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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
La Fondation Glenn-Gould serait honorée de jouer un rôle appréciable dans les célébrations du 150e anniversaire du Canada. En fait, il y a déjà un bon moment que nous élaborons des plans pour marquer cette année historique. Avant d'expliquer comment nous entendons procéder, je voudrais présenter un aperçu de nos principaux domaines d'intérêt. Je passerai ensuite à nos plans d'avenir.
Premièrement, nous voulons établir la Fondation Glenn-Gould comme institution culturelle mondiale et le prix Glenn Gould comme la récompense mondiale la plus recherchée en réalisation artistique et en créativité au service de l'humanité et en utilisation des arts pour transformer des vies. En effet, notre objectif est de faire du Canada le centre du Prix Nobel des arts. Ce faisant, nous voulons projeter l'image du Canada comme centre d'excellence et d'innovation sur la scène mondiale. Nous voulons établir une image de marque canadienne, en utilisant notre meilleur symbole d'originalité et de créativité, Glenn Gould.
Deuxièmement, nous voulons célébrer notre avenir. Bien sûr, les jeunes artistes d'aujourd'hui sont notre avenir de demain. C'est la raison pour laquelle nous présentons le prix Protégé de Glenn Gould en vue de reconnaître et de promouvoir les jeunes artistes exceptionnellement prometteurs. Maintenant, nous allons plus loin en établissant les Concerts Glenn Gould, merveilleux programme permettant de reconnaître les jeunes musiciens les plus doués et de promouvoir leur carrière en les associant à l'héritage de Glenn Gould.
Le premier de ces concerts, auquel participaient huit jeunes et brillants artistes, a été donné en l'honneur de Leurs Excellences le duc et la duchesse de Cambridge à Rideau Hall en décembre dernier. Nous prévoyons poursuivre dans la même veine en recherchant les éléments les plus prometteurs. En fait, nous présentons ce soir même en concert au Carnegie Hall un jeune pianiste montréalais.
Maintenant que le modèle est établi, nous nous associerons à d'autres organisations artistiques du pays afin de présenter les concerts Glenn Gould au public canadien d'un océan à l'autre.
Cela nous amène à 2017 et à l'occasion unique que nous avons d'exploiter les 30 ans d'expérience de notre fondation dans l'organisation de célébrations de calibre mondial et la promotion de jeunes talents pour créer un ensemble musical de rêve. Cet ensemble sera composé de jeunes talents reflétant la riche diversité des cultures et des genres musicaux de notre grand pays, du folklore celte de la côte Est aux chanteurs québécois et aux chanteurs-compositeurs autochtones, du jazz, du classique, du country, du blues et de la musique urbaine au folk-rock et au métal. Pendant toute l'année 2016, nous lancerons une recherche nationale pour trouver de jeunes musiciens canadiens susceptibles de devenir de grandes vedettes. Cela sensibilisera le public et suscitera des attentes et de l'intérêt, tant pour nos jeunes artistes que pour le 150e anniversaire. Ces jeunes Canadiens exceptionnels auront l'occasion en 2017 de faire la preuve de leur talent. Comme nos champions olympiques, ils auront une chance unique de monter au podium en devenant nos ambassadeurs musicaux non seulement auprès des Canadiens, en leur racontant notre histoire musicale, mais aussi auprès du reste du monde.
Bref, la Fondation Glenn Gould se propose d'organiser une spectaculaire tournée mondiale d'un an intitulée Canada 150. Notre ensemble de rêve trié sur le volet se produira pendant six mois dans les grandes villes et les petites localités de tous les coins du Canada. Cette tournée permettra de faire connaître nos musiciens les plus brillants de moins de 25 ans et atteindra son point culminant le jour de la fête du Canada avec un concert qui exprimera en musique les rêves, les espoirs et les aspirations de tous les Canadiens.
Pendant les six mois restants, l'ensemble Canada 150 fera le tour du monde, visitant les capitales culturelles de la planète pour faire connaître l'excellence artistique et culturelle canadienne. Nos jeunes artistes seront l'expression vivante de la confiance, de la maturité et de la culture d'innovation du Canada. Ils nous feront connaître aussi bien parmi nos amis que parmi nos plus importants partenaires commerciaux. Les aventures et les triomphes de l'ensemble de rêve Canada 150 bâtiront une véritable légende canadienne. Enregistrés par les médias et préservés dans des documentaires, ils inspireront tous les Canadiens, et surtout les jeunes, les incitant à viser l'excellence et à toujours croire au potentiel illimité de notre pays.
Nous espérons présenter une production commémorative multimédia de l'ensemble de rêve Canada 150 à tous les écoliers canadiens afin de les inspirer dans les années à venir et de leur permettre de garder très longtemps le souvenir cette année historique.
La Fondation Glenn Gould possède tout ce qu'il faut — expérience, réseaux, savoir-faire, vision et surtout le puissant symbole de l'excellence canadienne qu'est Glenn Gould lui-même — pour réaliser cet objectif ambitieux qu'est la célébration nationale de notre avenir musical.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous faire part de cette vision. J'espère que les membres du comité l'adopteront et se joindront à nous pour nous aider à réaliser ce rêve.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant le comité et de réfléchir à Canada 2017. Cet exposé se base sur un document que j'ai présenté en juillet à la réunion annuelle des ministres fédéraux-provinciaux de la Culture et du Patrimoine, qui a eu lieu à Whitehorse. L'exposé est une version beaucoup plus courte du document que j'ai fourni au comité.
Je voudrais commencer par revenir à 1967 et aux célébrations du centenaire du Canada afin de mettre en évidence l'évolution du pays et de vous donner mon point de vue sur ce qu'il conviendrait de faire en 2017.
Nos célébrations de 1967 comprenaient un grand point de convergence, Expo 67, où j'avais l'honneur de diriger le pavillon de l'Ouest à l'âge de 21 ans. À cette époque, il était encore possible de décrocher des emplois de ce genre après avoir terminé ses études en Alberta. Bien sûr, Expo 67 n'était qu'une attraction hors pair parmi une multitude d'événements et de projets réalisés pour marquer le Centenaire, dans beaucoup de cas par la Commission du Centenaire et dans beaucoup d'autres par les provinces et les municipalités.
Le Centenaire fut un mélange ardent de projets ascendants et descendants. Les différents gouvernements ont construit beaucoup d'ouvrages d'infrastructure, dont le Centre national des arts. Nous avons eu beaucoup de bon temps. Ce fut une période aussi divertissante que productive, ce qui est bon à savoir lorsqu'on connaît des moments moins amusants et moins productifs.
Mais le Centenaire a-t-il été plus que cela? Est-ce que le Centenaire et Expo 67, de même que notre nouveau drapeau, l'assurance-maladie et le Régime de pensions du Canada, ont préparé la voie à un âge d'or en matière d'unité nationale et de progrès économique? Est-ce que Montréal a réussi à se joindre à la ligue des villes internationales comme nous pensions qu'elle le ferait à l'époque? Est-ce que nos régions et nos collectivités isolées ont créé de nouveaux réseaux de compréhension et d'objectifs communs?
Malheureusement, la réponse est non. Trois ans après le Centenaire, nous avons subi le traumatisme de la crise d'octobre au Québec, qui a été suivie par un spectaculaire affaiblissement économique de Montréal, par une décennie de stagflation nationale dans les années 1970, sans parler des tapis à longs poils, des pattes d'éléphant et du disco. Nous avons eu l'élection du Parti québécois en 1976, un référendum sur la souveraineté-association en 1980 et une intensification extraordinaire de l'aliénation de l'Ouest, qui a atteint un point tel qu'un parti séparatiste a vu le jour en Alberta en 1980.
La question qui se pose aujourd'hui est la suivante: Nos célébrations de 2017 contribueront-elles d'une façon plus durable à l'édifice national que le Centenaire de 1967 avec les brillantes festivités qui l'ont marqué? Je le crois, pourvu que nous agissions en fonction de deux facteurs importants en nous tournant constamment vers l'avenir.
Le premier facteur est ce que j'appellerai l'« équation canadienne », ou l'équation entre le territoire et les gens. Quelque chose a changé ici dans les 50 dernières années. Les Canadiens comptent parmi les plus grands propriétaires de terres et d'océans du monde, non seulement par habitant, mais aussi en fonction de l'étendue extraordinaire de leur territoire: notre souveraineté s'étend à près de 7 p. 100 de la masse terrestre de la planète. Cela est évidemment un plaisir, mais nous avons aussi une responsabilité de gestion d'une profondeur et d'une portée planétaires.
La seule grandeur de cet espace peut constituer une énorme source de fierté et d'engagement pour le Canada. Quel autre pays possède un territoire aussi puissant et inspirant? Tandis que le reste de la population mondiale se débat pour vivre dans des territoires plus peuplés et plus compromis, nous gardons l'impression de vivre dans notre propre jardin d'Éden.
Ce qui a changé dans les 50 dernières années, c'est la dégradation galopante des écosystèmes de la planète depuis 1967. Nous nous rendons compte maintenant qu'une gestion compétente de notre territoire revêt une énorme importance pour nous et pour le monde entier. Nous serons inévitablement célèbres dans l'histoire par la façon dont nous gérerons l'équation canadienne: population clairsemée, territoire immense et possibilité — parce que nous sommes riches — de faire quelque chose à cet égard.
Pour bien faire, il faudrait que beaucoup plus de Canadiens aillent reconnaître l'étendue et la profondeur de ce territoire. La plupart des habitants du pays n'ont aucune idée du paysage canadien parce qu'ils ne l'ont jamais vu.
Le second facteur qui a marqué notre évolution depuis 1967 concerne notre géographie humaine. En 1967, la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme a constaté que le biculturalisme n'était pas un concept viable. Le Canada était de toute évidence un pays multiculturel, ce que M. Trudeau a officiellement reconnu en 1971 dans son fameux discours au Parlement.
Depuis, le multiculturalisme a connu une croissance extraordinaire. Il y a quelques années, Statistique Canada a publié un rapport sur la nature des minorités visibles du Canada en 2017. Que dit ce rapport?
En 2017, ces communautés essentiellement chinoises, d'Asie méridionale, noires, philippines, latino-américaines, d'Asie du Sud-Est, arabes, d'Asie occidentale, japonaises, et coréennes auront atteint 7 millions de personnes et constitueront 20 p. 100 de notre population. Leur croissance est de six fois plus élevée que celle du reste de la population. Et 75 p. 100 de ces gens sont concentrés dans trois villes, Montréal, Toronto et Vancouver. De plus, 95 p. 100 des membres de ces communautés vivent dans des agglomérations urbaines. Plus nous sommes urbains, plus nous sommes multiculturels. Ce qui est encore plus frappant, c'est qu'en 2017, 70 p. 100 de membres de ces minorités visibles seront nés à l'étranger. C'est la plus forte proportion de Canadiens nés à l'étranger des 100 dernières années.
Il y a un certain nombre d'observations à faire sur ces chiffres. Les communautés d'immigrants les plus récentes sont clairement plus distinctes ou plus différentes du reste du Canada que dans le passé. Il fut un temps où le multiculturalisme désignait différentes ethnies et peuples d'Europe ou de l'Ouest. Aujourd'hui, multiculturalisme évoque surtout des gens de civilisations, de traditions religieuses et de valeurs très différentes. Ils sont visiblement et culturellement plus distincts que les générations précédentes d'immigrants venant d'Europe. Et ils sont susceptibles de maintenir leur caractère distinct avec une facilité et une passion inhabituelles parce qu'à l'ère numérique, ils peuvent garder des relations très étroites avec leur terre d'origine.
En même temps, nos populations autochtones deviennent plus urbaines, plus confiantes et plus enclines à participer qu'elles ne l'ont jamais été.
Sur ce plan, la situation actuelle est très différente de celle de 1967. Les différences culturelles entre nos communautés et nos régions sont plus profondes, la taille de nos communautés minoritaires est plus importante et la concentration des différentes communautés dans certaines banlieues et provinces est plus marquée. Toutes ces tendances s'accentuent. Le multiculturalisme du Canada prend une dimension planétaire.
Comment pouvons-nous maintenir une certaine communauté d'engagement, de connaissances et de familiarité parmi les différentes communautés du pays? Comment trouver un terrain d'entente pour éviter d'avoir non deux, mais de nombreuses solitudes?
Compte tenu de l'équation canadienne du territoire et des gens et de la concentration des différentes communautés dans des villes et des régions très distantes les unes des autres, comment permettre à ces groupes de s'apprécier mutuellement et d'apprécier le pays et son paysage? Comment faire?
Je crois que 2017 est une excellente occasion. L'une des grandes vérités du Canada, c'est que très peu d'entre nous connaissent vraiment leur pays, soit parce qu'ils l'ont visité soit parce qu'ils ont eu des contacts avec des concitoyens d'autres cultures et d'autres régions. Aristote a parlé du devoir sacré de se connaître soi-même. Comme Canadiens, nous avons tous manqué à ce devoir.
Je crois que nous avons là une occasion parfaite de préparer une année de transformation dans le développement de notre très surprenante société grâce à des célébrations ayant un but unique et sérieux. Voici ce que j'ai à proposer.
Nous devons, avec beaucoup d'énergie et de conviction, mélanger nos communautés et les envoyer ensemble explorer le pays et apprendre à se connaître mutuellement. Nous pouvons envisager, si vous voulez, un appareil national de mélange et de déplacement à une échelle jamais connue auparavant dans n'importe quel pays, un réseautage social d'une dimension et d'une réalité sans pareilles dans le monde. Diversité, oui, mais diversité en étroite proximité et sur la route.
L'objectif est de créer des réseaux humains plus étendus et plus approfondis, de définir davantage de valeurs communes, de susciter une plus grande confiance sociale, une plus grande connaissance du pays, un plus grand orgueil national et davantage d'engagement envers la santé de notre territoire et de nos océans.
À mon avis, le 150e anniversaire du Canada devrait être axé non sur des choses, mais sur des relations. Il devrait se fonder non sur des endroits, mais sur des déplacements entre différents endroits. Il devrait porter non sur des communautés ou des groupes existants, mais sur la création de réseaux entre les communautés et le mélange des groupes. Il ne devrait pas consister à laisser le gouvernement définir le pays; il devrait se baser sur des individus et des groupes qui découvrent leur pays et qui réussissent ainsi à se redéfinir eux-mêmes.
Imaginez quelque chose de ce genre. Sous le titre « Échanges et voyages », le réseau social canadien « Connais-toi toi-même en 2017 » financerait une multitude incroyable de projets, exactement comme l'a proposé la Fondation Glenn-Gould, pourvu qu'ils fassent intervenir des gens d'ethnies, d'âges et d'autres caractères démographiques différents et leur fassent visiter des régions du Canada qu'ils n'ont jamais vues auparavant, parfois dans une même zone métropolitaine.
Pendant que j'étais au Musée royal de l'Ontario, nous avons fait venir un groupe d'écoliers de 4e année du quartier Jane-Finch, dans le cadre d'une initiative philanthropique. Je les ai accueillis à leur arrivée, et j'ai dit à l'enseignante: « Ces enfants ne sont jamais venus dans ce musée. » Elle m'a répondu: « Monsieur Thorsell, la plupart de ces petits n'ont jamais été dans le centre-ville. » Ils ne savaient même pas qu'ils vivaient dans une grande ville. Ils ne savaient pas qu'ils vivaient en bordure d'un lac. Ils habitaient pourtant dans une banlieue de Toronto. Voilà à quel point les choses peuvent en arriver.
Par conséquent, sous le titre « Échanges et voyages », nous appuierions uniquement des projets qui réuniraient des gens ayant des caractères démographiques différents pour les faire sortir de leur cour et leur faire visiter d'autres parties du pays. Ce sont les critères qui régiraient l'évaluation des projets.
L'ancien secrétaire général des Nations Unies Javier Pérez de Cuéllar a dit ceci en 1991 lorsqu'il a fait don de toute une collection de cadeaux qu'il avait reçus au Musée canadien des civilisations. Comme j'assistais à un dîner offert en son honneur par le premier ministre, je lui avais demandé: « Vous êtes un diplomate péruvien. Pourquoi avez-vous offert à un musée canadien l'ensemble des souvenirs que vous avez recueillis pendant vos cinq années comme secrétaire général? » Il m'a dit qu'il avait voyagé partout dans le monde et que le Canada était le pays que le reste du monde devait apprendre à devenir. Il parlait ainsi de notre forme de multiculturalisme et de notre façon de vivre ensemble.
Mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons travailler intelligemment et intensément pour maintenir ce mode de vie. Le 150e anniversaire de notre pays constitue l'occasion parfaite d'établir le contact avec tous les autres groupes qui recherchent notre appui. L'objectif du 150e anniversaire n'est ni présomptueux ni modeste: nous enrichirons et approfondirons le caractère national unique du pays pour le mettre à l'abri du cynisme et du manque d'espoir du monde.
Je me rends compte que les gens cherchent souvent des projets matériels. Je dois donc dire qu'il n'y en a pas. Cette initiative consiste à se déplacer, à parler, à apprendre, à voir, à expérimenter, puis à créer une page Facebook pour s'assurer que les relations établies se développeront constamment dans les 10 ou 15 années suivantes, contrairement à Expo 67 et au Centenaire qui ont disparu aussitôt achevés.
J'ai aussi deux petites propositions pour le gouvernement fédéral.
Premièrement, construisons un pont inoubliable sur l'Outaouais, un peu sur le modèle des vieux ponts de Venise, de Paris et de Londres, avec des bâtiments dessus. Ce ne serait pas un pont pour les voitures. Il ne serait accessible qu'aux piétons: ce serait le Pont des Canadiens. Le Canada a été fait et changé par des individus tels que Glenn Gould ainsi que par des groupes. Ce pont devrait aussi comprendre une version contemporaine d'un musée national du portrait, si on veut utiliser cette expression, mais en y incluant des lieux de rencontre, des espaces de représentation, des restaurants, des bars et des promontoires donnant sur des eaux tumultueuses et des cimes romantiques. Faisons de ce pont à la fois un fait et une métaphore illustrant les individus, et non les groupes, qui ont marqué l'édification de notre société.
Nous faisons également partie de cette grande géographie. Par conséquent, pour être en accord avec les échanges et les voyages ainsi qu'avec la connaissance de soi et des autres, le gouvernement du Canada devrait réaliser le projet du Sentier transcanadien et l'inaugurer le 1er janvier 2017. Le Sentier transcanadien prolongerait et compléterait le Pont des Canadiens construit sur l'Outaouais et permettrait aux gens de se rencontrer et de se déplacer d'une façon très intime, littéralement d'un bout du pays à l'autre.
Ainsi, le gouvernement du Canada ferait le cercle complet, le cercle parfait pour le 150e anniversaire du Canada en créant la plus grande expérience de réseautage social de l'histoire de tous les pays. Le reste du monde en sera sidéré. En construisant un extraordinaire Pont des Canadiens sur l'Outaouais et en le reliant à un romantique Sentier transcanadien, comme artère nationale accessible pour échanger et voyager…
Échanger et voyager, se connaître soi-même. Voilà, c'est tout.
Je voudrais remercier le président et les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître. Je me présente devant vous aujourd'hui à titre d'historienne. Je suis toujours heureuse de profiter de n'importe quelle occasion pour parler du patrimoine de notre grand pays. Je vais concentrer mes propos concernant les célébrations du 150e anniversaire sur trois domaines particuliers, dont l'un est très proche, je crois, de ce que vient de dire M. Thorsell.
Le premier domaine concerne 2017 comme élément d'un processus d'édification d'une nation, mais à une condition: respectons scrupuleusement l'histoire. Nous sommes proches d'un certain nombre d'anniversaires importants de l'histoire du Canada. Comme vous le savez sans doute, l'année prochaine marquera le bicentenaire de la guerre de 1812. Cet événement a déjà fait l'objet d'une certaine couverture médiatique. Deux ans plus tard, nous aurons le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale qui, à tort ou à raison, occupe une place importante dans notre histoire. Et, dans un peu plus de cinq ans, nous célébrerons le 150e anniversaire de la Confédération canadienne, événement qui a donné naissance à un État, mais non à une nation.
En 1969, peu après la célébration du Centenaire de 1967, l'historien canadien J. M. S. Careless a publié son célèbre article Limited Identities in Canada, qui est du moins célèbre parmi les historiens. Dans ce texte, Careless soutient que la région, l'ethnicité et la classe constituent des déterminants plus importants de l'identité que les attitudes et les schémas nationaux. Pour lui, les innombrables études qui ont suivi et qui étaient axées sur les identités restreintes plutôt que sur l'identité nationale étaient beaucoup moins attribuables à ses observations qu'au climat qui régnait dans les universités à la fin des années 1960 et au début des années 1970, climat qui reflétait les perturbations culturelles d'un pays qui a eu sa bonne part de Canadiens mécontents et qui a atteint à l'occasion le bord du précipice.
Cette énorme masse de travaux ne devrait cependant pas être interprétée comme indice d'un manque d'identité nationale. De nombreux historiens — dont Careless lui-même, de même que beaucoup de Canadiens, sinon la plupart — conviendraient que les identités restreintes font partie intégrante d'une identité nationale plus vaste. Les identités restreintes ne nient pas l'existence d'une identité nationale puisqu'elles en constituent une partie spéciale. Je crois que la plupart d'entre nous prennent conscience de leur propre identité restreinte avant de se rendre compte de l'existence d'une identité nationale plus grande.
Toutefois, des célébrations comme celles de 2017 nous donnent l'occasion de nous rassembler autour d'une identité qui peut être bâtie en termes positifs et non négatifs. Nous en avons un exemple parfait dans le parcours de la flamme olympique qui a précédé les Jeux olympiques et paralympiques de Vancouver en 2010.
La création d'une identité nationale a fait partie d'un processus permanent depuis l'établissement du Dominion du Canada le 1er juillet 1867. À mesure que le pays s'étendait sur le double plan géographique et démographique, l'histoire du Canada témoigne du nombre de conflits suscités par les différentes tentatives de définir ce qu'est un Canadien. Quoi qu'il en soit, les Canadiens ont su régler leurs différends. Je crois qu'ils restent disposés à surmonter leurs conflits afin de trouver des liens qui les rattachent à un contexte national plus vaste. Même si nous ne réussissons pas à nous voir dans toute l'histoire du Canada, chacun de nous sait où il se situe dans cette histoire. C'est pour cette raison qu'il est critique de respecter scrupuleusement l'histoire.
Considérons la course en canot des Voyageurs, qui a été un des événements les plus réussis des célébrations du centenaire du Canada. Elle a probablement fait l'objet de la couverture médiatique la plus complète de toutes les manifestations de 1967. Dix équipes représentant huit provinces et deux territoires — l'Île-du-Prince-Édouard et ce qui n'était alors que la province de Terre-Neuve n'ont pas participé — ont pris part à la course qui a commencé au Rocky Mountain House en Alberta le 24 mai 1967 et s'est terminée au terrain de l'Expo à Montréal le 4 septembre. Les organisateurs et les publicistes, qui présentaient la course comme une reconstitution historique nationale, avaient dit des Voyageurs qu'ils étaient les « fondateurs du Canada » et avaient dépeint le Canada comme une nation unie du double point de vue géographique et culturel.
Dans les notes que j'ai distribuées, je cite un excellent article de Misao Dean sur cette course. J'encourage vraiment les membres du comité à consulter ce texte qui examine la question d'une façon très détaillée.
La reconstitution n'était pas authentique. Aucun effort n'a été fait pour recruter des équipes de pagayeurs appartenant aux Premières nations ou aux Métis, même s'ils formaient la majorité des Voyageurs. Les Autochtones étaient bien là, mais c'était une minorité faisant partie des équipes provinciales. Ils étaient majoritaires dans les équipes territoriales, mais ils ont été en butte à un racisme tellement odieux que l'expérience a dû être vraiment horrible pour eux.
Deuxièmement, il n'y a eu que très peu d'interprétation en français. Il y a lieu de noter que la Loi sur les langues officielles n'a été adoptée qu'en 1969. C'était une partie de la raison. Quoi qu'il en soit, il n'y a eu que très peu de français, même si ce sont les Français qui avaient établi des relations très particulières avec leurs alliés des Premières nations en Amérique du Nord. Ces relations avaient précédé celles que les Anglais de la Compagnie de la Baie d'Hudson avaient nouées avec leurs alliés et, à mon avis, avaient eu beaucoup plus de succès.
Les femmes des Premières nations, qui avaient joué un rôle si important comme interprètes et comme guides des trappeurs et coureurs des bois européens, étaient totalement absentes de la course. Malgré cela, celle-ci a été présentée comme une reconstitution de la fondation du Canada parce qu'elle faisait intervenir les trois peuples fondateurs et comprenait beaucoup d'histoires sur la conquête des territoires inexplorés, etc.
On continue encore à faire ce genre d'erreur. Justement, une revue m'a demandé la semaine dernière d'écrire un article sur le pacifisme relié à la prochaine célébration du bicentenaire de la guerre de 1812. Je vais vous citer un extrait de la demande car je pense que c'est important. On m'a donc demandé « un article sur la façon dont les Canadiens se sont développés comme nation de gardiens de la paix, en établissant des liens directs avec la guerre de 1812 et le pacifisme quaker au cours de ce conflit ». J'ai été choquée. C'est un domaine de mes propres recherches. Des liens de ce genre n'existent tout simplement pas. J'ai répondu qu'un tel article serait au mieux un anachronisme et, au pire, une invention pure et simple. Lire l'histoire en mode rétrospectif ou y chercher les choses que nous voudrions y voir ne constitue pas pour moi un moyen d'encourager les Canadiens à en apprendre davantage sur leur histoire et à y trouver une source de fierté.
Le second sujet que je voudrais aborder porte sur les occasions d'exploiter l'histoire et le patrimoine locaux comme éléments de l'histoire nationale. Encore une fois, cela présente des liens avec les propos de M. Thorsell. D'un point de vue pratique, j'encouragerais le comité à considérer la valeur de l'histoire locale dans le cadre de l'histoire nationale. Vous avez déjà entendu un certain nombre de témoins représentant les grands groupes culturels du Canada. Des productions à grande échelle joueront un rôle essentiel dans la célébration et ce qu'elle léguera aux générations futures. N'oubliez cependant pas les musées que vous trouverez dans chaque petite ville du Canada, avec leurs tout petits budgets et leurs cadres de loyaux bénévoles. Je siège au conseil d'administration de quelques-uns de ces musées. J'ai été frappée par l'importance du rôle qu'ils jouent comme lieux d'apprentissage pour les jeunes.
Dans les collectivités du Canada, des milliers d'écoliers visitent chaque année ces musées pour apprendre l'histoire des pionniers locaux et faire le lien avec l'histoire plus vaste de leur pays. Dans ma collectivité actuelle, les musées locaux font une reconstitution de l'histoire des ressources de la vallée du Fraser en Colombie-Britannique, tissant une trame faite d'un mélange d'histoire et de patrimoine des Premières nations, des Euro-Canadiens et des Indo-Canadiens, qui sont tous représentés parmi les écoliers visiteurs. Mes propres enfants ont grandi dans une collectivité albertaine profondément imprégnée de son patrimoine francophone. Ils ont participé à deux merveilleux programmes organisés par les musées locaux. Comparés aux installations d'Ottawa et des capitales provinciales, les sites patrimoniaux et les musées locaux peuvent faire parents pauvres, mais il ne faut pas sous-estimer leur valeur. Ils devraient eux aussi participer aux célébrations.
Je voudrais enfin formuler quelques observations sur l'importance de programmes d'éducation qui reflètent avec exactitude le passé de notre pays et sur le rôle de la numérisation des archives.
Comme vous le savez sans doute, les programmes éducatifs et l'accès au matériel sont extrêmement importants pour encourager les Canadiens, dans tout le pays, à participer au scénario national et à en apprendre davantage sur leur propre histoire. En cette ère numérique, j'ai l'impression que nous pourrions en faire tellement plus pour mettre à la disposition de tous les Canadiens les archives conservées un peu partout. Il est possible d'inciter les étudiants à apprendre leur histoire dans les documents si ceux-ci sont largement disponibles.
Comme historiens, nous passons beaucoup de temps dans les archives. Quand je peux partager cette expérience avec des étudiants en mode virtuel, cela fait revivre l'histoire pour eux. J'admets que le processus est déjà commencé. Les Archives nationales du Canada ont mis en train d'extraordinaires projets de numérisation. Je pense que toute expansion de ces projets serait la bienvenue. Comme l'a dit M. Thorsell, si nous voulons faire le lien entre notre immense territoire et les gens qui y vivent, il serait avantageux de disposer de ressources pour le faire.
Je vous remercie.
Il est inévitable que l'histoire joue un rôle de premier plan dans la célébration de l'anniversaire d'un pays. Certains des projets qui viennent à l'esprit dans le cadre de l'initiative Échanges et Voyages sont nécessairement liés à l'histoire. Bien sûr, tous ces nouveaux immigrants venant de mondes différents — dans de très grandes proportions aujourd'hui — ont besoin de connaître une partie de l'histoire qui précède leur arrivée dans le pays, même s'ils contribuent eux-mêmes à la définition de l'histoire du Canada.
Pour moi, il nous faut un concept stratégique pour un événement tel que le 150e anniversaire du Canada. Nous avons besoin d'une image de marque qui corresponde à cet événement. Nous ne pouvons pas trop disperser nos efforts. Si vous avez 500 demandes valables, vous pouvez dire: « Très bien. Nous choisirons celle-ci, puis celle-là et cette autre. » Vous n'auriez alors aucun thème dominant pouvant permettre aux gens de comprendre ce que nous faisons et les raisons de notre action.
Je propose d'avoir une idée dominante qui définisse ce que nous voulons faire, qu'il s'agisse de reconstituer l'histoire ou d'envoyer des enfants faire le tour du pays, ce qui représenterait un cas classique d'Échanges et Voyages. Ainsi, vous n'auriez pas à prendre vous-même une décision au sujet de tous ces projets, mais vous sauriez ce que vous recherchez et seriez en mesure de dire à chacun ce qu'il doit faire pour vous aider. Dans une vision stratégique où vous dites « C'est de cela que nous parlons, et de rien d'autre », vos bonnes causes seront assujetties à la cause sacrée qui consiste à se connaître soi-même, parce que c'est le plus grand défi que nous aurons à l'avenir. Je m'intéresse beaucoup plus à ce que l'avenir nous réserve qu'à ce qui s'est produit dans le passé, mais l'histoire a quand même sa place.
Nous pouvons renforcer le bon chemin sur lequel nous nous trouvons, sans tomber dans le fossé en matière de multiculturalisme, en fixant l'année et en disant que quoi que nous fassions ou souhaitions faire, dans les arts, les sports, les conférences ou les affaires, il faut « échanger et voyager » afin d'obtenir de l'aide pour 2017. Voilà la question de base.
Vous entendrez toutes sortes de choses à différents endroits du pays. Supposons que vous annonciez deux ans plus tôt quelle sera votre approche et dites aux gens qu'ils auront tous la possibilité de présenter leurs grands projets d'ici 2017. Vous aurez des projets un peu fous, et d'autres plus sérieux, mais ils devront tous correspondre au filtre des « Échanges et Voyages » et de la connaissance de soi. Vous échapperez ainsi au risque d'adopter un ensemble incohérent de bonnes causes. L'histoire a une valeur différente pour différentes personnes à différents moments.
Dans le cas de la région métropolitaine de Toronto, où je passe une grande partie de mon temps maintenant, je tiens beaucoup à ce que les gens se familiarisent avec le présent, avec le pays tel qu'il est, avec les autres régions et les autres communautés du Canada. Ils doivent le faire beaucoup plus que dans le passé parce qu'il y a un profond esprit de clocher qui se développe parmi les différents groupes de différentes origines. Quand on considère la région métropolitaine, la répartition des communautés est telle qu'il est très courant que beaucoup de gens — par exemple ceux d'Asie du Sud-Est à Brampton ou bien les Asiatiques de Markham — n'aillent dans le centre-ville qu'une fois par an et que leurs enfants ne le fassent quasiment jamais, à moins que l'école n'organise une visite ou quelque chose de ce genre.
Il y a beaucoup de gens à Montréal, Vancouver, Toronto et Winnipeg qui n'ont jamais vu une autre région du pays. Ils ne sortent que très rarement de la ville où ils vivent et ne connaissent même pas les autres gens qui s'y trouvent. Voilà l'occasion de dire à tous ces gens: « Soyez créatifs. Vous avez toutes les idées, mais vous devez vous mêler aux autres et voir autre chose si vous voulez figurer au programme de cette saison particulière. »
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Je voudrais revenir sur certains points mentionnés par M. Thorsell. J'aimerais cependant que tous les témoins présentent leur point de vue.
Il y a bien des années — je ne dirai pas combien, car cela trahirait mon âge —, j'étais cadet de l'Air. J'avais eu l'occasion de faire un voyage en Alberta. Le groupe, qui comprenait deux jeunes de chaque province, suivait un cours de survie dans les bois. J'ai rencontré là quelqu'un qui est devenu un excellent ami. Venant de Québec, il ne connaissait que quelques mots d'anglais, et je n'avais moi-même que des connaissances très rudimentaires du français. Les relations qui se sont établies entre nous se fondaient sur nos points communs. D'abord et avant tout, nous n'aimions ni l'un ni l'autre les Canadiens de Montréal. Voilà, c'est dit. À part cela, pour ce qui est du territoire et des ancêtres, le scénario était à peu près le même. La seule chose qui nous séparait était la langue. Je mentionne cela simplement à cause des arguments que vous avez présentés, monsieur Thorsell, au sujet des échanges et des voyages. Je crois que nous avons tendance à sous-estimer la valeur d'une telle expérience dans l'édification d'une nation.
Nous voyons ici les jeunes qui viennent dans le cadre de Rencontres du Canada. C'est un programme extraordinaire. J'aimerais qu'il soit étendu à toutes les provinces. S'il faut l'établir dans une capitale provinciale, je n'y verrais pas d'inconvénient.
Il y a, à St. John's, à Terre-Neuve, une demande phénoménale de congrès nationaux. Quand j'y vais et que je parle à des gens venant de différents endroits du pays, je leur demande si c'est la première fois qu'ils assistent à un congrès à Terre-Neuve. Ils me répondent que tout le monde veut venir dans la province parce que chacun y trouve un milieu tellement différent du sien qu'il a peine à croire que c'est le même pays.
Je suis donc bien d'accord avec vous. Je crois même que j'ai ressenti les mêmes palpitations que M. Benskin. Vous parlez d'un scénario que nous devons incarner. Tout ce qui l'alimentera, comme les médias sociaux, va le renforcer comme prolongement de nous-mêmes. Sans vouloir trop verser dans le mcluhanisme, je dirais que le médium est certainement le message dans ce cas.
L'une des choses que vous avez mentionnées et que j'ai de la difficulté à saisir, c'est l'idée de laisser quelque chose à la postérité. Personnellement, je crois que les relations interpersonnelles et les échanges dont vous parlez constitueront en soi un héritage intangible.
Pour ce qui est de votre pont piétonnier, je crois que c'est une idée fantastique à cause de la richesse du symbolisme et de l'expérience. Toutefois, en donnant 50 millions de dollars à chaque province et territoire, on leur permettrait de réaliser un projet à laisser en héritage. Je vous remercie d'avoir avancé cette idée.
Je voudrais demander ceci à chacun des témoins: si, à titre de responsable de ce programme, vous pouvez dire à chaque province que vous allez lui donner 50 millions de dollars, lui demanderiez-vous de vous montrer ce qu'elle envisage ou bien de vous dire comment elle peut enrichir le scénario national? Je ne sais pas si la question est sensée, mais je vous demande en fait de me dire ce que vous envisagez comme héritage permanent de ces célébrations.
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Je crois que c'est un exemple parfait de ce qu'il est possible de faire.
Pour revenir à votre exemple précédent, c'est là que nous aurions besoin d'une certaine discipline. Par exemple, pourquoi faudrait-il axer le 150e anniversaire sur des choses telles que l'explosion de Halifax ou la bataille de la crête de Vimy, qui remontent à une centaine d'années? Il y aurait un risque de dispersion des efforts. On nous proposera beaucoup de bonnes causes et d'idées valables, ce qui nous fera courir le risque de dire que c'est une bonne chose. Il ne s'agira pas d'événements remontant à 150 ans, mais peut-être à 20 ou 50 ans.
Encore une fois, nous avons besoin de rigueur, d'une image de marque, d'une convergence stratégique pour réaliser certaines choses en 2017. Je suis donc tenté de dire que toutes ces choses représentent d'excellentes idées, sauf qu'elles ne s'inscrivent pas dans le cadre établi parce que nous avons des choses importantes à faire et que nous devons concentrer nos efforts. À moins qu'il ne soit possible de trouver un moyen d'utiliser l'explosion de Halifax comme thème pour organiser des échanges et des voyages.
De toute évidence, nous avons de vastes étendues du pays qui ont une population clairsemée, que peu de Canadiens connaissent et qu'il nous serait possible de coloniser en quelque sorte d'ici 2017. En un sens, ce serait une année d'auto-colonisation, n'est-ce pas? Tous ces gens d'Edmonton, où j'ai grandi, qui n'ont jamais vu l'Ontario et encore moins les provinces de l'Atlantique, pourront aller coloniser leur propre pays. Nous allons sortir de chez nous pour aller à la découverte.
Préparez un projet et faites-en la promotion comme défi pour le pays, le défi de se connaître soi-même. Ouvrez le projet à toutes sortes d'idées. Dites aux gens de venir vous parler de leurs idées. Dites-leur qu'aucune idée ne sera jugée folle si elle implique d'échanger et de voyager. Vous constaterez alors qu'un nombre incroyable de personnes viendront vous proposer avec joie et même avec une certaine dose de malice de constituer un groupe pour aller, par exemple, camper à Spence Bay, organiser des randonnées d'une dizaine de jours, et ainsi de suite.
Vous seriez vraiment surpris de voir la créativité, l'enthousiasme et même la concurrence que peuvent susciter ces projets. Les groupes viendront vous dire: « J'ai une meilleure idée pour faire telle ou telle chose. » Ce serait en quelque sorte un projet national partagé. On chercherait qui a la meilleure idée pour échanger et voyager, pour rassembler des gens en fonction non seulement de l'ethnie, mais aussi de l'âge, des handicaps, etc. Nous aurions des propositions, comme celle de Brian, par exemple, qui permettraient à un nombre extraordinaire de personnes différentes d'apprendre à se connaître et à connaître le pays.
J'ai d'ailleurs pensé à quelque chose pendant que vous parliez. Du temps où je travaillais pour le Globe and Mail, nous avions essayé de couvrir le multiculturalisme d'un point de vue médiatique. Ce n'était pas facile. Comment faire? J'ai demandé à des journalistes d'aller dans l'une des écoles secondaires les plus multiculturelles de Toronto et d'y passer deux semaines pour voir comment les étudiants s'entendaient entre eux. Que se passait-il? Y avait-il des batailles rangées à la cafétéria? Y avait-il des bandes et des cliques? J'ai donc demandé à ces journalistes d'aller là et d'essayer de faire partie du paysage.
Ils sont revenus deux semaines plus tard me dire que les jeunes s'entendaient vraiment très bien. Il y en avait qui sortaient ou allaient faire du sport ensemble. Il y avait relativement peu de conflits, et la police n'avait pas à intervenir. Pourtant, tous ces jeunes venaient de milieux très différents. J'ai demandé aux journalistes: « Voulez-vous dire qu'il n'y a aucun reportage à faire à ce sujet, sauf pour dire que tout va bien? » Ils m'ont répondu: « Non. Le vrai problème, ce sont les parents. » C'est parce que les parents d'une jeune Chinoise étaient consternés parce que leur fille sortait avec un jeune blond de Rosedale. La mère était en colère parce que sa fille voulait apprendre la danse plutôt que la physique. Il y avait donc beaucoup de conflits intergénérationnels. L'histoire que nous avions à raconter portait donc non sur les jeunes entre eux, mais plutôt sur les relations tendues qu'ils avaient avec leurs parents à cause de leurs fréquentations ou de leurs projets de carrière.
Quoi qu'il en soit, il y a là d'excellentes possibilités d'intéresser les gens au Canada, de les rendre plus mobiles et de consolider nos revendications sur notre propre territoire.
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C'est une bonne question.
Je crois que nous pouvons être un peu trop présomptueux à cet égard. Comme je l'ai dit dans le mémoire, il n'y a rien de mal à organiser une grande fête pour le simple plaisir de célébrer, sans viser des retombées particulières. Bien sûr, Expo et le Centenaire ont eu des incidences sous forme d'une multitude d'ouvrages d'infrastructure. Il y a, partout dans le pays, des salles de concert, des bibliothèques, des centres d'arts, des ponts, des trottoirs qui ont été construits à l'occasion de l'Expo ou du Centenaire.
Comme je l'ai dit, les choses auraient pu être pires sans l'Expo parce que des événements désagréables se sont produits très peu de temps après. Cela n'avait rien à voir avec le Centenaire. Pour Pierre Berton, 1967 a été la dernière bonne année du Canada jusqu'aux années 1990. En effet, les problèmes se sont succédé sans cesse. La situation avait peut-être des causes mondiales et historiques. C'est la raison pour laquelle, ayant connu l'Expo et m'étant beaucoup amusé à 21 ans à Montréal, lorsque j'ai pensé à 2017, je me suis demandé s'il était possible d'envisager autrement cet anniversaire, de façon à avoir des conséquences plus positives et plus durables que celles d'une simple exposition mondiale, d'un autre bâtiment ou d'une autre grande fête.
Pour ce qui est de la situation actuelle du pays et de son orientation, on dit que si vous gardez le cap, vous avez de bonnes chances d'atteindre votre destination. En matière de multiculturalisme, je crois que nous allons dans la bonne direction. Nous n'avons donc pas besoin de changer de cap. Comme je l'ai dit dans le mémoire, si cela est vrai, accélérons, agrippons-nous bien au volant et assurons-nous de ne pas finir dans le fossé parce que le multiculturalisme doit maintenant affronter des défis plus sérieux.
Il n'y a pas de garanties, mais j'aime bien l'idée de Brian concernant un héritage de conscience, de relations et de formation du caractère. Ce sont là des choses extrêmement importantes pour un pays. J'admire beaucoup cette réunion du comité parce que la plupart des pays n'ont même pas la capacité de réfléchir comme nous le faisons à leur propre existence et à leur avenir. Les pays pensent à des choses beaucoup plus terre-à-terre parce qu'ils ne sont pas aussi riches que nous, ou peut-être encore parce qu'ils n'ont pas le même passé que nous. C'est merveilleux de pouvoir, comme pays, envisager un 150e anniversaire comme une année pour créer des idées plutôt que des « choses », une année pour rechercher des relations plutôt que des trophées. C'est merveilleux de pouvoir en parler comme nous le faisons.
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Merci beaucoup. Je remercie également les témoins de leur présence au comité aujourd'hui.
J'ai certainement beaucoup appris. Je ne suis pas membre du comité permanent, je ne fais que remplacer quelqu'un. J'apprécie énormément toutes les idées et l'information que vous avez présentées.
Madame Healey, je suis sociologue et je vis à Vancouver depuis plus de 45 ans. J'ai été témoin de grands changements dans cette ville et partout au Canada. Lorsque je parcours le pays et visite les différentes collectivités, j'ai l'habitude d'aller voir tous les petits musées locaux parce que c'est une passion de mon mari. Mes enfants ont été partout, dans le monde entier; ils ont visité les sites de l'UNESCO, etc.
Je comprends vraiment le principe des échanges et des voyages, mais j'ai quelques questions à poser et très peu de temps pour le faire. Je serai donc très précise, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Nous avons récemment vécu à Vancouver des Jeux olympiques d'hiver qui comptent parmi les plus réussis du monde. Je crois que votre notion de concept stratégique est vraiment impressionnante. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet, car je pense que Vancouver et les Olympiques ont eu un énorme succès à cause de cela. Tout le monde connaît le programme À nous le podium. Comme pays, nous nous sommes fixé un objectif. Nous y avons associé toutes les collectivités grâce au parcours de la flamme olympique. Ensuite, nous avons joint nos efforts pour atteindre l'objectif commun. Cela a inspiré tous les Canadiens. Il ne s'agissait pas seulement de gagner des médailles. C'était la fierté nationale qui était en jeu.
Cela étant dit, je crois que nous pouvons aussi profiter de l'occasion que nous offre le 150e anniversaire du Canada pour faire un investissement dans un héritage durable, soit en créant des souvenirs de voyage, comme nous en avons discuté, soit en réalisant un programme concret dont nos enfants et nos petits-enfants pourront profiter dans les années à venir.
Mes questions précises s'adressent à Mme Healey. Comment pouvons-nous corriger substantiellement notre histoire? Comme Canadienne d'origine chinoise, je sais qu'elle est inexacte parce que les Chinois sont ici depuis plus de 100 ans. Pourtant, nous ne voyons rien à ce sujet dans nos livres d'histoire. Cela n'est pas enseigné dans nos écoles. Je vais peut-être vous laisser réfléchir à la question pendant quelques instants avant d'y répondre.
Je voudrais également savoir ceci. Nous avons commencé à discuter de la façon dont nous pouvons corriger notre passé et notre histoire et envisager l'avenir. Comment pouvons-nous progresser — je suis bien d'accord avec vous — comme nation symbolique du monde, comme pays qui a réussi à préserver son multiculturalisme, malgré quelques difficultés dans les communautés? Si nous arrivons à le faire, ce serait une déclaration de succès à faire au monde et une célébration de notre multiculturalisme. Nous n'y sommes pas encore tout à fait. Il n'y a pas de doute qu'il y a encore du travail à faire.
Troisièmement, comment pouvons-nous réaliser ce concept d'échanges et de voyages — je crois que c'est devenu un terme opérationnel à ce stade — tout en laissant quand même quelque chose à la postérité? Comment pouvons-nous convertir cette expérience ponctuelle? Organiser une grande fête est une bonne idée, mais est-ce que nous voulons aussi avoir des symboles et des témoignages durables de cette expérience?
Je vais vous donner quelques exemples.
Je ne sais pas si Mme Healey est au courant de cela, mais, dans la ville de Langley, en Colombie-Britannique, les membres de la collectivité projettent d'organiser, à l'intention du Guinness Book of World Records le plus grand rassemblement communautaire jamais réalisé pour former un drapeau du Canada avec des gens. Ils ont besoin de placer 22 000 personnes dans un terrain de football de Langley — nous avons déjà vu faire cela — afin de former le drapeau canadien. Cela se fera au printemps de l'année prochaine. Ces événements se produisent déjà dans l'esprit des gens et dans les collectivités.
Je connais beaucoup d'aînés chinois à Vancouver. Il y a un ou deux ans, VIA Rail a fait une promotion dans le cadre de laquelle elle offrait aux aînés, pour 99 $ seulement, la possibilité de faire le tour du Canada. Je connais tant de Chinois âgés qui n'avaient jamais visité le Canada, mais ils l'ont fait. Ils ont effectué cette tournée et sont revenus vraiment enthousiastes. Ils étaient partis en groupe. C'était vraiment extraordinaire. Est-ce ce genre de choses que vous envisagez?
Je sais que c'est beaucoup demander, mais je n'ai que quelques minutes. Je vous en prie, madame Healey, vous pourriez peut-être répondre à quelques questions concernant le passé et l'avenir, puis passer aux autres quand vous voudrez.