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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 mars 2001

• 0907

[Français]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Commençons. Nous avons à l'ordre du jour, comme vous le savez, le projet de loi C-5, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada.

[Traduction]

Nous accueillons ce matin trois témoins à qui nous souhaitons la plus cordiale des bienvenues. Avant de commencer l'audition des témoignages, j'ai une nouvelle à vous annoncer. Le Bundestag d'Allemagne a lancé une invitation à notre comité dans le cadre d'un programme spécial du Parlement allemand. Cette invitation a été transmise à notre greffier par l'entremise de l'ambassade d'Allemagne à Ottawa et porte sur le thème de la biotechnologie environnementale. Le Bundestag invite sept parlementaires canadiens en Allemagne en octobre, pendant la semaine de relâche parlementaire.

Je vous en parle dès maintenant au cas où ça vous intéresse. Un député de chacun des partis d'opposition pourrait se joindre à la délégation; il y en aurait donc quatre. Les autres seraient des ministériels, une proportion qui semble refléter raisonnablement la composition de la Chambre. N'oublions pas non plus que lorsqu'un ministre voyage, il est habituellement accompagné d'un député de l'opposition et non pas d'un ministériel. C'est un autre facteur dont il faut tenir compte.

• 0910

Toutefois, nous ne sommes pas tenus d'en discuter aujourd'hui. Je vous en informe simplement; nous pouvons en discuter dans quelques semaines, afin de pouvoir répondre à l'ambassade d'Allemagne. Si ça vous intéresse, vous pouvez me l'indiquer à la fin de la séance d'aujourd'hui ou à une autre occasion.

Maintenant, passons à l'ordre du jour. Il est intéressant de noter que certains des thèmes qui sont ressortis de notre dernière séance seront probablement soulevés de nouveau. Vous avez certainement remarqué comme moi l'observation de l'avocat du ministère de la Justice, M. Wear, qui a déclaré que le ministère de la Justice ne partage pas le point de vue de l'ancien juge de la Cour suprême, maintenant à la retraite, sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Je crois qu'il faudrait revenir à cette question.

Le représentant du ministère de la Justice a parlé d'un traité impérial, ce qui en a étonné plus d'un; un traité impérial serait, à son avis, un traité qui porte sur un cas très spécial et confère une compétence très spéciale au gouvernement fédéral, par opposition aux traités autres que les traités impériaux.

De plus, Mme Kraft Sloan a soulevé la question du filet de sécurité et des espèces transfrontalières; d'après les réponses de Karen Brown, d'Environnement Canada, on hésite beaucoup à appliquer les dispositions du filet de sécurité prévues par la loi en ce qui concerne l'application pratique du projet de loi. J'invite les membres du comité à réfléchir à cette conclusion.

Il y a aussi la question de l'adoption automatique de la liste réévaluée du COSEPAC, qui augure assez bien. Nous ignorons comment et à quelle vitesse évoluera le travail du COSEPAC, mais le ministère a laissé entendre qu'il pourrait adopter d'emblée la liste du COSEPAC quand elle sera terminée. Je vous renvoie au compte rendu, plus précisément aux réponses de Mme Karen Brown.

Enfin, Mme Kraft Sloan a soulevé la question de l'incidence socio-économique dans les plans d'action en lisant les articles 49 et 56. Si je me souviens bien, la question était de savoir si l'incidence écologique et biologique ne devrait pas aussi être prévue dans ces deux dispositions afin de faire le contrepoids aux considérations socio-économiques.

J'espère avoir bien résumé la discussion. Je ne l'ai fait que pour que nous ayons ces points à l'esprit lorsqu'ils seront soulevés de nouveau, car il nous faudra tôt ou tard recenser les enjeux découlant de nos discussions et décider de ce que nous en ferons.

Y a-t-il des remarques sur ce que j'ai tenté de résumer si douloureusement?

• 0915

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): En ce qui concerne les questions juridiques, j'ai écrit à Karen Brown—les membres du comité recevront probablement plus tard aujourd'hui une copie de cette lettre—pour lui demander des informations sur les questions qu'a posées M. Knutson. Nous avons examiné le projet de loi C-33 et, à cet égard, je lui demande pourquoi il est possible de prévoir, dans la LCPE, des règlements différents pour les terres fédérales, alors que ce ne l'est pas dans ce projet de loi-ci. J'ai demandé qu'elle me précise cela.

Je lui demande aussi dans cette lettre des informations sur ce que je considère comme une attitude presque cavalière de la part du ministère de la Justice relativement à l'applicabilité des dispositions concernant les oiseaux migrateurs à cette loi, attitude qui s'oppose à celle de l'ancien juge en chef de la Cour suprême, le juge La Forest, et de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Il semble y avoir une dichotomie à ce sujet, et j'ai demandé des précisions sur ces deux points.

Merci.

Le président: Vous dites que vous comptez distribuer cette lettre?

M. John Herron: Oui. Une copie de cette lettre sera probablement déjà à votre bureau lorsque vous y retournerez ou d'ici la fin de la journée.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres remarques?

Alors, au nom du comité, je remercie les témoins de ce matin et je leur souhaite la bienvenue. Chacun d'entre vous a de vastes connaissances et une longue expérience dont il peut faire profiter les comités; nous sommes impatients de vous entendre. Peut-être pourriez-vous d'abord nous dire dans quel ordre vous comptez prendre la parole. Je vous prierais aussi de vous limiter à dix minutes afin que nous ayons beaucoup de temps pour la période de questions.

J'aimerais savoir qui voudrait commencer afin que je puisse le présenter. M. Hummel commencera. Comme nous le savons tous, il est le président du Fonds mondial pour la nature.

Vous avez la parole.

M. Monte Hummel (président, Fonds mondial pour la nature): Merci, monsieur le président.

Étant donné que je suis entouré d'avocats, je devrais peut-être vous décrire mes titres de compétence. Le Fonds mondial pour la nature a 40 ans; le panda qui le symbolise témoigne de ses efforts pour la conservation des espèces en péril à l'échelle du globe. Pendant ces 40 années, nous avons amassé environ 10 milliards de dollars pour des milliers de projets que nous avons menés dans 140 pays. Au cours des 23 dernières années, depuis que je suis président, le Fonds mondial pour la nature Canada a recueilli environ 150 millions de dollars et a appuyé le travail pratique sur le terrain relativement aux espèces en péril dans tous les coins du pays.

Personnellement, je me suis émerveillé devant des baleines à bosse, des ours polaires, des oiseaux, des serpents, des tortues, des papillons et des plantes dunaires en péril que j'ai aussi étudiés, étiquetés, capturés, à qui j'ai posé des colliers émetteurs et que j'ai ensuite déplacés et remis en liberté. Je suis donc celui qui a de la boue sur ses bottes.

Je suis aussi un de ceux qui ont fondé le COSEPAC en 1978, à l'époque où il n'y avait pas encore de liste officielle d'espèces en péril au Canada—ce qui ne signifie pas qu'il n'y avait pas d'espèces en péril. Pendant quinze ans, j'ai représenté le Fonds mondial pour la nature au sein de cet organe. J'ai donc lu littéralement des centaines de rapports de situation et j'ai discuté avec les meilleurs scientifiques du pays de la façon dont on devrait classer les espèces. Depuis, bien sûr, nous avons ajouté plus de 360 espèces à la liste, mais nous en avons aussi supprimé 24.

Pendant toute cette période, j'ai eu le plaisir de travailler avec des hommes et des femmes dévoués et sous-financés, qui consacrent leur vie, leurs jours, leurs soirées et leurs week-ends à sauver les espèces en péril.

Les membres du comité devraient aussi savoir que le Service canadien de la faune fait un travail exemplaire à ce chapitre. Il a su offrir leadership, savoir-faire et argent alors que d'autres refusaient de le faire. Vous devriez aussi savoir que les entreprises forestières et minières nous ont aidés de leur plein gré et avec enthousiasme, tout comme les Premières nations, les pêcheurs, les capitaines de navire et les propriétaires terriens. Ainsi, l'opération chevêche des terriers a mis à contribution plus de 1 000 agriculteurs du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta qui ont volontairement protégé leurs pâturages pour cette espèce en danger. D'ailleurs, en 1987, sur la terre ancestrale de mes grands-parents en Saskatchewan, debout sur un chariot de foin, le Prince Philip et moi avons remis les premiers panneaux à la douzaine d'agriculteurs qui étaient venus nous aider.

• 0920

Il est à noter que tout cela a été fait en l'absence d'une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition. Il importe de comprendre avec réalisme quels sont les problèmes qu'une loi peut régler et quels sont ceux qu'elle ne peut pas régler.

D'après mon expérience, le fonds d'intendance de l'habitat annoncé par M. Martin et la préoccupation et la bonne volonté généralisées au pays sont les deux grands facteurs qui contribueront réellement à la conservation des espèces en péril. Toutefois, si nous voulons adopter une loi fédérale, faisons en sorte que ce soit une bonne loi. Celle-ci ne l'est pas encore.

Sur une note positive, le Fonds mondial pour la nature estime que le projet de loi pourrait s'appliquer à toutes les espèces et à toutes les terres et toutes les eaux. Le projet de loi C-5 prévoit l'établissement de stratégies de rétablissement pour les espèces menacées et en voie de disparition dans une période donnée après l'inscription de l'espèce sur la liste. Il prévoit des accords volontaires de conservation que nous appuyons fermement. En outre, le ministre sera tenu de faire rapport au Parlement de façon régulière. Il faut donc féliciter et appuyer M. Anderson d'avoir inclus ces aspects au projet de loi.

Sur une note négative, nous croyons en général que le projet de loi comporte de trop nombreuses échappatoires. Je devrais dire aux partisans du Fonds mondial pour la nature que ce projet de loi pourrait—et non pas pourra—sauver les espèces en péril. Le conditionnel ne suffit pas lorsqu'il s'agit de la disparition à tout jamais d'une espèce vivante.

Plus précisément, le gouvernement fédéral doit donner l'exemple; il doit indiquer son intention de protéger l'habitat des espèces en péril sur toutes les terres et dans toutes les régions relevant du fédéral. Nous ne demandons pas au gouvernement fédéral de s'ingérer dans les compétences des provinces ou du secteur privé; nous lui demandons simplement d'assumer ses responsabilités dans son champ de compétence.

Le projet de loi devrait prévoir une approche par étape pour la protection de l'habitat, les mesures volontaires étant la première étape. Au besoin, ces efforts devront être renforcés par une protection obligatoire et non pas discrétionnaire. C'est ce que nous appelons le bâton spongieux. Le filet de sécurité devrait être obligatoire et non pas facultatif afin que des espèces ne disparaissent pas parce qu'une compétence n'a pas fait ce qu'elle devait faire. Enfin, la liste des espèces en péril devrait se fonder sur des faits et des données scientifiques et ne pas être assujettie à quelque influence politique que ce soit.

Je présume que vous avez déjà entendu ces remarques. Je crois savoir que votre comité est très bien informé. D'après les questions que vous avez posées, je constate que vous connaissez bien les enjeux et je ne vous apprends probablement rien.

Cela met fin à ma courte déclaration.

Nous estimons que les espèces en voie de disparition ont besoin de ces améliorations et que les Canadiens s'attendent à ce qu'elles soient apportées.

Merci.

Le président: Monsieur Elgie.

M. Stewart Elgie (avocat général, Sierra Legal Defence Fund): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Si le comité le permet, nous avons discuté entre nous de la possibilité que je prenne un peu plus de 10 minutes et que mes collègues abrègent leur déclaration afin que nous ayons le temps de répondre à vos questions.

Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis l'avocat général du Sierra Legal Defence Fund, qui n'est pas le Sierra Club. Le Sierra Legal Defence Fund est un organisme de droit environnemental à but non lucratif qui a des bureaux à Toronto et à Vancouver. Nous comptons sur l'appui de plus de 22 000 membres à l'échelle du pays et employons quatre scientifiques et une douzaine d'avocats.

Je déplore que ce soit ma cinquième comparution devant votre comité relativement à une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition depuis huit ans et demi. Je suis venu témoigner pour la première fois en décembre 1992, après la signature de la Convention sur la biodiversité à Rio; votre comité avait alors recommandé au gouvernement fédéral de prendre immédiatement des mesures en vue d'adopter une loi pour protéger les espèces en voie de disparition et leur habitat et de satisfaire aux exigences de la Convention sur la biodiversité.

Il est très décourageant de constater que, huit ans et demi plus tard, nous n'avons toujours pas de loi fédérale sur ce sujet. En fait, c'est bien plus que cela, c'est honteux que nous n'ayons pas une telle loi au Canada. Je félicite donc le gouvernement et le ministre Anderson d'avoir persévéré et j'espère sincèrement que, d'ici quelques mois, une loi efficace sera enfin en place.

Il est aussi décourageant de constater que, huit ans plus tard, le projet de loi dont vous êtes saisis reste boiteux sur certains points fondamentaux. Il comporte des points forts, mais il doit être amélioré à bien des égards pour être efficace. Je vous offrirai des suggestions d'amélioration là où ça me semble le plus nécessaire. Je dirai d'abord que nous appuyons fermement cette initiative et que nous estimons qu'avec des améliorations raisonnables, ce projet de loi pourrait faire toute la différence dans la protection de la faune au Canada.

• 0925

La première règle de l'art oratoire est de commencer avec une blague ou une histoire drôle. Vous m'excusez, j'espère, si je viole cette règle aujourd'hui. J'ai beaucoup de mal à voir quoi que ce soit de drôle dans cette situation. Le problème est grave.

Nous connaissons une des pires épidémies d'extinction depuis l'époque des dinosaures. À l'échelle mondiale, le taux actuel d'extinction est de plus de 10 000 fois le taux naturel. Autrement dit, les scientifiques estiment que, avec l'évolution géologique, deux à trois espèces par année disparaissent de la planète. On estime qu'à l'heure actuelle, ce taux est plutôt de deux ou trois espèces l'heure à l'échelle mondiale.

Le Canada a un grave problème à ce chapitre. Depuis que nous nous intéressons à la question, 27 espèces sont disparues du Canada et 337 autres sont en voie de disparition. Chaque année, la liste s'allonge. Elle comprend non seulement des espèces bien connues telles que le grizzli, le béluga et le renard véloce, mais aussi des espèces moins connues mais tout aussi importantes telles que la pédiculaire de Furbish et le scinque pentaligne, qui jouent chacun un rôle très important dans leurs écosystèmes respectifs.

La principale cause de leur statut précaire est la destruction de l'habitat, l'endroit où ces espèces vivent, se nourrissent, respirent et élèvent leurs petits. Nous avons perdu près de 99 p. 100 de la prairie à herbes hautes originale, 75 p. 100 de notre prairie et plus de 90 p. 100 de la forêt carolinienne qui couvrait auparavant le sud-ouest de l'Ontario. Avec la disparition de ces habitats et d'autres écosystèmes, nous avons perdu des espèces fauniques. Si ce projet de loi ne fait qu'une chose, ce devrait être protéger l'habitat. Nous devons corriger ce problème si nous voulons sauver les espèces en péril.

Je ne tenterai pas de vous convaincre des raisons pour lesquelles nous devons sauver les espèces en voie de disparition. Je présume que la plupart d'entre vous sont déjà convaincus de la nécessité de le faire. Je mentionnerai néanmoins deux ou trois raisons importantes. La première, c'est que l'extinction ou la mise en péril des espèces est le meilleur indicateur d'une mauvaise santé écologique. Les espèces en voie de disparition agissent dans la nature comme le canari dans une mine de charbon: elles donnent les premiers signes de l'effondrement des processus écologiques fondamentaux.

Lorsqu'un cadavre de béluga s'échoue sur les rives du Saint-Laurent, au Québec, et qu'on doit le considérer comme un déchet toxique parce qu'il est rempli de toxines, cela nous indique que l'écosystème des Grands Lacs et du Saint-Laurent est extrêmement pollué. S'il est trop pollué pour que la faune puisse y vivre, il est trop pollué pour que nos enfants s'y baignent et pour que cette eau serve sur nos fermes. Autrement dit, lorsque nous protégeons les espèces en voie de disparition, nous nous protégeons aussi. Ces espèces jouent un rôle vital dans le maintien des fonctions écologiques de la planète, fonction qui appuie toute la vie, y compris la nôtre.

Je pourrais vous donner bien d'autres raisons. Par exemple, 40 p. 100 de nos médicaments proviennent des ressources fauniques. Les ressources fauniques constituent aussi un élément essentiel de notre identité nationale. Si vous regardez nos drapeaux, nos oeuvres d'art, la monnaie et les brochures de voyage, que voyez-vous? Vous voyez des espèces fauniques et florales, vous voyez la nature. La protection des espèces en voie de disparition unit tous les Canadiens, ce qui est important ces temps-ci.

C'est aussi important du point de vue économique. Les Canadiens consacrent 9 milliards de dollars chaque année à des activités liées à la faune, générant ainsi plus de 4 milliards de dollars en taxes et impôts. Plus de 200 000 emplois dépendent de l'utilisation non destructrice des ressources fauniques.

Ce qui est peut-être aussi important que toute autre chose, c'est notre devoir au niveau mondial. Le Canada a été le premier pays occidental à signer la Convention sur la biodiversité à Rio. Pourtant nous sommes l'un des derniers pays à respecter l'une de ses obligations les plus importantes, notamment l'adoption d'une loi sur les espèces menacées. Je ne vois pas comment nous pouvons nous attendre à ce que d'autres pays qui ont moins de chances que nous—des pays qui n'ont pas notre niveau de richesse ou d'éducation et où les mères se demandent comment elles vont nourrir et loger leurs enfants—comment ces pays pourront protéger la biodiversité si le Canada, le pays qui a la meilleure qualité de vie sur terre, ne peut trouver le courage de protéger efficacement ses propres espèces en voie de disparition. Le Canada doit être un chef de file mondial sur le plan de la protection de la biodiversité.

Il y a d'autres raisons—par exemple, l'appui du public. Je ne vais pas vous en parler en détail, mais j'ai joint à la documentation que je vous ai remise un sondage récent qui a été effectué par Pollara, une société digne de confiance. Cela se trouve à l'onglet 12, si vous voulez y jeter un coup d'oeil plus tard. Comme les quatre autres sondages qui ont été effectués à ce sujet, ce sondage révèle que 94 p. 100 des Canadiens appuient une loi fédérale sur les espèces en voie de disparition et qu'il n'y a pas d'écart entre l'appui des régions urbaines et rurales. Il s'agit là d'un point très important. Les sondages révèlent de façon constante qu'il n'existe en fait aucun écart d'une région à l'autre au pays et qu'on appuie fermement une loi fédérale d'un océan à l'autre. En fait, presque la moitié des Canadiens disent que cela est plus important que les réductions récentes d'impôt fédéral, et je pense que cela montre bien l'ampleur de leurs préoccupations.

• 0930

Ce qui est intéressant, c'est que presque 90 p. 100 des propriétaires fonciers ruraux au Canada disent qu'ils appuieraient la protection des espèces en voie de disparition même si elle limite dans un certaine mesure l'utilisation de leurs propres terres ou qu'elle limite l'exploitation forestière ou minière. C'est donc une question qui soulève de nombreuses préoccupations et beaucoup d'altruisme de la part de tous les Canadiens, particulièrement des propriétaires fonciers.

Il y a également un degré inhabituel d'appui de la part de la grande industrie. Le comité a déjà entendu le témoignage du Groupe de travail sur les espèces en péril qui réunit des représentants des secteurs minier et forestier. Ce groupe s'est appuyé sur le travail du Groupe de travail sur les espèces en voie de disparition qui avait été nommé par le ministre fédéral de l'Environnement en 1995 et qui réunissait des représentants des six grandes industries primaires, notamment l'industrie de l'agriculture, du pétrole et du gaz, des pêches, et d'autres. Un résumé du rapport se trouve à l'onglet 10 du document que je vous ai remis. Encore une fois, cela montre que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui ne va pas aussi loin dans certains domaines clés que ce qui avait été convenu par ces grandes industries primaires.

Il y a donc un appui presque sans précédent du public et d'autres secteurs à l'égard du projet de loi à l'étude et des améliorations qu'on peut y apporter.

Or, quelle est la solution? C'est un peu le pourquoi. Je suis tout à fait d'accord avec Monte Hummel qui dit que pour protéger les espèces en voie de disparition, il faut à la fois une carotte et un bâton. Nous avons besoin d'incitatifs et de fonds pour appuyer ceux qui veulent faire la bonne chose et sauver les espèces sauvages. C'est la carotte. Malheureusement, ces mesures doivent être appuyées par la certitude—et je dis certitude—que la protection légale s'appliquera lorsque les mesures de coopération ne fonctionnent pas.

C'est beaucoup comme sur les routes. Il faut avoir des programmes de prudence au volant afin d'encourager les gens à être de bons conducteurs, mais il faut également des limites de vitesse. Si cela vous intéresse, à l'onglet 11 du document que je vous ai remis, il y a les résultats d'un sondage qui est effectué régulièrement par KPMG où on demande aux dirigeants de société au Canada quels facteurs les motivent à améliorer leur rendement environnemental. On retrouve constamment des réponses comme celles qu'on a obtenues lors de ce sondage, c'est-à-dire que de loin, la principale raison pour laquelle ils apportent des améliorations, c'est pour observer le règlement. C'est la raison que donnent 98 p. 100 des industries des ressources naturelles.

Si on regarde plus bas sur la liste, tout le reste n'est rien en comparaison. Si on regarde en bas, les programmes gouvernementaux de mesures volontaires se situent à 16 p. 100. Or, cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas importants. Ils sont très importants. Mais plus particulièrement dans le cas des sociétés, nous devons reconnaître que le fait d'avoir des lois efficaces est le principal facteur de motivation et le plus important—les sociétés le disent elles-mêmes—pour améliorer leur rendement.

Bien que les terres privées soient très importantes, les terres publiques représentent presque 90 p. 100 du Canada, et 70 p. 100 de nos espèces en voie de disparition vivent principalement sur les terres et dans les eaux publiques. Il est donc important d'améliorer le comportement des sociétés. Nous avons besoin de carottes, mais nous avons également besoin d'un bâton efficace.

J'aimerais maintenant parler de questions plus spécifiques. Pour commencer, étant donné que vous en êtes au début de vos audiences, j'aimerais commencer par donner un aperçu rapide du projet de loi. Si les députés veulent bien se reporter à l'onglet 1, j'y ai inclus un tableau schématique très court et quelque peu simplifié du projet de loi et de la façon dont il fonctionnera. Je n'ai pas l'intention de lire chaque mot, mais c'est un point de référence utile pour parler de certains changements spécifiques et, ce qui est encore plus important, pour reconnaître comment certaines parties de la loi fonctionnent ensemble.

La première partie, naturellement, est l'établissement de la liste, comment on détermine qu'une espèce est en péril. Je souligne que contrairement au projet de loi de 1996, avec le projet de loi à l'étude, au départ aucune espèce n'est inscrite.

C'est le Cabinet qui décide quelle espèce sera inscrite. Comme vous pouvez le constater, s'il ne l'inscrit pas, l'espèce n'obtient aucune protection. Il n'y a aucune disposition interdisant de tuer ces espèces, aucun plan de rétablissement; aucune de ces méthodes non controversées n'est prévue.

À gauche, on voit les espèces qui sont considérées comme relevant de la compétence fédérale. Il s'agit entre autres des espèces vivant sur les terres fédérales, des oiseaux migrateurs aquatiques et des espèces transfrontalières. Encore une fois, j'ajouterais tout simplement que le projet de loi à l'étude, contrairement à celui de 1996, n'accorde pas la protection fédérale aux espèces transfrontalières.

Une fois qu'une espèce est inscrite comme relevant de la compétence fédérale, il y a immédiatement une interdiction de tuer cette espèce ou de détruire sa résidence. L'étape suivante est la préparation de plans de rétablissement et la négociation d'ententes de conservation avec les propriétaires fonciers privés.

Il s'agit ici d'une partie très importante du projet de loi. Une des choses qui peut faire l'objet d'un consensus de la part des groupes d'industrie, c'est l'idée qu'il y aura la possibilité—on parle ici de la carotte—de négocier des ententes de coopération avant d'imposer des mesures juridiques en vue de protéger l'habitat. Nous espérons tous que cette partie du projet de loi fera la plupart du travail.

J'ajouterais cependant que l'une des faiblesses du projet de loi, c'est qu'il n'y a pas de pouvoir intérimaire de conservation de l'habitat en attendant que ces ententes soient négociées, ce qui pourrait prendre de deux à trois ans ou plus. J'y reviendrai plus tard.

• 0935

Enfin, sur la dernière ligne se trouve la partie la plus importante de toutes, la protection de l'habitat. Il s'agit là également de la principale faiblesse du projet de loi—c'est-à-dire qu'on dit tout simplement que l'habitat peut être protégé même lorsqu'il n'y a pas d'entente de coopération. Même lorsque la carotte n'a pas donné de résultats, la protection de l'habitat est toujours discrétionnaire.

On s'entend généralement pour dire qu'il s'agit là de l'élément à améliorer le plus critique. En effet, le projet de loi de 1996, le C-65, disait «doit» et non pas «peut».

L'autre problème que je voudrais signaler a été mentionné par le président précédemment, c'est-à-dire que pour les oiseaux migrateurs, la protection de l'habitat n'est pas considérée comme étant du ressort fédéral—ou n'est pas considérée comme relevant de la compétence du fédéral—seulement s'il est question du filet de sécurité. Les oiseaux migrateurs sont donc traités comme quelque chose qui ne relève pas de la compétence fédérale aux fins de l'habitat.

Naturellement, les autres espèces—environ 60 p. 100 des espèces ne relèvent pas de la compétence fédérale selon la définition du projet de loi—tombent sous le filet de sécurité. Cela comprend la plupart des espèces au Canada. Le filet de sécurité est assez simple. Si le ministre constate que la province ne protège pas ces espèces ou ces habitats, à la suite d'une longue période de négociation, il doit recommander la protection. Cependant, une telle mesure de protection est à la discrétion du Cabinet. Le projet de loi dit: «peut».

C'est là un aperçu très bref du projet de loi. Je ne vous l'expliquerai pas en détail, mais j'ai joint à l'onglet 9—si cela vous intéresse—un tableau qui résume les principales différences entre le projet de loi à l'étude et le projet de loi C-65. J'ajouterais qu'il y en a un certain nombre. Je souligne que l'ajout du filet de sécurité constitue une amélioration. Bien que le filet de sécurité pourrait être resserré, il s'agit d'un pas en avant par rapport à 1996. Cependant, dans un certain nombre d'autres domaines—la protection de l'habitat, l'établissement de la liste—le projet de loi n'est toujours pas à la hauteur de la version finale du projet de loi C-65.

J'ajouterais que votre comité a corrigé un certain nombre de ces mêmes failles en 1997 lors de l'examen du projet de loi C-65 et qu'il l'a fait dans la plupart des cas avec l'appui de tous les partis, et dans de nombreux cas par des amendements du gouvernement. J'ajouterais que la plupart de ces changements ont été maintenus à l'étape du rapport. Certains changements ont été apportés, mais la plupart des changements importants ont été maintenus, bien que le projet de loi n'ait pas été adopté puisque les élections ont été déclenchées.

J'espère sincèrement que votre comité jugera bon d'améliorer encore une fois le projet de loi, comme il l'a fait en 1997. À mon avis, seulement quatre changements seraient nécessaires afin d'améliorer le projet de loi à l'étude: remettre en place les dispositions qui ont été affaiblies par rapport au projet de loi C-65—je vais vous en donner quelques exemples; ajouter l'habitat des oiseaux migrateurs; veiller à ce que la liste soit établie selon un processus scientifique; et resserrer le filet de sécurité. Si on apportait ces quatre changements en plus d'établir le fonds d'intendance, le projet de loi ferait réellement une différence.

Maintenant, j'ai pensé que je pourrais vous donner un peu plus de détails sur chacun de ces changements que je recommande. Le principal est la protection de l'habitat, car c'est là le point le plus important de tous.

Je ne le lirai pas, mais je vous demanderais de vous reporter brièvement à mon mémoire qui se trouve à l'onglet 2. La première question est de savoir si la protection de l'habitat est obligatoire ou discrétionnaire. Le projet de loi à l'étude stipule qu'elle est discrétionnaire même sur les terres qui relèvent de la compétence fédérale. Dans le projet de loi C-65, c'était obligatoire. À l'onglet 4, vous verrez que j'ai extrait pour les membres du comité le libellé de quatre des six lois provinciales sur les espèces en voie de disparition au Canada, ainsi que le libellé du projet de loi C-65. Le comité remarquera que le projet de loi à l'étude stipule que le Cabinet «peut prendre un règlement en vue de protéger l'habitat», tandis que le projet de loi C-65 disait «doit».

Il y a cependant une autre façon plus simple de le faire, et c'est ce que ces quatre provinces font. Il suffit de stipuler dans le projet de loi que l'habitat est protégé. Il n'est pas nécessaire de faire intervenir quelque pouvoir discrétionnaire que ce soit. On dit tout simplement qu'on ne peut pas détruire l'habitat des espèces en voie de disparition.

À la page suivante vous verrez que c'est généralement la même formule qui est utilisée à la fois dans les lois américaines et mexicaines sur les espèces en voie de disparition. Je ne vous en parlerai pas en détail. J'ajouterai que la loi mexicaine est une traduction, de sorte que ce n'est peut-être pas exactement ce qu'elle dit mot pour mot.

Il s'agit là de la question la plus importante et il y a amplement de précédents sur la façon de rendre obligatoire la protection de l'habitat des espèces en voie de disparition. Le projet de loi à l'étude accorde la protection obligatoire à un nid ou à une tanière mais pas à l'habitat. C'est l'équivalent humain de protéger la chambre à coucher d'une personne sans toutefois protéger le reste de sa maison ou de son voisinage.

J'ajouterais que le greffier a eu l'obligeance de mettre ce projecteur à ma disposition, alors je peux vous donner rapidement un exemple pour que ce soit un peu plus réel, car nous sommes ici bien loin de certaines de ces espèces.

• 0940

J'ai une anecdote à vous raconter. L'alque marbrée est un oiseau marin qui niche sur la côte ouest du Canada, mais en voici un exemple. Il s'agit d'une espèce menacée qui niche seulement tout en haut des arbres dans les forêts côtières sur la côte ouest de la Colombie-Britannique et des États de l'Oregon et de Washington. Après avoir cherché pendant des années, ce n'est qu'en 1990 qu'on a réussi à trouver un nid au Canada.

Une équipe de chercheurs de l'Université de Victoria a passé l'été à grimper dans les grands arbres que vous avez vus sur la diapo précédente. Vous verrez une corde, et quelqu'un qui grimpe. Ces oiseaux ne descendent de leurs nids qu'à l'aurore.

Il faut regarder à travers cette silhouette en espérant y apercevoir la silhouette de l'oiseau qui prend son envol, grimper deux cents pieds dans cet arbre et regarder une branche mousseuse aux premières lueurs de l'aurore, en espérant que vous avez choisi le bon arbre. C'est pour cette raison qu'ils n'en ont pas trouvé un.

La diapo suivante montre le premier nid d'alques marbrées qu'on ait jamais trouvé au Canada. Lorsqu'on arrive là-haut, on peut voir jusqu'à quel point il est difficile même de voir où se trouve le nid. Si on regarde juste au milieu de la photo, juste à côté d'une branche sur la mousse, on aperçoit un cercle blanc juste au bord de cette branche de cèdre. Juste là, il y a une dépression de la taille d'une tasse de thé et c'est là que se trouve le premier nid jamais découvert au Canada.

La bonne nouvelle, c'est qu'on a trouvé un certain nombre d'autres nids dans cette même vallée, et on en a même vu un dans lequel il y avait un oisillon. La mauvaise nouvelle, c'est qu'ils ont aussi vu des douzaines d'alques marbrées qui volaient en rond au-dessus d'autres arbres, mais ils n'ont pas encore trouvé les nids.

La société forestière a effectivement protégé les arbres dans lesquels se trouvaient les nids et quelques arbres autour, mais a continué d'abattre les arbres dans les sections de la forêt où on avait vu les alques marbrées voler en rond car elles n'y avaient pas réellement encore fait leur nid. Il aurait pu y avoir des douzaines de nids d'alques marbrées. Cela n'est malheureusement pas un exemple isolé.

À l'avant-dernière page de mon document, vous verrez une page couverture du New York Times de 1998. Il y a une photo du seul arbre qu'il restait sur la côte ouest de la Colombie-Britannique en 1998 dans lequel nichait l'alque marbrée. Vous verrez une plaque sur cet arbre qui dit «Ne pas déranger—arbre de nidification de la faune». Ils ont cependant coupé tous les autres arbres qui l'entouraient. J'ajouterais que lorsqu'un journaliste y est retourné l'année d'ensuite, l'arbre était naturellement tombé à la suite d'une tempête de vent.

Voilà la différence entre la protection de la résidence et la protection de l'habitat. C'est pour cette raison que je vous exhorte à exiger la protection de l'habitat, non seulement la protection de la résidence.

Il est par ailleurs important de protéger toutes les terres qui relèvent de la compétence fédérale. Le projet de loi à l'étude protège l'habitat sur les terres fédérales, mais on reconnaît bien qu'au Canada la compétence fédérale va bien au-delà de ces terres. Nous pourrions licencier une bonne partie de la fonction publique fédérale si la compétence fédérale se limitait aux terres fédérales au Canada. Certains aimeront peut-être cette idée, mais ce n'est pas le Canada dans lequel nous vivons.

D'autres domaines, notamment la protection de l'habitat du poisson et des espèces aquatiques et des oiseaux migrateurs, ont été protégés par des mesures législatives au Canada, et cela remonte presque à une centaine d'années. Ce sont des domaines de compétence fédérale bien reconnus. Le projet de loi à l'étude ne protège pas l'habitat des espèces aquatiques ou des oiseaux migrateurs, sauf s'ils se trouvent sur les terres fédérales ou dans les eaux fédérales.

Le gouvernement fédéral doit donner l'exemple. À titre de principal propriétaire foncier au Canada, le gouvernement fédéral ne peut s'attendre à ce que les provinces et les propriétaires fonciers privés protègent les habitats dont ils sont responsables s'il ne fait pas preuve de leadership en protégeant tout l'habitat qui relève de sa compétence. Encore une fois, je recommande vivement la coopération avec les provinces.

Il y a peut-être des domaines où il y a chevauchement, comme cela est toujours le cas, et où il n'est pas nécessaire que les deux gouvernements jouent un rôle. Dans de tels cas, je recommande que nous négociions des ententes de coopération, comme nous le faisons aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et d'autres projets de loi, afin de nous assurer qu'il n'y a qu'un guichet unique. Le point de départ doit être le gouvernement fédéral qui fait preuve de leadership dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence.

Le président a fait allusion à la question qui fait l'objet d'un débat entre le ministère de la Justice et l'ancien juge de la Cour suprême du Canada qui a rédigé les trois dernières opinions du tribunal sur la Constitution et l'environnement. C'est une question difficile, et je n'envie pas le comité qui doit choisir entre les deux. Je sais qui je pense que vous choisirez, mais je laisse le comité le faire dans toute sa sagesse. Pour ce qui est de trouver une nouvelle façon de résoudre le problème, je suggère au comité de recommander vivement au gouvernement d'obtenir un avis indépendant.

Je ne sais pas à qui vous pourriez vous adresser, autre que le juge qui a rédigé les trois dernières opinions de la Cour suprême sur la question, mais il y a d'autres experts constitutionnels très respectés à l'extérieur du gouvernement. En fait, votre comité voudra peut-être déterminer s'il a le pouvoir de demander une opinion indépendante sur ces questions, car autrement vous vous retrouverez devant un problème très difficile sans moyen de le résoudre, peut-être.

• 0945

Étant donné que nous avons peu de temps, je soulignerai rapidement deux ou trois choses puis je répondrai à vos questions.

Je vous renvoie à deux onglets du document que j'ai distribué. Le premier est l'onglet 6 sur la protection de l'habitat. Il serait difficile de concevoir un processus de protection de l'habitat plus lourd, plus discrétionnaire et créant plus de retards que celui prévu par le projet de loi.

Vous voyez à l'onglet 6, à gauche, le nombre d'étapes prévues par la LEP pour assurer la protection de l'habitat. Au milieu, vous voyez le nombre d'étapes requises par le projet de loi C-65. À droite, vous voyez le nombre d'étapes qu'exigent les quatre lois provinciales sur les espèces en voie de disparition auxquelles j'ai fait allusion plus tôt.

Aux termes de la LEP, l'espèce doit figurer sur la liste et le ministre décide alors si une stratégie de rétablissement est réaliste. La stratégie de rétablissement doit être menée à bien dans un délai d'un an, mais il n'est pas exigé qu'elle désigne l'habitat essentiel de l'espèce. Contrairement au projet de loi C-65, celui-ci stipule que l'habitat n'a pas à être désigné si le ministre juge que ce n'est pas possible. Le projet de loi C-65, lui, l'exigeait dans tous les cas.

Aucune échéance n'est imposée pour le parachèvement de la phase deux, le plan de rétablissement. Comme je l'ai déjà indiqué, même si l'habitat essentiel est désigné, la protection de cet habitat reste discrétionnaire. De plus, la prise de mesures pour la protection de l'habitat ne fait l'objet d'aucune échéance, contrairement à ce que prévoyait le projet de loi C-65.

C'est un peu comme une artère dans le corps humain. Je le signale, parce qu'il faut que chacune de ces étapes soit la bonne, car il faut passer par de très nombreuses étapes avant d'en arriver à l'élément important du projet de loi. C'est comme une artère: s'il y a six blocages différents, vous ne pouvez vous contenter d'en enlever cinq, vous devez les enlever tous. Je vous demande de reconnaître que tous ces changements sont interreliés.

Je vous renvoie à mon mémoire pour ce qui est des autres points que je tiens à souligner. Je mentionne qu'il faut resserrer le filet de sécurité, après l'établissement de la liste. J'insiste surtout sur l'adoption automatique de la liste existante du COSEPAC. En outre, la définition de résidence est moins stricte qu'elle ne l'était dans le projet de loi C-65. C'est un changement très important qu'il faut apporter.

Il faut aussi améliorer le processus d'exemptions. C'est essentiel. On a modifié la définition d'espèces sauvages qui figurait dans le projet de loi C-65 et qu'utilise le COSEPAC; la réévaluation du COSEPAC pourrait devenir inutile puisque la définition a été changée.

De plus, si le projet de loi n'est pas mis en vigueur, aucun mécanisme ne permet d'assurer la reddition de comptes. Pourtant, c'est quelque chose d'assez courant. Je dirais même que ces changements ne constituent que le strict minimum.

Enfin, certains viendront témoigner devant votre comité pour vous dire qu'il faut être politiquement pragmatique, que des mesures partielles sont mieux que rien. Or, en ce qui a trait aux espèces en voie de disparition, c'est souvent faux. Nous savons que des espèces sont en voie d'extinction et nous savons généralement ce qu'il faut faire pour les sauver. C'est avec ce projet de loi-ci qu'on doit s'assurer que les mesures nécessaires sont prises.

L'extinction ne fait pas de place au compromis. La protection des espèces en voie de disparition est un investissement dans l'avenir du Canada, un Canada qui compte encore des grizzlys, des bélugas et des renards véloces dans la nature. Ce serait un très bel héritage à léguer aux générations futures et je vous prie instamment de faire en sorte que cet héritage devienne réalité.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Hazell.

[Français]

M. Stephen Hazell (directeur exécutif et avocat général, Société pour la nature et les parcs du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je m'appelle Stephen Hazell. Je suis le directeur exécutif de la Société pour la nature et les parcs du Canada,

[Traduction]

j'aimerais ajouter quelques remarques à celles de mes collègues.

Notre société a été créée en 1963 et compte 10 sections à l'échelle du pays. Nous nous intéressons surtout à la protection des régions sauvages. Nous nous considérons comme les défenseurs des régions sauvages du Canada. Nous avons contribué à la protection de plus de 40 000 kilomètres carrés de territoire sauvage canadien.

L'an dernier, nous avons mené une campagne de porte à porte pour parler aux Canadiens des espèces en péril et du projet de loi précédent. Nous avons parlé à environ 86 000 Canadiens. Nous avons recueilli près de 20 000 signatures sur des cartes postales et des pétitions. Nous avons recueilli et envoyé des centaines de lettres au premier ministre et à d'autres ministres et députés. Tout cela pour dire que les espèces en péril préoccupent beaucoup les Canadiens.

• 0950

Je tiens à signaler, puisque mes collègues ne l'ont pas encore fait, qu'il existe un groupe de concertation constitué d'organisations de conservation qui croient fermement aux points mentionnés par Monte et Stewart et que je passerai en revue très rapidement.

Ce groupe de concertation comprend non seulement notre société, le Fonds mondial pour la nature et le Sierra Legal Defence Fund, mais aussi la Fédération canadienne de la nature, le Sierra Club du Canada et bien d'autres organismes de conservation. Nous nous entendons sur les six principes suivants pour la modification du projet de loi: la protection obligatoire de l'habitat est essentielle dans tous les champs de compétence du fédéral; un filet de sécurité efficace et responsable est nécessaire pour assurer la protection de l'habitat de toutes les espèces en péril; il faut assurer la protection de toutes les espèces en voie de disparition et de leur résidence, grâce à une interdiction complète, sous réserve d'une équivalence provinciale; le processus d'établissement de la liste des espèces en péril doit se fonder sur des données scientifiques; la liste actuelle du COSEPAC doit être annexée à la LEP; on doit prévoir un mécanisme de reddition de comptes approprié pour assurer l'exécution de la loi.

Dans les quelques minutes dont je dispose, j'aimerais vous parler de quatre amendements précis que nous suggérons. Ces quatre amendements sont les suivants: premièrement, des interdictions claires et complètes prévues par la loi; deuxièmement, l'adoption de la liste actuelle du COSEPAC comme annexe à la LEP et non pas dans les règlements; troisièmement, que la protection de l'habitat essentiel sur les terres fédérales soit exigée par la loi; et, quatrièmement, que les dispositions relatives à la table ronde soient améliorées et que l'on ajoute un mécanisme de règlement des différends.

En ce qui a trait aux interdictions prévues par le projet de loi—il s'agit des articles 32 à 34 et des interdictions relatives à l'habitat essentiel des articles 58 à 61—elles sont fragmentées, obscures et ne font pas de distinction entre les terres fédérales et les autres pour ce qui est des espèces fédérales et des autres. Ces dispositions sont remarquablement complexes. On voit difficilement comment les Canadiens pourront comprendre ce qui se passe à moins qu'ils ne soient avocats, comme Stewart et moi-même, auquel cas ils ont peut-être une chance de comprendre l'intention.

Ce qui est intéressant, c'est que si ces dispositions comptent sur le pouvoir du gouvernement fédéral de légiférer en matière pénale que lui confère la Constitution, cela ne fonctionnera peut-être pas. Dans l'affaire Hydro-Québec, à laquelle Stewart a participé, la Cour suprême du Canada a élargi le pouvoir en matière pénale, mais elle a aussi déclaré que la complexité des dispositions indique si une loi se justifie en vertu du pouvoir pénal ou s'il s'agit simplement d'une mesure réglementaire. La Cour a affirmé que plus les dispositions sont complexes et compliquées, plus elles s'apparentent à des dispositions réglementaires plutôt qu'à des dispositions relevant du pouvoir pénal prévu par la Constitution. Ces articles sont donc problématiques.

Qu'en pensons-nous? Que pensons-nous de ces interdictions? Comment devraient-elles être modifiées? D'abord, nous croyons que ces interdictions devraient s'appliquer dès qu'une espèce figure sur la liste, qu'elles devraient s'appliquer à toutes les espèces sauvages figurant sur la liste et à leur habitat essentiel, et qu'elles devraient s'appliquer à l'échelle du pays, sous réserve de l'existence d'une loi provinciale équivalente.

J'attire votre attention sur les dispositions du Code criminel relatives aux cas où des souffrances inutiles sont infligées à un animal ou à un oiseau. Ces dispositions ressemblent à celles qu'on propose pour la LEP. Elles ne font pas de distinction entre les espèces fédérales et les autres. Elles ne font pas de distinction entre les terres fédérales et les autres. Pourquoi prévoyons-nous cette distinction dans le projet de loi? Cela n'a aucun sens pour moi, qui suit avocat.

Deuxièmement, j'aimerais vous parler de la liste actuelle du COSEPAC et de l'importance de l'annexer à la LEP plutôt que de l'inclure aux règlements.

J'ai déjà été directeur de la réglementation et de la législation à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. À ce titre, j'ai dû composer avec la politique réglementaire du fédéral, à laquelle votre comité n'a peut-être pas réfléchi, bien que Karen Brown, dans son témoignage, ait indiqué que, dans le cadre du processus d'établissement de la liste du COSEPAC, le gouvernement exigera des analyses réglementaires et des Analyses coûts-avantages.

• 0955

Je peux vous dire par expérience que ce processus de réglementation, l'application de la politique de réglementation, peut prendre des années. Il nous a fallu plus de trois ans pour faire entrer en vigueur la réglementation découlant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Par ailleurs, il y a du double emploi. Si l'on applique une politique de réglementation, c'est pour faire en sorte de ne pas appliquer de règlements inutiles, et de prendre en compte l'incidence que cela peut avoir sur la petite entreprise et sur l'économie. Le projet de loi C-5 le fait déjà. En vertu du processus relatif aux plans d'action et aux programmes de rétablissement, il est prévu d'examiner l'impact socio-économique. Je soutiens que tous les problèmes que la politique de réglementation vise à résoudre sont déjà résolus en vertu du projet de loi, et plus précisément du processus relatif aux plans d'action et aux programmes de rétablissement.

C'est pourquoi nous vous demandons instamment d'inclure la liste actuelle du COSEPAC en annexe au projet de loi, au lieu de vous en remettre au processus de réglementation, du moins pour cette liste initiale, que le COSEPAC a déjà revue, comme nous le savons. Le comité a mis la liste à jour l'an dernier, et nous savons donc qu'elle est à jour.

En troisième lieu, je voudrais insister sur ce qu'ont dit Stewart et Monte au sujet de l'habitat essentiel. Le projet de loi C-5 ne prévoit pas la protection de l'habitat essentiel des espèces inscrites sur les terres fédérales. À notre avis, cela devrait être obligatoire, en tout cas pour les parcs nationaux, les réserves fauniques nationales, les sanctuaires d'oiseaux migrateurs. Au strict minimum, notre société souhaite qu'on amende le projet de loi de façon à obliger les ministères fédéraux à élaborer et mener à bien un processus de désignation de l'habitat essentiel des espèces inscrites et ce, dans des délais précis.

J'aimerais dire quelques mots au sujet des dispositions relatives à la table ronde qui sont prévues dans ce projet de loi mais ne l'étaient pas dans le précédent. C'est une bonne idée, selon nous, et nous félicitons le gouvernement d'avoir prévu dans le projet de loi la tenue d'une table ronde tous les deux ans. Nous pensons toutefois que plusieurs amendements s'imposent. Premièrement, il faut bien comprendre quel sera l'objet de cette table ronde—ce n'est pas énoncé clairement à l'article 127—et il faudrait aussi préciser que la table ronde devra regrouper toutes les parties prenantes.

Enfin, il y a la question des dispositions relatives aux poursuites intentées par des particuliers. Il est décevant que le projet de loi C-5 ne reprenne pas les dispositions à ce sujet qui étaient prévues dans le projet de loi C-65, étant donné surtout que l'on prévoit des mesures non judiciaires de règlement des différends pour compléter ou remplacer les dispositions relatives aux poursuites intentées par des particuliers. On s'est beaucoup penché sur cette question au cours des deux dernières années, pour trouver d'autres façons de régler les litiges qui surviendront immanquablement aux termes de cette loi. Non seulement on n'a pas prévu d'autres mesures de règlement des différends, mais en outre on a laissé tomber les dispositions relatives aux poursuites par de particuliers. Il ne reste donc rien. Nous proposons d'inclure dans la Loi sur les espèces en péril des dispositions relatives aux poursuites privées, auxquelles s'ajouteront des mesures de règlement des différends par des tiers.

Cela conclut mon exposé, monsieur le président. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Hazell.

J'ai déjà sur ma liste M. Mills, M. Bigras, M. Herron, Mme Kraft Sloan, M. Reed et Mme Carroll.

Monsieur Mills, vous avez cinq minutes.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, de votre présence.

Il y a plusieurs questions qui me viennent à l'esprit et dont j'entends parler dans les exploitations agricoles, les fermes d'élevage, etc., en tout cas dans notre région du pays, mais je pense que cela s'applique également aux régions rurales de l'Ontario, du Québec et de l'Atlantique. Le gouvernement n'a pas su bien justifier ce projet de loi. Les gens se tournent vers les États-Unis et constatent la crise que cela a créée pour certains agriculteurs, éleveurs, chefs d'entreprise. Ils se disent que le projet de loi ne prévoit aucune mesure d'indemnisation. Rien n'est prévu si on oblige les gens à faire une utilisation restreinte de leurs terres. Je sais que tout sera prévu dans les règlements, mais cela ne convainc pas les intéressés.

Ma première question est donc la suivante. À votre avis, comment allons-nous informer les gens au sujet de cette loi? Nous sommes tous pour une loi sur les espèces en voie de disparition, mais nous voulons une loi qui fonctionne. Comment allons-nous faire pour sortir de cette impasse si, en fait, le projet de loi ne fait pas état de l'indemnisation et ne prévoit pas de mesures directes à ce sujet? Je sais qu'il y aura des négociations avant de prendre ce genre de décision, mais que faire si la nouvelle loi a des effets sur le mode de vie et la productivité de la terre de ces propriétaires?

• 1000

En second lieu, lorsque vous avez parlé de la liste, vous avez tous exprimé des avis contradictoires. Certains disent que cette liste revêt un caractère politique et qu'il y a des erreurs dans son établissement. Je me demande pourquoi vous ne souhaitez pas que la liste soit évaluée dès le début, ce qui vous permettrait de dire que la liste est vraiment exacte et fondée sur des données scientifiques, au lieu de comporter uniquement les espèces qu'on trouve aux extrémités septentrionales du pays, par exemple.

Pouvez-vous déjà répondre à ces questions, je vous prie?

Le président: Monsieur Hummel.

M. Monte Hummel: Pour répondre à votre première question, je suis tout à fait d'accord pour expliquer aux Canadiens la teneur de ce projet de loi et les répercussions qu'il aura sur les autres utilisateurs des terres. Je suis propriétaire d'un terrain privé qui est assujetti à une servitude. Il y a des dispositions en matière de conservation auxquelles j'ai souscrit de mon plein gré à l'égard de mes 300 acres de terrain qui se trouvent sur le bouclier. Je tiens à connaître mes obligations. J'ai pris ces mesures de mon plein gré.

Je crois qu'il faudrait expliquer aux gens ce que signifie vraiment ce projet de loi, par le biais peut-être des associations et organismes agricoles. Je viens d'un milieu d'agriculteurs. Bien franchement, je ne crois pas que les propriétaires de terrain et les agriculteurs aient lieu de s'inquiéter de cette mesure. Si elle est bien comprise, ils l'accepteront en ayant l'assurance qu'on ne va pas leur tomber dessus à bras raccourcis, de façon arbitraire, pour limiter leur droit d'utilisation.

Pour la deuxième question, je dois dire que d'après ma vaste expérience acquise au sein du COSEPAC, lorsque quelqu'un essaie de faire intervenir la politique dans ce contexte, cette personne se fait rappeler à l'ordre sur-le-champ.

Le COSEPAC s'est révélé un comité scientifique impeccable, à tel point que l'on ne devrait rien y changer, partant du principe que le mieux est l'ennemi du bien. Lors des discussions tenues au sein du comité, il est entendu que les listes doivent être établies strictement en fonction de critères biologiques. Je dirais que c'est exactement ce qui s'est passé.

Si l'on commence à tripoter le COSEPAC, en essayant de modifier sa composition, et si l'on cherche à en faire une entité davantage politique, les discussions seront de plus en plus tendues. Jusqu'à présent, toutefois, je serais tout à fait disposé à défendre la qualité et le caractère scientifique des décisions prises par cet organisme. Après y avoir consacré 15 ans de ma vie active, je l'ai vu fonctionner de l'intérieur.

Le président: Merci, monsieur Mills.

[Français]

Monsieur Bigras, vous disposez de cinq minutes.

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

Mes questions vont s'adresser surtout à M. Elgie. Je suis d'accord sur plusieurs de vos prémisses et de vos constats. Tout comme vous, je souhaite que des améliorations sensibles soient apportées au projet de loi, surtout en ce qui a trait aux domaines de compétence fédérale, sans que cela aliène d'autres intervenants. Je suis d'accord avec vous lorsque vous estimez que le gouvernement fédéral renonce à remplir beaucoup de ses obligations. J'affirme que le gouvernement fédéral refuse d'intervenir dans plusieurs domaines qui sont de son ressort.

Vous parlez, entre autres, de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Je ne conteste pas cette loi maintenant acceptée et que j'estime être de juridiction fédérale. Vous estimez aussi que la plupart des lois provinciales sur les espèces en péril prévoient la protection de l'habitat et sont donc plus exigeantes que le projet de loi sur ce point crucial.

J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails sur le fait que certaines lois provinciales sont plus rigoureuses et plus exigeantes que le projet de loi qui est présenté aujourd'hui.

M. Stewart Elgie: Je vais parler en anglais parce que je ne parle pas très bien français.

[Traduction]

La réponse à votre question concernant les lois provinciales se trouve à l'onglet 13 de mon document. Il y avait un accord appelé l'Accord national pour la protection des espèces en péril, qui a été négocié en 1996 et adopté l'année suivante.

Chaque province, chaque territoire s'engage à l'égard d'un certain nombre, environ 12, d'éléments précis, qu'il englobera dans la législation sur les espèces en péril. Il s'agit d'un bulletin de notes d'octobre dernier où l'on évalue les résultats obtenus par chaque province. Vous constaterez que six provinces ont adopté une loi sur les espèces en péril. Les sept autres juridictions ont intégré certaines dispositions dans leurs lois sur la faune, mais n'ont pas vraiment adopté de loi sur les espèces en péril.

• 1005

Quatre de ces six provinces ont rendu la protection de l'habitat obligatoire, ce qui est une bonne chose. Le Québec en faisait partie; il y en avait cinq auparavant. Il y a deux ans environ, le Québec a assoupli sa législation en rendant la protection de l'habitat facultative. Nous aimerions beaucoup que cette décision soit renversée.

Comme vous le constaterez, aucune des provinces n'a respecté toutes ses obligations aux termes de l'accord national et la plupart d'entre elles n'en ont même pas respecté la moitié. Dans les provinces qui appliquent une loi stricte sur les espèces en péril, il y aura des chevauchements avec le gouvernement fédéral, comme c'est toujours le cas dans une fédération comme le Canada. Il faudra éviter le chevauchement en négociant des ententes administratives et des dispositions d'équivalence.

Le plus gros problème, ce n'est pas le chevauchement, mais bien le fait qu'aucun ordre de gouvernement ne protège les espèces en voie de disparition. À l'heure actuelle, c'est ce qui se passe la plupart du temps. Si la loi fédérale ne s'applique pas au maximum de son champ de compétence, on ne peut pas compter sur les provinces pour combler les lacunes dans la plupart des régions du pays. La plupart des lois provinciales sont insuffisantes ou inexistantes en ce qui concerne les espèces en péril pour le moment.

[Français]

M. Bernard Bigras: J'ai une autre question. Dans un mémoire...

Le président: Très courte, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras: Ai-je utilisé tout mon temps?

Le président: Oui.

M. Bernard Bigras: Elle sera très courte. Dans un mémoire que vous, un groupe de travail sur les espèces en péril, avez déposé en septembre 2000, il est écrit à la page 7 que «le filet de sécurité tel qu'il a été conçu repose sur des assises constitutionnelles chambranlantes.»

Je voudrais que vous clarifiiez cet énoncé. Compte tenu de cette situation, la meilleure approche ne serait-elle pas qu'une loi force le gouvernement fédéral à intervenir dans tous les champs de sa compétence et à laisser aux provinces le soin d'intervenir dans les champs de leur compétence, comme l'habitat?

[Traduction]

M. Stewart Elgie: Cette question m'est adressée?

M. Bernard Bigras: Oui.

M. Stewart Elgie: Tout d'abord, pour préciser, il est faux de dire que la protection de l'habitat est une responsabilité provinciale. Aux termes de notre Constitution, c'est une responsabilité partagée. De toute évidence, certains secteurs sont du ressort du gouvernement fédéral et d'autres relèvent des provinces. Les deux paliers doivent assumer leurs responsabilités.

Idéalement, nous ne devrions pas avoir besoin d'une législation fédérale stricte, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Le filet de sécurité n'est pas parfait. Le plus gros problème, c'est que même si une province ne fait absolument rien pour protéger une espèce en voie de disparition, il est dit simplement que le Cabinet fédéral «peut» prendre des mesures; il n'est pas dit qu'il doit le faire. En vertu du projet de loi, il n'est pas garanti que toutes les espèces seront protégées. Il prévoit la possibilité que toutes les espèces soient protégées.

Voici ce que je vous demande instamment de faire. Si toutes les provinces respectent les engagements qu'elles ont pris en 1997 en vertu de l'accord national, le pouvoir relatif au filet de sécurité n'aura jamais besoin d'être invoqué et cette discussion n'aura pas de raison d'être. On en entendra parler dans les livres d'histoire en se demandant pourquoi cette question nous préoccupait à l'époque. Toutefois, si les provinces ne remplissent pas leurs obligations, le filet de sécurité sera d'une importance cruciale pour la survie de certaines espèces.

C'est simple: Qu'est-ce qui importe le plus pour votre comité, laisser aux provinces l'autonomie voulue pour décider de ne pas protéger un animal en péril, ou garantir la survie de certaines espèces en voie de disparition dans notre pays? Je vous pose la question.

[Français]

Le président: Merci, Monsieur Bigras.

[Traduction]

Monsieur Herron, pour cinq minutes.

M. John Herron: Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins de leurs interventions d'aujourd'hui.

Pour la plupart, les positions que vous avez préconisées se retrouvent dans notre énoncé de principe, qui fait souvent état de renseignements que nous avons obtenus de vous. Au lieu d'utiliser un bâton spongieux, nous avons utilisé la carotte avant le bâton.

L'énoncé de principe a été assez bien accueilli par les organismes environnementaux. Il renferme des bonnes nouvelles et des moins bonnes. Nous avons établi un cadre qui nous permettra d'obtenir un excellent projet de loi. C'est notre position au Parti progressiste-conservateur. Toutefois, nous n'appuierons pas le projet de loi à l'étude à moins que les dispositions suivantes soient au moins ajoutées:

1) La protection obligatoire de l'habitat essentiel dans les régions de compétence fédérale. Cette liste se fonde sur des données scientifiques.

2) Inclure la liste en annexe, comme l'a recommandé un témoin il y a quelques instants.

3) Un secteur auquel nous consacrons un peu plus de temps, et j'aimerais poser mes questions à ce sujet dans un instant, est celui des oiseaux migrateurs. Il faut également que cela fasse partie du cadre prévu dans ce projet de loi.

4) Pour éviter la mentalité du «pas vu, pas pris», il faut prévoir de façon plus précise les dispositions relatives au régime compensatoire. C'est délicat.

• 1010

Voilà les conditions sine qua non auxquelles nous accepterons d'appuyer ce projet de loi.

Ma première question répond...

Le président: Vous ne pourrez en poser qu'une si vous ne vous pressez pas.

M. John Herron: Très bien.

Pour ma première question—et Aileen Carroll a abordé le même point—comme nous l'avons demandé auparavant au ministère, tout ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est de protéger son propre champ de compétence. Nous avons posé une question très nette: Qui s'oppose à la protection obligatoire de l'habitat essentiel sur les terres de compétence fédérale? Le ministère ne nous a pas vraiment répondu.

Pourquoi ne pas protéger les terres au nord du 60e parallèle? Pourquoi ces mesures ne s'appliquent-elles pas aux parcs, aux oiseaux migrateurs ou aux poissons?

M. Stephen Hazell: La première réponse, c'est que les ministères fédéraux se sont opposés à cette idée à l'interne. Ce n'est pas une chose dont M. Anderson ou Karen Brown peuvent parler. C'est un problème interne qui touche les ministères fédéraux.

Dans l'ensemble, les ministères fédéraux ne veulent pas assumer la responsabilité, l'obligation, de protéger l'habitat essentiel sur les terres fédérales. C'est le problème principal. Ce n'est pas une question d'ordre provincial, de toute évidence, puisque nous parlons essentiellement des terres fédérales, et ce n'est pas non plus la faute de l'industrie. Le problème vient du ministère fédéral. C'est une chose dont les hauts fonctionnaires ont beaucoup de mal à parler.

M. Stewart Elgie: Si je peux ajouter quelque chose, j'ai lu la transcription des témoignages de jeudi dernier, et quelqu'un a fait valoir qu'il fallait éviter d'avoir des niveaux de protection différents selon que les terres relèvent ou non de la compétence fédérale. Je tiens à dire, en toute déférence, que c'est un argument bidon. En tant qu'avocat, il est rare de dire qu'un argument ne tient pas, mais c'est le cas de celui-ci.

Permettez-moi de vous l'expliquer en termes simples. L'argument—et vous vous en souvenez tous certainement—est en gros le suivant: le gouvernement fédéral, en vertu du droit constitutionnel, ne peut pas rendre la protection de l'habitat obligatoire sur le territoire domanial et prévoir ensuite un filet de sécurité qui la rend facultative en dehors de son champ de compétence.

Ce qu'il faut faire, c'est la rendre obligatoire, au même titre que le filet de sécurité. Toutefois, si on ne veut pas aller aussi loin, même si on veut que ce ne soit obligatoire que là où le gouvernement fédéral a compétence, c'est tout à fait conforme au pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral. Si ce n'était pas le cas, l'autre moitié du projet de loi serait déjà anticonstitutionnelle puisque c'est exactement ce que fait cette mesure en interdisant qu'on fasse du mal aux espèces en péril. D'accord? La protection est donc obligatoire. Il y a une interdiction obligatoire contre l'abattage d'une espèce en péril ou la destruction de son habitat, et le filet de sécurité est facultatif.

Si cela était vraiment anticonstitutionnel, toutes ces interdictions le seraient d'office. Il suffit donc d'appliquer la même formule pour l'habitat que celle qu'on applique pour l'interdiction directe. Le gouvernement fédéral a toute la compétence voulue pour le faire.

Steve a raison. Le vrai problème est d'ordre politique et interne et je suis sûr que les fonctionnaires ne peuvent pas en parler ici.

Le président: Merci, monsieur Herron.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais parler de certains documents dont il a été question pendant la réunion d'aujourd'hui. J'aimerais obtenir quelques précisions à ce sujet.

La semaine dernière, j'ai parlé à un fonctionnaire d'Environnement Canada au sujet de la différence entre l'article 33, qui porte sur les espèces transfrontalières, auquel la disposition visant la protection s'applique de façon obligatoire, par opposition au filet de sécurité, qui est facultatif. Je sais que vous en avez déjà parlé, mais la semaine dernière, le fonctionnaire avait dit que la différence entre ces deux dispositions était simplement d'ordre terminologique. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Stewart Elgie: En tant qu'avocat qui a passé un certain temps à défendre des questions de droit environnemental devant les tribunaux, je peux vous dire que la différence entre les mots «peut» et «doit» n'est pas une simple question terminologique. C'est la différence entre l'action et l'inaction.

Pour autant que je sache, la Constitution n'a pas été modifiée depuis 1997 et cette année-là, je suppose que le ministère de la Justice estimait que les espèces transfrontalières relevaient de la compétence fédérale, car elles étaient traitées comme telles dans le projet de loi de l'époque. Il n'y a à mon avis aucune raison d'ordre juridique ou constitutionnelle pour ne plus les considérer comme des espèces relevant de la compétence fédérale.

• 1015

Mme Karen Kraft Sloan: Pour en revenir à la discussion antérieure sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, je voudrais vous poser une question. Savez-vous ce qu'est un traité impérial? Pourriez-vous nous expliquer la différence entre un traité impérial et un traité ordinaire?

M. Stewart Elgie: En deux minutes ou moins?

Mme Karen Kraft Sloan: Oui, en deux minutes ou moins, si possible.

M. Stewart Elgie: Je vais devoir condenser tout un cours de droit constitutionnel que je donne à la Faculté de droit en une minute environ.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien.

M. Stewart Elgie: En un mot, l'avis constitutionnel fourni par le juge La Forest et le professeur Dale Gibson explique en détail le pouvoir du traité impérial aux termes de la Constitution, et je vous recommande de le lire. Je crois savoir que M. Gibson figure sur votre liste de témoins. Si c'est le cas, je ne veux pas parler pour lui. Il vous l'expliquera lui-même.

En fait, en vertu d'une bizarrerie de notre Constitution, une disposition porte que les traités négociés par l'Angleterre avant que le Canada ne devienne indépendant, dans les années 30, seront considérés comme des questions de compétence fédérale. Pour les traités négociés après cette date, c'est assez flou, mais il est évident que tout ce qui a été négocié avant 1937, sauf erreur, relève du gouvernement fédéral. En l'occurrence, étant donné que le traité sur les oiseaux migrateurs signé entre le Canada et les États-Unis en 1916 était un traité impérial, il relève du gouvernement fédéral.

En un mot, il existe un principe fondamental de droit constitutionnel appelé «pouvoir nécessaire et accessoire». Autrement dit, si le gouvernement fédéral a le pouvoir de faire quelque chose en vertu de la Constitution—et il en va de même pour une province, d'ailleurs, car cela s'applique aux deux ordres de gouvernement—il peut s'occuper de questions qui sont nécessaires et accessoires pour s'assurer qu'il lui est vraiment possible d'exercer ce pouvoir.

Par exemple, la Constitution stipule que le gouvernement fédéral est responsable des pêches—c'est ce que dit la Constitution—mais la Loi sur les pêches protège explicitement l'habitat du poisson parce que la protection de l'habitat est nécessaire et accessoire.

Il en va exactement de même pour les oiseaux migrateurs. Il y a d'une part le juge en chef La Forest, mais il y a aussi la Cour fédérale du Canada, dans un arrêt rendu il y a deux ans à l'égard de la mine Cheviot, qui a conclu de manière explicite qu'aux termes du règlement sur les oiseaux migrateurs actuellement en vigueur, ce règlement s'applique à l'habitat. Il ne s'applique pas autant qu'il le devrait. C'est une application mitigée. En l'occurrence, toutefois, la Cour a statué en disant qu'avant qu'une mine ne puisse détruire un habitat provincial en Alberta, elle doit obtenir un permis aux termes de la Loi fédérale sur la convention relative aux oiseaux migrateurs.

Ce pouvoir existe donc aujourd'hui. À moins que le gouvernement n'envisage d'abroger certaines parties de la Loi sur la convention relative aux oiseaux migrateurs, l'habitat des oiseaux relève déjà de la compétence fédérale. Il lui suffit de traduire ce pouvoir dans la loi actuelle.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Monsieur Reed, suivi de Mme Carroll, de M. Comartin, de Mme Redman et du président.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Les gens font-ils partie intégrante de la nature?

M. Monte Hummel: Oui.

M. Julian Reed: Merci.

Pourquoi est-il acceptable pour un biologiste d'utiliser le terme ambigu «peut» lorsqu'il fait un rapport, alors que ce terme est inadmissible pour le législateur?

M. Stephen Hazell: De toute évidence, dans certaines circonstances, le législateur peut parfaitement utiliser le terme «peut». Nous essayons ici de trouver un juste équilibre entre ce qui est obligatoire et ce qui est facultatif.

Ce qu'a essayé de faire comprendre Stewart, c'est que si les dispositions du projet de loi sont entièrement facultatives dans des secteurs clés, aucune mesure ne sera prise. Si l'on examine le mémoire présenté par le Sierra Legal Defence Fund, vous constaterez que la plupart de ces lois discrétionnaires dans le domaine de la protection des espèces sauvages relevant du gouvernement fédéral n'ont pas été appliquées parce qu'elles sont discrétionnaires.

Il faut faire la part des choses entre les pouvoirs discrétionnaires et les dispositions obligatoires du projet de loi. À notre avis, dans quelques secteurs d'importance cruciale au moins, il faut que les dispositions soient obligatoires plutôt que facultatives.

M. Stewart Elgie: Dans le mémoire, j'ai pris l'exemple de quatre autres lois fédérales sur l'environnement où il était stipulé que le gouvernement fédéral a le pouvoir discrétionnaire de trancher des questions transfrontalières s'il le juge utile—la Loi sur la faune au Canada, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les ressources en eau du Canada et la LCPE—et si l'on remonte 29 ans en arrière, ces pouvoirs n'ont jamais été invoqués.

Je pense donc que vous avez raison. Soyez clairs. C'est la seule chose que je veux vous dire. Si le gouvernement du Canada compte adopter une loi qui stipule qu'il nous faut protéger les espèces en péril et leur habitat, qu'il le dise clairement. S'il compte adopter une loi qui stipule que nous pouvons le faire, qu'il le dise aussi.

Voici ce que j'aimerais vous dire: La protection des espèces en péril ne devrait pas être assujettie à un pouvoir discrétionnaire, mais la façon dont on va les protéger devrait l'être. On peut à cette fin adopter une loi qui porte que la protection de l'habitat est obligatoire mais que s'il faut prendre des mesures qui touchent une espèce ou son habitat, il faudra les négocier dans le cadre du programme de rétablissement, ou d'un accord sur la conservation ou d'un permis. Autrement dit, il y a une certaine latitude quant à la façon de le faire. Toutefois, s'il n'y a pas d'interdiction au départ, les conditions minimales relatives à la mise en oeuvre d'éventuelles mesures de protection restent discrétionnaires. Je laisse au comité le soin de décider si c'est là le genre de texte de loi qu'il souhaite adopter.

• 1020

M. Julian Reed: Cela m'amène à la question suivante: Qui prend les décisions relatives à l'habitat? Est-ce le scientifique qui utilise le terme détourné «peut»?

M. Stewart Elgie: La désignation de l'habitat essentiel est un exemple de questions qui doivent être tranchées au cas par cas. Dans certains cas, il est plus facile que dans d'autres de désigner l'habitat d'une espèce. La plupart du temps, c'est un peu comme pour bien d'autres questions dans le domaine scientifique. On n'a jamais de certitude absolue, et on ne peut que faire de son mieux. J'ajoute toutefois qu'il y a exactement le même problème pour la résidence.

Le projet de loi parle de la protection obligatoire de la résidence. Je peux vous dire que nous ne savons pas où se trouvent tous les nids d'algues marbrées dans l'ouest de la Colombie-Britannique, mais ce n'est pas une excuse pour ne rien faire dans le projet de loi. Nous continuons de dire que, lorsque nous savons qu'il y a une résidence, celle-ci est protégée. Je propose de faire la même chose pour l'habitat. Nous pouvons nommer les meilleurs scientifiques possible au sein d'une équipe chargée du rétablissement, et ils trouveront l'habitat. C'est le mieux que nous puissions faire en tant qu'êtres humains, si nous en apprenons davantage à l'avenir, nous améliorerons le programme de rétablissement et prendrons d'autres mesures.

M. Julian Reed: Je peux vous montrer des rapports où les organes chargés d'approuver divers projets et de prendre des décisions d'experts utilisent le mot «peut».

M. Monte Hummel: Je ne sais pas à quels biologistes vous avez parlé, mais j'espère que lorsqu'ils utilisent le terme «peut»...

M. Julian Reed: À un certain nombre d'entre eux.

M. Monte Hummel: ...ils parlent des cas où il existe une incertitude, où l'on n'est pas sûr. Au lieu de dire qu'ils sont sûrs, ils disent: «Ce sera peut-être utile, mais peut-être pas. Nous n'en sommes pas certains.»

Le «peut» dont nous parlons dans ce projet de loi s'applique à quelque chose dont nous sommes certains, à savoir qu'il faut absolument protéger l'habitat, et il est inacceptable de dire qu'on «peut» le faire.

Vous posez d'excellentes questions pour savoir à qui reviennent les décisions dans tout cela...

Une voix: Précisément.

M. Monte Hummel: ...et nous avons consacré plusieurs pages difficiles à la fin de notre mémoire à la façon dont ces mesures pourraient s'appliquer. Nous favorisons sans nul doute la participation des propriétaires fonciers, des utilisateurs de terre, des Premières nations et des gens qui sont sur le terrain et qui connaissent la terre. Ils devraient participer dès le début du processus en vue d'aider à désigner l'habitat essentiel et à établir les mesures à prendre pour le protéger. Il faut que ces personnes participent de près à la mise en vigueur des mesures, lorsqu'on fait vraiment quelque chose et qu'on prend des mesures pour protéger l'habitat.

Nous devons donc miser sur l'aide des personnes qui habitent sur les terres pour désigner les habitats, ainsi que pour prendre les mesures en vue de les protéger. Il n'y a aucune raison de ne pas les faire participer à tout le processus. En fait, le processus n'en sera que meilleur, puisque les personnes qui sont directement concernées auront voix au chapitre.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Madame Carroll, monsieur Comartin, madame Redman et ensuite le président.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il est possible que, dans le courant de la conversation, vous ayez répondu à ma question, mais j'aimerais quand même entendre l'avis des trois témoins présents aujourd'hui.

La semaine dernière, lorsque Mme Brown et ses fonctionnaires ont comparu, je lui ai dit que j'avais l'impression qu'il y avait eu beaucoup de consultations entre le Groupe de travail sur les espèces en péril et d'autres parties prenantes... Il s'en est dégagé un consensus en vertu duquel on a décidé de fixer la barre, du moins à mon avis et à celui de certaines personnes, à un niveau nettement supérieur à ce que prévoit le projet de loi dont notre comité est saisi. Je lui ai demandé ce qu'elle en pensait, et par souci de justice envers elle, je crois pouvoir dire sans exagérer que sa réponse a été pour le moins floue.

Dans les discussions de ce matin, vous avez parlé du fait que vous rencontrez de la résistance dans les «ministères fédéraux qui s'opposent à la protection de l'habitat sur les terres fédérales» et laisser entendre que Mme Brown n'était peut-être pas en situation de me répondre comme elle l'aurait voulu. Si c'est difficile pour Mme Brown, ça ne l'est pas pour moi et j'aimerais en savoir davantage. C'est ici que cela devrait être mis au jour.

Enfin, je déteste dire ce que je vais dire, mais on a mentionné qu'il fallait que le gouvernement fédéral soit très attentif à l'autonomie des provinces et qu'on sacrifie peut-être la protection des espèces en péril sur l'autel de l'autonomie provinciale. Est-ce que tout ça est relié? Pouvez-vous tous les trois me donner votre réaction?

Merci, monsieur le président.

• 1025

M. Stephen Hazell: Elle met vraiment des gants blancs, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

M. Stephen Hazell: Eh bien, ce que j'ai dit à propos de la résistance de certains ministères fédéraux portait sur la protection obligatoire d'habitats essentiels sur les terres qu'ils administrent. Un certain nombre de ministères fédéraux tiennent beaucoup à protéger l'habitat. Parcs Canada, par exemple, fait de l'excellent travail, tout comme d'autres ministères.

Je ne voulais pas laisser entendre qu'ils s'opposent à la protection de l'habitat d'espèces en péril sur les terres fédérales. Ce que nous voulons, c'est une loi qui les y oblige. C'est là où se situent nos inquiétudes à propos des ministères fédéraux.

Je ne peux vous donner plus de précisions sur les conversations que j'ai eues. Beaucoup d'entre elles ont eu lieu dans le cadre de mes fonctions antérieures de consultant.

M. Monte Hummel: Tout le monde a l'air de penser que nous respectons la compétence des autres parce qu'elle fait une large place au pouvoir d'appréciation. Autrement dit, ne vous inquiétez pas, on ne va pas forcément faire quoi que ce soit. Je prends le contre-pied de cette position. En effet, si je m'inquiétais de la compétence du fédéral, la dernière chose que je voudrais c'est que ce pouvoir d'appréciation soit entre les mains du ministre fédéral. J'ignore si ce pouvoir d'appréciation sera exercé dans mon intérêt ou pas. Ne vaut-il pas mieux avoir une loi qui soit claire? Est-ce que ce ne serait pas davantage un facteur de cohésion? Si je redoutais le pouvoir du fédéral, c'est précisément de ce pouvoir discrétionnaire dont je me méfierais.

Cela me laisse perplexe. En quoi respectons-nous et aidons-nous ceux qui s'inquiètent de l'intrusion du fédéral avec ce pouvoir d'appréciation? Si je me méfiais du pouvoir fédéral, je me dirais qu'il abuserait toujours de ce pouvoir.

Deuxièmement, au lieu d'avoir cette querelle de plates-bandes, je pense qu'il nous faudrait un système fondé sur le rendement. Si les provinces arrivent à protéger l'habitat des espèces en péril, elles ne sentiront jamais le poids du filet de sécurité. Même chose pour les propriétaires privés. L'immense majorité d'entre eux—ainsi que des industries du secteur primaire—sont disposés à venir autour de la table pour accomplir quelque chose.

Si vous apportez votre contribution à la recherche de solutions, la question des aires de compétence est purement théorique. On ne va pas vous bousculer. Si vous hésitez, si vous n'êtes pas prêt à venir à la table ou à profiter des mécanismes d'encouragement assortis éventuellement d'indemnisation, à un moment donné quelqu'un devra dire: «Écoutez, il est question d'une espèce en péril ici. Nous avons réussi à régler neuf questions sur dix et il en reste une et c'est ainsi que ça va se passer.» Mais la première chose qu'une partie touchée voit, c'est un organisme gouvernemental qui la traite comme si elle s'intéressait vraiment au sort des espèces en péril et était prête à apporter son aide, au lieu du contraire et de se faire menacer tout de suite du bâton.

M. Stewart Elgie: Mais il y a deux questions distinctes. Pour que ce soit bien clair, je précise que c'est ce que fait le gouvernement fédéral dans son propre domaine de compétence. Il y a ensuite la question du filet de sécurité. À propos de ce dont Stephen parlait—une certaine résistance au sein du gouvernement, ce qui est le plus gros problème—la plupart des changements que nous réclamons ont pour but de permettre au gouvernement fédéral de mettre de l'ordre dans ses affaires dans les domaines qui relèvent de lui. Le filet de sécurité, lui, a trait au caractère délicat des relations avec les provinces. Je pense qu'il vaudrait mieux y voir deux choses différentes.

Le président: Merci, madame Carroll.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur Hummel, la semaine dernière, lorsque la sous-ministre était ici, elle a décrit le travail du COSEPAC et où en était la révision de la liste. J'en ai gardé deux impressions. D'abord, je ne sais toujours pas quand cette révision sera terminée. J'avais aussi des inquiétudes à propos des raisons pour lesquelles on le fait? Autrement dit, je me demandais si c'était une façon, pour ainsi dire, de politiser la liste.

M. Stewart Elgie: Heureusement, j'ai téléphoné à un des employés de Monte avant de venir. Je me doutais bien qu'une question comme celle-là serait soulevée, à propos du COSEPAC.

Dans le projet de loi de 1997, la liste du COSEPAC a été reconduite. Les espèces qui y figuraient bénéficiaient sur-le-champ de la protection du projet de loi, étant entendu que le COSEPAC pourrait ultérieurement revoir leur situation et modifier la liste. Dans le projet de loi actuel, on procède à l'inverse: la liste est vierge et on pourra y inscrire des espèces au fur et à mesure. La principale raison, c'est que le COSEPAC est en train de revoir la situation de ces espèces en appliquant les critères de l'UICN. Je vais vous donner les chiffres et vous dire où nous en sommes. D'abord les chiffres.

• 1030

Le COSEPAC a commencé par examiner toutes les espèces menacées et en voie de disparition. Il a commencé il y a un an. Ses membres en ont examiné 155 en appliquant les critères de l'UICN. Sur les 155—il s'agit ici de mes calculs et je peux donc me tromper de un ou deux—130 ont conservé le même statut, 23 sont plus en péril que par le passé, deux le sont moins et il y a deux espèces végétales isolées. Cela montre que l'évaluation initiale du COSEPAC était extrêmement juste, et n'allait peut-être pas assez loin. Certains problèmes sont encore un peu plus graves que le COSEPAC le pensait à l'origine.

Il en reste encore 55 à étudier, et d'après mes renseignements, il y a des problèmes ou des points d'interrogation en ce qui concerne les connaissances traditionnelles des Premières nations, de sorte qu'il sera très difficile de terminer le travail dans les prochains mois. Vous devriez en parler au COSEPAC.

À mon avis, ce serait une erreur de retarder l'adoption de cette liste au cas où le COSEPAC découvrirait qu'une ou deux espèces de plus se trouvent par erreur dans une catégorie d'espèces plus menacées. D'après l'échantillon actuel, qui représente plus de la moitié de la liste du COSEPAC, il est scientifiquement presque certain que ce sera le cas. Cela reviendrait à enlever toute protection à des centaines d'espèces qui sont en train de disparaître pour éviter qu'une ou deux n'aboutissent dans une catégorie où le risque est moins élevé. Pour moi, ce serait une décision absurde.

Je vous invite donc à aller de l'avant, à reconduire la liste et, dans l'éventualité où le COSEPAC, après sa révision, constate qu'une ou deux espèces doivent redescendre d'une catégorie, cela pourra se faire. Mais ne pénalisez pas les autres.

M. Joe Comartin: Une question supplémentaire. M. Suzuki a dit dans le Globe la semaine dernière—comme d'autres l'ont déclaré—que la liste du COSEPAC ne va pas assez loin et que beaucoup d'autres espèces pourraient y figurer. Je n'ai jamais compris pourquoi. Est-ce parce qu'il faut une certitude scientifique ou les ressources manquent-elles pour s'occuper des autres espèces?

M. Monte Hummel: C'est la deuxième raison.

M. Joe Comartin: Avez-vous une idée du nombre d'espèces de plus dont il est question?

M. Monte Hummel: Des milliers.

Dans la liste du COSEPAC, vous ne voyez que les espèces dont on a pu étudier la situation. Préparer un rapport de situation est très exigeant. Dans certains cas, il faut deux ou trois ans, après quoi le rapport fait l'objet de discussions et de débats. Ce que vous voyez, ce sont les 364 ou 365 espèces, selon le calcul, qui ont pu faire l'objet d'un rapport de situation et d'un classement. À ce jour, nous n'avons traité aucun invertébré, comme les insectes, ni aucun autre organisme.

Il y a assurément des centaines d'espèces en voie de disparition au Canada, mais elles ne feront jamais l'objet d'un rapport de situation ou d'un classement. La liste du COSEPAC ne représentera jamais qu'une petite partie des espèces en péril. Beaucoup d'espèces sont devenues en péril et se sont éteintes avant même que nous ayons pu les découvrir, et je parle aussi de notre pays.

M. Stewart Elgie: Il faut toutefois ajouter que le comité a quelque chose sur toutes les grandes espèces, comme les mammifères et les oiseaux. Il n'y a pas de grands mammifères ou d'oiseaux non découverts qui soient en voie de disparition, de sorte que ceux qui ont un grand habitat figurent sur la liste. Ce sont les petites espèces qui sont ajoutées.

Le président: Merci, monsieur Comartin.

Madame Redman, monsieur Knutson, le président, puis un second tour.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Monsieur le président, ma première question s'adresse à M. Hazell.

L'an dernier, le Service américain de la faune a imposé un moratoire d'un an sur toutes les nouvelles inscriptions d'espèces en péril, affirmant qu'il n'avait tout simplement pas suffisamment de ressources pour en accepter de nouvelles tout en se défendant contre les poursuites judiciaires suscitées par les inscriptions antérieures. Cela ne montre-t-il pas que les scientifiques qui inscrivent des espèces à protéger sont influencés, et même limités dans leur action parfois, par des considérations financières? N'est-ce pas là un argument pour conserver la science intacte et à l'abri de considérations sociales, politiques et économiques?

M. Stephen Hazell: Je ne suis pas sûr de suivre votre raisonnement.

• 1035

En ce qui concerne les ressources, il n'y a pas de mandat législatif de protection des espèces en voie de disparition au niveau fédéral. Pour cette raison, il est très difficile d'obtenir beaucoup de ressources pour cela.

La façon dont le système fonctionne au fédéral... Quand il existe une loi qui exige que des choses soient faites, il est beaucoup plus facile pour les ministères fédéraux de dire au Conseil du Trésor: «Écoutez, nous sommes juridiquement tenus de faire ceci, donnez-nous de l'argent.» Cela n'existe pas au Canada; c'est pour cette raison que les ressources consacrées à la protection des espèces en voie de disparition sont très limitées.

J'admets qu'il y a le programme d'intendance, pour lequel nous félicitons le gouvernement. C'est très bien. Mais s'il y avait l'obligation juridique de faire des choses, ce serait encore mieux.

Mme Karen Redman: Ce n'est pas une question de ressources. La question est de regarder les considérations exclusivement scientifiques par opposition au fait que le Cabinet pourra examiner la question de savoir si des interdictions sont imposées et s'il y a protection obligatoire de l'habitat.

La question est donc de savoir s'il est préférable de retenir le modèle américain, paralysé par des procès, ou la formule canadienne, qui est efficace sur le terrain et invite les gens à participer, au lieu, sauf tout le respect que je dois aux deux avocats qui sont ici, d'enrichir les avocats?

M. Stewart Elgie: Je peux intervenir?

Le système américain ne laisse pas les scientifiques décider des inscriptions. Aux États-Unis, c'est le secrétaire à l'Intérieur qui décide, mais en fonction de facteurs scientifiques.

C'est donc un peu différent. Ce n'est en tout cas pas le système que nous préconisons. Comme avocat plaidant, je vous recommande fortement de ne pas rendre les inscriptions justiciables. Je ne voudrais pas que la Cour fédérale décide si une espèce est menacée, pas plus que je ne voudrais que le Cabinet le fasse.

Comme vous, je suis convaincu que la manière de protéger les espèces doit être déterminée par les politiques et c'est pour cela que nous avons des élus. Il y a un dosage à trouver.

Par contre, l'inscription doit se faire pour des motifs scientifiques. Comme beaucoup de représentants de l'industrie au GTEP, nous préconisons un système qui serait largement supérieur à celui des États-Unis, où les inscriptions ne seraient pas justiciables. J'approuverais une disposition qui interdirait d'ouvrir une action contre les inscriptions décidées par le COSEPAC.

Rassemblez les meilleurs scientifiques qui soient et laissez les faire de leur mieux. Ne mêlez pas la politique ou les tribunaux à l'équation. Si vous le voulez, je vais vous en laisser la responsabilité. Les raisons sont exposées à l'onglet 8 de mon document.

Six provinces emploient le système décrit dans ce projet de loi. C'est-à-dire que le COSEPAC fait ses recommandations, mais c'est à chaque Cabinet provincial de faire les inscriptions. Le résultat, c'est qu'à peine 30 p. 100 des espèces que le COSEPAC déclare en voie de disparition ou menacées aboutissent sur la liste. Les soixante-dix autres ne bénéficient d'aucune protection.

Souvent, ce n'est pas parce que les implications sont grandes, c'est simplement parce que la question n'est pas assez prioritaire pour figurer à l'ordre du jour du Conseil des ministres. Le gouvernement de l'Ontario n'en a examiné que deux depuis qu'il a été élu il y a cinq ans, et des dizaines ont été ajoutées à la liste.

J'espère que cela vous a été utile.

Le président: Merci, madame Redman.

Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci.

Monsieur Hazell, vous avez recommandé d'annexer la liste au projet de loi. Seriez-vous en faveur également d'une disposition qui autoriserait le Cabinet, dans les 90 jours par exemple, à radier une espèce de la liste?

M. Stephen Hazell: Ce serait raisonnable. Ce serait une façon de faire.

La position du gouvernement sur la question des inscriptions fondées sur des considérations scientifiques par opposition à des inscriptions par le gouverneur en conseil est assez claire. Procéder à l'inverse pourrait être une façon de faire.

M. Gar Knutson: Ce mécanisme fait-il partie de votre mémoire?

M. Stephen Hazell: Non, mais cela a été suggéré dans notre groupe. Nous voulons des inscriptions scientifiques, mais s'il faut chercher une solution acceptable, c'est peut-être une façon de faire.

M. Stewart Elgie: Il faut, je crois, que le comité tranche une question fondamentale. Il est bien évident qu'un jugement politique devra être porté à un moment ou à un autre pour décider des mesures à prendre pour protéger une espèce en voie de disparition. Il doit y avoir des responsables.

Où situe-t-on cette responsabilité? C'est pourquoi je vous ai donné un schéma du fonctionnement du projet de loi.

Les membres du Groupe de travail sur les espèces en péril en ont discuté pendant un an avec plusieurs groupes de l'industrie. Pour moi et pour d'autres, il nous semble qu'elle doit se situer là elle est actuellement, à l'étape de la préparation des plans de rétablissement.

C'est là où l'on étudie tout ce que l'on peut faire pour protéger une espèce. On examine le coût de chaque mesure. Au bout du compte, on réalise qu'il y a des choses que l'on ne peut tout simplement pas faire.

• 1040

Si vous essayez de prendre la décision à l'étape de l'inscription, avant d'avoir toute l'information que générera la préparation du plan de rétablissement, vous risquerez de prendre une décision erronée, parce qu'il y a presque toujours des mesures à prendre pour protéger une espèce. Si vous n'inscrivez pas l'espèce sur la liste, cela revient à exclure toutes les mesures.

M. Gar Knutson: Mais, n'êtes-vous pas aussi en train de dire que si l'inscription est automatique, «scientifique», et que nous décidons ensuite ce que l'on fera après... ne recommandez-vous pas aussi que l'on rende obligatoire la protection de l'habitat?

M. Stewart Elgie: C'est une excellente question et c'est la bonne question à poser, je crois. La protection de l'habitat devrait être obligatoire. Savoir comment et où le faire devrait relever du pouvoir d'appréciation. Il y a largement de place pour ce pouvoir d'appréciation dans le projet de loi.

En interdisant formellement la destruction de l'habitat, essentiellement vous dites ceci: si vous voulez détruire un habitat, obtenez un permis, un accord ou une autorisation dans le plan de rétablissement. Autrement dit, il vous faut discuter avec les experts de la faune pour vous assurer que la destruction que vous causerez ne va pas faire disparaître l'espèce.

Il y a amplement de place pour cela. Les plans de rétablissement sont tous approuvés par le ministre. Le projet de loi permet des exclusions approuvées par le ministre. Il autorise aussi des accords de conservation, approuvés par le ministre, qui permettent de détruire des habitats.

Je dis donc que la protection de l'habitat devrait être obligatoire, mais que les politiques devraient user de leur pouvoir d'appréciation sur l'endroit et la manière dont cela se fait. C'est tout.

M. Gar Knutson: Merci.

Le président: Merci.

Je vais moi-même vous poser quelques questions, puis nous allons commencer un deuxième tour. J'ai sur ma liste M. Mills et Mme Kraft Sloan, suivis de M. Forseth.

Ma première question s'adresse à M. Hummel. Je vais peut-être me répéter puisque vous en avez déjà parlé. Revenons pour l'instant à la question de la certitude—ou de l'absence de certitude—dans le projet de loi C-5. Pourriez-vous nous résumer en une minute quelles seraient les conséquences pour les propriétaires de terrains de l'incertitude qui existe actuellement dans le projet de loi C-5?

M. Monte Hummel: J'ignore si je peux vous répondre. Je pense que nous sommes aux prises avec un grave dilemme ici.

S'il y a incertitude quant à ce qui doit être fait pour sauver l'espèce en péril, le réflexe du conservationniste est d'intervenir. Dans ce régime, les propriétaires risquent de se voir demander de faire des choses même si nous ne sommes pas sûrs qu'elles doivent être faites et qu'elles permettront de sauver l'espèce, ce que le propriétaire pourrait trouver excessif.

En revanche, si vous n'êtes pas certains, et si vous trouvez qu'il est injuste de demander aux propriétaires de faire quoi que ce soit, vous jouez l'existence de l'espèce à la roulette russe.

À mon avis, la solution ressemble à ce que Stew suggérait. Le principe devrait être que l'habitat doit être protégé pour conserver l'espèce en péril mais l'endroit et la manière dont cela se fait, qui paie et combien, cela devrait faire l'objet de négociations et de discussions avec les intéressés lors de la préparation d'un plan ou de mesures de rétablissement.

C'est ici que les propriétaires viennent poser des questions, comme M. Reed l'a fait: Qu'est-ce que vous savez exactement? Me demande-t-on de rendre un service à la société à mes frais? Est-ce qu'il est juste de me le demander, vu l'incertitude qui existe?

Nous savons par expérience, et nous en avons beaucoup, pour avoir traité avec des intérêts privés, que lorsqu'ils viennent discuter avec vous, vous en apprenez davantage sur l'emplacement de l'habitat essentiel. Pensez que d'autres en savent davantage que les gens qui habitent là, c'est les traiter d'assez haut, quand vous y réfléchissez. Lorsque les propriétaires viennent discuter, cela dissipe l'incertitude parce qu'ils peuvent vous dire: «Non, c'est faux. Je sais que c'est ce que montrent vos études, mais voici ce que moi j'ai vu et constaté.»

• 1045

Au lieu de vous laisser enfermer dans le dilemme, il faudrait essayer de trouver un moyen terme et amener les intéressés à discuter, à tirer profit de ce qu'ils savent, de les faire participer activement au processus de rétablissement et les amener à définir ce qui doit être fait, où, et à quel degré. On ne peut pas tergiverser indéfiniment sur la question de savoir s'il faut protéger l'habitat d'une espèce en voie de disparition.

C'est une réponse très nébuleuse, mais je ne peux pas faire mieux.

Le président: Merci.

L'autre question s'adresse à M. Elgie. Dans le tableau que vous nous avez donné, où vous dites accepter de créer des lois et des programmes complémentaires, à l'onglet 13, vous avez énuméré les secteurs où ni le projet de loi ni les provinces n'obtiennent une très bonne note. Ce sont les points suivants: tenir compte des besoins des espèces en péril dans le cadre de l'évaluation environnementale; mieux faire connaître les besoins des espèces en péril; encourager les mesures de conservation et de protection prises par les citoyens; et, enfin, reconnaître, favoriser et soutenir l'intendance efficace et à long terme. Certaines de ces mesures sont en fait des mesures de défense. Si elles étaient incluses dans le projet de loi C-5, feraient-elles partie des amendements que vous avez déjà rédigés ou est-ce quelque chose que vous n'avez pas encore fait?

M. Stewart Elgie: Nous préparons un mémoire plus complet.

Les huit premiers points, à peu près, de l'accord national, sont ceux qui peuvent être réalisés surtout, mais non exclusivement, au moyen de la loi, comme la protection contre les dégâts, la protection de l'habitat et l'évaluation environnementale.

Les derniers se prêtent mieux à des programmes ou à des décisions de pouvoirs publics. Dans notre mémoire, nous disons «autrement que par une loi». Par exemple, lorsqu'il s'agit de mieux faire connaître la situation d'une espèce en péril, il est certain que le projet de loi peut créer le pouvoir de le faire, mais cela se fera surtout au moyen de financement, de gens et de discussions dans la population.

Cela nous ramène aux questions de M. Mill tout à l'heure à propos de la communication. Ce qu'il y a de plus important ici, c'est d'avoir du personnel capable de communiquer avec les gens. Si une espèce en voie de disparition se trouve sur votre terre et que quelqu'un du Service de la faune du fédéral ou du provincial vous téléphone ou vous envoie une lettre qui vous expose la situation et qui vous dit ce que vous pouvez faire pour nous aider, que pouvez-vous nous dire, cela va avoir des effets bien différents sur ces gens-là que s'ils lisaient la Gazette du Canada ou une annonce dans le journal. Autrement dit, le projet de loi peut encourager cela sans vraiment le faire.

La chose qui peut être faite, c'est l'évaluation environnementale. Vous pourriez le faire très simplement dans le projet de loi ou au moyen d'une modification connexe de la LCEE à la fin du projet de loi. C'est simplement ceci: Avant de prendre une mesure qui autorise des actions nocives pour une espèce en voie de disparition, vous faites une évaluation environnementale.

Les mesures à propos de l'intendance et de l'information pourront se faire sans passer par le projet de loi, au moyen de financement, de personnel, etc.

Le président: Merci beaucoup.

Nous commençons le deuxième tour. Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Merci beaucoup.

Essayons d'être pragmatiques pour ceux qui ne suivent pas vraiment les détails techniques du projet de loi. Prenons le régime actuel de protection de l'environnement en Colombie-Britannique. Une fois le projet de loi en vigueur, les dispositions relatives au filet de sécurité devraient-elles entrer en vigueur? Dites-nous quelles seraient sans doute les conséquences du projet de loi pour la situation concrète en Colombie-Britannique.

M. Stewart Elgie: J'ai exercé et enseigné le droit en Colombie-Britannique pendant cinq ans. Je ne prétends pas être un expert, mais je m'y connais un peu.

Vous constaterez que la Colombie-Britannique a reçu un F en ce qui concerne sa conformité aux engagements. Il ne s'agit pas de nos normes. Ce sont les normes qui ont été jugées nécessaires. Il s'agit en fait de notes de service du ministère de l'Environnement indiquant qu'ils méritent un F, ce qui a été repris par les médias de la Colombie-Britannique.

• 1050

Cela ne veut pas dire que la Colombie-Britannique ne fait rien. Elle prend un certain nombre de mesures mais qui ne sont certainement pas suffisantes de son propre aveu.

À mon avis, le filet de sécurité est crucial et nécessaire car nous espérons qu'il encouragera les provinces récalcitrantes à l'heure actuelle—et elles ne le sont pas toutes—à respecter de leur propre initiative les engagements qui ont été pris dans cet accord national afin que le gouvernement fédéral n'ait pas à intervenir pour les y inciter. Je dirais que la perspective d'éviter cette situation embarrassante sera probablement suffisante pour motiver les autres provinces peut-être récalcitrantes, comme la Colombie-Britannique, à respecter les engagements qu'elles ont pris. Nous avons bon espoir que le filet de sécurité n'aura jamais à être utilisé, sinon rarement.

Je vous donnerai un exemple. À l'heure actuelle en Colombie-Britannique, le Code d'exploitation forestière prévoit une stratégie dite de la faune désignée, ce qui est un euphémisme pour l'expression «espèces en voie de disparition». Nous n'aimons pas l'expression «en voie de disparition» en Colombie-Britannique, donc nous préférons parler de faune «désignée». Cela fait meilleure impression. Nous déterminons les espèces en péril et nous devons dresser des plans pour remédier à la situation. Cependant, la Colombie-Britannique a ajouté une règle selon laquelle toutes les mesures prises pour protéger ces espèces ne peuvent avoir qu'une incidence maximale de 1 p. 100 sur la possibilité de coupe annuelle dans une zone forestière. Si vous jetez un coup d'oeil au site Web du COSEPAC, en ce qui concerne l'algue marbrée, par exemple, vous pourrez lire que les restrictions en vigueur en Colombie-Britannique en ce qui concerne la protection de l'habitat ont rendu difficile la mise en oeuvre de ce plan de redressement. C'est un peu comme si on vous disait que nous allons protéger votre maison mais choisissez le 1 p. 100 de la maison que vous préférez.

L'objectif est donc que toutes les provinces respectent les engagements qu'elles ont pris en 1997. Le filet de sécurité est un élément essentiel pour assurer la concrétisation de cet objectif et aussi pour s'assurer que dans les rares cas où il n'est pas respecté, une espèce ne tombe pas entre les mailles du filet et disparaisse.

M. Paul Forseth: Le projet de loi C-65 prévoyait des poursuites civiles qui auraient permis aux Canadiens d'obliger le ministre à agir. À votre avis, la participation des citoyens est-elle un aspect important de la protection des espèces et, dans l'affirmative, comment pourrions-nous envisager d'inclure ce genre de disposition?

M. Stewart Elgie: Je pense que nous devrions éviter de recourir aux poursuites pour mettre en oeuvre ce projet de loi. Je pense que le projet de loi sera beaucoup plus efficace s'il mise sur la coopération, la promotion, la compréhension et la négociation. Mais je suis également conscient que nous vivons dans un monde imparfait et que parfois les responsables gouvernementaux négligent de façon flagrante les fonctions qui leur ont été confiées. En tout dernier ressort, nous avons toujours eu au Canada la possibilité d'aller devant les tribunaux pour nous assurer que les responsables gouvernementaux s'acquittent de leurs obligations prévues par la loi.

Les poursuites entreprises par les citoyens devraient être le dernier recours et ne jamais être utilisées en premier lieu. La disposition relative aux poursuites entreprises par les citoyens, prévue par le projet de loi C-65, était calquée sur les dispositions de la Charte des droits environnementaux de l'Ontario, qui a été adoptée en 1994. Je crois que le comité constatera que le gouvernement de l'Ontario n'a pas été particulièrement écologique depuis 1994, mais les dispositions relatives aux poursuites entreprises par les citoyens prévues par la Charte des droits environnementaux n'ont été invoquées qu'une seule fois en sept ans. En effet, la possibilité d'une poursuite entreprise par les citoyens incite les responsables ontariens de l'environnement à faire au moins un travail raisonnable.

La marche à suivre est la suivante: tout d'abord, il faut présenter une demande d'enquête et demander au gouvernement d'enquêter pour déterminer s'il y a ou non infraction. Une poursuite par les citoyens ne peut être intentée que si un tribunal décide que la réponse du gouvernement à votre demande d'enquête était tellement déraisonnable qu'elle doit être renversée. C'est une norme assez élevée. Mais si la disposition relative aux poursuites entreprises par les citoyens n'existait pas, il n'y aurait pas de mécanisme de contrôle de la qualité ou de vérification des pouvoirs relativement à la demande d'enquête.

En raison de la nature controversée des poursuites entreprises par les citoyens, Environnement Canada a demandé à l'industrie et aux groupes environnementaux de négocier une solution de rechange en 1997. Ils ont nommé trois représentants des principaux secteurs de l'industrie et trois écologistes, un comité chargé d'étudier des mécanismes non conventionnels de règlement des différends. Ce comité est en fait arrivé à une entente. Je n'en faisais pas partie, mais un autre témoin en parlera. Le comité s'est entendu sur un processus comportant la médiation, la négociation et un processus administratif de règlement des différends, et non le recours à un tribunal. Nous espérions que le projet de loi en tiendrait compte, compte tenu que les groupes de l'industrie s'étaient entendus sur un tel mécanisme, et il est très décourageant de constater que ce processus n'y figure même pas. Le comité lui-même avait indiqué dans son rapport publié il y a deux ans que sans mécanisme de vérification, la non-application peut s'avérer un énorme problème dans le secteur de l'environnement.

Le président: Je vous remercie, monsieur Forseth.

Nous avons maintenant Mme Kraft Sloan, suivie de Mme Carroll.

• 1055

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Hazell, dans votre discussion concernant les poursuites entreprises par les citoyens, vous avez fait quelques observations sur lesquelles j'aimerais certains éclaircissements. Vous avez dit entre autres que les poursuites entreprises par les citoyens pourraient être remplacées par des mécanismes de règlement des différends par des tiers ou pourraient être complémentaires, et que vous préféreriez qu'elles soient complémentaires.

À votre avis, est-il possible que les poursuites entreprises par les citoyens soient remplacées par un mécanisme de règlement des différends par des tiers, et en quoi cela devrait-il consister pour qu'il s'agisse effectivement d'une solution de rechange, ou s'agit-il tout simplement d'un second choix qui laisse beaucoup à désirer?

M. Stephen Hazell: Stewart a déjà abordé certains de ces points, mais les dispositions du projet de loi C-65 concernant les poursuites entreprises par des citoyens étaient extrêmement compliquées et, à mon avis, très peu susceptibles d'être utilisées. Pour qu'un citoyen parvienne à intenter une poursuite, tout d'abord, il doit présenter une demande d'enquête, soumise à la décision du ministre. Puis, en tant que première étape de la poursuite proprement dite entreprise par le citoyen, il faut que le tribunal juge que la décision du ministre était déraisonnable de diverses façons. Puis, si le tribunal juge que la décision était déraisonnable, la poursuite peut être entreprise.

Je suppose que ce que l'on propose, si les poursuites entreprises par les citoyens sont trop controversées, c'est de les remplacer par un mécanisme administratif de règlement des différends par des tiers, tel que celui qui a été négocié par l'industrie et les groupes environnementaux il y a quelques années. C'est une façon de procéder. Ou, on pourrait ajouter une exigence prévoyant de recourir d'abord au processus de règlement par des tiers avant d'opter pour les poursuites entreprises par les citoyens. On pourrait donc procéder d'une façon ou de l'autre.

Je dirais que l'inconvénient des dispositions prévues par le projet de loi C-65, c'était que les dispositions relatives aux poursuites entreprises par des citoyens s'étalaient sur des pages et des pages. On avait donc l'impression que le citoyen serait en mesure de profiter de ces dispositions mais à mon avis, il était très peu probable que le citoyen parvienne en fait à franchir toutes ces étapes.

Mme Karen Kraft Sloan: Tout à fait. Je voulais vous poser aussi une question sur la définition des espèces sauvages. Je crois que M. Elgie a soulevé cette préoccupation. Pourriez-vous préciser pourquoi vous estimez que l'utilisation de la liste actuelle du COSEPAC pourrait poser certains problèmes compte tenu de ce changement à la définition des espèces sauvages, qui risque d'exclure un grand nombre d'espèces?

M. Stewart Elgie: Bien sûr. Vous trouverez à la page 17 de mon mémoire une explication plus détaillée à ce sujet.

Essentiellement, la différence c'est que le COSEPAC a, pendant des années, défini une espèce sauvage en tant qu'espèce, sous-espèce ou population géographique distincte d'une espèce. Cette définition se rapproche beaucoup de celle utilisée en Australie, aux États-Unis, et dans les lois provinciales du Canada sur les espèces en péril. Elle est assez bien acceptée. Ce projet de loi modifie certains termes importants. On y parle de «population biologiquement distincte» plutôt que d'utiliser la définition en vigueur depuis des années, à savoir géographiquement ou même génétiquement distincte. J'ai parlé à un certain nombre de scientifiques qui disent tous que l'expression «biologiquement distincte» est extrêmement vague sur le plan scientifique et pratiquement dénuée de sens. J'ai parlé aux membres du COSEPAC qui n'ont aucune idée de la raison pour laquelle ce changement a été apporté.

Je suppose que le problème essentiellement, c'est que le COSEPAC vient d'examiner 155 des espèces inscrites sur sa liste, en appliquant sa définition traditionnelle. Si vous voulez utiliser ces espèces mais que vous avez une définition différente en vertu de la loi, le COSEPAC ignore si elle répondra à cette nouvelle définition parce qu'il ne l'a pas utilisée.

Je recommanderais par conséquent que l'on s'en tienne à la définition qui fonctionne.

Mme Karen Kraft Sloan: Une brève question, monsieur le président.

Lorsque les représentants du ministère ont comparu ici la semaine dernière, ils ont indiqué—et je leur ai posé des questions à ce sujet—qu'on était en train de réévaluer la liste du COSEPAC. Cependant, certaines questions n'étaient toujours pas réglées—certaines espèces inscrites sur la liste y figuraient depuis 30 ans. Les fonctionnaires ont émis des réserves à propos de certains des procédés utilisés pour déterminer les espèces devant figurer sur la liste du COSEPAC parce qu'ils n'étaient pas aussi transparents que le prévoit le projet de loi, et par conséquent la liste du COSEPAC allait être remaniée. J'ai interrogé le témoin et je lui ai demandé qui prendra ces décisions. Est-ce que ce sera le COSEPAC, ou un processus complémentaire, c'est-à-dire politique ou ministériel?

• 1100

J'aimerais simplement avoir vos commentaires à ce sujet, surtout compte tenu de la nouvelle définition donnée dans le projet de loi.

M. Monte Hummel: Le COSEPAC procède régulièrement à l'examen et à la mise à jour de sa liste. L'examen des listes fait partie de la procédure du COSEPAC. Il ne se contente pas d'établir cette liste une fois pour toutes sans jamais la revoir. La situation d'une espèce peut changer et des espèces, comme je l'ai mentionné, peuvent être rayées de la liste ou reclassifiées.

Je ne comprends pas la nécessité de revoir le travail effectué par le COSEPAC, mis à part le fait que la liste du COSEPAC va désormais devenir vraisemblablement une liste incorporée par renvoi. Je peux comprendre que des gens disent très bien, il s'agit maintenant d'une liste incorporée par renvoi qui comporte des incidences juridiques et par conséquent cette liste revêt une nouvelle importance. Cependant, parce qu'elle revêt une nouvelle importance, cela ne veut pas dire qu'elle laisse à désirer ou que certaines espèces ont été inscrites à l'aide d'un processus transparent et d'autres pas, indépendamment de ce que cela signifie.

Comme j'étais là, je n'arrive pas à comprendre tout le mystère et toutes les conjectures qui entourent les travaux du COSEPAC. Le COSEPAC a fait un excellent travail. Il s'agit d'une liste tout à fait satisfaisante avec laquelle commencer, et il existe un processus interne de mise à jour et d'examen de cette liste. Il est inutile d'examiner ces processus d'examen.

Par conséquent, j'exigerais que l'on me dise exactement les raisons pour lesquelles on veut procéder à un tel examen. Pour quelle raison, veuillez me le dire, la liste du COSEPAC fait-elle l'objet de tant de conjectures? Qui s'y connaît mieux à propos de la classification des espèces que ceux qui font ce travail depuis 1977?

Le président: Je vous remercie.

Madame Carroll, je vous prie, suivie de M. Herron et de M. Bigras.

Mme Aileen Carroll: J'aimerais simplement enchaîner là-dessus avant de poser ma question, car la semaine dernière Mme Brown nous a mis à nouveau au courant de ce processus. Je n'arrive pas à comprendre moi non plus pourquoi on entame ce processus.

M. Stephen Hazell: Je peux répondre à la question, et cela concerne quelque chose que j'ai dit plus tôt. C'est l'application de la politique réglementaire. La liste du COSEPAC entrera en vigueur par le biais des règlements. Donc, à moins que le Conseil du Trésor accorde une exemption particulière, la politique réglementaire s'appliquera.

La politique réglementaire fédérale prévoit certaines exigences dont celles voulant que les instances de réglementation prouvent qu'un problème ou un risque existe et aussi que l'intervention fédérale est justifiée. Donc, l'instance de réglementation devra décider si tous les moyens possibles, qu'il s'agisse de moyens réglementaires ou non réglementaires, de rectifier ce problème de risque ont été envisagés. Cela fait partie de la politique. Elle y est obligée à moins que le Conseil du Trésor donne son approbation.

Par ailleurs, cette instance doit examiner les effets défavorables sur l'économie afin de s'assurer qu'ils sont minimisés. Il s'agit de mesures importantes à prendre dans le contexte de la plupart des règlements, mais nous avons une liste qui a été examinée très soigneusement par un groupe de scientifiques, et tous ces aspects sont essentiellement examinés lors de l'établissement du plan d'action et de la stratégie de rétablissement. Donc cet examen est inutile. C'est pourquoi nous recommandons que la liste figure en annexe à la loi.

M. Stewart Elgie: Faites ce qu'ils ont fait en 1997. La liste du COSEPAC était suffisamment satisfaisante en 1996 pour être renouvelée; pourquoi n'est-ce pas le cas maintenant? Elle a en fait subi plus d'examens aujourd'hui qu'à l'époque.

Mme Aileen Carroll: Je vais maintenant passer à ma question.

Monsieur Elgie, nous sommes en train de discuter de l'absence de poursuites entreprises par des citoyens ou de mécanismes non conventionnels de règlement des différends. Dans votre article 13, à moins que j'aie mal vu, je ne constate pas de catégorie m'indiquant ce que la loi provinciale fait dans ce domaine. Dois-je partir du principe qu'il n'existe aucun mécanisme non conventionnel de règlement des différends dans les lois provinciales?

M. Stewart Elgie: Cela est inclus dans les deux questions inscrites au bas de la liste. Dans un cas il s'agit d'encourager les mesures de protection et de conservation de la part des citoyens, à la troisième ligne à partir du bas de la liste, et la dernière consiste à prévoir une application efficace.

Cela n'englobe pas toutes les sous-dispositions qui se trouveraient dans un projet de loi. On y traite de questions plus générales, et, comme je l'ai dit, quatre administrations au Canada ont en fait des lois qui prévoient des poursuites entreprises par les citoyens. L'Ontario, le Québec, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont depuis des années des lois qui autorisent des poursuites entreprises par les citoyens dans le contexte environnemental, et je peux vous dire qu'elles n'ont jamais fait l'objet d'abus—jamais. Vous pouvez poser la question aux fonctionnaires de ces provinces, mais elles ont joué un rôle vraiment important.

Mme Aileen Carroll: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Herron, monsieur Bigras et monsieur Mills.

M. John Herron: Je vous remercie, monsieur le président.

• 1105

J'aimerais tout d'abord aborder la question à laquelle Mme Carroll et moi-même nous intéressons, de même que les deux derniers cas. La barre a été placée plus haut par une coalition sans précédent en place aujourd'hui, qui n'existait même pas à l'époque du projet de loi C-65—qui s'est manifestée même avant la constitution du groupe de travail sur les espèces en péril, l'Association minière du Canada, le Sierra Legal Defence, les propriétaires de terrains boisés pour le secteur des pâtes et papiers, etc.—en ce qui concerne l'inscription sur la liste, la protection de l'habitat essentiel, le régime d'indemnisation équitable concernant les oiseaux migrateurs. J'aimerais faire une brève observation avant de poser ma question. En tant que comité, nous devons inciter le gouvernement fédéral, qui possède une bonne structure à cet égard, à se joindre au consensus qui a été établi.

Un aspect particulier qui me pose problème en ce qui concerne l'inscription sur la liste, c'est que nous l'établissons en fonction de considérations politiques plutôt que scientifiques. Les provinces qui ont une liste dite politique à l'heure actuelle... Je crois qu'il y a des cas à l'heure actuelle où certaines espèces ne sont tout simplement pas inscrites sur la liste. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?

M. Stewart Elgie: Oui, cela se trouve au tableau 8 que je vous ai remis. Je vous donne une liste indiquant les provinces qui possèdent une loi permettant au cabinet d'inscrire les espèces en péril. Dans la colonne de gauche du tableau, vous verrez le nombre d'espèces que le COSEPAC a désignées en tant qu'espèces menacées ou en péril dans ces provinces. Je tiens à ajouter que les scientifiques du gouvernement provincial font partie du COSEPAC, par conséquent ces décisions ont été prises en fonction de l'information fournie par les propres scientifiques de la province. La deuxième colonne indique le nombre d'espèces qui ont été inscrites légalement sur la liste.

Vous constaterez que l'Ontario a inscrit 19 des 78 espèces que le COSEPAC et ses scientifiques ont désignées comme des espèces en péril. Le Québec en a inscrit 30 p. 100, c'est-à-dire seulement 8 sur 27. Le Nouveau-Brunswick est la seule province qui en a inscrit plus de 50 p. 100. Dans certains cas, il existe certaines considérations politiques concernant la protection réelle, mais dans l'ensemble c'est simplement une question d'inertie—le cabinet est trop occupé pour se demander si la pédiculaire de Furbish devrait être inscrite sur la liste en tant qu'espèce menacée ou en péril. Elle n'est pas inscrite sur la liste prioritaire. Il ne faut donc pas que le cabinet devienne l'obstacle à l'inscription et la protection des espèces.

M. John Herron: Je ne voulais pas vous interrompre, Stewart. Je voulais simplement voir si je pouvais poser une autre question concernant la jurisprudence.

En vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, il existe des règles et des règlements relevant de la compétence du gouvernement fédéral qui diffèrent de ceux qui ne relèvent pas de sa compétence. On a indiqué plus tôt au comité que ce projet de loi prévoit déjà des dispositions et des interdictions que le gouvernement fédéral doit appliquer dans sa propre sphère de compétences. Étant donné que ces précédents existent déjà... Le ministre a fait un commentaire obscur devant le comité, lorsque nous avons étudié le projet de loi C-33 sur cette question en particulier. Pouvez-vous nous citer de la jurisprudence à laquelle le ministre a peut-être ou peut-être pas fait allusion qui empêcherait une hiérarchie de protection pour cette loi?

Le président: Puis-je vous demander d'être bref?

M. Stewart Elgie: Oui, je ne prendrai que deux minutes ou moins.

Je ne veux pas faire dire au ministre Anderson ce qu'il n'a pas dit. Il existe un principe précis mais qui est mal appliqué. Je ne suis pas sûr que cela soit le fait du ministre Anderson, mais ce doit être le fait de quelqu'un. En vertu du pouvoir d'établir des lois criminelles—il ne s'agit pas du Code criminel mais du pouvoir d'établir des lois criminelles—le gouvernement fédéral peut s'occuper de questions qui représentent des problèmes fondamentaux dans notre société, comme le meurtre, la cruauté envers les animaux, mais il doit adopter des règles uniformes. Autrement dit, il ne peut pas dire qu'il est illégal de commettre un meurtre sur des terres fédérales mais pas ailleurs.

Donc, si vous deviez adopter une loi qui relève exclusivement du pouvoir d'établir des lois criminelles, et d'aucun autre pouvoir, vous devriez faire en sorte qu'elles soient identiques partout. Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne la Constitution. Le gouvernement fédéral peut réunir ses différents pouvoirs constitutionnels en une seule loi, et il le fait couramment. La LCPE en est un exemple parfait. La partie de la LCPE qui traite des substances toxiques relève du pouvoir d'établir des lois criminelles, mais il existe une autre partie dans la LCPE qui traite des biens fonciers fédéraux et prévoit des normes différentes. Cette même loi renferme une autre partie qui traite des océans et prévoit des normes différentes. Elle renferme une autre partie qui traite de l'importation et de l'exportation de substances toxiques.

En d'autres mots, dans le cas du projet de loi sur les espèces en péril, il n'y a rien dans la Constitution qui interdise au gouvernement fédéral de s'occuper de ses biens fonciers et de ses sphères de compétences clairement définies d'une façon légèrement différente de la façon générale dont nous traitons du filet de sécurité en vertu du pouvoir d'établir des lois criminelles. Cela se fait couramment.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bigras. Nous entendrons ensuite M. Mills, Mme Kraft Sloan, et Mme Carroll.

[Français]

Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

• 1110

J'aimerais revenir à l'énoncé qu'a fait M. Hazell vers la fin de sa présentation, plus tôt. Je n'ai pas le texte exact, et vous me direz si ma perception est juste.

Vous avez dit que la loi sur les espèces menacées devrait s'appliquer sur tout le territoire canadien, sous réserve d'une loi provinciale existante et/ou équivalente.

Je voudrais savoir ce que vous proposez au fond. Je voulais aussi soumettre cette idée à M. Elgie.

Ne s'agit-il pas d'une forme de droit de retrait pour les provinces, en autant qu'elles aient des lois et des programmes existants équivalents? Ne devrait-on pas prévoir cela dans la loi?

[Traduction]

M. Stephen Hazell: La réponse est oui. Je suis tout à fait d'accord avec Stewart en ce qui concerne l'équivalence provinciale des pouvoirs d'interdiction, et avec le fait que si les gouvernements provinciaux adoptent des dispositions d'équivalence, elles auront préséance. Donc nous sommes tout à fait sur la même longueur d'onde en ce qui concerne le filet de sécurité fédéral.

M. Bernard Bigras: Très bien.

M. Stewart Elgie: La seule difficulté c'est dans le cas d'une province qui ne possède pas de disposition équivalente? Il ne faut pas oublier ce dont il s'agit ici. Il s'agit de savoir si vous devriez être autorisé à tuer un animal en voie d'extinction, d'aller délibérément tuer cet animal, ou de détruire son nid ou son terrier. La plupart des provinces ont déjà des dispositions à cet égard, donc ce ne serait pas nécessaire. Mais dans les cas où une province n'a pas de disposition d'interdiction, alors le gouvernement fédéral devrait intervenir et s'assurer qu'on ne tue pas des espèces en péril. La plupart des provinces—le Québec, l'Ontario—ont déjà des dispositions à cet égard. C'est pourquoi on parle de filet de sécurité, simplement au cas où cela soit nécessaire en dernier recours.

[Français]

M. Bernard Bigras: Nous sommes d'accord, mais vous conviendrez aussi, monsieur Elgie, que dans la mesure où une loi provinciale et des programmes existants sont, à toutes fins utiles, équivalents à des prérogatives et des dispositions de la loi fédérale, les provinces pourraient avoir un droit de retrait.

[Traduction]

M. Stewart Elgie: C'est peut-être une chose qu'il faudrait reconnaître. Nous devrions laisser la province en décider. Certaines provinces n'ayant pas de ressources suffisantes pourraient préférer que l'interdiction fédérale s'applique dans ce cas-ci. Cela s'est produit dans certains cas. C'est donc une décision que je laisserais à la province.

Pour un animal en péril, il importe peu qu'il soit protégé par une entité arborant la fleur de lis ou la feuille d'érable. Ce qui importe, c'est qu'il soit protégé. Donc nous ne devrions pas nous disputer à propos de qui doit assurer la protection mais bien nous assurer que quelqu'un assure cette protection.

[Français]

M. Bernard Bigras: Vous conviendrez aussi que les écosystèmes ne sont pas nécessairement de juridiction provinciale ou fédérale. Il s'agit d'un domaine plus vaste.

Les écosystèmes ne se limitent pas aux provinces et je suis d'accord avec vous. Elles ne se limitent pas non plus au territoire fédéral. Il s'agit d'une question plus large.

[Traduction]

M. Stewart Elgie: C'est d'une importance critique pour les provinces. Vous pourriez avoir la meilleure protection au monde dans votre province, mais si une province voisine ne fait rien, vos efforts seront vains. Donc nous devons tout simplement reconnaître que les espèces sauvages traversent les frontières. Comme l'a dit Pierre Trudeau, les poissons nagent. Donc nous avons aussi besoin d'une loi transfrontières.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

Monsieur Mills, madame Kraft Sloan, madame Carroll, le président.

M. Bob Mills: Je suppose qu'il y a deux questions. Si j'examine la situation et ce que vous avez dit à propos de l'habitat, je pense que nous conviendrons tous que c'est un aspect essentiel si on veut assurer la survie ou le rétablissement d'une espèce. Mais si encore, je peux comprendre le point de vue d'un propriétaire foncier car certaines des espèces dont nous parlons ont d'énormes territoires. Si nous voulons toujours pécher par excès de science, ce que nous devons faire à mon avis, les répercussions économiques me semblent très graves. Pour revenir à l'aspect communication, nous devons faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'un problème aussi grave qu'on le fait entendre sur le terrain.

L'autre aspect connexe concerne les peuples autochtones, leur préservation et leur coopération, la nécessité de leur part de reconnaître l'existence d'espèces en péril. Un aspect qui me préoccupe particulièrement en Colombie-Britannique, c'est lorsque certaines personnes sont tenues de prendre certaines mesures mais que leurs voisins qui vivent sur les terres des Premières nations ne prennent peut-être pas les mêmes mesures. Cela risque d'entraîner... car non seulement ignorent-ils les frontières provinciales, mais ils ignorent aussi les frontières des Premières nations. Je me demande comment vous faites face à cette situation.

• 1115

M. Stewart Elgie: Vous venez de soulever une préoccupation vraiment valable. Que faisons-nous dans les cas où la protection d'une espèce en péril a de réelles incidences pour un propriétaire foncier? Je pense qu'il est important de situer le contexte. Nous lisons dans la presse à sensation des cas aux États-Unis où cela a causé de véritables préjudices. Je suis sûr que de tels cas se sont produits, mais il ne faut pas oublier certaines choses.

Aux États-Unis, le nombre d'espèces désignées en péril est plus de dix fois supérieur au nôtre. Ils ont plus de 1 100 espèces inscrites parmi les espèces en péril. Nous en avons 107. Le problème des États-Unis, ce n'est pas leur loi. C'est le simple fait qu'ils ont une multitude d'espèces en voie d'extinction et qu'ils ont attendu beaucoup trop longtemps pour adopter une loi sur les espèces en péril pour remédier à cette situation.

On peut faire une meilleure analogie au Canada. Nous avons quatre provinces, le Manitoba, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard qui ont des lois prévoyant la protection obligatoire de l'habitat des espèces en péril—dont certaines remontent à 27 ans, dans le cas de l'Ontario. Je peux vous dire en tant qu'Ontarien, que cela n'a pas paralysé l'économie de l'Ontario. Cela n'a pas paralysé l'industrie agricole au Manitoba.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de cas de ce genre, mais il est important de situer les choses dans leur contexte. Les terres des propriétaires fonciers ne grouillent pas d'espèces en péril. La plupart d'entre nous ne verront jamais d'espèces en péril de notre vie et les verront encore moins envahir notre propriété.

Dans les rares cas où cela se produit, nous devons nous assurer que le propriétaire n'a pas à en assumer seul le fardeau. Il ne faut pas exagérer la fréquence de ces cas. Nous avons des exemples concrets au Canada.

M. Monte Hummel: En ce qui concerne les exemples concrets, il serait bon que le comité entende le millier d'agriculteurs qui contribuent à protéger la chevêche des terriers pour vous dire qu'il ne s'agit pas d'une si lourde responsabilité. Il faudrait peut-être que vous entendiez le témoignage de personnes qui sont ravies de protéger les orchidées et les plantes sauvages sur leurs propriétés, et les pluviers siffleurs. Je pourrais tout simplement parcourir la liste.

J'ai travaillé avec littéralement des milliers de personnes qui sont venues à la table et qui contribuent à conserver les espèces en péril. Je ne me rappelle pas d'un seul propriétaire foncier qui a été contrarié par ce genre de chose et défavorisé sur le plan financier et aigri. Pourtant, on ne cesse de citer des exemples de propriétaires fonciers qui ont été traités injustement. Dans les faits, tout indique que la population du pays est extrêmement heureuse d'apporter sa contribution.

Nos trois groupes ont tous indiqué qu'ils appuient l'idée d'accords de conservation. Je dirais qu'en dernier recours, et non en premier, il ne faudrait pas hésiter à indemniser les propriétaires fonciers qui fournissent de leur poche des avantages qui profitent au public.

Je n'essaie pas de passer outre à votre question, c'est très important. Surtout parce que c'est un sentiment assez général. La grosse majorité des éléments de preuve marque un succès.

C'est la même chose pour les Premières nations. Dans le Grand Nord, les Premières nations ont pris l'initiative de constituer des sanctuaires pour protéger les baleines boréales au nord de l'île de Baffin à Igalirtuuq et à Resolute pour protéger le caribou de Peary. Ce sont les Inuits de Resolute qui ont pris cette initiative. Le bison des bois est revenu grâce aux Premières nations dans la région du parc national Wood Buffalo qui chevauche l'Alberta et les Territoires du Nord-Ouest.

Cela fait peut-être un peu intéressé, mais je puis vous donner une longue liste de gens qui ont pris des initiatives et ont aidé. On ne peut pas dire que l'amertume soit prévalante parmi ces populations.

Il y a eu aussi la question des poursuites par les citoyens et de la participation des citoyens. Il semble que votre comité a souvent une attitude négative vis-à-vis des actions des citoyens. Ce que font les citoyens, c'est de porter plainte: nous luttons pour que le système soit honnête et nous entamons des poursuites.

Le fait est que les fonctionnaires ne sont pas tellement bien reçus sur le terrain, comme vous le savez peut-être, monsieur. Mais il y a des tas d'organisations non gouvernementales, des groupes tels que Canards Illimités, des fiducies foncières et le National Nature Conservancy. Notre propre organisation, le Fonds mondial pour la nature, a du personnel sur le terrain qui travaille à des milliers de projets chaque année, directement avec le secteur des ressources, l'industrie et les propriétaires fonciers. Et on ne vient pas là avec un logo du gouvernement sur le camion.

• 1120

Des accords ont été signés qui ont permis d'éviter que certains espaces deviennent à risque et nous n'en avons pas du tout parlé. Nous avons des accords bénévoles, dans certains cas des accords qui comportent des incitatifs et une indemnisation, qui permettent de ramener certaines espèces sur des terres privées. Aussi, quand le gouvernement se présente, ces initiatives non gouvernementales existent déjà et beaucoup a déjà été fait. Une bonne partie du travail est terminée.

Le genre de ressources dont nous parlons... Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais Canards Illimités a engagé 300 millions de dollars dans le plan de gestion de la sauvagine nord-américain. Les États-Unis y mettent un milliard de dollars. Les administrations canadiennes environ 200 millions.

Les organismes non gouvernementaux sont responsables d'énormément de conservation et d'actions positives. Nous pouvons être un mécanisme d'action et pas simplement des grognons, des gens qui se plaignent, qui entament des poursuites, etc. Ceci ne sera pas possible sans la crédibilité et dans bien des cas les ressources financières d'organisations non gouvernementales.

Le président: Après cette petite publicité, nous ferions mieux de passer à Mme Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

Je crois que vous devriez faire beaucoup plus de ce genre de publicité. Il est très important de faire remarquer ce qui se fait. En fait, certains nous ont demandé si ce projet de loi valait vraiment la peine quand on considère tout ce qui se fait d'autre, si l'on ne remédie pas à certains des problèmes. Ce sont des questions que nous avons posées à d'autres témoins.

Monsieur Elgie, un des avantages de bonnes dispositions de protection dans le projet de loi est que cela encourage les provinces à adopter elles-mêmes des lois. S'il existait donc un processus fédéral d'établissement de liste officielle scientifique, est-ce que cela n'encouragerait pas les provinces qui s'en tiennent à un simple processus politique à améliorer celui-ci afin que l'on n'invoque pas les dispositions relatives au filet de sécurité?

M. Stewart Elgie: Oui.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

J'ai une autre question. Les témoins que nous avons reçus d'Environnement Canada la semaine dernière nous ont dit que l'un des éléments essentiels du projet de loi est la participation du public à tous les paliers, notamment dans le processus d'établissement de liste du COSEPAC. Je crois aussi qu'il est extrêmement important que les citoyens et le grand public soient engagés là-dedans.

Pour ma part, à titre de législateur, je constate que nos lois sur l'environnement présentent énormément de problèmes. Cela ne correspond pas au travail que j'ai fait au sein du comité. J'ai vu beaucoup de projets de loi. Ils ne vont pas assez loin. Je suis donc de plus en plus convaincue que le grand public et pas seulement les intervenants—parce que cela semble un processus fermé et que cela pose des problèmes, il y a des avantages et des inconvénients—de pourvoir s'engager de façon très positive. Il lui faut des mécanismes et occasions de s'engager facilement.

Peut-être n'avons-nous pas suffisamment de temps pour discuter de ceci mais vous pourriez peut-être nous dire où l'on pourrait trouver ce genre d'informations dans vos mémoires, ou nous envoyer quelque chose par écrit sur la façon dont le grand public pourrait participer en vertu de ce projet de loi. C'est très important.

Le président: Pourriez-vous répondre brièvement, s'il vous plaît?

M. Monte Hummel: Nous prenons tous des positions qui correspondent à notre avis aux sentiments de nos sympathisants et de nos membres. Nous pouvons ainsi dire que les améliorations que nous proposons au projet de loi sont largement appuyées par la population.

M. Herron a dit deux fois que le GTEP avait visé plus haut, à bien des égards, que ce projet de loi. Je crois que la population serait prête à viser encore plus haut que le GTEP et c'est pourquoi je poserai à nouveau ma question. Quels intérêts pensons-nous protéger ou représenter lorsque nous prévoyons tellement de pouvoir discrétionnaire dans ce projet de loi? Qui veut tout ce pouvoir discrétionnaire et pourquoi? Il ne semble pas que ce soit l'industrie.

Le président: Merci.

Madame Carroll et madame Redman.

• 1125

M. Aileen Carroll: Il semble que nous revenions toujours à cette grande question épistémologique, que ce soit les membres du comité qui la posent ou les témoins. Nous n'avons pas fini d'en discuter.

Vous avez fait ce que j'attendais, monsieur Hummel, c'est-à-dire que vous avez dit publiquement, monsieur Herron, que le groupe de travail sur les espèces en péril était un groupe encore plus important et couvrait encore plus de choses. Il me semble utile de rappeler ce genre de collégialité.

En dernière question, j'aimerais examiner quelque chose qui me semble horrible, à savoir l'article 8, qui porte sur les listes provinciales du COSEPAC et sur le pourcentage d'espèces en péril figurant sur ces listes. C'est ahurissant et cela confirme bien ce que vous dites. Pour me faire un peu l'avocat du diable, même si je suis très fière d'être néo-écossaise, je constate que la seule province qui a une loi qui vise l'établissement automatique d'une liste d'espèces touchées par le COSEPAC, est la Nouvelle-Écosse. Il y en a seulement 18 en Nouvelle-Écosse. C'est peut-être donc plus facile pour la Nouvelle-Écosse que pour la Colombie-Britannique ou l'Ontario. Que diriez-vous à ce sujet?

M. Stewart Elgie: Comme pourcentage du territoire ou comme concentration, la Nouvelle-Écosse a en fait pas mal d'espèces en péril si l'on considère le ratio dimension de la province/espèces en péril. Le sud de la Nouvelle-Écosse, en particulier, en a pas mal avec la proximité des écosystèmes des États-Unis.

La Nouvelle-Écosse a pu voir ce qui se passait dans d'autres provinces. Elle a le projet de loi le plus récent en ce qui concerne les espèces en péril. J'ai l'impression, et j'ai été invité à témoigner devant son comité législatif à propos de ce projet de loi, que la province a examiné ce qu'avaient fait d'autres provinces et a déclaré: «Nous faisons partie du COSEPAC. Cela marche bien. Un processus de listes politique n'a pas tellement bien marché dans ces autres provinces. Nous allons essayer autre chose». Cela ne semble pas avoir causé trop de problèmes. J'inviterais le comité à penser que si la Nouvelle-Écosse a pu le faire, le gouvernement fédéral pourrait bien suivre l'exemple.

Mme Aileen Carroll: C'est une excellente conclusion. Je ne veux rien ajouter.

M. Monte Hummel: J'ajouterais simplement que c'est une province dont, si je ne m'abuse, 75 p. 100 du territoire est privé.

Mme Aileen Carroll: Merci d'avoir ajouté cela parce que c'est important. Cela montre seulement que la Nouvelle-Écosse est prête à prendre des risques et fait preuve d'une grande sagesse.

Le président: Merci.

Madame Redman, s'il vous plaît.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Je crois que c'est la semaine dernière que la secrétaire américaine de l'intérieur, Gale Norton, a déclaré que la Loi américaine sur les espèces en péril n'atteignait pas l'objectif que nous partagions pour le rétablissement des espèces en péril. Elle a ajouté que depuis 1973, date à laquelle la loi est entrée en vigueur, seulement 10 des 1 200 espèces figurant sur la liste aux États-Unis ont été rétablies. Elle avait l'impression que le problème venait en fait de la loi, que de plus en plus de propriétaires fonciers se trouvaient piégés dans un fouillis de règlements qui faisaient des adversaires de ceux avec qui ils devraient travailler à la préservation de ces espèces. Elle a profité de l'occasion pour annoncer que les États-Unis allaient passer à un programme reposant davantage sur les incitatifs.

Je n'ai entendu personne ici aujourd'hui dire que la base de notre loi, ce projet de loi dont nous discutons, est exactement ce dont vous parliez, monsieur Hummel, à savoir d'engager les propriétaires fonciers dans cet effort. Il est certain que nous avons des espèces en péril au Canada parce que les propriétaires fonciers font de la protection d'habitat et de la conservation. J'ai l'impression que ce que nous avons là, outre les petites modifications que vous réclamez, c'est le genre de cadre législatif qui marchera sur le terrain puisque nous invitons ceux qui y vivent à faire partie de la solution. J'ai donc eu l'impression que nous avons bien visé dans le sens que vous préconisez.

M. Stephen Hazell: Nous sommes probablement tous les trois d'accord là-dessus. La question que doit se poser le comité c'est comment, à titre de parlementaires, vous pouvez vous assurer que les propriétaires fonciers obtiennent l'aide nécessaire pour faire face aux problèmes qui peuvent se présenter. Il n'est pas forcé que le Fonds mondial pour la nature ou Canards Illimités ou encore Nature Conservancy soient toujours là ni que les gouvernements provinciaux soient là pour aider quand ils ont des chevêches des terriers sur leur propriété. Dans quelle mesure pouvons-nous rendre ce projet de loi plus efficace à ce sujet?

• 1130

Il y a un certain nombre de choses que l'on pourrait faire, indépendamment de l'indemnisation. Le Service canadien de la faune pourrait avoir un programme d'information par lequel il prodiguerait des conseils aux propriétaires fonciers qui ont des espèces en péril sur leur propriété et ne savent pas quoi faire. Pourquoi pas? Il a les experts scientifiques pour le faire. Pourquoi ne pas mettre quelque chose ici qui précise que ce service fera cela pour les propriétaires fonciers?

M. Stewart Elgie: Tout d'abord, la loi américaine n'est pas parfaite et personne ne préconise que nous l'adoptions. Ils ont en fait rétabli 12 espèces et non pas 10 depuis l'entrée en vigueur de cette loi. Ce qui est intéressant, c'est que Gale Norton a fait cette déclaration lorsqu'elle a annoncé que la douzième espèce venait d'être rétablie. L'outarde aléoutienne a été retirée de la liste des espèces en péril grâce à cette loi. Celle-ci n'est pas parfaite et ce projet de loi semble meilleur à certains égards.

Ce que nous avons fait au sein du groupe de travail, c'est d'examiner ce qui avait bien marché aux États-Unis et les erreurs qui avaient été commises. Une des grosses améliorations ici est la façon dont on traite les espèces préoccupantes.

Une des gros problèmes aux États-Unis est que l'on attend que l'espèce soit en voie de disparition ou menacée avant que la loi ne s'applique. Un des meilleurs éléments de notre projet de loi, c'est qu'il couvre les espèces vulnérables ou préoccupantes, ce qui correspond au service de prévention en médecine. L'autre bonne chose est ce fonds de protection. C'est vraiment une grosse amélioration.

Je suis donc tout à fait favorable à tout cela, mais je crois qu'il est important de se souvenir que la coopération et les efforts volontaires seuls ne suffisent pas. Sinon, nous n'aurions pas 364 espèces inscrites, la liste n'allongerait pas chaque année et nous n'aurions pas beaucoup plus d'espèces dont la situation empire que d'espèces que l'on peut supprimer de la liste au Canada.

Un projet de loi à lui seul ne peut suffire, mais c'est un élément critique. Si l'on adopte un projet de loi sur les espèces en péril, adoptons-en un bon. Franchement, le gouvernement fédéral n'a pas besoin d'un nouveau projet de loi pour lui dire qu'il a le pouvoir de protéger les espèces en péril dans son champ de compétence. Il dispose de ce pouvoir. Il en dispose depuis des décennies. Il n'a pas besoin d'un projet de loi pour lui dire qu'il peut protéger les poissons ou les animaux en péril. Un nouveau projet de loi n'est pas nécessaire pour cela. Ce qu'il faut, c'est une loi qui dise que l'on va faire un peu plus que ce que l'on a fait jusqu'ici, tout en reconnaissant que la loi à elle seule ne peut être qu'un élément de la solution.

M. Monte Hummel: Je conviens que nous avons là un bon cadre législatif. Il s'agit de l'accord—et M. Herron en a parlé—qui est en fait une entente fédérale-provinciale qui précise ce que vont faire les provinces dans le cadre de cet accord national. Les incitatifs donnés par le programme de protection de l'habitat dont vous avez parlé font partie de ce cadre. Le troisième élément du casse-tête est une loi efficace sur la protection des espèces en péril.

Toutefois, des incitatifs ne suffisent pas. L'idée de la carotte et du bâton est qu'après la carotte, il y a le bâton. L'un ne va pas sans l'autre. Pour utiliser le bâton, le gouvernement doit montrer que la carotte n'a pas marché, que les propriétaires fonciers auraient pu venir négocier, qu'on a pris des mesures raisonnables avant de jouer du bâton.

Le prix que doivent payer les intérêts privés pour avoir toute la carotte avant le bâton est que le bâton existe. À un certain moment, il n'y a plus de carotte. Le gouvernement a alors le pouvoir et la responsabilité de régler le reste des problèmes et de dire que parce que l'on n'a pas pu se mettre d'accord, on prendra les mesures qui s'imposent. On ne peut donc pas se limiter à la carotte.

Quand je présente cette image poétique devant une centaine de personnes...

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Monte Hummel: C'est exact. Je me promène habituellement avec.

En tout cas, qui pensez-vous qui voulait qu'il y ait un bâton après la carotte lorsque j'ai exposé la notion? C'est l'industrie forestière de la Colombie-Britannique. C'est la Fédération canadienne de l'agriculture. Ils ne veulent pas que ce soit simplement des carottes. Ils veulent savoir que le bâton est là, comme ça ils savent à quel moment le caractère discrétionnaire disparaît, et des mesures sont effectivement prises—c'est clair et certain. Deuxièmement, c'est une façon d'éliminer ceux qui sont de mauvaise foi. Pour ceux qui ne sont pas prêts à négocier ou à aller jusqu'au bout, il y a le bâton, et le gouvernement assume ses responsabilités.

J'ai essayé de faire ressortir les bons aspects du projet de loi. Je dirais que le ministre Anderson a fait la moitié de ce qu'il fallait. Toutefois, il y a encore trop de carottes, et il faut se montrer plus sévère.

Mme Karen Redman: Mais il faut tout de même rappeler à ceux qui regardent cela à la télévision qu'il y a dans le projet de loi un recours.

• 1135

M. Monte Hummel: Peut-être. C'est cela le problème. Cela peut marcher sur le terrain, et vous dites alors que c'est quelque chose qui marchera sur le terrain. C'est possible, cela dépend d'un tas d'éléments politiques discrétionnaires et, pas seulement cela, mais également des pouvoirs discrétionnaires des gouvernements futurs. Cette discrétion sera exercée différemment selon les gouvernements, et je répète pour la cinquième fois qu'on se demande dans quel intérêt on a prévu cela? Pourquoi laisser toute cette incertitude? Cette discrétion va être exercée d'une certaine façon par le gouvernement fédéral actuel, qui fera tout ce qu'il peut pour servir les intérêts des espèces en péril, mais un autre gouvernement pourrait voir les choses différemment. Cela va donner quelque chose de très inégal...

Mme Karen Redman: Mais nous avons pourtant dans ce projet de loi un examen quinquennal, une table ronde après deux ans, le fait que beaucoup de choses seront au registre public—à ce public dont nous dépendons et qui essaie de protéger les espèces en péril dans leur habitat. Il y a beaucoup de transparence dans ce projet de loi.

M. Monte Hummel: Très bien, si vous dites que c'est transparent et que le public va nous obliger à être honnêtes, pourquoi ne pas être honnêtes dès le départ? Je ne trouve pas choquant que les organisations non gouvernementales offrent d'importantes ressources et aident à administrer ces programmes sur le terrain. Je trouve par contre très choquant que le gouvernement fédéral envisage un projet de loi sur les espèces en péril tout en nous disant, en passant, que cela ne va pas forcément marcher si les organismes non gouvernementaux ne sont pas vigilants, que c'est à nous de nous assurer que cela marche parce que nos législateurs fédéraux n'ont pas le courage d'adopter un projet de loi qui donnera les résultats nécessaires.

Le président: On peut aussi ajouter que le bâton élimine une certaine incertitude...

M. Monte Hummel: En effet.

Le président: Cela arrangerait beaucoup de gens qui voudraient savoir et pouvoir agir en conséquence. Tout le monde est au courant, et il n'y a aucune différence dans la façon dont sont appliquées ces dispositions. Cela s'applique à la protection de l'environnement—comme on l'a vu par exemple pour les pluies acides—lorsque l'on sait clairement quelles sont les règles du jeu.

Ma question porte sur les listes provinciales du COSEPAC et, là encore, Mme Carroll a la mauvaise habitude de poser les questions que je veux poser moi-même.

Étant donné que la Nouvelle-Écosse réussit tellement bien, que le Nouveau-Brunswick en est à 70 p. 100—à savoir le pourcentage des espèces inscrites légalement par la province—suivi par le Manitoba avec 46 p. 100, le Yukon, 33 p. 100, la Saskatchewan, 31 p. 100, le Québec, 30 p. 100—j'aimerais que M. Bigras soit ici—l'Alberta, 29 p. 100 et l'Ontario, avec ce très piètre pourcentage de 24 p. 100, pensez-vous qu'il serait bon que les provinces, comme la Nouvelle-Écosse, adoptent également un projet de loi?

M. Stewart Elgie: Le projet de loi de la Nouvelle-Écosse ne comporte que quatre ou cinq pages, peut-être six ou sept, il faudrait donc éliminer énormément de pages à la Loi sur les espèces en péril. En fait, on pourrait adopter une bonne loi sur les espèces en péril qui ne comporterait que quatre articles stipulant qu'il faut: «déterminer scientifiquement quelles sont les espèces en péril. Ne pas les tuer. Leur laisser un lieu où vivre. Les aider à se rétablir.» C'est tout ce qu'il faut en fait. Tout le reste en découle.

Dans le projet de loi de la Nouvelle-Écosse, tous les engagements pris dans l'accord national n'ont pas encore été tenus. Il y a trois ou quatre des exigences du projet de loi néo-écossais qui n'ont pas non plus été respectées. J'inviterais donc le gouvernement fédéral à examiner ce qui se fait dans les provinces, à voir quels sont les éléments qui ont bien marché au Manitoba, ceux qui ont bien marché en Nouvelle-Écosse, ou encore au Nouveau-Brunswick.

En fait, il suffit de respecter les engagements pris par le gouvernement fédéral et les provinces dans l'accord national.

• 1140

Il y a de bonnes choses dans les projets de loi de différentes provinces, et le gouvernement fédéral devrait essayer de fixer la barre suffisamment haute. Ce que peut faire le gouvernement fédéral de plus important, c'est de dire que c'est lui qui donne l'exemple dans sa sphère de compétence. En fixant la barre suffisamment haute, c'est ensuite aux provinces et aux propriétaires fonciers de relever le défi que leur lance le gouvernement fédéral dans leur propre champ de compétence et sur leurs terres. Ainsi, il ne sera jamais nécessaire d'avoir recours au filet de sécurité. C'est en menant par l'exemple que le gouvernement fédéral obtiendra les meilleurs résultats dans tous les domaines relevant de sa compétence.

Le président: Merci.

Eh bien, je crois que nous pourrions en finir pour aujourd'hui.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Je voudrais simplement dire une ou deux choses suite à ce que vous venez de dire, monsieur Hummel, à propos de la certitude ou de l'incertitude.

J'ai parlé à beaucoup de dirigeants d'industries et d'entreprises au pays et ce qu'ils m'ont toujours signalé c'est qu'en l'absence de certitude, il est difficile de planifier. Ils doivent décider de leur planification économique en se basant sur la réglementation gouvernementale, non seulement sur ce qu'elle est aujourd'hui mais sur ce qu'elle sera dans cinq ans.

D'autre part, il est important que les ministères comprennent ce que veut dire certitude parce qu'il est évident que les gouvernements changent. Il y a des tas de fonctionnaires qui comparaissent devant notre comité et quand ils me regardent, j'ai l'impression qu'ils disent: «Ça aussi, ça va passer et le plus tôt sera le mieux». Je n'y vois pas d'inconvénient parce que j'en dirais probablement autant.

Le problème c'est qu'on laisse beaucoup de matières à discrétion dans ce projet de loi. On ne peut pas faire de plans pour ses ressources. Si les ministères n'ont pas les ressources voulues pour faire appliquer les dispositions obligatoires du projet de loi, il appartient au côté politique de faire en sorte qu'il les ait parce que c'est ce que souhaite la population. C'est l'intérêt public qui est en cause.

M. Monte Hummel: Je suis d'accord avec vous.

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Monsieur Hummel, vous avez parlé des 300 acres que vous avez quelque part. Cela me rappelle que lorsque l'on achète un terrain, on l'achète dans l'état dans lequel il a été cédé par les propriétaires précédents, probablement privés de certaines belles espèces d'arbres—par exemple le pin blanc dans la vallée de l'Outaouais—ou d'un certain nombre d'espèces disparues comme le loup, qui ne vient plus aussi près du sud qu'il le faisait, etc.

En tant que propriétaires fonciers, nous avons l'obligation de reconnaître que nous en sommes arrivés là à cause de notre propre comportement d'humains et que nous devons ainsi rebâtir et remettre en état—je crois que c'est l'expression que vous avez utilisée plusieurs fois. En rebâtissant, il y a un gros problème éthique, nos obligations face à l'avenir, le fait que nous avons hérité de quelque chose qui n'est pas en aussi bon état qu'il aurait dû l'être. Sinon, nous ne serions pas ici à essayer de travailler un projet de loi semblable comme nous l'a rappelé plusieurs fois M. Elgie.

Nous conclurons en vous remerciant beaucoup d'être venus ce matin. Nous avons eu une séance très enrichissante et très utile.

La séance est levée.

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