ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 avril 2001
Le président suppléant (M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex— London, Lib.)): Merci à tous d'être venus aujourd'hui. Je m'appelle Gar Knutson. Je remplace, avec le consentement du comité, le président, l'honorable Charles Caccia.
Messieurs, tous ceux qui le veulent peuvent faire une déclaration. Il n'y a pas d'ordre déterminé à l'avance. Je vais tout simplement nommer les témoins tels qu'ils figurent à l'ordre du jour.
J'aimerais soumettre deux questions de régie interne aux membres du comité. La secrétaire parlementaire m'a dit qu'elle aimerait présenter un avis de motion à la fin de l'audition des témoins. Vous pouvez donc ajouter ce point à l'ordre du jour.
Le greffier m'a également dit qu'il serait bon que nous prenions demain, à notre réunion, une décision au sujet du budget pour l'année commençant le 1er avril. Le budget vous a été envoyé ce matin.
Messieurs, nous allons commencer par M. Beauchamp. Je vous demanderais de vous présenter et de nommer l'association que vous représentez. Nous reviendrons ensuite à M. Beauchamp. Je demande que les interventions—je ne sais pas combien de personnes prévoient en faire—durent entre cinq et dix minutes. La pièce est réservée jusqu'à 11 heures. Cela nous donnera l'occasion de poser des questions et de procéder à un échange de vues.
Monsieur Beauchamp.
[Français]
M. Pierre Beauchamp (directeur général, Association canadienne de l'immeuble): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Pierre Beauchamp.
[Traduction]
Je suis le directeur général de l'Association canadienne de l'immeuble.
Je vous présente M. David Humphreys, conseiller en questions touchant le gouvernement fédéral.
[Français]
M. John Hachey (président du Comité permanent des questions environnementales, Fédération canadienne des municipalités, Ville de Lachine): Bonjour, monsieur. Je m'appelle John Hachey et je suis conseiller municipal à la Ville de Lachine.
[Traduction]
Je préside le Comité des questions environnementales de la Fédération canadienne des municipalités, de même que le programme Partenaires pour la protection du climat de la Fédération.
M. Stan Klassen (président, Land Resource Partnership, Alberta): Je m'appelle Stan Klassen. Je suis le président du groupe Land Resource Parternship, de l'Alberta. Mon collègue et moi allons présenter un exposé sur la Loi sur les espèces en péril.
M. Peter Miller (coprésident, Land Ressource Partnership; Alberta Chamber of Resources): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Peter Miller. Je représente l'Alberta Chamber of Resources et le Land Resource Partnership.
M. Bob Woolman (directeur, Ontario Property and Environmental Rights Alliance): Je représente l'Ontario Property and Environmental Rights Alliance au nom de Bob Fowler, qui regrette de ne pouvoir assister à la réunion d'aujourd'hui. Je suis ici à titre de directeur de l'alliance.
Je possède une ferme de 360 acres, un peu au sud de la ville, où je pratique l'élevage du veau.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Bienvenue.
Monsieur Beauchamp.
M. Pierre Beauchamp: Merci, monsieur le président.
• 0915
L'Association canadienne de l'immeuble représente quelques
64 000 membres qui exercent la profession dans toutes les régions
du pays.
Bon nombre des chambres immobilières locales—nous en comptons environ 112 au Canada—s'étendent sur de vastes territoires et inscrivent des propriétés dans les régions rurales et les sites naturels. Mais nous représentons beaucoup plus, monsieur le président. Nous représentons de nombreuses personnes au Canada qui achètent et vendent des biens immeubles à usage d'habitation.
Quand vous avez acheté votre première maison, vous avez sûrement été représenté par un de nos membres. En ce moment même, il y a des agents immobiliers qui s'occupent des intérêts d'acheteurs d'une première maison.
Grâce au service interagences, une liste collective utilisée exclusivement par les chambres immobilières au Canada, le secteur immobilier, nous avons réalisé, l'an dernier, quelque 400 000 transactions immobilières totalisant 61 milliards de dollars.
Donc, les acheteurs d'une première maison, tous les acheteurs en fait, accordent de l'importance au fait d'être propriétaire. C'est, au bout du compte, ce qui nous définit au Canada.
Nous sommes ici pour vous dire qu'il faut non seulement protéger la terre, mais également ce qu'on y investit—l'argent, le temps, les ressources, l'effort. Oui, les espèces doivent être protégées. Nous sommes d'accord avec ce principe. Mais le propriétaire ou l'occupant de cette terre doit l'être aussi. Les deux devraient être protégés, qu'il s'agisse d'un pic à tête blanche visé par la partie 3 de l'annexe 1, ou d'une famille avec deux enfants, un chat et un chien.
En deux mots, le projet de loi accorde des droits très précis au pic à tête blanche, mais des droits vagues et mal définis à une famille canadienne de quatre personnes.
Nous avons présenté un mémoire sur le projet de loi C-33 en mai dernier. J'aimerais rependre aujourd'hui deux thèmes fondamentaux de ce mémoire.
D'abord, nos membres appuient le projet de loi sur la protection des espèces en péril. Ensuite, ils estiment que l'approche axée sur la collaboration que préconise le gouvernement dans le projet de loi est la bonne.
L'Association canadienne de l'immeuble, les agents immobiliers, réclament depuis près de 20 ans l'adoption de mesures visant à renforcer le droit à la propriété au Canada. Nous décrivons dans notre mémoire la façon dont ce projet de loi, et son prédécesseur, négligent d'assurer le respect du droit à la propriété, de même que les circonstances dans lesquelles un propriétaire ou un occupant est privé de l'usage de sa propriété.
Le rapport de M. Peter Pearse sur l'indemnisation propose plusieurs recommandations qui se rattachent directement aux questions que nous avons soulevées. J'aimerais surtout vous parler aujourd'hui de ces recommandations.
Nous dénonçons, dans notre mémoire, le libellé du projet de loi initial, car il néglige de préciser ce qu'on entend par indemnisation. De façon plus précise, l'expression «conséquences extraordinaires» n'est pas définie. Or, cette définition est essentielle car elle permet de déterminer quand un propriétaire a droit à une indemnité.
M. Pearse répond à la question. Il dit que la propriété doit avoir subi des pertes extraordinaires. Il ajoute qu'une perte de plus de 10 p. 100 de la valeur de la propriété remplit la condition de conséquence extraordinaire. Jusqu'ici, tout va bien. Cela peut constituer une définition raisonnable.
Or, une fois le seuil de 10 p. 100 atteint, M. Pearse propose que les propriétaires fonciers reçoivent une indemnité correspondant à 50 p. 100 seulement des pertes subies. Ils sont déjà obligés d'absorber 10 p. 100 des pertes. On leur demande maintenant d'assumer la moitié des autres pertes subies.
Il soutient, pour justifier cette formule d'indemnisation limitée, que les gouvernements et les tribunaux au Canada ont tendance depuis toujours à établir une distinction entre l'expropriation de facto et les restrictions de l'utilisation des terres. Il affirme que l'indemnisation est versée en cas d'expropriation et non lorsque des restrictions s'appliquent sur l'utilisation des terres. Il invoque cet argument pour justifier le fait que l'indemnisation sera limitée aux restrictions qui pourraient découler de l'adoption du projet de loi.
Nous ne sommes pas d'accord avec ce raisonnement. Nos experts en la matière soutiennent que les restrictions sur l'utilisation des terres sont équivalentes à une expropriation. Nous rejetons donc l'argument de M. Pearse, selon lequel les précédents nous autorisent à limiter de façon arbitraire l'indemnisation accordée. Nous savons que les restrictions arbitraires portant sur l'utilisation des terres se font de plus en plus nombreuses et qu'elles constituent, aujourd'hui, le principal enjeu touchant le droit à la propriété au Canada.
• 0920
Il est arbitraire et injuste d'appliquer la même formule
d'indemnisation à toutes les pertes dépassant le seuil de 10
p. 100. Si un propriétaire voit la valeur marchande de sa propriété
diminuer de 20 ou de 25 p. 100, alors l'indemnisation de 50 p. 100
peut être perçue comme étant raisonnable. Toutefois, quand la
diminution se situe entre 90 et 100 p. 100 de la valeur marchande,
nous ne comprenons pas, monsieur le président, comment cette forme
d'indemnisation peut être jugée équitable. En outre, la perte de
l'utilisation de cinq hectares, par exemple, peut être lourde de
conséquences pour un propriétaire, ou sans conséquence aucune. Par
ailleurs, il se peut qu'un propriétaire compte sur ces cinq
hectares pour son revenu de retraite. Dans ce cas-là, la perte de
l'utilisation de terres lui causera beaucoup de tort sur le plan
financier. La formule Pearse s'applique également, comme vous le
savez, aux deux exemples.
Pour être juste et équitable, il faut examiner chaque cas individuellement, évaluer le fardeau qu'entraîne les restrictions proposées, et ensuite déterminer ce que l'on considère être comme une indemnité juste pour ce propriétaire. Si, comme le soutient le gouvernement, les restrictions réglementaires ne s'appliqueront que très rarement, il devrait alors être possible de trouver des solutions ponctuelles, et non arbitraires, au problème.
J'aimerais maintenant revenir aux principes du rapport Pearse. Le cinquième principe énonce que les droits à la propriété doivent être respectés, et par cela, nous entendons indemnisés. Comme il ne devrait pas y avoir de taxation sans représentation, il ne devrait pas y avoir d'expropriation sans indemnisation. Si votre maison doit être est rasée pour faire place à une nouvelle autoroute, vous serez indemnisé. C'est ce que nous réclamons, pas pour nous, mais pour l'ensemble des Canadiens qui sont vos électeurs.
Comme vous le savez, l'Association canadienne de l'immeuble réclame depuis des années une modification à l'article 7 de la Charte afin d'y inscrire le droit à la propriété. Or, des représentants fédéraux et provinciaux nous ont dit à maintes reprises qu'une garantie constitutionnelle n'était pas requise parce que le droit à la propriété était consacré par la loi et la common law. Où sont, dans le projet C-5, les dispositions qui protègent les particuliers contre les empiétements de l'État sur leur propriété? Elles ne sont tout simplement pas là.
Nous recommandons donc la modification suivante au projet de loi. Nous proposons que le paragraphe 64(1) soit modifié comme suit:
-
Le ministre peut indemniser toute personne des pertes subies en
raison des conséquences que pourrait avoir l'application des
articles 58, 60 ou 61 [...]
Nous trouvons inacceptable que le projet de loi consacre, sans définition aucune, l'expression «conséquences extraordinaires» relativement à l'indemnisation, et que celle-ci soit définie par un rapport de conseiller auquel on choisira, ou non, de donner suite.
La modification que nous proposons supprime l'ambiguïté et précise qu'une indemnité sera versée pour toutes les pertes liées à une expropriation. Nous avons indiqué dans notre mémoire de l'an dernier qu'un propriétaire, en vertu de ce projet de loi, devra défendre sa cause devant des bureaucrates, à ses propres frais, pour redresser la situation, sans garantie qu'il obtiendra gain de cause et sans possibilité d'appel.
Le septième principe énoncé par M. Pearse dans son rapport est le suivant:
-
7. Les politiques, procédures et programmes doivent être clairs et
transparents et offrir un maximum de certitude.
Le huitième principe se lit comme suit:
-
8. Les accords administratifs doivent être simples, de manière à
éviter les procédures coûteuses et les exigences de conformité
onéreuses.
Nous sommes d'accord avec ces deux principes. Nous croyons qu'ils devraient être inscrits dans la loi, et non pas faire l'objet d'un règlement ou figurer dans un guide de conformité, où il est plus facile d'en faire fi.
J'aimerais terminer en disant que nous avons tous une responsabilité envers la terre, ce qui vit sur cette terre et dans l'eau. Nous avons également une responsabilité à l'égard des habitants de cette terre. Toute est une question d'équité. Il faut tenir compte de la nature et de l'environnement, et adopter à l'égard des droits des particuliers une approche juste et équitable. Si vous privez les gens de leurs droits, vous devez alors les indemniser de façon équitable. Voilà, essentiellement, ce que nous demandons.
• 0925
En fait, bon nombre d'entre vous ont sans doute rencontré un
représentant de notre association lors du forum d'action politique
que nous avons tenu la semaine dernière. Nous avons fait de cette
question une de nos principales priorités cette année. Nous vous
avons demandé, quand nous avons rencontré entre 150 à 170 députés
la semaine dernière, d'appuyer cette proposition et de prévoir une
indemnisation qui soit équitable.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Merci de cet exposé.
Monsieur Hachey.
M. John Hachey: Encore une fois, bonjour.
Comme je l'ai déjà mentionné, je représente la Fédération canadienne des municipalités. Vous savez, pour la plupart, que notre organisme représente plus d'un millier de gouvernements municipaux au Canada. La Fédération est également vouée à l'avènement de collectivités durables.
Je préside le Comité permanent des questions environnementales de la FCM. Nous avions confié à un sous-comité le mandat de préparer ce mémoire. Malheureusement, le président du sous-comité ne pouvait assister à la réunion d'aujourd'hui. Je ferai donc appel, plus tard, à notre personnel technique pour répondre à certaines questions. J'espère que nous serons en mesure de vous soumettre bientôt le mémoire détaillé que la FCM a préparé sur le sujet à l'étude.
J'aimerais d'abord dire que la FCM appuie les principes et les objectifs de la Convention sur la conservation de la diversité biologique. La Fédération souhaite que le Canada légifère avec fermeté pour honorer ses engagements internationaux sans compromettre la survie des collectivités canadiennes qui dépendent des ressources naturelles et la santé de l'économie nationale. Il s'agit d'une tâche très difficile, en raison de l'équilibre délicat qui existe entre l'environnement et l'économie.
Le projet de loi C-5 contient de nombreux aspects positifs qui rallient le soutien de la FCM. J'aimerais en souligner cinq.
La FCM appuie la démarche de concertation assortie de nombreux mécanismes de transparence dans les domaines comme la tenue hâtive de consultations durant l'élaboration des plans de rétablissement, le registre public des décisions, la prise en compte des facteurs socio-économiques dans le rapport quinquennal sur la LEP, et l'établissement d'une table ronde publique après deux ans.
La FCM souscrit à la promotion et au financement des mesures d'intendance incitative et à l'indemnisation des effets économiques négatifs résultant de la protection d'habitat essentiel.
Elle appuie le principe de responsabilisation des ministres quant à l'inscription des espèces.
Elle est également en faveur du respect du mandat partagé des autorités fédérales et provinciales pour ce qui touche la conservation de la diversité biologique.
Enfin, la FMC se dit d'accord avec le retrait des dispositions autorisant les particuliers à intenter des poursuites judiciaires.
Il y a plusieurs aspects positifs qui rallient notre soutien, tout comme il y a d'autres points où il faudrait apporter des modifications. En effet, la FCM estime que, pour rallier le soutien généralisé des municipalités canadiennes, la LEP devra faire l'objet de nouvelles modifications. En général, il suffira de renforcer les dispositions existantes de la loi, mais dans d'autres cas, la FCM incite fortement le gouvernement à modifier la loi. Aux fins du présent sommaire, voici nos principaux sujets de préoccupation: les dispositions sur l'indemnisation et le financement de leur application; la protection à assurer aux espèces en péril et habitats relevant de la compétence fédérale; le fait d'empêcher que des espèces ne deviennent en péril; l'inscription des espèces, et les dispositions sur l'établissement d'une table ronde. J'aimerais vous parler plus en détail de ces cinq sujets de préoccupation.
D'abord, l'application du principe d'une mise en commun des avantages et des coûts reliés à la protection de la faune est au coeur des préoccupations de la FCM. Indépendamment du rapport Pearse sur l'indemnisation, la FMC recommande le versement d'une indemnité pour toute perte matérielle ou tout autre effet économique négatif découlant de décisions prises dans le cadre du processus de rétablissement sur la façon de protéger une espèce en péril. La notion de conséquences extraordinaires est inacceptable, puisqu'elle est subjective et qu'elle pourrait engendrer de longues contestations judiciaires. Elle implique également qu'il est acceptable de subir certaines pertes sans indemnisation, ce qui viole le principe d'une responsabilité commune. Il faudrait incorporer d'autres principes à la loi pour orienter la réglementation subséquente.
• 0930
Nous estimons que l'indemnisation devrait être fondée sur la
juste valeur marchande de la propriété. Il pourrait y avoir des cas
où les propriétaires accepteraient de procéder à des échanges de
terrains.
Le délai imparti pour le versement de l'indemnisation soulève des inquiétudes. Le droit du propriétaire foncier ou de la Couronne d'en appeler de la valeur et l'établissement de délais pour toutes les étapes du processus d'appel, depuis la négociation jusqu'à l'arbitrage exécutoire en passant par la médiation, devraient également être inscrits dans le projet de loi.
Les parties ayant droit à une indemnisation devraient également figurer dans la loi. Il faudrait inscrire dans la loi l'obligation qu'ont les autorités fédérales de contribuer à un fonds de dotation pour éviter que cette responsabilité ne soit refilée aux propriétaires fonciers, et faire en sorte que la conservation des espèces bénéficie en permanence d'un financement particulier.
L'allocation de ressources actuellement proposée pour le programme des espèces en péril est insuffisante. Il faut procéder à un investissement majeur, principalement axé sur les initiatives d'intendance et le recours à des compétences spécialisées pour conseiller le ministre quant aux décisions à prendre.
Le deuxième point concerne la protection nécessaire dans les zones de compétence fédérale. La protection de l'habitat essentielle est la mise en application de plans, d'actions et de gestion devrait avoir un caractère obligatoire pour la totalité des terres, installations et activités fédérales, y compris dans les sociétés d'État.
Il faudrait éviter de recourir à des directives qui n'ont pas la force d'une loi. Toutes les décisions prises par tous les ministres compétents, aussi mineures soient-elles, devraient être versées au registre public pour assurer une transparence complète.
La LEP ne devrait pas être assimilée à un pouvoir résiduel, mais avoir préséance sur les autres lois fédérales en l'absence d'un degré identique de protection.
Le troisième point concerne l'adoption d'une disposition afin d'empêcher que des espèces ne deviennent en péril. Le principe de base voulant que la conservation d'une espèce nécessite un habitat devrait s'appliquer à toutes les espèces, et non pas seulement aux espèces en péril. L'approche écosystémique ou plurispécifique définie aux articles 41 et 67 devrait être obligatoire. Pour empêcher que des espèces ne deviennent en péril, il est nécessaire de prendre en considération l'interaction de toutes les espèces, y compris l'espèce humaine.
Le quatrième sujet de préoccupation concerne l'inscription des espèces. Il faut élargir les interdictions immédiatement au moment de l'inscription d'espèces en voie de disparition ou menacées relevant de la compétence fédérale, en ajoutant des mesures intérimaires d'atténuation pour préserver l'habitat essentiel. Ces mesures pourraient consister à désigner des zones-tampons d'habitat essentiel minimum, et prendre la forme d'une gestion adaptative.
Le dernier point concerne l'établissement d'une table ronde. L'article prévoyant l'établissement d'une table ronde, l'article 127, devrait préciser qu'il s'agit d'une instance multilatérale, et qu'elle ne réunit pas uniquement des personnes concernées.
Nous aimerions également soulever la question de l'indemnisation. Les municipalités qui exproprient des terres devraient se fonder sur le principe de la «juste valeur marchande» pour calculer le montant de l'indemnité. C'est la formule qu'on devrait logiquement utiliser dans ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Merci.
Nous allons maintenant entendre M. Klassen ou M. Miller.
M. Stan Klassen: Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous dire quelques mots au sujet des activités qu'a entreprises le Land Resource Partnership de l'Alberta au cours des quatre dernières années. Mon collègue, M. Miller, vous parlera plus à fond du projet de loi.
• 0935
Je suis le président du Land Resource Partnership. Nous
représentons une quinzaine de groupes, y compris, entre autres,
l'Alberta Association of Municipal Districts and Counties,
l'Alberta Chamber of Resources, de nombreux intervenants de
l'industrie du bétail, l'industrie forestière et l'Alberta
Irrigation Projects Association.
Nous défendons les intérêts d'exploitants de quelque 525 000 hectares—ou, si vous voulez 1,3 million acres—de terre au sein des districts d'irrigation de l'Alberta, ce qui représente environ 70 p. 100 des périmètres irrigués au Canada. Ajoutons à cela 250 000 acres additionnelles, ou 100 000 hectares, de terres irriguées exploitées dans le cadre d'une licence privée, ce qui totalise plus de 625 000 hectares de terre. Cela représente beaucoup d'habitats. Inutile de dire que nous estimons avoir un rôle important à jouer dans l'élaboration du libellé définitif de la Loi sur les espèces en péril.
Nous appuyons en principe la LEP, mais nous avons des préoccupations au sujet des sanctions qu'elle prévoit.
Nous entendons beaucoup de récits de la part de personnes qui s'arrêtent pour admirer le vol d'un aigle, écouter le cri d'oiseaux aquatiques ou regarder un canidé courir. Ces images font partie de la vie des Albertains qui habitent les communautés rurales. Il ne fait aucun doute que leur disparition nous appauvrirait.
Cela dit, il y a des propriétaires qui pratiquent volontairement une bonne intendance de l'environnement. Prenons, par exemple, l'Eastern Irrigation District, à Brooks, où l'on retrouve l'habitat de la chouette des terriers. Il y a plusieurs années, nous avons eu le privilège de faire visiter le site à plusieurs hauts fonctionnaires d'Environnement Canada, qui ont ainsi pu admirer cette espèce en voie de disparition. Ils sont passés de la théorie à la pratique. La chouette des terriers existe effectivement et occupe cet habitat depuis de nombreuses années, et ce, grâce à l'application de mesures volontaires.
L'Eastern Irrigation District a collaboré, de concert avec divers gouvernements et organismes de conservation, aux travaux de l'équipe nationale chargée du rétablissement de la chouette des terriers. Des districts et de nombreux propriétaires ont collaboré avec la société Ducks Unlimited en vue de préserver l'habitat des oiseaux aquatiques et des gibiers à plumes sédentaires sur leurs terres.
Après 60 ans de collaboration, le sud de l'Alberta compte 33 000 hectares, ou 80 000 acres, de zones humides qui sont constamment aménagées. Nous avons réussi, grâce à cet effort de collaboration, à protéger diverses espèces. Or, bien qu'ils soient heureux de voir que leurs efforts profitent à de nombreux Canadiens, les propriétaires fonciers ne comprennent pas pourquoi leurs compatriotes leur demandent de faire plus de sacrifices au nom de notre grand pays, mais bénévolement, par pure philanthrophie.
Nous voulons collaborer, sauf que le coût risque d'être trop élevé. Si vous vous dites prêt à punir ces gens si leurs efforts s'avèrent infructueux ou s'ils entraînent, par inadvertance, des répercussions nuisibles, vous causerez plus de tort que de bien. Nous n'avons pas besoin d'une loi qui intente des poursuites contre les gens. Nous avons besoin d'une loi qui protège les espèces.
Passons au rapport de M. Pearse. Il a recommandé, et nous en avons déjà discuté, que les propriétaires assument, dans un premier temps, 10 p. 100 des pertes subies. Nous jugeons ce seuil trop élevé.
Or, s'attendre à ce que les propriétaires de terres ou de ressources absorbent, en plus, 50 p. 100 des pertes dépassant ce seuil est carrément injuste. Cela ne cadre pas du tout avec les principes énoncés par M. Pearse dans son rapport, soit les principes de justice et d'équité. Le mot «juste» veut également dire équitable. Est-il juste de demander aux propriétaires fonciers d'assumer le gros des coûts qu'entraîne la conservation de la diversité biologique au profit de tous les Canadiens? On retrouve également dans le mot «juste» la notion de principe. Sur quel principe se fonde-t-on pour demander à un petit segment de la population d'assumer une responsabilité aussi grande à l'égard de la biodiversité, et quel genre de message envoyons-nous, par cette démarche, à l'ensemble des Canadiens?
• 0940
La pérennité est, depuis des années, le mot d'ordre de ces
secteurs. Les pratiques acceptées changent constamment au fur et à
mesure que de nouvelles données sont produites. Les décisions que
vous avec prises, hier, risquent de produire, demain, l'effet
inverse. Pour cette raison, et compte tenu des infractions de
responsabilité stricte qui sont prévues, les propriétaires de
terres et de ressources craignent de poser un geste involontaire
qui pourrait donner lieu à des poursuites, entraîner des frais
d'avocat très élevés et aboutir, en fait, à l'emprisonnement.
Si vous voulez que les Canadiens adoptent la LEP, vous devez leur proposer une loi qui, en plus d'être juste et équitable, se fonde sur des principes, une loi qui encourage la collaboration, qui fait place à l'erreur—après tout, il est question ici d'être humains—et qui fait de la mise en valeur et de la protection des espèces la responsabilité du plus grand nombre de citoyens. Nous sommes en faveur de la conservation et de la protection des habitats, mais nous craignons les mesures punitives qui priveraient les espèces en péril de cette protection vitale.
Monsieur le président, je vais maintenant céder à mon collègue. Merci.
M. Peter Miller: Monsieur le président, le projet de loi dont est saisi le comité vérifie la validité des approches adoptées par le gouvernement pour changer le comportement du public. Nous les qualifions de carottes et de bâtons. Nous sommes conscients du fait que le projet de loi prévoit de nombreux incitatifs qui visent à encourager les gens à faire ce qu'il convient de faire. Malheureusement, il contient également un très gros bâton, comme l'a indiqué M. Klassen. Cela risque, à notre avis, de dissuader les gens de se prévaloir des incitatifs qu'offre le projet de loi.
Le projet de loi est libellé en termes très vagues. La notion d'infraction y est définit de telle sorte qu'il sera généralement impossible pour une personne de savoir qu'elle est en état d'infraction. Dans de nombreux cas, l'infraction découlera d'une activité tout à fait légale, autorisée ou réglementée.
L'expérience américaine montre que toute opération d'exploitation forestière, de pacage ou de labourage sera interprétée comme une activité qui nuit à une espèce ou qui détruit son habitat.
Inévitablement, on en viendra à déclarer, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, que le fait de brûler des combustibles fossiles nuira aux végétaux et donc aux espèces végétales en voie de disparition. Il sera quasi impossible pour le citoyen moyen de savoir quelles sont les espèces en voie de disparition qui se trouvent dans une région donnée, à quoi ces espèces ou leur habitat ressemblent à diverses étapes de leur cycle de vie.
À cet égard, l'article 124 du projet de loi soulève des préoccupations. Le ministre peut délibérément limiter la communication de tout renseignement aux propriétaires fonciers et occupants si ce renseignement concerne l'aire où se trouve une espèce sauvage. Cela est inquiétant si on considère que le projet de loi est conçu comme une loi qui relève du droit pénal et qu'elle peut entraîner l'imposition d'une peine d'emprisonnement.
Je ne sais pas comment les avocats et les membres du Comité de la justice peuvent justifier une telle chose. J'espère que le comité leur posera des questions au sujet de l'article 124. Il va à l'encontre des principes de justice et ne cadre pas avec notre interprétation de la façon dont la loi devrait être appliquée.
Le projet de loi contient des mesures d'exécution sévères. Nous tenons à attirer votre attention sur le fait qu'il en faudrait très peu pour qu'une action soit assimilée à une infraction criminelle. Mentionnons, par exemple, le fait de causer accidentellement du tort à une espèce. L'espèce est définie en termes très vastes, et englobe un brin d'herbe, une semence ou du pollen. Comment peut-on démontrer qu'on a fait preuve diligence raisonnable pour éviter qu'une semence ou du pollen provenant d'une espèce végétale en péril ne souffle sur ce chemin et n'aboutisse dans une torchère, une fosse remplie d'eau ou un autre endroit? Même le pare-poussière de votre voiture pourrait, à l'extrême, être utilisé comme exemple. Un particulier pourrait se retrouver avec une espèce morte sur son pare-brise, se faire arrêter par la police et être interrogé au sujet de la diligence raisonnable dont il a fait preuve pour éviter une telle situation.
Le projet de loi transfère en plus le fardeau de la preuve à l'accusé, qui doit démontrer qu'il a fait preuve de diligence raisonnable dans les circonstances. Il doit démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter de tuer une espèce qui, dans les circonstances, lui est inconnue. Enfin, cette infraction est assortie d'une amende sévère de 1 million de dollars et d'une peine d'emprisonnement de cinq ans.
Ce sont là des perspectives qui font plutôt peur.
• 0945
Le projet de loi a ceci de problématique qu'il traite d'un
sujet fort arbitraire, aléatoire et capricieux. Vous pouvez vous
trouver en présence de différentes espèces sans le savoir. Vous ne
sauriez pas nécessairement à quoi elles ressemblent et vous ne
pourriez pas prendre des mesures pour éviter de les perturber. Or,
vous pourriez, si vous les perturber, commettre une infraction
criminelle. Cette idée fait très peur au citoyen qui, accompagné de
sa famille, se promène sur un sentier et marche accidentellement
sur une mauvaise herbe.
M. Klassen, entre autres, a abordé la question de l'indemnisation. Elle soulève beaucoup de préoccupations. Manifestement, la proposition de M. Pearse est inacceptable. Elle constitue la meilleure solution de rechange à l'entente négociée. Or, cette option est tellement peu attirante qu'elle pousse les gens à négocier une entente.
Nous n'avons rien contre cette démarche. Nous nous attendons toutefois à ce que l'on tienne compte, dans ces négociations, des pertes subies par un propriétaire foncier dont l'utilisation des terres est restreinte par la présence d'une espèce en voie de disparition.
Nous sommes d'avis qu'un programme bien géré, établi en consultation avec les intervenants, ne nécessitera pas le versement d'indemnités élevées. Il est préférable à notre avis, et nous croyons que c'est l'objectif que vise le gouvernement, de trouver, de façon concertée, des solutions et des options peu coûteuses et respectueuses des droits privés de propriété. Cette approche, selon nous, s'avérera la plus fructueuse.
L'indemnisation, en effet, devient en quelque sorte le régulateur qui force la société à choisir des options raisonnables et abordables. Sans cette forme de responsabilisation, le véritable prix qu'il en coûte à la société pour atteindre l'objectif visé demeure caché puisqu'il est transmis aux individus d'une manière inéquitable et invisible. Le coût de ce programme doit être assumé par la société dans son ensemble puisqu'il est question ici d'une valeur sociale.
Nous formulons plusieurs recommandations dans notre mémoire. Je vais vous donner les grandes lignes de certaines d'entre elles.
Le projet de loi établit une distinction entre la collaboration et la consultation. À notre avis, il faudra absolument consulter le propriétaire foncier concerné lors de l'élaboration de plans d'action qui visent des habitats essentiels qui sont définis en termes absolus. Nous savons que la Cour suprême du Canada a dit que, dans certaines circonstances, la «consultation» est synonyme de «consentement» quand il est question de droits personnels. Le projet de loi précise qu'il y aura des consultations, dans la mesure du possible, avec les propriétaires fonciers et les intervenants. Nous assimilons cela à la collaboration.
Nous abordons d'une façon précise, quoique brièvement, la question de la participation des provinces à l'accord national, et ce, dans le contexte des mesures fédérales de protection des espèces sauvages. Ces mesures constituent un autre aspect vexant du projet de loi. Elles partent du principe que les provinces ne font pas leur travail. Nous estimons que le gouvernement fédéral n'a pas à juger du bien-fondé des lois provinciales. Or, c'est ce qu'il fait par le biais de ces mesures.
Nous recommandons que les deux dispositions suivantes, soit les paragraphes 34(3) et 61(4), soient supprimées—le premier s'applique aux espèces, et le deuxième, aux habitats. Elles portent sur l'application de mesures fédérales de protection des espèces sauvages sans le consentement des provinces. Si l'on se pose des questions au sujet du bien-fondé des initiatives provinciales, alors la question doit être réglée dans le cadre de l'accord national, et non pas de façon unilatérale par le ministre fédéral.
Nous appuyons la position qu'adopte le gouvernement dans le projet de loi en matière de responsabilité. Il revient aux représentants dûment élus et redevables au public de déterminer les conséquences de toute mesure législative qui entraîne des poursuites au criminel. Pour cette raison, nous croyons fermement que l'inscription des espèces en péril ne devrait pas être décidée d'office par le COSEPAC. Cette responsabilité ne devrait pas être confiée d'office aux scientifiques. Le projet de loi précise que cette décision revient aux représentants élus du Cabinet, et nous sommes d'accord avec cette approche.
• 0950
Parallèlement, nous jugeons que la responsabilité du
gouvernement doit être mise à l'épreuve par le biais du processus
démocratique. Le projet de loi C-65 prévoyait le recours aux
poursuites civiles, et certains groupes vont demander que ces
dispositions figurent à nouveau dans le projet de loi. Il s'agit là
d'une mesure d'autodéfense fondée sur l'hypothèse selon laquelle
les gouvernements ne sont pas en mesure de faire leur travail ou
sont peu disposés à le faire. À notre avis, aucune mesure
législative ne peut être fondée sur cette prémisse.
Le recours à des mesures de rechange pour régler les différends est fondé sur le même principe, à savoir que le gouvernement n'est pas en mesure de faire son travail. Il faut trouver une formule qui permet au public d'intervenir et de demander des comptes.
Nous n'appuyons aucune de ces propositions.
Bref, ce qui nous préoccupe avant tout, c'est que les infractions prévues dans le projet de loi sont assimilées à des infractions de responsabilité stricte. Elles sont typiques d'un régime réglementaire. Or, parce que le gouvernement exerce son pouvoir en matière de droit pénal pour empiéter sur des terres qui, autrement, relèvent de la compétence provinciale, nous jugeons cette norme excessive. Les Canadiens seraient tous d'accord pour dire qu'il faut poursuivre les particuliers qui s'en prennent intentionnellement, sciemment et malicieusement à une espèce en péril ou détruisent son habitat. Toutefois, nous portons atteinte au sens de la justice des Canadiens quand nous imposons des sanctions criminelles à une personne qui, accidentellement ou inconsciemment, perturbe ou détruit un habitat ou encore blesse une espèce animale.
Il y a dans le projet de loi une disposition parmi d'autres qui fournit le plus grand incitatif, soit celle qui traite des exceptions. Or, celles-ci doivent fonctionner si l'on veut donner un sens et de l'importance au modèle de collaboration que propose le projet de loi. Les propriétaires fonciers et les intervenants participeront au processus de planification, aideront à cerner les habitats et modifieront leurs activités en conséquence pour éviter qu'elles ne nuisent aux espèces en péril. Toutefois, il est important qu'ils sachent, dans ces circonstances, que tout effort de collaboration qui ne produit pas les résultats escomptés, comme l'a mentionné M. Klassen, ne se traduira pas par des sanctions pénales.
Le projet de loi prévoit des exceptions dans des cas bien précis. J'attire votre attention sur le paragraphe 83(4) du projet de loi, un article clé, et vous devez comprendre que cette disposition prévoit des exceptions pour les activités autorisées par les plans d'action. Si je suis propriétaire foncier et que j'établis un plan d'action pour mon quart de section, je m'attendrai à ce que le projet de loi, quand j'exploiterai cette parcelle de terrain et non l'autre, m'accorde un certain degré de protection ou de certain.
Le paragraphe 83(4) applique une restriction de portée très étroite non seulement aux activités qui sont autorisées par un plan d'action, mais également aux particuliers:
-
exerçant des activités autorisées [...] sous le régime d'une loi
fédérale
Il faut comprendre que cette restriction n'accorde aucune protection à l'industrie agricole. Elle n'accorde aucune protection aux activités autorisées sous le régime d'une loi provinciale, ce qui englobe la majorité des activités. Ce qui est inquiétant, c'est que les propriétaires fonciers et les exploitants de ressources participeront à l'élaboration de programmes, mais continueront d'être exposés à des sanctions pénales quand leurs activités ne donneront pas les résultats escomptés.
Il faudrait éviter d'adopter une telle approche et demander aux avocats du ministère de la Justice pourquoi ils ont ajouté ce passage. Il s'agit d'une restriction de portée très limitée qui va à l'encontre de l'engagement que le gouvernement a pris envers les intervenants, à savoir que le projet de loi contribuera à défendre leurs intérêts s'ils participent de concert avec lui à l'élaboration d'un programme destiné à protéger les espèces en péril.
Je pourrais en dire davantage, mais je vais attendre vos questions.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Merci de cet exposé.
Monsieur Woolham.
M. Bob Woolham: J'aimerais dire quelques mots avant de vous présenter mon mémoire.
J'ai travaillé pendant 35 ans pour le service extérieur, surtout pour le service des délégués commerciaux. Je m'occupais, au début, du dossier agricole. Ma famille et moi avons vécu dans différents pays, y compris le Japon, la France, la Chine via Hong Kong, la Jamaïque et plusieurs villes des États-Unis. Le concept de propriété est perçu de façon très différente dans ces pays. Le fait d'être propriétaire constitue, pour moi, un élément de motivation très puissant. Or, nous oublions parfois que le concept de propriété, surtout foncière, varie d'un endroit à l'autre et cette façon de voir, que la société y souscrive ou non, a un impact profond sur l'évolution future de celle-ci.
L'Ontario Property and Environmental Rights Alliance, ou l'OPERA, est composée de plusieurs associations de propriétaires fonciers de l'Ontario. La plupart de ces associations ont vu le jour à la suite de mesures prises par un gouvernement provincial en vue de restreindre, sans indemnisation aucune, l'utilisation de terres appartenant à des propriétaires dans les cas où il serait jugé dans l'intérêt public de le faire. Ces restrictions s'appliquaient de manière générale aux zones humides et aux aires naturelles ou présentant un intérêt scientifique. Elles s'appliquent maintenant aux habitats d'espèces sauvages et aux habitats d'espèces en péril désignées par la province.
Or, la plupart de ces désignations se font sans avis, et dans ce contexte, je crois qu'il y a là un grand problème de communication. Les propriétaires fonciers ne sont aucunement consultés par ceux, notamment les bureaucrates, qui souhaitent faire quelque chose avec leur propriété, et je trouve cela très malheureux.
Les membres de l'OPERA sont conscients du fait que les efforts déployés en vue de limiter les activités de l'homme qui nuisent aux espèces sauvages et à la biodiversité constituent des objectifs sociaux importants. Or, le coût de ces objectifs devrait être assumé par l'ensemble de la population. De plus, les propriétaires qui doivent contribuer au bien-être collectif devraient avoir droit à une indemnisation raisonnable.
Ce droit, à certains égards, passe par l'établissement de divers critères adéquats et négociables qui tiennent compte à la fois des intérêts d'un propriétaire et des choix ou objectifs des autres segments de la société. On ne peut pas appliquer une formule unique. Il y a de nombreux propriétaires qui aimeraient avoir l'occasion de faire plus pour préserver leurs terres.
Je tiens également à mentionner qu'il y a de nombreux différends qui opposent les divers groupes d'intérêts bureaucratiques qui s'intéressent à votre propriété. Différents organismes ont différents objectifs et, bien entendu, vous vous trouvez au bout du compte entre deux feux.
À notre avis, les propositions concernant l'indemnisation et le processus envisagé dans le projet de loi C-5 manquent de substance et d'équité.
Selon l'OPERA, il faut investir dans la recherche biologique afin d'être en mesure de mieux évaluer la nature des risques et la façon dont ils peuvent être atténués. Il est plus important de connaître les caractéristiques des espèces que d'en connaître le nombre. Si je dis cela, c'est parce que nous parlons beaucoup des populations d'espèces sans vraiment connaître le sujet. La désignation des espèces pose elle-même beaucoup de problèmes sur le plan scientifique, surtout avec la mise au point de nouveaux modes de classification de l'ADN.
Au chapitre du recensement, il faut savoir que les espèces dont nous parlons mangent et se font manger; c'est une loi de la nature. Dans de nombreux cas, ce n'est pas tant la terre sur laquelle se retrouve l'espèce qui compte, mais plutôt la disponibilité alimentaire et les prédateurs. Ces facteurs ont de profondes répercussions. Par conséquent, il me semble raisonnable que la recherche soit axée sur une meilleure compréhension de ce qui peut véritablement défendre une espèce particulière pour laquelle une forme de rétablissement s'imposerait.
• 1000
La pie-grièche migratrice pourrait être un bon exemple,
puisqu'elle est arrivée au Canada grâce à l'agriculture. Les pies-
grièches migratrices aiment le bétail, les pâturages ainsi que les
arbustes épineux sur lesquels elles suspendent leur proie. Elles
sont toutefois moins nombreuses—on n'en retrouve que 55 couples
reproducteurs dans l'est de l'Ontario et au Québec et on nous a dit
que leur nombre pourrait être encore inférieur. On nous a dit
également qu'il existe des oiseaux qui leur sont associés, comme la
grive rousse, le bruant de Henslow, etc.
On se demande parfois si le merle-bleu ne reviendrait pas si nous avions des pies-grièches migratrices. Eh bien, c'est peut-être le contraire; peut-être n'y a-t-il plus de merles-bleus parce que les pies-grièches migratrices les ont mangés. J'aimerais également indiquer que même les chevreuils mangent maintenant des oiseaux chanteurs. Cela semble étonnant, mais c'est le cas.
Ces changements de population et qui mange quoi sont des facteurs très importants qui n'ont pas véritablement été pris en compte dans de nombreux cas. Il semble qu'il y ait de nombreux facteurs à l'origine de toute législation sur les espèces en péril. Selon OPERA, la science joue un rôle de premier plan si l'on veut comprendre les facteurs touchant les effets indésirables et si l'on veut mettre au point des stratégies pour en renverser la tendance. Par conséquent, OPERA se déclare en faveur d'un financement public visant à approfondir l'étude scientifique pertinente dans ces domaines.
Toutefois, cette dimension scientifique fait partie d'un ensemble beaucoup plus vaste comprenant les cultures humaines ainsi que les objectifs sociaux, économiques, nationaux et internationaux. Je crois qu'il faut admettre la réalité de nombreux aspects différents lorsque l'on parle de dimensions et d'écologie. Il y a des aspects religieux et des aspects liés au développement, par exemple—qui n'ont vraiment rien à voir avec les espèces.
Je suis sûr que vous avez entendu parler du bio-blitz, qui est une mesure d'aide pour ceux qui veulent arrêter la construction d'un pont ou changer quelque chose de cette nature. Dans ce contexte, je crois qu'il faut parvenir à un équilibre et cela relève de la politique. OPERA appuie la disposition du projet de loi C-5 qui confie au cabinet la responsabilité de juger du péril que courent les espèces sauvages, plutôt qu'au Conseil pour la conservation des espèces en péril.
Enfin, OPERA s'inquiète du dommage potentiel que pourrait causer le chevauchement des compétences fédérales-provinciales dans le domaine des programmes relatifs aux espèces en péril, dans les provinces qui auront ces deux genres de lois et règlements. Selon OPERA, un mécanisme prévoyant des rajustements ou des exceptions s'impose si l'on veut protéger les propriétaires fonciers de toute responsabilité qui leur serait imputée par inadvertance.
J'attire de nouveau votre attention sur le fait que l'Ontario a déjà une loi sur les espèces en voie de disparition ainsi que des règlements connexes qui nous touchent tous les jours en tant que propriétaires fonciers.
Merci.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Bienvenue et merci beaucoup pour votre exposé.
Mesdames et messieurs, il nous reste près de 55 minutes. Nous avons un autre groupe qui doit arriver à 11 heures ainsi qu'une liste assez longue, si bien que je vais limiter les questions et les réponses à des rondes de cinq minutes. Je vais demander au greffier de faire le chronométrage.
Nous allons commencer par M. Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci beaucoup. Merci, messieurs, de venir nous parler de vos préoccupations.
J'aimerais vous poser des questions au sujet de deux points. Le premier, sur lequel chacun de vous s'est penché, c'est celui de l'indemnisation, le second, celui de l'application.
En ce qui concerne l'indemnisation, monsieur Miller, je crois que vous pourriez probablement nous donner l'exemple d'un modèle d'indemnisation différent de celui de M. Pearse. Il s'agit à mon avis d'un élément important de toute question et je sais que vous connaissez bien un autre modèle qui fonctionne très bien depuis plus de trente ans.
Vous avez également parlé de consultation de mise en garde. Je suis propriétaire de terres agricoles et je sais que très souvent, la planification se fait longtemps avant que le propriétaire ne soit contacté. Cela créé évidemment de graves problèmes de communication.
L'application est le second point. Il me semble que lorsqu'il s'agit d'agriculteurs, d'exploitants de ranch et de citoyens respectueux de la loi, on s'efforce de rendre les infractions très graves—on jette quelqu'un en prison pendant dix ans, on impose des amendes d'un million de dollars. Par contre, lorsqu'il s'agit de criminels, on leur inflige parfois des peines très légères.
• 1005
Il semble qu'il y ait déséquilibre et j'aimerais savoir ce que
vous en pensez—si d'après vous, l'application prévue par le projet
de loi C-5 pourrait peut-être devenir plus réaliste, pour cadrer
avec le crime perpétré. Peut-être pourrais-je vous demander de
traiter de ces deux points, s'il vous plaît.
Monsieur Miller, à propos du modèle.
M. Peter Miller: En ce qui concerne l'indemnisation, comme je le disais, le rapport de M. Pearse était conçu de manière à créer une meilleure option pour une entente négociée, or il est tout à fait inintéressant qu'un achat refasse l'objet de négociations.
Dans les trois provinces de l'Ouest canadien, y compris l'Alberta, lorsqu'un exploitant exerce ses droits d'extraction souterraine de pétrole et de gaz, l'industrie pétrolière et gazière a déjà l'habitude d'indemniser les propriétaires jouissant de droits de surface pour toute interruption de leurs activités. Le Conseil de gestion des droits de surface fonctionne en Alberta et dans les autres provinces depuis de nombreuses années.
Beaucoup de décisions ont été rendues à propos de l'indemnisation. Des chefs de dommage sont reconnus et les décisions ont permis de clarifier ce qu'est une indemnisation juste. Nous proposons un modèle qu'il vaut la peine d'envisager. Nous nous attendons à ce que le gouvernement ne soit jamais forcé en dernier ressort de recourir aux dispositions relatives à l'indemnisation prévues par la loi—dispositions semblables à celles visant l'expropriation.
Nous savons que l'indemnisation est un recours inhabituel dans le cas d'une prise de règlement, car un propriétaire foncier n'est pas privé de l'usage complet de sa terre, seulement d'une partie.
Nous espérons que les articles 12 et 13 du projet de loi seraient invoqués par le gouvernement pour négocier l'usage restreint de la terre avec un propriétaire foncier—comme Canards Illimités le fait depuis de nombreuses années dans l'Ouest canadien. Il s'agit d'un autre modèle de l'application juste des principes d'indemnisation que l'industrie de l'agriculture accepte parfaitement bien.
Le modèle rejeté par M. Pearse est celui de l'indemnisation des intérêts personnels sur une terre publique. C'est un très gros problème dans l'Ouest canadien et le Nord. Pour des raisons d'équité selon nous, les particuliers ou les sociétés qui investissent dans des entreprises sur des terres publiques—comme le développement agricole ou des ressources—devraient être indemnisés. Il s'agit d'une perte liée à l'intérêt personnel, tout comme d'une perte liée à l'intérêt en fief. La nature des droits est différente, mais rien ne justifie d'établir une distinction entre les deux.
Voulez-vous que l'on parle du comité d'indemnisation?
M. Bob Mills: Mon autre question portait sur l'application.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Vous avez cinq minutes.
M. Bob Mills: Quelqu'un voudrait-il traiter de l'application prévue par le projet de loi C-5, par opposition à ce qui pourrait peut-être être une menace moins pénible?
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Brièvement.
M. Peter Miller: Les dispositions du projet de loi relatives à l'application sont très sévères, tout comme la nature générale de la législation environnementale dans notre pays. Cela va beaucoup trop loin par rapport à d'autres infractions et c'est ce qui semble être la tendance de la législation environnementale. Ce projet de loi est particulièrement menaçant, à cause du manque de précision du libellé, ainsi que du caractère arbitraire et aléatoire de l'infraction.
Selon nous, il est tout à fait injuste que les Canadiens puissent courir le risque de ces genres de sanctions pénales pour une activité qui serait autrement jugée légale.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Je vais essayer de faire vite, car on a seulement cinq minutes.
• 1010
Je veux poser une question à M. Miller. D'abord, je
vous félicite pour votre mémoire, qui est assez
exhaustif et assez explicite.
Vous indiquez à la page 20 de la version française de votre mémoire:
-
L'empiétement des lois fédérales dans les
domaines de compétence provinciale, sans le consentement
des provinces, est tout à fait inexcusable. Cela
témoigne d'un manque de respect à l'égard des
dispositions de l'Accord national et de la
Constitution...
C'est, à mon avis, un des constats les plus durs qu'un témoin ait pu faire concernant cette loi. Vous dites aussi:
-
...et entraînera inévitablement des
contestations sur le plan constitutionnel qui devront
être résolues par les tribunaux.
Les avocats du ministère de la Justice s'entêtent à dire que sur le plan juridique, ils sont totalement blindés par rapport à cette loi. J'aimerais que vous nous disiez sur quelle base pourrait s'effectuer une contestation juridique sur le plan constitutionnel.
[Traduction]
M. Peter Miller: À mon avis, cette question du filet de sécurité dont jouit le fédéral est un élément très inquiétant du projet de loi. Les avis juridiques sont partagés à ce sujet, et de toute évidence il s'agit d'un point sur lequel les tribunaux devront statuer. En tant qu'industrie primaire, nous souhaitons ne pas être appelés à participer—puisque nous avons pris part à des révisions internes et à toutes sortes d'autres décisions. S'il est possible de renvoyer la question à la Cour suprême du Canada, faites-le sans faire intervenir les particuliers.
Le problème du filet de sécurité, c'est qu'il se déclenche par suite d'un examen de l'opportunité de la législation provinciale, ce qui, à mon avis, est très injuste et intempestif. En général, ce qui nous inquiète au sujet des pouvoirs fédéraux dans ce domaine, c'est que le gouvernement fédéral revendique les pouvoirs liés au droit pénal et je crois que pour le justifier, il érige en crise la question des espèces en voie de disparition, ce qui exige donc une législation nationale. À notre avis, c'est une erreur.
D'après moi, un tribunal se prononcerait en faveur de la législation fédérale seulement si elle s'appliquait au cas du dernier couple reproducteur d'oiseaux d'une espèce donnée. Il est inadmissible et insupportable de généraliser l'application de cette législation aux espèces en péril.
Vous allez entendre le témoignage des représentants du Fraser Institute plus tard au cours de vos délibérations et sachez que d'après leur analyse, il n'y a pas de crise dans notre pays; nous n'avons pas vu d'espèces disparaître en l'espace de trois générations.
Cette loi ne peut en aucun cas conférer de pouvoirs en matière pénale. Les avocats constitutionnels renvoient à l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hydro-Québec relative aux déchets toxiques, affaire qu'ils qualifient de très restreinte. Je ne pense pas que l'on puisse dire d'une espèce menacée, laquelle relève fondamentalement de gestion de la faune, qu'elle entraîne une situation de «crise» nécessitant le recours par le gouvernement fédéral au pouvoir pénal dont il est investi. À mon avis, seule une affaire relative à la dernière espèce vivante dans notre pays ne pourrait résister à une attaque constitutionnelle devant les tribunaux.
[Français]
M. Bernard Bigras: Mon autre question s'adresse à M. Hachey.
Presque tous les témoins ont justement parlé de la question de l'application de cette loi et de l'utilisation du double filet. Dans le résumé de votre mémoire, vous parlez de la question des dispositions sur l'indemnisation. Vous parlez naturellement de l'élargissement d'une table ronde, mais vous nous parlez très peu de l'application de cette loi dans vos municipalités.
Au fond, vous représentez plus d'un millier de gouvernements municipaux. C'est ce que vous nous indiquez. Est-ce que vous seriez prêt à dire que vos membres souhaitent que la loi fédérale s'applique sur les territoires municipaux même lorsqu'une loi provinciale existe?
[Traduction]
M. John Hachey: En ce qui concerne l'appui que nous apportons au projet de loi C-5, nous recherchons un partage des mandats entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les municipalités souhaiteraient également la participation de tous les intervenants; or, dans le cadre de l'application de cette loi, les municipalités feront partie de ces intervenants.
• 1015
C'est probablement la meilleure réponse que je puisse donner
à la question relative à la table ronde dont vous parlez—la
compétence du gouvernement fédéral et la loi, selon notre
interprétation, sont suffisamment transparentes, mais la loi doit
prévoir notre participation lorsqu'il s'agit des affaires
municipales.
[Français]
M. Bernard Bigras: Donc, les membres de votre fédération sont favorables à l'utilisation du double filet. Est-ce bien ce que vous êtes en train de me dire?
M. John Hachey: Oui.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): C'est tout?
M. Bernard Bigras: Oui.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Je vous demanderai de répondre brièvement.
M. John Hachey: La réponse est oui.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Miller, au sujet de l'opposition que vous manifestez à propos du recours par le gouvernement fédéral au pouvoir pénal, je ne comprends pas vraiment, après avoir lu votre mémoire et après vous avoir entendu aujourd'hui, si vous vous opposez à toute sanction pénale dans cette législation, ou si vous dites simplement que les choses vont beaucoup trop loin.
M. Peter Miller: Les choses vont beaucoup trop loin. Selon moi, pour exercer son pouvoir en matière de droit pénal, le gouvernement fédéral doit définir l'infraction comme étant une véritable infraction pénale, soit une infraction mens rea. Vous savez que la législation sur les espèces en voie de disparition provient de l'Afrique où les braconniers pourchassaient les éléphants et les rhinocéros; nous sommes tous d'accord pour dire que ce genre de conduite et d'activité doit cesser. Le droit pénal dans notre pays s'applique à ceux qui, intentionnellement, pourchassent les espèces en voie de disparition à des fins commerciales ou pour réaliser des profits.
Les sévères infractions en matière de responsabilité qui nous visent tous dans nos activités légales quotidiennes—un jour, nous faisons quelque chose de légal, le jour suivant, cela devient par définition un crime—font partie d'une loi très néfaste pour notre pays.
M. Joe Comartin: Tant qu'il y aurait un élément mens rea, vous l'accepteriez.
M. Peter Miller: Oui.
M. Joe Comartin: D'accord. J'aimerais passer à l'indemnisation.
Nous avons entendu la semaine dernière d'autres témoins qui nous ont parlé de l'expérience de la Colombie-Britannique en matière d'indemnisation. Le rapport que nous avons reçu à ce moment-là était assez positif. Les fonds qui avaient été mis de côté semblaient être plus que suffisants pour répondre aux demandes de règlement. Êtes-vous au courant de cette expérience en Colombie- Britannique?
M. Peter Miller: Désolé, non.
M. Joe Comartin: Dans votre mémoire, vous...
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Quelqu'un est-il au courant?
M. Joe Comartin: À la page 5 de votre mémoire, vous indiquez environ en bas de la page que vous ne vous attendez pas—dans l'hypothèse d'un régime d'indemnisation juste, raisonnable—à ce que des indemnités d'envergure soient versées. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Peter Miller: On suppose ici que le gouvernement consultera, planifiera et gérera comme il le faut. Il présentera des options très vastes et chacune d'elles sera assortie d'un coût, selon les droits touchés, les ressources nécessaires pour arriver à une solution, les changements à apporter aux terres, etc., ou l'activité qu'il faut cesser. Nous espérons que le gouvernement étudiera ces options et choisira celle que, selon lui, il peut se permettre, ou celle qui est pertinente, en partant de l'hypothèse qu'elles sont toutes également efficaces et susceptibles de protéger les espèces en péril.
Il ne fait aucun doute que si un lac essentiel se trouve au milieu de la prairie et que vous êtes propriétaire de ce lac indispensable pour l'habitat essentiel, on vous dise que cette terre représente une ressource nationale tellement précieuse que personne ne devrait en être le propriétaire. Elle devrait faire l'objet d'une expropriation pour devenir un parc national.
• 1020
Nous sommes convaincus toutefois que notre pays ne connaît pas
de crise pour l'instant et n'en a jamais connu. En fait, c'est tout
le contraire, puisque nous gérons nos espèces en voie de
disparition depuis 25 ans, malgré ce que peuvent annoncer les
articles de journaux qui se réjouissent de voir qu'enfin, notre
pays va se doter d'une loi sur les espèces en voie de disparition.
Nous nous occupons de cette question depuis de nombreuses années.
Nous avons une excellente expérience dans ce domaine et sommes
confiants que nous pouvons continuer à gérer ce problème d'une
manière qui ne nuise pas aux activités sur le terrain.
Si vous définissez le problème comme étant fondamentalement causé par la présence humaine, en disant que la disparition de l'habitat est due au développement humain, cela devient une question de politique très importante, laquelle ne devrait pas être réglée dans le cadre de cette législation, à mon avis. Nous ne pouvons pas faire des gens des criminels tout simplement parce que nous considérons que le fait qu'ils vivent dans tel ou tel endroit menace les espèces.
M. Joe Comartin: C'est la réalité. Quatre-vingt pour-cent des problèmes que nous avons proviennent de l'incursion de l'homme dans les habitats naturels. Je ne pense pas que quiconque puisse contester le fait que les espèces soient menacées.
M. Peter Miller: Nous avons un exemple très intéressant à Calgary: le faucon pèlerin avait pratiquement disparu dans ce secteur. Grâce à un programme communautaire, un faucon pèlerin niche maintenant dans l'immeuble Petro-Canada ainsi que dans plusieurs autres immeubles de Calgary.
Selon moi, il y a moyen de gérer ce problème. Si, en tant que société, nous arrivons à la conclusion que nous avons atteint les limites de la croissance, que nous ne pouvons pas aller plus loin, il s'agit alors de prendre une décision politique fondamentale relative à l'immigration, à notre base économique pour l'avenir; il faut alors se demander s'il y a lieu de continuer à abattre des arbres ou à faire de la prospection gazière et pétrolière. Si nous ne voulons pas faire de nouvelles prospections gazières, il faudrait alors qu'un gouvernement déclare que nous ne sommes pas prêts à chauffer nos maisons au gaz naturel.
C'est une grosse décision à prendre, et je pense que pour la prendre... c'est une décision de politique publique qu'il faut prendre au plus haut niveau, mais une fois qu'elle est prise, nous devons en assumer les conséquences.
Nous abordons ce problème de l'autre sens. Nous sommes voulons cette croissance, nous voulons développer les ressources et exporter et nous voulons tous les avantages que cela peut apporter à nos communautés et notre société, et pourtant nous abattons, nous minons des personnes, nous leur faisons la vie dure, précaire et incertaine, et aussi très coûteuse et compliquée avec des processus de réglementation. Ce n'est pas ainsi que se règlent les problèmes fondamentaux de politique publique. Nous pensons que ce projet de loi, à part ce «bâton» qu'il renferme—et c'est la menace de sanctions—comporte un mécanisme de gestion de cette situation. C'est là que nous voyons l'avantage de ce projet de loi.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Je vous remercie beaucoup.
Nous laissons maintenant la parole à M. Reed, puis ensuite à Mme Carroll.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il se trouve que je suis en faveur d'un modèle d'indemnisation, et j'espère que le comité peut l'accepter, pour qu'il y ait une issue positive à ce problème. J'aimerais cependant signaler deux ou trois choses au comité et aux témoins—et peut- être vais-je acquérir une réputation de méchant garçon pour l'avoir fait.
Les municipalités privent constamment de leurs droits les propriétaires fonciers, sans offrir la moindre indemnité. Elles appellent ça le zonage. Les provinces continuent de créer des territoires sans indemniser les propriétaires fonciers, comme dans le cas de l'Escarpement du Niagara, en Ontario, ou les Zones d'intérêt naturel et scientifique.
C'est pourquoi, lorsque nous parlons de la disposition du gouvernement à indemniser, à participer, nous nous singularisons des autres. Lorsque je veux construire sur un bout de terrain d'une propriété, je dois réserver un certain nombre de pieds à l'élargissement de la rue. Je dois faire certains paiements de substitution aux terres à parc. Je dois faire toutes sortes de choses qui me privent de mes droits de propriété. Alors je suggère que nous mettions l'indemnisation dans la balance, dans nos délibérations, pour pouvoir concevoir un modèle qui soit correct pour les propriétaires fonciers.
J'ai deux autres questions à poser. Les voici.
Pourquoi parlons-nous ici de terres, puisque la plupart des espèces en danger vivent sur l'eau? Cela a trait au développement urbain et à la détérioration des Grands Lacs, etc. Une autre question, que je pose à chacun des témoins ici, c'est pourquoi sommes-nous partie de la nature? Est-ce que les êtres humains font partie de la nature? Je vous laisse répondre.
M. Bob Woolham: Oui, j'aimerais contribuer, si je le peux, à répondre à certaines des questions sur la relation entre le gouvernement fédéral et les municipalités et comment ce genre de choses est mis en oeuvre.
J'ai un document, ici, qui dit ceci:
-
La meilleure façon de protéger certaines terres constituant des
habitats de premier choix pour la sauvagine serait de les acquérir
en toute propriété et d'y interdire toute autre forme
d'utilisation. Seule une petite quantité de terres pourraient être
préservées de cette manière, en raison des coûts élevés
d'acquisition et de gestion subséquente.
-
Les gouvernements locaux et les organismes publics de gestion des
terres publiques devraient être encouragés à imposer des zonages
ou, du moins, à réglementer l'utilisation des terres afin de
prévenir la disparition ou la dégradation de l'habitat de la
sauvagine.
C'est un accord international conclu en 1986 entre le Canada et les États-Unis, appelé le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine. En un certain sens, il a énormément incité les administrations municipales et provinciales à faire exactement cela.
Selon le processus en vigueur maintenant en Ontario, il y a une certaine indemnisation, sur le plan des taxes foncières. Les propriétaires de terres agricoles ou de forêts jardinées ont maintenant droit à un escompte de 25 p. 100 du taux résidentiel. Pour les terres protégées, là où vivent des espèces en péril, il n'y a rien. Par conséquent, les municipalités, en un certain sens, perdent ce revenu et tous les autres membres de la communauté doivent payer pour ça. Ce qu'il y a ici, c'est un renversement de ce rôle, dans la manière dont ces choses seront réglées.
Pour terminer, en ce qui concerne l'eau, vous avez tout à fait raison mais les vrais problèmes, de nos jours, en matière d'eau, relèvent du ministère des Pêches et des Océans. Ce sont ici des protocoles qui ont été signés avec les offices de protection de la nature, et les mesures de contrôle sont beaucoup plus fermement appliquées sur nos ressources hydriques, sur le plan de l'habitat, que sur les terres. Ce n'est guère qu'un autre aspect de tout ce qu'implique ce processus.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Soyez bref, monsieur Beauchamp.
M. Pierre Beauchamp: Monsieur le président, j'ai une observation sur la question, c'est que le cinquième principe énoncé dans le rapport de M. Pearse est qu'il faut respecter les droits fonciers. J'ai dit dans mon exposé qu'«être respecté», c'est être indemnisé. Si on nous empêche d'utiliser une propriété, nous considérons que c'est de l'expropriation, et nous devrions recevoir un paiement équitable pour cette prise de terre. À mon avis, c'est un principe fondamental. Notre situation ne se compare à aucune autre. Je pense que le principe fondamental qui est en jeu est le droit de propriété.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Merci beaucoup.
M. John Hachey: J'ai une observation à faire au sujet des municipalités. Le fait que certaines municipalités du Canada n'offrent peut-être pas d'indemnité pour certaines choses ne signifie pas que toutes les municipalités ne sont pas d'accord avec le principe de respect relativement à l'utilisation des terres et à la manière dont nous structurons les zones. À notre comité, auquel siégeaient des membres venant de tout le Canada et des Territoires, il était très clair que certaines provinces et certaines associations et municipalités offrent une indemnisation sous diverses formes. Mais plutôt que d'entreprendre une procédure en justice, il vaut beaucoup mieux conclure une entente d'une façon ou d'une autre et avoir une réaction qui fait que vous offrez une juste valeur marchande, si vous privez une personne des droits d'exploitation d'une terre... Et si vous n'êtes pas prêts à offrir une juste valeur marchande, vous pouvez envisager des échanges de terres ou des mesures de ce genre, qui ont cours dans tout le pays.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées, et en fait j'aimerais m'adresser directement à vous, monsieur Hachey. Je pense vraiment que M. Reed a abordé un élément absolument central de nos discussions ce matin. C'est qu'il est vrai que vous, les administrations municipales—et j'ai été membre de l'une d'elles—adoptez souvent des règlements qui restreignent l'utilisation des terres et se répercutent sur la valeur de la propriété. Nous parlons ici de restriction. Nous ne parlons pas d'expropriation. Alors je pense que nous devrions nous concentrer là-dessus.
• 1030
Vous recommandez que nous recourions à un arbitre de la juste
valeur marchande lorsque nous avons une obligation d'indemnisation
totale; je pense que si vous le proposiez à la FCM et recommandiez
ceci aux municipalités qui en sont membres, cela aurait des
répercussions financières assez importantes dans tout le pays.
Alors je vous demande, peut-être plus précisément que M. Reed, s'il
y a des exemples d'arrêtés municipaux au Canada qui prévoient des
indemnisations dans des circonstances semblables?
M. John Hachey: Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question?
Mme Aileen Carroll: Cette proposition d'indemnisation, que vous nous recommandiez dans des circonstances semblables, alors que vous, au niveau municipal, restreignez tellement le droit d'utilisation des propriétaires.
M. John Hachey: Il est certain qu'il y a eu des procès, à propos de zonage qui était perçu comme une moyen déguisé d'exproprier, à l'issu desquels la municipalité a dû verser la juste valeur marchande des terres parce que c'était clairement une forme déguisée d'expropriation.
Lorsqu'on enlève les droits d'utilisation d'une terre, c'est un cas de juste valeur marchande, et je pense que toutes les municipalités du Canada pourraient s'entendre là-dessus. Ce n'est pas la même situation que celle dont vous avez parlé au début de votre intervention, du zonage où nous ne faisons pas, bien souvent...
Mme Aileen Carroll: M. Reed a parlé de «zonage»; moi, je parle de toutes les mesures que prennent les administrations municipales pour limiter les droits des propriétaires relativement à l'utilisation de leurs terres. M. Reed mentionne le zonage, mais il y a une gamme, une vaste gamme de mesures que les municipalités doivent, dans l'intérêt collectif, prendre qui limitent la valeur des terres. Ce que je dis, et vous pouvez me corriger si je me trompe, c'est que les indemnisations qu'offrent les municipalités, le cas échéant, ne représentent pas la juste valeur marchande des terres.
M. John Hachey: Dans les délibérations du comité, certaines provinces l'ont fait, et on a déduit, dans le cadre des discussions du comité qui a rédigé ce rapport, que le mieux serait la juste valeur marchande, bien que ce ne soit pas toutes les provinces...
Mme Aileen Carroll: Pour nous, au niveau fédéral.
M. John Hachey: Non, plusieurs provinces n'offrent pas d'indemnité, et les municipalités diverses dans les diverses provinces n'indemnisent pas de la même façon. Au Québec, lorsqu'il y a expropriation, le montant de l'indemnisation est fondé, par exemple, sur la juste valeur marchande.
Mme Aileen Carroll: Je vous arrête là. Est-ce que je peux déduire de vos propos que vous recommandez que les municipalités fassent de même, et que vous ne recommandez pas que ce fardeau n'incombe qu'à nous, au niveau fédéral?
M. John Hachey: Nous recommandons que nos municipalités, si elles restreignent les droits d'exploitation des terres des promoteurs immobiliers, offrent une indemnité. Si c'est une expropriation municipale, nous...
Mme Aileen Carroll: Pas l'expropriation, il ne s'agit pas d'expropriation. Nous parlons de réglementation de l'utilisation, de la limitation de l'utilisation—pas d'expropriation.
M. John Hachey: En ce qui concerne les restrictions sur l'utilisation, s'il est déterminé que la personne ne peut utiliser sa terre, nous y voyons une forme déguisée d'expropriation. Si c'est en fait une situation où la personne peut encore utiliser sa terre, il s'agit d'une situation où nous envisagerions des mesures pour inciter les gens à exploiter leur terre de la façon appropriée.
Mme Aileen Carroll: Là où je veux en venir, c'est qu'une fois que nous acceptons l'argument que toute restriction réglementaire sur l'utilisation des terres oblige à l'indemnisation complète, nous nous trouverons inévitablement obligés de faire de même pour d'autres types de restrictions réglementaires sur l'utilisation des terres. Vous êtes d'accord?
M. John Hachey: Oui.
Mme Aileen Carroll: Très franchement, je suis heureuse que ceci doive être inscrit au compte rendu.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Votre temps est écoulé.
Mme Aileen Carroll: C'est tout? Cinq minutes? J'attendrai le deuxième tour.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Il n'y aura pas assez de temps pour faire un deuxième tour, alors allez-y si votre question est courte.
Mme Aileen Carroll: Mon bref commentaire, et j'essaierai de mettre un point d'interrogation à la fin, c'est que je pense que les nouveaux pouvoirs d'indemnisation qui ont été ajoutés à ce projet de loi constituent l'une de ses forces. Ce n'est pas, comme certains d'entre vous l'ont appelé, le projet de loi C-33, mais bien le projet de loi C-5. Il y a eu des changements, et j'aurais vraiment apprécié que ces changements soient reconnus par l'utilisation du nouveau titre, le projet de loi C-5, de la part de ceux qui se contentent d'extraire les vieux mémoires des tiroirs.
Je pense vraiment que c'est quelque chose qui a ajouté du mordant à ce projet de loi. C'est une réponse du gouvernement à beaucoup de choses qui ont été mises de l'avant. À vous entendre tous venir dire que nous allons compter des coûts et combien nous allons contribuer au bien collectif et nous assurer d'appliquer une approche de grand livre pour veiller à ne pas donner plus aux uns qu'aux autres... Je trouve cela très décevant. Je pense que le rapport Pearse va enfin apporter un certain équilibre, et vous semblez vouloir déterminer d'avance ce que cet équilibre devrait être. Rappelez-vous seulement le rôle du gouvernement—ce n'est pas un commerce.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Savoy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup. Mes questions sont dans le même ordre d'idée, mais j'irai un peu plus loin.
Est-ce que chacune de vos organisations appuie la conservation et la protection des espèces en péril? Le diriez-vous? Pouvez-vous l'appuyer avec un engagement financier?
M. Stan Klassen: Oui.
M. Andy Savoy: Vous pouvez l'appuyer avec un engagement financier? Bon.
Ce que je veux dire, c'est que les espèces en péril et leur protection présentent un problème dont nous, du gouvernement fédéral, ne sommes pas les seuls à devoir assumer la responsabilité. Une part de la responsabilité repose sur les divers utilisateurs des terres, les municipalités, les propriétaires fonciers. Cependant, ce que vous proposez, c'est qu'au lieu d'une indemnisation dont on convient ou que l'on négocie, nous vous indemnisions à 100 p. 100 pour l'utilisation de la propriété, à sa juste valeur marchande. Il me semble que vous appuyez verbalement la protection des espèces en péril, mais que lorsqu'il faut agir, lorsque vient le moment d'envisager une indemnisation pour la valeur des terres, vous dites, oh la la, nous vous donnerons notre soutien verbal, mais nous n'allons certainement pas engager des ressources financières là-dedans, ou faire notre part financièrement.
Est-ce que je me trompe? Est-ce bien ce que j'entends?
M. Peter Miller: Ce n'est absolument pas cela. Je pense qu'il y a...
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Excusez-moi, M. Klassen voulait intervenir.
M. Stan Klassen: Merci, monsieur le président. J'aimerais seulement faire un commentaire là-dessus. L'équité, par définition, est équilibrée et égale. Je parle de la recommandation de M. Pearse, selon laquelle le seuil de 10 p. 100—et je dis que c'est là, il me semble, que l'indemnisation doit commencer—c'est beaucoup.
Cependant, ce à quoi nous nous objectons fortement, c'est qu'au-delà de ce point, lorsqu'il y a un coût direct qui est reconnu, le propriétaire foncier ne serait encore indemnisé que jusqu'à 50 p. 100 de ce qui reste. Autrement dit, on attend de la personne qu'elle assume 60 p. 100 des coûts, tandis que 30 millions d'autres Canadiens, dans l'intérêt public, assumeraient le reste. Ce n'est pas de la justice. Ce n'est pas juste ni équitable. C'est ce que j'avais à dire.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): D'accord. Merci.
Peter.
M. Peter Miller: Pour répondre directement à votre question, je pense qu'il y a un nombre illimité de solutions créatives pour composer avec la situation d'un bout de terre particulier, et nous comptons bien toutes les trouver. Mais lorsque vous arrivez au point où un agriculteur, par exemple, est privé d'un quart de ses terres, il doit remplacer ce revenu.
Cependant, lorsque c'est possible, il n'y a pas de doute... Il est certain que dans le secteur des ressources, la foresterie, le pétrole et le gaz, l'industrie minière... Je pourrais toute la matinée vous parler de nos travaux avec des groupes de protection de l'environnement et des communautés, des millions de dollars que nous avons dépensés—et une bonne partie de cette information a été transmise au gouvernement—sur des initiatives de protection. Nous en sommes très fiers. C'est notre histoire. Nous savons que cela fonctionne. Selon nous, l'indemnisation serait rarement nécessaire, parce que nous pensons pouvoir formuler des solutions créatives qui n'ont aucun effet sur l'exploitation, qui répondent aux objectifs de la loi et ne coûtent rien à personne.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): C'est bon.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills: Nous parlons de beaucoup de choses comme le phosphore dans l'eau et la conservation. En fait, il y a toutes sortes de types d'eau, ou de phosphore et de conservation. Beaucoup dépend des objectifs visés et de la manière dont ils sont gérés et équilibrés. J'ai entendu quatre organismes différents parler de traversée du bétail. Les gens de la Garde côtière se souciaient des canots, et m'ont suggéré de construire un pont. Je voulais mettre du gravier et une planche sur le gravier. Le ministère des Ressources naturelles se préoccupait de l'habitat des poissons—il ne voulait pas qu'il soit troublé. Les gens de l'environnement, inquiets de la qualité de l'eau, insistaient pour que le bétail traverse le ruisseau sans se mouiller les pattes. Alors aucune solution n'est ressortie de tout ce processus. Je pense que lorsqu'on parle de conservation, il faut plus qu'une solution universelle.
• 1040
Je sais, par exemple, qu'Ottawa—Carleton a essayé, par
l'entremise de l'administration municipale, de prendre en charge la
conservation, et la Commission municipale d'Ottawa a fini par leur
dire qu'il leur fallait acheter les terres. C'est une décision
judiciaire qui est venue de la municipalité.
M. Andy Savoy: Je vous remercie.
J'ai une autre question qui...
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Eh bien, monsieur Savoy, ce temps est à vous. Voulez-vous...
M. Andy Savoy: Je comprends ce que vous allez dire, je crois. C'est très similaire.
Mais si l'on envisage la responsabilité partagée—la mesure dans laquelle il y a partage—pensez-vous que nous devrions prévoir une clause capacité de paiement, selon qu'il s'agit de la compagnie Foresterie F. Noranda ou un agriculteur, qui propose divers niveaux d'indemnisation. Est-ce que quelqu'un y a pensé? Je vois bien qu'on essaye de trouver une solution ici. Est-ce qu'il a été envisagé de fonder l'indemnisation sur l'envergure du payeur? Ou pensez-vous qu'il y a une solution...? Je parle ici d'un règlement négocié.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Miller.
M. Peter Miller: Je pense qu'il faut toujours aborder ces questions d'un point de vue de principe, et il ne fait pas de doute qu'un gros propriétaire foncier ou un intervenant d'envergure aura les moyens et la flexibilité voulus pour faire plus—peut-être à titre volontaire. Cependant, Bill Gates paie un litre de lait le même prix que nous, et c'est ainsi qu'est la société. C'est un principe équitable. Je ne pense pas que la capacité de payer devrait entrer en compte lorsque le gouvernement cherche une solution pour les espèces en péril. Absolument pas.
M. Andy Savoy: Pierre, vous n'avez pas donné votre avis.
M. Pierre Beauchamp: Eh bien, je ne peux que confirmer notre position, c'est-à-dire que bien que nous puissions accepter le seuil de 10 p. 100, l'indemnité de 50 p. 100 seulement nous pose, comme je l'ai dit, de sérieux problèmes. Ça ne paraît pas équitable.
Selon nous, la limitation de l'utilisation des terres, c'est de l'expropriation. C'est aussi simple que ça. Nous pensons que nous devrions être payés la valeur des terres. C'est la position que nous défendons.
M. Andy Savoy: Est-ce qu'il reste du temps?
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Non.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux questions.
Premièrement, je suivrai un peu les questions qui ont été posées jusqu'à maintenant sur les termes «fair market value» et «valeur marchande». Quand on parle de valeur marchande, est-ce qu'on parle d'évaluation municipale? À quel moment parle-t-on d'évaluation municipale puisqu'on sait pertinemment que si, par exemple, une terre est identifiée comme étant un habitat naturel, elle risque de perdre son zonage, elle risque de voir son zonage modifié, elle risque de voir sa valeur marchande diminuée puisqu'elle n'aura plus la même vocation qu'elle avait avant?
Alors, lorsqu'on parle de «fair market value», comme d'un terme très précis, qu'est-ce qu'on veut dire exactement et à quelle règle de base se réfère-t-on pour évaluer la valeur d'une terre privée ou d'une terre publique?
[Traduction]
M. John Hachey: Je pense que je devrais répondre à cette question, parce que j'ai moi-même parlé de «juste valeur marchande», et parce que l'expression est dans notre texte. Les gouvernements municipaux s'appuient sur l'évaluation municipale pour déterminer les impôts fonciers, et non pas sur la pleine valeur marchande. La pleine valeur marchande peut être plus élevée, mais la juste valeur marchande est le montant d'après lequel les impôts fonciers sont fixés, et les gens ont convenu que c'est ainsi qu'ils voient...
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Donc, il s'agit de l'évaluation municipale...
M. John Hachey: C'est ça, oui.
Mme Hélène Scherrer: ...au moment où l'espèce est identifiée.
M. John Hachey: C'est exact.
[Traduction]
Mme Hélène Scherrer: D'accord. Ça pourrait changer un peu plus tard.
[Français]
M. John Hachey: Oui.
Mme Hélène Scherrer: Ma deuxième question est pour M. Miller. J'ai crû comprendre que vous reconnaissiez le pouvoir discrétionnaire du ministre au niveau de la sélection de la liste. Vous ne souhaitez pas que la liste soit faite par des scientifiques, mais qu'elle soit approuvée par le ministre. Est-ce que je suis dans la bonne ligne à ce moment-là?
[Traduction]
M. Peter Miller: Oui.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Pourquoi alors ne pas reconnaître au ministre le pouvoir discrétionnaire, selon l'article 124, de retenir, par exemple, des informations si ces informations peuvent être nuisibles à la survie d'une espèce?
[Traduction]
M. Peter Miller: Absolument. Le gouvernement doit pouvoir rassembler de l'information sur les espèces.
• 1045
Je ne me suis peut-être pas exprimé très clairement au sujet
de l'article 124. Il donne au ministre le pouvoir de ne pas
divulguer à un propriétaire la présence d'une espèce particulière
sur ses terres. Je pense que c'est tout simplement contraire aux
principes de justice lorsque les conséquences de la présence de
cette espèce sur des terres peuvent entraîner des pénalités et
qu'on peut aller en prison pour avoir accidentellement fait du tort
une espèce dont on ne savait même pas l'existence sur nos terres.
D'autres savent qu'elle est sur nos terres, et pourraient très bien
être là à surveiller, à attendre de nous prendre en défaut. C'est
ce que craignent les propriétaires.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Je pense que c'est vraiment donner comme objectif au gouvernement d'attendre qu'une personne fasse une faute pour vraiment aller la chercher, alors que l'objectif de la loi était plutôt de dire que si les informations sont retenues, c'est vraiment dans un objectif de protéger l'espèce qui est là et non pas d'attendre que le propriétaire de la terre soit pris en défaut.
Je ne pense pas que le pouvoir discrétionnaire était vraiment dans le but de prendre les gens en défaut et de leur reprocher d'avoir fait quelque chose. Je pense qu'il faut se rappeler l'objectif de ce pouvoir discrétionnaire également.
[Traduction]
M. Peter Miller: Oui, je suis d'accord. Je conviens que ce ne devrait pas être un jeu de «je t'ai eu»—à se faire prendre accidentellement. L'une des grandes craintes, au sujet du projet de loi, c'est qu'une fois qu'il sera adopté, les interdictions qu'il renferme entreront en vigueur immédiatement.
Ce que nous, les intervenants là-dedans, cherchons à obtenir, c'est la possibilité de collaborer avec le gouvernement—de planifier, de faire approuver des activités et des plans d'action, de conclure des ententes d'exemption, après la réalisation d'une évaluation environnementale appropriée—tout cela. Il faut du temps. Ce qui est troublant, dans ce projet de loi, c'est la clause de transition, qui fait que les dispositions qui peuvent faire de moi un criminel entrent en vigueur immédiatement. Avec l'approbation du gouvernement fédéral, je peux obtenir un délai de grâce d'un an, mais ce délai ne s'applique nulle part ailleurs.
Mais c'est une règle absolument effrayante, parce que le projet de loi prévoit que ce qui fera le succès de la coopération, fera que je participe et fera de moi un heureux citoyen Canada, c'est que lorsque je modifie mes activités de manière à accueillir des espèces sur mes terres, je ne risque pas d'être exposé à la possibilité d'accusations criminelles si une espèce meurt de causes naturelles; je ne serai pas non plus traîné devant les tribunaux pour expliquer que je ne l'ai pas fait, mais plutôt que j'ai exercé une diligence raisonnable pour tenter d'empêcher que l'espèce meure de causes naturelles—ou pour toute autre raison.
Alors il y a nettement de quoi s'inquiéter. Je ne pense pas un seul instant que le gouvernement a de mauvaises intentions et essaie de nous prendre en défaut. Ce dont nous parlons, aujourd'hui, c'est des défauts du projet de loi. En tant qu'avocat, je vous dis que ceci constitue une faille, qui nous expose de façon effrayante. Il est très facile de combler cette faille, et nous demandons au comité de le faire.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Madame Redman, puis monsieur Casson et, s'il reste du temps, monsieur Forseth.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai trois questions à poser, monsieur Miller. Je voudrais d'abord revenir sur la question que Mme Scherrer a soulevée.
Si vous regardez bien l'article 124, au sujet duquel vous avez exprimé des réserves parce qu'il limite les droits des propriétaires, il traite en fait de la divulgation de renseignements devant être intégrés au registre public s'ils sont liés au bien-être d'une espèce sauvage—à l'intérêt de l'espèce en péril. Nous avons entendu les témoignages d'autres groupes, et particulièrement de propriétaires qui craignent surtout que la divulgation des renseignements puisse, en fait, inciter des gens à enfreindre leurs droits de propriété privée.
Je peux donner l'exemple du ginseng américain, qui est une espèce en péril. La plus grande menace qui pèse sur cette espèce est en fait le braconnage. Nous devons donc y être sensible. C'est la raison de l'existence de l'article 124, puisque la divulgation dans le registre public de l'existence d'une espèce en péril que certaines personnes pourraient vouloir braconner n'est pas dans l'intérêt de l'espèce, et peut en fait inciter des gens à pénétrer illégalement sur des terres privées.
C'est l'objet de l'article 124. Peut-être avez-vous des observations à faire là-dessus.
M. Peter Miller: Et bien, je suis heureux d'entendre cette explication. Si cela veut dire qu'en fait, le propriétaire lui-même ou l'exploitant qui coupe des arbres sur un secteur très vaste est averti de la présence de cette espèce sur ses terres, c'est clairement de la collaboration et de la coopération avec le gouvernement.
J'ai un peu de difficulté à composer avec un problème en utilisant quelque chose qui n'a pas vraiment sa place dans une autre mesure législative. Manifestement, le problème c'est que la consultation—l'obligation légale de consulter—n'apparaît qu'au moment de préparer des stratégies de recouvrement et des plans d'action. Si vous n'en êtes pas encore là, ou si vous... surtout avec la déclaration des interdictions qui entrent en vigueur immédiatement, je me trouve exposé.
• 1050
Maintenant, dans la mesure où le délai de publication ou de
non-publication contribue à gérer un problème d'accès et de
violation des droits de propriété, je suppose que c'est utile, mais
nous devons veiller à ce qu'en utilisant cette disposition de la
loi pour prévenir que du tort soit fait aux espèces en péril, elle
n'expose pas quelqu'un d'autre qui est légalement à sa place, à
exploiter une ressource ou à réaliser une activité agricole, et qui
peut se faire prendre accidentellement et en toute innocence.
Je le répète, la solution à ceci nous ramène aux infractions exigeant la mens rea. Pour appuyer les pouvoirs de la loi pénale, il ne faut jamais cibler les situations accidentelles. Il faut cibler les incidents intentionnels, volontaires, nuisibles et coupables, et les actes de destruction.
C'est ça, la vraie solution. Cependant, j'aime bien votre explication, et si cela fonctionne, c'est tant mieux.
Mme Karen Redman: Il est très clair que c'est l'objet de cet article.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Casson.
M. Rick Casson (Lethbridge, AC): Merci, monsieur le président.
J'ai deux courtes questions, l'une s'adresse à M. Klassen et l'autre à M. Miller.
Monsieur Klassen, dans vos commentaires, je crois que vous avez parlé de 80 000 acres environ de zones marécageuses et de régions protégées que votre association a créées dans le but d'améliorer l'habitat des espèces, qu'elles soient en péril ou non. L'objet de ce projet de loi est en partie de créer une coopération entre les gens qui participent à la protection des espèces et de maximiser l'efficacité de leurs démarches.
J'aimerais savoir d'où vient votre financement, ou d'où il est venu pour créer ces zones, et comment est financé leur maintien? Voyez-vous quoi que ce soit dans ce projet de loi qui vous aiderait à le faire, ou à élargir ces zones?
M. Stan Klassen: Monsieur Casson, je vous remercie d'avoir posé cette question. Plus de 80 000 acres de terrain marécageux ont été développés depuis une soixantaine d'années. Dans ce cas particulier, c'est grâce à un partenariat entre les districts d'irrigation et Ducks Unlimited. Tout a été fait sur la base du partage des coûts, auquel Ducks Unlimited a participé. Les districts d'irrigation et, par le biais de leur évaluation, les agriculteurs eux-mêmes, ont fourni le reste du financement.
Ils continuent de le faire par le biais de la gestion des eaux d'irrigation, en plus des autres entreprises dont ils assument la responsabilité, sur ces terres semi-arides, et ils continuent de créer ces zones marécageuses qui, d'après Ducks Unlimited, figurent aujourd'hui parmi les meilleures haltes migratoires de l'Amérique du Nord. Tout cela s'est fait et continue d'être fait grâce à la coopération et au partage des coûts.
M. Rick Casson: Je vous remercie.
Monsieur Miller, corrigez-moi si je me trompe, mais je pense que vous avez dit dans vos commentaires que, si quelqu'un crée une procédure d'atténuation en vue d'améliorer l'habitat, pour protéger une espèce sur sa propriété, et que cette personne échoue, ou ne parvient pas à réaliser son objectif, cette personne est passible de peine. Est-ce bien ce que vous avez dit, ou ai-je mal compris vos propos? Si c'est ce que vous avez dit, où en est-il question dans le projet de loi?
M. Peter Miller: Le risque que court un propriétaire c'est que, si une espèce en péril est trouvée morte sur ses terres, il doit expliquer qu'il ne l'a pas tuée, qu'il a exercé une diligence raisonnable dans ses opérations pour s'assurer qu'elle ne soit pas tuée.
Comme je l'ai dit, je pense que les carottes positives pourraient inciter les propriétaires à modifier leurs activités de manière à créer l'habitat. Le mieux qu'il y ait à faire avec le «bâton», c'est de tenir bon, d'éviter de perdre et, ainsi, une approche négative n'apportera rien. Je pense que nous devons favoriser l'approche positive.
La partie du projet de loi qui crée ce problème est le paragraphe 83(4), que j'ai déjà cité. Il prévoit des exemptions que j'appellerais des «immunités». Un propriétaire a besoin de savoir que lorsqu'il participe à un programme et modifie ses activités, il ne risque pas d'être attaqué en vertu de cette loi-ci pour des activités pouvant entraîner des pertes. Cela signifie qu'il peut ouvrir la barrière, mettre ses vaches dans le champ, et si elles détruisent un nid qui s'y trouve, il doit savoir qu'en vertu du plan d'action, nous avons examiné tous les autres champs de la région et qu'il y a toute la place qu'il faut là, donc il sera autorisé à laisser ses vaches à cet endroit.
• 1055
Ce que nous craignons, c'est le potentiel d'abus que permet
cette loi de la part d'autres personnes qui ne se préoccupent pas
tant des espèces en danger mais qui saisissent l'occasion de faire
obstacle à d'autres activités légitimes, que ce soit l'exploitation
minière ou forestière dans une certaine région, ou l'agriculture.
La protection qui n'est pas prévue dans la loi actuellement l'est
au paragraphe 83(4) et elle doit être clairement applicable à
toutes les activités qui sont envisagées.
Nous devons comprendre que, lorsque le plan d'action aura été formulé, nous devrions réunir les scientifiques, les propriétaires fonciers, les groupes de conservation, tous les intervenants qui s'intéressent au bout de terre et à l'espèce concernés. Nous convenons que, mieux qu'un tribunal, mieux qu'aucun autre organe de réglementation, c'est lui qui est le groupe le plus proche de la terre, composé des gens qui sont le mieux placés pour faire une évaluation de cette espèce particulière à cet endroit particulier.
Un intervenant a besoin de savoir, lorsque cette évaluation a été faite, qu'il est à l'abri des poursuites, parce qu'il y aura des espèces vivant à proximité de la zone visée par l'activité. Il les encouragera à venir. Il y aura des oiseaux morts qui tomberont sur son sol. Il y aura des plantes écrasées ou inondées. Le but du plan d'action est d'examiner toutes ces possibilités, et de prendre une décision sur ce qui est un niveau acceptable d'activité dans cette situation particulière. Une fois que c'est décidé, l'intervenant doit jouir d'une certaine immunité.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Forseth, vouliez-vous...
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Oui.
Je veux revenir à quelque chose dont nous avons déjà parlé. Nous avons discuté de cette préoccupation sur la nécessité, pour établir un régime efficace d'indemnisation, de modifier le projet de loi ou les dispositions particulières qui peuvent être intégrées aux règlements. Ceci préoccupe beaucoup de monde des provinces des Prairies. Est-ce qu'il faudrait vraiment tout mettre dans le projet de loi, pour assurer la prévisibilité? Ou encore pouvons-nous tout simplement nous fier au gouvernement lorsqu'il dit «faites-nous confiance», et laisser tout se régler avec les règlements? N'importe qui d'entre vous peut répondre.
M. Pierre Beauchamp: C'est assez important à nos yeux pour que nous ayons recommandé la suppression du renvoi actuel aux règlements. C'est dans ce contexte que nous avons dit—c'est l'amendement que nous recommandons—«le ministre peut indemniser toute personne ayant subi des pertes en conséquence de l'application» des articles pertinents Nous avons donc supprimé les règlements, parce que nous pensons que les problèmes de droit des propriétés que soulève ce cas particulier sont assez importants pour être dans la loi plutôt que dans les règlements.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Monsieur Miller.
M. Peter Miller: Beaucoup de groupes ont recommandé que, dans cette partie de la loi, le thème «peut» devrait être changé pour «doit». Il crée une obligation légale pour le ministre de verser une indemnité dans des circonstances particulières. Les règlements peuvent décrire ces circonstances, mais nous pensons qu'il conviendrait que l'obligation soit prévue dans les mesures législatives.
M. Paul Forseth: Si jamais nous allons jusque là, faudra-t-il créer un mécanisme de règlement des conflits? Dans l'affirmative, l'avez-vous envisagé?
M. Peter Miller: Le règlement des conflits sur le montant de l'indemnité?
M. Paul Forseth: Oui.
M. Peter Miller: Absolument. Très souvent, il y aura la situation où l'intervenant, le propriétaire, est tout à fait disposé à limiter ses activités, à renoncer à un certain usage de ses terres. Le seul problème qui ne peut être résolu, c'est la valeur de cette renonciation. Il serait très approprié, dans ces circonstances, de demander à un arbitre indépendant de déterminer une seule chose: quelle est la valeur de la perte subie? Comme je l'ai dit, la jurisprudence existe déjà dans ce domaine.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Le président du Comité des ressources humaines vient d'entrer dans la salle, pour nous rappeler qu'il sera bientôt 11h00.
Madame Redman, si vous voulez présenter une motion, la règle du préavis de 24 heures sera invoquée, et nous en traiterons demain.
Voulez-vous faire des observations préliminaires?
Mme Karen Redman: Je le pourrais. Je vous remercie.
Vous devriez tous avoir reçu une ébauche, une proposition de travaux, que je demande au comité d'examiner. J'aimerais aussi proposer que le comité permanent termine les audiences des témoins au cours de la semaine se terminant le vendredi 11 mai et invite le ministre de l'Environnement à témoigner après ou vers la fin des audiences des témoins, et que nous entamions l'examen article par article de l'ébauche d'un projet de loi au cours de la semaine qui commence le lundi 14 mai.
Si vous voulez, monsieur le président, je peux en parler maintenant, ou encore mercredi avant le...
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Vous pouvez en dire quelques mots. Je vais demander aux témoins de patienter un moment.
Mme Karen Redman: D'accord.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Ce ne sera pas long.
Mme Karen Redman: Le comité a clairement indiqué l'importance que revêt ce projet à ses yeux, comme pour tous les Canadiens. Bon nombre des présentations que nous entendons ont déjà été faites antérieurement. Cela ne veut pas dire que les témoins n'y portent pas d'intérêt. C'est plutôt que beaucoup de questions très importantes ont déjà été examinées en détail, et ils viennent réitérer leurs points de vues.
J'ai parlé au greffier, dans le passé. Je sais que les membres du comité peuvent consulter, s'ils le veulent, les présentations écrites. En ce qui concerne le plan de travail que j'ai suggéré, bien qu'il soit assez ambitieux, comme je l'ai dit, le comité a déjà signifié sa disposition à tenir quelques réunions de plus pour entendre la liste des témoins que nous avions dressée provisoirement à l'origine. À ce que je comprends, aussi...
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Je pense que vous devrez vous arrêter là.
Mme Karen Redman: D'accord.
Le président suppléant (M. Gar Knutson): Si vous voulez bien—je vous fais mes excuses.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus à Ottawa pour nous faire part de leurs points de vues sur le projet de loi. Tout ceci s'insère dans un processus des plus importants. Je remercie les membres, et le Comité des ressources humaines de leur patience.
La séance est levée.