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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 juin 2001

• 0913

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour à tous.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Nous tenons aujourd'hui une table ronde sur le deuxième thème retenu pour étudier en profondeur l'incidence et l'objet du projet de loi C-5, qui concerne la protection des espèces sauvages en péril. Nous en avons organisée une, comme vous le savez, mardi dernier, et nous nous sommes alors penchés sur la question de l'indemnisation. Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'habitat, un mot très utile qui est parfois préférable au terme «environnement» parce qu'il est plus lourd de sens.

Avant de commencer le débat, qui sera très libre comme mardi dernier, je veux faire deux rappels à l'intention des membres du comité.

Premièrement, mardi prochain, nous siégeons avec la commissaire à l'Environnement et au Développement durable, qui viendra témoigner devant le comité pour la première fois car elle vient d'entrer en fonctions. Nous échangerons des points de vue avec elle. La nouvelle commissaire fera part au comité de ses idées et de ses attentes relativement à son rapport, qui devrait paraître en septembre prochain.

• 0915

Deuxièmement, M. Schindler nous a fait parvenir un mémoire parce qu'il ne pouvait pas venir en personne témoigner devant le comité. Comme vous le savez, M. Schindler est un scientifique de renommée internationale, un spécialiste de l'eau douce. Son mémoire a été distribué dans vos bureaux, à ce qu'on me dit, et il est aussi affiché sur le site Web. Il s'agit d'un texte d'un intérêt remarquable. L'auteur y aborde dès la première page la question de la nécessité absolue de protéger les habitats. Il traite de la dimension provinciale, il traite des populations régionales, il traite des problèmes propres aux habitats d'eau douce. Il traite du mythe du «on s'en débarrasse et on la ferme» et il conclut, à la page 5, qu'à son avis,

    les altercations entre les autorités responsables de l'Endangered Species Act des États-Unis et les propriétaires se sont avérées très rares.

M. Schindler fait aussi valoir que le public veut une législation forte et qu'il faut prévoir des indemnités. Il propose aussi quelques tableaux fort intéressant, dont le tableau 1, que je conseille à tous de consulter, «Listes provinciales des espèces considérées par le COSEPAC comme en voie de disparition ou menacées».

Cela dit, je vous souhaite à tous la bienvenue à notre séance de ce matin. Je vais brièvement énoncer les questions que nous pouvons aborder et allouer 20 minutes environ pour chacune. Mardi, notre séance a duré quatre heures. Il faudrait donc garder l'oeil sur l'horloge. Avant de commencer, toutefois, permettez-moi de rendre hommage à l'un des nôtres qui s'est distingué hier soir dans les buts de l'équipe de soccer des députés. M. Herron a réussi à nous éviter une défaite honteuse.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Je vous félicite de votre excellent travail dans...

M. John Herron: Nous n'avons pas gagné, et j'ai bel et bien laissé filer les deux derniers buts. Je dois donc accepter une part de responsabilité dans notre défaite, monsieur.

Le président: Il est toujours modeste.

Voyons si nous pouvons entamer notre discussion sur la définition d'habitat. C'est sans doute une bonne façon de débuter car les opinions sont variées. Je vois dans l'auditoire Mme Wilson. Si vous voulez vous joindre à nous à cette table, madame Wilson, vous êtes la bienvenue. Il y a d'autres personnes qui ont pris part à la discussion de mardi et qui sont de nouveau présentes aujourd'hui. Ne soyez pas timides, venez vous installer confortablement à la table.

Commençons donc par la définition d'habitat. Nous pourrions enchaîner avec une discussion de protection obligatoire par opposition à protection volontaire. Puis, nous pourrions examiner les programmes de rétablissement et les mesures provisoires de protection de l'habitat, un aspect qui a été soulevé à quelques reprises par des témoins qui le voyaient d'un très bon oeil.

• 0920

Ensuite, nous pourrions écouter des commentaires sur le caractère adéquat du projet de loi et sur le rôle fédéral. Nous pourrions finalement conclure en discutant de l'attitude des provinces jusqu'à maintenant, une question qui a été soulevée par plusieurs témoins, y compris, comme je l'ai dit il y a un instant, par M. Schindler, qui a ajouté ce tableau avec lequel la plupart d'entre vous sont déjà familiers.

Si cela vous convient, et je ne vois pas de main levée, commençons par la définition d'habitat qui figure dans le projet de loi. La question ne nécessite peut-être pas une vaste discussion, mais alors c'est l'occasion ou jamais de le faire. J'invite les participants qui désirent lancer le débat à lever la main, pour que nous puissions commencer.

Monsieur Findlay.

M. Scott Findlay (Université d'Ottawa): Merci.

Parlons-nous de résidence ou d'habitat, je ne veux pas me tromper?

Le président: Si vous voulez englober dans la discussion la définition de résidence, faites-le, je vous en prie, mais comme vous le savez il s'agit de deux concepts distincts.

M. Scott Findlay: Je crois que dans un contexte scientifique, le terme «résidence» tel qu'il est utilisé dans le projet de loi n'a sans doute guère de pertinence pour un grand nombre d'espèces, si ce n'est la plupart. Il convient sans doute de parler de résidence par exemple pour l'emplacement possible d'un nid d'oiseau ou d'une tanière de mammifère, mais pour bon nombre d'espèces la notion de résidence, comme nous la comprenons dans la langue courante, n'est probablement pas très adéquate, en particulier dans le cas de taxa comme les plantes.

Si nous parlons d'habitat essentiel, et il me semble que c'est un des éléments clés du projet de loi, une définition valable du point de vue scientifique engloberait l'ensemble des ressources biotiques et abiotiques nécessaires au rétablissement d'une espèce, tel que précisé dans un programme de rétablissement ou un plan d'action. Cette définition, à mon avis, me semble plutôt importante, car elle rapproche les notions d'habitat et de capacité de protection. Lorsque nous parlons du rétablissement d'une espèce inscrite, ce qui nous intéresse vraiment c'est de tenter d'assurer un certain niveau de population ou une dissémination donnée pour cette espèce. Évidemment, le niveau cible détermine les dimensions de l'habitat à prévoir.

Donc, lorsque nous parlons d'habitat essentiel, sur le plan scientifique, nous devons parler des dimensions de cet habitat essentiel, et cela se rattache à la notion de ce que nous considérons comme le niveau cible du rétablissement d'une population.

Le président: Voulez-vous terminer votre intervention?

M. Scott Findlay: C'est terminé. L'idée, c'est qu'en définissant l'habitat essentiel nous devons établir un lien direct avec le niveau de rétablissement visé, quelle que soit l'espèce.

Le président: Nous en sommes bien conscients, mais il nous serait utile de mieux comprendre votre pensée.

M. Elgie peut peut-être nous aider.

M. Stewart Elgie (directeur juridique, Sierra Legal Defence Fund): Merci, monsieur le président.

J'ai trois remarques précises à faire. Premièrement, les membres du comité remarqueront que la définition d'habitat adoptée dans le projet de loi ne correspond pas aux définitions d'habitat aquatique et d'habitat non aquatique. Cela vient d'une anomalie dans le projet de loi C-65, et ne vaut sans doute pas la peine qu'on s'y attarde.

• 0925

Le comité devrait toutefois s'intéresser à une incohérence entre les définitions. Si vous prenez la définition d'habitat dans le cas des espèces aquatiques, vous constatez qu'il y manque un élément qui figure dans l'autre définition, et c'est la notion d'habitat préalablement occupé par l'espèce. Cela s'explique du fait que cette définition est tout simplement tirée de la Loi sur les pêches et intégrée à la Loi sur les espèces en péril. Or, la Loi sur les pêches ne s'intéresse pas aux populations d'espèces menacées qui sont en voie de rétablissement.

Si vous voulez rétablir une espèce en voie de disparition, dont il ne reste parfois que quelques centaines de spécimens, l'habitat comprend les aires nécessaires au rétablissement de l'espèce. Il vous suffit donc, littéralement, de prélever une partie de la définition réservée aux espèces non aquatiques—autrement dit, l'aire où «se trouvent ou se sont déjà trouvés, un individu ou l'espèce et où il est possible de les réintroduire». Ce passage n'apparaît pas du côté des espèces aquatiques simplement parce que la définition provient de la Loi sur les pêches, qui ne visait pas le rétablissement et la réintroduction.

De même, si vous consultez la définition pour les espèces non aquatiques, la définition pour les espèces terrestres, vous y relèverez l'absence d'un concept important qui figure dans la définition réservée aux espèces aquatiques—c'est-à-dire la notion d'habitat dont dépend la survie de l'espèce, «directement ou indirectement». La définition réservée aux espèces aquatiques comprend non seulement l'aire que l'espèce utilise actuellement, mais les autres aires dont sa survie dépend. Vous pourriez peut-être greffer ce passage de la définition visant les espèces aquatiques sur la définition s'appliquant aux autres espèces. Ce faisant, vous vous trouverez à uniformiser les définitions d'habitat pour les deux types d'espèces. Pour l'instant, ces définitions sont incohérentes pour ces deux raisons.

Je veux aussi ajouter quelque chose au sujet de la résidence, simplement pour faire suite aux commentaires de M. Findlay.

Je suis d'accord avec lui, le concept de résidence ne s'applique évidemment pas à de nombreux types de taxa. Un poisson n'a généralement pas de résidence, pas plus qu'une plante. Mais le comité pourrait toutefois veiller à ce que la définition soit un peu plus large en restaurant la dernière partie de la définition utilisée dans le projet de loi C-65, quand toutes les étapes de l'examen auront été franchies et que le gouvernement aura adopté le projet de loi, c'est-à-dire en éliminant le mot «semblable».

On lit:

    «Résidence» Gîte spécifique—terrier, nid ou autre aire, lieu ou structure semblable [...]

Le comité et le gouvernement ont éliminé le terme «semblable» en 1996, et ce parce qu'il y a des espèces comme le bison ou le caribou qui ont un lieu de reproduction relativement bien défini et essentiel, par exemple, mais qui ne ressemble pas à un terrier ni à un nid. Autrement dit, ces espèces ont traditionnellement utilisé un lieu de reproduction, mais ce lieu ne s'apparente ni à un terrier ni à un nid. Alors si vous enlevez ces mots, vous ne faites pas éclater la définition; vous l'élargissez légèrement de façon à englober quelques taxa supplémentaires et vous l'harmonisez avec ce que le gouvernement a fait en 1996, dans la version antérieure du projet de loi.

Le président: Alors, monsieur Elgie, vous recommandez l'élimination du terme «semblable»?

M. Steward Elgie: Oui.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer à nouveau ce qui manque dans les définitions et qui s'applique aux espèces aquatiques et terrestres? Dans le cas des espèces aquatiques, vous proposez un ajout à la définition, des termes comme «et où il est possible de les réintroduire».

M. Steward Elgie: Oui. Je peux vous le présenter par écrit, si cela simplifie la tâche des membres du comité, et je peux assurer un suivi. Il s'agit essentiellement du libellé utilisé dans la définition visant les espèces terrestres, qui se termine par «se trouvent ou se sont déjà trouvés un individu ou l'espèce et où il est possible de les réintroduire»—autrement dit, l'idée d'habitat de rétablissement, qui est certainement essentiel dans le cas d'une espèce dont il ne reste que deux ou trois cents individus. Vous trouvez cet aspect dans la plupart des lois qui visent des espèces en voie de disparition dans le monde. Je crois qu'il s'agit simplement d'un oubli.

Le président: Oui.

Et pour les espèces terrestres, pouvez-vous nous lire à nouveau le passage que vous voudriez corriger?

M. Stewart Elgie: Ce sont simplement les mots que l'on trouve dans la définition visant les espèces aquatiques, qui comprend les aires dont dépend la survie de l'espèce et non pas seulement celles qui sont concrètement occupées.

Dans le cas des pêches, le meilleur exemple est celui d'une forêt coupée à blanc jusqu'à 30 mètres des rives d'un cours d'eau, ce qui a un effet spectaculaire sur le poisson même si le poisson ne vit pas dans les arbres.

Le président: Merci, monsieur Elgie.

Monsieur Affleck, je vous en prie.

M. Peter Affleck (gestionnaire, Foresterie, Interior Lumber Manufacturers' Association, Council of Forest Industries): Merci, monsieur le président.

Je vais continuer dans la même veine et suivre l'orientation que le personnel nous a fournie sous la forme de questions. En ce qui concerne la résidence, tout d'abord, je dois dire que je partage certaines des préoccupations de MM. Elgie et Findlay au sujet de la définition. Je crois qu'elle pourrait provoquer quelques effets fortuits.

• 0930

Évidemment, nous comprenons bien où les législateurs veulent en venir, mais comme je représente les praticiens, ceux qui essaient de tenir compte de la loi dans la réalité, je ne suis pas certain que nous serons en mesure de faire ce qui est prévu. Bien sûr, ma préoccupation vient tant du rapport entre la définition de résidence et les interdictions qui s'ensuivent que de la définition d'habitat essentiel et des interdits qui l'accompagnent.

Il me semble qu'un concept a déjà été proposé au personnel du ministère de l'Environnement—et je crois que Mme Smallwood abordera elle aussi la question—, un processus utilisé en Colombie-Britannique. L'idée est nouvelle, elle est encore à l'étape du développement, mais je crois qu'elle présente un certain intérêt et je demande aux membres du comité de l'examiner. Je veux parler de la stratégie de gestion des espèces fauniques identifiées.

Je me rends bien compte qu'il doit y avoir des questions liées aux pouvoirs et à la constitutionnalité de la loi pénale, des aspects de ce genre dont je ne peux guère parler car je ne suis pas avocat, mais il me semble que cela touche directement l'esprit du projet de loi, de façon un peu plus spécifique, et facilite certainement les choses aux personnes qui s'efforcent de traduire les dispositions législatives dans la réalité, dans des situations concrètes ainsi que pour les législateurs et d'autres parties intéressées. Cela leur permet de bien comprendre que la loi tente de protéger ce que l'on désigne dans la version actuelle par le terme «résidence».

Cela s'applique à l'emplacement concret d'une espèce définie—en Colombie-Britannique, évidemment, nous avons une liste distincte, mais c'est une autre question—et au départ, grâce aux orientations stratégiques, cela jette les bases d'un cadre plutôt précis—ou du moins compréhensible du point de vue des intervenants sur le terrain—quant à la façon dont les préoccupations initiales visant la protection de cet emplacement spécifique sont abordées, puis comment cela, tôt ou tard, à la longue, pourrait aboutir à une stratégie de rétablissement beaucoup plus vaste. Je crois que cette notion pourrait être d'une très grande utilité aux membres du comité.

Le président: Vous pourriez nous présenter des documents dont les membres du comité prendront connaissance pour se familiariser avec cette notion?

M. Peter Affleck: Je me ferai un plaisir de vous envoyer cette documentation, monsieur le président. Je tiens simplement à prévenir les membres du comité. Comme un certain nombre de règles applicables à la gestion de l'habitat des espèces actuellement inscrites y sont exposées, le document est plutôt volumineux.

Le président: Merci, monsieur Affleck.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.

Malheureusement, M. David Schindler n'était pas en mesure d'assister à notre séance. Je tiens toutefois à vous lire un passage de son mémoire et j'espèce que vous pourrez me fournir une réponse.

M. Schindler affirme:

    Le manque de vigueur des dispositions visant la protection des habitats est la principale faiblesse de la loi proposée. Le fait que les espèces ont besoin de leurs habitats pour survivre est un des principes les plus fondamentaux de l'écologie. Et tous les scientifiques s'entendent parfaitement sur ce point. Plusieurs centaines d'écologistes ont écrit tant au premier ministre qu'à divers ministres de l'Environnement au cours des dernières années, pour signaler qu'une législation qui ne viserait pas explicitement la protection des habitats serait vouée à l'échec. Une loi qui ne protège pas l'habitat mettrait le gouvernement dans l'embarras sur les tribunes internationales, pour des raisons à la fois scientifiques et politiques. Elle n'aurait pas plus de sens qu'une loi décrétant que la Terre est plate, ou que les humains et les dinosaures ont foulé côte à côte le sol de la planète.

J'aimerais que les témoins nous disent ce qu'ils pensent de cette déclaration de M. Schindler, au sujet du risque d'embarras scientifique et politique dans les cercles internationaux, si nous ne faisons rien pour améliorer la protection que le projet de loi accorde à l'habitat.

Le président: Merci.

Monsieur d'Eça, je vous en prie, puis madame Smallwood.

• 0935

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Assemblée des premières nations): J'allais aborder une autre question, alors si vous le voulez bien je vais d'abord vous l'exposer, puis nous pourrons peut-être faire un tour de table au sujet de ce qui vient d'être mentionné.

Premièrement, je suis d'accord avec M. Elgie, qui suggère que le mot «semblable» soit éliminé de la définition de «résidence». C'est certainement logique d'un point de vue inuit. Si l'on songe à des espèces comme le caribou et la baleine, la définition de résidence suscite des difficultés considérables, et la disparition du terme réglera un grand nombre de ces problèmes.

Pour ce qui est de l'habitat essentiel, je constate que la définition actuelle précise:

    l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite.

Le ministre compétent doit donc dans chaque cas déterminer si l'habitat essentiel visé par un programme de rétablissement, une stratégie ou un plan d'action prévoit un habitat de rétablissement, ce qui à mon avis doit nécessairement englober un habitat de survie ou le concept plus étroit d'habitat de survie.

Si je passe maintenant aux mesures provisoires, il me semble que, compte tenu de cette définition...

Le président: Est-ce que vous ne préférez pas attendre un peu pour traiter de cette question d'habitat provisoire?

M. Michael d'Eça: Je peux peut-être la mentionner en passant, monsieur le président, parce que cela se rapporte à mon intervention sur la définition actuellement proposée pour habitat essentiel.

Un programme de rétablissement ou un plan d'action où il est question de la désignation d'un habitat essentiel, nécessaire à la survie de l'espèce, pourrait exiger que, dans toute la mesure du possible, un habitat essentiel nécessaire au rétablissement de l'espèce soit désigné. Vous séparez donc ces notions. Puis, dans les mesures provisoires, vous pouvez prévoir une situation où, après que le programme de rétablissement a permis de désigner un habitat essentiel nécessaire à la survie d'une espèce sauvage inscrite:

    Il est interdit d'endommager ou de détruire l'habitat essentiel à la survie d'un individu ou de plusieurs individus de cette espèce.

Vous prévoyez donc la protection de la résidence et la protection de l'habitat essentiel nécessaire à la survie, et tout cela grâce à l'occasion que nous offre la définition actuelle d'habitat essentiel.

Merci.

Le président: Est-ce que vous pourriez élaborer un peu à notre intention?

M. Michael d'Eça: J'aimerais certainement entendre ce que les autres ont à dire sur la définition d'habitat essentiel. Toutefois, puisque la définition actuelle d'habitat essentiel fait une distinction entre la survie d'une espèce non inscrite et le rétablissement, c'est-à-dire «l'habitat qui est nécessaire à la survie ou au rétablissement», je veux signaler que nous pouvons, dans la partie du projet de loi consacrée à la protection provisoire, l'article 33 je crois, «protéger la résidence et protéger l'habitat essentiel nécessaire à la survie».

Un des problèmes que présente l'habitat essentiel vient des délais qu'il faut prévoir pour le repérer et définir des mesures de protection appropriées, au moins à des fins de rétablissement. Pour la survie, il devrait être plus simple—et les scientifiques peuvent peut-être donner leur avis à ce sujet—d'évaluer l'habitat nécessaire à la survie d'une espèce faunique inscrite. Cela donnerait une meilleure protection pendant cette période intérimaire, en attendant la mise en place de programmes de rétablissement et de plans d'action et l'adoption d'une approche plus adaptée pour protéger l'habitat essentiel.

Le président: Madame Smallwood, nous vous écoutons.

Mme Kate Smallwood (coordonnatrice de la campagne, B.C. Endangered Species Coalition): Monsieur le président, j'aimerais répondre d'abord à la question de Mme Karen Kraft Sloan, puis enchaîner sur la stratégie de gestion des espèces fauniques désignées, à laquelle M. Affleck a fait allusion. Cela me paraît tout à fait opportun, puisque nous nous préparons au Sommet des Dix élargi, qui se tiendra à Rio en juin de l'an prochain, et à la réunion de la Convention sur la diversité biologique, à Montréal, en avril.

Si nous examinons les obligations internationales du Canada, outre l'alinéa 8k), qui exige généralement des dispositions législatives pour protéger les espèces, il est bon de rappeler, comme Goeff Scudder et, je crois, David Schindler l'ont tous deux fait dans leurs mémoires, que l'alinéa 8d) de la Convention prévoit:

    Chaque Partie contractante

—et cela comprend le Canada—

    dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra:

      d) favorise la protection des écosystèmes et des habitats naturels, ainsi que le maintien de populations viables d'espèces dans leurs milieux naturels;

Il s'agit là d'une obligation internationale du Canada.

• 0940

Si vous songez à ce que le projet de loi permet concrètement de faire, et vous avez entendu ce que M. Findlay en pense, vous avez aussi entendu précédemment M. Goeff Scudder, j'aimerais rappeler ce à quoi sert ce projet de loi et pourquoi il ne satisfait pas à l'alinéa 8d).

M. Scudder a signalé dans son mémoire, et je cite:

    Les espèces vivent dans des habitats qui s'inscrivent dans des communautés et des écosystèmes. Les espèces font partie de chaînes et de réseaux alimentaires qui sont des éléments essentiels de la pyramide écologique.

Il découle de cela, comme il le dit lui-même que:

    Il n'est pas possible de protéger et de sauver les espèces sans également préserver le réseau alimentaire et la pyramide écologique. Il n'est pas possible de sauver une espèce sans habitat dans une communauté et un écosystème.

Alors à quoi servent le projet de loi et le concept de résidence? Je vous renvoie à nouveau au texte de M. Scudder, parce que la critique scientifique de ce qui constitue un concept artificiel—il n'y a pas de définition de résidence dans le domaine scientifique—appuie l'argument d'un grand nombre de groupes de défense de l'environnement et, certainement, des milieux scientifiques: si nous voulons bien faire les choses, comme l'a indiqué M. Scudder, nous devons protéger l'habitat essentiel et non pas la résidence. Un point c'est tout.

M. Scudder affirme: «Le terme 'résidence' n'a aucun sens pour nombre de vertébrés», et comme l'a également dit M. Findlay «il ne s'applique pas aux plantes ni à la plupart des invertébrés». Il donne ensuite l'exemple du papillon aux diverses étapes de sa croissance.

L'interdiction devrait viser la détérioration ou la destruction de l'habitat essentiel, nommément l'habitat nécessaire à la survie de l'individu. Ces habitats devraient être faciles à repérer dans les rapports d'étape, puisque ces rapports tiennent compte de l'habitat essentiel.

Il découle de ce que disait Karen Kraft Sloan pour arriver à la définition de résidence que nous avons des obligations internationales en matière d'écosystèmes et de protection de l'habitat. En gros, la résidence ne suffit pas. Nous devons protéger les habitats essentiels aux diverses espèces.

J'aimerais brièvement aborder la question de la stratégie de gestion des espèces fauniques désignées, à laquelle M. Affleck faisait allusion. Je vais certainement remettre au greffier du comité un exemplaire de ma critique détaillée de cette stratégie.

Nos principales préoccupations relativement à la stratégie viennent de ce qu'il s'agit essentiellement d'une politique puisque la stratégie est, à notre avis, régie par des considérations liées à l'offre de bois plutôt qu'à la gestion faunique. Toute la stratégie est assujettie à un plafond de 1 p. 100 afin que les mesures protectrices mises en place dans le cadre de la stratégie n'aient pas plus de 1 p. 100 d'impact sur l'offre provinciale de bois. Le problème se résume à cela. Les mesures sont plafonnées.

Il y a aussi des plafonds spécifiques visant la protection de certains habitats fauniques par district forestier. Il est ironique que dans un district forestier qui abrite plus d'autours des palombes qu'un autre, il faille en protéger un plus petit nombre.

Je ne vais pas expliquer en détail nos préoccupations permanentes relativement à la stratégie. Ce que je retiens du message de M. Affleck, c'est qu'ils aimeraient un cadre précis dans lequel travailler. En vertu de la loi, vous pouvez protéger l'habitat essentiel et fournir la certitude et la clarté dont l'industrie a besoin, et c'est pourquoi le Groupe de travail sur les espèces en péril a entériné quelques dispositions claires concernant ses préférences, c'est-à-dire la résidence et la protection provisoire de l'habitat.

Je crois que vous pouvez donner des certitudes en matière de protection de l'habitat sans pour autant prendre les mesures qui ont été adoptées dans le cadre de la stratégie de gestion des espèces fauniques désignées.

Je serai heureuse de répondre à vos questions au sujet de nos préoccupations à l'égard de la stratégie.

M. Scott Findlay: J'aimerais revenir à la question de l'habitat essentiel à la survie, par opposition au rétablissement. Lorsque les biologistes parlent de la survie d'une espèce, c'est toujours en fonction d'une période donnée, car les mesures à prendre pour que les chances de survie sur plus de dix ans ou sur plus de 100 ans soient acceptables sont fort différentes.

L'un des problèmes concrets que présente la suggestion de M. d'Eça, c'est que lorsque nous parlons d'habitat essentiel à la survie, nous parlons de la survie sur une certaine période. Nous devons explicitement parler de survie sur une certaine période.

Nous fixons des objectifs de rétablissement des espèces jugées en péril parce que la population actuelle ou la répartition géographique sont telles que les chances de survie même à moyen terme sont très faibles.

• 0945

Quoi qu'il puisse être utile, dans le contexte du projet de loi, d'établir une distinction entre habitat essentiel nécessaire à la survie et nécessaire au rétablissement, je m'inquiète de la façon dont ce principe peut être matérialisé, parce que je ne vois pas bien la distinction.

Si une espèce n'est plus représentée que par 100 ou 200 individus, je peux vous garantir que si son habitat essentiel—l'habitat nécessaire au maintien à long terme d'une population de 500 à 1 000 individus—n'est pas protégé, cette espèce ne survivra pas.

Pour en revenir à ce que je disais, l'habitat essentiel devrait être défini en fonction d'une cible de rétablissement parce que, d'après les données scientifiques les plus fiables dont nous disposions pour l'instant, ce sont les dimensions et la qualité de l'habitat—comme le diraient les scientifiques—qui nous permettent d'assurer la survie à long terme de cette espèce.

Le président: Merci, monsieur Findlay.

Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie: Est-ce que je peux céder mon tour? M. Décarie n'a pas encore eu l'occasion de nous exposer son point de vue. Je vais donc le laisser parler d'abord, puis j'interviendrai.

Le président: Très bien.

Monsieur Décarie.

M. Robert Décarie (Forest Products Association of Canada): J'aimerais faire un bref commentaire au sujet de la résidence, puis peut-être passer à la question de Mme Kraft Sloan.

Je partage les préoccupations relatives à la résidence. Je ne suis pas historien. Il se peut que la mention de résidence dans la loi soit attribuable aux responsables du Service canadien de la faune, qui s'intéressent aux oiseaux et aux nids. J'hésiterais, comme le disait Stewart, à appliquer la définition de résidence à des sites imprécis, en particulier si le mot «aire» figure dans la définition.

Si vous vous en souvenez, hier, M. Lincoln et l'avocat ont eu une intéressante discussion au sujet du mot «aire». Le sens de ce mot pourrait être élargi pour englober l'habitat. Je pense qu'il ne s'agit pas ici de distinguer diverses formes d'habitat. Je conçois la résidence, de fait, comme une extension ou un complément de l'individu. J'aime mieux éliminer le terme «résidence» que d'en élargir le sens.

Pour ce qui est de la protection de l'habitat, vous vous rappelez qu'il y a deux ou trois semaines, lorsque l'Alberta Forest Products Association a présenté son exposé, M. Bonar a expliqué un concept qui comprenait deux types d'habitat. Lorsqu'un habitat est fixe, un affleurement calcaire très localisé par exemple—vous avez mentionné l'habitat des escargots à Banff—la chose est très facile et il n'y aurait probablement pas de difficulté à imposer des interdictions—une solution radicale—pour le protéger.

Lorsque vous avez affaire à des espèces qui vivent en partie dans un habitat dynamique, un habitat par exemple déterminé par le feu—et nous avons pris une décision sociale il y a une vingtaine d'années pour contrôler les incendies—nous devenons automatiquement des intervenants et nous perturbons l'habitat. Il faut parvenir à gérer l'habitat afin d'assurer son maintien au fil des ans. Je ne suis pas convaincu que grâce à la force du droit pénal et aux interdits nous réussirons à prévenir la destruction pendant plus de deux ou trois ans, avant que le problème ne se déplace...

Le président: Merci, mais nous ne voulons pas entrer dans les détails juridiques pour l'instant.

M. Elgie veut intervenir, puis M. Reed, puis M. Mercredi.

Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie: Merci, monsieur le président.

• 0950

Il me semble que nous allons au-delà de l'étape initiale qui consiste à définir l'habitat pour déborder sur les questions qui suivent, si cela est approprié, monsieur le président. Voulez-vous plutôt en finir avec les commentaires au sujet de la définition? Il me semble que notre discussion a déjà dépassé cet aspect, et j'aimerais parler...

Le président: Oui, vous avez raison. J'aimerais mieux que nous terminions le premier volet avant de passer à la question des mesures obligatoires par opposition aux mesures volontaires.

M. Stewart Elgie: En ce cas, je préfère attendre, parce que j'aimerais passer à d'autres points. Mais si vous voulez terminer d'abord la question de la définition, je vais réserver mon droit de parole.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): La même chose vaut pour moi aussi, monsieur le président, car je crois que mes questions portent plutôt sur notre prochain thème.

Le président: Monsieur Mercredi, est-ce que votre commentaire porte sur cette partie de la discussion ou sur la suivante?

M. Ovide Mercredi (conseiller politique du chef national, Assemblée des premières nations): Monsieur le président, quel est le but visé par le projet de loi? Qu'est-ce que nous voulons réaliser? La discussion d'aujourd'hui au sujet de définitions ne peut être pertinente que si le projet de loi que vous examinez atteint le but visé par le Parlement en ce qui concerne les espèces en péril.

Il est difficile notamment d'appliquer un instrument grossier à un problème quelconque dans notre pays, pour forcer les habitants à faire certaines choses dans l'intérêt de la société ou, en l'occurrence, dans l'intérêt de la faune ou, dans mon cas, dans l'intérêt des Autochtones. La formulation de lois n'est pas une science, comme vous l'avez découvert depuis plus d'un siècle que les députés essaient d'adopter des lois. De fait, si nous suivions la loi véritable, la loi naturelle, la loi de la terre, nous n'aurions pas de telles discussions.

Quoi qu'il en soit, vous avez participé dans une certaine mesure à l'élaboration du projet de loi. Comme la plupart des espèces en péril se trouvent en territoire autochtone partout au pays, nous n'étions certainement pas en faveur d'une intrusion du Parlement sur nos terres et notre territoire, d'autant plus que nous ne sommes pas responsables de la destruction de l'habitat qui a causé la disparition des espèces sur notre planète—dans notre pays. Nous avons donc appuyé avec enthousiasme, et nous appuyons toujours, l'approche du ministre de l'Environnement, basée sur la coopération plutôt que sur l'ingérence. Le projet de loi, en soi, ne doit pas être jugé maintenant parce qu'il n'a pas encore eu l'occasion de faire ses preuves.

La protection des espèces en péril est une responsabilité des gouvernements, des particuliers et des sociétés de notre pays. Nous, Autochtones, prenons cette responsabilité au sérieux. Nous n'avons pas de leçons à recevoir du gouvernement fédéral quant à la façon dont il faut procéder, par exemple. Nous n'avons pas de sociétés forestières titulaires de permis d'exploitation et qui font tout ce qu'elles veulent sur notre territoire. Nous ne délivrons pas ce genre de permis. Nous ne délivrons pas non plus de permis aux sociétés minières. Et nous ne sommes pas responsables de l'intensification de l'agriculture en Amérique du Nord. Alors la disparition des habitats n'est en rien attribuable à l'activité des Autochtones dans notre pays. Nous n'acceptons aucune part de responsabilité à cet égard.

Par contre, nous sommes fiers du fait que nombre des espèces qui sont en péril ailleurs au Canada se maintiennent dans nos territoires. Nous voulons être en mesure d'établir des règles à cette fin, plutôt que d'attendre des instructions du Parlement quant à la façon de gérer nos affaires sur nos terres et dans nos territoires. Un projet de loi moins radical nous conviendrait donc beaucoup mieux.

Lorsque j'ai dit que nous appuyions l'approche adoptée par le ministre en matière de coopération, c'est qu'un grand nombre de décisions au sujet des espèces en péril sont des décisions politiques. La protection des espèces en péril relève de décisions politiques. L'inscription des espèces peut être faite par des scientifiques qui ont maintenant l'obligation d'écouter nos peuples aussi, parce que la connaissance traditionnelle est intégrée au projet de loi. La science des Blancs n'a plus la suprématie. Il faut maintenant tenir compte des Autochtones, de leurs connaissances et de leur science avant de pouvoir dresser des listes complètes.

• 0955

Le COSEPAC procède à l'inscription des espèces en péril, mais qui est chargé de la protection des espèces? Au bout du compte, ce sont les gouvernements, la population de notre pays. Et je nous englobe, nous, les Autochtones, dans la définition de nos gouvernements.

Le ministre ou le ministre compétent, quelle que soit l'espèce en péril et quelle que soit l'importance accordée à l'habitat, qu'il s'agisse d'un habitat essentiel ou d'une résidence, est habilité par ce projet de loi à examiner toutes les questions qui touchent l'habitat de cette espèce. Il a le pouvoir de tenir compte de l'habitat essentiel de cette espèce, et pas seulement de sa résidence, pour proposer des solutions et adopter des plans de rétablissement.

Le projet de loi est conçu pour favoriser la coopération des particuliers et des groupes en vue de protéger les espèces en péril. D'après ce que je sais, c'est une expérience nouvelle. Cela signifie qu'un propriétaire doit être consulté et s'engager. Cela signifie aussi que les entreprises d'exploitation forestière doivent être consultées et s'engager d'une façon quelconque. Même s'il n'y a pas de loi pour dicter à l'industrie ce qu'elle doit faire, il y va de son intérêt économique d'intervenir pour protéger les espèces en péril. C'est là l'esprit du projet de loi.

Il est trop tôt pour dire si la définition de résidence ou d'habitat risque de provoquer l'échec du projet de loi, car les dispositions n'ont pas encore pu être appliquées. Et c'est l'essentiel de mon message. Nous ne nous intéressons pas aux définitions. Nous ne nous soucions guère des définitions que vous appliquez à l'habitat et aux autres notions. Ce qui nous intéresse, c'est la préservation de notre mode de vie à nous, Autochtones, et cela comprend la protection des espèces en péril. C'est cela qui nous intéresse.

Au bout du compte, si un représentant du gouvernement vient voir les Premières nations et déclare «Telle espèce menacée se trouve sur votre territoire; pouvons-nous nous entendre avec vous pour assurer sa survie?», nous serons prêts à collaborer avec le gouvernement pour veiller à ce que cette espèce en péril puisse se rétablir, survivre et se multiplier.

C'est la façon dont le projet de loi va s'appliquer sur notre territoire. En principe—et c'est une idée que nous avons aussi défendue—dans le cas de l'industrie il faudrait adopter des mesures punitives en cas d'infraction aux dispositions de la loi, si l'industrie refuse de collaborer. Au bout du compte, c'est l'industrie et non pas le citoyen qui doit être tenue responsable de la disparition de l'habitat et qui a créé ce problème de survie des espèces en péril dans notre pays.

Mais pourquoi chercher à jeter le blâme? Pourquoi pointer du doigt certains groupes si nous pouvons travailler de concert? Nos peuples veulent travailler avec l'industrie pour assurer la survie des espèces en péril sur nos territoires. La coopération est plus susceptible de porter fruit qu'un instrument coercitif. C'est l'essence du projet de loi et c'est pourquoi nous l'avons appuyé.

Le président: Merci, monsieur Mercredi.

Une conseillère en politique du ministère de l'Environnement, Mme Ruth Wherry, vient de se joindre à nous. Si Mme Wherry veut participer au débat et nous faire part de ses opinions ce matin, elle est la bienvenue à cette séance de notre comité.

On ne pourrait pas mieux clore cette discussion sur l'habitat. Je vois que M. Friesen veut faire un commentaire, mais j'espèce que ce n'est pas pour réfuter ce que quelqu'un d'autre a dit.

Monsieur Friesen, je veux bien vous entendre, si vous avez quelque chose à dire au sujet de l'habitat, afin que nous puissions clore cette partie de la discussion.

M. Bob Friesen (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Je ne suis certainement pas venu ici pour réfuter quoi que ce soit, monsieur le président. De fait, j'aimerais remercier M. Mercredi de ses commentaires très éloquents. Je suis entièrement de son avis.

Je ne suis certainement pas venu faire des commentaires au sujet des définitions d'habitat ni de ce qu'il faut faire pour assurer le rétablissement des espèces. Je ne suis pas un scientifique. Si je fais des commentaires sur ces sujets, j'aimerais citer C.S. Lewis qui disait souvent: «Je suis prêt à me prononcer sur des sujets que je connais très mal parce que je sais que je représente un important groupe de personnes qui en savent aussi peu que moi.» Je suis plutôt venu dire que nous appuyons le projet de loi en fonction de plusieurs critères.

• 1000

Le premier critère est la justification scientifique. Je crois que c'est la raison pour laquelle il y a des scientifiques autour de cette table, pour nous dire ce que signifie certaines de ces définitions, ce que signifie l'expression stratégie de rétablissement, etc. Nous appuyons le projet de loi en raison de sa justification scientifique. Et lorsqu'il n'y a pas de preuves scientifiques, nous appuyons le projet de loi parce qu'il repose sur des données scientifiques plutôt que sur des allégations ou des décisions politiques et subjectives.

Nous l'appuyons parce qu'il repose sur des consultations, comme vient de le mentionner M. Mercredi. Les consultations avec les propriétaires fonciers, avec les Autochtones, avec les populations qui sont près de la terre, cela est important. Nous appuyons le projet de loi en raison des consultations, de la coopération et des partenariats.

Nous l'appuyons aussi pour ce qu'il englobe, c'est-à-dire une analyse socio-économique objective de ce qu'il faut faire pour préserver nos espèces ou pour rétablir leurs populations. Évidemment, une analyse socio-économique objective nécessite que nous examinions l'incidence du phénomène sur la société, que nous déterminions qui en profite et quel en est le coût pour la société et pour ceux aux dépens de qui les mesures seront prises pour préserver nos espèces.

La portée des définitions d'habitat, de stratégie de rétablissement et de critères de rétablissement se répercute sur les coûts économiques éventuels. Nous avons dit précédemment que nous appuyions le processus en quatre étapes: inscription des espèces, consultation des propriétaires, définition des stratégies de rétablissement et mise en oeuvre des plans d'action. Évidemment, une cinquième étape, une étape très importante, consiste à veiller à ce que ceux qui sont le plus mis à contribution pour que les stratégies de rétablissement portent fruit soient indemnisés à un niveau permettant de s'assurer leur collaboration et de faire en sorte que le projet de loi puisse, concrètement, donner des résultats.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

Nous avons entendu un certain nombre d'interventions de qualité au cours des 40 dernières minutes, au sujet des définitions, de la résidence, de l'habitat essentiel. Nous allons certainement examiner tout cela avec soin.

Maintenant, je vous invite à passer à la prochaine question, c'est-à-dire à la discussion sur les mesures obligatoires par opposition aux mesures volontaires. Les deux approches ont été discutées et traitées au cours des trois derniers mois devant les membres du comité, et il nous serait utile de les synthétiser en fonction de vos divers points de vue.

Qui veut commencer?

Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie: Merci, monsieur le président.

Pour suivre votre suggestion de synthèse, si l'on nous demande de choisir entre la protection obligatoire et la protection volontaire—vous établissez simplement des catégories—c'est un peu comme si on nous demandait de choisir entre l'économie et l'environnement. Je crois qu'il faut vraiment tenir compte des deux.

J'ai distribué aux participants quelques-unes des sections qui forment le mémoire que j'ai présenté au comité précédemment, car je ne crois pas que vous apportiez tous les jours ici tous les mémoires qui vous sont remis. Voici ce que j'aimerais vous recommander. Au bout du compte, je crois qu'il vous faut une approche qui combine la carotte et le bâton. Je ne crois pas que vous puissiez choisir l'une par rapport à l'autre. C'est un peu comme de dire qu'il faut choisir entre les limites de vitesse et les programmes de conduite défensive sur nos routes. Vous n'avez pas à choisir, parce que l'un est aussi important que l'autre.

Dans ce cas, le comité a l'avantage de ne pas devoir produire un plan à partir de rien, car ces concepts ont été discutés depuis six ans par divers intervenants et groupes qui se penchaient déjà sur la question en 1994.

Je peux peut-être vous demander, si cela est utile, d'examiner l'ensemble du processus, car vous ne pouvez pas simplement choisir entre mesures obligatoires et mesures volontaires. Le problème de la protection est beaucoup plus complexe. La deuxième page de la documentation que j'ai distribuée montre un tableau dans lequel il y a trois colonnes. La première colonne, du côté droit, correspond à la façon dont l'habitat est protégé en vertu de la plupart des lois sur les espèces menacées en Amérique du Nord. Dans la colonne du centre, vous voyez la protection accordée aux espèces par le projet de loi C-65. Dans la colonne de gauche, il y a la façon dont la faune est protégée aux termes de la LEP.

Permettez-moi simplement de me placer du point de vue du résultat recherché, qui est vraiment la raison d'être de tout ce processus... Le résultat est ce qui se passera concrètement pour protéger ces espèces. J'espère que l'on s'entend relativement bien quant à l'objectif que nous voulons tous atteindre, c'est-à-dire une sorte de plan ou de cadre de gestion, concret, qui désignera l'habitat dont l'espèce a besoin et la façon dont nous allons gérer l'espèce afin de protéger les éléments essentiels qui lui permettront de se rétablir. Cette gestion fera intervenir à l'évidence une part d'utilisation humaine de l'habitat. Cela ne signifie pas que nous allons créer des parcs partout, mais plutôt que nous devons gérer avec soin les habitats fauniques afin de ne pas éliminer d'autres formes de vie en raison de notre présence.

• 1005

La question est donc la suivante: de quelle façon arrivez-vous à ce résultat si vous acceptez que c'est là ce que vous voulez faire? Nous utilisons l'expression «protection obligatoire» de l'habitat, et je crois que c'est parfois une erreur. Je crois que cela fait peur aux gens. Vous avez le sentiment que quelqu'un va venir créer un parc sur vos terres, et ce n'est évidemment pas l'intention de cette loi. C'est la Loi sur les parcs nationaux qui permet d'intervenir ainsi.

De toute façon, revenons-en au tableau, au modèle, et celui qui est utilisé dans la plupart des compétences est très simple. Lorsque vous inscrivez une espèce sur la liste des espèces en péril, vous accordez une protection immédiate à tous les habitats de cette espèce. C'est le modèle utilisé dans quatre des six lois provinciales sur les espèces en péril au Canada à l'heure actuelle—au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard. Dès qu'une espèce est inscrite sur la liste des espèces en péril, il y a immédiatement interdiction de détruire son habitat. C'est le modèle adopté aux États-Unis. C'est le modèle adopté au Mexique.

J'ai eu la chance d'être membre d'un groupe de travail sur les espèces en péril, et la Fédération canadienne de l'agriculture, avec la collaboration d'un ancien directeur exécutif de l'Association des pâtes et papier, y était aussi représentée. Nous avons examiné en long et en large ces questions pendant un an, et le Groupe de travail sur les espèces en péril a poursuivi nos travaux et il a vraiment étoffé la discussion pendant deux ou trois ans par la suite.

Je pense qu'il y a généralement accord sur le fait que cette approche n'est pas celle que la plupart des Canadiens souhaitent utiliser pour parvenir à dresser un plan de conservation de l'habitat.

Ce que les intervenants préféreraient, c'est qu'une fois une espèce inscrite, on ait recours au processus de planification du rétablissement pour définir l'habitat essentiel et faire intervenir les intéressés. À la fin de ce processus de planification du rétablissement, il y a une exigence—et j'utilise le terme «exigence» délibérément—c'est que l'habitat essentiel soit conservé, mais en faisant participer d'autres intervenants. Il faut agir en collaboration. Personne ne débarquera chez vous aussitôt qu'une espèce sera inscrite, pour vous dire ce qu'il faut faire.

Mais il faut qu'il y ait un bâton derrière la carotte, parce que le monde dans lequel nous vivons n'est pas parfait; nous ne vivons pas dans un monde où règne l'altruisme et où tous veulent toujours faire ce qui est bien. Nos concitoyens ont des motifs économiques et privés différents les uns des autres et ils ont parfois besoin d'un coup de pouce pour s'engager dans l'effort commun.

Quoi qu'il en soit, je vais terminer ainsi: j'ai ajouté les trois pages suivantes pour donner le libellé exact des dispositions qui protègent l'habitat dans les quatre lois provinciales canadiennes ainsi que dans les lois sur la protection des espèces en péril au Mexique et aux États-Unis. À la page suivante, vous trouverez les passages consacrés à la protection de l'habitat dans les lois fédérales actuelles sur la faune et l'utilisation des terres: la Loi sur les pêches, la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les parcs nationaux et la Loi sur les espèces sauvages au Canada. Vous constaterez que toutes ces lois protègent plus vigoureusement l'habitat que ne le ferait le projet de loi à l'étude. Autrement dit, elles font toutes en sorte que l'habitat soit protégé.

Le projet de loi n'a pas cet effet sous sa forme actuelle. Son prédécesseur, le projet de loi C-65, l'avait. Le problème vient de ce qu'à la fin du processus de consultation, à la fin du processus de participation, plutôt que de dire «Nous allons protéger l'habitat», nous avons dit «Nous pourrions». Même s'il n'y a pas d'entente de coopération, même s'il n'y a pas de plan de conservation, il y a une option qui consiste à ne rien faire du tout.

Ce projet de loi a moins de poids que toute les autres lois fédérales visant l'utilisation des terres, dans le cas des espèces non menacées. Il n'aura donc pas de pertinence dans certains cas en matière de protection de l'habitat, car la Loi sur les pêches, la Loi sur les terres territoriales et d'autres lois fédérales actuelles prévoient déjà des dispositions plus strictes de protection de l'habitat. C'est le contraire de ce que nous devons faire.

Le projet de loi devrait offrir véritablement une mesure de protection supplémentaire aux espèces qui ne sont pas englobées dans ces lois générales sur la faune et la gestion des terres, des lois qui existent depuis des décennies. Et cela ne nécessite rien de radical. Le cadre élémentaire a été élaboré et convenu par un certain nombre d'organisations.

Ce qu'il nous faut faire, c'est de veiller à ce que la carotte soit bel et bien suivie par un bâton, et cela tant pour les sociétés, je crois, que pour les environnementalistes. J'ai certainement entendu un certain nombre d'entreprises déclarer «Eh bien voilà, nous sommes tout à fait disposées à protéger l'habitat des espèces en péril, mais il nous faut des garanties que nos concurrents seront tenus de faire la même chose...nous courons des risques et nous pourrions devoir prendre des mesures qui entraîneront des coûts et des frais, alors nos concurrents ne peuvent pas se contenter de se croiser les bras.»

• 1010

La présence du bâton garantit des règles du jeu équitables, compte tenu du fait que notre objectif n'est pas d'utiliser ce bâton. Notre objectif n'est pas vraiment d'imposer des contraintes pour protéger l'habitat. Notre objectif est d'encourager la population à conclure des ententes de conservation, à participer aux travaux de la table de concertation sur les plans de rétablissement et à trouver des façons de préserver l'habitat tout en autorisant une utilisation durable.

Quoi qu'il en soit, tout cela est fort général. Je n'ai pas parlé de détails comme de l'habitat provisoire, parce que nous allons y revenir, je le vois dans la liste de questions dressée par le président.

Le président: C'est une bonne façon de lancer cette partie de la discussion. M. Reed a la parole, puis Mme Carroll, puis M. Affleck.

M. Julian Reed: J'aimerais revenir au dernier point. Nous avons parlé ici de la protection de l'habitat, etc., et il y a évidemment des cas où la situation des espèces en péril, menacées d'extinction, n'est pas attribuable à l'activité humaine. Alors il faut prévoir, à mon avis, la possibilité de ne rien faire. Je pense à une espèce appelée le caribou de montagne, dont l'existence est menacée par les prédateurs et non pas par l'activité humaine. Son habitat et la terre nécessaire ont été mis de côté pour essayer de protéger l'espèce, mais les prédateurs ont toujours le dessus.

Une question se pose, j'imagine, c'est de savoir si nous, humains, avons le droit d'instaurer un programme de rétablissement et d'éliminer la moitié des loups qui menacent cette espèce? Est-ce que cela fait partie du projet? Ne pourrions-nous pas dire plutôt, voici un phénomène naturel et le cycle particulier de cette espèce aboutit à sa disparition? Des espèces sont apparues et ont disparu au cours des millénaires, nous le savons.

Il y a donc des cas où certains citoyens intéressés diront voilà une espèce qui risque de disparaître à cause des loups, et nous devons faire quelque chose, gérer la population de loups, etc., pour rétablir l'espèce, alors qu'en fait, les humains n'ont aucune responsabilité dans cette évolution naturelle des choses.

Est-ce que quelqu'un a des commentaires à faire à ce sujet?

Le président: Il pourrait y en avoir dans le cadre de la discussion. Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président...

M. Stewart Elgie: J'aimerais répondre à M. Reed, parce qu'il y a peut-être une partie de la loi qui traite de la question. C'est une question qui a été discutée par le groupe de travail. Je pense que si vous prenez la disposition 6, l'objet de la loi, certains mots ont été ajoutés précisément à la suite de telles préoccupations. On y a expose le but de la loi, qui consiste à prévenir la disparition d'espèces attribuable à l'activité humaine. Et je sais que cette préoccupation a été soulevée. Dans une certaine mesure, l'extinction est un processus naturel qui s'inscrit dans l'évolution. Nous savons que 99,9 p. 100 des extinctions à l'ère moderne sont dues à la présence de l'homme, mais lorsque l'homme n'est pas en cause nous ne devons pas tenter de renverser le cours de l'évolution. Les mots «Par suite de l'activité humaine» figurent dans l'objet fondamental de la loi en raison même de cette préoccupation que vous venez de soulever.

Le président: Merci. Madame Carroll, nous vous écoutons.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président. M. Reed danse peut-être avec les loups, mais moi j'ai eu l'impression de danser avec des ombres hier au ministère de la Justice. Madame Wherry, je vais vous demander de répondre à M. Elgie. J'aimerais que vous répondiez très précisément à la question qu'il a soulevée, lorsqu'il a fait valoir la teneur des lois dans d'autres provinces. Il a mentionné le Groupe de travail sur les espèces en péril et les aspects par lesquels ce type de loi se rapproche de ce qui se fait aux États-Unis et au Mexique. Puis il est passé rapidement à—il n'y a pas de numéro de page—cinq lois fédérales, et je vous demande à vous, du ministère de l'Environnement, de me dire et de dire aux membres du Comité pourquoi nous n'avons pas choisi cette voie à l'époque de la LEP.

Mme Ruth Wherry (conseillère en politique, ministère de l'Environnement): Pour ce qui est du caractère obligatoire de la protection de l'habitat, dès qu'une espèce est inscrite nous savons qu'aux États-Unis, un grave problème se pose parce que là-bas...

• 1015

Mme Aileen Carroll: S'il vous plaît, tenons-nous-en à ce que M. Elgie a mentionné.

Mme Ruth Wherry: Très bien, je vais faire de mon mieux.

Mme Aileen Carroll: C'est important.

Mme Ruth Wherry: Très bien.

Le président: Nous n'avons pas entendu cet échange. Nous n'avons pas saisi ce que vous avez dit.

Mme Aileen Carroll: J'ai dit que je pensais que M. Elgie avait déjà abordé cet aspect, je ne veux donc pas qu'elle le passe à nouveau en revue, je veux qu'elle traite de ce qu'a déclaré M. Elgie et qu'elle m'aide à mieux comprendre.

Le président: Merci.

Mme Ruth Wherry: L'autre aspect, au cas où il n'en aurait pas parlé, c'est que dans certaines provinces il y a aussi des difficultés parce qu'on n'inscrit pas tout de suite les espèces, si on les inscrit, parce que la protection automatique de l'habitat crée des problèmes.

Pour ce qui est du projet de loi, de la protection de l'habitat et de cette notion d'entière discrétion, si l'habitat essentiel n'est pas protégé en vertu d'une loi fédérale quelconque ou s'il n'est pas protégé en vertu d'une loi provinciale ou territoriale, le ministre est tenu de recommander au gouverneur en conseil d'imposer une interdiction relativement à la destruction de l'habitat essentiel.

Il y a une autre disposition importante, l'article 63. Si, de l'avis du ministre, une partie quelconque de l'habitat essentiel qui est défini n'est pas protégée, le ministre doit présenter un rapport à ce sujet tous les 180 jours. Cela signifie que le ministre est parvenu à la conclusion que l'habitat essentiel n'avait pas été protégé. La protection n'est donc pas aussi discrétionnaire qu'on le prétend.

Il y a un vaste effort de déployé, comme Ovide et nombre d'autres témoins l'ont mentionné, pour arriver à cette fin grâce à un maximum de coopération. Les efforts ne porteront pas fruit à moins que tous les intéressés ne collaborent, pas dans le cas de ce projet de loi. Cela dit, certaines pénalités sont prévues. La loi n'est pas entièrement normative, mais le ministre et le gouverneur en conseil assument une grande part de responsabilité en matière d'intervention. Il y a donc des articles dans la loi.

Mme Aileen Carroll: Je crois que M. Elgie a fait observer que la recommandation concernant les espèces en péril constituait en fait un plan de rétablissement et impliquait une approche multilatérale et que vous aviez répété ce qu'il avait lui-même dit de leurs recommandations. Il a cependant souligné le fait «qu'au bout du compte»—belle expression très en vogue à Ottawa—nous n'avons pas seulement besoin d'une carotte, il nous faut aussi un bâton. Et les contraintes que contient cette loi ne sont pas comparables à celles qui existent dans les autres lois telles que l'ancienne Loi sur les espèces menacées d'extinction, la Loi sur les pêches, la Loi sur les terres territoriales, pas plus que dans la Loi sur les parcs nationaux, la Loi sur les espèces sauvages au Canada ou la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Pourquoi rendons-nous ce projet de loi moins contraignant que toutes les lois que je viens de citer? Se sont- elles avérées inefficaces? J'aimerais que vous me le disiez.

Si ces projets de loi sont viciés à cause de ce genre de mesures de protection, nous ne voulons pas répéter la même erreur et adopter une loi fédérale tout aussi viciée et impossible à appliquer—donnez-moi votre avis à ce sujet. Mais si ces lois sont efficaces, pourquoi présenter un projet de loi qui ne comporte pas de mesures aussi contraignantes? Mon bureau est inondé de communications de personnes de toutes les régions de notre pays, sans compter les visites d'organisations et de personnes qui viennent me dire que sans de telles mesures, ce texte de loi est un miroir aux alouettes. Aidez-moi donc à comprendre la situation afin que je puisse répondre à tous ces gens et que je puisse leur dire que nous avons six lois qui ne valent absolument rien et que nous ne voulons pas refaire la même erreur.

Mme Ruth Wherry: Je croyais avoir justement essayé de vous aider en disant...

Mme Aileen Carroll: Vous ne m'avez pas aidée du tout, madame Wherry, mais peut-être avez-vous aidé les autres membres.

Mme Ruth Wherry: Je répéterai simplement ce que j'ai dit, à savoir que, conformément à l'article 63, le ministre est tenu d'agir lorsque l'habitat n'est pas protégé. Je vous rappelle aussi qu'il ne s'agit pas d'une mesure totalement discrétionnaire et qu'une exigence à 100 p. 100 obligatoire, sans la moindre marge de manoeuvre, dans une loi... Je répéterai ce qu'Ovide a dit car je suis totalement d'accord avec lui. Nous avons besoin d'acquérir une certaine expérience pour assurer l'application de cette loi. Il y a encore bien des choses que nous ignorons dans le domaine du rétablissement.

• 1020

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Affleck et M. Décarie, puis, je crois, M. Comartin, M. Mills et M. Friesen.

M. Peter Affleck: Merci, monsieur le président.

Je suis moi aussi totalement d'accord avec ce qu'a dit M. Mercredi. Comme lui, je crois que l'esprit et la vocation de ce projet de loi sont la coopération. Ce que je crains, c'est que les liens entre les principes de protection, la précision des définitions de la notion de résidence, l'imprécision de la définition...

Le président: Quel est le rapport avec le principe de prudence?

M. Peter Affleck: Ce principe doit jouer lorsqu'il n'y a pas de base scientifique solide sur laquelle fonder les mesures à prendre. Ce qui m'inquiète donc, monsieur le président, c'est que lorsque nous essayons de définir la notion de résidence, lorsque nous essayons de définir ce qu'est l'habitat essentiel, comme on l'a dit, je crois—et je suis certain que les biologistes présents seraient d'accord—nous n'avons pas ce genre d'information sous la main. Lorsque vous reliez le principe de prudence à ces définitions, aux interdictions, et autres choses du même genre, il y a tout lieu de s'en inquiéter.

Cela affaiblit la véritable exigence. Comme Mme Wherry l'a dit, la coopération est indispensable. M. Mercredi a dit la même chose. Nous qui représentons l'industrie forestière de la Colombie- Britannique avons dit que nous avions la ferme intention et la volonté de coopérer. Je crois qu'il est clair que c'est ce que nous essayons de faire. Mais je crains que lorsque l'on relie tous ces éléments, on risque d'obtenir un certain nombre de résultats fortuits à cause des termes utilisés dans le projet de loi.

Moi qui, dans la pratique, joue un rôle opérationnel pour assurer le bon fonctionnement de toutes ces mesures, je crois qu'il est indispensable que nous obtenions des précisions sur la manière dont tout cela va affecter l'assise territoriale. Comme M. Décarie a essayé de le montrer et comme l'a fait M. Bonar le 10 mai, lorsqu'il a témoigné devant le comité, il est facile de définir l'habitat essentiel de certaines espèces en péril, par exemple, l'escargot de Banff, comme il l'a illustré par quelques images qu'il vous a présentées. C'est facile à faire. Mais pour revenir à ce que disait M. Reed, l'habitat essentiel au caribou de montagne est bien plus difficile à définir. En fait, c'est ce que nous avons essayé de faire mais sans utiliser l'interdiction d'en détruire la moindre partie car, je le répète, monsieur, je ne suis pas certain de ce que signifie le mot «détruire»—c'est une question à laquelle nous n'avons pas trouvé réponse au cours de la première série de questions. Mais il y a littéralement des centaines de milliers d'hectares auxquels s'applique la définition dans la partie sud de la province de la Colombie-Britannique où l'on s'efforce de gérer le caribou de montagne, exemple donné par M. Reed.

Je crois donc qu'il faut tenir compte du fait que la ressource est dynamique, comme l'a dit M. Décarie. Je ne suis pas contre le principe du bâton. Comme M. Mercredi l'a déclaré, si nous ne parvenons pas à donner un sens précis au projet de loi, nous le paierons cher. Ce que je crains surtout c'est qu'avec toutes les interdictions contenues dans ce projet de loi et le manque de clarté des définitions, sur le plan opérationnel, qu'il s'agisse des éleveurs grands et petits, des producteurs de blé, des intervenants de l'industrie forestière ou des autres, cela amènera un grand nombre de résultats non intentionnels. Il faut donc que nous fassions preuve du plus grand sérieux dans nos efforts pour définir des éléments tels que l'habitat, ce qui est loin d'être facile, et aussi pour déterminer les genres d'interdictions associées à ces définitions.

Le président: Merci.

Monsieur Décarie, vous voulez ajouter quelque chose à ce que M. Affleck a également déclaré pour votre compte.

M. Robert Décarie: Pas nécessairement, mais je souhaiterais poursuivre le sujet qu'a abordé Stewart.

On a souvent cité, parfois de façon créative, parfois de façon très exacte, le Groupe de travail sur les espèces en péril sur la question de l'habitat et je crois que Ruth a assisté à la plupart de nos discussions. Nous avons passé des mois et des mois à essayer de définir cela. Je crois que Stewart a très bien décrit le processus. Si vous vous souvenez de notre exposé, vous savez que nous n'étions pas d'accord sur le résultat final.

• 1025

Nous demandions que le gouvernement fédéral mette de l'ordre chez lui. Il sera ainsi mieux placé pour aller chez les autres. Cela nous préoccupait. Nous avions pensé charger une équipe de scientifiques d'élaborer un programme de rétablissement et de recenser les habitats essentiels, ainsi que les menaces, les besoins, les façons d'y répondre, pour ensuite dégager une solution qui atténuerait les effets nuisibles et que les gens puissent travailler ensemble et améliorer les choses.

Les moyens juridiques étaient l'aspect qui nous préoccupait. À moins que le gouvernement fédéral ait des ressources que je ne connaisse pas, il sera très difficile de mettre en oeuvre ces programmes si l'on a recours dès le départ à des interdictions. Si ce genre de mesures est uniquement utilisé en fin de parcours pour les cas non résolus, cela pourrait fonctionner.

J'aimerais vous donner un exemple.

Le président: Rapidement, s'il vous plaît.

M. Robert Décarie: En ce moment, pour ce qui est du caribou des forêts à Pine Falls au Manitoba, une de nos sociétés fait équipe avec l'organisme de conservation des Premières nations pour ce qui est des forêts modèles et avec Manitoba Hydro. Ils suivent depuis 1995 un petit troupeau de caribous des forêts, 60 têtes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il existe longtemps dans cette région un système de contrôle des incendies et la forêt est assez âgée. Ils se sont rendus sur les lieux, ils ont mis des colliers aux bêtes et identifié une zone centrale pour cette espèce et ont décidé de faire des coupes dans un secteur, sur une base expérimentale, pour être sûrs qu'il y ait encore dans 20, 30 ou 40 ans un habitat propice pour cette espèce. Ils souhaiteraient que le troupeau se déplace dans un secteur mieux adapté, parce que celui qu'il utilise actuellement n'existera plus dans 20 ans, il ne leur sera d'aucune utilité.

Si l'on avait lancé des interdictions, il aurait été très difficile de faire des coupes et de détruire un habitat essentiel pour être sûr de pouvoir le remplacer plus tard. Ce projet bénéficiait d'un large appui. Il était financé par le Fonds mondial pour la nature. Il est possible de mettre sur pied une solution gérable. Les solutions juridiques et draconiennes devraient uniquement servir de protection en dernier recours.

Le président: Merci, monsieur Décarie.

Monsieur Herron.

M. John Herron: Je veux revenir à ce que disait Mme Wherry lorsqu'elle parlait de la poule et l'oeuf.

Tout d'abord, je tiens à féliciter le gouvernement parce qu'il n'a pas adopté une loi inspirée de la loi américaine. C'est pourquoi ce projet privilégie le recours à une série de mesures, en particulier pour ce qui est de l'intendance. Nous allons donc laisser de côté la question américaine. Je félicite votre gouvernement d'avoir choisi cette orientation, un régime d'intendance plutôt que la méthode lourde à l'américaine.

Cela dit, comme M. Décarie l'a mentionné, il est essentiel de mettre d'abord de l'ordre chez nous. Lorsque nous parlions de rendre obligatoire la protection des habitats essentiels relevant de la compétence du gouvernement fédéral, comme le font les provinces lorsqu'elles agissent immédiatement, vous avez fait remarquer que les provinces n'établissent pas de liste. C'est pourquoi il y a des gens qui demandent depuis le début d'adopter ces deux critères sur l'inscription obligatoire des espèces sur la liste pour des raisons scientifiques, de façon à compléter l'obligation de protéger les habitats essentiels relevant du gouvernement fédéral. La crédibilité de votre gouvernement sera sérieusement compromise s'il ne met pas de l'ordre chez lui et s'il intervient quand même dans les domaines relevant des provinces ou sur des terres privées. Cela me paraît répondre tout à fait à cette remarque.

• 1030

J'aimerais entendre ce que Mme Wherry et M. Elgie ont à dire au sujet de ce double standard.

Merci, monsieur le président.

Mme Ruth Wherry: Brièvement, je dirais que les provinces n'ont pas de liste parce qu'elles assurent automatiquement la protection des habitats...et c'est là une excellente raison. Ce n'est pas parce qu'elles n'ont pas la volonté ou le désir de les protéger. La difficulté vient du fait qu'elles ne savent pas toujours quel est l'habitat à protéger et cela prend du temps à définir. Dans certains cas...

M. John Herron: Ce n'est toutefois pas ce que vous disiez il y a un instant.

Mme Ruth Wherry: Non, mais c'est ce que je voulais dire. Bien souvent, il faut beaucoup de temps pour définir l'habitat essentiel. Tout doit reposer sur des bases scientifiques. Il faut pouvoir le démontrer à un tribunal. C'est la raison pour laquelle les provinces bien souvent n'établissent pas de liste, parce qu'elles ne savent pas encore quel est l'habitat essentiel et c'est d'ailleurs un problème que l'on retrouve aux États-Unis.

M. John Herron: Vous ne pensez pas qu'il y a là un problème de crédibilité?

Le président: Monsieur Elgie, allez-y.

M. Stewart Elgie: En fait, je suis tout à fait d'accord avec Mme Wherry sur ce point. Lorsque nous faisions partie du groupe de travail sur les espèces en voie de disparition, une des premières choses que nous avons faites a été d'inviter le conseiller principal du secrétaire de l'intérieur de l'époque, Bruce Babbitt. Il nous a mentionné qu'un des problèmes que soulevait la loi américaine était qu'aux États-Unis, il faut décrire l'habitat essentiel au moment où l'espèce est inscrite sur la liste. Il nous a dit que cela était très difficile et que cela bloquait bien souvent le processus d'établissement de la liste parce qu'on ne possède pas cet élément à ce moment-là, ce qui est une des raisons pour lesquelles le groupe de travail et ensuite le groupe de travail des espèces en péril a recommandé que l'on commence par désigner l'habitat essentiel pour ensuite pouvoir le protéger grâce à un programme de rétablissement. Autrement dit, on nous accorde un délai pour effectuer cette tâche. Cela nous amène à la question de la protection temporaire de l'habitat, à laquelle nous reviendrons plus tard.

Je suis d'accord avec Mme Wherry lorsqu'elle dit qu'on ne voudrait pas être obligé de définir ce qu'est un habitat essentiel au moment où la liste est établie, et je n'ai entendu personne recommander cette façon de procéder.

Il y a deux aspects. Pour le premier, vous avez raison, on ne peut pas souffler le chaud et le froid en même temps. On ne peut pas reprocher aux provinces de ne pas établir leur liste parce qu'elles ne connaissent pas les habitats visés au moment d'effectuer cette opération et placer ensuite dans votre propre loi un système d'établissement de liste par un organisme politique combiné à une protection discrétionnaire de l'habitat. C'est le pire des deux mondes.

Il y a tant de pouvoirs discrétionnaires dans ce projet de loi que j'aimerais le lire pour compter le nombre de fois où l'on retrouve l'expression «le gouverneur en conseil peut». On dirait presque que l'imprimante s'est bloquée sur cette expression et qu'elle n'a fait que la répéter sans arrêt. Il y a tellement de pouvoirs discrétionnaires dans cette loi que l'on pourrait pratiquement s'abstenir de faire quoi que ce soit. Mais je m'égare.

Les provinces ont des antécédents assez inégaux en matière de liste. Je sais que cette séance n'est pas consacrée à la question des listes mais je dirais que la plupart du temps, ce n'est pas à cause de l'habitat. Le plus souvent, c'est parce que si l'on confie au conseil des ministres la tâche de dresser ces listes, on constate que les espèces en péril ne figurent pas très souvent à l'ordre du jour de ce conseil. En Ontario, si l'on regarde la plupart des espèces qui ne figurent pas sur la liste, on constate qu'il s'agit de petites plantes et de choses du genre qui n'ont guère de répercussions économiques. C'est parce que, lorsqu'on prépare l'ordre du jour de la réunion hebdomadaire du cabinet, on tend à placer ces questions à la fin. La pédiculaire de Furbish figure rarement à l'ordre du jour hebdomadaire du cabinet de Mike Harris. Pourquoi donc vouloir confier au cabinet le pouvoir de prendre une décision sur chacune des 380 espèces mentionnées dans la loi?

J'aimerais faire une dernière remarque au sujet de la description des habitats essentiels. Il y a un bon nombre de gens et d'autres témoins qui ont parlé de la question de la définition de l'habitat essentiel et c'est effectivement une question très importante. Il y a un aspect qui est ressorti des rapports des divers groupes de travail; c'est que nous connaissons de façon très imparfaite ce qu'est un habitat. Pour certaines espèces, nous le savons assez bien, pour d'autres, nous le savons moins bien.

La meilleure solution consiste à réunir dans la même pièce les meilleurs scientifiques de ce domaine avec des gens qui possèdent une connaissance traditionnelle et concrète de cette espèce et de leur dire, faites ce que vous pouvez et essayez de définir le mieux possible l'habitat essentiel de cette espèce. Lorsqu'il s'agit d'un escargot qui vit dans une seule mare, cela est facile. Dans le cas des caribous qui se promènent partout, cela est plus difficile. Le mieux que nous puissions faire, c'est faire notre possible.

C'est pourquoi nous recommandons que l'on confie aux plus grands experts de ces questions la tâche d'identifier l'habitat essentiel, lorsqu'il s'agit d'élaborer un plan de rétablissement. Si l'on découvre d'autres choses par la suite, on pourra toujours modifier la description de l'habitat en conséquence.

Une des lacunes de ce projet de loi est qu'à la différence du projet de loi C-65, il offre la possibilité de ne pas désigner un habitat essentiel. Aux termes du projet de loi C-65, l'équipe de rétablissement était tenue de désigner l'habitat essentiel, ce qui était conforme aux recommandations du groupe de travail et de tous les groupes ayant participé à la consultation. Ce projet de loi prévoit une échappatoire, puisqu'il énonce «à moins qu'il ne soit impossible de le faire». Eh bien, cette échappatoire est ici l'incertitude scientifique: certains vont dire, nous ne sommes pas sûrs et nous n'allons donc pas désigner l'habitat. C'est une façon inacceptable de procéder. On devrait faire le contraire et demander que l'habitat soit désigné le plus précisément possible, et qu'avec l'apparition d'autres données, on puisse ajuster cette désignation. Mais il ne faut pas commencer par ne rien faire, ou par permettre qu'on ne fasse rien, tout simplement parce qu'on n'a pas de certitude, parce qu'il demeurera toujours une incertitude. Ces espèces auront disparu. On peut attendre d'être sûr, et là, on aura une certitude parce que l'espèce aura disparu.

• 1035

Manifestement, le gouvernement fédéral pensait en 1996 qu'il était en mesure de désigner les habitats essentiels puisqu'il avait rendu cette opération obligatoire. Je ne sais pas ce qui est arrivé entre 1996 et 2001 parce que le gouvernement ne pense plus aujourd'hui qu'il est possible de désigner les habitats essentiels. J'inviterais le gouvernement à revoir cette disposition.

Le président: Très bien.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté tout ce qui s'est dit ce matin et je crois qu'il ne faudrait jamais oublier que nous voulons un projet de loi efficace. C'est probablement Mme Wherry et M. Mercredi qui ont peut-être le mieux parlé de coopération, de consultation et de collaboration.

Je vois qu'il y a des membres du comité qui voudraient qu'on leur donne un marteau plutôt qu'un bâton. Mais avec un marteau, il est sûr que ce projet de loi sera inapplicable, parce que cela va créer des conflits entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il y aura des conflits entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. Il va falloir utiliser ce marteau et il est certain que ce projet de loi n'aura aucun effet, et tout cela se fera au détriment des espèces en voie de disparition.

Si je résume ce que j'ai entendu, je dirais qu'il y a deux personnes qui ont présenté un point de vue qui permettrait peut- être de sauver les espèces en voie de disparition et de travailler en ce sens. Si l'on choisit une méthode plus directe et que l'on commence à dire aux provinces ou aux Premières nations «voilà quel est l'habitat et vous devez le protéger», je suis sûr que cela ne fonctionnera pas.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Nous allons donner brièvement la parole à M. Findlay et à M. d'Eça.

Nous allons terminer avec ces interventions parce qu'on vient de nous dire qu'il y aura un vote vers 11 heures, ce qui va interrompre notre séance; nous allons donc devoir tenter d'accélérer les choses.

Oui, monsieur Friesen.

M. Bob Friesen: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais revenir brièvement sur la frustration que semble susciter la question du bâton. Je crois qu'une bonne partie de cette frustration vient du fait que nous n'avons pas suffisamment défini la carotte. Il est possible que les aspects scientifiques expliquent que les États-Unis hésitent à désigner les habitats essentiels mais je crois que c'est peut-être également à cause de l'absence de carotte.

Nous allons peut-être devoir nous boucher le nez mais nous allons peut-être être obligés d'admettre que le problème vient en partie du fait qu'on ne souhaite pas vraiment élaborer un projet de loi efficace et y consacrer les ressources nécessaires. C'est quelque chose qu'il va falloir reconnaître parce que nous revenons sans cesse sur ce sujet.

Le président: Merci.

M. d'Eça et M. Findlay, et nous allons ensuite terminer. Une brève intervention, s'il vous plaît.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, je suis ici au nom de l'Inuit Tapirisat du Canada, qui regroupe les Inuits du Canada. Les Inuits sont chargés de l'intendance d'environ un tiers de la superficie du pays, et ils sont également régis par des accords sur les revendications territoriales.

Ils se trouvent donc dans une situation unique dont j'espère que le comité tiendra compte. Le projet de loi en tient compte dans une certaine mesure. Nous vous avons présenté des mémoires dans lesquels nous avons indiqué les changements qui nous paraissaient nécessaires.

Le président: Oui. À ce sujet, je vous signale que le ministère de la Justice nous a donné hier une réponse positive lorsque nous lui avons demandé si les dispositions des ententes territoriales étaient respectées par les dispositions du projet de loi. Je vous invite à consulter le compte rendu, les bleus, comme on les appelle, de la séance d'hier.

M. Michael d'Eça: Je vais certainement les lire. Avez-vous parlé avec les représentants de ce ministère de la clause non dérogatoire?

Le président: Oui, il y a eu des questions à ce sujet et des réponses.

M. Michael d'Eça: Pour poursuivre, monsieur le président, Stewart Elgie a parlé des lois américaines, mexicaines et provinciales sur les espèces en voie de disparition. Je doute fort, même si je ne les connais pas très bien, qu'elles tiennent compte d'aspects comme les accords sur les revendications territoriales.

Les Inuits se sont engagés à protéger l'environnement. Si vous examinez les dispositions des accords sur les revendications territoriales et les instructions émanant des commissions de gestion de la faune, vous constaterez que les mesures destinées à protéger l'habitat et à assurer la protection des espèces et le rétablissement des habitats et des espèces en péril sont très strictes, beaucoup plus que celles du projet de loi. Les Inuits veulent être sûrs que quelle que soit votre décision au sujet de l'obligation de protéger l'habitat, et il existe, d'après nous, des arguments très très forts à ce sujet, vous tiendrez compte des dispositions des accords sur les revendications territoriales et veillerez à ce que le projet de loi respecte, reconnaisse et reflète ces ententes. On retrouve dans ces documents des outils qui permettent de protéger correctement les habitats et les espèces dans tout le nord du Canada. C'est là la première préoccupation des Inuits; il faut que les outils et les accords que nous avons déjà conclus avec la Couronne soient respectés intégralement par les dispositions de la loi qui seront éventuellement adoptées.

• 1040

Merci.

Le président: Monsieur Findlay, brièvement.

M. Scott Findlay: Je n'ai que deux observations. La première est que, comme M. Schindler l'a fait remarquer, si nous ne protégeons pas les habitats essentiels, nous n'aurons plus à nous occuper de ce problème, parce qu'il aura disparu.

La seconde chose est que, pour ce qui est de la base scientifique de la désignation des habitats essentiels, il y a des intervenants qui avaient tout à fait raison. Pour certaines espèces, cette opération est très facile. Pour d'autres, elle est plus complexe. Je souscris à la suggestion qui a été faite de lier la question de la définition et de l'opérationnalisation de l'habitat essentiel au processus d'élaboration des programmes de rétablissement et d'intégrer à ce processus la désignation de l'habitat essentiel.

Je suis également d'accord avec M. Elgie lorsqu'il affirme que nous voulons être sûrs que le gouvernement va effectivement agir sur cette question de l'habitat essentiel. D'après mon expérience de scientifique et de citoyen, je sais que lorsqu'on laisse une porte de sortie, les gens s'y précipitent.

Le président: Merci.

Nous pourrions maintenant passer, s'il n'y avait pas la sonnerie... C'est une sonnerie de 30 minutes, n'est-ce pas?

Une voix: Oui.

Le président: Bien, cette séance de discussion a fait ressortir un certain nombre d'aspects très importants, auxquels nous allons devoir réfléchir. C'est tout ce que je peux dire pour le moment.

Nous avons maintenant la possibilité de parler des programmes de rétablissement, des plans d'action et des mesures provisoires de protection de l'habitat. Nous pourrions entendre un ou deux exposés avant de suspendre brièvement la séance pour le vote. Qui aimerait donner le ton à la discussion de façon à ce que nous puissions ensuite nous appuyer sur quelque chose?

Madame Smallwood.

Mme Kate Smallwood: Brièvement, monsieur le président, nous avons insisté sur l'importance des habitats essentiels et sur le mécanisme actuel que nous utilisons pour les protéger, à savoir les programmes de rétablissement et les plans d'action. Il y a lieu de souligner dès le départ que le projet de loi ne garantit aucunement que l'habitat essentiel de l'espèce en danger va être défini au cours du processus d'élaboration du programme de rétablissement. Par conséquent, nous aimerions beaucoup que le projet de loi exige que l'habitat essentiel soit décrit.

Ensuite, dans les discussions que nous avons eues au sujet de l'habitat essentiel, la définition utilisée actuellement ne reflète pas une source importante d'information au sujet de ce qu'est l'habitat essentiel. Il s'agit du rapport de situation préparé par le COSEPAC, qui décrit habituellement, en fonction des connaissances existantes, quel est l'habitat essentiel en cause. Je dirais brièvement, parce que nous n'en avons pas parlé à l'étape de la définition, que la définition de l'habitat essentiel ne devrait pas faire uniquement référence aux plans de rétablissement. L'habitat essentiel devrait être celui qui est mentionné dans un rapport de situation, un programme de rétablissement ou un plan d'action. Pour en finir avec la définition, on peut y lire actuellement «la survie ou le rétablissement». L'habitat essentiel est celui qui est nécessaire à la survie et au rétablissement d'une espèce figurant sur la liste.

Je signale ces aspects qui touchent le processus utilisé actuellement pour élaborer le programme de rétablissement, et qui ne garantit pas la protection de l'habitat essentiel, alors qu'il devrait le faire. Cette notion devrait être définie au cours du processus d'élaboration du programme d'établissement.

Le président: Merci.

Monsieur Affleck.

M. Peter Affleck: Je vais profiter de l'occasion. Merci, monsieur le président.

• 1045

La question qu'a soulevée Mme Smallwood au sujet de la stratégie de gestion de la faune en Colombie-Britannique concerne une règle qu'a adoptée le gouvernement de la Colombie-Britannique dans ce domaine et ne devrait pas faire partie de l'examen des notions abordées ici par le comité.

Monsieur le président, ce processus crée un lien très intéressant entre une espèce identifiée et circonscrite et l'habitat dont elle a besoin pour assurer sa survie immédiate. Si vous avez l'occasion d'examiner la façon dont le processus se déroule, vous constaterez qu'il prévoit des mesures d'urgence pour l'habitat qui visent à gérer cette espèce parallèlement à l'élaboration d'un plan de rétablissement et parallèlement, comme MM. Elgie, Findlay et d'autres l'ont mentionné ce matin, à l'obtention des données nécessaires à la description de ce qui constitue l'habitat essentiel ainsi qu'aux règles à appliquer à la suite de cette opération.

Là encore, j'invite le comité à examiner ce processus de façon approfondie. Il me paraît tout à fait conforme à ce que nous essayons de faire dans le but de gérer les espèces en danger, au palier fédéral.

Le président: Merci.

Monsieur Comartin et ensuite monsieur Elgie.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur le président, je vais passer mon tour.

Le président: Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie: Je vais faire quelques brefs commentaires. Les programmes de rétablissement appellent un certain nombre de remarques. Je vais simplement les évoquer parce que nous n'avons pas le temps de les aborder en détail. Il y a un aspect que j'ai déjà signalé, à savoir que la description de l'habitat essentiel devrait être obligatoire. Il ne devrait pas exister de moyens permettant d'éviter cette opération.

Il faudrait également fixer un délai après lequel il faudrait prendre des mesures. Le projet de loi C-65 prévoyait un délai à l'intérieur duquel le gouvernement devait mettre en place des mesures de protection de l'habitat dans les domaines relevant de ses compétences. Dans ce nouveau projet de loi, il y a un délai pour faire rapport au Parlement et pour soulever cette question au conseil des ministres, ce qui est très différent de prévoir un délai pour que l'on prenne des mesures.

Pour ce qui est des mesures provisoires de préservation des habitats, je dirais tout d'abord qu'il est encourageant de constater que les membres du comité, et je crois que cela vient de l'expérience acquise depuis six ans, en sont arrivés à un consensus assez large au sujet de... Je n'ai entendu personne dire qu'il s'opposait à ce que le projet de loi débouche sur un plan ou une entente visant la conservation de l'habitat dont une espèce en voie de disparition a besoin pour survivre. Cela me paraît remarquable. Je crois pouvoir dire que, si l'on amenait des Américains ici et qu'on exprimait devant eux ce genre d'intérêt dans une réunion de ce genre, ils nous lanceraient probablement des tomates. C'est donc une excellente chose qu'un tel dialogue se poursuive depuis six ans et que l'on en soit arrivé à une telle compréhension du point de vue des autres.

Pour ce qui est des mesures provisoires de conservation de l'habitat, il y a le fait que, si on retarde la protection de l'habitat, si on ne le fait pas au moment de l'inscription sur la liste, on risque d'inciter les intéressés à contourner la loi. Si l'on inscrit une espèce en voie de disparition sur la liste, et qu'il existe, par exemple, un claim minier important, et j'ai choisi cet exemple parce qu'il n'y a pas de représentant de l'association minière ici, mais l'on pourrait très bien parler de n'importe quelle ressource, qui risque d'être touché par les mesures qui seront prises dans un an ou deux pour protéger l'habitat, cela incite ces entreprises ou cette personne, sur le plan financier, à agir rapidement pour exploiter cet habitat de façon à éviter d'avoir à assumer le coût de sa conservation. Cela ne veut pas dire que ces personnes-là sont méchantes mais l'on crée ainsi une motivation économique. Cela s'est déjà produit. Je ne vais pas donner de noms mais en Colombie-Britannique, par exemple, lorsque l'on annonce qu'un secteur pourrait devenir un parc, on constate souvent que le rythme des activités forestières s'accélère dans ce secteur.

M. Peter Affleck: Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation, parce que je pense qu'elle n'est pas équitable.

M. Stewart Elgie: Je ne veux pas donner de noms. Disons simplement qu'une telle situation ouvre la porte à ce genre de comportement et tend même à le favoriser.

La façon d'éviter cela, et elle figure dans les recommandations du groupe de travail, le Groupe de travail sur les espèces en péril, et aussi dans d'autres modèles, est de prévoir la possibilité d'adopter des mesures temporaires de conservation de l'habitat. À l'heure actuelle, les seules mesures temporaires qui figurent dans le projet de loi est la protection de la résidence des espèces visées. C'est une façon assez grossière d'assurer une protection provisoire. Elle vise uniquement certaines espèces. Elle porte uniquement sur le lieu où elles habitent effectivement. C'est une des raisons pour lesquelles ce genre de mesures figurent dans ce document. C'est un moyen imparfait et insuffisant mais au moins, il assure une certaine protection de l'habitat en attendant le plan de rétablissement.

Il serait toutefois préférable d'aborder le problème de front. Je vais laisser M. Décarie parler de cela, s'il le souhaite. Le groupe de travail a recommandé que vous définissiez un habitat central, je crois que c'est comme cela qu'on l'appelle, ou une zone tampon autour de l'habitat essentiel de l'espèce en question pour que l'on préserve cette zone tampon jusqu'à ce que le plan de rétablissement soit achevé. C'est certainement un modèle intéressant.

L'autre modèle que le comité devrait, d'après moi, examiner, vient des lois sur les activités minières et il utilise le mécanisme des avis et des observations. On pourrait, par exemple, disons dans un délai de 60 jours après l'inscription d'une espèce, demander à l'équipe de rétablissement de désigner ce que l'on pourrait appeler l'habitat essentiel.

• 1050

M. d'Eça a utilisé le terme «habitat de survie».

Aux États-Unis, la National Academy of Sciences a réuni les plus grands savants du pays et les a chargés d'examiner les résultats obtenus grâce au Endangered Species Act (Loi sur les espèces en voie de disparition), et cela comprenait des scientifiques du secteur de l'industrie. À la fin des travaux, le comité a recommandé de ne pas attendre d'avoir inscrit une espèce sur une liste pour protéger son habitat. Il propose que l'on désigne l'habitat essentiel, autrement dit que l'on désigne, en se basant sur les connaissances actuelles, les éléments dont l'espèce a besoin pour survivre et ne pas disparaître en attendant que l'on protège son habitat. Ce comité a recommandé que l'on préserve l'habitat essentiel, tel que désigné au mieux de nos connaissances, en attendant l'élaboration du plan de rétablissement.

Cette façon de procéder comporte des étapes: la première consiste à désigner l'habitat. Si l'on ne le fait pas, on ne sait pas ce qu'il faut conserver. L'équipe chargée du rétablissement doit donc désigner l'habitat essentiel dans un délai de 60 jours.

Deuxièmement, si l'on veut encourager la coopération et la conservation, il ne faut pas commencer par imposer des interdictions à la personne que vous allez inviter à négocier avec vous. Au lieu d'interdire toute activité dans cet habitat essentiel, on pourrait s'inspirer des lois relatives aux activités minières et demander aux personnes qui ont l'intention de mettre en exploitation ou de détruire des secteurs qui ont été qualifiés d'habitat essentiel d'aviser le ministère de la faune fédéral ou provincial concerné. Cela donnera le temps de négocier et d'élaborer un plan de conservation, ainsi que d'adopter des mesures provisoires pour ce terrain, mais la personne concernée sera au moins consultée à ce sujet.

Il ne faut donc pas commencer par imposer des interdictions. Mais s'il n'est pas obligatoire d'aviser au moins les fonctionnaires de la faune, alors les gens pourront exploiter et détruire l'habitat menacé en attendant que l'on élabore le plan de rétablissement.

En deux mots, il faut absolument des mesures provisoires de protection de l'habitat. Le projet de loi parle uniquement de décrets d'urgence. Autrement dit, on ne peut prendre des mesures provisoires que si l'espèce en question est menacée d'extinction. Il faut élargir ce critère pour qu'il puisse s'appliquer à la conservation provisoire de l'habitat. Si on ne le fait pas, ces dispositions risquent d'avoir un effet pervers sur les intéressés.

Le président: Merci.

Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'allais mentionner l'article 80, qui traite des décrets d'urgence, et le fait que cela est effectivement prévu dans le projet de loi, mais M. Elgie a déjà abordé ce point.

Le président: Très bien.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: Monsieur Elgie, j'allais faire la même chose que Mme Redman; vous ne pensez donc pas que l'article 80 permet de régler ce genre de problème avec les décrets d'urgence. C'est là apparemment le sens de vos commentaires, mais je ne vois pas très bien pourquoi. Vous pourriez peut-être préciser davantage. Pourquoi cette disposition n'est-elle pas suffisante pour intervenir dans ce genre de situation?

M. Stewart Elgie: Je ne veux pas trop entrer dans les détails. Pour l'essentiel, les décrets d'urgence permettent de répondre à une menace imminente à la survie ou au rétablissement d'une espèce; autrement dit, ils s'appliquent uniquement lorsque la survie ou le rétablissement de l'espèce est menacé. C'est une condition très exigeante. Il y a beaucoup de choses que l'on pourrait faire à l'habitat d'une espèce pendant la mise en oeuvre d'un programme de rétablissement qui ne menacerait pas la survie complète de l'espèce mais qui en compromettrait gravement le rétablissement. Il n'y a pas de raison de mettre de côté les mesures provisoires de conservation de l'habitat. Tous les groupes qui ont examiné cette question ont pensé que c'était une bonne idée; les situations d'urgence qui menacent la survie d'une espèce ne constituent qu'une très faible partie de ce problème.

Je voulais également dire que si l'on ne définit pas dès le début ce qu'est l'habitat essentiel de l'espèce concernée, on ne saura pas si un projet donné menace la survie de l'espèce. Étant donné que l'habitat n'a pas été désigné, et qu'il n'y a pas de mécanisme permettant au ministre ou au ministère de la faune de savoir qu'une entreprise prévoit de mettre en oeuvre un projet qui risque d'avoir ces conséquences. Habituellement, on constate les résultats après coup. Les gens vont s'apercevoir que l'habitat essentiel à la survie de l'espèce a été détruit. Mais comment ces gens-là auraient pu le savoir avant?

Cette disposition constitue une base mais il faudrait sérieusement l'étoffer pour qu'elle puisse avoir l'effet souhaité.

Le président: Merci.

J'ai sur ma liste Mme Smallwood, M. d'Eça et Mme Redman.

Mme Kate Smallwood: Je vais le laisser intervenir, monsieur le président.

Le président: Monsieur d'Eça.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, M. Elgie parle de choses très intéressantes. Il parle d'une équipe du rétablissement qui serait chargée de désigner l'habitat essentiel dans un délai de 60 jours. Il serait essentiel que la loi ou les dispositions relatives aux conseils de gestion de la faune des accords sur les revendications territoriales prévoient la participation des peuples autochtones.

• 1055

Il y a tellement d'espèces menacées qui se trouvent sur des terres autochtones qu'il faut que le projet de loi contienne une disposition de ce genre. J'irais même plus loin. Si le comité ou le ministère envisagent de modifier le projet en ce sens, je leur demanderai de communiquer aux peuples autochtones et aux conseils de gestion de la faune les projets de texte qu'ils vont élaborer. Laissez-nous travailler avec vos rédacteurs. Nous l'avons fait jusqu'à un certain point pour la préparation du projet de loi et c'est la meilleure façon de procéder; autrement, les gens ne comprennent pas toujours ce qu'il faut mettre. Si on nous permet de travailler avec ces gens-là, tout le monde sera content et nous pourrons aller de l'avant.

Le président: Madame Redman et monsieur Comartin.

Mme Karen Redman: Je tiens à apporter une précision au sujet des décrets d'urgence parce que je sais que notre séance est télédiffusée et j'aimerais faire remarquer que les décrets d'urgence accordent une protection aux espèces sauvages inscrites lorsqu'elles sont exposées à une menace imminente pour leur survie ou leur rétablissement. La portée de cette disposition est donc un peu plus large que cela a été dit tout à l'heure.

Je signalerais également que le ministre compétent est tenu de faire la recommandation prévue. Je dirais donc que les décrets d'urgence du projet de loi apportent un certain élément de certitude.

Le président: Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: M. d'Eça, pour enchaîner avec ce que vient de dire M. Elgie et peut-être nuancer un peu ce qu'a dit Mme Redman, si l'on ajoutait à l'article 80 un processus de mesures provisoires de protection qui tiendrait compte des aspects que vous avez soulevés, notamment la consultation et la collaboration, ne serait- ce pas une meilleure façon de procéder pour favoriser la collaboration qu'en conservant uniquement l'article 80. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Michael d'Eça: Oui, en particulier parce que l'article 80 ne figure pas dans le projet de loi C-33, la dernière version de notre projet de loi. L'article 80 prenait en compte les accords sur les revendications territoriales. Cet aspect est repris maintenant au paragraphe 83(3). Il a été supprimé pour une raison que je ne connais pas entre le projet de loi C-33 et le projet de loi C-5. Il n'existe maintenant aucun lien entre les accords sur les revendications territoriales et les processus visés ici, qui tiennent compte de toutes ces circonstances et des décrets d'urgence.

Le conseil des ministres peut décider d'adopter des décrets d'urgence sans tenir aucun compte des secteurs visés par des revendications territoriales, après tout ce que nous avons fait. Nos mémoires expliquent clairement tout cela. C'est pourquoi l'article 80 et cet autre arrangement nous inquiètent. Encore une fois, l'essentiel pour nous est de retrouver dans le projet de loi des dispositions qui reconnaissent expressément le processus des revendications territoriales et qui en tiennent compte.

Le président: Merci.

M. Findlay, Mme Wherry et ensuite, M. Décarie et M. Mercredi.

M. Scott Findlay: Je vais simplement enchaîner sur les commentaires de M. Elgie. La suggestion que je voulais faire au sujet de la protection provisoire de l'habitat allait dans le même sens. Dans le domaine des études d'impact sur l'environnement, et en particulier sur la biodiversité, il y a un mécanisme que l'on appelle une étude sommaire de la biodiversité. On utilise ce mécanisme lorsqu'il s'agit d'un secteur mal connu et il y a une formule qui permet d'obtenir une première approximation de la situation. On pourrait utiliser un modèle de ce genre dans les cas pour lesquels M. Elgie proposait une évaluation sommaire de l'habitat essentiel ou critique qui devrait se faire en 60 ou 180 jours.

Mme Ruth Wherry: Il y a un aspect de la protection provisoire de l'habitat dont nous n'avons pas parlé ici, c'est l'approche adoptée par le projet de loi et la notion d'intendance. Il n'est pas nécessaire d'attendre qu'une espèce soit inscrite sur une liste pour mettre en branle le mécanisme de collaboration et d'intendance prévu par l'accord. La protection provisoire est donc déjà intégrée à cette approche.

J'aimerais également faire remarquer que, si l'on décide d'aborder la question de la protection provisoire de l'habitat dans le projet de loi, et là, je ne voudrais pas lancer un autre débat, il ne faut pas oublier la question des compétences et de ce que l'on peut faire au sujet de la protection de l'habitat avec ce projet de loi. Encore une fois, si l'on veut reprendre la notion d'intendance, il faut mentionner que la protection provisoire de l'habitat peut également se faire par l'adoption de politiques. Il n'est pas nécessaire que tout cela soit dans la loi.

• 1100

Le président: Voilà une excellente remarque. Je vous remercie de l'avoir faite parce que j'ai été très tenté de la faire tout à l'heure. Je vous en suis très reconnaissant.

Monsieur Décarie.

M. Robert Décarie: Je crois que ce que je vais dire va compléter ce que vient de dire Mme Wherry. En fait, le groupe de travail a examiné la possibilité d'assurer une protection provisoire. Nous avons été très rapidement confrontés à la question des compétences puisqu'il s'agissait d'utiliser le pouvoir fédéral en matière de droit pénal pour mettre en place une protection provisoire et pour ensuite la supprimer. Cela ressemble beaucoup à de la gestion et cela pourrait compliquer les choses.

Il faut marquer un temps et nous en remettre encore une fois à cette collaboration, qui représente l'esprit de cette loi et à l'accord national, c'est-à-dire essayer d'amener les gouvernements provinciaux et territoriaux à mettre tout cela en place.

Le président: Merci, monsieur Décarie.

Excusez-moi, mais c'est un sujet sur lequel nous pourrions discuter pendant des jours, cela est certain. Nous avons eu d'excellents échanges et les participants ont formulé un certain nombre de commentaires fort utiles.

Nous allons maintenant devoir suspendre la séance à cause du vote. Lorsque nous reviendrons, je dirais dans une demi-heure tout au plus, nous pourrions aborder le quatrième sujet à l'ordre du jour de ce matin. Il a déjà été abordé par divers intervenants. Néanmoins, nous allons lui consacrer un peu de temps. Il s'agit du rôle fédéral dans la mise en oeuvre du projet de loi. Si vous voulez présenter d'autres observations, nous pourrons également consacrer du temps à ces interventions. Nous aimerions également progresser et terminer notre tour d'horizon en abordant pendant quelque temps, pour ceux d'entre vous qui connaissez bien ce sujet, la question de la performance des provinces, parce que vous êtes plusieurs, comme c'était le cas mardi, à soutenir que nous nous en remettons trop aux provinces. C'est pourquoi nous aimerions savoir, d'après votre expérience ou votre point de vue, quelle a été jusqu'ici la performance des provinces dans ce domaine.

La séance est suspendue et nous reprendrons le plus tôt possible. Merci.

• 1103




• 1133

Le président: Je vous invite à reprendre vos places. Nous ne devrions pas avoir d'interruption pendant quelque temps.

Avant d'aborder le prochain sujet de discussion, on m'a fait remarquer, et il s'agit d'un oubli de ma part, que M. Mercredi avait indiqué qu'il voulait parler de la question des programmes de rétablissement, de la protection provisoire de l'habitat, et de choses connexes. Je suis donc très heureux d'inviter M. Mercredi à prendre la parole.

M. Ovide Mercredi: Merci, monsieur le président.

Sur la question de l'habitat essentiel, les Premières nations s'inquiètent du fait qu'étant donné que nous possédons très peu de terres, une désignation obligatoire de l'habitat essentiel des espèces en voie de disparition se trouvant sur nos terres ne pourrait qu'en réduire la superficie. Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral impose ce genre de décisions à nos collectivités. Nous préférons le processus qui est déjà prévu dans ce projet de loi, qui consiste pour le gouvernement à déterminer, en collaboration avec nous, quels sont les secteurs nécessaires pour la protection de l'habitat essentiel d'une espèce. Il va falloir tenir des discussions au sujet des ressources et des choses de ce genre, qui constituent un aspect essentiel de notre participation aux mesures prises pour assurer la survie des espèces en voie de disparition.

• 1135

Nous avons déjà parlé avec le gouvernement de l'autre point qui nous intéresse. N'oubliez pas que le chef national rencontre périodiquement le ministre de l'environnement et que ce projet de loi est en préparation depuis plusieurs années et que les différents chefs nationaux ont déjà fait connaître leurs points de vue sur ce projet de loi au cours des discussions qu'ils ont eues avec votre ministre. Tous les chefs nationaux ont dit à votre gouvernement de ne pas attendre qu'il soit trop tard pour faire quelque chose au sujet des espèces en voie de disparition et que nous préférons une approche directe à la protection des espèces en péril. Le gouvernement fédéral a tenu compte de certains de nos commentaires et a inclus dans le projet de loi une disposition concernant l'intendance, qui est l'idée de conclure des ententes de conservation dans le but de protéger les espèces en péril.

En ce qui me concerne, c'est le mécanisme qu'il faut privilégier, car il protège l'habitat et les espèces avant qu'elles ne soient en voie de disparition et soient inscrites sur la liste de ces espèces, avec la nécessité de prendre après coup des mesures désespérées. Le gouvernement fédéral devrait, d'après nous, accorder une grande importance à l'intendance, et lui consacrer des ressources importantes, parce que nous avons la possibilité, en tant que Premières nations, de conclure des ententes avec le gouvernement du Canada qui portent sur des choses comme l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes de rétablissement, de plans de gestion et la protection de l'habitat des espèces, en particulier de son habitat essentiel.

C'est donc une erreur de dire que le projet de loi ne contient aucune disposition destinée à protéger l'habitat essentiel. Il y en a, mais il faut que le gouvernement y consacre des ressources au début et non pas à la fin. Et cela veut dire aussi que les entreprises qui veulent être indemnisées si on circonscrit leurs activités doivent également s'engager à protéger l'habitat. Ce système d'intendance est la solution à retenir. C'est la méthode qui donnera, d'après moi, les meilleurs résultats.

En ce qui nous concerne, nous, les Premières nations, nous n'avons plus beaucoup de terres à vous donner. Nous ne voulons pas en perdre davantage. Si on adoptait une disposition impérative en matière de protection de l'habitat, on risquerait de réduire encore nos terres, celles de notre peuple. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir l'étendue des terres de notre peuple diminuer encore. Nous en avons déjà très peu, moins de 0,3 p. 100 de la superficie totale de notre pays.

Voilà les observations que je voulais faire, monsieur le président, et je vous remercie de m'avoir écouté.

Le président: Nous sommes très heureux d'avoir entendu vos commentaires, monsieur Mercredi. Nous avons eu, au cours des trois derniers mois, des discussions sur l'importance de l'intendance, et tout cela s'intègre très bien à ce que vous avez dit. Il y a donc une convergence entre ce que vous nous avez dit et ce que pensent les membres du comité et ceux qui préparent le projet de loi.

Si je vous ai bien compris, lorsque vous dites que le gouvernement fédéral doit intervenir dès le début, vous dites qu'il doit s'occuper le plus possible d'intendance, en espérant que ce mécanisme sera suffisamment efficace pour qu'il ne soit pas nécessaire de prendre d'autres mesures. Est-ce là un résumé exact de votre observation?

M. Ovide Mercredi: Voilà ce que je veux dire. Le gouvernement fédéral exerce ses compétences sur des territoires. Il prétend que nos terres relèvent de ses compétences, les terres de réserve. Mais la plupart des terres où se trouvent les espèces en voie de disparition relèvent des provinces, et le gouvernement fédéral n'y exerce aucun pouvoir, d'après ce que l'on nous dit. Mais il y a le secteur minier, le secteur forestier, les projets hydroélectriques, et la plupart des industries se voient attribuer par les provinces l'autorisation d'exploiter les ressources naturelles. C'est cette exploitation des ressources naturelles qui porte atteinte à l'habitat des espèces en danger.

Il n'y a pas que cette exploitation, parce que le seul fait de construire des villes, des villages, des résidences pour les êtres humains a pour effet de réduire les habitats des autres espèces. Le seul fait de notre présence, d'être 37 millions, a un effet sur l'environnement et par conséquent, sur les autres espèces.

• 1140

Je voulais faire la remarque suivante. Ce projet de loi prévoit des mesures visant les terres fédérales. Mais il comporte une grave lacune, c'est ce qui se passe dans les provinces et les territoires, qui ont leurs propres lois, qui sont plus efficaces, d'après ce qu'on nous dit, et cela est très bien. Mais lorsqu'il s'agit de l'industrie, cela soulève une question qui nous touche en tant que Premières nations. Nous n'avons jamais été des ardents défenseurs de l'industrie, comme vous le savez. Nous nous sommes toujours vivement opposés à la réalisation de projets hydroélectriques sur nos terres, parce que ces projets ont détruit en grande partie notre milieu de vie et notre façon de vivre. Mais malgré tout cela, nous ne voyons pas comment l'on pourrait faire changer d'idée les entreprises avec un instrument aussi brutal. Dans toutes les régions, au moment où je vous parle, nos chefs commencent à parler de collaboration avec le gouvernement et avec l'industrie, à aborder ces questions dans un contexte, un climat différent en vue d'en arriver à un résultat qui satisfasse toutes les parties.

Ce projet de loi n'est peut-être pas parfait mais il aménage un processus de dialogue, de discussion et de compromis auxquels les parties doivent consentir. On a donné aux entreprises des biens qui nous appartenaient en tant que peuple autochtone et ces entreprises doivent également tenir compte de nos droits. Ces entreprises n'en sont pas encore là mais elles commencent à évoluer, à comprendre que non seulement les peuples autochtones ont le droit de recevoir des avantages socio-économiques de leurs activités mais qu'il faut également que les entreprises reconnaissent et protègent leurs droits dans toutes leurs activités.

Cela m'apparaît être un bon signe, un signe très positif pour les peuples autochtones de ce pays. C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que nous préférerions conserver un système basé sur la collaboration, dans lequel les chefs des groupes concernés doivent parler aux entreprises et au gouvernement, pour protéger leurs biens, pour protéger leur mode de vie. Sous sa forme actuelle, ce projet de loi permet ce genre de choses. Il ne reconnaît pas tout ce que nous souhaitons mais nous sommes des gens pratiques et nous savons qu'en fin de compte, lorsqu'une loi va avoir un effet pratique sur les gens, c'est parce qu'ils le veulent bien. S'ils n'aiment pas la loi, ils vont la mettre de côté ou essayer de la changer. C'est la réalité. Lorsqu'il s'agit de lois comme celle-ci, lorsque nos membres pensent qu'elle porte atteinte à leurs droits ancestraux et issus de traités, ils s'opposent automatiquement à son application. Voilà quelles sont nos relations avec ce pays.

Que pourrais-je ajouter? Cessez de prendre nos territoires. Ce projet de loi est de nature facultative, ce qui ne satisfait peut- être pas les représentants de l'environnement, mais ce mouvement n'a pas fait grand-chose pour protéger nos droits ancestraux et issus de traités et notre mode de vie. Nous ne nous sentons pas toujours obligés de les appuyer.

Le président: Merci. Voilà une déclaration importante dont nous allons tenir pleinement compte.

Nous allons maintenant passer au sujet suivant, qui a déjà été abordé en partie, mais les témoins ont peut-être d'autres observations à faire sur le rôle qu'accorde le projet de loi au gouvernement fédéral, après quoi nous pourrions parler de la performance des provinces dans ce domaine.

Qui aimerait aborder le premier de ces deux sujets, s'il y a encore des gens qui souhaitent en parler?

Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie: Je vais prendre le risque de me lancer.

• 1145

Tout d'abord, je ne suis pas en désaccord avec M. Mercredi. Idéalement, ce projet de loi devrait favoriser la prévention et l'intendance. En fin de compte, s'il y parvenait, ce serait le meilleur résultat que ce projet de loi pourrait avoir. Il est évident que sur les terres autochtones, il faut parler de partenariat, de respect et de collaboration. Si vous avez entendu des groupes environnementaux dire autre chose que ce que je viens de dire, et bien, je vous dirais que je ne suis pas d'accord avec eux.

Pour ce qui est du rôle fédéral, je dirais qu'il est possible d'aborder la plupart des questions dont nous avons parlé du point de vue de l'espèce et de se demander de quoi a besoin cette espèce, faut-il protéger son habitat, faut-il l'inscrire sur la liste des espèces en danger? La question de la répartition des compétences fédérales-provinciales est, manifestement, davantage une question politique.

Les poissons ou les oiseaux en voie de disparition ne savent pas que le roi d'Angleterre, le président américain et les différentes provinces canadiennes ont découpé au cours des ans leur habitat traditionnel. Ils savent simplement qu'ils ont vécu ici et là. Comme Pierre Trudeau l'a dit, les poissons nagent. Il aurait également pu dire que les oiseaux volaient et que les grizzlys se déplaçaient.

En fin de compte, il s'agit bien d'une question politique et non d'une question biologique, lorsque l'on parle de compétence fédérale. Je vais donc axer mes remarques dans cette direction. Quel est le meilleur objectif politique?

Il me semble que le gouvernement fédéral peut, doit et a commencé à faire deux choses avec ce projet de loi, même s'il ne va peut-être pas suffisamment loin. La première est de montrer l'exemple chez lui. C'est peut-être, d'après moi, la chose la plus importante que le gouvernement fédéral puisse faire. Avant de s'intéresser aux terres provinciales, avant de s'intéresser aux terres privées, avant de s'intéresser aux terres autochtones pour leur dire ce qu'il faut faire avec leur habitat, il faut que lui- même fasse ce qu'il doit faire. Il faut qu'il ait mis de l'ordre chez lui et qu'il puisse ainsi dire, nous avons bien fait les choses chez nous et nous allons maintenant parler de ce que vous pouvez faire chez vous.

Par conséquent, avant de parler de ce filet de sécurité et d'exercer des pouvoirs fédéraux à l'extérieur de ses domaines de compétence, le gouvernement fédéral devrait commencer par mettre de l'ordre chez lui. Nous avons déjà parlé de ce sujet et, sous sa forme actuelle, ce projet de loi fixe, pour les domaines de compétence fédérale, des normes moins rigoureuses que celles qui existent dans les provinces qui ont adopté une loi dans ce domaine ainsi que dans les autres pays.

Pour ce qui est des compétences fédérales, le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités pour les secteurs qui relèvent de sa compétence. Il existe certains domaines précis sur lesquels ce projet de loi constitue un recul par rapport aux domaines de compétence fédérale. Commençons par le secteur le plus évident, celui de l'habitat des poissons.

La Loi sur les pêches s'applique actuellement à tous les habitats des poissons. Autrement dit, une compagnie forestière qui exerce ses activités en Alberta et qui veut couper du bois sur le bord d'une rivière où il y a des poissons doit respecter la Loi fédérale sur les pêches. Il faut que le ministère des pêches et des océans s'assure que ces activités ne nuisent pas à l'habitat des poissons.

Dans ce projet de loi, la compétence fédérale s'exerce uniquement sur le cours d'eau. On parle de «territoire domanial» ce qui comprend les eaux dans cette définition. Autrement dit, la notion de compétence fédérale est définie plus étroitement dans ce projet de loi qu'il ne l'est dans la Loi sur les pêches.

Cela doit sûrement être une erreur de rédaction, parce qu'il est impossible qu'on ait eu l'intention de réduire les compétences actuelles. Il existe d'autres exemples de ce problème. Parmi ces exemples dont on va parler davantage après la séance d'hier, il y a l'habitat des oiseaux migrateurs.

Il y a 15 ou 16 espèces d'oiseaux migrateurs en voie de disparition ou en péril dans cette liste et dans la plupart des cas, il ne reste plus que quelques centaines de ces oiseaux. Depuis 1916, le gouvernement fédéral assume la responsabilité de protéger les oiseaux migrateurs, en vertu d'un traité conclu avec les États- Unis.

Ce projet de loi interdit que l'on tue les oiseaux. Il interdit que l'on détruise leur nid mais il n'interdit pas que l'on fasse disparaître l'habitat essentiel dont ont besoin ces 15 ou 16 espèces d'oiseaux pour survivre. Cela est absurde. Nous avons reçu des lettres de plusieurs sénateurs américains éminents qui ont signalé cette absurdité et ont dit: Qu'est-ce que vous faites au Canada? Pourquoi est-ce que ces oiseaux sont protégés chez nous, et le Mexique pourrait dire la même chose, mais ne sont pas protégés lorsqu'ils se trouvent au Canada?

On pourrait dire la même chose des espèces transfrontalières. Il est intéressant de noter que, dans le projet de loi de 1996, le gouvernement fédéral interdisait de tuer les espèces transfrontalières.

L'une des absurdités du traité sur les oiseaux migrateurs de 1916 est qu'il ne vise pas les oiseaux de proie. Pour une raison inconnue, le traité ne vise pas les aigles, les faucons, les hiboux, les rapaces. Il y a donc un bon nombre d'espèces, notamment celles-ci, qui traversent la frontière canado-américaine et ce sont des espèces internationales. Leur survie dépend des mesures que prennent à leur égard le Canada et un autre pays.

• 1150

En 1996, le gouvernement fédéral estimait que ce domaine relevait de sa compétence. Le projet de loi à l'étude n'en fait aucunement mention. Je ne sais pas ce qui s'est produit entre 1996 et 2001 pour que cela cesse d'être une responsabilité fédérale, mais il serait intéressant que quelqu'un du gouvernement fédéral le précise.

Bien entendu, le territoire domanial est à la base de tout. Le gouvernement fédéral est le seul grand propriétaire foncier au Canada. Il n'y a pas de gouvernement, d'individu ou de corporation qui possède davantage de terres au Canada que le gouvernement fédéral.

Je considère que les observations de M. Mercredi sont véridiques. La manière dont le gouvernement est devenu propriétaire constitue une toute autre question et une bonne partie de ces terres font l'objet de revendications, auxquelles j'aurais tendance à être très sympathique.

Compte tenu du statu quo tel actuel, le gouvernement fédéral est considéré comme le plus grand propriétaire foncier au pays. À ce titre, il doit donner l'exemple avant de dire à d'autres propriétaires fonciers ce qu'ils doivent faire dans les limites de leur domaine de compétence. Je dirais donc qu'il doit prêcher par l'exemple.

La deuxième question est celle qui concerne le filet de sécurité. Quel est le rôle du gouvernement fédéral lorsqu'il agit comme chien de garde pour d'autres parties du Canada? Il s'agit probablement, selon moi, de la question politique la plus délicate de tout ce projet de loi. Elle est vraiment difficile. Malgré les 135 ans d'histoire du Canada, il faut reconnaître que ce genre de questions interjuridictionnelles est difficile.

Il est probable que moi-même et d'autres membres de la collectivité environnementale aurions recommandé une approche beaucoup plus ferme que celle du projet de loi. Nous aurions aimé une approche comme celle de la LCPE, qui précise que toutes les espèces et leur habitat sont protégés partout mais que cette disposition ne s'applique pas dans les cas où une province dispose d'une législation équivalente. En d'autres mots, une formule de désengagement.

En bout de ligne, cela constitue une assurance que toutes les espèces en voie de disparition et leur habitat au Canada bénéficieront d'un minimum de protection. Au lieu de cela, le projet de loi crée une formule d'intervention qui permettra de scruter la législation provinciale, de scruter les actions qui sont posées sur des terrains privés et qui pourra faire intervenir la protection fédérale, selon les recommandations du ministre de l'Environnement. Cela crée tout un lot de mesures discrétionnaires.

J'ai annexé un tableau que les gens connaissent peut-être. Il existe des articles discrétionnaires similaires dans quatre autres lois fédérales en matière d'environnement qui précisent que le gouvernement peut s'immiscer dans les questions environnementales fédérales-provinciales si la province ne fait pas un travail approprié: la Loi sur les espèces sauvages du Canada, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les ressources en eau du Canada et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Si vous retournez 29 ans en arrière, vous constaterez que ces pouvoirs n'ont jamais été utilisés. Ils ont probablement été soulevés lors de négociations et ils ont probablement déjà représenté un certain poids, mais n'ont jamais été utilisés une seule fois en 29 ans. J'irais jusqu'à dire qu'au cours de ces 29 ans, il pourrait y avoir eu des cas où une province n'a pas fait un travail satisfaisant pour s'occuper de questions environnementales transfrontalières quelque part au Canada.

Le simple fait de disposer de ce pouvoir discrétionnaire peut, nous le savons, faire en sorte que dans certains cas une espèce puisse échapper totalement à la protection de l'un ou l'autre niveau de gouvernement. Le projet de loi actuel ne donne pas l'assurance que toutes les espèces en voie de disparition au Canada seront protégées par un gouvernement ou par un autre. Il donne la discrétion nécessaire, mais sans donner d'assurance.

J'estime que la plupart des groupes environnementaux préféreraient que le filet de sécurité soit obligatoire. À tout le moins, il faut une obligation de rendre compte.

Si le gouvernement du Canada doit prendre cette décision, il doit au moins avoir l'obligation de s'intéresser véritablement à la question. Il doit pouvoir dire «D'accord, nous avons examiné le cas de la province A et constaté qu'elle ne protégeait pas du tout telle espèce en voie de disparition. Nous avons examiné leurs lois et elles ne contiennent aucune mesure de protection. Soit la province tue l'espèce, soit elle détruit impunément son habitat». Il faut espérer ne pas en arriver là, mais rien n'est moins certain.

Il faut aussi que quelqu'un puisse dire que la province A ne fait rien. À ce moment-là, le gouvernement doit examiner les actions de la province et aller au-delà des textes de loi. Il doit s'intéresser à la mise en oeuvre et à l'application de la loi et il doit également justifier toute décision de ne pas appliquer le filet de sécurité, même si la province ne fait rien et qu'une espèce est en voie d'extinction. À tout le moins, le gouvernement devrait fournir des raisons et assumer une certaine responsabilité face à une décision qui entraînerait l'extinction.

Le président: Mme Carroll, puis M. d'Eça.

Mme Aileen Carroll: Madame Wherry, votre expression corporelle me paraissait semblable à la mienne.

Je suis la trouble-fête n'est-ce pas, monsieur Mills?

• 1155

Je vous observais lorsque M. Elgie parlait de la possibilité d'intervention et disait qu'il s'agit là d'un changement dans la législation fédérale. Il a dit que dans ce cas, contrairement à d'autres textes de loi, le gouvernement fédéral pourrait intervenir lorsque la législation provinciale est insuffisante. Aimeriez-vous commenter? Croyez-vous que cela n'est pas convenable? Croyez-vous qu'il nous donne peut-être un point de vue personnel? Voulez-vous nous donner le vôtre, s'il est différent?

Mme Ruth Wherry: Il donnait l'exemple de la LCPE, une loi que je connais assez bien.

En matière de protection de la faune, il y a une longue tradition de gestion de la part des provinces et de collaboration entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Cette longue histoire de collaboration n'est pas la même qu'en matière de protection de l'environnement.

Les provinces haïssent l'approche d'équivalence. L'approche retenue pour le projet de loi à l'étude était de reprendre ce qui donne des résultats et de chercher à l'améliorer. Il s'agit de partir de ce que font les provinces et de ce que font les propriétaires fonciers.

Oui, le projet de loi donne aux provinces la possibilité d'appliquer leurs propres lois et si cela ne suffit pas, le ministre doit faire une recommandation. Je le répète, le ministre doit alors faire une recommandation. Je vous prie de vous reporter à l'article 63 qui comporte une certaine obligation de rendre compte, parce que le ministre doit rendre compte s'il estime que la faune n'est pas protégée. Cela suppose aussi que le ministre a déterminé qu'elle n'était pas protégée.

Je rappelle qu'il s'agit de bâtir sur ce qui donne des résultats en matière de protection de la faune et qu'en bout de ligne nous parviendrons à mieux protéger les espèces et leur habitat. Il n'existe cependant aucune garantie qu'une espèce soit protégée ni que son habitat le soit, ce qui comprend aussi l'espèce humaine.

M. Stewart Elgie: Pourrais-je demander à Mme Wherry si elle peut aborder les trois questions que j'ai suggérées? La première est qu'il devrait être possible de demander au ministre de vérifier si une province assure une protection. Deuxièmement, que signifie le mot «protéger»? Cette notion devrait-elle englober la mise en oeuvre de la loi ou simplement les généralités? Troisièmement, le gouvernement du Canada devrait-il être tenu de fournir des raisons lorsqu'il décide de ne pas intervenir même s'il n'y a aucune protection? Que pensez-vous de ces trois mesures de responsabilisation?

Mme Ruth Wherry: Je ne suis pas ici pour formuler une opinion sur des changements possibles, potentiels ou suggérés que vous pourriez proposer. Par contre, je suis tout à fait disposée à discuter du contenu du projet de loi.

M. Stewart Elgie: Ainsi, vous ne nous direz pas si vous estimez que ce projet de loi est bon ou mauvais pour la faune?

Le président: Votre intervention prend la forme d'un interrogatoire. J'estime que la réponse de Mme Wherry est appropriée et très acceptable.

Madame Carroll, aimeriez-vous conclure?

Mme Aileen Carroll: Si je le puis, si telle est votre décision.

Madame Wherry, je ne sais pas s'il est injuste de demander à un bureaucrate fédéral s'il estime que le rendement des provinces a été très bon jusqu'à maintenant.

Le président: Cette question sera abordée lors de l'examen du prochain point.

Mme Aileen Carroll: D'accord, mais j'estime que je parle de la LCPE, monsieur le président. Moi aussi j'ai passé 96 heures à étudier ce texte de loi et j'ai pu me rendre compte d'où vient la notion d'équivalence. Malgré tout, nous avons décidé qu'il n'y en aurait pas dans ce projet de loi. On nous a fourni beaucoup de preuves indiquant que la feuille de route des provinces est plutôt décevante. Il s'agit davantage d'une question objective que d'un point de vue.

Je me demande donc pourquoi nous avons opté pour incorporer à la loi un mécanisme qui se déclenche uniquement lorsqu'il y a des lacunes?

Le président: Je le répète, il s'agit, selon moi, d'une question de politique. Essayez tout de même d'y répondre.

Mme Ruth Wherry: J'allais lui donner une réponse qui tiens en un seul mot, puisque nous cherchons à tabler sur la coopération. «Coopération», voilà la réponse qui tient en un seul mot.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur d'Eça, suivi de M. Décarie, de M. Knutson puis de M. Affleck.

Monsieur d'Eça.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, la question de la compétence provinciale est également liée à la compétence territoriale et nous savons tous, bien entendu, que les territoires couvrent une très grande partie du Canada.

Dans l'ensemble, ce projet de loi favorise une intrusion du fédéral dans un domaine de compétence territoriale. Essentiellement, il exige la consultation avec un ministre territorial, après quoi le fédéral peut intervenir.

Les territoires comptent une bonne proportion d'Inuit et ceux- ci estiment que le seuil d'intervention du fédéral dans le domaine de compétence territoriale devrait être beaucoup plus élevé. De fait, cette limite ne devrait être franchie que si les lois du territoire ne permettent pas de bien protéger les espèces en péril ou les habitats essentiels. Nous avons fait des représentations à votre comité à ce sujet.

• 1200

Plusieurs raisons militent en faveur de cette prise de position, mais l'une d'elles tient à un point de vue très pratique. Au Nunavut, le ministère du Développement durable s'est donné une solide capacité de gestion de la faune et de l'habitat. Il y a plusieurs personnes sur le terrain qui s'occupent, par exemple, des ours polaires, des caribous, et ainsi de suite. Si le fédéral devait intervenir dans ce secteur de compétence territoriale, le ministère de l'Environnement disposerait de fort peu de moyens au Nunavut pour appuyer cette intervention.

Le projet de loi devrait tenir compte de ce fait et reconnaître aussi qu'il se fait du travail. Nous sommes présentement à élaborer une loi concernant la faune pour le Nunavut. Cette loi, ou même un texte distinct, englobera les espèces menacées. L'élaboration de ce projet de loi fera intervenir le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, la principale organisation inuit, Nunavut Tunngavik Inc., de même que le gouvernement territorial. Tous ces intervenants chercheront ensemble à produire un texte de loi approprié.

Je tiens à dire que le projet de loi ne devrait pas faciliter l'intrusion du fédéral dans un domaine de compétence territoriale et que nous avons des recommandations spécifiques à vous faire afin que cela ne se produise pas.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Décarie, s'il vous plaît.

M. Robert Décarie: Oui, j'exprimerais assurément mon appui. J'ai été impressionné par la façon dont M. Mercredi a fait état de l'intention et de la portée de l'approche de la loi. Je ne serais certainement pas capable d'en faire autant.

Notre système de compétence est très complexe et ne facilite guère la vie du gouvernement fédéral. Je ne sais pas si vous avez reçu la lettre que le président de notre association vous a fait parvenir à vous et à tous les autres membres de votre comité concernant le rapport existant entre la gestion des forêts et la LEP. Pour améliorer la situation et obtenir des résultats, il faudra un élément clé, c'est-à-dire des ententes bilatérales entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux afin que la stratégie de rétablissement et le plan de recouvrement puissent être appliqués.

Tout cela n'entraînera pas nécessairement une protection, mais donnera lieu plutôt à toutes sortes de solutions de gestion. Pour que ces solutions puissent se greffer aux processus provinciaux d'approbation des plans de gestion des forêts, il doit y avoir des liens établis grâce à ces ententes bilatérales. Chose certaine, ces accords joueront un rôle essentiel dans tout le processus.

Le président: Merci.

Monsieur Knutson, je vous prie.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): J'aimerais simplement poser une question à Mme Wherry.

Pour les fins de la discussion, supposons que je sois d'accord avec votre raisonnement ou que je le comprenne. Vous voulez accorder aux provinces la possibilité d'intervenir en premier lieu dans leur propre domaine de compétence de sorte que nous n'interviendrions que si la province ne fait pas son travail. Qu'en est-il de la seconde partie, qui concerne les domaines de juridiction fédérale? Disons que nous convenons de donner aux territoires la possibilité de faire le travail et de mettre sur pied des offices de gestion de la faune, etc....

En bout de ligne, nous en arrivons aux parcs nationaux. C'est tout ce qui reste. Je me demande pourquoi nous n'avons pas une législation ferme et dynamique pour la protection obligatoire de l'habitat dans les secteurs de compétence fédérale qui sont de notre seul ressort. En l'occurrence, il n'y a personne d'autre à qui donner l'autorisation d'intervenir. Nous sommes les seuls intervenants dans ce territoire géographique. Pourquoi n'indiquerions-nous pas clairement que nous assumerons le leadership et que nous prêcherons par l'exemple dans les secteurs où nous exerçons un contrôle?

• 1205

Mme Ruth Wherry: Je vous signalerais de nouveau qu'en matière de territoires fédéraux, la prohibition qui concerne l'habitat essentiel est assez forte. Si elle n'est pas couverte par une autre loi fédérale ou par des obligations de conservation ou d'intendance, le ministre doit intervenir et faire des recommandations. Je vous réfère de nouveau à l'article 63. La formulation est assez claire.

M. Gar Knutson: D'accord. C'est tout.

Le président: D'accord. Merci.

M. Affleck, puis M. Findlay.

M. Peter Affleck: Merci, monsieur le président.

En ce qui concerne le commentaire de Mme Carroll au sujet de la feuille de route des provinces, je crains, comme je l'ai mentionné à votre comité lors de notre exposé du 10 mai, que nous ne déformions la réalité et que nous n'examinions que les lois des provinces. Je ne suis pas sûr que vous ayez un bon aperçu de ce qui se passe dans la réalité, ni de ce qui se produit comme l'a dit de façon si éloquente M. Mercredi, et d'autres aussi, concernant le type d'intendance, le type de collaboration, le type d'activités qui ont cours et qui visent particulièrement les espèces en péril.

Je ne peux vous parler que de mes expériences dans la province de Colombie-Britannique et je dois avouer que l'historique en matière de réglementation y est plutôt limité pour la gestion ou l'établissement d'obligations ou de règles concernant les espèces en péril. Je prierais également votre comité de considérer le fait que nous nous tirons fort bien d'affaires depuis longtemps pour ce qui est des problèmes dont nous avons connaissance et de l'établissement de partenariats, et que l'intendance consiste à bien gérer les espèces en péril.

Je tiens à dire qu'il y a un écart important entre la réalité et ce que peuvent prévoir les lois fédérales.

Le président: Merci, monsieur Affleck. Je suis sûr que nous n'incluez pas dans cette belle prestation de la province les épisodes de coupe à blanc en Colombie-Britannique. Mais cela fait également partie de l'histoire, et nous voulons nous concentrer sur l'avenir. Je n'insisterais pas trop sur les réalisations du passé sans tenir compte de cet élément.

M. Peter Affleck: Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu, avec tout le respect que je vous dois monsieur le président, quelque activité de coupe à blanc en Colombie-Britannique qui ait pu mettre en danger des espèces ou les menacer d'extinction.

Le président: Nous pourrions engager un long débat sur cette question, monsieur Affleck.

Monsieur Findlay, je vous prie.

M. Scott Findlay: J'aimerais préciser une chose. Je ne prétends pas être un expert sur les questions de compétence. Je suis un scientifique et la qualité principale d'un scientifique est son éternel scepticisme. Pour les scientifiques, les preuves sont la chose importante. Si nous examinons la question de la protection des espèces en voie de disparition dans les provinces, nous pouvons poser une simple question: Compte tenu que ces provinces disposent depuis quelques années de lois pour la protection des espèces en voie de disparition, quels résultats ont-elles obtenus?

Nous pourrions utiliser différents points de repère. Par exemple, nous pourrions tenir compte de ce qui est arrivé à ces espèces inscrites sur la liste. Leurs populations ont-elles diminué ou se sont-elles accrues?

• 1210

Je ne puis parler de toutes les espèces, mais seulement de celles que je connais. En Ontario, la province que je connais le mieux, le nombre des espèces qui étaient inscrites sur la liste en vertu de la Loi ontarienne sur les espèces en voie de disparition a continué de diminuer. Si tel est le cas, nous pourrons donc dire, en nous appuyant sur des preuves, qu'il y a un problème.

L'étape suivante est manifestement de dire que l'expérience a été tentée et qu'il y a des lacunes. Pour quelque raison que ce soit, les faits semblent indiquer que l'expérience n'a pas connu beaucoup de succès. En conséquence, peut-être devrions-nous essayer autre chose. Faut-il persister à mener une expérience qui ne semble pas donner de bons résultats? Peut-être est-il temps d'essayer quelque chose de nouveau. C'est ce que M. Elgie semble vouloir dire. Nous pouvons nous assurer qu'il existe un filet de sécurité fédéral efficace pour les expériences qui ne semblent pas donner de résultats.

Le président: Pouvez-vous fournir à notre comité des exemples particuliers, peut-être dans les jours qui viennent?

M. Scott Findlay: D'espèces qui ont...

Le président: Oui, en Ontario, et qui vous ont amené à formuler cette conclusion.

M. Scott Findlay: Oui, bien sûr.

Le président: Si vous pouviez le faire, cela nous serait utile.

Nous entendrons maintenant Mme Smallwood, qui sera suivie de Mme Carroll, de M. Mills et de M. Comartin.

Mme Kate Smallwood: Monsieur le président, je répondrai brièvement à M. Affleck qui voudrait que lors de l'évaluation de la pertinence des mesures provinciales pour protéger les espèces en péril et leur habitat nous tenions compte des mesures non réglementaires. À ce sujet, j'aimerais me référer de nouveau au document que j'ai mentionné à votre comité lors de mon témoignage, c'est-à-dire le «Environmental Trends in British Columbia, 2000» publié par le Bureau de l'état de l'environnement de Colombie- Britannique. Ce rapport, qui porte sur une série d'indicateurs, s'intéresse non seulement aux mesures réglementaires, mais aussi à d'autres mesures volontaires et à d'autres programmes du gouvernement de la Colombie-Britannique. Le rapport conclut, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, que l'indice de rendement le plus faible pour tous les indicateurs de la Colombie-Britannique est la protection de la diversité naturelle. Cette conclusion est basée sur une évaluation, non seulement des mesures réglementaires, mais aussi des mesures volontaires et des mesures en matière de politique.

Nous devons, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, mettre en place des mesures qui assurent une protection de base pour les espèces en péril et leur habitat partout au Canada afin que ces espèces ne soient pas oubliées, comme l'a dit Stewart. La façon d'y parvenir, monsieur le président, est de mettre en place un filet de sécurité efficace; le mécanisme discrétionnaire actuel ne le permettra pas.

Le président: Merci.

Connaissez-vous ce document, monsieur Affleck?

M. Peter Affleck: Oui, je le connais.

Le président: Merci.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Comme M. Schindler est absent et qu'il nous a déjà soumis son rapport, il pourrait être utile d'entendre sa réponse partielle à la question suivante: Pourquoi ne pas confier aux provinces la protection des espèces et de leur habitat?

    Le dossier des provinces en matière de protection des espèces en péril est exécrable. La plupart des provinces ont établi une liste qui contient beaucoup moins d'espèces que celle du COSEPAC malgré le fait que les scientifiques savent très bien que les comités du COSEPAC comprennent plusieurs des grands spécialistes du Canada en matière d'espèces particulières.

    Le rendement des provinces en matière de protection de l'habitat est également peu impressionnant. Pour reprendre l'exemple de l'Alberta, les propres rapports Special Places de la province montrent que fort peu d'habitats ont été protégés dans les piedmonts ou dans les régions boréales, malgré l'existence d'une liste des espèces menacées. Dans les régions des piedmonts, le développement industriel de ce qu'il est convenu d'appeler les «aires protégées» est plus important qu'il ne l'est dans les aires non protégées adjacentes. De plus, l'Alberta a indiqué qu'elle respecterait toutes les dispositions industrielles existantes et précédentes en matière de terres protégées, ce qui signifie que si des terres étaient officiellement mises de côté, la dégradation importante de ces aires se poursuivrait pendant plusieurs décennies.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Oui. Monsieur le président, j'ai une question à poser à M. Findlay.

Vous avez parlé de l'échec de l'expérience en Ontario et vous parlez aussi de l'Alberta. Je me suis entretenu avec tous les groupes environnementaux et avec un bon nombre de groupes industriels de l'Alberta et tous semblent très satisfaits de la législation existante. On m'a dit que la législation donne des résultats—dans certains cas il s'agit de groupes environnementaux que je connais depuis plusieurs années et que je respecte.

• 1215

Cela étant dit, nous parlons d'expériences qui n'ont pas donné de bons résultats. Que penser de l'expérience américaine qui a employé pendant 35 ans l'approche dure pour protéger les espèces et des quelque 1 200 espèces inscrites sur la liste? Quel est le degré de succès après toutes ces années?

M. Scott Findlay: Bien, je crois que la question du succès suppose une façon de mesurer le succès.

M. Bob Mills: Selon vous, il s'agit de l'augmentation du nombre. Vous désignez les espèces et puis vous constatez que leur nombre est plus élevé qu'il ne l'était au moment où vous les avez désignées.

M. Scott Findlay: Oui. Ce serait une façon de mesurer le succès. Vous pourriez ainsi vous arrêter à la proportion des espèces qui, par exemple, étaient initialement inscrites sur la liste et suivre leur évolution pendant quelques années afin de savoir si leurs populations augmentent.

M. Bob Mills: Sur les 1 200 espèces qui ont été inscrites sur la liste au cours des 35 dernières années, 11 ont enregistré une amélioration...

M. Scott Findlay: Ont changé de catégories.

M. Bob Mills: ...quelconque. En conséquence, j'estime qu'il s'agit là d'un échec assez retentissant.

M. Scott Findlay: Je ne m'estime pas suffisamment compétent pour évaluer la U.S. Endangered Species Act et ses succès.

Chose certaine, je puis vous parler des questions de l'Ontario que je connais. Par exemple, si vous examinez le rendement de l'Ontario en matière de protection de l'habitat aquatique—qui est, comme nous le savons, un habitat très fortement menacé en Ontario et qui fait partie de l'habitat essentiel d'un certain nombre d'espèces énumérées dans la loi ontarienne—vous constaterez qu'il y a déjà eu une politique en matière de terres humides en Ontario. Nous devons faire davantage.

Il semble que la situation de l'habitat aquatique en Ontario se soit détériorée, malgré les changements apportés par le gouvernement Harris. Cet habitat, peu importe la définition qu'on en donne, est essentiel pour certaines espèces inscrites sur la liste de l'Ontario. Soit dit en passant, certaines de ces espèces ne sont pas inscrites sur la liste de l'Ontario, mais le seraient et le sont sur la liste du COSEPAC.

Nous avons tous convenu que l'habitat essentiel est important pour la survie des espèces. Pourtant, voici un bel exemple de gouvernement provincial qui s'est débarrassé d'une politique qui aiderait à maintenir l'habitat d'espèces que le gouvernement lui- même a inscrit sur la liste ou que le COSEPAC a inscrit sur la liste. Voilà qui en dit long, selon moi.

Le président: Je m'excuse, M. Décarie est le suivant, à condition que M. Mills ait terminé.

M. Bob Mills: Oui. Cela me convient.

Le président: Oui.

M. Décarie, puis M. Elgie.

M. Robert Décarie: Je n'ai qu'un bref commentaire à faire parce qu'il n'est pas nécessairement utile de pointer quelqu'un du doigt. On pointe souvent les provinces du doigt. Étant sceptique par nature, je serais curieux de savoir combien d'espèces de poissons, d'oiseaux et de mammifères marins ont connu une amélioration par rapport à la situation provinciale.

J'estime que ce projet de loi est une occasion pour le gouvernement fédéral d'exercer un leadership solide en prêchant par l'exemple.

Le président: Oui. C'est un bon point. Merci.

M. Elgie, puis ce sera le tour de M. Reed.

M. Stewart Elgie: Je n'ai que quelques points à soulever. Premièrement, pour répondre à la question de M. Mills, je ne dirais pas que la loi américaine est une loi parfaite. Nous devrions plutôt examiner ce que les États-Unis ont fait de bien et en tirer des leçons, mais je m'attarderais aussi aux erreurs commises afin d'éviter de les répéter.

Le simple fait que les États-Unis disposent d'une loi imparfaite ne signifie pas que chacun des éléments de leur loi soit imparfait. Bien entendu, vous seriez d'accord avec cela vous aussi. Par conséquent, nous devrions nous attarder aux éléments qui ont donné des résultats.

Pour ce qui est du taux de succès, je n'ai que des données brutes. De toutes les espèces inscrites sur la liste aux États- Unis, plus de 40 p. 100 se sont rétablies, sont en voie de rétablissement ou se sont stabilisées depuis leur inscription. Si vous dites que toutes les espèces étaient en péril au moment où elles ont été inscrites sur la liste, cela signifie que plus de 40 p. 100 soit se sont stabilisées, soit se sont améliorées. Voilà qui n'est pas un dossier parfait, mais on peut supposer que sans la loi, toutes ces espèces auraient continué de décliner, et que cette loi a représenté un effort important pour nombre d'espèces fauniques aux États-Unis. La loi n'a pas donné les résultats auxquels on aurait pu s'attendre et j'estime que nous devrions chercher à nous doter d'une loi qui nous permette d'obtenir un pourcentage plus élevé que 40 p. 100, au Canada.

• 1220

Plusieurs raisons expliquent les insuccès des États-Unis, mais il n'est pas nécessaire de les aborder ici. Il y a notamment le sous-financement chronique. Il y a eu, sous l'administration Reagan, certaines années où le budget proposé au Congrès ne prévoyait rien pour le programme des espèces en voie de disparition.

L'autre problème des États-Unis, pour répondre à votre question, est que si on s'arrête au profil démographique des espèces menacées, on constate qu'il y a environ 1 000 espèces dans cette catégorie, qui correspond un peu à l'unité des soins intensifs d'un hôpital. J'estime que c'est là un élément important pour le Canada parce que notre situation est probablement un peu meilleure. Aux États-Unis, on compte environ 200 espèces menacées. Chez nous, c'est exactement l'opposé. Dans notre liste, le gros des espèces se situe dans la catégorie vulnérable ou ce que nous appelons «espèce préoccupante». Puis il y a les espèces menacées, puis la catégorie des espèces en voie de disparition, qui ne comprend qu'une centaine d'espèces. Aux États-Unis, il y a donc dix fois plus d'espèces aux «soins intensifs» que chez nous.

Au Canada, il y a plusieurs autres espèces qui montrent des signes de mauvaise santé et qui se retrouveront aux soins intensifs d'ici 10 à 20 ans, et pourtant nous ne faisons rien à ce sujet. L'avantage de tout cela—et j'en reviens au point de M. Mercredi—est que le Canada a la possibilité, s'il se dote d'une loi utile qui aborde les véritables problèmes qui menacent les espèces, d'éviter que toutes ces espèces qui ne sont pas en péril ne se retrouvent en situation désastreuse. Cette approche est beaucoup plus économique, beaucoup plus simple et suscite moins de conflits que d'attendre que le patient soit branché à un respirateur dans un hôpital.

La plus grande erreur des États-Unis a été d'attendre trop longtemps avant d'adopter une loi utile, la Endangered Species Act. Les dirigeants pourront vous dire qu'ils l'ont fait il y a 30 ans, mais pour ce qui est de leurs espèces, il y avait déjà 250 millions d'habitants aux États-Unis à ce moment. Au moment de l'adoption de la loi, il y avait déjà un grave problème pour les espèces en voie de disparition. La meilleure leçon à tirer de cette expérience est d'aborder notre problème des espèces en voie de disparition avant qu'il n'y ait une crise, comme celle qui prévaut chez nos voisins du sud.

Pour revenir au débat qui nous intéresse, disons que d'un point de vue fédéral-provincial, les gouvernements au Canada ont déjà établi des critères de mesure. Les gouvernements se sont entendus à ce sujet dans un accord national conclu en 1996, accord que tous les ministres de la Faune ont endossé en 1997. Vous pourrez toujours soulever des points techniques quant à savoir qui l'a signé, mais tous ont dit lors de conférences de presse «Oui, nous avons signé ce document, et nous y donnerons suite».

J'ai dans ma mallette un bulletin que nous publions chaque année et qui mesure les résultats par rapport aux engagements pris. Nous sommes tous d'accord, je crois, avec la solution idéale. Cette solution serait que chacune des juridictions au Canada mette en place un mécanisme juridique et non juridique efficace pour la protection des espèces en péril, y compris un financement approprié. Actuellement, selon les standards établis par les provinces, aucune d'elles n'y est parvenue. Environ la moitié des provinces obtiennent une note D ou moins et quelques-unes seulement se situent au-dessus de C-. Selon leurs propres critères, les provinces ne parviennent pas à assurer une protection appropriée des espèces. Le gouvernement n'est certainement pas en mesure de se vanter et, si je puis me permettre, ne pourra le faire avec cette loi. C'est pourquoi je parle de «prêcher par l'exemple».

Voici une question difficile selon moi. De par sa nature, le gouvernement fédéral est le seul au Canada ayant la capacité d'assurer la protection de toutes les espèces en voie de disparition au pays. Il n'y a aucun autre gouvernement au Canada capable de le faire. C'est pourquoi nous avons un gouvernement national qui, par définition, a l'autorité de veiller à ce qu'aucune espèce n'échappe à sa surveillance. Il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral a ce pouvoir constitutionnel, confirmé à la suite de l'affaire d'Hydro-Québec, s'il veut l'utiliser.

Je reconnais qu'il s'agit d'un problème délicat. Le gouvernement pourrait être confronté à un choix, et nous espérons tous que ce scénario ne se matérialisera point. Supposons qu'une espèce soit à la veille de disparaître et que le gouvernement d'une province dise «Je ne suis pas disposé à la protéger» et que le gouvernement fédéral ait à choisir entre froisser la province et laisser l'espèce disparaître. Je sais quel choix je ferais, mais c'est aussi le choix qu'il faudrait faire. En tant que seul gouvernement du Canada ayant l'autorité nécessaire pour s'assurer qu'aucune espèce ne soit laissée pour compte—particulièrement les espèces que nous partageons avec d'autres nations, qui les protègent—il doit choisir entre la possibilité de froisser une province et s'assurer que l'espèce ne disparaisse pas dans le pire des cas.

Le président: M. Reed, suivi de M. Mercredi.

M. Julian Reed: Merci, monsieur le président. Lorsque la question des terres humides a été soulevée, je me suis dit, particulièrement en ce qui a trait à la prévention, qu'il existe des possibilités de récupérer des terres humides mais que des biologistes du gouvernement s'y refusent simplement parce qu'ils appartiennent à un autre ministère—il peut s'agir d'un ministère provincial par rapport à un ministère fédéral. L'argument invoqué contre la création de nouvelles terres humides est la quantité de méthane qui serait libérée et le niveau de mercure qui s'en dégagerait. Ce sont là des déclarations faites par des biologistes bien informés, du moins je l'espère. Je parle ici d'une expérience entièrement personnelle.

• 1225

La question est la suivante, et nous avons besoin de votre aide pour y répondre: Comment peut-on dire au gouvernement, aux autres directions du gouvernement, qu'il est acceptable de créer des terres humides?

Quand j'ai questionné une biologiste au sujet des étangs de castor qui sont fort nombreux dans cette région en particulier, je lui ai demandé si elle voulait véritablement que tous les étangs soient déplacés. Elle a répondu non, parce que ces étangs ont été créés par la nature.

Je vous pose donc le problème. Nous voulons de nouvelles terres humides, nous voulons davantage de terres humides mais il y a une résistance au sein même du mécanisme d'approbation du gouvernement qui empêche la création des terres humides.

Comment pouvons-nous transmettre le message aux gouvernements et aux organismes d'approbation et comment pouvons-nous leur dire qu'il est tout à fait acceptable de créer davantage de terres humides? Et j'appliquerais ce raisonnement à toutes les autres questions qui concernent un exercice de restauration.

Le président: Répondez brièvement, je vous prie.

M. Scott Findlay: Je ne sais pas.

Le président: Merci.

Nous devrons conclure cette réunion très bientôt parce que certains d'entre nous doivent assister à une réunion sous peu dans une autre salle.

Monsieur Mercredi, souhaitez-vous intervenir maintenant?

M. Ovide Mercredi: Je souhaite simplement apporter ma contribution à ce débat où le gouvernement agit dans le meilleur intérêt des espèces en voie de disparition, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, et préciser le rôle du gouvernement fédéral par rapport à notre peuple, les Premières nations, pour s'assurer que ce projet de loi donne les résultats prévus.

Je dirai simplement que partout au Canada il existe plusieurs régions extraordinaires où il n'y a pas encore eu de peuplement final en ce qui a trait à nos terres et à nos ressources. Notre peuple est également menacé, comme l'indiquent les conditions socio-économiques.

Le gouvernement fédéral interfère régulièrement avec notre capacité de gouverner nos collectivités. De fait, le gouvernement fédéral envisage actuellement de modifier unilatéralement la Loi sur les Indiens sans le consentement des leaders des Premières nations du Canada. Nous savons donc ce qu'est une intrusion et pourquoi nous nous opposons au pouvoir provincial ou au pouvoir fédéral sur nos terres et sur nos ressources.

Nous aimons penser que nous avons bien réussi en matière d'espèces en voie de disparition. Nous n'avons pas de législation pour les protéger, mais nous pouvons tout de même dire avec confiance que nous n'avons pas contribué à leur déclin, tout cela sans loi.

Tout revient donc à une question de mode de vie de notre peuple et de notre rapport avec l'environnement. Je ne sais pas si vous pouvez adopter une loi pour changer le comportement des Canadiens. Je ne sais pas si cela est possible.

Selon moi, ce projet de loi est un compromis. En bout de ligne, il pourrait s'agir de la meilleure approche possible. Mais vous le saurez dans cinq ans, lors de l'examen des répercussions du projet de loi. Vous saurez alors s'il a donné les résultats voulus.

En ce qui a trait aux Premières nations, nous savons que le gouvernement fédéral peut assumer un rôle de leadership en veillant à la reconnaissance de nos droits et au règlement de nos problèmes le plus tôt possible afin que nous puissions nous assurer que les terres qui nous seront confiées soient gérées de manière conforme à notre mode de vie, qui laisse les espèces coexister avec nous conformément à notre culture depuis les temps anciens, comme on le dit en Colombie-Britannique.

• 1230

L'autre recommandation que je formulerai vise la notion d'intendance, qui est au coeur de ce projet de loi. Le projet de loi contient des dispositions en vertu desquelles le ministre ou le gouvernement peut conclure des accords avec les provinces et, espérons-nous, avec les gouvernements des Premières nations, les gouvernements inuit et les gouvernements métis en vue de la mise en place de mesures de conservation pour les espèces en péril. Le gouvernement fédéral devait assurer le leadership en fournissant suffisamment de ressources fiscales pour permettre aux Premières nations et aux autres groupes autochtones de gérer leurs terres et leurs ressources et aussi suffisamment de terres à l'extérieur de leurs territoires immédiats afin qu'ils puissent participer aux efforts de protection des espèces.

Vous devriez envisager de créer des modèles de protection des espèces en voie de disparition, des modèles d'accords ou des modèles d'approches pour leur protection, de telle sorte que le projet de loi donnera également au gouvernement fédéral la possibilité de trouver d'autres ressources fiscales pour d'autres mesures comme des plans de rétablissement et des plans d'action. Là encore, les Premières nations participeraient à l'établissement d'une stratégie, à l'établissement d'un plan d'action et devraient participer également à la mise en oeuvre de ces mesures afin que ces approches comportent les capacités nécessaires pour la protection des espèces.

Mon dernier point concerne la responsabilité des provinces, qui profitent d'une situation privilégiée en ce qui a trait aux peuples autochtones. Elles possèdent toutes les ressources, tous les territoires, mais n'ont aucune responsabilité pour traiter de nos problèmes en tant que peuple, parce que les dispositions constitutionnelles précisent que les Indiens sont la responsabilité du gouvernement fédéral, que les terres des Indiens sont la responsabilité du gouvernement fédéral. Les provinces se sont cachées derrière cette question de juridiction depuis fort longtemps, et quand vient le temps de prendre des mesures pour notre peuple, y compris l'économie, la protection de l'enfance ou la santé, elles s'en remettent au gouvernement fédéral et quand vient le temps de protéger les espèces en voie de disparition, elles s'en remettent de nouveau au gouvernement fédéral.

Par conséquent, il importe que le gouvernement fédéral profite des pouvoirs que lui confère ce projet de loi pour conclure des accords bilatéraux avec les provinces, pour s'assurer que notre peuple soit partie à ces accords et non soumis à ces accords, en tant que participant et partie égale aux mesures que prendront les provinces.

En d'autres mots, je recommande que le ministre de l'Environnement s'engage dans un processus bilatéral quelconque avec le gouvernement de l'Ontario concernant les espèces en voie de disparition inscrites sur la liste du COSEPAC et qui ne se trouvent pas sur une liste provinciale. Par exemple, que les Premières nations de l'Ontario devraient participer aux négociations et avoir la possibilité de faire état de leurs approches en matière de protection de ces espèces particulières en Ontario. L'exemple pourrait s'appliquer aussi à d'autres provinces.

Ce que je cherche à dire est que le fédéralisme est un mécanisme faible. Il a montré clairement qu'il ne permet pas de traiter de certaines questions, ni de toutes les questions, à cause des débats de juridiction entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Par conséquent, il faut élargir les règles du jeu et reconnaître nos gouvernements autochtones. Servez-vous de nos connaissances, de notre expérience, de notre point de vue et allons de l'avant pour faire ce que le projet de loi vise. Dans cinq ans, nous évaluerons les résultats.

Le président: Merci, monsieur Mercredi. J'apprécie votre intervention.

Nous pourrions maintenant conclure nos débats. J'inviterais chacun de vous à faire une brève déclaration, si vous le souhaitez, puis je conclurai.

Madame Smallwood, souhaitez-vous faire une brève déclaration?

Mme Kate Smallwood: Comme l'ont dit les scientifiques dans leurs mémoires et comme l'a répété M. Findlay aujourd'hui, l'habitat est au coeur du problème et si nous n'abordons pas cette question de manière utile, nous pouvons tout simplement oublier la question des espèces en voie de disparition.

Le président: Merci.

Monsieur d'Eça.

M. Michael d'Eça: Si le gouvernement fédéral et d'autres intervenants cherchent un modèle à suivre, je recommanderais fortement que l'on examine ce qui se fait en matière de revendications territoriales. Les conseils de gestion de la faune travaillent en partenariat avec les ministères appropriés, soit territoriaux, soit fédéraux, sans ressources suffisantes, et dans le but de protéger la faune et son habitat d'une manière non encore égalée ailleurs au pays.

• 1235

Je vous invite tous à lire, par exemple, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et à examiner ce qui se passe sur le territoire du Nunavut malgré un financement insuffisant mais avec une grande détermination.

Le président: Monsieur Mercredi.

M. Ovide Mercredi: J'ai dit ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je passe.

Le président: Monsieur Affleck.

M. Peter Affleck: Comme je l'ai dit à quelques reprises à votre comité, l'essentiel de ce projet de loi, l'esprit et l'intention de ce projet de loi sont la coopération et l'établissement de bases pour la coopération. Et je ne crois pas que nous ayons entendu qui que ce soit contester ce fait. Tous les témoignages sont favorables à cette notion. Je demanderai simplement au comité d'examiner très sérieusement l'établissement de rapports entre les interdictions contenues dans le projet de loi et certaines préoccupations exprimées aujourd'hui qui pourraient nuire à l'esprit de coopération.

Le président: Monsieur Décarie.

M. Robert Décarie: La protection et la conservation des espèces en péril sont des éléments clés dont il faut tenir compte si nous voulons atteindre nos objectifs, c'est-à-dire la gestion durable des forêts. Nous voulons assurément être engagés activement et jouer un rôle qui soit utile.

Le président: Monsieur Friesen.

M. Bob Friesen: Je suis tenté de répondre aux commentaires faits par M. Findlay un peu plus tôt selon qui les scientifiques sont les grands sceptiques du pays. Si cela est vrai, j'oserais dire que les agriculteurs sont probablement bons deuxièmes.

J'ai déjà dit dans mon témoignage que les agriculteurs sont favorables à l'intention du projet de loi. Nous l'appuyons tel qu'il est rédigé.

Je me réfère aux propos de Mme Wherry à l'effet que le projet de loi est axé sur la coopération. Je le répète, la coopération, la bonne intendance, l'établissement de partenariats et la consultation avec les agriculteurs en vue de stratégies de rétablissement n'empêchent pas l'existence d'un incitatif bien défini et approprié ou de quelques mesures compensatoires pour les agriculteurs qui doivent engager des frais supplémentaires en raison de ce qu'ils font pour le bien public.

Qu'un fermier contourne les terriers de blaireau utilisés comme lieu de résidence par la chevêche des terriers, qu'il cultive sans tenir compte des trous, en les contournant ou qu'il laisse tout le terrain comme habitat essentiel dépend d'un incitatif bien défini.

Nous avons souvent parlé de programmes de transition dans l'industrie agricole. Peut-être que l'établissement de zones vertes dans le cadre d'un programme de transition se marierait bien avec l'intention de ce projet de loi.

Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à élaborer des outils nouveaux et meilleurs pour l'industrie agricole afin qu'elle cesse de gérer des situations de crise et que les agriculteurs soient moins tributaires du soutien du revenu agricole. Aujourd'hui, nous sommes incapables d'élaborer un outil pour produire la majorité des coûts d'une initiative servant au bien public; notre inaction contribuera davantage à accroître les coûts et à perpétuer la gestion de crise.

La question se pose donc: Dans quelle mesure le gouvernement est-il engagé et est-il prêt à payer pour la réalisation de ce que ce projet de loi vise à faire? Le niveau d'engagement du gouvernement à absorber ces coûts dictera également le niveau d'appréciation du projet de loi chez les agriculteurs et l'importance qu'il aura pour eux.

Le président: Monsieur Elgie.

M. Steward Elgie: J'aimerais conclure en revenant à l'ensemble de la question.

Il est ironique, et je dirais même un peu triste, qu'il se soit écoulé près de neuf ans depuis la signature par les nations du monde d'une convention reconnaissant que la perte de la diversité naturelle est l'une des menaces principales pour la planète, la Convention sur la biodiversité.

Aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé des difficultés liées à la protection des espèces en voie de disparition, mais tout cela représente la partie facile du problème. Le fait d'empêcher quelques espèces que nous savons être en voie de disparition de disparaître ne constitue qu'un petit aspect du défi comparativement à la question plus importante de protéger la diversité de la vie sur la planète et d'apprendre à vivre de manière durable en tant que peuple.

Si nous ne parvenons pas à relever la tête et à trouver le courage de faire face à cet aspect du défi, nous aurons beaucoup de mal à traiter de questions plus importantes.

• 1240

Il suffit de regarder autour de nous pour constater que plusieurs pays qui, comme la Russie, se sont donnés des lois de protection des espèces en voie de disparition, sont aux prises avec les mêmes problèmes et parviennent à se doter de lois.

Prenez le cas du Mexique, qui va un peu plus loin que le Canada.

Tous ces pays ont des problèmes sociaux et économiques beaucoup plus graves que les nôtres. Même si nous avons nos propres problèmes, nous sommes très fortunés.

Le Canada doit devenir un leader mondial sur cette question et non être à la remorque du monde. Nous avons été le premier pays occidental à ratifier la Convention sur la biodiversité. Lorsque nous irons au sommet dix ans après Rio, nous devrions nous présenter comme un pays capable d'avoir des lois et des programmes de protection des espèces en voie de disparition et aussi comme un leader mondial.

Je voudrais terminer sur une note optimiste en disant que nous avons une meilleure chance que la plupart des autres pays du monde de conserver notre biodiversité. Nous avons une masse continentale et une population qui nous donnent la capacité de faire ce que bien d'autres pays ne peuvent pas nécessairement accomplir.

J'ai parlé du problème des États-Unis et du fait que leur liste des espèces en voie de disparation compte dix fois plus d'inscriptions que la nôtre.

Des solutions de rechange s'offrent toujours au Canada pour épargner des espèces. Il faudra faire certains sacrifices mais qui seront mineurs comparativement à ceux que nous devrons faire si nous jouons à l'autruche pendant des années encore et si nous n'abordons pas les véritables questions pour éviter la disparition de certaines espèces.

La situation sera comparable à celle des gouvernements qui ont ignoré les problèmes liés au déficit pendant des années avant de prendre conscience qu'il y avait des décisions pénibles à prendre. La situation sera comparable aussi au refus d'adopter des soins de santé préventifs pendant des années et de reconnaître en bout de ligne, qu'il y a beaucoup de patients aux soins intensifs qui seront guéris à prix fort.

Selon moi, l'adoption d'un projet de loi utile sur les espèces en voie de disparition, soutenu par un programme de financement approprié, devrait constituer un héritage précieux et l'une des plus importantes choses que ce Parlement pourrait faire pour la nature. L'initiative serait un investissement dans l'avenir du Canada, dans un avenir qui comprendra toujours des ours grizzlis, des bélugas et des guillemots marbrés à l'état sauvage afin que nos petits enfants puissent en profiter. J'espère que vous le ferez.

Le président: Monsieur Findlay.

M. Scott Findlay: J'aimerais faire deux observations, d'un point de vue scientifique. La première est que les scientifiques du Canada peuvent nous dire, à l'aide des meilleurs renseignements disponibles, que nous devons veiller à la protection des espèces en voie de disparition, c'est-à-dire protéger les habitats essentiels. Votre tâche est de déterminer la meilleure façon d'y parvenir.

Le deuxième point concerne ce que les scientifiques aimeraient trouver dans le projet de loi du point de vue de la responsabilisation. Le public canadien, dans le contexte du COSEPAC, demande aux scientifiques d'agir comme experts-conseils. Si leurs conseils ne sont pas suivis, le milieu scientifique aimerait que le gouvernement en soit tenu responsable. En d'autres mots, il faudrait reconnaître publiquement que les scientifiques ont fait des recommandations, pour quelque raison que ce soit et aussi pour des motifs qui transcendent la science. Je reconnais que dans le dossier que nous étudions il y a beaucoup d'autres questions qui n'ont rien à voir avec la question scientifique. J'aimerais que le gouvernement fédéral soit tenu de rendre des comptes s'il refuse d'entendre l'avis des scientifiques. En l'occurrence, nous voudrions savoir pourquoi.

Le président: Merci.

Permettez-moi de conclure très rapidement en disant que notre comité et ses membres ont grandement profité de votre contribution ce matin et aussi mardi.

Comme je l'ai dit mardi, nous demanderons au ministère et aux membres de notre comité d'examiner très attentivement le compte rendu de ce qui s'est dit ce matin, de l'analyser en profondeur et d'y réfléchir au cours de l'été.

Je voudrais mentionner ma grande surprise à la lecture des données de la liste provinciale des espèces menacées et en voie de disparition du COSEPAC. Au cours de nos travaux, le rôle des provinces a été mis en évidence et, pour cette raison, je vous inviterais à faire part aux membres de notre comité au cours de l'été de tout commentaire que vous pourriez avoir sur les données qui sont connues et qui sont annexées au document de M. Schindler.

Peut-être y a-t-il des raisons à cette piètre performance. Peut-être pourrait-on fournir des explications. Je ne sais pas. J'aimerais certes connaître votre évaluation de ce tableau en particulier que le greffier se fera un plaisir de vous remettre si vous ne l'avez déjà.

• 1245

Nous nous sommes réunis autour de cette table et dans cette pièce au cours des derniers mois pour discuter d'actions humaines. Le projet de loi, ainsi que l'ont mentionné certains intervenants, constitue un effort honnête pour atténuer ou éviter des conflits. Chaque fois que des humains sont en contact avec la faune, même lorsqu'il s'agit d'Autochtones, il y a des conflits, et nous devons apprendre à vivre avec cette situation.

Sur ces propos empreints de profondeur, je suis sûr que vous serez très heureux d'apprendre que l'heure du déjeuner a sonné. Je vous remercie tous de votre contribution.

La séance est levée.

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