dont jouit le personnel militaire de calibre international comme les Forces canadiennes, ne peut parer aux contraintes dues à de l’équipement désuet et inadéquat qui ne peut être à la hauteur de celui dont dispose un adversaire bien équipé. De plus, fait malheureux, des armes modernes sont facilement accessibles de nos jours à n’importe quel joueur, faisant partie ou non d’un État, et disposant d’assez d’argent.
    En outre, étant donné que le financement et d’autres ressources sont, et seront sans doute, toujours limités, il est essentiel de faire tous les efforts possibles pour remplacer l’équipement désuet, dont le coût de maintenance et d’opération est extrêmement élevé et qui n’apporte habituellement qu’une capacité opérationnelle assez restreinte dans l’équation de la disponibilité opérationnelle, en dépit des coûts exorbitants. Le vénérable hélicoptère Sea King, qui faisait de l'excellent travail déjà avant la fin des années 1960, quand je suis entré dans la Marine, est un exemple classique de ce problème.
    Dans le même ordre d’idées, il doit exister un équilibre entre les investissements effectués dans les infrastructures et dans la disponibilité opérationnelle. L’emplacement, la capacité et le coût des infrastructures sont tous des éléments qui affectent directement ou indirectement la disponibilité opérationnelle. Il faut assurer un maintien adéquat des infrastructures utiles et réduire au minimum les investissements inutiles consacrés aux infrastructures âgées et désuètes qui sont d’une utilité ou d’une valeur opérationnelle limitée, plus particulièrement dans le contexte de ressources limitées auquel font aujourd’hui face le Canada et le ministère de la Défense nationale (MDN).
    Ainsi qu’il a été souligné au départ, et comme en témoignent les opérations diversifiées menées par les Forces canadiennes à l’échelle mondiale depuis la fin de la guerre froide, il doit aussi exister un équilibre dans les Forces canadiennes entre les capacités de la Marine, de l’Armée de terre, de la Force aérienne, de la force interarmées et de la force spéciale. C’est primordial si le gouvernement compte disposer de la souplesse nécessaire pour satisfaire à toute la gamme d’exigences opérationnelles possibles dans ce monde dangereux et imprévisible dans lequel nous vivons.

  (1115)  

    Le besoin récent et presque simultané pour le gouvernement de tenir un rôle de combat en Afghanistan dans le cadre d’opérations de contre-insurrection, et d’organiser « à toute vapeur » une opération majeure d’aide humanitaire à la suite du tremblement de terre dévastateur survenu en Haïti ou de diriger et fournir des forces navales et aériennes de combat lors de la mission de l’OTAN en Libye, montre bien pourquoi un investissement excessif dans la disponibilité opérationnelle d’une capacité donnée au détriment d’autres capacités représenterait une stratégie des plus risquées pour le Canada.
    Mon commentaire final concernant l’équilibre a trait à la nécessité de disposer des ressources adéquates afin qu’aucune composante, aucune unité ou aucun groupe de militaires des Forces canadiennes ne soit maintenu dans une disponibilité opérationnelle de haut niveau ou en opération sans relève adéquate. Cela s’est produit à l’occasion par le passé au sein des Forces canadiennes et de nos alliés. Au bout du compte, c’est une recette qui donne lieu à l’épuisement professionnel du personnel, à des problèmes de maintien en poste et à une efficacité opérationnelle réduite.
    Les Forces canadiennes sont reconnues partout dans le monde pour leur professionnalisme hors pair et leur dynamisme. Cependant, un investissement moindre veut dire une disponibilité opérationnelle moindre, qui peut se traduire directement par une souplesse réduite dans l’attribution des tâches et par un rythme opérationnel réduit et, à tout le moins, des délais d’intervention opérationnelle beaucoup plus lents pour les Forces canadiennes dans les secteurs où existe un faible degré de préparation.
    Mes commentaires au sujet de l’équilibre ont, dans une certaine mesure, englobé bon nombre d’aspects que j’aborderai au sujet de la polyvalence. Le fait, notamment, d’assurer un bon équilibre des niveaux de préparation des capacités de la Marine, de l’Armée de terre, de la Force aérienne, de la force interarmées et de la force spéciale, permet de garantir, dans une large mesure, des Forces canadiennes aptes et polyvalentes.
    Cependant, la nature diversifiée des six missions confiées aux Forces canadiennes, dans le cadre de la stratégie de défense Le Canada d’abord, fait ressortir d’autres aspects des exigences au chapitre de la polyvalence.
    Voici brièvement en quoi consistent les six missions: mener des opérations quotidiennes nationales et continentales; offrir un soutien dans le cadre d’un événement international important au Canada; répondre à une attaque terroriste importante; appuyer les autorités civiles en cas de crise au Canada, par exemple en cas de catastrophe naturelle; diriger et/ou mener une opération internationale importante durant une période prolongée; déployer des forces en cas de crise à l’étranger pour une période de plus courte durée.
    Comme nous le savons tous, il ne s’agit pas ici d’une liste purement hypothétique. En 2010, les Forces canadiennes se sont acquittées, de façon très efficace et simultanément, de quatre de ces missions.
    En plus des exigences militaires traditionnelles, il ressort clairement de cette liste de missions qui ont été confiées aux Forces canadiennes que la polyvalence doit englober une disponibilité opérationnelle en vue d’appuyer les autres ministères et provinces, ainsi que les organismes chargés de faire respecter la loi et les organismes de secours d’urgence au Canada et à l’étranger.
    L’exigence qui est énoncée dans la stratégie de défense Le Canada d’abord et selon laquelle les Forces canadiennes doivent être aptes au combat est absolue et primordiale. Dans le monde actuel, les unités et le personnel des Forces canadiennes déployés à l’étranger et qui s’exposent à des dangers doivent être aptes au combat.
    Depuis 1990, plus précisément au cours de la dernière décennie, les opérations militaires canadiennes ont permis aux Forces canadiennes de faire preuve d’un leadership à tous les niveaux grâce à une expérience de combat inestimable, et d’évaluer de façon très pratique et crédible les exigences liées à l’entraînement individuel et collectif, à l’équipement et au soutien nécessaires pour assurer la disponibilité opérationnelle élevée essentielle au succès dans le cadre des combats futurs.
    Cette expertise sera essentielle au cours des mois et des années à venir, à mesure que progressera la transformation des Forces canadiennes et que le gouvernement, le MDN et les Forces canadiennes s’efforceront de poursuivre la mise en oeuvre de la stratégie de défense Le Canada d’abord, dans le but de fournir une force bien équilibrée, polyvalente et apte au combat, malgré les contraintes budgétaires à court terme dues à la crise économique mondiale et ses répercussions sur le Canada.
    Pour terminer, je voudrais dire que la fierté et le dévouement désintéressés des membres des Forces canadiennes, ainsi que la supériorité de leur préparation, se fondent sur la conviction qu'ils ont qu'eux et leurs familles seront pris en charge s'il leur arrivait d'être blessés ou tués au service du Canada. En conséquence, je ne saurai trop insister sur l'importance de l'engagement pris par le ministère de la Défense nationale de traiter les membres des Forces canadiennes, les anciens combattants et leurs familles, y compris les familles de ceux qui sort morts au combat, avec dignité, compassion et générosité.
    Les investissements réalisés récemment dans les programmes d’aide aux victimes et dans les soins de santé, ainsi que dans les améliorations apportées à la Nouvelle Charte des anciens combattants, sont essentiels et doivent se poursuivre.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je me ferai maintenant un plaisir de tenter de répondre aux questions des membres du comité.

  (1120)  

    Merci, amiral, de nous apporter cette perspective.
    Monsieur Christopherson.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi à nos témoins d'aujourd'hui. Nous sommes heureux de les accueillir.
    Vous avez tous les deux parlé du prochain budget et des coupures annoncées. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le budget va être présenté avant que notre étude sur la disponibilité opérationnelle ne soit terminée. Je suppose que le gouvernement n'a pas encore pris de décision sur la question, sinon, tout ce que nous faisons ne servirait à rien, et je sais bien que le gouvernement ne ferait jamais ça à un comité permanent. Par conséquent, force m'est de conclure que le gouvernement n'a pas encore pris de décision au sujet de la disponibilité opérationnelle. Et pourtant, les coupures budgétaires vont tomber.
    Si ces coupures sont imposées avant que nous n'ayons bien défini ce qu'est la disponibilité opérationnelle, pensez-vous que nous serons obligés d'adapter notre définition en fonction des dollars disponibles, ce qui nous a déjà posé des problèmes dans le passé? Ne vaudrait-il pas mieux définir d'abord ce que signifie la disponibilité opérationnelle et ensuite débloquer les fonds en conséquence?
    À titre de porte-parole de l'opposition, je trouve que le gouvernement met la charrue avant les boeufs. Qu'en pensez-vous?
    Je vous remercie beaucoup de votre question.
    Comme je l'ai dit au début, j'estime que le Comité permanent de la défense nationale et les divers comités conjoints ont régulièrement apporté une contribution inestimable à la défense au cours des années. Mais je ne pense pas que le gouvernement en place ou que les Forces canadiennes de l'époque aient cessé de fonctionner en attendant la publication d'un rapport de comité.
    La disponibilité opérationnelle est une préoccupation permanente, mais une préoccupation dynamique. Je suppose que le chef d'état-major de la Défense et ses collaborateurs ont parlé, au cours de leur réunion ce matin, de diverses activités opérationnelles qui ont un impact sur la disponibilité opérationnelle. Le monde change. La Libye a changé la donne.
     À mon avis, la disponibilité opérationnelle est une préoccupation permanente, et je serais étonné que le gouvernement attende les sages recommandations d'un comité parlementaire pour présenter son budget. Mais je serais aussi très étonné que le gouvernement ne donne pas suite au rapport de votre comité sur la disponibilité opérationnelle, puisque c'est une préoccupation constante.
    C'est comme ça que je vois les choses, et, à mon avis, les deux ne sont pas incompatibles.

  (1125)  

    Permettez-moi d'ajouter ceci.
    D'après ce que j'ai pu observer du côté de l'Armée de terre, c'est souvent en temps de guerre que notre budget est augmenté. En ce moment, nous entrons dans une période d'après-guerre pendant laquelle nous devons nous rééquiper, comme nous l'avons déjà fait dans le passé. En temps de guerre, il faut pouvoir parer aux besoins, et un grand nombre d'officiers et de hauts gradés de l'Armée de terre savent que pour mener un combat… Il faut alors prendre des décisions rapides pour créer des centres de formation et des capacités nouvelles, pas forcément sans discernement mais en tout cas sans prendre le temps d'examiner les choses tranquillement, comme cela peut se faire normalement en temps de paix, tout simplement parce qu'il faut équiper nos soldats le plus rapidement possible.
    Bon nombre des officiers à qui j'ai parlé estiment que le moment est venu de réfléchir, de façon plus efficiente, aux nouveaux types d'équipements dont nous aurons besoin à l'avenir. Il faut notamment examiner les capacités militaires particulières que nous avons développées pour la mission en Afghanistan, afin de déterminer lesquelles sont trop spécifiques à cette mission pour pouvoir nous être utiles à l'avenir, et lesquelles sont prometteuses et devraient être institutionnalisées, compte tenu des menaces susceptibles de peser sur nous.
    Comme l'a dit l'amiral Murray, c'est un exercice dans lequel les forces armées sont constamment engagées. Je pense donc pouvoir dire qu'à mon avis, les hauts gradés reconnaissent qu'il faut opérer certaines réductions.
    Merci.
    Amiral, vous avez dit dans votre déclaration liminaire, au troisième paragraphe de la page quatre:
Mon commentaire final concernant l’« équilibre » a trait à la nécessité de disposer des ressources adéquates afin qu’aucune composante, aucune unité ou aucun groupe de militaires des Forces canadiennes ne soit maintenu dans une disponibilité opérationnelle de haut niveau ou en opération sans relève adéquate.
    Nous savons que, pour envoyer une relève à la force régulière, il faut faire appel à la réserve. Un grand nombre de personnes nous ont dit que, dans les milieux bien informés, on s'attendait à ce que les coupures ciblent prioritairement la réserve, car c'est là que c'est le plus facile.
    Si l'on part du principe qu'on a besoin de la réserve… Au cours des 10 dernières années, si nous n'avions pas pu compter sur la réserve, nous n'aurions pas eu de forces armées canadiennes. Sans les réservistes, nous n'aurions pas eu la force permanente que nous pensions tous avoir. Autrement dit, la réserve a joué un rôle crucial.
     Pour en revenir au budget, je comprends que vous disiez, amiral, qu’aucun gouvernement ne va attendre le rapport d'un simple comité. Je vous le concède. Mais j'avais quand même préfacé ma question en disant que je supposais que le gouvernement n'avait pas encore pris de décision au sujet de la disponibilité opérationnelle, car sinon, cela reviendrait à forcer notre comité à tourner en rond, ce qui, nous le savons, n’est pas du tout son intention.
    Sans savoir ce que nous annoncera finalement le budget, j'ai l'impression que la réserve va être la première victime, car c'est là que les coupures feront le moins de dégâts. Par contre, cela aura immédiatement un impact sur la disponibilité opérationnelle, puisque, comme vous l'avez dit, amiral, nous devons nous assurer qu'aucune unité ni aucun groupe de militaires n'est maintenu dans une disponibilité opérationnelle de haut niveau sans relève adéquate.
    Qu'en pensez-vous, amiral — et vous aussi monsieur Windsor, si vous voulez faire quelques commentaires?
    Je vais inviter seulement l'amiral Murray à répondre, car il ne vous reste plus beaucoup de temps.
    Amiral Murray.
    Merci beaucoup.
    Je n'ai pas dit « simple comité », car votre comité est extrêmement important, et je le pense sincèrement.
    La question de la réserve est un enjeu énorme. Il est indéniable que, pendant les années 1990, l'armée régulière et la réserve ont toutes deux été sollicitées de façon excessive. C'est à cela que je fais allusion ici. De plus, peu après sa nomination au poste de commandant de l'Armée, Rick Hillier avait déclaré que l'Armée avait été sollicitée de façon excessive et qu'il était temps de lui donner un peu de répit. C'est un peu la même chose maintenant. Mais quand je pense à certains de nos alliés, je ne sais vraiment pas comment ils font, quand on voit les coupures budgétaires qui leur sont imposées. Ça fait réfléchir.
    Pour ce qui est de la réserve, je pense qu'il vaut mieux attendre le budget et voir ce que le ministre de la Défense et le chef d'état-major de la Défense décideront en conséquence. Je serais surpris qu'on diminue le nombre de réservistes. Par contre, comme le recommandait le rapport Leslie, et vous savez sans doute que cela est actuellement envisagé, il se peut qu'après notre mission en Afghanistan, on réduise le nombre de réservistes de classe B, qui ont un contrat à plein temps, puisqu'on en a moins besoin depuis qu'on ne participe plus à des missions de combat en Afghanistan. Par contre, je serais très surpris que des changements soient apportés aux réservistes de classe A.
    Je pense également que, pendant les années 1990 et en Afghanistan, tous les services se sont rendu compte de la capacité extraordinaire que représentaient les réservistes. Par conséquent, je crois que, dans le cadre de la transformation des Forces canadiennes et compte tenu des leçons que nous avons tirées et dont parlait mon collègue tout à l'heure, nous allons faire ce qu'il faut pour que les réserves conservent leur dynamisme et que les leçons que nous avons tirées de notre expérience en Afghanistan et lors d'autres missions récentes soient prises en compte. Je serais très surpris qu'à la suite du budget, on apporte des changements à la réserve.

  (1130)  

    Votre temps est écoulé.
     Madame Gallant, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Les forces de l'OTAN en Afghanistan ont dû s'adapter à l'évolution de la situation et des tactiques de l'ennemi. Par exemple, elles ont dû utiliser davantage d'UAV et de RSR, et, au lieu de transporter les soldats par voie terrestre, elles ont utilisé davantage d'hélicoptères Chinook. À votre avis, dans quelle mesure ces changements ont-ils eu une incidence sur le succès de la mission? Quelles leçons peut-on tirer de la façon dont les forces de l'OTAN, et en particulier les Forces canadiennes, se sont adaptées aux nouveaux défis?
    Permettez-moi de commencer.
    Je vous dirai, au cas où mon collègue ne le fasse pas, que tout l'aspect souplesse, agilité, et capacité de se déplacer rapidement fait partie du volet entraînement et éducation dont M. Windsor parlait tout à l'heure. On ne le voyait pas comme ça à l'époque, mais je dirais que, pour ce qui est des effets durables de la réforme de la fin des années 1990 — les 100 recommandations qui ont été faites au premier ministre, entre autres —, la priorité qu'on a accordée au perfectionnement professionnel et à l'entraînement, et à tout ce que cela implique, à l'échelle de toutes les forces armées, aussi bien les officiers que les sous-officiers et les soldats du rang, a été déterminante. C'est une décision qui a rapporté gros récemment, en Afghanistan et en Libye, et c'est une capacité qu'il faut absolument protéger.
    L'autre remarque que je voulais faire concerne les progrès technologiques, qui sont considérables. Je suis allé en Afghanistan en janvier 2010, et j'ai vu avec étonnement que les petits UAV qu'on lançait à partir d'un hangar à l'extérieur de Kandahar étaient essentiels à la sécurité des fantassins qui devaient se rendre dans la zone dangereuse située au sud de Kandahar. Les troupes en avaient vraiment besoin. Par conséquent, il est vraiment important d'avoir un certain nombre de ces nouvelles armes technologiques.
    Je vais peut-être m'arrêter là.
    Il est indéniable que les équipements que vous venez de décrire ont joué un rôle crucial en sauvant des vies et en contribuant au bon déroulement de la mission, mais c'est aussi grâce aux compétences fondamentales que possèdent les militaires canadiens, compétences qu'ils ont acquises au cours de différentes missions de maintien de la paix, comme c'était le cas en Afghanistan pendant les 10 années qui ont précédé le déploiement à Kandahar.
    D'après ce que j'ai pu observer personnellement, c'est-à-dire la capacité accrue de surveiller tous les recoins de la province de Kandahar… J'étais dans la salle lorsqu'un UAV a permis de sauver une vie tout en contribuant à mettre fin à une autre, ce qui, par ricochet, a contribué à la victoire — et en plus, le coût est relativement modeste, ce qui est assez étonnant.
    À bien des égards, ma réponse paraîtra évidente à beaucoup d'entre vous: ces nouveaux types d'équipements font partie de ceux dont je parlais tout à l'heure — ils sont nouveaux pour nous, en Afghanistan, mais ils pourraient certainement être utiles ailleurs, et c’est donc là le genre de capacités et d'équipements que nous devons conserver quoi qu'il arrive.
    Cela a aussi contribué à mettre au jour la valeur d’un service particulier de l'Armée qu'on avait eu tendance, comme vous y avez fait allusion tout à l'heure en parlant d'équilibre, à remiser dans un coin obscur, et je veux parler de l'artillerie. Le Régiment royal de l'artillerie canadienne, à la fois l'armée régulière et la réserve, dispense des programmes d'entraînement qui apprennent aux soldats comment se servir de ce genre d'équipement, et je vous rappelle que la devise du Régiment royal est « Ubique », c'est-à-dire omniprésents. Ils sont entraînés à contrôler le théâtre des opérations dans toutes ses dimensions et dans tous ses aspects, dans tous les coins, et d'en surveiller toutes les dimensions et tous les aspects. Ils fournissent des informations ponctuelles aux commandants, lesquels sont alors en mesure de prendre des décisions judicieuses quand il faut tirer, quand il faut manoeuvrer ou quand il faut mener une négociation avec un dirigeant important.
    Par conséquent, les gens qui — et j'en reviens à ce que je disais dans ma déclaration liminaire — contrôlent les UAV et le RSR sont généralement des canonniers. D'où la nécessité de préserver, à l'avenir, le rôle crucial de l'artillerie dans l'Armée canadienne.

  (1135)  

    Si l'Afghanistan et la Libye sont une indication, on peut s'attendre que les futures missions du Canada à l'étranger feront partie de missions beaucoup plus importantes, multinationales, et dirigées par l'OTAN. Comment les partenaires alliés vont-ils pouvoir travailler ensemble, à l'unisson, et mener à bien leurs opérations, et dans quelle mesure l'interopérabilité, notamment des équipements, est-elle importante?
    Là encore, je pourrais vous donner une longue réponse ou bien vous dire simplement que c'est essentiel. En effet, c'est essentiel. L'un des grands avantages de l'OTAN, ce sont les protocoles, les procédures, les approches tactiques communes, l'équipement, l'interopérabilité de cet équipement — il est en fait transférable à l'échelle de la planète et constitue le fondement d'une riposte multinationale efficace en cas de crise, où qu'elle éclate.
    Sinon, ce sera soit les États-Unis, soit l’OTAN qui dirigeront les opérations, et on sait qu’une intervention américaine unilatérale soulève toutes sortes d'autres problèmes, si bien qu'il vaut mieux opérer au sein d’un organisme multilatéral.
    Je dirai également qu'au cours des années, les Forces canadiennes ont pris de sages décisions en matière d'interopérabilité. Dans bien des cas où l'équipement se dégradait, nous avons généralement beaucoup insisté sur la préservation de l'interopérabilité, notamment avec les Américains et en particulier avec l'OTAN, et ça nous a fort bien servis.
    Bon nombre des nominations à des postes de commandement que le Canada a obtenues dans le cadre d'opérations multinationales, au cours des dernières années, n'ont été possibles que grâce à l'expertise des organisations et des pays alliés, dont beaucoup sont membres de l'OTAN, et grâce aussi aux compétences qu'un commandant canadien apporte à l'organisation, sans compter la capacité technique d'opérer efficacement tous ensemble dans une perspective commune de commandement et de contrôle ainsi que sur le plan des communications et du renseignement. Donc, en plus de l'interopérabilité, il y a la confiance.
    Je vais m'arrêter là.
    Monsieur Windsor, je vous invite à être très bref.
    La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que le Canada n'a jamais opéré tout seul, à l'exception de sa répression de la rébellion de 1885. C'est dans la structure inhérente des Forces canadiennes d'opérer de concert avec nos alliés, et ça se reflète intrinsèquement dans tous les aspects du commandement et du contrôle ainsi que des politiques d’acquisition. Nous gardons constamment à l'esprit le fait que nous devrons, sur le terrain, opérer de concert avec nos alliés. Ça marche très bien.

  (1140)  

    Merci.
    Nous allons passer à un autre député.
    Le dernier intervenant de cette ronde de sept minutes sera M. McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de comparaître.
    Au cours des dernières semaines, j'ai eu le privilège d'écouter plusieurs conférences du lieutenant-général Bouchard qui, je suppose, est à l'avant-garde de la disponibilité opérationnelle. En tout cas, compte tenu de son expérience à des postes de commandement dans notre armée, il est certainement très bien placé. Il a parlé de son expérience au commandement des forces de coalition en 2011-2012, et ses commentaires ressemblent étrangement aux vôtres. Il a parlé des sensibilités culturelles dont il faut tenir compte lorsqu'on dirige des forces de coalition. Il a aussi parlé des contraintes, quand on lui dit qu'il a 80 ou 90 avions à sa disposition alors qu'en fait, il ne peut compter que sur 40 ou 45 appareils. Et c'était la même chose pour les navires: s'il avait une flotte de 10 ou 12 bâtiments, il n'y en avait en fait que cinq ou six qui étaient opérationnels. Il a parlé aussi des mandats divergents des gouvernements.
    Il a fait également une observation intéressante au sujet des différents niveaux de secret entre les alliés: le renseignement n'est pas toujours mis à la disposition des autres, si bien que pendant la première phase des bombardements, ils utilisaient littéralement des cartes Google pour repérer l'endroit où ils devaient lâcher leurs bombes. En conclusion, il a parlé d'une certaine « agilité d'esprit », ce qui nous ramène aux deux aspects que vous souligniez tout à l'heure, monsieur Windsor: il faut connaître l'histoire militaire, mais il faut aussi avoir les compétences intellectuelles nécessaires pour diriger.
    Vous avez fait une remarque intéressante en ce qui concerne l'interopérabilité, faute d'un terme plus approprié, entre le MAECI, l'ACDI et les Forces canadiennes. Ces trois grands silos sont encore passablement isolés, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez à propos de l'interopérabilité.
    J'aimerais également savoir quel conseil vous aimeriez donner aux Forces canadiennes pour qu'elles tiennent compte, dans leur recrutement, de cette « agilité d'esprit ». Car si c'est une qualité vraiment importante en 2011-2012, elle va l’être encore plus dans quelques années.
    Ma troisième question porte sur le rapport du général Leslie, notamment toute la question de la « frappe » et des « arrières », à propos de la composition de l'effectif. Pour l'instant, ni le CEMD ni le ministre n'ont choisi de répondre au rapport du général Leslie. Si vous en aviez l’occasion, quel suivi conseilleriez-vous au CEMD ou au ministre de donner aux recommandations du général?
    Je ne suis pas très à l'aise pour répondre à la troisième question, car je ne pense pas avoir une connaissance suffisante de la situation. Mais pour ce qui est des deux premières, je vais vous donner quelques idées qui vous seront peut-être utiles.
    En ce qui concerne votre première question, c'est-à-dire la question de l'interopérabilité entre les Forces canadiennes et d'autres ministères fédéraux, c'est un problème beaucoup plus difficile à régler que celui qui consiste à opérer efficacement avec nos alliés de l'OTAN. Depuis longtemps, les Forces canadiennes participent à des manoeuvres multinationales, à des programmes d'échange d'officiers, et à des programmes d'entraînement conjoints, où les officiers sont envoyés à l'étranger, dans d'autres pays de l'OTAN. À ce niveau-là, ce n'est pas un problème. Par contre, quand il s'agit de trouver des façons de surmonter les barrières culturelles qui existent entre l'Agence canadienne de développement international, le ministère des Affaires étrangères et les Forces canadiennes, c'est là qu'on a un problème.
    Au cours des 20 dernières années, chaque fois que ces trois ministères ont réussi à collaborer efficacement, c'était, je pense, grâce aux personnalités en place. Ces gens-là collaboraient bien entre eux, mais leurs ministères ne collaboraient pas bien à cause de leurs organisations structurelles respectives.
    L'obstacle le plus important me semble être l'idée qu'ils se font de la planification militaire, et leur appréhension de l'espace et du temps, combien de temps ça va prendre pour mettre en oeuvre tel ou tel projet. Les Forces canadiennes doivent pouvoir arrêter des plans et organiser des opérations en un tournemain. Les gens des Affaires étrangères, eux, travaillent sur un horizon de six mois, un an, voire deux ans. Quant à l’ACDI, c'est un horizon de plusieurs décennies.
    Je suppose que les Forces canadiennes sont, parmi les trois, la seule organisation à avoir une taille suffisante pour pouvoir envoyer ses hauts dirigeants à un programme de perfectionnement professionnel bien ciblé.

  (1145)  

    Permettez-moi de vous interrompre, parce que le président va me couper la parole dans quelques secondes.
    J'aimerais que l'amiral Murray participe à cette conversation, car lui, il va avoir une perspective militaire. Je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose, et j'aimerais bien qu'en conclusion, vous me donniez une idée de la façon dont on pourrait surmonter cet obstacle structurel à l'interopérabilité, plutôt que d'être obligés de se fier aux personnalités en place.
    Il y a déjà de bonnes mesures qui ont été prises récemment pour résoudre ce problème. Je pense que toutes les parties en cause — en fait, quiconque a été en affectation en Afghanistan, dans l'un de ces trois ministères, comprend qu'il y a un problème. La solution serait d'offrir à tous ces gens-là davantage de possibilités d'apprendre et de travailler ensemble.
    La difficulté qui se pose est que les Affaires étrangères et l'ACDI n'ont pas les effectifs suffisants pour se permettre de détacher des fonctionnaires pendant une période suffisamment longue pour qu'ils puissent suivre les programmes de formation et de perfectionnement auxquels ont accès les Forces canadiennes, comme le Programme de commandement et d'état-major interarmées du Collège des Forces canadiennes, qui dure un an, à Toronto.
     Il faudrait donc trouver des programmes de formation plus courts — davantage de séminaires de perfectionnement professionnel et davantage de communication interministérielle. Ce sont des choses qu'un grand nombre de personnes préconisent depuis longtemps.
    Vice-amiral Murray?
    Je vais commencer par le général Bouchard.
    Je vais demander à l'amiral Murray de répondre en une minute.
    Notre président n'est pas gentil du tout.
    Je dispose de combien de temps?
    Environ une minute, car nous avons déjà pris du retard.
    Bien.
    Je pense que Bouchard a fait du très bon travail. Que la force de coalition le garde pour bénéficier de l'expérience qu'il a acquise au Canada et à l'OTAN est une très bonne idée.
    Pour ce qui est de la collaboration entre le MAECI, l'ACDI et les Forces canadiennes, je reconnais que le défi est de taille, mais il ne faut pas oublier le rapport Manley et la réponse du gouvernement à ce rapport, le retour d'expérience de l'Afghanistan, les efforts déployés par certaines personnes — y compris un membre de ce comité — et les leçons que nous tirons de l'Afghanistan, tout cela, c'est hors pair.
    Ce qu'il faut faire, c'est tirer profit de ce retour d'expérience et l'institutionnaliser, pour être sûrs que nous n’oublions aucune des leçons que nous avons tirées en Afghanistan, sans parler de l'expérience de gens comme le général Bouchard, lequel a dirigé une force de coalition de 31 pays.
    L'approche pangouvernementale que nous avons adoptée pour notre mission en Afghanistan, quand je vois où cela nous a menés, j'estime que c'était la meilleure approche. En tout cas, elle était aussi bonne que celle de n'importe lequel de nos alliés. Avant, ça fonctionnait sur le terrain, mais ça ne fonctionnait pas à Ottawa. Maintenant, ça va bien à Ottawa depuis quelques années, et il faut conserver ce modèle.
    Pour ce qui est du recrutement, je vous dirai que la réponse, c'est l'éducation. C'est ça qui est important.
    Vous avez posé tout à l'heure une question au sujet des réservistes, et je peux vous dire qu'ils m'épatent. Voyez combien ils sont à avoir un doctorat. En fait, dans la force régulière, c'est l'éducation qui est la solution au recrutement, en plus des possibilités de perfectionnement professionnel, dans les collèges militaires aussi bien que dans les universités civiles.
    D'après ce que je sais, le rapport du général Leslie sur « la frappe et les arrières » fait l'objet d'un suivi, mais comme le budget va être présenté prochainement, il y a tout le secret qui entoure son contenu. Mais le chef d'état-major de la Défense a déclaré, à la conférence d'Ottawa sur la sécurité et la défense — tout comme le ministre, la semaine dernière — qu’il prenait des mesures à la suite du rapport Leslie. Comme je l'ai dit tout à l’heure, il y aura des changements pour ce qui est de l'infrastructure civile et du nombre de réservistes de classe B; je pense que ce n'est un secret pour personne. Mais je pense aussi que certains aspects importants du rapport Leslie vont faire l'objet d'un suivi attentif.
     Je m'en tiendrai là.

  (1150)  

    Merci.
    À l'intention des témoins, je voudrais simplement signaler que nous entamons maintenant la ronde des questions de cinq minutes. Je les invite donc à nous donner des réponses très concises.
    Monsieur Chisu, c'est vous qui donnez le coup d'envoi.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins de nous avoir fait d'excellents exposés.
    Merci à vous, amiral, de nous avoir présenté une approche équilibrée, car c'est très important. Vous avez été clair.
     Monsieur Windsor, je sais que vous avez contribué à la mission en Afghanistan en 2006-2007. J'étais moi-même en affectation en 2007.
    Je voudrais vous poser une question au sujet des leçons tirées de la mission en Afghanistan. Comme vous le savez très bien, en 2006, nous venions tout juste de réaliser que nous participions à une mission de combat. Nous avons beaucoup de leçons à tirer de cette mission, leçons qui nous seront très précieuses si nous devons participer à d'autres opérations anti-insurrectionnelles. Pouvez-vous me dire si nous allons modifier notre approche en matière de contre-insurrection, et si nous avons besoin de nous y préparer? Quel impact cela a-t-il sur la formation à donner aux troupes, l'approche à adopter, car les opérations anti-insurrectionnelles ressemblent beaucoup aux opérations antiterroristes?
     Merci.
    Je vais essayer d'être bref, même si c'est fondamentalement difficile pour un professeur d'université.
    Les Forces canadiennes, en l'occurrence l'Armée de terre, se posent tous les jours cette question lorsqu'il s'agit de structurer les programmes d'entraînement aux armes de combat. La réponse qu'elles ont trouvée est la même que celle que moi, en tant qu'observateur distant, je recommanderais, quand on voit ce qui s'est passé récemment et même quand on remonte plus loin dans l'histoire. Cette réponse est la suivante: en matière de contre-insurrection, l'entraînement des membres de l'Armée de terre, de la Marine et de la Force aérienne obéit pratiquement à la même doctrine que l’entraînement de forces polyvalentes, prêtes à intervenir dans n'importe quel type de conflit, y compris les opérations de maintien de la paix, de soutien de la paix et de stabilisation, parce que les soldats utilisent rigoureusement les mêmes pratiques et les mêmes compétences, qu'ils soient dans l'Armée de terre, dans la Marine ou dans la Force aérienne, pour lutter contre une insurrection, pour livrer une bataille très intense contre un ennemi de force égale, ou pour mener des opérations de maintien de la paix ou de consolidation de la paix. Le niveau de violence dépend, bien sûr, des moyens utilisés, mais qu'on soit dans un escadron de chasse, sur un navire de guerre ou dans une compagnie d'infanterie, il faut les mêmes compétences de base pour détruire l'ennemi ou neutraliser ses mouvements.
    Par conséquent, la doctrine de l'Armée de terre est de continuer à former ses soldats comme elle l'a toujours fait, et de leur donner le cas échéant des formations supplémentaires pour certaines missions.
    Monsieur Windsor, vous êtes historien militaire, et il faut que les gens comprennent que l'histoire militaire nous enseigne énormément de choses, notamment celle de la Première Guerre mondiale et le front occidental. Joe Whiteside Boyle a été un héros sur le front oriental, en Russie. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de lui.
    Il faut que nous arrivions à comprendre comment on mène des opérations anti-insurrectionnelles, et je vais vous poser une question. Lors d'une mission anti-insurrectionnelle, l'ennemi ne porte pas un uniforme identifiable, il se fond dans la foule. Pensez-vous que nous soyons prêts à faire face à ce genre de situation, et dans la négative, que devrions-nous faire pour l’être?
    Pour être prêts à faire face à ce genre de situation, l'essentiel à mon avis est de pouvoir compter sur une force professionnelle et aguerrie. Nos partenaires de l'OTAN qui ont affecté les forces les plus compétentes aux opérations anti-insurrectionnelles en Afghanistan sont ceux qui, comme le Canada, ont une armée professionnelle et aguerrie. Pour réprimer une insurrection, il faut pouvoir compter sur des sergents et des officiers intermédiaires un peu plus âgés, disciplinés et expérimentés, qui peuvent prendre des décisions sur la façon d'établir des contacts avec la population pour mieux comprendre la mentalité des insurgés, et qui sont mieux à même d'aider les gens dont ils doivent assurer la protection.
    Toute opération anti-insurrectionnelle doit être une mission d'assistance auprès de la nation à risque. Il est donc important de pouvoir compter sur des officiers intermédiaires un peu plus âgés, un peu plus mûrs, pour gagner ce genre de bataille. Les nouvelles que nous avons entendues récemment, au sujet des difficultés que les Américains rencontrent en Afghanistan, montrent bien ce qui peut arriver lorsque les militaires ont été préparés en relativement peu de temps.

  (1155)  

    Merci.
     Nous continuons.

[Français]

la parole est maintenant à Mme Moore.
    Peut-on arrêter le chronomètre pendant qu'il installe son appareil?

[Traduction]

    Si vous avez tous les deux besoin du service d'interprétation, vous le trouverez sur le canal 2. Moi, je suis sur le canal 6.

[Français]

    Peut-on remettre le chronomètre en marche, monsieur le président?
    Cela fonctionne bien, c'est parfait.
    Mes questions s'adressent plus particulièrement à vous, monsieur Windsor. En effet, j'ai vu que vous avez beaucoup étudié le syndrome de stress post-traumatique. Le lien avec la disponibilité opérationnelle peut sembler lointain, mais comme les problèmes de santé mentale peuvent affecter les soldats et ralentir les opérations, je crois qu'il y a tout de même un lien.
    Une étude réalisée pendant une période de quatre ans sur 800 militaires du Royal 22e Régiment, donc de l'infanterie, qui ont été déployés en Afghanistan montrait que 23 p. 100 d'entre eux souffraient de problèmes de santé mentale et que 20 p. 100 d'entre eux souffraient du syndrome de stress post-traumatique.
    Selon vous, à l'heure actuelle, les Forces canadiennes font-elles tout en leur pouvoir pour prévenir ce trouble et établir un diagnostic rapide afin de déterminer le traitement? À votre avis, ces problèmes de santé mentale peuvent-ils, à l'heure actuelle, compromettre la disponibilité opérationnelle ou l'état de préparation? Puisque les militaires malades ou souffrants ne sont pas aptes à être déployés, cela peut-il compromettre nos opérations?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question. Merci.
    Pour commencer, je peux vous dire en quelques mots, mais sur une longue période puisque c'est toute l'histoire militaire canadienne, que la question des victimes de troubles mentaux a toujours été un problème fondamental. Il y a toujours eu un grand nombre de soldats qui, engagés dans une action aussi violente et aussi traumatisante que la guerre, sont victimes du stress et de l'épuisement psychologique. C'est la réalité de la guerre moderne, et je peux vous dire que les recherches effectuées par les psychiatres civils et leurs homologues militaires, au Canada et chez nos partenaires de l'OTAN, ont considérablement progressé au cours du dernier siècle, à partir de cette expérience.
     Au Centre Gregg de l'Université du Nouveau-Brunswick, nous suivons de près les soldats de cette province qui ont été déployés en 2007, et nous constatons que les Forces canadiennes n'ont jamais été aussi bien préparées et aussi bien équipées pour faire face aux problèmes de santé mentale de leurs soldats. Nous pensons que c'est le résultat de notre expérience de la fin des années 1990. À cette époque, les hauts gradés des Forces canadiennes se sont rendu compte qu'il fallait s'attaquer aux problèmes de santé mentale et qu'il fallait créer des institutions pour tester les soldats avant leur recrutement, les soigner s'ils ont des problèmes de santé mentale, et également s'occuper d'eux une fois qu'ils sont démobilisés. Ces institutions et ces systèmes n'ont jamais été aussi efficaces que maintenant.
    Je vous répondrai donc en vous disant qu'il est vrai que c'est un grave problème, mais que tant que nous financerons suffisamment les institutions que nous avons créées pour s'occuper de ces gens-là, j'estime que nous faisons ce qu'il faut.

  (1200)  

[Français]

    Est-ce qu'il faut continuer à investir un peu plus là-dedans ou est-ce que les ressources disponibles sur le terrain pour traiter ce problème permettent à nos soldats de retrouver la santé rapidement et, par conséquent, de mener des opérations?

[Traduction]

    C'est une excellente question supplémentaire. D’après ce que je sais, les ressources sont suffisantes pour les soldats qui portent actuellement l’uniforme.
    Il reste toutefois deux grandes lacunes à combler. La première concerne les anciens combattants des Forces canadiennes. Je crois savoir que le Comité permanent des affaires des anciens combattants examine toute la question, et qu'il fait beaucoup d'efforts pour essayer d'offrir de meilleurs services aux soldats qui ont été démobilisés.
    L'autre lacune à combler concerne les soldats, les marins et les aviateurs de la réserve, qui ont terminé leur affectation et qui sont rentrés dans leurs collectivités au Canada. Même si certaines mesures ont été prises pour que ces soldats, ces marins et ces aviateurs puissent avoir accès aux traitements nécessaires, il est souvent difficile de savoir exactement où ces réservistes sont allés s'installer. Nous avons l'exemple de réservistes dans le nord du Nouveau-Brunswick et dans les coins reculés de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, qui ne savent pas que des services existent et qu'ils y ont accès.
    Merci. Votre temps est écoulé. Merci beaucoup.
     Monsieur Norlock, c’est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi à nos témoins de comparaître devant notre comité.
    Comme j'ai droit à cinq minutes, n'hésitez pas, vice-amiral, à prendre tout le temps qu'il vous faut pour répondre à ma question.
    En 1996, vous avez dirigé un groupe de travail sur l'amélioration des fonctions de commandement et de contrôle interarmées. Cela dit, dans quelle mesure, à votre avis, la création de la 1ère Division canadienne a-t-elle contribué à une gestion efficiente et efficace des opérations de commandement et de contrôle interarmées?
    Une fois que vous aurez répondu à cette question, pourrez-vous nous dire si, à votre avis, il faut conserver l'approche actuelle ou bien s'il faut la modifier?
    Je vous remercie beaucoup de votre question. Je m'empresse de vous dire que j'ai pris ma retraite en 1997, et que, par conséquent, je ne suis pas parfaitement au courant de l'évolution de ce centre, mais vous avez tout à fait raison de dire que, dans les recommandations que nous avions faites, il était beaucoup question de ces fonctions-là.
    J'ai l'impression que les chefs d'état-major de la Défense, les sous-ministres et les ministres qui se sont succédé depuis y ont accordé beaucoup d'attention. C'était évident en Afghanistan et en Libye où, avec un préavis de 15 minutes, nous avons eu un commandant canadien… En fait, d'après ce qu'il a raconté, le plus gros problème était de faire des trous dans les murs pour installer les dispositifs de communication.
    Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès. Je crois que le quartier général de Kingston a joué un rôle clé, et ça continue. J'espère très sincèrement que ça deviendra une capacité essentielle. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, l'équilibre ne se limite pas à la Marine, l'Armée de terre et la Force aérienne, il comprend aussi les capacités interarmées. Le quartier général de Kingston a joué un rôle déterminant, et les capacités de la force spéciale, qui étaient plutôt embryonnaires au début des années 1990, sont devenues une composante absolument essentielle — dans le monde aujourd'hui — des capacités de Forces canadiennes.
    Je vais m'arrêter là.

  (1205)  

    Parfait.
    Ma question suivante est relativement courte, et vous pourrez peut-être y répondre tous les deux.
     Pourquoi est-il important d'assurer la viabilité à long terme, non seulement des Forces canadiennes, mais aussi de la sécurité de notre nation, par l'acquisition d'équipements très sophistiqués, et pourquoi est-il important d'assurer l'interopérabilité avec nos alliés? À une question qui vous a été posée tout à l'heure, vous avez reconnu que l'interopérabilité… et qu'il était fort probable qu'à l'avenir, le Canada participe à d'autres missions conjointes avec ses alliés de l'OTAN.
     Pourriez-vous tous les deux répondre à cette question?
    Je vais commencer en vous disant, comme dans une de mes réponses tout à l'heure, que c'est essentiel. Je pense que de sérieux efforts ont été faits dans ce sens et que d'importants investissements ont été consacrés à l'entraînement des soldats et à l'équipement, mais qu'il faut absolument continuer de le faire.
    La situation est un peu plus compliquée, car, comme l'a laissé entendre mon collègue tout à l'heure, quand on parle de la sécurité du Canada, il ne s'agit pas seulement de la défense du Canada, et c'est alors tout l'appareil pangouvernemental qui est concerné: les mesures prises après le 11 septembre, les centres opérationnels maritimes sur les deux côtes, les centres opérationnels interministériels où des membres de la GRC, de la Garde côtière, et de l'Agence des services frontaliers du Canada fournissent en permanence au MDN des renseignements sur notre domaine maritime et ont la capacité de communiquer et de fonctionner ensemble. C'est absolument essentiel.
    Certes, il y a des problèmes qui se posent, d'ordre législatif, d'ordre technique, mais il est absolument essentiel que nous ne perdions pas de vue cet objectif et que nous continuions d'assurer l'interopérabilité. C'est de cette façon que nous pourrons maintenir les connectivités avec le Homeland Security américain, la garde côtière américaine, etc. Autrement dit, toute cette question de l'interopérabilité est beaucoup plus compliquée à notre époque qu'elle ne l'était pendant la guerre froide… Nous devons pouvoir opérer avec l'OTAN et le NORAD, entre autres; cette collaboration est multidimensionnelle, et elle nécessite également la participation d'autres ministères du gouvernement fédéral.
    Je suis tout à fait en accord avec l'amiral Murray, mais j'aimerais toutefois ajouter que les programmes d'échanges d'officiers avec nos partenaires de l'OTAN sont un élément essentiel de cette interopérabilité, car ils permettent de garantir que nous parlons le même langage militaire.
    C'est mieux aussi au niveau des équipements.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Kellway, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aussi à nos témoins.
    Je voudrais profiter de la présence d'un historien parmi nous pour lui poser quelques questions.
    Amiral Murray, vous nous avez fait un exposé qui, sur le plan de la doctrine, me paraît tout à fait bien articulé, surtout quand vous parlez de la disponibilité opérationnelle et de la nécessité de maintenir un certain équilibre. Quand on passe en revue les six missions énoncées dans la stratégie de défense Le Canada d'abord, on se pose justement la question de l'équilibre pour les missions cinq et six. Quand on parle de disponibilité opérationnelle, c'est au niveau de ces deux missions qu'il semble que le bât blesse. Autrement dit, comment définissez-vous le maintien de la disponibilité opérationnelle dans le cadre de ces deux missions?
    Dans vos propos sur l'équilibre, vous supposez, et je constate moi-même que ça revient régulièrement dans nos discussions, vous supposez, dis-je, que l'histoire va se répéter, et ça fait déjà plus de 10 ans que nous sommes en Afghanistan. Autrement dit, pour ce qui est de la disponibilité opérationnelle, il faut que, dans notre stratégie d'équilibre, nous prévoyions que nous aurons un autre Afghanistan et que nous aurons à combattre dans le cadre d'une autre mission de ce genre.
    J'aimerais donc vous demander, à vous monsieur Windsor, pour commencer, comment l'histoire peut-elle nous aider à anticiper l'avenir? Est-il vraiment inéluctable que nous devions nous préparer à un autre Afghanistan ou à une autre opération internationale importante, qui nécessitera le déploiement de contingents considérables sur le terrain, par exemple? Ou bien peut-on tirer certaines leçons de l'histoire qui nous donneraient peut-être une perspective différente sur l'équilibre des forces, par exemple?

  (1210)  

    C'est une question difficile.
    Je pense que nous n'aurions pas intérêt — c'est le genre de question que les historiens militaires réexaminent régulièrement — à nous préparer pour une dernière mission. Ce n'est pas l'objectif de cette discipline.
    Mais nous pouvons trouver des exemples… prenons celui de l'Afghanistan.
     Il n'y a rien dans la mission canadienne à Kandahar que les Forces canadiennes n'avaient pas déjà expérimenté à un moment donné, dans le passé; or, il a fallu créer de nouvelles institutions, de nouvelles capacités et de nouvelles stratégies alors qu'en fait elles existaient déjà.
    Je vais vous donner rapidement l'exemple de l'invasion de la Sicile par les Alliés, car c'est un projet sur lequel nous travaillons en ce moment. Les forces armées essayaient d'influer sur des négociations diplomatiques contre une puissance ennemie, le gouvernement italien, et par conséquent, les opérations militaires devaient être organisées de façon à influer sur ce processus diplomatique. Le paysage devait être reconstruit afin de pacifier la population et de la rallier à la cause des Alliés, et par conséquent, les forces de reconstruction faisaient partie intégrante des forces de combat… Il s'agissait aussi de mener une guerre très intense contre une armée qui utilisait des engins explosifs improvisés pour vous empêcher de pénétrer dans des montagnes qui ressemblaient étrangement à l'Afghanistan.
    Vous trouverez dans l'histoire tous les outils d'apprentissage qu'il vous faut, mais vous ne devez pas conclure, de l'exemple de l'Afghanistan, que les autres missions se dérouleront exactement de la même façon. S'il y a une leçon à tirer de ces deux exemples — l'invasion de la Sicile pendant la Seconde Guerre mondiale et l'Afghanistan —, c'est qu'il y a, en matière de formation et de préparation, une série de principes reconnus auxquels les Forces canadiennes adhèrent, tout comme leurs partenaires de l'OTAN.
    Si vous vous préparez au pire scénario, vous serez capables de mener à bien n'importe quelle mission.
    Merci.
    Amiral Murray, si vous acceptez l'hypothèse de M. Windsor que les principes peuvent rester les mêmes et qu'ils sont, je suppose, pratiquement immuables, tout au moins en ce qui concerne l'histoire récente, mais que les conflits futurs seront différents, cela a-t-il une incidence sur votre perspective de l'équilibre dont vous parliez tout à l'heure?
    Je vais vous demander de nous donner une réponse très courte.
    Nous sommes en Afghanistan et on nous demande d'envoyer des C-17 et des navires à Haïti en l'espace de quelques jours. Nous sommes en Afghanistan et on nous demande de participer à une opération de l'OTAN en Libye, et même de la commander, ce qui était en l'occurrence une responsabilité nettement plus importante pour une mission extrêmement difficile. Dans ces deux cas, nous avons renforcé — pour les raisons que j'ai indiquées dans la déclaration — ou plutôt nous n’avons pas sous-estimé les équipements dont nous avions besoin en Afghanistan, à savoir les armes de combat pour l'Armée de terre et les hélicoptères pour la Force aérienne, entre autres. Mais notre pays a eu la sagesse de ne pas réduire la disponibilité opérationnelle de la Marine et de la Force aérienne à un niveau tel que le gouvernement du Canada n'aurait pas pu participer à ces deux autres missions.
     Je dirai que c'est un art, pas une science. Je dirai également que la force spéciale est un nouveau concept et qu'elle s'oriente vers un concept interarmées, en tout cas du point de vue du Canada. Je suis tout à fait en faveur de l'équilibre.
    Je ne pense pas que c'est ce que le professeur disait, mais je ne suis pas prêt non plus à dire qu'en se préparant pour une Troisième Guerre mondiale, on se prépare pour un Afghanistan. Je ne suis pas sûr que c'est ce qu'il dit. Dans une certaine mesure, nous étions à peine sortis de la guerre froide que nous nous sommes retrouvés dans la guerre du Golfe et ensuite dans toutes sortes d'autres conflits. Nous avons dû nous dépatouiller, et les règles d'engagement n'existaient pas encore. Les États-Unis s’embarquaient dans toutes sortes de missions, et dans une certaine mesure, l'un des problèmes auxquels nous faisions face, c'est que notre marine, notre armée de terre et notre force aérienne s'étaient préparées pour une Troisième Guerre mondiale, si je peux m'exprimer ainsi, dans le cadre de la guerre froide, essayant de s'ajuster à toutes ces circonstances changeantes.
    Donc, il faut être capable de livrer un combat, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il faut se préparer pour une Troisième Guerre mondiale, car des opérations anti-insurrectionnelles comme celles en Afghanistan sont tout à fait différentes. Certes, il faut être capable de se battre, mais il faut aussi disposer de tous les autres attributs, une bonne compréhension de la culture locale et tout le reste.
    Je vais m'arrêter là, mais c'est une excellente question.

  (1215)  

    Merci. Ce n'est pas tout à fait ce à quoi je pensais quand je vous ai demandé une réponse très courte, mais...
    Monsieur Strahl, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Toujours sur la question de la formation et de la préparation, notre comité a eu l'occasion de se rendre au CCEM et à la base de Vegreville pour assister, et participer dans une certaine mesure, à des manoeuvres qui s'y sont déroulées. Les militaires s'entraînaient entre autres à des opérations anti-insurrectionnelles, à un combat contre un adversaire de force presque égale, et à un combat plus conventionnel.
    Ma question est en deux parties. Pour déterminer la disponibilité opérationnelle, nous essayons également de déterminer les menaces qui risquent de peser sur le Canada. Si on se réfère à l'histoire, quelles sont à votre avis les menaces qui risquent de peser sur le Canada et sur nos intérêts au cours des 5 à 10 prochaines années ? Pour ce qui est de la formation, devons-nous essayer de prévoir exactement quels seront les besoins, ou bien devons-nous apprendre aux gens à prendre de bonnes décisions, quelle que soit la menace à laquelle ils sont exposés? Autrement dit, devons-nous nous concentrer sur des scénarios bien précis ou bien sur certains types de formation qui permettront aux membres de Forces canadiennes d'avoir la capacité de faire face à n’importe quelle situation?
    Je vais commencer par la troisième question.
    Absolument, nous devons offrir une formation professionnelle aux membres de la Marine, de l'Armée de terre et de la Force aérienne, une formation interarmées, etc. Mais au bout du compte, le plus important c'est que les gens soient bien dans leur peau, compétents, éduqués, et qu'ils aient l'agilité d'esprit nécessaire pour prendre de bonnes décisions. C'est pour ça qu'il faut avoir des programmes de formation et de perfectionnement professionnel et qu'il faut créer une culture de leadership au sein de l'organisation...
    Je pense que c'est tout à fait ce qui se passe en ce moment. Les dirigeants savent que le moment venu, s'ils doivent prendre une décision et que c'est une décision raisonnable, même si ce n'est peut-être pas tout à fait comme ça que la SRC présentera les choses à son bulletin de nouvelles du soir, ils savent qu'ils seront appuyés par la chaîne de commandement et que, au bout du compte, ils seront appuyés par les Canadiens qui font confiance à leurs forces armées.
    Donc, il faut qu'ils aient l’agilité d'esprit nécessaire pour prendre des décisions, et qu'ils aient la conviction que, s'ils prennent une décision justifiée, crédible, éthique et professionnelle, que cette décision sera appuyée par la chaîne de commandement.
    Je pense que ce que vous suggérez existe déjà dans les deux secteurs, c'est-à-dire les Forces canadiennes avec leurs trois composantes, et la force d'opérations spéciales, dont les membres apprennent justement à anticiper les événements.
     Ils sont capables de le faire parce qu'à tous les niveaux, ils ont des dirigeants éduqués, qui connaissent bien les relations internationales et l'évolution actuelle du monde, et qui sont donc en mesure d'anticiper. Au mess le vendredi après-midi, après le travail, ils discutent de ce qui pourrait arriver. C'est donc quelque chose qu'ils ont toujours à l'esprit, et ils en tiennent compte dans la façon dont ils structurent leurs programmes de formation, comme ils l'ont toujours fait depuis plus d'un siècle.
    Puis-je ajouter quelque chose, puisque j'ai le droit d'être subjectif étant donné que je ne suis plus…?
    Je dirai aussi qu'il y a quelque chose de fondamentalement canadien, qui a sans doute à voir avec notre système d'éducation avant l'enrôlement dans les forces. J'ai servi dans bien des endroits, avec toutes sortes de gens, et fondamentalement, les Canadiens sont différents, ils apportent quelque chose de différent qui est vraiment important, et heureusement que les Forces canadiennes savent miser là-dessus. Il y a une question d'éducation, de formation, de principes éthiques, c'est sans doute ça qui fait ce que nous sommes et qui nous permet de trouver l'équilibre. Je ne suis pas sûr.

  (1220)  

    Permettez-moi de dire très rapidement que ce que nous avons constaté, au cours des années, à l'Université du Nouveau-Brunswick, c'est que les Forces canadiennes sont le reflet de notre société multiculturelle, et qu'elles sont donc intrinsèquement plus sensibles aux différences culturelles qui caractérisent le nouveau type d'opérations de stabilisation et de contre-insurrection auxquelles nous participons depuis 20 ans.
    Merci.
    Monsieur Brahmi, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Windsor, lorsque vous avez publié votre livre, on a beaucoup critiqué le fait qu'il n'était pas indépendant puisque vous receviez des fonds principalement du gouvernement du Canada, en l'occurrence du ministère de la Défense nationale.
    Sachant qu'une grande partie de vos fonds proviennent du gouvernement, comment réussissez-vous à adopter une approche objective? Comment équilibrez-vous votre financement de façon à maintenir une certaine objectivité?

[Traduction]

    Je ne m'attendais pas à ce que ma crédibilité soit contestée.
    Vous parlez d'un programme qui existait depuis 1971, mais qui n'existe plus maintenant, le Forum sur la sécurité et la défense, dans le cadre duquel le ministère de la Défense nationale octroyait des subventions à des universités canadiennes pour des recherches liées à la Défense nationale, y compris l'histoire militaire. Depuis sa conception en 1971, et pendant ses 40 années d'existence, le programme a eu pour principe fondamental de ne pas financer des recherches commandées par le gouvernement canadien pour appuyer les décisions du gouvernement canadien. À vrai dire, c’est parmi les chercheurs qui, dans les divers centres, recevaient des subventions de ce programme qu’on trouvait les plus grands pourfendeurs de la politique du gouvernement en matière de défense et de politique étrangère.
     Par conséquent, personne n'a demandé au Centre Gregg de faire cette étude sur la Force opérationnelle 1-07. Personne ne m'a dit d'aller en Afghanistan. Personne à Ottawa ne m'a dicté les conclusions de mon rapport. Nous avons entrepris cet exercice intellectuel en toute indépendance, et je suppose que certaines des critiques venaient de… Le livre n'était pas tendre à l'égard des médias canadiens en ce qui concerne la situation en Afghanistan entre 2006 et 2007. Une personne des médias en a fait une mauvaise critique, sans doute à cause de ce que nous disions sur les médias dans le livre, et cette critique est restée dans les esprits.

[Français]

    Une des choses qu'on a critiquées est votre optimisme dans la façon d'analyser, entre autres, le nombre de soldats qui ont été tués. En effet, on a vu que le nombre de soldats canadiens tués a augmenté avec les années, jusqu'en 2011, avec un pic en 2010, je crois. C'est un peu cela qu'on a critiqué. On a critiqué votre optimisme face à une situation qui empirait au cours des années.

[Traduction]

    Puis-je vous demander si vous avez lu la critique?

[Français]

    Non, la question ne porte pas sur la critique du livre. Si on considère le nombre de soldats canadiens tués au cours des années, on constate qu'il a augmenté, alors que ce n'est pas le point sur lequel vous vous êtes attardé pour donner une image de ce qui se passait en Afghanistan.

  (1225)  

[Traduction]

    Avez-vous lu le livre, monsieur?

[Français]

    Non, je n'ai pas eu le temps de le faire, malheureusement.

[Traduction]

    C'est justement pour ça que je vous demandais si vous aviez lu la critique ou si vous aviez lu le livre, parce que la personne qui a fait la critique n'avait même pas lu le livre. Si vous aviez lu le rapport...

[Français]

    La question devient celle-ci: comment évaluez-vous l'efficacité de l'action des Forces canadiennes en Afghanistan? Pensez-vous que le nombre de soldats tués a augmenté parce qu'on a mis plus de ressources à certains endroits? Quelle est la cause de l'augmentation du nombre de soldats canadiens tués? Est-ce parce qu'on a déplacé les forces vers Kandahar, qui était une région plus dangereuse, ou est-ce parce que la résistance afghane était de mieux en mieux organisée?
    Monsieur Brahmi, votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Pouvez-vous nous donner une brève réponse, si possible, monsieur Windsor?
    Ça va être difficile de vous donner une brève réponse.
    Tout ce que je peux vous dire en quelques mots, puisque nous avons fait un suivi de notre rapport, c'est qu'en 2006 et 2007, tous ceux qui participaient à la mission étaient optimistes. C’est en 2008 que l'ennemi a commencé à réagir à la façon dont le Canada, l'OTAN et les Nations Unies organisaient leurs opérations à Kandahar. En particulier, nous avions organisé une aide à la reconstruction dans un vaste secteur de Kandahar sans avoir sécurisé les secteurs à reconstruire, si bien que les forces ennemies assassinaient les gens que nous avions aidés.
    Les Forces canadiennes se sont alors embarquées dans une campagne visant à protéger la population du sud de l'Afghanistan, à laquelle le gouvernement canadien avait promis une aide à la reconstruction. On connaît la suite. Nous savons tous qu'il y a eu une série d'escarmouches dans toute la province. Personne ne l'avait prévu. Ce sont des nouvelles qui nous ont beaucoup attristés, d'autant plus que j'ai perdu à ce moment-là de bons amis.
    Je dis et je le répète, nous étions — je pense en avoir assez dit.
    Merci, monsieur Windsor.
    Monsieur Alexander.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais poser une question à chacun de nos témoins. Je les remercie infiniment de leur témoignage. Puisque c'est M. Windsor qui a parlé en dernier, je vais commencer par lui demander ce qu'il sait des EEI, ce qu'on fait pour les contrer, si on a fait un retour d'expérience et si on est mieux préparés aujourd’hui à faire face à la fois à la menace technique — les blessures et les morts qu'ils entraînent — et à la menace politique.
    J'aimerais simplement lui rappeler l'interview qu'il a donnée au magazine MacLean’s en 2007, alors que le nombre des victimes canadiennes s'établissait à 66, et ce qu'il a dit:
    En fait, l'objectif des talibans, lorsqu'ils ont tué le capitaine Dawe et ses hommes…
    ... c'est le groupe de six hommes qui venaient d'être tués, et c'était sans doute le plus grand nombre de personnes...
    … c'était vous, les médias. C'est parce que tous les médias occidentaux sont focalisés sur le nombre de morts et de blessés plutôt que sur les aspects positifs de la mission, comme nos efforts de reconstruction. Tant qu'ils focaliseront sur le nombre de morts, les talibans vont se servir des médias occidentaux pour terroriser l'opinion publique.
    Leur objectif était bien sûr d'amener les pays à se retirer de l'Afghanistan.
    Pensez-vous que nous ayons su tirer toutes les leçons politiques et techniques qui s'imposent pour mieux contrer les EEI? Pensez-vous que nous sommes mieux préparés à ce niveau-là?
    Les Forces canadiennes sont certainement mieux préparées pour contrer les EEI. Elles ont accru les ressources consacrées à la solution de ce problème, et les nouvelles technologies et capacités qui en ont résulté nous ont permis de faire d'énormes progrès. Mais nous n'avons pas eu de véritable débat au Canada sur la politique à adopter face à un ennemi dont la stratégie consiste à infliger le maximum de pertes à l'adversaire. Je ne parle pas ici des EEI. Trop souvent, au Canada, nous parlons des EEI uniquement sur le plan de la capacité, de l'équipement et de la technologie.
    Nous n'avons pas eu de vrai débat sur la stratégie à adopter en matière de contre-insurrection, car les EEI ne sont pas des armes nouvelles. Pour empêcher l'adversaire de se déplacer, une armée utilise des engins explosifs divers et variés depuis que les pétards existent. C'est pour ça que nous avons une École du génie militaire des Forces canadiennes.
    C'est la raison pour laquelle j'estime que les Forces canadiennes ont su réagir face au recours accru de l'ennemi à ce type d'armes en Afghanistan, mais que l'opinion publique, au Canada, n'a pas suivi.

  (1230)  

    Amiral Murray, j'ai une question pour vous.
    Vous avez parlé des missions principales des Forces canadiennes, telles qu'elles sont énoncées dans la stratégie Le Canada d'abord. L'une d'entre elles — je crois que c’est la mission numéro cinq — consiste à diriger et/ou mener une opération internationale importante durant une période prolongée. Ça pourrait être, bien sûr, le commandement d'une coalition, comme nous le faisons presque toujours, mais ça pourrait être aussi une mission unilatérale, si les autres pays ne veulent pas intervenir.
    Lorsque vous étiez chef d'état-major de la Défense par intérim à la fin de 2006-2007, nous avons eu l'un des rares cas où le Canada a agi seul dans la région des Grands Lacs pour finalement déployer juste un peu plus de 300 soldats, sur les 1 500 offerts, pour empêcher des réfugiés de se déplacer.
    Compte tenu de votre expérience à l'époque, et de tout ce que vous avez vu depuis lors, dans vos diverses fonctions au gouvernement, y compris celle de sous-ministre, pensez-vous que nous soyons mieux préparés, moins bien préparés ou aussi bien préparés que nous l'étions en 1996 pour diriger et/ou mener une opération internationale importante durant une période prolongée?
    Je pourrais me montrer facétieux et vous dire que nous ne pourrions pas être moins bien préparés, mais je ne le ferai pas.
    J'espérais vous l’entendre dire.
    J'aimerais juste dire quelques mots au sujet des EEI, car je pense que c'est une histoire incroyable. C'est peut-être encore trop sensible, voire secret, mais l'histoire du bureau du coroner de Toronto, les scientifiques de la défense et tous ceux qui ont participé à ça, nous montre bien pourquoi l'expression « la frappe et les arrières » est vraiment inappropriée et qu'il vaudrait mieux l’éviter car, dans ce cas, qui est la frappe et qui sont les arrières? En tout cas, c'est une histoire incroyable, et chapeau au bureau du coroner de Toronto et à tous ceux qui sont impliqués.
    Amiral, pour votre gouverne, je vous indique, entre parenthèses, que notre comité s'est rendu à Recherche et développement pour la Défense Canada et que nous avons entendu une partie de toute l'histoire — une partie importante.
    Parfait.
     Pendant un certain nombre d'années, le Collège d'état-major m'a fait venir à plusieurs reprises à propos d'un cas dans toute cette histoire de la région des Grands Lacs. Le problème, c'est que la question a été réglée. Nous avions une mission, nous avions des contraintes, nous avions des alliés, mais finalement le problème s'est réglé avant que la mission ne démarre, et ça a été plutôt fascinant de gérer l'affaire jusqu'au bout.
    Mais dire que le Canada était prêt à diriger une opération de cette nature… Je ne parle pas seulement des Forces canadiennes. J'en reviens à ce que je disais tout à l'heure au sujet du rapport Manley, de la réponse du gouvernement, et de toute l'approche pangouvernementale vis-à-vis de l'Afghanistan. Nous sommes aujourd'hui à des lieues d'où nous étions à l'époque.
    Je dirai également qu'avant, je pensais que c'était une assez faible probabilité — et ce n'est pas forcément une probabilité élevée aujourd'hui —, mais je ne suis pas sûr que les Australiens s'attendaient à diriger l'opération au Timor oriental. Il faut donc que le Canada fasse attention, et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut tirer des leçons de notre expérience en Libye et en Afghanistan afin que notre pays soit prêt.
    Je pense que nous sommes beaucoup mieux préparés aujourd'hui. Par contre, le monde évolue, et si nous nous mettons en retrait, les gens vont évoluer eux aussi — non seulement dans les forces mais dans ces autres ministères fédéraux — et nous allons perdre tout ce que nous avons acquis au cours des 10 dernières années, ou en tout cas au cours de nos 7 à 10 années en Afghanistan, ce qui serait une perte énorme pour la capacité du Canada de diriger une opération de ce type.

  (1235)  

    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Storseth, vous avez la parole.
    Je vous remercie de votre exposé.
    J'aimerais poursuivre sur le même sujet et vous demander dans quelle mesure les Forces canadiennes et le Canada réussissent à préserver cette mémoire institutionnelle dans les collèges d'état-major et autres endroits, afin que nous puissions continuer d'y avoir accès? Je sais que, dans ma circonscription, il y a des hommes et des femmes qui ont joué des rôles clés en Afghanistan et en Libye, à divers paliers de commandement, et j'aimerais savoir dans quelle mesure on profite de leur expérience même après qu'ils ont pris leur retraite?
    Les Forces canadiennes se sont beaucoup améliorées sur ce plan-là, mais est-ce suffisant? Le professeur pourra peut-être vous en dire davantage. Je sais qu'on a beaucoup investi dans les collèges d'état-major, au cours des dernières années, aussi bien pour la formation des majors que pour la formation des jeunes généraux, des officiers « une étoile » et des équivalents civils. Ce qui va vous intéresser, c'est que je participe à ce cours chaque année, généralement à partir d'Ottawa. Ce qui m'a vraiment surpris, depuis un an ou deux, c'est qu'il y a beaucoup plus de participants importants issus d'autres ministères, notamment le MAECI et la GRC. C'est essentiel.
    Je pense que les Forces canadiennes font du bon travail. Comme la plupart des autres grandes organisations policières du pays, elles ont toujours rédigé des rapports sur les événements qui se produisent, mais je pense qu'elles préservent mieux, aujourd'hui, cette mémoire institutionnelle. Pour ce qui est de le faire au niveau pangouvernemental, c'est encore très embryonnaire, et c'est la raison pour laquelle la force opérationnelle en Afghanistan est si cruciale. En effet, c'est la première fois, autant que je me souvienne, que nous avons réussi à mettre en place quelque chose qui fonctionnait aussi bien sur le terrain qu'à Ottawa. Par conséquent, il ne faut pas perdre les précieux enseignements que nous en avons tirés, car ce n'est pas dans la culture de la plupart des autres ministères.
    Je vais me faire l'écho, très rapidement, de l'amiral Murray en disant que le retour d'expérience a toujours été un outil précieux pour une armée qui veut se doter d'une force militaire professionnelle moderne. Les services qui s'en occupent reçoivent des ressources suffisantes depuis 10 ans. L'opération en Afghanistan est aujourd'hui bien documentée. Par contre, il y a peut-être un problème pour les missions des années 1990, car il y en a eu beaucoup un peu partout dans le monde et nous avons très peu de renseignements là-dessus. Notre mémoire institutionnelle de ces missions est très très limitée, notamment à cause de l'évolution démographique des effectifs des forces, vu que ceux qui participaient à ces missions ont pris leur retraite. Il faudrait qu'on fasse un gros effort pour recueillir toutes ces données historiques sur les missions des années 1990 avant que nous ne puissions plus puiser dans la mémoire d'individus comme l'amiral Murray.
    Messieurs, j'aimerais vous poser une question sur l'interopérabilité. Souvent, les gens pensent à l'interopérabilité entre les différents pays. Par exemple, au polygone de tir aérien de Cold Lake, il y a des manoeuvres interarmées chaque année. Mais s’il y a une chose que j'ai apprise dans mes rapports avec les militaires, c'est que l'interopérabilité au sein des Forces canadiennes est absolument indispensable à une bonne performance.
    Est-ce qu'on se débrouille bien à ce niveau-là? Quel rôle jouent les centres d'entraînement comme Wainwright, Cold Lake et d’autres? Est-ce qu'on se débrouille bien à ce niveau-là?
    Je n’appartiens plus aux forces, mais j'ai l'impression qu'elles ont fait beaucoup de progrès à ce niveau-là. Vers 1990, à l'époque de la guerre du Golfe, la situation était un peu inhabituelle. Nous avions une force armée unifiée depuis 1968, les gens pensaient que c'était une force interarmées, alors qu'en fait, les trois services avaient fonctionné presque toujours séparément pendant la guerre froide. Nous avions même rarement l'occasion de nous rencontrer, si ce n'est au collège d'état-major ou lors d'un programme de formation ponctuelle pour une mission humanitaire.
    Ce n'est que dans les années 1990 que nous avons vraiment commencé à fonctionner comme une force interarmées, et, comme je disais tout à l'heure, c'est à ce moment-là que nous avons commencé à tirer beaucoup de leçons de nos missions. En fait, les Forces canadiennes ont fait énormément de choses dans les années 1990, et leurs membres peuvent être très fiers de ce qu'ils ont réussi à faire dans des circonstances très difficiles. Mais pour ce qui est des opérations de l'après-11 septembre, et des missions en Afghanistan et en Libye, le retour d'expérience est désormais une seconde nature.
    Ce n'est pas comme… Comment dirai-je? Souvent, on pensait « interarmées » après coup. Maintenant, les commandants de l'Armée de terre, de la Marine et de la Force aérienne s'emploient réellement à faire en sorte que les opérations soient « interarmées », ce qui n'est pas une tâche facile. En fait, c'est un véritable défi, que nous n'avons probablement pas encore complètement réglé sur le plan technique, mais c'est déjà présent dans les façons de faire, et ça s'est beaucoup amélioré au cours des dernières années.
     Il y a encore des progrès à faire, c'est sûr, mais ça marche déjà plutôt bien. Voilà ce que je pense de la situation, même si je suis un peu en dehors.

  (1240)  

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous allons entreprendre la troisième et dernière ronde de questions, pour laquelle chaque parti aura droit à une dernière question de cinq minutes.
    Monsieur Kellway, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur la question de l'équilibre, dont je parlais tout à l'heure.
    Des témoins ont comparu devant notre comité et ont décrit les quatre premières missions comme des missions pour lesquelles « on n'a pas droit à l'échec ». Autrement dit, quelle que soit l'opération, il faut la mener à bien. Mais d'autres nous ont dit que, pour les missions 5 et 6, on avait plus de latitude, que c’était une question de politique, qu'il s'agissait en fait, comme on dit, de projeter nos frontières, et que c'est selon la manière dont elles auront été projetées que nous déterminerons si nous devons nous préparer pour ce genre de mission. Si nous projetons nos frontières à l'échelle de la planète, cela aura un impact sur l'équilibre, amiral Murray. Pourriez-vous revenir sur ce que vous disiez à propos d'équilibre? D'autres nous ont même dit que nous ne pouvions pas nous permettre de maintenir la disponibilité opérationnelle des trois éléments des Forces canadiennes.
    Vous avez dit que ce n'était pas une liste hypothétique. Je vous demande alors si cette liste est inéluctable, et si nous allons être obligés de nous engager dans ce genre de conflits. En revanche, si elle n'est pas inéluctable, ne pourrions-nous pas, alors, envisager un équilibre différent pour nos forces armées, avoir des priorités différentes parmi les trois éléments de nos forces, eu égard à la disponibilité opérationnelle?
    La seule latitude dont nous disposons au sujet de ces deux dernières missions est que la décision revient au gouvernement en place d'engager ou non les Forces canadiennes. Je ne peux pas imaginer qu'un gouvernement canadien puisse refuser de participer à une mission internationale exigeant l'engagement de plusieurs pays, suite à une catastrophe épouvantable, et qu'il puisse répondre: « désolé, nous avons décidé de ne pas participer, mais nous vous enverrons de l'argent », ou quelque chose du genre.
     C'est à nous de voir si nous voulons avoir de la crédibilité. Supposons qu'il y ait eu un risque de violence organisée à Haïti, après le tremblement de terre. Je ne pense pas qu'un gouvernement canadien tiendrait bien longtemps s'il ne réagissait pas de la façon dont les Canadiens veulent que leur gouvernement réagisse dans ce genre de situation.
     De nos jours, dans la plupart des pays du monde, lorsque nous envoyons des contingents canadiens, il y a toujours des individus dangereux, pas très loin, qui ont des armes très sophistiquées et qui possèdent même parfois de petits sous-marins. Vous savez, aujourd'hui, quand on envoie des contingents canadiens à l’étranger, ça veut dire qu'ils doivent être capables de mener un combat.
    Essayer de faire un choix entre l'Armée de terre, la Marine ou la Force aérienne, c'est comme pelleter des nuages. Si j'en juge par le nombre et la diversité des missions dans lesquelles les gouvernements ont engagé les Forces canadiennes depuis 1989, j'en conclus que la meilleure approche est l'approche équilibrée, avec les ajustements nécessaires lorsqu'on se trouve dans un pays comme l'Afghanistan. Il ne faut pas se priver de certaines options car le Canada risquerait alors de ne pas avoir la capacité d'intervenir.

  (1245)  

    Monsieur Windsor, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non, je suis entièrement d'accord.
    Dans notre comité, nous parlons beaucoup de missions interarmées et de la nécessité de collaborer avec les alliés, l'OTAN et les autres. Est-ce que cela a une incidence sur la façon dont vous concevez l'équilibre? Est-il nécessaire de maintenir des troupes parfaitement aptes au combat dans les trois éléments? Nous nous sommes lancés dans un énorme programme de construction navale. Le Canada ne pourrait-il pas se trouver un créneau pour ses contributions futures à des interventions multilatérales?
    Je ne propose absolument pas que le Canada ait des porte-avions ou qu'on recrute des bataillons entiers de soldats. Mais nous avons besoin d’une force interarmées et d’une force spéciale. Ce sont des capacités essentielles. Vous savez, les niches dont vous parlez, il faut d'abord en trouver qui soient crédibles et à la hauteur de nos moyens.
    La Marine a fini par devenir une marine de frégates et de petits sous-marins. L'Armée de terre n'est pas une division mais elle a des unités d’armes de combat et pourrait accéder au niveau d’une brigade, d’un groupe ou d’une division si c’était vraiment nécessaire.
     Je ne dis pas qu’il faut tout avoir et qu’il faut essayer de satisfaire tout le monde, mais nous avons besoin des ces cinq capacités si nous voulons pouvoir offrir une réponse crédible. Nous devons avoir les capacités nécessaires pour diriger éventuellement une mission de type Timor oriental, et cela signifie qu'on a intérêt à ne pas négliger la capacité interarmées du quartier général de Kingston ou nos secteurs d'interopérabilité avec les pays alliés. C'est un défi. C'est un art, pas une science.
    Merci, amiral.
    Monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président.
     Merci aussi à nos témoins, leurs interventions sont très intéressantes.
     L'un des développements stratégiques les plus importants des dernières semaines et des derniers mois est certainement l'annonce, par le président Obama, du retour des États-Unis en Asie-Pacifique, et on sait que le Canada suit presque toujours la trace des États-Unis. Vu que bon nombre de nos partenaires de l'OTAN sont quasiment en faillite, la seule exception, selon M. Bercuson, étant l'Allemagne mais ce pays est traditionnellement passif, et vu que le président Poutine est plutôt d'humeur guerrière ces temps-ci, j'ai l'impression que nous allons devoir nous détourner de l'Atlantique et nous intéresser davantage au Pacifique, et bien sûr à l'Arctique, dans un avenir pas très lointain.
    Si vous estimez que cette prémisse est valable, dans quelle mesure ce changement stratégique a-t-il une incidence sur l'étude que nous sommes en train de faire?
    J'aimerais bien que ce soit le représentant de la Marine qui réponde en premier.

  (1250)  

    C'est une très bonne question, que les forces et le Canada, à un certain niveau, débattent depuis quelque temps: comment se réorienter vers le Pacifique? On sait que la Marine a déjà procédé à un rééquilibre, avec les frégates de patrouille canadiennes et les sous-marins, pour intensifier notre présence navale sur la côte Ouest, proportionnellement à la superficie de notre territoire. Étant donné que nous avons un littoral pacifique, ce n'est pas une activité nouvelle pour le Canada. Mais comment définir cet équilibre?
    L'Arctique est également une question intéressante, car la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes dans l'Arctique nécessite le genre d'investissements dont on discute actuellement ou qui ont déjà été faits dans des navires de patrouille, entre autres. Mais ça nécessite aussi qu'on optimise la capacité interministérielle, dont je parlais tout à l'heure. La garde côtière canadienne maintient une forte présence en y envoyant sept brise-glaces chaque année, une présence quasi permanente. Réussit-on à optimiser cet investissement? Sur le plan scientifique, entre autres, très certainement. Mais dans la perspective d'une reconnaissance de la souveraineté canadienne? Font-ils assez de patrouilles hydrographiques et scientifiques? Faudrait-il y envoyer la GRC? Ce serait vraiment le moment, à mon avis, d'adopter une approche pangouvernementale. En tout cas, ça sera nécessaire au fur et à mesure que les capacités navales et autres des Forces canadiennes vont avoir un rôle à jouer. Autrement dit, il va être indispensable d'intégrer ces quatre à six navires de patrouille de l'Arctique avec la flotte de la garde côtière.
    Les manoeuvres qui se sont déroulées ces dernières années, à intervalles réguliers, et la présence accrue du gouvernement dans l'Arctique depuis quelque temps, sont des signes encourageants. Pour résumer, je dirai que l'Arctique va nécessiter une collaboration interministérielle beaucoup plus grande, avec les instruments dont nous disposons, lesquels n'appartiennent pas tous aux Forces canadiennes.
    Permettez-moi d'ajouter que, même si on change de secteur géographique et qu'on confie aux forces davantage de missions dans la région du Pacifique, il n'y a pas lieu de penser que la nature de ces missions sera différente. La plus grande menace à la stabilité mondiale continue d'être l'effondrement des États en déroute, et la sécurité et la stabilité qui en résultent. Pour pouvoir intervenir dans ce genre de situation, dans cette région du monde — et nous sommes déjà engagés dans un État en déroute situé à la périphérie de cette région du monde —, il va falloir parvenir au genre d'équilibre dont l'amiral Murray parle depuis tout à l'heure.
    La tendance actuelle semble être de rechercher une solution avant tout navale à l'enjeu du Pacifique — c'est en tout cas comme ça que les États-Unis voyaient le problème dans les années 1930 —, mais, pour avoir la capacité de participer à une vaste gamme d'interventions internationales, politiques et militaires, il faut avoir à sa disposition tout un éventail d'options.
    Monsieur McKay, votre temps est écoulé.
    Vous avez une fiche parfaite au bâton jusqu'à maintenant, monsieur Norlock, et vous allez poser la dernière question de la séance.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question ne sera peut-être pas tout à fait du goût de certaines personnes, mais elle découle des réponses que vous avez données à certains de mes collègues. Elle ne concerne pas seulement la disponibilité opérationnelle des forces armées, mais aussi la volonté d'une population d'appuyer ses forces, et comment ces dernières peuvent conserver cet appui.
     Nous savons que les conflits futurs comporteront très certainement des activités terroristes et des troubles civils. Nous savons également, forts de notre expérience en Afghanistan, que l'ennemi s'emploie à démoraliser les armées d'occupation et les populations des pays qui les envoient — je fais allusion ici aux pays de l'OTAN — afin de les convaincre que leur présence est inutile parce qu’elles vont perdre des hommes et des femmes et en même temps causer la mort d'un certain nombre de membres des troupes rebelles. Au fur et à mesure que le nombre des victimes augmentait, nous avons bien sûr constaté qu'il y avait de plus en plus de gens qui doutaient de l'utilité de notre présence là-bas, alors qu'en fait nous y étions pour une cause juste.
    Bref, nous connaissons l'objectif des terroristes et nous savons qu'ils utilisent contre nous les choses qui nous sont les plus précieuses, comme la liberté de la presse et la liberté de parole, alors pouvez-vous me dire de quelle façon un militaire peut se préparer à s'adresser au public? Certains généraux l'ont fait, ils l’ont même très bien fait, au milieu de notre mission en Afghanistan, et vers la fin, quand ils ont parlé des sacrifices que cela représentait.
    J'invite les deux témoins à répondre à ma question.

  (1255)  

    Si l'on voit ce qui s'est passé depuis un siècle, je pense qu'on peut dire que la meilleure façon de conserver l'appui de la population, c'est de participer à des missions qui sont moralement justes. Chaque fois que le Canada est intervenu dans des conflits internationaux pour une juste cause, quelle qu'elle soit, quelle que soit la façon dont elle était perçue et comprise à ce moment-là, les forces ont toujours eu l'appui total de la population — mais il est clair que c'est à vous, à vous tous, de faire en sorte que le public comprenne bien la juste cause de cette mission.
     Nous n’avons pas eu un Winston Churchill pour l'Afghanistan. Nous n'avons même pas eu un bon William Lyon Mackenzie King pour l'Afghanistan. Le gouvernement canadien a laissé tomber la population canadienne et les Forces canadiennes en n’expliquant pas clairement à la population — et il ne l'a toujours pas fait — au nom de quelle cause des soldats au service de notre pays ou au service d'autres pays ont dû donner leur vie.
    Toute cette question est vraiment très intéressante. Personnellement, je suis extrêmement fier, en tant que Canadien, de… Parlons de l'Afghanistan. Quelles que soient les opinions que les gens ont pu avoir au sujet de notre engagement en Afghanistan, il est indéniable qu'ils ont toujours appuyé les membres des Forces canadiennes. Chaque fois qu'il a été question de TSPT, de soins de santé ou de soutien aux familles, 30 millions de Canadiens se sont ralliés à la cause, quelles que soient leurs opinions.
    Vous savez, quand on voit ce qui se passe au sud de la frontière, c'est un peu ce qui arrive quand l’armée ne se sent pas suffisamment appuyée par la population. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu un peu de ça au Canada, mais de façon générale, ce n'est pas ainsi que ça s'est passé chez nous, et il faut que ça continue comme ça.
    Ce n'est pas aux généraux ou aux soldats d'expliquer à la population pourquoi nous sommes en guerre, mais en revanche, il faut qu'ils aient la possibilité d'expliquer et de montrer à la population canadienne ce qu'ils sont en train de faire. Certes, ils ne peuvent pas emmener les Canadiens voir ce qui se passe en Afghanistan, mais ils peuvent inviter les Canadiens à des portes ouvertes dans les bases, sur les navires, etc., enfin ce genre de choses.
    Je pense que c'est l'une des raisons principales pour lesquelles les programmes des réservistes et des cadets sont si importants au Canada. Les réserves sont présentes dans beaucoup plus de collectivités que l'armée régulière. Quel que soit le nombre avec lequel on se retrouvera — 70 000, 60 000 —, les soldats sont regroupés dans des super-bases généralement éloignées des grands centres urbains. C'est pour ça qu'on a encore plus besoin de nos programmes de réservistes et de cadets. Le fait est que les Forces canadiennes... j'ai dit tout à l'heure qu'elles font de l'excellent travail parce que ce sont des forces canadiennes. Vous savez, il faut montrer aux Canadiens ce que fait l'Armée canadienne, surtout qu'avec notre magnifique mosaïque multiculturelle, tous ces gens qui viennent d'autres pays, où ceux qui portent un uniforme ne sont pas nécessairement les personnes les plus fréquentables — en fait, il vaut mieux éviter de les rencontrer... C'est important de leur faire comprendre que ceux qui portent un uniforme canadien sont des gens qui ont une éthique, une morale, etc.
    Comment y parvenir? Je ne sais pas vraiment. Vous êtes beaucoup plus experts en la matière que moi. L'engagement est quelque chose de très important. Si nous n'avons pas un autre Afghanistan bientôt — ce que je souhaite —, ou une autre Libye, comment entamons-nous ce dialogue?
    C'est important, dans une démocratie moderne, de savoir comment les citoyens peuvent converser avec les militaires et vice-versa de façon que chacun se comprenne et se fasse confiance.

  (1300)  

    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    J'aimerais poser une question à M. Windsor. Même s'il n'a pas le temps de me donner sa réponse oralement, il pourra me la faire parvenir par écrit.
    Vous avez dit que nous n'avions pas intérêt à nous préparer pour une dernière mission, et que nous avions la possibilité, à l'heure actuelle, de rééquiper les Forces canadiennes. Vous parliez en particulier de l'Armée de terre. Vous avez également parlé des nouvelles capacités que nous avons acquises en Afghanistan, dont certaines ne s'appliquent vraiment qu'à cette mission.
    J'aimerais que vous nous disiez quelles leçons de l'Afghanistan nous sont précieuses du point de vue de l'accroissement de nos capacités et de notre disponibilité opérationnelle, et lesquelles ne présentent aucun intérêt. Je vous remercie de me faire parvenir votre réponse par écrit.
    Cela dit, je suis prêt à accepter une motion pour lever la séance.
    Une voix: Je la propose.
    Le président: Je vous remercie tous les deux de vos témoignages.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU