:
Merci, monsieur le président.
La Conférence des associations de la défense, qui célèbre sa 80ème année d'existence cette année, vous remercie chaleureusement de l'avoir invitée à témoigner devant votre comité.
Aujourd'hui, les 51 associations membres de la CAD continuent, comme elles le font depuis 1932, à étudier les problèmes de défense nationale, à coordonner leurs activités en ce qui a trait à tous les services des Forces armées canadiennes, à faire au gouvernement du Canada les recommandations qui peuvent leur sembler opportunes, et à promouvoir le bien-être des Forces canadiennes dans leur ensemble.
Nous sommes particulièrement heureux de pouvoir ajouter notre voix au débat sur la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes.
[Français]
Monsieur le président, je vais souligner ici que le recrutement, l'entraînement et la rétention du personnel doivent être gérés avec beaucoup de soin si on veut que les Forces canadiennes établissent et maintiennent une disponibilité opérationnelle appropriée, que nous définissons comme le déploiement au moment opportun du nombre et du type adéquats de forces militaires entraînées et équipées de façon à pouvoir accomplir la mission qui leur est assignée. Je vais également préciser qu'il ne sera pas possible d'atteindre une telle disponibilité opérationnelle si les Forces canadiennes ne retiennent pas un éventail complet et déployable de capacités militaires.
Mon collègue, le colonel Brian MacDonald, fera par la suite un commentaire sur l'impact que la technologie et le financement peuvent avoir sur la probabilité que les Forces canadiennes atteignent le niveau approprié de disponibilité opérationnelle.
[Traduction]
La stratégie de défense Le Canada d'abord charge présentement les militaires des six missions principales suivantes: mener des opérations quotidiennes nationales et continentales, y compris dans l'Arctique et par l'entremise du NORAD; appuyer les autorités civiles en cas de crise au Canada, par exemple en cas de catastrophe naturelle; offrir leur soutien dans le cadre d'un événement international important au Canada, comme les Jeux olympiques de 2010; diriger et/ou mener une opération internationale importante durant une période prolongée; répondre à une attaque terroriste importante; et déployer des forces en cas de crise à l'étranger pour une période de courte durée.
[Français]
Au moment où les Forces canadiennes font face à des mesures de compressions budgétaires, il est possible qu'elles aient à subir une pression pour réduire les niveaux de dotation. Si cela se produit, le gouvernement devrait s'assurer que toutes les réductions sont entreprises de façon stratégique, autrement dit, de façon à retenir les compétences et les capacités essentielles pour couvrir l'ensemble du profil démographique de l'établissement de la défense.
[Traduction]
Dans les années 1990, suite à des coupes sombres dans les dépenses du gouvernement, le MDN a réduit considérablement ses niveaux de dotation en cessant ses efforts de recrutement et en offrant une retraite anticipée ou des primes de départ aux cadres supérieurs. La conséquence malheureuse de cette mesure est que les Forces canadiennes et les employés civils de la défense présentent maintenant un profil démographique dissymétrique qui montre un grand nombre d'employés approchant de la retraite et un grand nombre d'employés récemment embauchés, relativement sans expérience. Le résultat de cet état de fait est que le ministère est loin d'avoir ce qui devrait être sa cohorte la plus importante — du personnel ayant plusieurs années d'expérience sans pour autant approcher de l'âge de la retraite.
[Français]
Tous les changements futurs apportés à la dotation de la défense doivent faire en sorte qu'une situation semblable ne se reproduise pas. Pour y arriver, si les restrictions de personnel sont nécessaires, elles doivent être effectuées par une combinaison de réduction du recrutement, d'attrition naturelle et de libérations étalées sur l'ensemble du profil d'expérience et d'âge du ministère, faute de quoi il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de retenir des cibles de disponibilité adéquates.
Les événements imprévus survenus au Moyen-Orient au cours de l'année passée soulignent la nature incertaine des développements mondiaux. Étant donné cette imprévisibilité, la politique canadienne de longue date voulant qu'on maintienne un champ complet de capacités militaires devrait être maintenue. Comme il nous est impossible de prédire ce que l'avenir nous réserve, le gouvernement serait mieux servi s'il assurait ses arrières en se préparant en vue d'une gamme complète de contingences internationales et nationales/continentales.
[Traduction]
Le gouvernement devrait également poursuivre l'engagement qu'il a pris d'assurer la déployabilité d'éléments majeurs des Forces canadiennes. Récemment, il a fait des progrès significatifs sur ce front en acquérant des appareils de transport stratégique C-17, et en renouvelant le parc canadien d'avions Hercule — deux mesures qui facilitent le déploiement des Forces canadiennes, ici même et à l'étranger.
Pour garantir que ces objectifs de disponibilité opérationnelle seront atteints, la déployabilité des Forces canadiennes doit être maintenue. Le gouvernement canadien devra en conséquence maintenir son engagement de renouveler la flotte de la marine royale canadienne, et particulièrement sa capacité de ravitaillement en mer, par l'achat de navires de soutien interarmées.
Étant donné les missions principales que la stratégie de défense Le Canada d'abord confère aux Forces armées canadiennes, les avancées technologiques et les niveaux de financement seront-ils un obstacle à la disponibilité? C'est précisément à cette question qu'avec votre permission, monsieur le président, le colonel MacDonald va répondre.
Merci.
:
Merci, général Evraire.
Des études récentes de la Rand Corporation effectuées pour le compte de la Marine et de l'Aviation américaines ont suggéré que les augmentations en capacité des systèmes de combat ont entraîné des augmentations annuelles des coûts de défense de l'ordre de 9 à 12 p. 100.
Côté air, ces augmentations de coûts ont généré de nouvelles capacités, comme celles qu'on trouve dans la 5ème génération d'avions de chasse comme le F-22 et le F-35 (États-Unis); le T-50 (Russie) qu'on appelle parfois le PAK FA; et le F-20 (Chine). Ces augmentations de capacité se traduisent par des taux de destruction extraordinaires contre des chasseurs de quatrième génération comme le F-15, le F-16 et le Super Hornet F-18.
Un article paru en 2007 dans le US Air Force News rapportait que l'exercice de combat inaugural des F-22 a eu lieu lors des manoeuvres Exercise Northern Edge en 2006. Selon les données de l'aviation américaine, la douzaine de F-22 qui y ont participé ont enregistré un taux de destruction record de 144 à zéro, rien que pendant la première semaine, et n'ont subi aucune perte dans l'ensemble.
Côté naval, le US GAO, la cour des comptes américaine a publié un rapport en janvier 2010 sur une proposition de la US Navy de cesser la production du destroyer DDG-1000 et de réanimer la série des anciens destroyers DDG-51 Flight llA, par souci d'économie. Mais le DDG-51 en nouvelle version aura alors besoin d'être reconfiguré pour être équipé d'un nouveau radar de défense anti-aérienne et anti-missiles pour faire face aux missiles balistiques à guidage terminal qui peuvent atteindre la vitesse de Mach 10.
Combien coûtent les nouveaux DDG-51 Flight lll? Le tableau qui suit donne les coûts d'acquisition pour les diverses options américaines. Les coûts du cycle de vie ne sont pas inclus.
Les derniers vaisseaux DDG-15 Flight llA ont été construits au coût de 1,93 milliard chacun. On estime que les nouveaux destroyers Flight lll coûteront entre 2,3 et 2,95 milliards de dollars, en comparaison des DDG-1000, dont le coût est estimé entre 3,2 et 3,37 milliards de dollars.
Le Canada a aussi besoin de remplacer ses trois destroyers vieillissants, et il devra aussi envisager la nécessité de protéger une force opérationnelle navale contre des missiles balistiques ou des missiles de croisière à grande vitesse. Et le gouvernement devra tenir compte de l'impact de leurs coûts sur le budget de la Stratégie de défense Le Canada d'abord.
Qu'en est-il du financement de la stratégie Le Canada d'abord? Quand nous avons examiné les taux de croissance technologique dans la sphère de combat potentiel et les coûts en forte croissance associés au déploiement de cette technologie, nous nous sommes posé de sérieuses questions quant au financement de la stratégie et sa capacité de tenir compte des coûts d'entretien des équipements. Ces inquiétudes sont nourries par les augmentations continues des coûts de défense, lesquels sont tirés à la hausse par les progrès technologiques apportés aux capacités des systèmes de combat.
Le plan initial des augmentations budgétaires de la stratégie prévoyait une croissance annuelle de 2 p. 100 pour couvrir l'inflation — chiffre qui correspond au modèle d'inflation de la Banque du Canada —, plus 0,6 p. 100 pour couvrir les augmentations des coûts de défense. Ensemble, ces augmentations s'élevaient à 2,6 p. 100.
Des commentaires et des témoignages plus récents de cadres supérieurs de la Défense ont suggéré qu'un chiffre plus approprié pour les coûts de défense était de 5,3 à 7 p. 100 par an, au lieu de 2,6. Nous croyons que même ces dernières estimations sont encore trop faibles, étant donné que les études de la RAND évaluent ces augmentations de coûts entre 9 et 12 p. 100.
Il semble que le ministère de la Défense soit d'accord avec nous puisque les augmentations du budget de ce ministère ont largement dépassé les 2,6 p. 100 de l'inflation et de la croissance, et que ce budget a fini par se situer autour de 22 milliards en 2010-2011. C'est ce qu'indique le tableau qui accompagne ce document et qui est tiré du Rapport sur les plans et les priorités pour l'année financière 2011-2012.
Les chiffres incluaient des crédits supplémentaires pour les opérations internationales de paix et de sécurité, en Afghanistan notamment, qui ont atteint 2,7 milliards de dollars cette année-là. Dans les années suivantes, les crédits supplémentaires ont diminué, avec la transformation de la mission de combat en mission d'entraînement. Les projections de financement permettent de penser qu'un plateau d'environ 21,3 milliards de dollars a été atteint pour le budget de la défense. De plus, les dépenses d'immobilisations ont augmenté substantiellement et devraient se situer autour de 5 milliards de dollars en 2013-2014, comme l'indique le tableau 2.
Les différents exercices d'examen des dépenses ont également eu un impact sur le budget du ministère. Lors de l'Examen stratégique de 2010, le budget a été réduit d'environ 1,5 million de dollars, et maintenant, avec l'Examen stratégique et opérationnel de 2012, l'objectif annoncé est une réduction du budget de 5 à 10 p. 100.
Cette mesure réduirait encore le budget de la Défense de 1 à 2 milliards de dollars. Si les nouvelles réductions étaient appliquées également à toutes les activités de programme, le budget alloué à la disponibilité diminuerait de 500 millions, pour se situer à 1 milliard de dollars par an, et le budget alloué aux dépenses d'immobilisations diminuerait de 250 millions de dollars, pour se situer à 500 millions de dollars par an.
Même avant les compressions budgétaires qui ont été imposées à la Défense en 2010, nous étions de plus en plus inquiets que la Stratégie de défense Le Canada d'abord ne soit pas suffisante face aux augmentations constantes et importantes des coûts des immobilisations, en raison des améliorations technologiques apportées aux capacités des systèmes de combat.
Il y a aussi la question des crédits qui ne sont pas renouvelables et qui, si on les ajoute aux réductions des crédits d'immobilisations et si l'on tient compte de nos besoins stratégiques et opérationnels, se traduisent par d'autres réductions du budget d'ensemble.
Nous devons donc nous demander si nous ne sommes pas en train de retourner à cette « décennie de la noirceur », car avec ces exercices budgétaires à somme nulle, le budget de la défense sera de moins en moins adéquat pour assurer la disponibilité opérationnelle des forces actuelles et futures.
Je vais m'arrêter là.
Toujours sur le même sujet, supposons que le Canada opère une volte-face et qu'il diminue de moitié son budget militaire. Nous connaissons l'une des pires récessions depuis la Grande Dépression, et chaque entité gouvernementale, y compris les forces armées, doit réduire ses dépenses. Nous ne saurons pas avant un mois ou deux ce que cela signifiera concrètement, mais j'essaie de me faire l'avocat du diable. Supposons que nous fassions ce que réclament les adversaires du gouvernement et que nous réduisions considérablement nos dépenses militaires afin de nous concentrer sur les problèmes intérieurs du Canada et éventuellement sur des activités comme l'aide internationale.
N'est-il pas vrai que cela affecterait notre capacité de nous défendre, primo, ou de jouer un rôle important dans notre défense mutuelle? Je pense précisément à l'OTAN. Vous avez parlé du C-17, qui est déployé à partir de Trenton, dans ma circonscription, et qui peut faire de très bonnes choses au Canada et sur la scène internationale.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus pour bien montrer que les forces armées, ça ne sert pas uniquement à faire la guerre, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. Ça sert à bien d'autres choses, et j'aimerais que vous nous en donniez des exemples.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie également tous les deux de vos exposés fort instructifs.
Colonel McDonald, j'aimerais vous dire que le document que vous avez préparé l'an dernier est l'un des rares parmi ceux que j'ai lus qui m'ait appris quelque chose sur le financement de l'armée. Les documents préparés par le ministère des Finances sont déjà difficiles à comprendre, mais quand les crédits militaires recoupent d'autres secteurs, ça devient un vrai labyrinthe. La première chose que j'ai remarquée dans le document, c'est que le Budget principal des dépenses, que nous allons avoir le mois prochain, est un peu un exercice de devinettes, comme si on jouait au jeu de la queue de l'âne avec les yeux bandés. Car en fait, ce qui compte vraiment, ce sont les budgets supplémentaires. Depuis six ou sept ans, les budgets supplémentaires totalisent chaque année à peu près un milliard de dollars. Autrement dit, vous commencez par présenter votre budget, et ensuite vous ajoutez des budgets supplémentaires.
Pourquoi devons-nous procéder de cette façon? Pourquoi l'armée ne peut-elle pas dire au ministère des Finances ce qu'il lui faut, ce qu'elle est prête à accepter et combien d'argent il lui faut vraiment pour fonctionner jusqu'à la fin de mars 2013?
:
Je ne suis pas d'accord avec vous.
Les Américains ont pour principe de combiner des appareils moins sophistiqués, comme un chasseur tactique capable de livrer un combat aérien rapproché, avec des chasseurs de supériorité aérienne. Par exemple, dans la Marine américaine, vous aviez le F-14, le Tomcat, qui était le chasseur de supériorité aérienne et qui était équipé d'un radar de repérage des objectifs. Cet appareil est capable de repérer quelque chose à une très grande distance et de lancer un missile, tout en conservant la supériorité aérienne. Le F-18 était l'appareil moins sophistiqué et avait des missions plus générales.
Aujourd'hui, c'est le F-22 que les Américains ont choisi comme leur chasseur de supériorité aérienne. J'ai lu, dans les rapports sur les manoeuvres effectuées à la base aérienne d'Elmendorf — et j'y ai passé quelques jours, pour discuter avec les pilotes des F-22 —, qu'à la fin des manoeuvres, les pilotes des F-15 ne voulaient plus participer parce qu'ils n'arrivaient pas à détecter les F-22.
Si vous avez besoin de la supériorité aérienne, à ce moment-là, il vous faut un très gros chasseur furtif. S'il n'est pas furtif et qu'il doit faire face au T-50 russe ou au J-20 chinois, vous envoyez vos pilotes à l'abattoir.
C'est pour ça qu'à mon avis, si on a choisi le F-35, c'est parce qu'il n'y avait pas d'autre option. Il y a bien sûr le F-22, mais les Américains en ont arrêté la production et ils ne le vendent pas à des pays étrangers, de toute façon. Il y a aussi le 50 PAK FA, l'avion russe, mais je ne crois pas qu'on ait jamais acheté de l'équipement russe, et il y a enfin le J-20, l'avion chinois, mais les Chinois ne comptent pas parmi nos fournisseurs habituels d'équipement technologique.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier vivement le général et le colonel de leurs superbes exposés.
Je m'intéresse aux activités de la Conférence des associations de la défense depuis quelques années. Ancien militaire, j'ai participé aux opérations de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine ainsi qu'en Afghanistan, en 2007. Je comprends parfaitement vos inquiétudes, vos arguments en faveur de l'achat de nouveaux équipements, etc.
La stratégie Le Canada d'abord a été adoptée en 2008, et décrit précisément le rôle et les missions des forces canadiennes. De quelle façon un document comme celui-ci permet-il de défendre les intérêts du Canada sur la scène internationale?
J'aimerais parler plus particulièrement de l'entraînement du personnel. C'est très important. Nous aurons beau avoir tous les équipements imaginables, si nos troupes ne sont pas bien entraînées, nous aurons un problème.
Vous vous souvenez sans doute de ce qui est arrivé pendant la Seconde Guerre mondiale, quand nous avons envoyé des troupes à l'Angleterre pour combattre l'Allemagne. Nous avons fourni des ressources humaines.
Nous aurons beau acheter les meilleurs équipements au monde, si nous n'avons pas le personnel capable de les utiliser, nous aurons un problème. À votre avis, comment peut-on assurer l'entraînement du personnel dans un contexte où la technologie des armements évolue très rapidement?
:
Il est indéniable que l'entraînement est un élément crucial de la disponibilité opérationnelle, mais il y a aussi toute la question de la spécialisation. En effet, les nouvelles recrues reçoivent un entraînement de base, et ensuite, elles reçoivent un entraînement spécialisé, selon les unités où elles sont envoyées dans chacun des trois grands services et leurs sous-éléments.
Ce qui nous préoccupe souvent, c'est la séquence des différentes formations dispensées: il faut que le jeune soldat reste occupé, qu'il apprenne constamment de nouvelles choses pour pouvoir atteindre ses objectifs. Comme vous le savez, il n'y a rien de pire que de n'avoir rien à faire en attendant le début de la session suivante. C'est un souci pour nous.
L'autre souci que nous avons concerne l'entraînement collectif: constituer des équipes, constituer des pelotons, constituer des batteries, constituer des régiments et, enfin, constituer des brigades. Cet entraînement collectif est essentiel. C'est comme ça qu'on constitue des équipes et c'est là que le leadership s'exerce directement.
Le problème se pose lorsqu'il faut soudain trouver un commandant de batterie déjà entraîné. Ce n'est pas parmi les civils qu'on va en trouver un et qu'on va pouvoir le recruter directement. Ce qu'il faut faire, c'est prendre quelqu'un au bas de l'échelle et lui donner l'entraînement nécessaire. Ça prend 12 ans pour former un commandant de batterie, ça ne se fait pas en quelques semaines.
Ça nous ramène à la question de la disponibilité opérationnelle. Si vous vous reportez aux tableaux que je vous ai apportés, et qui sont tirés du RPP, vous voyez les différentes activités de programme et les différentes catégories. Vous voyez que, pour la disponibilité opérationnelle, les montants sont de l'ordre de 10 milliards de dollars. Si vous examinez les chiffres de près, vous voyez dans quels secteurs les crédits sont régulièrement alloués et dans quels secteurs ils ne le sont pas.
C'est un domaine complexe. Ça représente à peu près la moitié du budget de la défense, mais il faudrait sans doute plus d'argent, si le budget de la défense était plus important.
:
Je voudrais simplement donner l'exemple de l'Afghanistan pour illustrer le genre de difficulté que nous avons. On avait là-bas beaucoup de soldats bien entraînés, mais on manquait par contre de personnel pour entraîner les nouvelles recrues et les autres militaires qui avaient besoin d'entraînement supplémentaire.
C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure, dans ma déclaration liminaire, qu'il ne faut pas cesser tout simplement de recruter, comme on l'a fait au début des années 1990. Il ne faut pas non plus demander à ceux qui ont de l'expérience de quitter leur emploi prématurément, alors qu'ils pourraient continuer de servir pendant encore quelques années, car cela déséquilibre le profil démographique des effectifs. Comme mon collègue vient de vous le dire, il faut 10, 15 ou 20 ans pour former un adjudant-chef, par exemple, en tout cas c'est ce qu'il faut pour former un colonel. Il faut donc que le budget soit suffisant pour financer ce genre de programme.
S'il faut faire des réductions, il faut alors les faire de façon à conserver le maximum de gens expérimentés au sein des forces armées. Sinon, on se retrouve avec de graves déséquilibres, comme ce que je viens de vous dire au sujet de notre mission en Afghanistan.
:
Je m'intéresse depuis un certain temps à ce qui se fait en République populaire de Chine, et notamment aux négociations qui ont conduit à l'accord sur les projets de recherche conjoints entre l'Institut de recherches internationales et stratégiques de Pékin et l'Institut canadien d'études stratégiques, dont j'étais alors le directeur. J'en suis venu à la conclusion que la politique stratégique chinoise se caractérise par une extrême prudence. Le célèbre général Hsu disait, en substance, qu'il valait mieux éviter de faire la guerre et trouver une autre façon de parvenir à ses fins. Il disait aussi que, si vous devez recruter un général et que vous avez un candidat qui a gagné 100 batailles, il ne faut surtout pas le recruter car il vous entraînera dans des guerres qui vous coûteront beaucoup d'argent.
Cela dit, la République populaire de Chine a investi énormément d'argent dans l'acquisition de nouveaux équipements modernes, dont certains sont très impressionnants.
Je crois que la course aux armements, si l'on peut dire, va se poursuivre sur le plan technologique entre les Américains et les Chinois, et que les pays de l'Asie du Sud-Est et de l'Est vont se lancer dans toutes sortes de nouvelles acquisitions.
Je ne suis pas en mesure de vous dire si nous aurons un jour un conflit direct avec la Chine. Il serait trop hasardeux de tenter de donner une réponse crédible. Par contre, nous devons essayer de nous doter au fur et à mesure des nouvelles technologies qui sont mises au point dans le monde, afin d'être en mesure, si un conflit éclate, d'offrir à nos troupes les meilleurs équipements possibles et de leur donner ainsi les meilleures chances de survivre et d'atteindre les objectifs que nous leur avons fixés.
:
La Chine et la Russie sont en train de construire des modèles d'avion — et ils travaillent fort à cela — explicitement conçus pour contrer les F-35. Or il semblerait qu'à ce jour, leurs avions seraient en effet assez efficaces pour contrer les F-35 et que l'avantage stratégique, si on peut s'exprimer ainsi, serait un peu perdu.
Dans ces conditions, ne devrions-nous pas tout simplement mettre ce projet de côté et opter pour ce qui nous paraît plus logique, entre autres sur le plan économique? En fin de compte, dans la plupart des endroits où nous allons, il n'y a pas d'avions de combat de la cinquième génération ou de technologies militaires extrêmement avancées sur le plan de l'aviation.
Dans l'article de Webb et Byers paru hier, on disait que pour le prix d'un F-35, on pouvait acheter deux Super Hornet. Le vérificateur général a mentionné dans son rapport de 2011 que la répartition des fonds disponibles au ministère de la Défense était l'un des éléments décisifs de la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes. Pour maintenir notre disponibilité opérationnelle, ne serait-il donc pas plus sage d'opter pour des avions moins coûteux, qui ont été testés favorablement et dont les qualités ont été démontrées, plutôt que de risquer d'investir dans le F-35 dont l'efficacité n'a pas encore été prouvée? De plus, on sait que des forces militaires sont en train de construire des appareils précisément pour contrer ces avions. Ne serait-il pas plus sage, pour maintenir une disponibilité opérationnelle globale, de faire un choix moins coûteux?
:
J'ai l'impression, d'après ce que vous avez dit, que vous partez du principe que nos avions canadiens ne risquent pas de se retrouver face à des avions furtifs étrangers. Permettez-moi de vous dire qu'il n'y a rien de moins sûr. Il est évident, suite aux manoeuvres effectuées par les Américains, qu'en face d'un avion furtif, c'est l'avion non furtif qui est abattu.
Les manoeuvres dont j'ai parlé tout à l'heure concernaient des F-22 — certes, les F-22 ne sont pas des F-35, mais ce sont des chasseurs de supériorité aérienne — contre des F-15, des F-16 et des F-18, et le score a été de 144 à zéro. J'en conclus que, face à un avion furtif, un avion non furtif n'a aucune chance.
La question est de savoir si nous voulons investir dans un appareil conçu à une époque où il n'y avait pas d'avion furtif, ou bien si nous voulons investir dans un appareil adapté au contexte actuel où l'avion furtif existe bel et bien. Il me semble que, du point de vue des risques — au plan du combat et de la survie des pilotes —, nous n'avons guère le choix sinon d'acheter un appareil furtif.
Personnellement, je préfère le F-22, mais les Américains ne veulent pas nous le vendre, et de toute façon, ils ne le fabriquent plus.
:
En ce qui concerne l'utilisation d'un avion de combat dans l'Arctique, la première question qui se pose est de savoir s'il aura assez de carburant. Pour y répondre, on doit d'abord examiner les bases avancées actuelles, c'est-à-dire Iqaluit, Whitehorse, et j'oublie la troisième, au centre. On peut utiliser ces bases pour ravitailler les avions en cas de besoin.
Une autre solution consiste à se servir d'avions de ravitaillement. Quand votre avion de combat est en mission et qu'il va bientôt manquer de carburant, il peut simplement être ravitaillé par l'avion-citerne. On pourrait d'ailleurs envisager une collaboration avec les Américains pour utiliser des avions-citernes communs afin de ravitailler les avions de combat en mission.
Cela dit, les bases existant actuellement dans le nord ne se trouvent pas dans le Grand Nord mais plutôt à un niveau intermédiaire. Si nous continuons à développer Resolute Bay, je pense que sa piste en gravier devrait être transformée en une piste goudronnée normale et qu'on devrait y aménager des citernes supplémentaires de façon à en faire une base de ravitaillement dans le Grand Nord, en complément de celles existant plus au sud.
À partir de Resolute Bay, on pourrait couvrir la totalité du point d'étranglement du passage du Nord-Ouest et on se trouverait à une distance raisonnable pour atteindre Alert en cas de besoin et, éventuellement, aller encore plus au nord, jusqu'au pôle Nord, ce qui fait maintenant partie de la responsabilité de recherche et de sauvetage que nous avons acceptée dans le cadre des négociations de l'Arctique.
:
Merci. Votre temps de parole est écoulé, tout comme notre première heure d'audience.
Je tiens à remercier le général Evraire et le colonel MacDonald, de la Conférence des associations de la défense, d'avoir contribué à notre étude de la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes.
En outre, comme on l'a dit, vous célébrez votre 80e anniversaire. Lors de la prochaine conférence sur la défense et la sécurité, les 23 et 24 février, il y aura probablement une célébration de votre anniversaire et de votre contribution positive au ministère de la Défense du Canada, ainsi qu'aux Forces armées canadiennes, bien sûr.
Cela étant, je suspends la séance pour permettre aux témoins suivants de se préparer. En attendant, j'informe les membres du comité que le déjeuner est servi au fond de la salle.
La séance est suspendue.
Monsieur le président, je remercie le comité de m'avoir invité à contribuer à son étude de la disponibilité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
Je suis accompagné de mon collègue, David Macdonald, un économiste du Centre canadien de politiques alternatives et de l'Institut Rideau, qui a produit notre dernier rapport, The Cost of 9/11, publié l'automne dernier. Il en parlera après ma déclaration.
L'Institut Rideau est un organisme non partisan et à but non lucratif de recherche, de militantisme et de consultation. Il a été créé en 2006. Nous sommes spécialisés en affaires internationales et sommes financés par plus de 2 000 donateurs individuels, par des contrats de recherche et par notre entreprise sociale qui dispense des services de consultation à des organismes canadiens à but non lucratif ainsi qu'à des syndicats. Nous ne recevons pas de fonds gouvernementaux et nos donateurs ne reçoivent pas de déduction d'impôt pour leurs dons.
J'aimerais remercier David Macdonald, Bill Robinson, Josh Libben et Kathleen Aiken dont les recherches ont contribué à la préparation de notre témoignage d'aujourd'hui.
Votre rapport est opportun. Plus d'une décennie après les événements du 11 septembre — qui ont débouché sur des changements tellement importants, comme des missions de combat pour nos forces armées —, la situation est en train de changer. En réponse à votre question, qui est de savoir si nos forces armées sont en disponibilité opérationnelle, on peut vous répondre aussi bien oui que non. En réalité, la réponse à votre question est une autre question: disponibilité pour quoi? La disponibilité doit être mesurée en fonction du besoin. À quelle menace le Canada est-il confronté? Quelles sont les priorités de notre politique étrangère auxquelles le ministère de la Défense nationale doit contribuer?
Comme vous le savez, les États-Unis viennent d'annoncer une nouvelle orientation pour leurs forces armées, résultant selon le New York Times de trois facteurs: les finances troublées du gouvernement, la fin des guerres en Irak et en Afghanistan, et la transformation du contexte géopolitique. Comme ces facteurs touchent également le Canada, un réexamen des politiques est également nécessaire ici, puisque nous avons nos propres défis financiers à relever. Notre mission de combat en Afghanistan est terminée, et Oussama ben Laden est mort.
Comme l'a dit David Macdonald dans The Cost of 9/11, nos dépenses militaires ont augmenté de manière spectaculaire au cours de la dernière décennie. Elles ont presque doublé: 90 p. 100 en 10 ans, ou 48 p. 100 en tenant compte de l'inflation. Si l'on inclut les autres ministères, le Canada a consacré 92 milliards de plus à sa sécurité nationale que si les événements du 11 septembre ne s'étaient pas produits et si les dépenses de la défense étaient restées au même niveau, soit 69 milliards en dollars courants.
Nous avons distribué plusieurs tableaux et j'attire votre attention sur le premier. Vous pouvez y voir que les dépenses de Défense nationale n'ont jamais été aussi élevées. Elles dépassent aujourd'hui 21 milliards de dollars. En dollars réels, cela nous place au sixième rang des 28 membres de l'OTAN et parmi les 15 premiers au niveau mondial. Malgré une légère baisse l'an dernier, comme vous pouvez le voir sur le premier tableau, le ministère de la Défense nationale prévoit d'autres augmentations dans le cadre de la stratégie de défense Le Canada d'abord.
J'attire votre attention sur le deuxième tableau. Si l'on examine le budget de la défense depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, nos dépenses, après correction de l'inflation, n'ont jamais été plus élevées. Elles sont même aujourd'hui supérieures à celles du zénith de la guerre froide, lorsque nous étions confrontés à des milliers d'armes nucléaires soviétiques et à des bombardiers de longue portée. Peut-on dire que la menace est plus grande aujourd'hui? Sinon, devons-nous continuer à dépenser de cette manière? Le fait est que nos dépenses de défense sont actuellement excessives et que nous ne sommes pas très aptes à déterminer quel devrait être le bon montant et quand il est temps d'arrêter.
Passons maintenant au troisième tableau qui représente la ventilation des dépenses du gouvernement selon les différents ministères et transferts. Le tableau vient du ministère des Finances. Vous pouvez voir que la Défense nationale représente aujourd'hui 7,9 p. 100 de toutes les dépenses du gouvernement. Toutefois, si l'on retire les dépenses fédérales concernant les sociétés d'État, on constate que la défense accapare 25 p. 100 des deniers publics dont vous disposez.
Comme l'a dit le lieutenant-général Andrew Leslie dans son rapport sur la transformation des Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale a de nombreuses possibilités de réaliser des économies. Chaque secteur de l'activité gouvernementale qui a été appelé à réduire ses dépenses pour assurer le redressement des finances fédérales se doit de contribuer à l'effort.
Bon nombre des personnes que j'ai entendues ces derniers jours — et plus de 400 ont envoyé des idées pour cet exposé — estiment que leurs pensions de retraite sont en danger, et craignent une érosion des programmes sociaux. Certes, elles estiment que nos forces militaires doivent être capables de défendre notre souveraineté et de contribuer à nos missions internationales, notamment aux missions de maintien de la paix de l'ONU, mais pas aux dépens de nos finances et de nos services sociaux. Comme nous consacrons actuellement trop d'argent à la défense, la meilleure manière de protéger nos programmes sociaux est de réduire les sommes que nous consacrons à la Défense nationale, tout en continuant à faire une contribution internationale.
Le quatrième et dernier tableau contient certains nouveaux chiffres que nous présentons aujourd'hui pour la première fois. Selon certains rapports, le ministère de la Défense nationale aurait peut-être été invité à assumer des réductions budgétaires supérieures aux 5 p. 100 ou 10 p. 100 que le gouvernement a demandés à tous les ministères. Je pense que ce serait raisonnable étant donné que notre examen des dépenses de défense et du gouvernement au cours de la dernière décennie montre que les premières ont augmenté de 60 p. 100 alors que les deuxièmes n'ont augmenté que de 40 p. 100. Autrement dit, les dépenses de défense ont augmenté 1,5 fois plus vite que celles du gouvernement au cours des 10 dernières années. En outre, comme l'a indiqué le colonel Macdonald, il y a eu une année durant laquelle elles ont augmenté de plus de 12 p. 100.
Il est clair que l'on doit revoir les engagements pris dans la stratégie de défense Le Canada d'abord. Nos alliés sont en train de faire la même chose. Beaucoup remettent en question leurs programmes d'achat d'avions furtifs comme le F-35, et le Canada devrait faire de même. Comme l'a dit le professeur Walter Dorn — je crois savoir qu'il témoignera devant votre comité plus tard, lors de votre passage au Collège des Forces canadiennes —, il y a des faucons et des colombes mais, ce dont nous manquons aujourd'hui, ce sont des chouettes. Nous devons dépenser plus sagement.
Le premier ministre britannique David Cameron nous a communiqué un peu de cette sagesse dans son discours de l'an dernier devant le Parlement. Je suis sûr que vous étiez présents. Il vous a demandé de repenser à la situation de l'Afghanistan en disant que, si nous avions consacré une fraction de nos dépenses militaires actuelles en Afghanistan à la prestation d'une aide au développement de ce pays il y a 15 ou 20 ans, songez à ce que nous aurions pu éviter au cours des 10 dernières années.
Nous pourrions nous demander si le fardeau financier qu'ont assumé les Canadiens au cours des 10 dernières années était justifié, mais je pense qu'il est plus important de nous demander si nous voulons continuer à dépenser à un niveau aussi élevé. Plus important encore, quels sont nos besoins? Pouvons-nous prendre des mesures pour nous préparer à relever nos défis légitimes en matière de sécurité et à contribuer sur la scène internationale comme le souhaitent et l'acceptent les Canadiens?
Comme l'a dit le lieutenant-général Andrew Leslie dans son rapport, si nous sommes sérieux au sujet de l'avenir — et comment pourrions-nous ne pas l’être? —, la réaffectation de milliers de personnes et de milliards de dollars de ce que nous faisons maintenant à ce que nous voudrons faire demain exigera certains changements spectaculaires.
Je vous remercie de votre attention et répondrai avec plaisir à vos questions.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, David Macdonald.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui.
Dans le rapport The Cost of 9/11 publié en septembre dernier, j'ai examiné les coûts croissants non seulement de la défense mais aussi des autres programmes de sécurité et des programmes de sécurité publique depuis le 11 septembre. Certains de ces programmes n’existaient même pas en 2001 et ont, en fait, été créés plus tard, à mesure que des ministères étaient constitués et qu'on leur attribuait plus d'argent.
Comme Steve l'a déjà indiqué, ma conclusion est qu'on a dépensé 92 milliards de dollars depuis 2001 en plus du budget de base de cette année-là, soit environ 60 milliards de dollars après correction de l'inflation. On peut légitimement se demander si cet argent a été bien dépensé pour un appareil de sécurité nationale en pleine expansion englobant non seulement le ministère de la Défense nationale, mais aussi la sécurité des frontières, le SCRS, la GRC et le ministère de la Sécurité publique. Toutefois, la bonne question aujourd'hui, comme l’a correctement indiqué Steve, est de savoir si nous devrions continuer à dépenser au même niveau, étant donné que 10 années sont maintenant passées depuis les événements du 11 septembre.
En fait, les dépenses ont augmenté durant cette période, surtout ces dernières années. Nous dépensons aujourd'hui 13 milliards de dollars de plus, corrigés de l'inflation, qu’en 2001, dont une partie pour ces programmes de sécurité nationale. Je crois qu'il est donc légitime de se demander si, dans la conjoncture actuelle, nous devrions continuer à dépenser dans ces domaines ou plutôt dans d'autres. Le gouvernement est certainement soucieux de réduire le déficit, et ces 13 milliards de dollars par an y contribuent.
Bien que cela ne soit pas particulier au ministère de la Défense nationale, certains des autres programmes ont connu une forte expansion et ont, en fait, augmenté beaucoup plus vite que la Défense nationale elle-même. Ainsi, l'Agence des services frontaliers du Canada, qui n'existait même pas sous sa forme actuelle, a vu son budget augmenter de près de 200 p. 100. L'agence d'espionnage du Canada, qui existait, elle, a vu son budget augmenter de 200 p. 100 presque exactement. Quant à Sécurité publique et Protection civile Canada, un tout nouveau ministère qui n'existait pas alors sous sa forme actuelle, il a vu son budget augmenter de plus de 400 p. 100 depuis 2000.
La question que nous devons nous poser, et vous aussi, est de savoir si nous devons continuer à dépenser à ce rythme ou plutôt réduire ce niveau de dépense et consacrer l'argent ainsi économisé à d'autres activités du gouvernement fédéral.
Merci.
Steve et moi sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
:
Je vous remercie beaucoup de votre question.
[Traduction]
Très bonne question.
On dit depuis longtemps dans l'industrie de la défense que les derniers 5 p. 100 de performance représentent 50 p. 100 du coût. Je crois que c'est une règle empirique qu'on peut appliquer au F-35. Le fait est que nous ne savons pas vraiment de quoi cet avion sera capable. Les essais viennent tout juste de commencer. En fait, il y a eu certaines bonnes nouvelles au sujet de ce programme. L'an dernier, on a fait le premier essai de cet avion en vol de nuit et l'on sait maintenant qu'il fonctionne dans le noir. Cela peut paraître incroyable, mais on a ainsi appris que le constructeur avait déjà commencé à produire l'avion alors qu'on n'avait pas encore effectué de vols d'essai la nuit.
On en est encore au tout début. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, comme vous avez pu le lire cette semaine, l'officier du Pentagone responsable de l'achat de cet avion a déclaré que le F-35 représente une faute professionnelle en matière d'acquisition puisque sa production a commencé beaucoup trop tôt, sans qu'on ait effectué les essais voulus. Les performances étaient essentiellement fondées sur des modèles informatiques qui se sont avérés totalement inadéquats. Je crois qu'on peut se poser de sérieuses questions sur ce que seront les performances réelles du F-35.
Vous parliez aussi de quatrième génération, de cinquième génération… Très franchement, je n'ai encore rencontré personne qui puisse m’expliquer clairement ce qu'étaient les quatre premières générations. Il semblerait que cette numérotation des générations soit totalement factice. Je ne sais pas si votre comité a entendu quelqu'un capable d'expliquer ce qu'était la première génération, ou la deuxième. Je n'ai jamais vu d'explication à ce sujet. C'est simplement un truc de marketing.
Je crois qu'on doit s'interroger sur nos besoins. J'ai produit le rapport sur le F-35 en octobre 2010 et, à ce moment-là, nous disions qu'il était indispensable de bien cerner ses capacités ainsi que les besoins auxquels il était censé répondre. Je crois que tout le monde convient que nous devons remplacer nos avions actuels, mais qu'il faut d'abord préciser clairement les capacités dont nous avons besoin. La furtivité est-elle vraiment une capacité dont nous avons besoin? Il faut savoir que la furtivité limite sensiblement la performance de l'appareil. On ne peut pas installer de réservoirs de carburants supplémentaires car cela lui ferait perdre sa furtivité. On ne peut pas installer de systèmes d'armes sur ses ailes. Ces systèmes doivent être aménagés à l'intérieur de l'appareil de façon à préserver sa furtivité. D'ailleurs, la Corée du Sud, qui est sur le point de lancer un concours pour remplacer ses propres avions de combat, a indiqué que cela lui pose un gros problème. Elle tient à pouvoir utiliser des systèmes d'armes fixés à l'extérieur.
Je crois qu'il y a des questions importantes à soulever au sujet de la performance du F-35 et qu'on doit se demander si c'est le bon appareil pour nous. On ne pourra y répondre qu'en énonçant clairement les besoins de l'appareil devant remplacer les CF-18, et il faudrait aussi qu'il y ait un concours ouvert.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de votre exposé.
Je crois que ce que beaucoup d'entre nous ici, et beaucoup d'autres Canadiens, retiendront de vos témoignages jusqu'à présent, monsieur Staples et monsieur Macdonald, c'est que nous devrions abaisser nos niveaux de disponibilité opérationnelle.
Nous vous avons invités à témoigner aujourd'hui au sujet de notre étude de la disponibilité opérationnelle. Je pense que notre comité considère généralement que celle-ci repose sur trois facteurs principaux: un personnel hautement qualifié, une formation professionnelle satisfaisante, et un équipement adéquat, que celui-ci soit technologiquement de pointe ou non. Vous réclamez des compressions budgétaires, potentiellement très importantes, dans tous les domaines, ce qui se traduirait par une moindre disponibilité opérationnelle.
Qu'est-ce qui vous fait penser qu'une moindre disponibilité opérationnelle serait acceptable ou requise par les Forces canadiennes pendant cette décennie, alors que nous semblons être confrontés non pas à une réduction mais à un accroissement des besoins en capacité expéditionnaire, et peut-être même à des besoins imprévus? Il y a des situations incertaines au Moyen-Orient, des besoins d'instauration de la paix et de résolution de conflits en Russie, et des réductions d'engagements, comme vous l'avez dit, de certains de nos alliés. Cela ne se traduira pas par une réduction des pressions exercées sur le Canada mais plutôt par un accroissement des besoins pour protéger notre souveraineté et pour répondre à certains besoins qui étaient auparavant satisfaits, durant la guerre froide, par nos alliés.
Pourquoi réclamez-vous des niveaux réduits de disponibilité opérationnelle?
:
Merci. C'est une très bonne question.
Il est encourageant d'entendre parler d'instauration de la paix et de résolution de conflits. C'est certainement un domaine qui nous préoccupe.
En ce qui concerne la disponibilité opérationnelle, je pense que beaucoup de gens, comme nous, pensent que nous devrions rehausser nos contributions aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, par exemple. Nous en avons traditionnellement été l'un des principaux participants et étions même à une certaine époque le pays qui fournissait le plus de soldats aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Aujourd'hui, nous sommes tombés à peu près au même niveau que le Malawi. Selon les derniers chiffres que nous possédons pour 2011, nous pourrions mettre tous nos soldats participant à des missions de maintien de la paix de l'ONU dans un seul autobus scolaire. Nous en avons 35. En fait, nous fournissons à ces missions plus d'agents de police — environ 163 — que de soldats. Donc, je pense que c'est une réorientation que les Canadiens approuveraient. Ils tiennent à ce que nos forces contribuent internationalement. Le maintien de la paix sous l'égide de l'ONU est manifestement l'une des choses que nous voulons faire.
Je ne recommande pas que nous réduisions notre disponibilité opérationnelle, monsieur Alexander. Je crois que nous dépensons trop aujourd'hui pour notre défense nationale. Il y a eu une hausse considérable au cours des 10 dernières années, de plus de 12 p. 100 par an. Ces dépenses ont augmenté une fois et demie plus rapidement que les dépenses globales du gouvernement. Nous dépensons aujourd'hui plus qu'à n'importe quelle période de la guerre froide. On a l'impression que le robinet ne tourne que dans un sens.
Si j'en crois les autres témoignages, on trouve toujours des raisons de dépenser plus. Toutefois, en tant que députés, vous savez qu'il n'y a qu'un contribuable, comme on dit. Chaque dollar que vous dépensez ici est un dollar que vous ne pouvez pas dépenser ailleurs. Il faut trouver le bon équilibre. C'est votre devoir, en qualité d'élus du peuple et de membres du gouvernement.
Je crois que nous devons être plus intelligents. Certaines réductions doivent être imposées à tout le monde. La défense pourrait en assumer une plus grande partie. Il ne s'agit pas de réduire notre disponibilité opérationnelle. Par exemple, nous dépensons des millions de dollars pour des sous-marins qui ne sont pas encore opérationnels, et qui ont en fait très peu de chances de jamais le devenir. Je pense que réduire les dépenses que nous leur consacrons ne réduirait en aucun cas notre disponibilité opérationnelle. Je pense que nous avons gaspillé plus d'un milliard de dollars pour des chars d'assaut Leopard que nous avons à peine utilisés et qui sont sur le point de partir à la casse. Je suis pas sûr que nous ayons vraiment eu besoin de tous. Les véhicules de combat rapproché sont un autre problème. Je ne pense pas que le gouvernement canadien ait besoin de s'en procurer, en plus des F-35. Je les mettrais dans la même catégorie.
:
Merci de cette question.
On nous a déjà présenté l'exemple du Luxembourg mais je pense que vous vouliez parler du pourcentage du PIB plutôt que du montant par habitant. L'OTAN utilise trois critères pour comparer les dépenses militaires: les sommes réellement dépensées, le pourcentage du produit intérieur brut, et le montant par habitant. La plupart des analystes de la défense conviennent — et je pense que Brian MacDonald dirait la même chose — que le montant par habitant n’est probablement par le meilleur critère parce qu'il a pour effet de sous-estimer les dépenses de pays comme l'Inde et la Chine, qui ont de très grosses populations.
Deuxièmement, vous pouvez prendre le pourcentage du PIB, qui est très couramment utilisé. Les dépenses du Canada en proportion du PIB étaient de l'ordre de 1,1 p. 100 ou 1,2 p. 100, chiffres très respectables. Cela nous place plus au milieu du peloton avec des pays comme l'Espagne, l'Allemagne et la Belgique. Je ne suis pas sûr que ce soit la seule manière dont vous vouliez faire la comparaison car, comme me le disait hier l'un de mes stagiaires de l'Université Carleton, originaire du Pakistan, le Pakistan consacre 25 p. 100 de son PIB à la défense. Je ne crois pas que ce soit l'idéal auquel nous voulions aspirer.
À notre avis, il faut tenir compte des dollars réels, c'est-à-dire des sommes réelles qu'on est à même de consacrer à l'équipement, de la puissance de feu qu'on veut pouvoir exercer. Je pense que c'est le meilleur critère.
Dans les années 1990, la décennie dite de la noirceur, tous les pays ont réduit leurs dépenses de défense. La guerre froide était terminée. Quiconque aurait maintenu ses dépenses au même niveau qu'à la fin de la guerre froide aurait été jugé parfaitement inconscient étant donné que la guerre froide était terminée et qu'il était légitime de réduire les sommes consacrées à la défense. En fait, selon certaines études que nous avons effectuées, les dépenses du Canada en matière de défense ont baissé à un niveau beaucoup plus faible que la moyenne mondiale — mais je dois dire qu’il y avait dans le lot la Russie, dont les dépenses ont rapidement diminué, ce qui a sensiblement fait baisser la moyenne, j'en conviens. Quoi qu'il en soit, je pense que c'était justifié.
Les dépenses consacrées à la défense ont commencé à augmenter en réalité avec le premier budget excédentaire de Paul Martin, vers 1998. Comme vous pouvez le voir sur le premier tableau, la courbe commence à monter cette année-là.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à tous deux d'être venus.
J'aimerais beaucoup revenir sur la question de M. Alexander mais je ne le ferai pas. C'est un truisme de dire qu'une armée ne peut se battre l'estomac vide. Cependant, la vérité est qu'une armée ne peut se battre sans argent. Donc, quand les budgets augmentent, les dépenses militaires augmentent généralement aussi. Quand ils diminuent, les capacités militaires diminuent aussi, ce qui est exactement ce qui se passe aux États-Unis et pratiquement aussi dans tous les autres pays de la planète. Donc, les niveaux réels de disponibilité opérationnelle dépendent de l'aptitude du gouvernement à obtenir des fonds. Si nous lisons les journaux et écoutons ce que le et le nous disent, c'est quelque chose comme 5 p. 100 à 10 p. 100 dans tous les ministères. Je dois dire que je suis extraordinairement sceptique à ce sujet, mais il n'en reste pas moins que le gouvernement réduit en réalité son propre niveau de disponibilité opérationnelle s'il est vrai qu'il existe une corrélation directe entre l'argent dépensé et la disponibilité ce qui, comme vous l'avez correctement mentionné, n'est pas entièrement une corrélation directe.
Cela dit, je voudrais revenir sur ce que j'estime avoir été un exposé extraordinaire du colonel McDonald. Je suppose que vous étiez présents à ce moment-là. Il a présenté une défense très vigoureuse du F-35, et une défense à mon avis beaucoup plus éloquente que toutes celles que j'ai pu entendre de n'importe quel ministre. Son argument est essentiellement que le furtif tue le non-furtif. Il a cité une étude montrant que le niveau de destruction de 144 à zéro justifiait l'acquisition du F-35.
J'aimerais donc avoir votre réponse à ce que j'ai pensé être un argument très cohérent pour justifier l'engagement à mon avis bizarroïde du gouvernement envers ce programme. Si on laisse de côté toutes les questions de retombées industrielles, et si on laisse de côté ce que sera le prix ultime de l'appareil, et qu'on se concentre plutôt sur l'aspect strictement militaire de la chose, j'aimerais avoir votre opinion.
J'ai suivi cet exposé et je dois dire que j'ai trouvé cet aspect du débat un peu curieux car ce dont il parlait en mentionnant un taux de destruction de 144 à zéro n'avait rien à voir avec le F-35. Il parlait en fait du F-22, un avion complètement différent.
Je sais qu'il essayait de faire des comparaisons en disant que les avions sont essentiellement les mêmes et auraient foncièrement les mêmes performances, car ce sont deux avions furtifs, mais ce n'est pas le cas. Ce sont des avions complètement différents.
Par exemple, on a beaucoup parlé du nombre de moteurs que devrait avoir l'avion. Nos F-18 ont deux moteurs. Le F-35 n'en a qu'un. Les Américains ont un avion qu’ils ne veulent vendre à personne, le F-22. Combien de moteurs a-t-il? Il en a deux. On peut donc voir immédiatement qu’il y aura une différence de performance entre ces avions. Le F-22, selon les informations que j'ai pu obtenir, concernant par exemple son accélération, se classe à un très haut niveau. Il coûte aussi très cher. C'est l'avion de chasse le plus cher jamais construit et la ligne de production, comme l'a dit le colonel McDonald, est fermée. Cela dit, ce n'est pas l’avion que nous allons acheter. Nous allons acheter le F-35, dont l'accélération n'est même pas aussi rapide que nos F-18 actuels.
:
L'autre argument qu'il a avancé, selon moi, et qui était assez intéressant — c'était en réponse à l'une des questions d'en face —, concernait nos besoins stratégiques.
Dans votre rapport, vous soulignez que nous ne sommes généralement pas en pointe dans les missions de combat. Nous sommes plutôt des gens de deuxième vague, ce qui a été le cas pendant la Deuxième Guerre mondiale, si je me souviens bien, ainsi que la Guerre de Corée. Chaque fois que nous intervenons avec nos avions de combat, ce n'est pas dans la première vague, nous arrivons plus tard.
Pour des raisons que j'ignore, le gouvernement tient à ce que nous soyons dans la première vague, c'est-à-dire que nous sommes parmi les premiers attaquants, sans tenir compte du fait que nous devrons utiliser des missiles, des drones ou d'autres choses comme ça. Nous voulons que nos avions arrivent en premier.
Pourquoi ça? Pensez-vous que nous allons nous battre contre les Russes au-dessus du pôle Nord, ou contre les Chinois quelque part dans le monde? Du point de vue de l'évaluation de la menace stratégique, est-ce bien réaliste, étant donné qu'on aimerait bien être prêt à faire face à n'importe quoi mais qu'on ne peut jamais être prêt à tout?
:
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'ai cru percevoir une lueur dans les yeux de certains de mes collègues d’en face quand vous avez parlé d'un retour à la puissance douce comme outil exclusif de l'arsenal de politique étrangère du Canada.
Ce qui importe à mes yeux, c'est qu'on parle ici de vies réelles, de personnes réelles. J'ai en ce moment même un cousin sur le terrain en Afghanistan avec les Forces canadiennes.
Je me souviens qu'il est arrivé, quand nous avons demandé à nos soldats d'aller en mission outre-mer, que nous leur donnions comme véhicules de combat des Jeeps Iltis montées sur des châssis de Volkswagen tellement nous avions réduit nos dépenses militaires. Nous leur avons donné des tenues de camouflage vertes pour la forêt alors qu'ils partaient en plein désert. Nous leur avons donné des manches de pioche pour repousser les chiens sauvages parce que nous n'avions pas fait la planification voulue pendant la décennie précédente pour leur permettre d'aller faire le travail que nous leur demandions de faire.
Je crois que dire que nous ne savons pas ce qui va arriver si nous réduisons sensiblement nos dépenses militaires est vraiment un signe de myopie. Comme on nous l'a dit quand nous avons discuté de disponibilité opérationnelle, ce qu'il nous faut, ce sont les bonnes personnes ayant reçu la bonne formation et le bon équipement au bon moment. Si vous enlevez la formation et l'équipement, vous ne pouvez pas avoir des soldats efficaces au bon moment parce qu'ils ne seront pas équipés comme il faut, comme ce fut le cas des premiers soldats que nous avons envoyés en Afghanistan.
Et il y a eu d'autres exemples. Au moment de la tempête de verglas qui a frappé le Canada, nous n'avons pas été en mesure de transporter adéquatement nos soldats et nous avons dû louer des avions russes pour transporter nos troupes et leur équipement dans le pays.
Voilà donc ce à quoi nous pouvons nous attendre si nous ne planifions pas comme il faut, si nous n'effectuons pas pour nos forces armées l'investissement nécessaire afin d'assurer leur mobilité et leur permettre de répondre à toutes sortes de missions différentes.
Je reviens brièvement sur votre affirmation que le caractère furtif du F-35 n'en vaut pas le prix. Nous avons entendu avant vous un colonel nous dire que la furtivité assure la survie de nos pilotes. Quel prix sommes-nous donc prêts à payer pour assurer la sécurité et la survie de nos soldats? Devrions-nous considérer qu'il s'agit là d'un aspect secondaire? N'est-ce pas plutôt la vraie question à laquelle nous devrions répondre? Croyez-vous ou non que le caractère furtif des avions rehausse la sécurité des pilotes?
:
En matière de stratégie de défense, les Forces canadiennes ont toujours trois missions fondamentales à assumer: premièrement, assurer la défense du Canada; deuxièmement, contribuer à la défense de l'Amérique du Nord; troisièmement, contribuer internationalement. À notre avis, nous pouvons les assumer toutes les trois, et nous devrions nous concentrer avant tout sur ces trois-là, dans cet ordre.
Évidemment, fournir un service aux Canadiens et venir en aide aux autorités civiles ici même, au Canada, ce qui comprend la défense de notre souveraineté, est une capacité essentielle que nous devons préserver. La recherche et le sauvetage font également partie de ce mandat, et il y a eu à cet égard de profondes carences du point de vue du remplacement des Buffalos. On mène depuis des années des missions de recherche et de sauvetage avec des avions à ailes fixes sur la côte Ouest, mais nous sommes maintenant allés acheter des chars Leopard et des C-17, ce qui donne l'impression que toutes sortes de choses passent avant la satisfaction des besoins de nos militaires ici même, chez nous.
J'espère qu'il y a eu plus de discussions sur le technicien de recherche et de sauvetage qui a malheureusement péri dans l'Arctique parce qu'il a fallu quatre heures pour qu'un hélicoptère aille à sa rescousse, l'an dernier. Je pense que cela a révélé une profonde carence dans notre capacité de recherche et de sauvetage au Canada, et je pense que nous devrions absolument y remédier.
Nous contribuons à la défense de l'Amérique du Nord. Nous faisons partie de NORAD. Je pense que cela continuera. Je me réjouis cependant que le Canada ne se soit pas joint au système de défense de missiles balistiques et au système de défense par missiles terrestres à mi-course. Je pense que ce fut une sage décision, et je l'approuve.
La contribution aux missions internationales, lorsqu'elle est légitime… Comme je l'ai dit, je pense que nous devrions contribuer plus aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. J'ajoute aussi que je suis heureux que le gouvernement ait soumis l'approbation des missions au Parlement. Je pense que c'est un changement important qui réjouit les Canadiens. J'espère que le gouvernement continuera dans cette voie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos invités de leur présence devant le comité.
J'aimerais revenir sur le sujet dont parlait M. Staples en réponse à cette question. L'une de mes frustrations au sujet de cette étude est que nous ne semblons pas réellement discuter de cette question de disponibilité opérationnelle. Nous avons commencé avec une longue file d'officiers supérieurs venus nous parler de disponibilité opérationnelle. À un certain moment, la réponse a été: « Nous sommes toujours en disponibilité opérationnelle. Quel que soit l'état de nos forces armées, nous sommes toujours prêts à agir. » J'apprécie beaucoup cette attitude mais il faut bien reconnaître qu'elle ne fait pas avancer notre étude.
Ensuite, nous avons eu cette réponse des gens qui étaient ici avant vous, aujourd'hui, et qui nous ont dit que nous devons être prêts à l'imprévu, c'est-à-dire que nous devons nous préparer à tout, ce qui n'est pas non plus très utile pour notre étude.
Chris a dit qu'il y a une corrélation entre la défense et la disponibilité opérationnelle. Comme l'a dit John, plus vous dépensez, plus vous êtes prêts. Puis Mark a ajouté que la vie d'un soldat n'a pas de prix. Je veux bien, mais où cela nous mène-t-il du point de vue de la dépense?
En revanche, nous avons aussi entendu les Norvégiens, quand ils sont venus ici, nous dire qu'ils ont beaucoup réduit leurs dépenses de défense et qu'ils sont parvenus à la conclusion que cela leur a donné des forces de défense plus efficaces. Nous avons lu la même chose sous la plume d'Américains parlant de leurs propres récentes compressions budgétaires.
Il me semble qu'il doit y avoir dans tout cela une définition de la disponibilité opérationnelle qui n'est pas totalement tributaire de l'argent dépensé, qui n'est pas simplement assimilée à: « Nous devons protéger chaque soldat parce qu'une vie n'a pas de prix ». Je ne sais pas où cela peut nous mener. Une réponse évidente serait de ne jamais leur demander de combattre si cela doit mettre leur vie en danger.
Vous parliez tout à l'heure du faucon, de la colombe et de la chouette, analogie qui m’a beaucoup plu. Qu'est-ce que la chouette a à nous proposer comme définition utile de la disponibilité opérationnelle, afin que nous puissions réellement déterminer si nos forces armées sont dans cette situation ou non? Qu'est-ce que ça veut vraiment dire au fond? Pourriez-vous répondre à cette question afin d'atténuer ma frustration dans une certaine mesure?
:
C'est difficile. Comme je l'ai dit, nous pourrions fort bien dire que nos forces armées sont prêtes, que tout va bien et qu'il suffit de continuer dans cette voie. Mais nous pourrions tout aussi bien dire qu'elles ne sont pas prêtes, comme l'ont dit certains témoins, et que la solution est d'accroître nos dépenses de défense de 9 p. 100 ou 10 p. 100 année après année, ce qui ne serait pas plus réaliste.
Comme je l'ai dit, la vraie question est celle-ci: être prêt pour quoi? Il s'agit de définir nos capacités fondamentales. Je pense que nous avons le devoir, envers nos forces militaires, de dire qu’en tant que Canadiens — nous devrions faire participer le public à cette définition —, voici quelles sont les menaces que nous percevons contre notre pays et contre lesquelles nous devons nous défendre.
Nous voulons aussi faire des contributions internationales. Je pense que nous sommes fondamentalement un peuple internationaliste qui appuie les Nations Unies. Voici les missions et les capacités que nous voulons préserver. Si nous pouvons le faire en conformité avec un cadre budgétaire, nous devrions le faire et nous assurer que nos hommes et nos femmes des forces armées ont l'équipement voulu pour accomplir ces missions avec prudence. Nous devrions aussi choisir ces missions et ces affectations avec prudence.
J'ai été élevé au Nouveau-Brunswick. Beaucoup de mes amis sont entrés dans l'armée. Beaucoup de nos militaires viennent des Maritimes. Je viens de là aussi. Ils ont volontairement mis leur vie dans la balance, ce pour quoi j'ai un grand respect. Ils l’ont fait en sachant qu'ils exécuteraient les ordres, mais il nous incombait de leur donner l'assurance que les missions qui leur étaient confiées étaient absolument nécessaires et essentielles, et que leur intervention n'était pas le premier recours mais le dernier. Voilà le genre de contrat social que nous avons avec les soldats. Je pense qu'il ne faut jamais l'oublier.
Si nous ne parvenons pas à définir clairement ce que nous attendons de nos forces armées… Il y aura inévitablement des trous qui apparaîtront parce que divers intérêts spéciaux de l'établissement militaire et d'ailleurs voudront eux aussi avoir leur part du gâteau. En fin de compte, on finit par ne rien faire très bien. On est trop dispersé.