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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

[Français]

     Ce matin, nous avons droit à une présentation particulière. Nous recevons des représentants de la Fondation Glenn-Gould: M. Brian Levine et Mme Clelia Farrugia. Bien qu'ils apparaissent en deuxième à l'ordre du jour, on commencera par eux. Il y a une autre particularité: le vidéo de présentation est en version anglaise, mais les interprètes assureront la traduction simultanée dans le système d'oreillettes. Si vous voulez avoir de la musique, trouvez deux oreillettes: une pour l'anglais, l'autre pour le français.
     Nous entendrons par la suite les témoignages de M. William Thorsell et de Mme Robynne Rogers Healey.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre présence ce matin.

[Français]

    Madame m'avise qu'il y a un problème technique relié à la traduction. Ce ne sera pas très long, environ deux minutes.
    Nous allons procéder à l'écoute de la présentation vidéo de la Fondation Glenn-Gould. M. Levine s'adressera à nous par la suite.
    Monsieur Levine, auriez-vous aimé nous adresser la parole d'abord?

[Traduction]

    Je voudrais dire, pour commencer, que cette vidéo situe bien le contexte de ce que je vais dire. Je crois qu'elle se passe d'explications.
    [Présentation vidéo]
    Merci beaucoup.
    Monsieur Levine, la parole est à vous.
(0855)
    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
    La Fondation Glenn-Gould serait honorée de jouer un rôle appréciable dans les célébrations du 150e anniversaire du Canada. En fait, il y a déjà un bon moment que nous élaborons des plans pour marquer cette année historique. Avant d'expliquer comment nous entendons procéder, je voudrais présenter un aperçu de nos principaux domaines d'intérêt. Je passerai ensuite à nos plans d'avenir.
    Premièrement, nous voulons établir la Fondation Glenn-Gould comme institution culturelle mondiale et le prix Glenn Gould comme la récompense mondiale la plus recherchée en réalisation artistique et en créativité au service de l'humanité et en utilisation des arts pour transformer des vies. En effet, notre objectif est de faire du Canada le centre du Prix Nobel des arts. Ce faisant, nous voulons projeter l'image du Canada comme centre d'excellence et d'innovation sur la scène mondiale. Nous voulons établir une image de marque canadienne, en utilisant notre meilleur symbole d'originalité et de créativité, Glenn Gould.
    Deuxièmement, nous voulons célébrer notre avenir. Bien sûr, les jeunes artistes d'aujourd'hui sont notre avenir de demain. C'est la raison pour laquelle nous présentons le prix Protégé de Glenn Gould en vue de reconnaître et de promouvoir les jeunes artistes exceptionnellement prometteurs. Maintenant, nous allons plus loin en établissant les Concerts Glenn Gould, merveilleux programme permettant de reconnaître les jeunes musiciens les plus doués et de promouvoir leur carrière en les associant à l'héritage de Glenn Gould.
    Le premier de ces concerts, auquel participaient huit jeunes et brillants artistes, a été donné en l'honneur de Leurs Excellences le duc et la duchesse de Cambridge à Rideau Hall en décembre dernier. Nous prévoyons poursuivre dans la même veine en recherchant les éléments les plus prometteurs. En fait, nous présentons ce soir même en concert au Carnegie Hall un jeune pianiste montréalais.
    Maintenant que le modèle est établi, nous nous associerons à d'autres organisations artistiques du pays afin de présenter les concerts Glenn Gould au public canadien d'un océan à l'autre.
    Cela nous amène à 2017 et à l'occasion unique que nous avons d'exploiter les 30 ans d'expérience de notre fondation dans l'organisation de célébrations de calibre mondial et la promotion de jeunes talents pour créer un ensemble musical de rêve. Cet ensemble sera composé de jeunes talents reflétant la riche diversité des cultures et des genres musicaux de notre grand pays, du folklore celte de la côte Est aux chanteurs québécois et aux chanteurs-compositeurs autochtones, du jazz, du classique, du country, du blues et de la musique urbaine au folk-rock et au métal. Pendant toute l'année 2016, nous lancerons une recherche nationale pour trouver de jeunes musiciens canadiens susceptibles de devenir de grandes vedettes. Cela sensibilisera le public et suscitera des attentes et de l'intérêt, tant pour nos jeunes artistes que pour le 150e anniversaire. Ces jeunes Canadiens exceptionnels auront l'occasion en 2017 de faire la preuve de leur talent. Comme nos champions olympiques, ils auront une chance unique de monter au podium en devenant nos ambassadeurs musicaux non seulement auprès des Canadiens, en leur racontant notre histoire musicale, mais aussi auprès du reste du monde.
    Bref, la Fondation Glenn Gould se propose d'organiser une spectaculaire tournée mondiale d'un an intitulée Canada 150. Notre ensemble de rêve trié sur le volet se produira pendant six mois dans les grandes villes et les petites localités de tous les coins du Canada. Cette tournée permettra de faire connaître nos musiciens les plus brillants de moins de 25 ans et atteindra son point culminant le jour de la fête du Canada avec un concert qui exprimera en musique les rêves, les espoirs et les aspirations de tous les Canadiens.
    Pendant les six mois restants, l'ensemble Canada 150 fera le tour du monde, visitant les capitales culturelles de la planète pour faire connaître l'excellence artistique et culturelle canadienne. Nos jeunes artistes seront l'expression vivante de la confiance, de la maturité et de la culture d'innovation du Canada. Ils nous feront connaître aussi bien parmi nos amis que parmi nos plus importants partenaires commerciaux. Les aventures et les triomphes de l'ensemble de rêve Canada 150 bâtiront une véritable légende canadienne. Enregistrés par les médias et préservés dans des documentaires, ils inspireront tous les Canadiens, et surtout les jeunes, les incitant à viser l'excellence et à toujours croire au potentiel illimité de notre pays.
    Nous espérons présenter une production commémorative multimédia de l'ensemble de rêve Canada 150 à tous les écoliers canadiens afin de les inspirer dans les années à venir et de leur permettre de garder très longtemps le souvenir cette année historique.
    La Fondation Glenn Gould possède tout ce qu'il faut — expérience, réseaux, savoir-faire, vision et surtout le puissant symbole de l'excellence canadienne qu'est Glenn Gould lui-même — pour réaliser cet objectif ambitieux qu'est la célébration nationale de notre avenir musical.
(0900)
    Je vous remercie de m'avoir permis de vous faire part de cette vision. J'espère que les membres du comité l'adopteront et se joindront à nous pour nous aider à réaliser ce rêve.
    Merci, monsieur Levine.
    Monsieur Thorsell, vous pouvez maintenant présenter votre exposé préliminaire.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant le comité et de réfléchir à Canada 2017. Cet exposé se base sur un document que j'ai présenté en juillet à la réunion annuelle des ministres fédéraux-provinciaux de la Culture et du Patrimoine, qui a eu lieu à Whitehorse. L'exposé est une version beaucoup plus courte du document que j'ai fourni au comité.
    Je voudrais commencer par revenir à 1967 et aux célébrations du centenaire du Canada afin de mettre en évidence l'évolution du pays et de vous donner mon point de vue sur ce qu'il conviendrait de faire en 2017.
    Nos célébrations de 1967 comprenaient un grand point de convergence, Expo 67, où j'avais l'honneur de diriger le pavillon de l'Ouest à l'âge de 21 ans. À cette époque, il était encore possible de décrocher des emplois de ce genre après avoir terminé ses études en Alberta. Bien sûr, Expo 67 n'était qu'une attraction hors pair parmi une multitude d'événements et de projets réalisés pour marquer le Centenaire, dans beaucoup de cas par la Commission du Centenaire et dans beaucoup d'autres par les provinces et les municipalités.
    Le Centenaire fut un mélange ardent de projets ascendants et descendants. Les différents gouvernements ont construit beaucoup d'ouvrages d'infrastructure, dont le Centre national des arts. Nous avons eu beaucoup de bon temps. Ce fut une période aussi divertissante que productive, ce qui est bon à savoir lorsqu'on connaît des moments moins amusants et moins productifs.
    Mais le Centenaire a-t-il été plus que cela? Est-ce que le Centenaire et Expo 67, de même que notre nouveau drapeau, l'assurance-maladie et le Régime de pensions du Canada, ont préparé la voie à un âge d'or en matière d'unité nationale et de progrès économique? Est-ce que Montréal a réussi à se joindre à la ligue des villes internationales comme nous pensions qu'elle le ferait à l'époque? Est-ce que nos régions et nos collectivités isolées ont créé de nouveaux réseaux de compréhension et d'objectifs communs?
    Malheureusement, la réponse est non. Trois ans après le Centenaire, nous avons subi le traumatisme de la crise d'octobre au Québec, qui a été suivie par un spectaculaire affaiblissement économique de Montréal, par une décennie de stagflation nationale dans les années 1970, sans parler des tapis à longs poils, des pattes d'éléphant et du disco. Nous avons eu l'élection du Parti québécois en 1976, un référendum sur la souveraineté-association en 1980 et une intensification extraordinaire de l'aliénation de l'Ouest, qui a atteint un point tel qu'un parti séparatiste a vu le jour en Alberta en 1980.
    La question qui se pose aujourd'hui est la suivante: Nos célébrations de 2017 contribueront-elles d'une façon plus durable à l'édifice national que le Centenaire de 1967 avec les brillantes festivités qui l'ont marqué? Je le crois, pourvu que nous agissions en fonction de deux facteurs importants en nous tournant constamment vers l'avenir.
    Le premier facteur est ce que j'appellerai l'« équation canadienne », ou l'équation entre le territoire et les gens. Quelque chose a changé ici dans les 50 dernières années. Les Canadiens comptent parmi les plus grands propriétaires de terres et d'océans du monde, non seulement par habitant, mais aussi en fonction de l'étendue extraordinaire de leur territoire: notre souveraineté s'étend à près de 7 p. 100 de la masse terrestre de la planète. Cela est évidemment un plaisir, mais nous avons aussi une responsabilité de gestion d'une profondeur et d'une portée planétaires.
    La seule grandeur de cet espace peut constituer une énorme source de fierté et d'engagement pour le Canada. Quel autre pays possède un territoire aussi puissant et inspirant? Tandis que le reste de la population mondiale se débat pour vivre dans des territoires plus peuplés et plus compromis, nous gardons l'impression de vivre dans notre propre jardin d'Éden.
    Ce qui a changé dans les 50 dernières années, c'est la dégradation galopante des écosystèmes de la planète depuis 1967. Nous nous rendons compte maintenant qu'une gestion compétente de notre territoire revêt une énorme importance pour nous et pour le monde entier. Nous serons inévitablement célèbres dans l'histoire par la façon dont nous gérerons l'équation canadienne: population clairsemée, territoire immense et possibilité — parce que nous sommes riches — de faire quelque chose à cet égard.
    Pour bien faire, il faudrait que beaucoup plus de Canadiens aillent reconnaître l'étendue et la profondeur de ce territoire. La plupart des habitants du pays n'ont aucune idée du paysage canadien parce qu'ils ne l'ont jamais vu.
    Le second facteur qui a marqué notre évolution depuis 1967 concerne notre géographie humaine. En 1967, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme a constaté que le biculturalisme n'était pas un concept viable. Le Canada était de toute évidence un pays multiculturel, ce que M. Trudeau a officiellement reconnu en 1971 dans son fameux discours au Parlement.
    Depuis, le multiculturalisme a connu une croissance extraordinaire. Il y a quelques années, Statistique Canada a publié un rapport sur la nature des minorités visibles du Canada en 2017. Que dit ce rapport?
    En 2017, ces communautés essentiellement chinoises, d'Asie méridionale, noires, philippines, latino-américaines, d'Asie du Sud-Est, arabes, d'Asie occidentale, japonaises, et coréennes auront atteint 7 millions de personnes et constitueront 20 p. 100 de notre population. Leur croissance est de six fois plus élevée que celle du reste de la population. Et 75 p. 100 de ces gens sont concentrés dans trois villes, Montréal, Toronto et Vancouver. De plus, 95 p. 100 des membres de ces communautés vivent dans des agglomérations urbaines. Plus nous sommes urbains, plus nous sommes multiculturels. Ce qui est encore plus frappant, c'est qu'en 2017, 70 p. 100 de membres de ces minorités visibles seront nés à l'étranger. C'est la plus forte proportion de Canadiens nés à l'étranger des 100 dernières années.
(0905)
    Il y a un certain nombre d'observations à faire sur ces chiffres. Les communautés d'immigrants les plus récentes sont clairement plus distinctes ou plus différentes du reste du Canada que dans le passé. Il fut un temps où le multiculturalisme désignait différentes ethnies et peuples d'Europe ou de l'Ouest. Aujourd'hui, multiculturalisme évoque surtout des gens de civilisations, de traditions religieuses et de valeurs très différentes. Ils sont visiblement et culturellement plus distincts que les générations précédentes d'immigrants venant d'Europe. Et ils sont susceptibles de maintenir leur caractère distinct avec une facilité et une passion inhabituelles parce qu'à l'ère numérique, ils peuvent garder des relations très étroites avec leur terre d'origine.
    En même temps, nos populations autochtones deviennent plus urbaines, plus confiantes et plus enclines à participer qu'elles ne l'ont jamais été.
    Sur ce plan, la situation actuelle est très différente de celle de 1967. Les différences culturelles entre nos communautés et nos régions sont plus profondes, la taille de nos communautés minoritaires est plus importante et la concentration des différentes communautés dans certaines banlieues et provinces est plus marquée. Toutes ces tendances s'accentuent. Le multiculturalisme du Canada prend une dimension planétaire.
    Comment pouvons-nous maintenir une certaine communauté d'engagement, de connaissances et de familiarité parmi les différentes communautés du pays? Comment trouver un terrain d'entente pour éviter d'avoir non deux, mais de nombreuses solitudes?
    Compte tenu de l'équation canadienne du territoire et des gens et de la concentration des différentes communautés dans des villes et des régions très distantes les unes des autres, comment permettre à ces groupes de s'apprécier mutuellement et d'apprécier le pays et son paysage? Comment faire?
    Je crois que 2017 est une excellente occasion. L'une des grandes vérités du Canada, c'est que très peu d'entre nous connaissent vraiment leur pays, soit parce qu'ils l'ont visité soit parce qu'ils ont eu des contacts avec des concitoyens d'autres cultures et d'autres régions. Aristote a parlé du devoir sacré de se connaître soi-même. Comme Canadiens, nous avons tous manqué à ce devoir.
    Je crois que nous avons là une occasion parfaite de préparer une année de transformation dans le développement de notre très surprenante société grâce à des célébrations ayant un but unique et sérieux. Voici ce que j'ai à proposer.
    Nous devons, avec beaucoup d'énergie et de conviction, mélanger nos communautés et les envoyer ensemble explorer le pays et apprendre à se connaître mutuellement. Nous pouvons envisager, si vous voulez, un appareil national de mélange et de déplacement à une échelle jamais connue auparavant dans n'importe quel pays, un réseautage social d'une dimension et d'une réalité sans pareilles dans le monde. Diversité, oui, mais diversité en étroite proximité et sur la route.
    L'objectif est de créer des réseaux humains plus étendus et plus approfondis, de définir davantage de valeurs communes, de susciter une plus grande confiance sociale, une plus grande connaissance du pays, un plus grand orgueil national et davantage d'engagement envers la santé de notre territoire et de nos océans.
    À mon avis, le 150e anniversaire du Canada devrait être axé non sur des choses, mais sur des relations. Il devrait se fonder non sur des endroits, mais sur des déplacements entre différents endroits. Il devrait porter non sur des communautés ou des groupes existants, mais sur la création de réseaux entre les communautés et le mélange des groupes. Il ne devrait pas consister à laisser le gouvernement définir le pays; il devrait se baser sur des individus et des groupes qui découvrent leur pays et qui réussissent ainsi à se redéfinir eux-mêmes.
(0910)
    Imaginez quelque chose de ce genre. Sous le titre « Échanges et voyages », le réseau social canadien « Connais-toi toi-même en 2017 » financerait une multitude incroyable de projets, exactement comme l'a proposé la Fondation Glenn-Gould, pourvu qu'ils fassent intervenir des gens d'ethnies, d'âges et d'autres caractères démographiques différents et leur fassent visiter des régions du Canada qu'ils n'ont jamais vues auparavant, parfois dans une même zone métropolitaine.
    Pendant que j'étais au Musée royal de l'Ontario, nous avons fait venir un groupe d'écoliers de 4e année du quartier Jane-Finch, dans le cadre d'une initiative philanthropique. Je les ai accueillis à leur arrivée, et j'ai dit à l'enseignante: « Ces enfants ne sont jamais venus dans ce musée. » Elle m'a répondu: « Monsieur Thorsell, la plupart de ces petits n'ont jamais été dans le centre-ville. » Ils ne savaient même pas qu'ils vivaient dans une grande ville. Ils ne savaient pas qu'ils vivaient en bordure d'un lac. Ils habitaient pourtant dans une banlieue de Toronto. Voilà à quel point les choses peuvent en arriver.
    Par conséquent, sous le titre « Échanges et voyages », nous appuierions uniquement des projets qui réuniraient des gens ayant des caractères démographiques différents pour les faire sortir de leur cour et leur faire visiter d'autres parties du pays. Ce sont les critères qui régiraient l'évaluation des projets.
    L'ancien secrétaire général des Nations Unies Javier Pérez de Cuéllar a dit ceci en 1991 lorsqu'il a fait don de toute une collection de cadeaux qu'il avait reçus au Musée canadien des civilisations. Comme j'assistais à un dîner offert en son honneur par le premier ministre, je lui avais demandé: « Vous êtes un diplomate péruvien. Pourquoi avez-vous offert à un musée canadien l'ensemble des souvenirs que vous avez recueillis pendant vos cinq années comme secrétaire général? » Il m'a dit qu'il avait voyagé partout dans le monde et que le Canada était le pays que le reste du monde devait apprendre à devenir. Il parlait ainsi de notre forme de multiculturalisme et de notre façon de vivre ensemble.
    Mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons travailler intelligemment et intensément pour maintenir ce mode de vie. Le 150e anniversaire de notre pays constitue l'occasion parfaite d'établir le contact avec tous les autres groupes qui recherchent notre appui. L'objectif du 150e anniversaire n'est ni présomptueux ni modeste: nous enrichirons et approfondirons le caractère national unique du pays pour le mettre à l'abri du cynisme et du manque d'espoir du monde.
    Je me rends compte que les gens cherchent souvent des projets matériels. Je dois donc dire qu'il n'y en a pas. Cette initiative consiste à se déplacer, à parler, à apprendre, à voir, à expérimenter, puis à créer une page Facebook pour s'assurer que les relations établies se développeront constamment dans les 10 ou 15 années suivantes, contrairement à Expo 67 et au Centenaire qui ont disparu aussitôt achevés.
    J'ai aussi deux petites propositions pour le gouvernement fédéral.
    Premièrement, construisons un pont inoubliable sur l'Outaouais, un peu sur le modèle des vieux ponts de Venise, de Paris et de Londres, avec des bâtiments dessus. Ce ne serait pas un pont pour les voitures. Il ne serait accessible qu'aux piétons: ce serait le Pont des Canadiens. Le Canada a été fait et changé par des individus tels que Glenn Gould ainsi que par des groupes. Ce pont devrait aussi comprendre une version contemporaine d'un musée national du portrait, si on veut utiliser cette expression, mais en y incluant des lieux de rencontre, des espaces de représentation, des restaurants, des bars et des promontoires donnant sur des eaux tumultueuses et des cimes romantiques. Faisons de ce pont à la fois un fait et une métaphore illustrant les individus, et non les groupes, qui ont marqué l'édification de notre société.
    Nous faisons également partie de cette grande géographie. Par conséquent, pour être en accord avec les échanges et les voyages ainsi qu'avec la connaissance de soi et des autres, le gouvernement du Canada devrait réaliser le projet du Sentier transcanadien et l'inaugurer le 1er janvier 2017. Le Sentier transcanadien prolongerait et compléterait le Pont des Canadiens construit sur l'Outaouais et permettrait aux gens de se rencontrer et de se déplacer d'une façon très intime, littéralement d'un bout du pays à l'autre.
    Ainsi, le gouvernement du Canada ferait le cercle complet, le cercle parfait pour le 150e anniversaire du Canada en créant la plus grande expérience de réseautage social de l'histoire de tous les pays. Le reste du monde en sera sidéré. En construisant un extraordinaire Pont des Canadiens sur l'Outaouais et en le reliant à un romantique Sentier transcanadien, comme artère nationale accessible pour échanger et voyager…
    Échanger et voyager, se connaître soi-même. Voilà, c'est tout.
(0915)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Thorsell, pour ce très lucide portrait démographique.
    Nous allons maintenant passer la parole à Mme Robynne Rogers Healey.

[Traduction]

    Je voudrais remercier le président et les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître. Je me présente devant vous aujourd'hui à titre d'historienne. Je suis toujours heureuse de profiter de n'importe quelle occasion pour parler du patrimoine de notre grand pays. Je vais concentrer mes propos concernant les célébrations du 150e anniversaire sur trois domaines particuliers, dont l'un est très proche, je crois, de ce que vient de dire M. Thorsell.
    Le premier domaine concerne 2017 comme élément d'un processus d'édification d'une nation, mais à une condition: respectons scrupuleusement l'histoire. Nous sommes proches d'un certain nombre d'anniversaires importants de l'histoire du Canada. Comme vous le savez sans doute, l'année prochaine marquera le bicentenaire de la guerre de 1812. Cet événement a déjà fait l'objet d'une certaine couverture médiatique. Deux ans plus tard, nous aurons le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale qui, à tort ou à raison, occupe une place importante dans notre histoire. Et, dans un peu plus de cinq ans, nous célébrerons le 150e anniversaire de la Confédération canadienne, événement qui a donné naissance à un État, mais non à une nation.
    En 1969, peu après la célébration du Centenaire de 1967, l'historien canadien J. M. S. Careless a publié son célèbre article Limited Identities in Canada, qui est du moins célèbre parmi les historiens. Dans ce texte, Careless soutient que la région, l'ethnicité et la classe constituent des déterminants plus importants de l'identité que les attitudes et les schémas nationaux. Pour lui, les innombrables études qui ont suivi et qui étaient axées sur les identités restreintes plutôt que sur l'identité nationale étaient beaucoup moins attribuables à ses observations qu'au climat qui régnait dans les universités à la fin des années 1960 et au début des années 1970, climat qui reflétait les perturbations culturelles d'un pays qui a eu sa bonne part de Canadiens mécontents et qui a atteint à l'occasion le bord du précipice.
    Cette énorme masse de travaux ne devrait cependant pas être interprétée comme indice d'un manque d'identité nationale. De nombreux historiens — dont Careless lui-même, de même que beaucoup de Canadiens, sinon la plupart — conviendraient que les identités restreintes font partie intégrante d'une identité nationale plus vaste. Les identités restreintes ne nient pas l'existence d'une identité nationale puisqu'elles en constituent une partie spéciale. Je crois que la plupart d'entre nous prennent conscience de leur propre identité restreinte avant de se rendre compte de l'existence d'une identité nationale plus grande.
    Toutefois, des célébrations comme celles de 2017 nous donnent l'occasion de nous rassembler autour d'une identité qui peut être bâtie en termes positifs et non négatifs. Nous en avons un exemple parfait dans le parcours de la flamme olympique qui a précédé les Jeux olympiques et paralympiques de Vancouver en 2010.
    La création d'une identité nationale a fait partie d'un processus permanent depuis l'établissement du Dominion du Canada le 1er juillet 1867. À mesure que le pays s'étendait sur le double plan géographique et démographique, l'histoire du Canada témoigne du nombre de conflits suscités par les différentes tentatives de définir ce qu'est un Canadien. Quoi qu'il en soit, les Canadiens ont su régler leurs différends. Je crois qu'ils restent disposés à surmonter leurs conflits afin de trouver des liens qui les rattachent à un contexte national plus vaste. Même si nous ne réussissons pas à nous voir dans toute l'histoire du Canada, chacun de nous sait où il se situe dans cette histoire. C'est pour cette raison qu'il est critique de respecter scrupuleusement l'histoire.
    Considérons la course en canot des Voyageurs, qui a été un des événements les plus réussis des célébrations du centenaire du Canada. Elle a probablement fait l'objet de la couverture médiatique la plus complète de toutes les manifestations de 1967. Dix équipes représentant huit provinces et deux territoires — l'Île-du-Prince-Édouard et ce qui n'était alors que la province de Terre-Neuve n'ont pas participé — ont pris part à la course qui a commencé au Rocky Mountain House en Alberta le 24 mai 1967 et s'est terminée au terrain de l'Expo à Montréal le 4 septembre. Les organisateurs et les publicistes, qui présentaient la course comme une reconstitution historique nationale, avaient dit des Voyageurs qu'ils étaient les « fondateurs du Canada » et avaient dépeint le Canada comme une nation unie du double point de vue géographique et culturel.
(0920)
     Dans les notes que j'ai distribuées, je cite un excellent article de Misao Dean sur cette course. J'encourage vraiment les membres du comité à consulter ce texte qui examine la question d'une façon très détaillée.
    La reconstitution n'était pas authentique. Aucun effort n'a été fait pour recruter des équipes de pagayeurs appartenant aux Premières nations ou aux Métis, même s'ils formaient la majorité des Voyageurs. Les Autochtones étaient bien là, mais c'était une minorité faisant partie des équipes provinciales. Ils étaient majoritaires dans les équipes territoriales, mais ils ont été en butte à un racisme tellement odieux que l'expérience a dû être vraiment horrible pour eux.
    Deuxièmement, il n'y a eu que très peu d'interprétation en français. Il y a lieu de noter que la Loi sur les langues officielles n'a été adoptée qu'en 1969. C'était une partie de la raison. Quoi qu'il en soit, il n'y a eu que très peu de français, même si ce sont les Français qui avaient établi des relations très particulières avec leurs alliés des Premières nations en Amérique du Nord. Ces relations avaient précédé celles que les Anglais de la Compagnie de la Baie d'Hudson avaient nouées avec leurs alliés et, à mon avis, avaient eu beaucoup plus de succès.
    Les femmes des Premières nations, qui avaient joué un rôle si important comme interprètes et comme guides des trappeurs et coureurs des bois européens, étaient totalement absentes de la course. Malgré cela, celle-ci a été présentée comme une reconstitution de la fondation du Canada parce qu'elle faisait intervenir les trois peuples fondateurs et comprenait beaucoup d'histoires sur la conquête des territoires inexplorés, etc.
    On continue encore à faire ce genre d'erreur. Justement, une revue m'a demandé la semaine dernière d'écrire un article sur le pacifisme relié à la prochaine célébration du bicentenaire de la guerre de 1812. Je vais vous citer un extrait de la demande car je pense que c'est important. On m'a donc demandé « un article sur la façon dont les Canadiens se sont développés comme nation de gardiens de la paix, en établissant des liens directs avec la guerre de 1812 et le pacifisme quaker au cours de ce conflit ». J'ai été choquée. C'est un domaine de mes propres recherches. Des liens de ce genre n'existent tout simplement pas. J'ai répondu qu'un tel article serait au mieux un anachronisme et, au pire, une invention pure et simple. Lire l'histoire en mode rétrospectif ou y chercher les choses que nous voudrions y voir ne constitue pas pour moi un moyen d'encourager les Canadiens à en apprendre davantage sur leur histoire et à y trouver une source de fierté.
    Le second sujet que je voudrais aborder porte sur les occasions d'exploiter l'histoire et le patrimoine locaux comme éléments de l'histoire nationale. Encore une fois, cela présente des liens avec les propos de M. Thorsell. D'un point de vue pratique, j'encouragerais le comité à considérer la valeur de l'histoire locale dans le cadre de l'histoire nationale. Vous avez déjà entendu un certain nombre de témoins représentant les grands groupes culturels du Canada. Des productions à grande échelle joueront un rôle essentiel dans la célébration et ce qu'elle léguera aux générations futures. N'oubliez cependant pas les musées que vous trouverez dans chaque petite ville du Canada, avec leurs tout petits budgets et leurs cadres de loyaux bénévoles. Je siège au conseil d'administration de quelques-uns de ces musées. J'ai été frappée par l'importance du rôle qu'ils jouent comme lieux d'apprentissage pour les jeunes.
    Dans les collectivités du Canada, des milliers d'écoliers visitent chaque année ces musées pour apprendre l'histoire des pionniers locaux et faire le lien avec l'histoire plus vaste de leur pays. Dans ma collectivité actuelle, les musées locaux font une reconstitution de l'histoire des ressources de la vallée du Fraser en Colombie-Britannique, tissant une trame faite d'un mélange d'histoire et de patrimoine des Premières nations, des Euro-Canadiens et des Indo-Canadiens, qui sont tous représentés parmi les écoliers visiteurs. Mes propres enfants ont grandi dans une collectivité albertaine profondément imprégnée de son patrimoine francophone. Ils ont participé à deux merveilleux programmes organisés par les musées locaux. Comparés aux installations d'Ottawa et des capitales provinciales, les sites patrimoniaux et les musées locaux peuvent faire parents pauvres, mais il ne faut pas sous-estimer leur valeur. Ils devraient eux aussi participer aux célébrations.
    Je voudrais enfin formuler quelques observations sur l'importance de programmes d'éducation qui reflètent avec exactitude le passé de notre pays et sur le rôle de la numérisation des archives.
(0925)
    Comme vous le savez sans doute, les programmes éducatifs et l'accès au matériel sont extrêmement importants pour encourager les Canadiens, dans tout le pays, à participer au scénario national et à en apprendre davantage sur leur propre histoire. En cette ère numérique, j'ai l'impression que nous pourrions en faire tellement plus pour mettre à la disposition de tous les Canadiens les archives conservées un peu partout. Il est possible d'inciter les étudiants à apprendre leur histoire dans les documents si ceux-ci sont largement disponibles.
    Comme historiens, nous passons beaucoup de temps dans les archives. Quand je peux partager cette expérience avec des étudiants en mode virtuel, cela fait revivre l'histoire pour eux. J'admets que le processus est déjà commencé. Les Archives nationales du Canada ont mis en train d'extraordinaires projets de numérisation. Je pense que toute expansion de ces projets serait la bienvenue. Comme l'a dit M. Thorsell, si nous voulons faire le lien entre notre immense territoire et les gens qui y vivent, il serait avantageux de disposer de ressources pour le faire.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Healey.

[Français]

    Merci de ce vibrant témoignage sur la valeur des petits musées.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Paul Calandra.
    Soit dit en passant, j'imagine que chacun est bien conscient que les membres du comité disposent, à tour de rôle, d'une période de sept minutes pour vous poser des questions. Après chaque période de sept minutes, on passe à un député de l'autre côté.

[Traduction]

    Je remercie tous les témoins. Nous apprécions beaucoup leur présence au comité.
    Je voudrais commencer par poser une question à Mme Healey. Vous avez dit une chose intéressante au sujet des petits musées. Je représente une collectivité qui a quatre petits musées, à Markham, Stouffville, King et Richmond Hill. J'ai l'occasion d'y passer un certain temps parce que beaucoup de manifestations sont organisées là. J'ai été frappé par la quantité d'archives dont ils disposent. Je suis cependant un peu inquiet. J'ai l'impression que nous perdons beaucoup d'éléments de l'histoire locale parce que ces musées doivent se faire la concurrence pour obtenir du financement.
    Que faut-il faire? Y a-t-il moyen de relier nos musées locaux d'une façon différente pour qu'ils n'aient pas nécessairement à se faire concurrence entre eux? Dans mon coin, ces quatre musées se trouvent tous dans la région de York. Ils ont beaucoup d'histoire en commun, mais ils doivent s'opposer les uns aux autres pour trouver des ressources et de l'information. Que pouvons-nous faire pour les relier entre eux?
    Vous avez parlé d'archives. C'est un sujet qui est souvent abordé. Nous en avons entendu parler par les représentants de Stratford et de Radio-Canada qui ont comparu devant le comité. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les moyens d'archivage partout au Canada? De quels genres de ressources avons-nous besoin pour cela?
    Je vais maintenant vous poser une dernière question. Si je réunissais une centaine d'historiens dans une salle et que je leur demandais d'écrire l'histoire du Canada, combien de temps leur faudrait-il pour le faire et que vaudrait leur travail?
(0930)
    Je vais commencer par votre deuxième question. Je ne sais pas si je peux répondre à la troisième parce que je dirais que cela nous prendrait une éternité. Bien sûr, chacun d'entre nous à son propre point de vue sur l'histoire. Je crois cependant qu'on s'entend dans une certaine mesure sur le grand scénario national. Je ne prétendrais pas que la rédaction d'un scénario national est impossible. Je dirais simplement que c'est une tâche qui grandit un peu plus chaque année.
    Pour ce qui est des archives et de la façon de les réaliser, je crois que l'ère numérique constitue pour nous une occasion de préserver des documents d'une façon qui n'existait pas auparavant. Bien sûr, cela signifie que nous allons devoir faire une lecture numérique de ces documents. Si nous avions entrepris la numérisation en 1990 et avions stocké les données sur ces grandes disquettes carrées, nous serions obligés aujourd'hui de trouver un moyen de lire ces documents. L'une des choses que la numérisation permet, c'est la collecte et la préservation des documents dans une forme échangeable.
    Les documents peuvent occuper énormément d'espace. L'un des problèmes des petites archives locales, c'est que les responsables ne savent plus quoi faire du matériel qu'ils reçoivent. Au cours des 50 dernières années, et surtout ces 30 dernières années, nous avons pris conscience de l'importance de préserver du matériel autre que des documents pour sauvegarder l'histoire du Canada. Ce sont des éléments matériels de l'histoire. Ces pièces sont encombrantes. Comment les préserver? Quel que soit le moyen, je crois que c'est important de le faire.
    Quant à la question de savoir comment relier les musées entre eux, je crois que les musées des petites régions — et même des grandes — devraient être encouragés à collaborer au lieu de s'opposer les uns aux autres. Dans la collectivité où je vis — je siège au conseil d'administration d'un musée —, il y a une concurrence portant sur les ressources. C'est habituellement là que réside le problème. La concurrence ne porte pas sur l'histoire à raconter; elle concerne plutôt les ressources à obtenir pour faire davantage de travail. Nous devons encourager les musées à faire partie du grand scénario au lieu d'essayer de préserver des emplois pour eux-mêmes.
    Les musées locaux comptent sur d'importants groupes de bénévoles. L'une des archivistes avec qui je travaille dans mon propre domaine est une bénévole. Bien qu'octogénaire, elle vient en voiture de St. Thomas, en Ontario, jusqu'à Newmarket chaque fois que je veux la rencontrer pour discuter d'archives. Si nous n'arrivons pas à protéger les petites archives, nous allons certainement perdre une partie essentielle de notre histoire. Tout ne fait pas partie des archives nationales, ni même des grandes archives provinciales. En fait, comme historienne qui s'intéresse surtout aux archives locales, je crois que c'est là que réside une partie très importante de notre histoire.
(0935)
    Monsieur Levine, vous avez un programme très ambitieux pour célébrer le 150e anniversaire du Canada. Je me pose des questions au sujet des problèmes que vous aurez à résoudre et de la façon dont le gouvernement peut vous aider à les surmonter, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, dans le cadre de sa planification du 150e anniversaire.
    Il y a bien sûr beaucoup de modélisation à faire. Je ne vous ai présenté que les grandes lignes de notre projet. Nous sommes en train de former un groupe de planification stratégique composé de personnes ayant toutes sortes de compétences dans différents domaines des arts et des médias. J'ai pris contact hier avec un producteur de télévision primé d'un niveau très élevé, qui a monté l'une des entreprises médiatiques les plus prospères du pays. Il nous a offert ses services à titre de conseiller permanent du projet.
    Nous pouvons en faire beaucoup grâce à notre propre réseau. Bien sûr, à un certain stade, les dollars devront entrer dans l'équation. Nous projetons de concevoir notre projet sur une base budgétaire évolutive dans laquelle la variable serait le nombre de concerts à donner au cours de la tournée. Il sera évidemment essentiel d'obtenir l'aide des gouvernements provinciaux pour nous permettre d'accéder à différents lieux de représentation et sites historiques. Nous établirons les contacts et demanderons aux provinces de se joindre à nous dans le cadre de ce processus.
    Je dirais, sur la base de ma propre expérience de l'entrepreneuriat, que l'une des contributions les plus importantes d'un gouvernement consisterait à définir les mandats et les objectifs qu'il aimerait nous voir atteindre, puis à nous laisser autant de liberté que possible une fois qu'il se sera assuré que nous pouvons remplir nos engagements.
    La semaine d'événements brièvement décrite dans la vidéo que je vous ai montrée a été réalisée à la fondation par un personnel de base composé de trois personnes. Les manifestations en cause comprenaient des concerts donnés par un orchestre de 250 membres que nous avons fait venir d'Amérique du Sud. Il a fallu également travailler avec tous les conseils scolaires de l'Ontario pour produire un guide multimédia. Il y avait en outre un symposium international d'éducation musicale avec des conférenciers et des artistes venant du monde entier, des visites dans les écoles, etc. Il y avait littéralement des centaines et des centaines d'activités.
    Nous croyons à l'efficacité et tenons à garder un chemin critique exempt d'un trop grand nombre d'obstacles inutiles, simplement parce que nous avons beaucoup de travail à faire et que nous voulons concentrer nos efforts sur ce qui produira des résultats. Bien sûr, nous devons être de bons collaborateurs et de bons communicateurs si nous avons la chance de recevoir des fonds publics pour nous aider à réaliser ce projet. Je ne vous dis donc pas de nous donner de l'argent et de nous laisser carte blanche. Ce n'est pas ainsi que ça marche, et nous le comprenons.
    Toutefois, il serait très utile pour nous que la voie ne soit pas trop encombrée et trop bureaucratique et qu'on se fie aux compétences établies de notre organisation et de nos organisations partenaires. Nous vous demandons simplement de nous dire clairement ce que vous voulez nous voir accomplir. Soyez très clairs au sujet des objectifs secondaires. Nous faisons plus que monter des spectacles. Nous essayons de renforcer la conscience nationale et de mieux sensibiliser les gens afin de célébrer le genre de diversité et de mélange des cultures dont William a parlé.
    Dites-nous clairement ce que vous attendez de nous, puis laissez-nous agir tant que vous êtes persuadés que nous savons ce que nous faisons.
    Merci, monsieur Levine.

[Français]

    La parole est maintenant à M. Benskin.

[Traduction]

    Génial. Je dois vous féliciter tous pour vos exposés. En toute franchise, ils m'ont littéralement donné des palpitations.
    Je voudrais poser une question à M. Levine, puis passer à Mme Healey et M. Thorsell parce que je vois un lien entre ce que vous avez dit de l'histoire perdue et l'occasion que nous donnera 2017 d'y remédier en encourageant les gens à se parler — c'est presque un retour vers le futur —, en considérant notre histoire et en l'utilisant comme tremplin pour avancer.
    Pour ce qui est de l'histoire perdue, comment, à votre avis, pouvons-nous présenter les choses de façon à dire aux gens non pas « Regardez ce que vous avez fait », mais plutôt « Voici ce que nous avons manqué, voici ce que vous devez connaître et voici ce dont vous pouvez être fiers »? J'aimerais que vous répondiez tous les deux à cette question.
(0940)
    Je vois en pratique un certain nombre de moyens ou de mécanismes différents pouvant permettre à chaque collectivité de raconter sa propre histoire, pour ensuite regrouper le tout dans un scénario national.
    Je serais vraiment déçue si nous continuons à insister sur les mauvaises choses qui se sont produites au Canada. Nous avons commis des erreurs tant dans ce que nous avons fait au cours de notre histoire que dans la façon dont nous l'avons racontée. Toutefois, je ne crois pas que nous ayons à mettre cela en évidence au lieu de nous tourner vers l'avenir en pensant à ce que nous avons accompli.
    Ainsi, nous pourrions faire en sorte que les collectivités racontent leur propre histoire… Quand je parle de collectivités, il ne s'agit pas nécessairement de lieux géographiques. Il peut s'agir de communautés s'étendant à tout le pays. Nous pouvons ensuite regrouper le tout dans un scénario national. Je crois que les projets numériques constituent un merveilleux moyen de réaliser cela. Des gens de tous les coins du monde peuvent y participer d'une façon que nous n'aurions pas pu envisager il y a 45 ans.
    Monsieur Thorsell.
    Je vous remercie.
    Il est inévitable que l'histoire joue un rôle de premier plan dans la célébration de l'anniversaire d'un pays. Certains des projets qui viennent à l'esprit dans le cadre de l'initiative Échanges et Voyages sont nécessairement liés à l'histoire. Bien sûr, tous ces nouveaux immigrants venant de mondes différents — dans de très grandes proportions aujourd'hui — ont besoin de connaître une partie de l'histoire qui précède leur arrivée dans le pays, même s'ils contribuent eux-mêmes à la définition de l'histoire du Canada.
    Pour moi, il nous faut un concept stratégique pour un événement tel que le 150e anniversaire du Canada. Nous avons besoin d'une image de marque qui corresponde à cet événement. Nous ne pouvons pas trop disperser nos efforts. Si vous avez 500 demandes valables, vous pouvez dire: « Très bien. Nous choisirons celle-ci, puis celle-là et cette autre. » Vous n'auriez alors aucun thème dominant pouvant permettre aux gens de comprendre ce que nous faisons et les raisons de notre action.
    Je propose d'avoir une idée dominante qui définisse ce que nous voulons faire, qu'il s'agisse de reconstituer l'histoire ou d'envoyer des enfants faire le tour du pays, ce qui représenterait un cas classique d'Échanges et Voyages. Ainsi, vous n'auriez pas à prendre vous-même une décision au sujet de tous ces projets, mais vous sauriez ce que vous recherchez et seriez en mesure de dire à chacun ce qu'il doit faire pour vous aider. Dans une vision stratégique où vous dites « C'est de cela que nous parlons, et de rien d'autre », vos bonnes causes seront assujetties à la cause sacrée qui consiste à se connaître soi-même, parce que c'est le plus grand défi que nous aurons à l'avenir. Je m'intéresse beaucoup plus à ce que l'avenir nous réserve qu'à ce qui s'est produit dans le passé, mais l'histoire a quand même sa place.
    Nous pouvons renforcer le bon chemin sur lequel nous nous trouvons, sans tomber dans le fossé en matière de multiculturalisme, en fixant l'année et en disant que quoi que nous fassions ou souhaitions faire, dans les arts, les sports, les conférences ou les affaires, il faut « échanger et voyager » afin d'obtenir de l'aide pour 2017. Voilà la question de base.
    Vous entendrez toutes sortes de choses à différents endroits du pays. Supposons que vous annonciez deux ans plus tôt quelle sera votre approche et dites aux gens qu'ils auront tous la possibilité de présenter leurs grands projets d'ici 2017. Vous aurez des projets un peu fous, et d'autres plus sérieux, mais ils devront tous correspondre au filtre des « Échanges et Voyages » et de la connaissance de soi. Vous échapperez ainsi au risque d'adopter un ensemble incohérent de bonnes causes. L'histoire a une valeur différente pour différentes personnes à différents moments.
    Dans le cas de la région métropolitaine de Toronto, où je passe une grande partie de mon temps maintenant, je tiens beaucoup à ce que les gens se familiarisent avec le présent, avec le pays tel qu'il est, avec les autres régions et les autres communautés du Canada. Ils doivent le faire beaucoup plus que dans le passé parce qu'il y a un profond esprit de clocher qui se développe parmi les différents groupes de différentes origines. Quand on considère la région métropolitaine, la répartition des communautés est telle qu'il est très courant que beaucoup de gens — par exemple ceux d'Asie du Sud-Est à Brampton ou bien les Asiatiques de Markham — n'aillent dans le centre-ville qu'une fois par an et que leurs enfants ne le fassent quasiment jamais, à moins que l'école n'organise une visite ou quelque chose de ce genre.
    Il y a beaucoup de gens à Montréal, Vancouver, Toronto et Winnipeg qui n'ont jamais vu une autre région du pays. Ils ne sortent que très rarement de la ville où ils vivent et ne connaissent même pas les autres gens qui s'y trouvent. Voilà l'occasion de dire à tous ces gens: « Soyez créatifs. Vous avez toutes les idées, mais vous devez vous mêler aux autres et voir autre chose si vous voulez figurer au programme de cette saison particulière. »
(0945)
    Je vous remercie.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous pouvez poser une question très rapide.
    D'accord.
    Monsieur Levine, mon collègue, M. Calandra, a posé une question générale au sujet de… J'aimerais en savoir un peu plus sur la mise en œuvre du projet 2017. Comment comptez-vous entrer en contact avec les collectivités et avec les gens pour commencer à organiser les choses?
    C'est une très bonne question.
    Nous devons en premier communiquer avec le public pour l'informer de ce qui se passe. Il faudra s'y prendre bien avant 2017, peut-être au dernier semestre ou trimestre de 2015. D'ici là, nous saurons si nous avons le feu vert. Nous aurons fini d'évaluer les différents modèles de sélection, un peu comme dans les épreuves de qualification des athlètes, en vue de choisir les jeunes artistes qui font partie des finalistes. Il est évident que nous userons de différentes techniques de communication, allant des médias sociaux et d'Internet aux médias traditionnels.
    Nous envisageons comme possibilité, dans le cadre du processus de sélection, d'organiser un événement télévisé en 2016, qui serait présenté sous forme d'une série. Bien que nous n'ayons pas encore arrêté notre choix sur ce modèle, c'est au moins l'une des options qui s'offrent à nous. Cela explique nos discussions avec l'éminent producteur de télévision que j'ai mentionné. Si nous optons pour la série télévisée, nous devrons apprendre à utiliser ce moyen extraordinaire comme s'il s'agissait d'une annonce d'une durée d'un an faisant la promotion des manifestations de 2017. Une fois qu'on a accédé aux médias de masse, on touche déjà un très grand nombre de collectivités.
    Nous pouvons cependant en faire davantage en recourant aux médias sociaux. Nous pouvons en fait prendre contact sur une base individuelle avec les organisations et les centres communautaires. Nous pouvons toucher les conseils scolaires, les bibliothèques, les églises, les organisations culturelles représentant les différentes communautés, les conservatoires ainsi que les universités et les facultés pour qu'elles incitent leurs meilleurs éléments à se présenter. Au départ, il suffirait probablement d'envoyer un enregistrement ou une forme quelconque d'audition en ligne. Il serait également possible d'envoyer des jurys faire le tour du pays, ce qui pourrait être très intéressant comme moyen pour diffuser l'information et susciter l'enthousiasme.
    J'ai cependant l'impression que cela fera boule de neige. Une fois l'annonce faite, une fois que les gens auront commencé à y penser comme s'il s'agissait de faire partie de l'équipe olympique canadienne — sauf que ce serait en musique cette fois —, je pense qu'ils sauront quoi faire. Je n'ai pas l'impression qu'il serait alors difficile de toucher l'ensemble du pays.
(0950)

[Français]

    Merci, monsieur Levine.
    Je cède maintenant la parole à M. Scott Simms.

[Traduction]

    Je voudrais revenir sur certains points mentionnés par M. Thorsell. J'aimerais cependant que tous les témoins présentent leur point de vue.
    Il y a bien des années — je ne dirai pas combien, car cela trahirait mon âge —, j'étais cadet de l'Air. J'avais eu l'occasion de faire un voyage en Alberta. Le groupe, qui comprenait deux jeunes de chaque province, suivait un cours de survie dans les bois. J'ai rencontré là quelqu'un qui est devenu un excellent ami. Venant de Québec, il ne connaissait que quelques mots d'anglais, et je n'avais moi-même que des connaissances très rudimentaires du français. Les relations qui se sont établies entre nous se fondaient sur nos points communs. D'abord et avant tout, nous n'aimions ni l'un ni l'autre les Canadiens de Montréal. Voilà, c'est dit. À part cela, pour ce qui est du territoire et des ancêtres, le scénario était à peu près le même. La seule chose qui nous séparait était la langue. Je mentionne cela simplement à cause des arguments que vous avez présentés, monsieur Thorsell, au sujet des échanges et des voyages. Je crois que nous avons tendance à sous-estimer la valeur d'une telle expérience dans l'édification d'une nation.
    Nous voyons ici les jeunes qui viennent dans le cadre de Rencontres du Canada. C'est un programme extraordinaire. J'aimerais qu'il soit étendu à toutes les provinces. S'il faut l'établir dans une capitale provinciale, je n'y verrais pas d'inconvénient.
    Il y a, à St. John's, à Terre-Neuve, une demande phénoménale de congrès nationaux. Quand j'y vais et que je parle à des gens venant de différents endroits du pays, je leur demande si c'est la première fois qu'ils assistent à un congrès à Terre-Neuve. Ils me répondent que tout le monde veut venir dans la province parce que chacun y trouve un milieu tellement différent du sien qu'il a peine à croire que c'est le même pays.
    Je suis donc bien d'accord avec vous. Je crois même que j'ai ressenti les mêmes palpitations que M. Benskin. Vous parlez d'un scénario que nous devons incarner. Tout ce qui l'alimentera, comme les médias sociaux, va le renforcer comme prolongement de nous-mêmes. Sans vouloir trop verser dans le mcluhanisme, je dirais que le médium est certainement le message dans ce cas.
    L'une des choses que vous avez mentionnées et que j'ai de la difficulté à saisir, c'est l'idée de laisser quelque chose à la postérité. Personnellement, je crois que les relations interpersonnelles et les échanges dont vous parlez constitueront en soi un héritage intangible.
    Pour ce qui est de votre pont piétonnier, je crois que c'est une idée fantastique à cause de la richesse du symbolisme et de l'expérience. Toutefois, en donnant 50 millions de dollars à chaque province et territoire, on leur permettrait de réaliser un projet à laisser en héritage. Je vous remercie d'avoir avancé cette idée.
    Je voudrais demander ceci à chacun des témoins: si, à titre de responsable de ce programme, vous pouvez dire à chaque province que vous allez lui donner 50 millions de dollars, lui demanderiez-vous de vous montrer ce qu'elle envisage ou bien de vous dire comment elle peut enrichir le scénario national? Je ne sais pas si la question est sensée, mais je vous demande en fait de me dire ce que vous envisagez comme héritage permanent de ces célébrations.
    Cette partie vient de mon document détaillé que vous avez évidemment lu. Elle ne se trouve pas dans le texte abrégé.
    Tout d'abord, comme héritage au niveau des relations, il y aurait les programmes visant à mettre les gens en contact les uns avec les autres. Le gouverneur général en a un qui lui permet d'organiser quelque chose chaque année. Différentes organisations envoient des groupes d'enfants voyager dans le pays. Tous ceux qui participent à ces voyages disent: « Cela a changé ma vie et ma façon de voir le pays. » Ils se font des amis et nouent toutes sortes de relations. Toutefois, dans une année comme 2017, il faudrait que ces programmes soient plus étendus d'un ordre de grandeur.
    En 1967, l'Expo a en fait coûté moins d'argent aux contribuables qu'on ne l'avait prévu. Le coût assumé par les contribuables s'est élevé à environ 220 millions de dollars de 1967. C'est le coût de l'Expo, pas celui du Centenaire. Si on utilisait le même montant en dollars courants, on pourrait organiser le plus grand mosh pit de l'histoire du pays…
    Des voix: Oh, oh!
    M. William Thorsell: … en finançant les gens pour faire toutes sortes d'échanges et de voyages.
(0955)
    Non, c'est la Chambre des communes que vous êtes en train de décrire.
    Ensuite, au lieu d'avoir des îlots contenant des bâtiments construits pour être démolis six mois plus tard, comme à l'Expo où seuls quelques bâtiments ont pu être sauvés… Donc, au lieu de construire toutes ces choses provisoires, nous verrions, grâce aux médias numériques d'aujourd'hui, que chaque personne qui revient de son voyage de deux semaines à Prince Rupert, par exemple, où elle a rencontré toutes sortes de gens, ira sur Internet pour créer des pages Facebook. Il y aurait un héritage extraordinaire de relations et d'appréciation du pays. C'est la chose la plus importante qu'on puisse faire. Elle est invisible, mais essentielle. Je suppose qu'on ne pourrait pas la mettre à l'épreuve, mais elle n'en est pas moins fondamentale pour l'avenir du pays.
    Je n'ai rien à ajouter à cela, sauf que j'aimerais aussi connaître le point de vue des autres, mais je voudrais très simplement demander s'il serait bon de généraliser le programme Rencontres du Canada partout dans le pays. Faudrait-il réunir des jeunes de tout le pays à un endroit comme Prince Rupert? Faudrait-il les envoyer à St. John's, à Terre-Neuve?
    Oui, absolument. Je voudrais dire cependant que vous n'avez pas besoin de concevoir et de réaliser tous ces programmes. Il suffit d'établir le principe pour tous les gens qui veulent réaliser eux-mêmes des programmes.
    La proposition de M. Levine, dont je n'ai entendu parler que ce matin, serait un moyen parfait de faire des échanges et des voyages dans le domaine de la musique. Quelqu'un d'autre pourra réaliser un programme dans le domaine des territoires inexploités, comme vous l'avez fait. Un autre encore le ferait dans le domaine des sports, dans le domaine des clowns ou dans n'importe quel autre domaine.
    Tant qu'il y a un engagement crédible envers des échanges et des voyages, tant qu'on a l'intention de réunir des gens différents pour leur faire voir d'autres coins du pays, on peut examiner n'importe quelle proposition. L'idée est de construire ce pont, aussi bien matériel que virtuel, pour insister sur les personnages de l'histoire du Canada et de la société canadienne et pour faire le lien avec le sentier. Je crois que ce serait un bon souvenir concret de l'année. Toutefois, le véritable héritage à léguer à la postérité est beaucoup plus profond et plus durable que cela. C'est en fait un héritage qui n'a pas de fin, n'est-ce pas? Les gens qui seront allés en Alberta et se seront fait des amis, les gens qui auront découvert que les paysages de l'Alberta sont beaucoup plus beaux qu'ils ne l'auraient imaginé vont y revenir et vont y emmener leurs enfants et peut-être d'autres personnes. Je crois que les incidences peuvent être énormes.
    Si vous établissez un filtre stratégique rigoureux pour l'année et que vous créez une image de marque, si vous dites que quoi qu'on fasse, tout le monde participera au jeu des échanges et des voyages, je crois que nous pourrons arriver à faire quelque chose.
    Monsieur Levine.
    Je suis vraiment très, très heureux que vous ayez soulevé la question de l'héritage parce que c'est une chose à laquelle je pense beaucoup. Quand on parle d'héritage, je crois que nous pensons tous à des choses d'une grande permanence et d'une grande valeur. À mon avis, cela peut prendre deux formes. Il y a d'abord les monuments qui servent de point de repère dans nos villes et nos espaces publics. Il y a ensuite ce que j'appellerai les monuments de la conscience humaine, c'est-à-dire les choses qui vivent en nous. Nous avons parfois tendance à sous-évaluer ces choses parce que nous ne pouvons pas les voir. Nous les ressentons, nous les échangeons, mais, pour comprendre à quel point elles peuvent être puissantes et durables, je vais peut-être vous raconter une anecdote.
    J'avais lu avec un grand intérêt, il y a huit ou dix ans, que des chercheurs de l'Université Laval faisaient le tour des petites collectivités rurales du Québec pour recueillir les chansons folkloriques que les gens de la campagne chantaient encore. Ils sont arrivés à retrouver en France les origines de ces chansons, qui remontaient au Moyen Âge ou, plus exactement, au XIIe siècle. Aucune de ces chansons folkloriques n'avait été préservée en France à cause de la rupture brutale provoquée par la Révolution française. C'est seulement au Québec qu'elles existaient encore. Imaginez 800 ans d'un héritage conscient partagé. C'est une chose qui cimente les relations entre les gens et qui est très fortement ressentie.
    Lorsqu'on crée des expériences qui sont partagées par des gens, qu'elles soient positives, tragiques ou traumatisantes, elles nous affectent et ont des effets très durables. C'est donc vraiment l'occasion de créer ce genre d'expériences aussi intenses qu'enrichissantes. Ceux d'entre nous qui ont vécu l'année du Centenaire — nous n'étions probablement pas tous là — connaissent le pouvoir transformateur de telles initiatives. Nous avons tous chanté les chansons. Nous avons tous partagé la fierté. Nous avons tous ressenti ce grand élan de confiance. Je crois que nous portons tous en nous aujourd'hui une part de cette expérience et que nous l'avons probablement transmise à des jeunes qui n'ont pas vécu ces événements.
    Nous avons bien sûr des sites et des édifices historiques vraiment magnifiques. Il est évident qu'il faut en ajouter d'autres et qu'il est nécessaire de les entretenir, de les préserver et de les chérir parce qu'ils sont le symbole de cette expérience intérieure. Toutefois, si nous pouvons investir dans un héritage de conscience, je suis persuadé qu'il paiera des dividendes durables pour l'ensemble du pays.
(1000)
    Merci, monsieur Levine.
    Puis-je demander aux membres du comité la permission d'accorder deux minutes supplémentaires pour que Mme Healey puisse elle aussi répondre aux questions de M. Simm?
    Très bien, j'essaierai d'être concise.
    Je dois dire que j'ai du mal à imaginer un historien qui ne pense pas que le passé est là pour nous guider vers l'avenir. Je n'aimerais cependant pas qu'on suppose que je ne fais que me tourner vers le passé. En effet, les historiens se servent du passé pour progresser vers l'avenir. C'est là une observation critique.
    J'étais en train de réfléchir aux gens qui participent à l'histoire. Avec les échanges et les voyages, je crois que nous avons besoin de ressources numériques. Ayant vécu un peu partout dans le pays — je vis actuellement à l'ouest de l'Ouest, tellement loin sur la côte que les gens oublient que cet endroit fait partie de l'Ouest —, j'aimerais que cette initiative soit le plus inclusive possible. Venant de la côte Ouest, je peux témoigner du fait qu'il est extrêmement difficile pour nos jeunes de sortir de la Colombie-Britannique. C'est la raison pour laquelle ils prennent tous la direction du Sud. Les déplacements se font entre le Nord et le Sud, au lieu de se faire entre l'Est et l'Ouest, parce que nous avons un immense pays. Je crois que nous devrions favoriser les programmes qui permettent aux étudiants de faire des échanges et des voyages. Étudiante, j'ai participé à beaucoup de ces programmes.
    Imaginez cependant ce que nous pourrions faire si nous disposions de ressources numériques reliant les salles de classe du pays, reliant les collectivités des Premières nations aux collectivités non autochtones, reliant anglophones et francophones, reliant les gens de Richmond à ceux de St. John's. Je crois que des possibilités de ce genre existent aujourd'hui. Voilà le genre d'héritage qui favoriserait notre progression à l'avenir.
    Nous pouvons donc échanger et voyager. J'aimerais bien que cela se fasse matériellement, mais je crois que nous pouvons également le faire sur le plan virtuel.
    Merci beaucoup, madame Healey.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Andrew Cash.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Non, je m'excuse. Je me suis trompé.
    Je vais d'abord donner la parole à M. Armstrong.
    Nous avons la plus grande sympathie pour vous en ce premier jour où vous assumez la présidence. Félicitations.
    C'est en fait le deuxième jour.
    C'est le deuxième jour. Je m'excuse.
    J'essaie d'organiser les questions que j'ai à poser. Étant moi-même historien, je vais commencer dans le passé.
    Madame Healey, vous avez parlé d'un scénario numérique. Vous avez mentionné des événements de notre passé que nous devrions célébrer pour mieux renseigner les gens, y compris ceux qui sont venus longtemps après les événements historiques qui se sont produits dans nos collectivités.
     En pensant aux dates qui revêtent un sens particulier en 2017, je pense à deux événements qui me touchent de près parce que je viens de la Nouvelle-Écosse et que mon grand-père était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale. Le 9 avril 1917, nous avons eu la bataille de la crête de Vimy, dont ce sera le centenaire en 2017. Le 6 décembre 1917, nous avons eu l'explosion d'Halifax, événement d'une grande importance dans notre histoire, particulièrement sur la côte Est. En effet, la collision du Mont-Blanc et de l'Imo a tué des milliers de personnes à Halifax et a complètement détruit une grande partie de la ville. Je suis sûr que d'autres événements importants ont eu lieu cette année-là dans d'autres régions.
    À votre avis, pouvons-nous utiliser certains de ces événements et autres qui ont marqué l'histoire du Canada comme points de convergence pour rapprocher les gens de différents coins du pays? J'aimerais bien, par exemple, qu'on organise une cérémonie non seulement au Canada, mais aussi à la crête de Vimy, pour célébrer le centenaire de la bataille et le 150e anniversaire du Canada. Je crois que la bataille de la crête de Vimy a marqué le début de notre sens de l'identité nationale. En effet, c'est à ce moment que le Canada a été reconnu dans les documents européens et américains comme nation, et pas seulement comme élément de la force expéditionnaire britannique.
    Je vais m'arrêter là. Pouvons-nous utiliser certains de ces événements marquants, et particulièrement le centenaire de certains épisodes de la Première Guerre mondiale pour essayer de rassembler les Canadiens?
(1005)
    Nous le pouvons certainement. Cela me ramène d'ailleurs à mes observations concernant le besoin d'utiliser le patrimoine local pour le rattacher au grand scénario national. Par conséquent, oui, j'estime que l'enthousiasme, les occasions, les bénévoles qui travaillent à ces endroits et qui pourraient participer aux célébrations, tout cela peut faire partie du scénario national.
    Vous avez parlé de l'explosion d'Halifax. C'est un événement qui a littéralement transformé l'aspect de la ville. C'est une histoire qu'il y aurait lieu de raconter ailleurs dans le pays, pas seulement en Nouvelle-Écosse. L'événement s'est produit en Nouvelle-Écosse, mais il fait partie du patrimoine national.
    Je verrais bien cela se produire partout dans le pays.
    Monsieur Thorsell, vous parlez de voyages partout dans le pays. Depuis près de 150 ans, 80 p. 100 de la population du Canada vit dans la bande de 200 kilomètres située au nord de la frontière américaine. La plus grande partie de notre histoire s'est déroulée dans cette bande. Je crois par ailleurs que nous vivrons une bonne partie des 150 prochaines années plus au nord, pour établir notre souveraineté, surtout dans le contexte des décisions que les Nations unies doivent prendre en 2013 et au-delà.
    Monsieur Thorsell, en parlant d'échanges et de voyages, croyez-vous qu'il serait possible d'utiliser le 150e anniversaire pour déplacer nos gens vers le nord, établir une plus grande souveraineté dans cette région et inciter la population à s'attacher davantage à nos régions septentrionales? Cela pourrait constituer, je crois, un héritage durable de cet anniversaire. Qu'en pensez-vous?
    Je crois que c'est un exemple parfait de ce qu'il est possible de faire.
    Pour revenir à votre exemple précédent, c'est là que nous aurions besoin d'une certaine discipline. Par exemple, pourquoi faudrait-il axer le 150e anniversaire sur des choses telles que l'explosion de Halifax ou la bataille de la crête de Vimy, qui remontent à une centaine d'années? Il y aurait un risque de dispersion des efforts. On nous proposera beaucoup de bonnes causes et d'idées valables, ce qui nous fera courir le risque de dire que c'est une bonne chose. Il ne s'agira pas d'événements remontant à 150 ans, mais peut-être à 20 ou 50 ans.
    Encore une fois, nous avons besoin de rigueur, d'une image de marque, d'une convergence stratégique pour réaliser certaines choses en 2017. Je suis donc tenté de dire que toutes ces choses représentent d'excellentes idées, sauf qu'elles ne s'inscrivent pas dans le cadre établi parce que nous avons des choses importantes à faire et que nous devons concentrer nos efforts. À moins qu'il ne soit possible de trouver un moyen d'utiliser l'explosion de Halifax comme thème pour organiser des échanges et des voyages.
    De toute évidence, nous avons de vastes étendues du pays qui ont une population clairsemée, que peu de Canadiens connaissent et qu'il nous serait possible de coloniser en quelque sorte d'ici 2017. En un sens, ce serait une année d'auto-colonisation, n'est-ce pas? Tous ces gens d'Edmonton, où j'ai grandi, qui n'ont jamais vu l'Ontario et encore moins les provinces de l'Atlantique, pourront aller coloniser leur propre pays. Nous allons sortir de chez nous pour aller à la découverte.
    Préparez un projet et faites-en la promotion comme défi pour le pays, le défi de se connaître soi-même. Ouvrez le projet à toutes sortes d'idées. Dites aux gens de venir vous parler de leurs idées. Dites-leur qu'aucune idée ne sera jugée folle si elle implique d'échanger et de voyager. Vous constaterez alors qu'un nombre incroyable de personnes viendront vous proposer avec joie et même avec une certaine dose de malice de constituer un groupe pour aller, par exemple, camper à Spence Bay, organiser des randonnées d'une dizaine de jours, et ainsi de suite.
    Vous seriez vraiment surpris de voir la créativité, l'enthousiasme et même la concurrence que peuvent susciter ces projets. Les groupes viendront vous dire: « J'ai une meilleure idée pour faire telle ou telle chose. » Ce serait en quelque sorte un projet national partagé. On chercherait qui a la meilleure idée pour échanger et voyager, pour rassembler des gens en fonction non seulement de l'ethnie, mais aussi de l'âge, des handicaps, etc. Nous aurions des propositions, comme celle de Brian, par exemple, qui permettraient à un nombre extraordinaire de personnes différentes d'apprendre à se connaître et à connaître le pays.
    J'ai d'ailleurs pensé à quelque chose pendant que vous parliez. Du temps où je travaillais pour le Globe and Mail, nous avions essayé de couvrir le multiculturalisme d'un point de vue médiatique. Ce n'était pas facile. Comment faire? J'ai demandé à des journalistes d'aller dans l'une des écoles secondaires les plus multiculturelles de Toronto et d'y passer deux semaines pour voir comment les étudiants s'entendaient entre eux. Que se passait-il? Y avait-il des batailles rangées à la cafétéria? Y avait-il des bandes et des cliques? J'ai donc demandé à ces journalistes d'aller là et d'essayer de faire partie du paysage.
    Ils sont revenus deux semaines plus tard me dire que les jeunes s'entendaient vraiment très bien. Il y en avait qui sortaient ou allaient faire du sport ensemble. Il y avait relativement peu de conflits, et la police n'avait pas à intervenir. Pourtant, tous ces jeunes venaient de milieux très différents. J'ai demandé aux journalistes: « Voulez-vous dire qu'il n'y a aucun reportage à faire à ce sujet, sauf pour dire que tout va bien? » Ils m'ont répondu: « Non. Le vrai problème, ce sont les parents. » C'est parce que les parents d'une jeune Chinoise étaient consternés parce que leur fille sortait avec un jeune blond de Rosedale. La mère était en colère parce que sa fille voulait apprendre la danse plutôt que la physique. Il y avait donc beaucoup de conflits intergénérationnels. L'histoire que nous avions à raconter portait donc non sur les jeunes entre eux, mais plutôt sur les relations tendues qu'ils avaient avec leurs parents à cause de leurs fréquentations ou de leurs projets de carrière.
    Quoi qu'il en soit, il y a là d'excellentes possibilités d'intéresser les gens au Canada, de les rendre plus mobiles et de consolider nos revendications sur notre propre territoire.
(1010)
    Monsieur Levine, je crois que vous avez un projet vraiment extraordinaire. Pendant mes études, j'ai participé à quatre échanges de jeunes, dont deux étaient d'ailleurs entre la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse. Il n'y a pas seulement le défi de la géographie, il y a aussi celui des fuseaux horaires. Le temps d'arriver, de se reposer et de se remettre du décalage horaire, c'est déjà le moment de rentrer. S'il faut organiser des voyages d'un océan à l'autre, il conviendrait peut-être de prévoir des séjours prolongés pour remédier tant au problème géographique qu'à celui du décalage horaire.
    Monsieur Levine, je trouve votre programme particulièrement intéressant, surtout en ce qui concerne l'envoi d'enfants dans différentes régions. Voici ma préoccupation à ce sujet. Nous avons entendu dire que ce projet ne se prête pas à une approche descendante et qu'il est nécessaire de l'aborder en mode ascendant. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne peuvent donc pas imposer trop de restrictions et vous dire que vous devez faire ceci ou cela.
    Le projet que vous préparez déjà se caractérise par une approche très ascendante. Nous devons donc simplement trouver un modèle pouvant vous appuyer et appuyer d'autres personnes. Avez-vous des suggestions à nous présenter au sujet des recommandations à formuler pour soutenir des programmes comme le vôtre, qui se basent sur une vision ou un concept? Comment pouvons-nous vous appuyer sans imposer de restrictions sur les idées que vous avez déjà développées?
     Pour revenir à ce que j'ai dit précédemment, nous avons besoin de comprendre les paramètres de base de ce que le gouvernement attend de nous. Dans le cas de notre modèle, le gouvernement ne devrait pas nous dire qu'il aimerait avoir X musiciens qui devront se produire dans un nombre X de villes. Il faudrait plutôt donner à l'ensemble des Canadiens la possibilité de participer à un échange culturel, qu'il s'agisse de littérature, d'événements interconfessionnels, de musique, de peinture ou de n'importe quoi d'autre. Avec de tels échanges, il sera possible d'atteindre l'objectif d'établir des communications durables entre les participants et, partant, entre leurs collectivités.
    C'est une façon très générique de décrire la chose, mais si on comprend les résultats attendus, si ceux-ci sont clairement définis dans le mandat accompagnant tout financement accordé — il y aura bien sûr des rapports par la suite —, il serait possible de remplacer tous les petits détails par un tableau d'ensemble expliquant comment cette année de transformation changera notre pays et notre société.
     Par conséquent, si vous pouviez adopter une vision plus globale allant au-delà de tel ou tel nombre de musiciens se produisant dans tel ou tel nombre de villes, je crois que ce serait un excellent point de départ. Si vous pouviez prendre cette optique en tenant compte bien sûr des limites évidentes… Il va sans dire qu'en travaillant avec des jeunes, il faut prendre certaines précautions pour assurer leur sécurité, avec un contrôle des références de ceux qui les encadreront et tout le reste. Bref, si vous êtes prêts à faire confiance aux gens, aussi bien ceux qui doivent créer que le public participant, vous établirez un forum qui permettra à tous les Canadiens de se retrouver ensemble.
    Nous ne sommes pas inintelligents. Nous trouverons toujours des moyens d'atteindre les objectifs fixés. Si vous voulez bien nous donner un petit coup de pouce, je crois que les Canadiens sont capables de faire le reste.
(1015)
    Merci beaucoup, monsieur Levine.

[Français]

    Nous allons maintenant entamer le deuxième tour. Le temps alloué aux questions sera plus court, soit de cinq minutes.
    Je vais céder la parole à M. Andrew Cash.

[Traduction]

    Nous avons eu une séance extraordinaire ce matin. Je vous en remercie tous les trois. Nous en sommes arrivés à attendre de vous des apports de ce calibre.
    Monsieur Thorsell, je voudrais vous dire à titre personnel que vous avez fait, je crois, un travail exceptionnel au Musée royal de l'Ontario et, bien sûr, au Globe and Mail. C'est un honneur de vous accueillir au comité aujourd'hui.
    Monsieur Levine, je pense que l'idée de créer, ici au Canada, un prix Nobel d'excellence en musique est absolument fantastique et que vous trouverez dans cette salle de nombreux alliés si vous voulez aller plus loin dans cette voie.
    Ces idées sont excellentes. Comme je n'ai que cinq minutes, j'espère que vous pourrez me répondre succinctement.
    Au Venezuela, El Sistema est un programme remarquable auquel participent 250 000 jeunes.
    Le nombre a en fait déjà atteint un demi-million.
    Vous dites qu'il y en a déjà un demi-million. C'est vraiment remarquable.
    Vous connaissez l'histoire. En 2007, un prêt a permis de recueillir beaucoup d'argent qui a servi à construire plusieurs centres régionaux d'El Sistema. Mais les bâtiments qui ont été construits ne forment qu'une partie de l'héritage durable de ce programme, qui comprend aussi tout ce que contiennent ces bâtiments.
    Nous avons eu, je crois, une dizaine d'heures d'El Sistema à Toronto. Combien d'enfants le programme dessert-il à l'heure actuelle?
    Il faut comprendre qu'El Sistema Toronto n'a commencé ses activités qu'il y a quatre ou cinq semaines. C'est un tout nouveau projet pilote.
    D'accord, c'est bien compris. Nous passons à autre chose.
    Lorsque j'ai écouté M. Thorsell exposer son excellente idée, j'ai pensé que nous pouvions tous rentrer chez nous. Nous avons là le plan qu'il nous faut. Nous n'avons pas besoin d'en faire davantage. Nous n'avons pas à nous procurer un défibrillateur pour remédier aux palpitations que ce projet suscite… En fait, il faudrait peut-être en obtenir plusieurs.
    En vous écoutant, j'ai pensé qu'il y avait un groupe que vous n'avez pas mentionné. Vous l'auriez peut-être fait si vous aviez eu plus de temps: c'est le mélange des classes sociales, dont Mme Healey a parlé. C'est une question qui deviendra de plus en plus importante au Canada. Nous avons pu nous en rendre compte au Canada et en Amérique du Nord en observant le mouvement des indignés.
    C'est un aspect essentiel des échanges dont vous parlez. Vous y avez fait allusion en parlant des enfants de Jane-Finch. Nous savons que c'est un énorme problème dans notre ville et partout dans le pays. Nous avons déjà de la difficulté à amener les gens à se rencontrer dans les villes. El Sistema constitue la tribune idéale pour cela, tout en laissant un héritage qui va au-delà des arts et de la culture et s'étend aussi à la sécurité publique, à l'éducation, à l'épanouissement des enfants. C'est un programme qui cimente les familles et qui permettrait au gouvernement fédéral d'épargner beaucoup d'argent sur la construction de prisons.
    Croyez-vous qu'une idée de ce genre aurait sa place dans le cadre de la célébration du 150e anniversaire du Canada?
(1020)
    Parlez-vous du programme El Sistema?
    C'est une autre idée qui semble bien s'inscrire dans les paramètres de ce filtre rigoureux dont je parle. Le développement de tels programmes serait très compatible avec cette idée.
    Une question a déjà été posée sur la façon de procéder. En 1967, nous avions une Commission du Centenaire. Par conséquent, nous aurions peut-être besoin d'une Commission du 150e anniversaire d'une forme ou d'une autre. Avec un mandat rigoureux, elle pourrait non seulement recevoir des idées sur le thème des échanges et des voyages, mais aussi en susciter, particulièrement dans le domaine du mélange des classes sociales qui constitueraient, je crois, une excellente idée. Parfois, les gens n'imaginent pas très bien la façon de le faire, mais avec une commission de ce genre, on pourrait, sans avoir à concevoir des programmes, dire aux gens: « Il y a quelqu'un qui a eu cette idée. Peut-être y en a-t-il d'autres qui voudraient faire la même chose. » Il deviendrait possible ainsi de promouvoir l'idée des échanges et des voyages. Il suffirait de donner un petit coup de pouce, sans se lancer dans la conception de programmes.
    Vous avez dit que nous avons besoin de nous concentrer. Je suis bien d'accord, car il est facile de disperser ses efforts. Nous avons besoin de penser à l'héritage que nous voulons léguer et d'arrêter notre choix sur l'idée à retenir et l'auditoire à cibler. Cela revient à demander: Qui sommes-nous? Comme vous l'avez dit, il s'agit de se connaître soi-même, n'est-ce pas?
    Pour revenir à ce merveilleux petit programme qui s'est développé à un rythme foudroyant au Venezuela, pays beaucoup plus petit et beaucoup moins riche que le nôtre, nous sommes à la recherche d'un cadre ou d'un thème pour ce 150e anniversaire. Prendre des enfants, mélanger les ethnies, les régions, les classes, la musique… L'un des problèmes de la musique classique, comme nous le savons, c'est que c'est souvent une chasse gardée de la classe privilégiée. C'est un fait. C'est ainsi que les choses ont évolué.
    J'ai eu l'occasion de parcourir le pays et de connaître d'autres gens parce que je jouais de la musique. J'ai pu faire le tour du pays, peut-être 25 fois. C'est une expérience extraordinaire. Je crois que nous devrions nous efforcer de réaliser ce genre de mélange. Nous avons des programmes fédéraux et des programmes provinciaux qui visent à permettre aux gens de se rencontrer.
    La musique est vraiment un moyen remarquable de jeter des ponts. J'encourage vraiment le comité, avec l'apport de vous tous, à approfondir l'idée d'un modèle semblable à celui d'El Sistema.

[Français]

    Merci, monsieur Cash.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Jim Hillyer.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Thorsell, vous parlez dans votre mémoire du fait qu'Expo 67 a été un phare qui a soulevé l'enthousiasme de tout le monde, dont nous parlons encore et dont nous gardons le souvenir. Vous avez également dit qu'Expo 67 n'a pas eu d'effets durables sur le pays, qu'elle a influé davantage sur nos souvenirs que sur nos vies car, peu après l'Expo et les célébrations du Centenaire, certains événements ont déchiré le pays, comme la crise du FLQ et l'aliénation de l'Ouest.
    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Est-il simplement naturel de s'attendre à ce que cet anniversaire constitue un événement grandiose qui aura des effets durables sur l'unité du pays? Devrions-nous nous limiter à une simple fête? La célébration du Centenaire comportait-elle des lacunes dont nous pouvons tirer des enseignements pour les 150 ans du Canada?
(1025)
    C'est une bonne question.
    Je crois que nous pouvons être un peu trop présomptueux à cet égard. Comme je l'ai dit dans le mémoire, il n'y a rien de mal à organiser une grande fête pour le simple plaisir de célébrer, sans viser des retombées particulières. Bien sûr, Expo et le Centenaire ont eu des incidences sous forme d'une multitude d'ouvrages d'infrastructure. Il y a, partout dans le pays, des salles de concert, des bibliothèques, des centres d'arts, des ponts, des trottoirs qui ont été construits à l'occasion de l'Expo ou du Centenaire.
    Comme je l'ai dit, les choses auraient pu être pires sans l'Expo parce que des événements désagréables se sont produits très peu de temps après. Cela n'avait rien à voir avec le Centenaire. Pour Pierre Berton, 1967 a été la dernière bonne année du Canada jusqu'aux années 1990. En effet, les problèmes se sont succédé sans cesse. La situation avait peut-être des causes mondiales et historiques. C'est la raison pour laquelle, ayant connu l'Expo et m'étant beaucoup amusé à 21 ans à Montréal, lorsque j'ai pensé à 2017, je me suis demandé s'il était possible d'envisager autrement cet anniversaire, de façon à avoir des conséquences plus positives et plus durables que celles d'une simple exposition mondiale, d'un autre bâtiment ou d'une autre grande fête.
    Pour ce qui est de la situation actuelle du pays et de son orientation, on dit que si vous gardez le cap, vous avez de bonnes chances d'atteindre votre destination. En matière de multiculturalisme, je crois que nous allons dans la bonne direction. Nous n'avons donc pas besoin de changer de cap. Comme je l'ai dit dans le mémoire, si cela est vrai, accélérons, agrippons-nous bien au volant et assurons-nous de ne pas finir dans le fossé parce que le multiculturalisme doit maintenant affronter des défis plus sérieux.
    Il n'y a pas de garanties, mais j'aime bien l'idée de Brian concernant un héritage de conscience, de relations et de formation du caractère. Ce sont là des choses extrêmement importantes pour un pays. J'admire beaucoup cette réunion du comité parce que la plupart des pays n'ont même pas la capacité de réfléchir comme nous le faisons à leur propre existence et à leur avenir. Les pays pensent à des choses beaucoup plus terre-à-terre parce qu'ils ne sont pas aussi riches que nous, ou peut-être encore parce qu'ils n'ont pas le même passé que nous. C'est merveilleux de pouvoir, comme pays, envisager un 150e anniversaire comme une année pour créer des idées plutôt que des « choses », une année pour rechercher des relations plutôt que des trophées. C'est merveilleux de pouvoir en parler comme nous le faisons.
    Je vous remercie.
    Madame Healey, je comprends et partage votre préoccupation au sujet de la révision de l'histoire. Je suis bien d'accord: nous devons raconter notre histoire sans rien y changer.
    Je n'en sais pas suffisamment sur la course en canot des Voyageurs pour pouvoir en parler. Vous avez dit que les participants étaient en majorité des blancs anglo-saxons protestants, alors que les vrais Voyageurs étaient des Métis, des membres de Premières nations et des Français. A-t-on vraiment essayé de réécrire l'histoire ou bien était-ce simplement que ce sont surtout des blancs anglo-saxons protestants qui se sont offerts pour y participer? Dans ce cas, c'était une mauvaise idée de ne pas inclure des gens, mais ce n'était pas vraiment une révision de l'histoire.
    Dans le cas de la parade de Noël, nous savons que Joseph et Marie n'étaient pas vraiment de petits enfants et que les trois mages sont venus, non pas la naissance, mais deux ans plus tard. Toutefois, nous ne nous soucions pas beaucoup de ces détails.
    Serions-nous choqués si des Chinois, des Pieds-Noirs et des Panjabis participaient à une parade organisée en commémoration de la guerre de 1812, alors que leurs ancêtres n'étaient pas vraiment là?
    Ma question revient en fait à ceci: Comment pouvons-nous nous assurer de ne pas réécrire l'histoire sans pour autant s'attacher à des détails de ce genre?
    Permettez-moi de dire que l'histoire que nous décidons de raconter en dit beaucoup sur ce que nous sommes. Cette course particulière présentait un scénario nationaliste précis qui ne reflétait pas ce qui s'était réellement passé. Je ne vois aucun inconvénient à ce que des gens veuillent participer à des reconstitutions organisées pour des enfants de toutes les origines ethniques dont les ancêtres n'ont peut-être pas pris part à l'événement commémoré. Il ne s'agirait là que de participer à une histoire, ce qui n'a rien à voir avec mon objection. Je soutiens que les gens dont les ancêtres faisaient partie des Voyageurs vivent au Canada aujourd'hui et qu'on ne leur a pas demandé de participer. Voilà où je veux en venir.
    Les nouveaux venus au Canada peuvent bien sûr participer à des histoires concernant le passé du pays, mais je m'oppose à ce que l'histoire du Canada soit modifiée simplement pour rendre les choses plus spectaculaires. Si nous montrons ce genre d'histoire à des touristes, ce serait un peu comme se baser sur un film pour affirmer: Comme j'ai vu cela au cinéma, c'est sans doute vrai. Nous faisons beaucoup d'analyses à ce sujet.
(1030)
    Merci, madame Healey.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à Mme Marjolaine Boutin-Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    Je réalise que je n'ai pas beaucoup de temps. De toute façon, mon collègue M. Cash a déjà posé la première question que je voulais poser. Elle portait sur les réalisations du côté social qui, à mon avis, sont très importantes. On a une occasion de faire avancer le côté social canadien et je pense qu'on a une obligation de le faire lors du 150e anniversaire.
    Je me concentrerai donc plutôt sur les musées. C'est vrai que les musées, petits et grands, ont besoin d'aide pour survivre. Vous avez mentionné les bénévoles. Personnellement, j'ai travaillé pendant une vingtaine d'années dans des musées. C'est vrai que les bénévoles sont très importants, mais ils n'ont pas les mêmes obligations que les employés. Par exemple, en tant que guide animatrice — j'ai une maîtrise —, j'ai pu voir une différence dans la réaction des gens qui faisaient la visite avec un guide professionnel plutôt qu'avec un guide bénévole. On ne peut pas demander les mêmes choses aux bénévoles qu'aux employés permanents.
    Dans le cadre du 150e anniversaire, entre autres, comment pourrait-on donner un coup de main aux musées, non seulement les petits, mais aussi les grands?
    Je pose ma question à Mme Rogers Healey et aussi à M. Thorsell, parce qu'il a l'expérience des grands musées, avec le Royal Ontario Museum. En passant, je viens d'avoir un message de mon mari et il vous fait dire bonjour.
    Madame Rogers Healey, comment pourrait-on aider les musées en général?

[Traduction]

    Je crois vraiment que le financement est un problème. Je pense cependant que le financement des musées locaux devrait provenir d'un certain nombre de niveaux différents, allant du municipal au provincial. À titre de membre du conseil d'administration d'un tout petit musée, je conviens avec vous qu'on peut demander et attendre beaucoup plus des membres du personnel que des bénévoles.
    Pour ce qui est du financement, nous déclarons prioritaires les activités que nous estimons prioritaires. Si nous croyons que le fait de raconter l'histoire locale constitue une importante part de l'histoire nationale, nous l'inscrirons parmi nos priorités.

[Français]

    Ce n'était pas tout à fait ma question.
    Comment peut-on aider les musées à survivre pour qu'ils puissent raconter ces histoires?

[Traduction]

    Pour certains de ces musées, la survie est parfois difficile. Quelques-uns d'entre eux ont un budget tellement serré qu'ils n'ont vraiment qu'une très faible marge de manœuvre.
    Je crois qu'il faudra trouver quelque chose. Il faudra bien que quelqu'un s'engage à payer quelques employés pour les musées. À part cela, il faut de la volonté. Nous avons besoin d'une volonté politique à cet égard.
    Autrement, nous allons perdre notre histoire.

[Français]

    Monsieur Thorsell, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je suis un grand partisan des petits musées. J'en fais partie dans ma province. Ils racontent des histoires intimes et personnelles d'une façon que les grands musées, tels que le Musée royal de l'Ontario, ne peuvent pas imiter. Pour la plupart, ils ont une orientation artistique plus marquée.
    Je ne crois pas que nous ayons ce qu'on appelle une stratégie nationale des musées. Il en a été question, il y a quelques années, au niveau fédéral, mais je ne pense pas que cela s'est concrétisé. Nous avons des musées nationaux, mais pas une stratégie nationale régissant tout le secteur et tous les musées grands et petits, où qu'ils se trouvent. L'élaboration d'une stratégie nationale des musées serait probablement une bonne chose.
    Quant à la question de savoir comment cela peut s'inscrire dans la célébration du 150e anniversaire du Canada, je prends l'exemple de l'autobus qui amène des enfants du quartier Jane-Finch au Musée royal de l'Ontario. Ce sont des enfants qui n'ont jamais vu un musée et qui n'ont même pas vu le centre-ville. Sans l'œuvre philanthropique qui a payé leur visite, ils ne seraient jamais venus parce que nous faisons payer un droit d'entrée aux écoliers. Nous avons maintenant tout un programme pour solliciter les oeuvres philanthropiques et leur demander de financer des visites en autobus scolaire pour les enfants des quartiers défavorisés de toute la région métropolitaine de Toronto. Nous leur demandons de financer des visites pour 50 000 écoliers qui n'ont pas les moyens de payer le droit d'entrée. Ces œuvres financent le transport et la visite. C'est encore le principe des échanges et des voyages, n'est-ce pas?
    Ces enfants apprennent à connaître un monde qu'ils n'avaient jamais vu auparavant. Ils viennent dans le centre-ville peut-être pour la première, la deuxième ou la troisième fois de leur vie. Des programmes de ce genre s'inscriraient bien dans le cadre du 150e anniversaire. Vous ne voudrez peut-être pas financer les musées à cette occasion parce qu'ils ne représentent que l'une des nombreuses bonnes causes qui existent partout. Toutefois, si les musées viennent vous voir pour vous expliquer qu'ils ont un message à transmettre et qu'ils veulent aller chercher tous ces gens des quartiers dont les résidents ne vont jamais visiter des musées, ils réussiront peut-être à vous convaincre qu'ils sont admissibles.
(1035)

[Français]

    Votre stratégie nationale pour les musées est très intéressante.
    Avez-vous des suggestions particulières, des idées?

[Traduction]

    Tout d'abord, j'ai été très surpris hier d'apprendre que le gouvernement fédéral avait offert 122 millions de dollars comme contribution au financement du Musée royal de l'Alberta. C'est vraiment surprenant. Je l'ai appris dans l'avion, en venant ici, parce que mon voisin accompagnait à Ottawa la première ministre de l'Alberta, qui devait s'entretenir avec le premier ministre du Canada aujourd'hui. J'ai appris qu'ils ont annoncé dans l'après-midi une contribution de plus de 100 millions de dollars à un musée provincial. Je trouve cela extraordinaire.
    Pour revenir à la stratégie nationale des musées, nous avons un très grand nombre d'établissements différents. Certains sont provinciaux, d'autres sont locaux, d'autres encore sont dirigés par des ONG. Certains n'ont rien à voir avec le gouvernement. Je crois qu'une stratégie nationale des musées devrait s'intéresser principalement non aux plus grands établissements, mais au niveau suivant. Par exemple, le Musée royal de l'Ontario a reçu du gouvernement du Canada une aide précieuse qui lui a permis de s'agrandir. Encore une fois, c'était quelque chose de surprenant parce que le gouvernement fédéral ne finance pas ordinairement des musées provinciaux.
    Surmonter les obstacles créés par la division des pouvoirs, comme vous l'avez fait hier, est une très bonne chose. Je crois que cette aide devrait aller principalement aux petits musées qui ont des histoires plus intimes à raconter et dont les besoins sont relativement plus grands. Voilà un domaine dans lequel vous pouvez faire preuve d'une certaine asymétrie.

[Français]

    Merci, monsieur Thorsell.
    Merci, madame Boutin-Sweet.
    La parole est maintenant à Mme Wai Young.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Je remercie également les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
    J'ai certainement beaucoup appris. Je ne suis pas membre du comité permanent, je ne fais que remplacer quelqu'un. J'apprécie énormément toutes les idées et l'information que vous avez présentées.
    Madame Healey, je suis sociologue et je vis à Vancouver depuis plus de 45 ans. J'ai été témoin de grands changements dans cette ville et partout au Canada. Lorsque je parcours le pays et visite les différentes collectivités, j'ai l'habitude d'aller voir tous les petits musées locaux parce que c'est une passion de mon mari. Mes enfants ont été partout, dans le monde entier; ils ont visité les sites de l'UNESCO, etc.
    Je comprends vraiment le principe des échanges et des voyages, mais j'ai quelques questions à poser et très peu de temps pour le faire. Je serai donc très précise, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Nous avons récemment vécu à Vancouver des Jeux olympiques d'hiver qui comptent parmi les plus réussis du monde. Je crois que votre notion de concept stratégique est vraiment impressionnante. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet, car je pense que Vancouver et les Olympiques ont eu un énorme succès à cause de cela. Tout le monde connaît le programme À nous le podium. Comme pays, nous nous sommes fixé un objectif. Nous y avons associé toutes les collectivités grâce au parcours de la flamme olympique. Ensuite, nous avons joint nos efforts pour atteindre l'objectif commun. Cela a inspiré tous les Canadiens. Il ne s'agissait pas seulement de gagner des médailles. C'était la fierté nationale qui était en jeu.
    Cela étant dit, je crois que nous pouvons aussi profiter de l'occasion que nous offre le 150e anniversaire du Canada pour faire un investissement dans un héritage durable, soit en créant des souvenirs de voyage, comme nous en avons discuté, soit en réalisant un programme concret dont nos enfants et nos petits-enfants pourront profiter dans les années à venir.
    Mes questions précises s'adressent à Mme Healey. Comment pouvons-nous corriger substantiellement notre histoire? Comme Canadienne d'origine chinoise, je sais qu'elle est inexacte parce que les Chinois sont ici depuis plus de 100 ans. Pourtant, nous ne voyons rien à ce sujet dans nos livres d'histoire. Cela n'est pas enseigné dans nos écoles. Je vais peut-être vous laisser réfléchir à la question pendant quelques instants avant d'y répondre.
    Je voudrais également savoir ceci. Nous avons commencé à discuter de la façon dont nous pouvons corriger notre passé et notre histoire et envisager l'avenir. Comment pouvons-nous progresser — je suis bien d'accord avec vous — comme nation symbolique du monde, comme pays qui a réussi à préserver son multiculturalisme, malgré quelques difficultés dans les communautés? Si nous arrivons à le faire, ce serait une déclaration de succès à faire au monde et une célébration de notre multiculturalisme. Nous n'y sommes pas encore tout à fait. Il n'y a pas de doute qu'il y a encore du travail à faire.
    Troisièmement, comment pouvons-nous réaliser ce concept d'échanges et de voyages — je crois que c'est devenu un terme opérationnel à ce stade — tout en laissant quand même quelque chose à la postérité? Comment pouvons-nous convertir cette expérience ponctuelle? Organiser une grande fête est une bonne idée, mais est-ce que nous voulons aussi avoir des symboles et des témoignages durables de cette expérience?
    Je vais vous donner quelques exemples.
    Je ne sais pas si Mme Healey est au courant de cela, mais, dans la ville de Langley, en Colombie-Britannique, les membres de la collectivité projettent d'organiser, à l'intention du Guinness Book of World Records le plus grand rassemblement communautaire jamais réalisé pour former un drapeau du Canada avec des gens. Ils ont besoin de placer 22 000 personnes dans un terrain de football de Langley — nous avons déjà vu faire cela — afin de former le drapeau canadien. Cela se fera au printemps de l'année prochaine. Ces événements se produisent déjà dans l'esprit des gens et dans les collectivités.
    Je connais beaucoup d'aînés chinois à Vancouver. Il y a un ou deux ans, VIA Rail a fait une promotion dans le cadre de laquelle elle offrait aux aînés, pour 99 $ seulement, la possibilité de faire le tour du Canada. Je connais tant de Chinois âgés qui n'avaient jamais visité le Canada, mais ils l'ont fait. Ils ont effectué cette tournée et sont revenus vraiment enthousiastes. Ils étaient partis en groupe. C'était vraiment extraordinaire. Est-ce ce genre de choses que vous envisagez?
    Je sais que c'est beaucoup demander, mais je n'ai que quelques minutes. Je vous en prie, madame Healey, vous pourriez peut-être répondre à quelques questions concernant le passé et l'avenir, puis passer aux autres quand vous voudrez.
(1040)
    J'essaierai d'être très brève pour laisser un peu de temps aux autres.
    À la question de savoir comment nous pouvons corriger notre histoire, je répondrai que l'histoire a déjà été corrigée. C'est ce que les historiens ont fait. Le problème n'est pas que nous ne connaissons pas notre histoire, c'est plutôt que nous ne l'enseignons pas comme il le faudrait dans nos écoles.
    Je crois qu'on en trouve un exemple dans le multiculturalisme. Le multiculturalisme a été tellement bien intégré dans l'éducation que certains de mes étudiants à l'université sont venus me voir pour me dire: « J'aimerais écrire une thèse sur les quartiers chinois, comme expression de notre merveilleux patrimoine multiculturel. » Je leur réponds: « Savez-vous que les quartiers chinois existent à cause de la séparation des Canadiens d'origine chinoise du reste de la population? » Voilà de quoi je parle. Il y a un hiatus, je crois, une incohérence entre l'histoire enseignée à l'école primaire et celle que les étudiants apprennent au niveau postsecondaire.
    C'est ce que j'avais à dire.
    Excellent.
    Je trouve que votre mention des Olympiques de Vancouver était excellente parce que c'est un autre exemple d'une vision stratégique claire, avec une image de marque, une personnalité et un programme conçu pour nous faire partager un certain cercle de compréhension et d'expérience.
    Il est très difficile de dire non à certaines choses, ce qui fait qu'il est très facile de se disperser. Vancouver est un exemple de vision stratégique que les responsables ont maintenue dans des limites étroites et qu'ils ont mise en œuvre de façon à ce que tout contribue au même sens de participation. Cela s'est fait dans tout le pays et avec tous les groupes, comme en témoignent la participation des Premières nations et tout le reste.
    Cela me ramène une fois de plus à la notion, fondée sur ma propre expérience professionnelle, que pour une chose de ce genre, nous devons décider de ce que nous voulons, définir les effets que nous souhaitons et concentrer tous nos efforts là-dessus. Une fois cela fait, il est vraiment très facile pour tous les autres de dire: « Je comprends. » Cela suscite ensuite toutes sortes d'idées, de créativité et de formes de participation. Si vous n'agissez pas ainsi, vous n'aurez qu'un mélange fadasse qui ne laissera aucune trace et qui ne vous donnera pas l'impression d'en avoir eu pour votre argent.
(1045)

[Français]

    J'aimerais remercier tout le monde présent ce matin, et tout particulièrement Mme Farrugia et M. Levine, de la Fondation Glenn-Gould, ainsi que Mme Rogers Healey et M. Thorsell. Vous avez fourni, dans le cadre de votre présentation intitulée « Échanges et voyages: faire l'expérience du réseau social du Canada », un très bon exemple de thème rassembleur pour les célébrations du 150e anniversaire.
    Merci beaucoup et à bientôt.

[Traduction]

    Monsieur le président, j'ai présenté un avis de motion. J'aimerais bien proposer la motion avant l'ajournement de la séance.
    Je regrette, mais la réunion doit prendre fin à 10 h 45, non? Est-ce que nous pouvons reporter cela à la prochaine réunion?

[Français]

    Monsieur Benskin a demandé la parole. Je vais lui demander de présenter rapidement sa motion.

[Traduction]

    Je vais alors proposer une motion distincte avant qu'il ne propose la sienne pour que la séance se poursuive à huis clos.
    Je regrette, mais c'est moi qui ai la parole.

[Français]

    On va devoir procéder à un vote.

[Traduction]

    Nous devons tenir un vote pour que la séance se poursuive à huis clos.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. La séance ne peut pas se prolonger au-delà de 10 h 45 sans consentement unanime.

[Français]

    Pour qu'on puisse entendre les propos de M. Benskin, la greffière me recommande de procéder à un vote.
    Il y a donc ici une motion dans laquelle on propose de siéger à huis clos. Nous allons donc voter à ce sujet.

[Traduction]

    Monsieur le président, nous devons avoir le consentement unanime pour prolonger la réunion. Il faut qu'il y ait consentement unanime, sans quoi la séance est levée.
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