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Premièrement, je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de témoigner devant vous aujourd'hui et de vous parler un peu de cette industrie qui, ma foi, a beaucoup évolué au fil du temps. Je ferai la première partie de ma présentation en français et la deuxième partie en anglais.
Mon nom est Martin Carrier. Je suis un fier résidant de Longueuil, tout près de Montréal. Je représente aujourd'hui Jeux Warner Brothers Montréal. J'aimerais vous donner un aperçu de notre entreprise.
Vous connaissez notre nom à cause du cinéma. Tout le monde a certainement pu voir Batman cet été, qui a constitué un grand succès pour nous. Nous avons aussi d'importantes activités dans le domaine de la télévision. On pense à des émissions comme The Big Bang Theory, Ellen, tout comme The Voice — où je n'apparaîtrai jamais, je peux vous le garantir — et beaucoup d'autres séries qu'on voit souvent à la télévision un peu partout dans le monde.
L'entreprise Warner Brothers est implantée au Canada depuis 1930. Nous sommes donc au Canada depuis plusieurs années, mais un peu moins à Montréal. Notre présence a des retombées économiques de plus de 500 millions de dollars, si on compte ce qui se fait en cinéma et en production télévisuelle. Il y en a beaucoup à Vancouver et à Toronto. Nous avons aussi de grandes marques que vous connaissez, comme Harry Potter et les DC Comics qui font partie de notre grande famille. Nous sommes très fiers d'être très présents au Canada.
Historiquement, nous avons produit beaucoup de films et d'émissions de télévision, mais depuis 2005, nous avons décidé de nous lancer dans la production de jeux vidéo. Pourquoi avoir décidé cela? Auparavant, nous accordions souvent des licences de jeux à des compagnies qui sont ici, soit Ubisoft ou Electronic Arts, pour faire des jeux, par exemple, avec Harry Potter ou The Lord of the Rings. En 2005, nous avons décidé de créer notre propre filiale de jeux vidéo pour mieux produire nos jeux. Ils étaient très bien faits auparavant, mais nous voulions que nos employés soient impliqués dans la production de jeux.
La filiale a donc été créée en 2005. À partir de 2008, un Canadien, Martin Tremblay, basé à Burbank, près de Los Angeles en Californie, a été nommé à la tête de cette filiale. Depuis, nous avons connu une croissance fulgurante et nous avons acquis plusieurs studios dans le monde. On pense par exemple à ceux de Seattle ou de Boston, avec une compagnie qui s'appelle Turbine et qui fait des jeux en ligne qu'on appelle des MMO. Nous avons embauché les gens de l'ancien Midway à Chicago qui a fait Mortal Kombat. Nous avons aussi beaucoup travaillé en Angleterre avec une compagnie qui s'appelle Rocksteady Studios Ltd qui a fait d'excellents jeux de Batman, et aussi une compagnie qui s'appelle TT Games qui fait les jeux Lego. Warner Brothers possède donc la licence pour faire tous les jeux vidéo avec la compagnie Lego. C'est un grand succès. On parle de plus de 80 millions de jeux vendus, ce qui est beaucoup.
Nous sommes très fiers de la qualité de nos jeux et nous croyons beaucoup en cette industrie.
Pourquoi nous sommes-nous implantés au Canada et avons-nous créé un studio à Montréal? J'espère que ces séances vous permettront de découvrir que le développement de jeux vidéo au Canada compte sur des talents qui figurent parmi les meilleurs au monde. Montréal est devenue une plaque tournante de cette industrie.
Pour ma part, je travaille au sein de cette industrie depuis 1997. J'ai travaillé avec mon collègue Luc, à l'époque, chez Ubisoft. En 2010, Martin Tremblay et moi avons décidé de créer un nouveau studio de jeux vidéo à Montréal.
[Traduction]
En 2010, sous la direction de Martin Tremblay, nous avons décidé de créer un tout nouveau studio de développement de jeux vidéos à Montréal, à partir de rien. Essentiellement, nous avons décidé de lancer une entreprise entièrement nouvelle, parce que nous savions, comme l'histoire nous l'avait déjà prouvé, qu'il y avait beaucoup de talent et d'excellentes possibilités dans le domaine du développement de jeux vidéos à Montréal. L'Office national du film a eu une influence sur l'industrie de l'animation au Canada. Cela a vraiment été un déclencheur pour notre industrie, qui a pris de l'expansion et qui a attiré des gens vers le développement de logiciels 3-D, les gens de Softimage, entre autres.
Si on ajoute à cela d'excellentes universités, beaucoup de talent artistique et énormément de créativité, surtout à Montréal, ce sont les choses qui ont engendré la création d'une industrie. À partir de 1997, le secteur du développement de jeux vidéos a connu une forte croissance. Nous savions que Montréal était un excellent endroit pour développer des jeux. Nous avons commencé par chercher partout dans le monde, de la Floride jusqu'à la Chine. Nous avons envisagé de nous installer dans différentes villes du monde, mais nous avons choisi Montréal.
Nous avons lancé notre studio de Montréal le 1er juin 2010. Je suis très fier de dire qu'il y a aujourd'hui plus de 250 personnes qui y travaillent. La croissance de notre studio a été fulgurante. Les gens les plus talentueux de l'industrie des jeux vidéos travaillent avec nous dans notre studio de Montréal, ainsi que dans d'autres studios du pays.
Notre principale activité à Montréal, c'est évidemment le développement de jeux. Nous exploitons d'excellentes licences de Warner Brothers, notamment celles du groupe DC Entertainment, les super héros: Superman, Batman, Wonder Woman, etc. Nous avons deux grands secteurs de développement à Montréal. Il y a ce que nous appelons les jeux triple A, qui sont en quelque sorte les piliers de nos activités de développement et qui ont des budgets dans les dizaine de millions de dollars, de 30 à 50 millions de dollars. Il y a aussi des jeux en ligne. Ce sont des jeux gratuits qui sont accessibles sur Internet. Nous prévoyons les rendre accessibles sur les appareils mobiles.
Nous avons produit notre premier jeu à Montréal en version bêta, version qui est accessible à tous. Le jeu s'appelle Cartoon Universe et il se passe dans l'univers de Looney Tunes: Bugs Bunny et ses amis et Scooby-Doo, une autre source intarissable pour nous et une chose que les enfants aiment toujours. Je suis également heureux de pouvoir vous dire que notre premier jeu pour console va sortir en même temps que la nouvelle console Nintendo, Wii U, qui va être mise en vente le 18 novembre, et que nous sommes en train de préparer un jeu Batman, qui s'appellera Batman: Arkham City Armored Edition. Ce jeu va sortir en octobre.
[Français]
En somme, c'est une industrie en pleine effervescence dans le monde, mais aussi au Canada et certainement à Montréal. Il s'agit de gens qui sont impliqués dans le domaine des arts. Beaucoup d'artistes travaillent chez nous. Beaucoup de designers créent les intrigues et les progressions. Comme vous le savez, le jeu vidéo comporte une série de défis. Il faut parfois sauver la princesse, mais il ne s'agit pas seulement de cela. Il peut y avoir beaucoup de défis intéressants et de progressions. Cela se joue maintenant fréquemment en ligne. Donc, le jeu vidéo implique l'art, le design et aussi un très fort aspect technologique.
Chez nous, il y a beaucoup d'informaticiens et d'ingénieurs. Ce sont des gens qui sont bardés de diplômes. C'est toujours très intéressant de voir nos gens créatifs et nos gens cartésiens travailler ensemble et créer des produits qui s'exportent partout dans le monde.
On doit absolument être fiers du fait que des produits qui sont créés au Canada s'exportent partout. On en vend vraiment des millions d'unités. Ce sont des produits qui font rayonner le talent des jeunes Canadiens, que ce soit sur le plan artistique ou musical, parce que, vous le savez, il y a des trames sonores dans nos jeux. C'est vraiment quelque chose. S'il y a un point que j'aimerais souligner aujourd'hui, c'est qu'il s'agit vraiment de produits culturels. Nous engageons des gens qui sont créatifs, tant au plan artistique que technologique. Ils vont pousser les produits jusqu'à ce qu'ils soient parmi les plus sophistiqués en termes de connection sur Internet ou de fonctions multi-joueurs. Il s'agit de produits extrêmement sophistiqués.
En ce qui nous concerne, notre implantation au Canada a été un succès jusqu'à présent. C'est ce qu'on souhaite aussi à nos produits. Cela implique que des gens de talent vont vouloir venir s'implanter au Canada. Aujourd'hui, nous sommes capables d'aller chercher des gens talentueux un peu partout dans le monde. Nous espérons aussi que nous pourrons avoir une plus grande facilité à faire venir ici ces gens talentueux.
Quand j'ai gradué de l'université dans les années 1990, on parlait d'un brain drain. Maintenant, c'est l'inverse qui se produit, en tout cas dans notre industrie. C'est fort positif pour nous.
Encore une fois, je vous remercie de l'occasion que vous m'avez offerte aujourd'hui de prendre la parole devant votre comité. Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues.
Je vais vous dire un mot sur moi. Je travaille dans le secteur depuis 12 ans, toujours à BioWare ULC. Je suis comptable agréé de formation. J'ai été directeur principal des finances de l'entreprise pendant huit ans. Ensuite, je suis devenu directeur principal de la planification des activités du développement, poste que j'occupe depuis.
BioWare ULC possède deux studios au Canada. Le premier studio a été créé en 1995 à Edmonton, en Alberta. Nous avons également un studio à Montréal qui existe depuis moins longtemps. Il est en construction depuis environ quatre ans. C'est une toute nouvelle équipe que nous avons constituée à Montréal. En tout, notre entreprise compte 400 employés: environ 325 à Edmonton et 75 à Montréal. L'entreprise a été fondée par deux médecins qui viennent de prendre leur retraite le mois dernier. Ils se sont investis dans les activités de l'entreprise dès le début. Ils ont fait en sorte que le milieu de travail soit très propice à la création. Les valeurs fondamentales du studio sont la qualité des jeux et la qualité de vie dans le milieu de travail. Nous faisons venir des gens de partout dans le monde qui veulent travailler sur nos jeux, mais qui profitent aussi des avantages qu'offre un studio favorisant la créativité et où l'on s'occupe d'eux et de leur famille.
L'entreprise a été fondée en 1995 à Edmonton. Nous avons commencé à mettre des jeux sur le marché en 1996. Notre premier jeu s'appelait Shattered Steel. Nous produisons surtout des jeux en HD, ou des gros jeux. Ce sont des jeux pour ordinateur ou pour les grandes consoles. Les deux fabricants de consoles pour lesquels nous avons conçu des jeux sont Sony, qui fait le PlayStation, et Microsoft, qui fait le Xbox. Plus récemment, vu la vitesse à laquelle la technologie évolue et vu que les tablettes et les téléphones intelligents sont en train de devenir omniprésents dans notre industrie, nous avons aussi commencé à développer des jeux pour ces plateformes.
De notre point de vue, pour ce qui est de la qualité des jeux, les jeux que nous produisons sont des jeux de rôles. Ils sont très axés sur une histoire, ce qui fait que les décisions que le joueur prend dans le cadre de conversations modifient le déroulement du jeu. C'est un peu comme si le jeu était un roman. Même si le support est technologique, comme mon collègue le disait, nous employons beaucoup de concepteurs, de scénaristes, d'artistes et d'animateurs. C'est un groupe de gens très diversifié. Nous trouvons aussi qu'il n'y a que certains programmes universitaires au Canada qui permettent aux étudiants d'acquérir les ensembles de compétences que nous recherchons. Nous constatons nous aussi que nous devons faire venir des gens de partout dans le monde pour travailler sur nos jeux.
Je pense que c'est à peu près tout. Martin a parlé de la plupart des choses qui ont trait à l'industrie; je n'ai pas vraiment grand-chose d'autre à ajouter.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. C'est un plaisir de parler de notre industrie. C'est amusant d'entendre Martin, que je connais depuis très longtemps, soit depuis l'époque où nous travaillions tous deux à Ubisoft, et de voir que nous partageons la même passion et les mêmes préoccupations à l'égard de notre industrie.
Pour ma part, je représente Ubisoft. C'est le plus gros développeur au pays. Cette compagnie française, qui a été fondée en 1986, s'est établie au Canada en 1997 dans un studio à Montréal. De 50 employés en 1997, elle est passée à 350 en 2000, puis à 1 000 en 2005. Aujourd'hui, 2 300 personnes travaillent au studio, à Montréal. C'est sans compter l'ouverture, en 2005, du studio de Québec, qui compte maintenant 300 personnes, et l'ouverture, en 2010, du studio de Toronto, qui compte également 300 personnes. Nous avons aussi fait l'acquisition en 2008 de Hybride Technologies, une firme qui se spécialise dans les effets spéciaux pour le cinéma. Elle a travaillé à des films comme Spy Kids et Avatar. Cette firme appartient donc maintenant à Ubisoft.
L'industrie canadienne du jeu vidéo, c'est 16 000 emplois, dont 8 000 au Québec. C'est beaucoup d'emplois. Nous sommes le troisième pays au monde en matière de production de jeux vidéo, après le Japon et les États-Unis, mais le plus important par habitant. Je pense qu'il est important de le mentionner. On parle d'environ 32 000 emplois au Japon et de 25 000 aux États-Unis. C'est une croissance intéressante pour l'industrie et pour nos sociétés. Cela nous permet de créer des jeux qui font figure de marques phares dans l'industrie du jeu vidéo. Il suffit d'aller visiter le salon du jeu vidéo, soit l'Electronic Entertainment Expo, ou E3, qui se tiendra en juin prochain, pour voir à quel point les jeux créés au Canada sont bien représentés. À l'E3 de l'année dernière, les quatre plus gros titres d'Ubisoft étaient des jeux créés à Montréal et Toronto. Nous croyons que c'est un porte-bannière vraiment important pour le pays.
Au cours des 15 dernières années, Ubisoft a lancé plus de 80 jeux. Certains étaient des marques très importantes, par exemple Tom Clancy's Splinter Cell, Tom Clancy's Rainbow Six, Just Dance et, finalement, Assassin's Creed. Assassin's Creed est sans aucun doute le jeu le plus connu d'entre tous. Depuis son introduction en 2007, nous avons lancé quatre jeux. Le cinquième va être lancé mardi prochain. C'est donc une période vraiment très enivrante pour nous, au bureau. Nous attendons le lancement avec impatience. On parle de 38 millions d'unités vendues et de revenus de plus de 1,2 milliard de dollars générés par ce jeu. Par ailleurs, cette marque a dépassé les frontières du jeu vidéo. Nous avons une encyclopédie, des bandes dessinées et des romans. En outre, il y aura bientôt une adaptation au grand écran. Nous avons déposé des licences dans le passé, par exemple dans le cas du film Avatar, mais ce sont maintenant nos marques maison que nous mettons en avant pour le cinéma, par exemple la marque Assassin's Creed.
Martin a souligné plus tôt un point essentiel, mais je crois important de le souligner de nouveau. Il s'agit du rayonnement international que notre industrie suscite. Je sais que nos jeux vont vivre en Russie, en Afrique du Sud, en Australie, au Japon, partout en Europe et aux États-Unis. Sur ces jeux, on peut lire « Ubisoft Montreal presents » ou « Ubisoft Toronto presents ». Le nom de la ville est toujours présent. Nous croyons que ce rayonnement international est très intéressant pour le pays. C'est l'un des points sur lesquels j'insiste beaucoup. Je constate que l'industrie du cinéma, de la musique et du livre ont souvent une large couverture médiatique. Or l'industrie du jeu vidéo est plus importante que ces trois industries en termes de revenus. On parle de plus de 50 milliards de dollars américains par année. C'est donc une industrie réellement très importante.
Faire des affaires au Canada comporte de nombreux avantages. Il y a une politique fiscale intéressante dans certaines provinces, plus particulièrement au Québec et en Ontario, compte tenu des crédits remboursables qui sont de l'ordre de 37,5 p. 100 et de 40 p. 100, sans compter les crédits de RS&DE, au niveau fédéral. En plus des incitatifs fiscaux, nous avons un taux d'imposition parmi les plus faibles au monde à l'échelle de l'entreprise, des universités de très haut calibre, une culture de l'innovation et une population multiculturelle résolument ouverte sur le monde.
Bien qu'on en soit tous très heureux, ce succès demeure fragile. Je vais mettre en lumière trois éléments qui nous apparaissent vraiment essentiels pour assurer la croissance, l'innovation et le succès commercial de notre industrie.
Premièrement, l'innovation est sans contredit le premier pilier auquel il faut s'attarder. Cette innovation provient de deux pôles, soit les points de vue créatifs et technologiques. Au niveau créatif, il est impératif de pouvoir compter sur une main-d'oeuvre expérimentée, capable d'utiliser son expérience, ses compétences et son savoir pour proposer des idées novatrices. La dernière étude de TECHNOCompétences a révélé qu'il y avait en 2012 au Québec plus de 1 000 postes à combler et que la majorité d'entre eux nécessitait entre deux et sept ans d'expérience. Cette même étude a aussi indiqué un taux de croissance annualisé de 23,4 p. 100 entre 2002 et 2011. Je vous rappelle que le Québec représente la moitié de l'industrie du jeu vidéo au pays. C'est donc significatif.
Comme mes collègues l'ont dit, dans ce contexte de plein emploi, il faut se tourner vers l'étranger. Chez Ubisoft, en 2011-2012, 30 p. 100 de nos 467 nouveaux employés provenaient de l'étranger.
À ce propos, il existe présentement deux enjeux dont j'aimerais parler. Premièrement, il y a l'obtention de l'avis relatif au marché du travail. Le processus officiel, bien que géré par le gouvernement fédéral, varie d'une province à l'autre. Le Québec offre un processus simplifié pour certaines catégories d'emploi qui nous permet d'obtenir ce qu'on appelle l'AMT en 4 semaines ou moins.
Cependant, ce processus couvre approximativement 50 p. 100 de nos demandes. Pour le reste, on a des délais qui sont beaucoup plus longs. Dans le reste du pays, l'avis relatif au marché du travail accéléré permet un processus non limitatif et plus rapide. On croit donc que ce processus est intéressant. On doit souligner que ce processus a été adopté tout récemment. C'est un processus qui nous facilite la vie de façon marquée.
Le deuxième enjeu est la question des délais de traitement dans les ambassades. Il faut noter que, pour certains pays, il faut obtenir un visa pour venir au Canada. On parle d'un délai de deux à quatre mois. Ça peut même prendre jusqu'à six mois, comme le démontre un cas dans notre entreprise. En effet, on attend un employé chinois depuis six mois. Il s'agit ici d'un transfert à l'intérieur de notre compagnie. C'est le transfert d'un employé d'Ubisoft en Chine qui doit venir travailler chez Ubisoft au Canada. Il attend depuis six mois.
C'est la même chose pour les employés indiens, chinois, brésiliens, ukrainiens et roumains, qui représentent une forte proportion des programmeurs. On doit donc attendre longtemps avant d'avoir accès à leurs services. On parle d'un délai de six mois alors que le cycle de développement d'un jeu dure habituellement de 24 à 36 mois. C'est significatif.
Comme mes collègues l'ont dit, l'industrie connaît de nombreux bouleversements. On va avoir des nouvelles générations de consoles, la Wii U sera là bientôt. Les rumeurs sont persistantes. On dit que les autres manufacturiers vont en lancer. On parle de tablettes et de consoles. Il s'agit donc d'un investissement massif en recherche et développement qui est très important pour assurer notre compétitivité sur le plan international.
Le dernier budget a engendré une réduction des crédits réclamés chez nous. Je soupçonne que la situation est semblable pour le reste de l'industrie. Par exemple, le taux général passe de 20 p. 100 à 15 p. 100, et la portion admissible des salaires et traitements en recherche et développement de 65 à 60 p. 100, puis finalement à 55 p. 100. C'est une baisse importante. Pour nous, cela va représenter un manque à gagner important à un moment clé de notre évolution dans un nouveau marché.
Comme je l'ai mentionné précédemment, le taux de croissance est important, soit plus de 20 p. 100 au cours des dernières années, mais on manque de main-d'oeuvre. Pour pallier ce manque de main-d'oeuvre, les entreprises misent sur le développement accéléré de la relève. Pour ce faire, il faut tisser des liens avec les universités et les collèges et il faut investir massivement en matière de formation continue.
Toutefois, il existe trois freins majeurs à l'investissement en formation continue: premièrement, l'évolution fulgurante des compétences requises; deuxièmement, le manque d'intérêt de nos joueurs expérimentés à enseigner; et troisièmement, pour ceux qui veulent y aller, il y a un manque de soutien pédagogique, car le meilleur programmeur au monde n'a pas nécessairement une formation de pédagogue.
Pour répondre à ces enjeux, on a mis sur pied un campus, en 2005, pour former la relève. Ce campus a fermé ses portes en 2010 et il a été remplacé par un autre programme qui vise à initier la relève aux jeux vidéos. On parle d'une initiative pour les 12 à 15 ans. Cela comprend un camp de base, un camp d'immersion pour les 15 à 18 ans, un concours universitaire et une école d'été pour les 18 à 25 ans.
Depuis la création de ce programme, nous avons embauché plus de 30 personnes. On parle de personnes talentueuses directement recrutées dans le cadre de ces initiatives. On croit donc que le rapprochement est important. Nos joueurs expérimentés s'engagent et trouvent une forme de responsabilité sociale, et ce, sans perdre leur rémunération de développeur et la possibilité de concevoir des jeux, ce qui est également important. Avec l'appui des différents ordres gouvernementaux, on croit que ce programme pourrait être déployé ailleurs au pays.
En conclusion, le succès commercial est une combinaison de tous les éléments que j'ai mentionnés. Il faut une idée novatrice appuyée par une technologie puissante et soutenue par une équipe expérimentée. C'est une équation mathématique qui va mener au succès commercial. Si vous enlevez une technologie et si vous enlevez les gens qualifiés, vous ne pourrez pas produire un jeu de qualité.
Nous croyons donc que l'investissement en recherche et développement, une plus grande mobilité internationale et une formation soutenue sont des conditions de succès pour la croissance, l'innovation et le succès commercial.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui.
J'ose dire, au risque d'insulter quelques personnes, que mon âge me donne une perspective unique sur votre industrie. Vous avez souligné, de même que mon collègue M. Cash, le débat soulevé par l'évolution de votre industrie. On s'interroge sur la valeur artistique et culturelle que votre industrie apporte ici au Canada, au Québec et partout dans le monde.
Dans cette optique, je suis d'accord avec vous, monsieur Duchaine, sur la grande importance des concepteurs. Toutefois, on constate de plus en plus l'importance des acteurs qui font, par exemple, les voix de personnages, ou encore des scénaristes. Si je me souviens bien, un professeur que j'ai eu en histoire à l'Université McGill avait vérifié la véracité des faits du jeu Assassin's Creed. C'est le genre de choses intéressantes qu'on observe.
Dans les dernières années, des efforts ont été faits pour s'assurer que, comme pour les films, les jeux vidéo sont disponibles en français et que le doublage se fait au Canada, notamment au Québec. J'ose dire que vous êtes des pionniers à cet égard. C'est normal, puisque votre compagnie est française et que son noyau est au Québec.
J'adresse ma question à vous trois. Au-delà du personnel qui s'occupe de l'aspect technologique, il y a des artistes qui travaillent, notamment des acteurs. Que faites-vous, en tant qu'entreprises canadiennes, pour vous assurer d'un contenu canadien?
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De notre côté, on va essayer ceci, notamment pour les acteurs.
Les jeux sont développés en premier en anglais, on ne se le cachera pas. Mon collègue, ici présent, disait que 50 p. 100 de ses jeux sont vendus en Amérique du Nord. Nous, c'est 40 à 50 p. 100, et les États-Unis représentent 90 p. 100 de ce pourcentage du marché. Le Québec représente une petite portion.
Nos jeux sont quand même en français, c'est important de le mentionner. Oui, nous sommes une compagnie française. Alors, nous allons essayer de travailler avec des acteurs de chez nous, de Toronto, de Montréal. Vous avez parlé d'Assassin's Creed. Plusieurs acteurs québécois ont prêté leur voix pour la version française. Aussi, nous allons essayer de travailler avec des auteurs de chez nous.
À talent égal, on va travailler avec des gens de chez nous. Si on est en mesure d'avoir un talent vraiment exceptionnel, on va l'engager. Par exemple, pour certains jeux, on a travaillé avec l'Orchestre symphonique de Malmö, de Suède. On essaie d'avoir une certaine variété dans ce qu'on fait, mais, pour l'aspect artistique, on essaie aussi d'investir dans le talent local. C'est une chose qu'on essaie partout. La majorité des employés sont de chez nous. La majorité sont canadiens, dont beaucoup de Québécois. On essaie d'investir dans le talent local. Quand on peut le faire, on le fait.
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Il y a beaucoup de raisons.
Nous travaillons beaucoup avec des équipes de base — un producteur, un directeur de la création, un directeur artistique —, et, parfois, nous voulons conserver l'équipe de création. Parfois, elle vient juste de terminer un jeu.
Il y a beaucoup de raisons. Il y a autant de raisons qu'il y a de gens. Pour certains, c'est parce qu'ils veulent créer une nouvelle PI. Ils ont fait deux jeux de la même franchise, et ils veulent faire quelque chose de nouveau. À l'interne, si nous n'avons pas cette ouverture, ils iront vers un autre studio.
Parfois, c'est à cause de la famille. S'ils déménagent à l'extérieur de Montréal, c'est parce qu'ils retournent en Europe, par exemple. Lorsqu'ils arrivent à la mi-trentaine et qu'ils ont une femme — ou un mari, mais notre industrie comprend surtout des hommes —, ils retournent à la maison parce qu'ils veulent que leurs enfants soient près des grand-parents.
Nous essayons de les convaincre. Nous essayons de leur offrir des occasions. Toutefois, à un moment donné, je ne dirais pas qu'il y a une limite, mais disons qu'ils gagnent 60 000 $ et que nous leur en offrons 75 000. C'est important de ne pas commencer une guerre des enchères et offrir 80 000 $, 85 000 $, et ainsi de suite. Comme industrie, c'est important de ne pas provoquer une surenchère.
Il y en a qui obtiendront une somme faramineuse et seront promus rapidement ailleurs. Je ne sais pas si c'est le cas à Edmonton, mais en ce qui nous concerne, nous avons beaucoup de gros studios à Montréal.
Nous essayons de garder les gens, mais ils ont tous leurs raisons pour partir. Certains reviennent. D'autres veulent travailler sur une marque précise. Si vous voulez travailler sur Mass Effect, eh bien, vous devez déménager à Edmonton. Si vous voulez travailler surBatman, vous devez travailler chez Warner. Si vous voulez travailler sur Assassin's Creed, vous devez venir nous voir chez Ubisoft.
Ça tient à la franchise également.