Passer au contenu

ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 25 avril 2002




¿ 0905
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.))
V         M. Michael Cox (directeur des services environnementaux, Confederacy of Mainland Mi'kmaq)

¿ 0910
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef national Matthew Coon Come (Assemblée des Premières Nations)

¿ 0915

¿ 0920
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. David Walkem (coordonnateur de l'exploitation forestière, Nicola Tribal Association)

¿ 0925

¿ 0930

¿ 0935
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jose Kusugak (président, Inuit Tapiriit Kanatami)
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Natan Obed (Inuit Tapiriit Kanatami)

¿ 0940

¿ 0945
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Gary Lunn (Saanich--Gulf Islands, Alliance canadienne)

¿ 0950
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Natan Obed
V         M. Gary Lunn
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ)

¿ 0955
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. David Walkem

À 1000

À 1005
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen (conseiller technique, Inuit Tapiriit Kanatami)
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Joe Comartin
V         Le chef Matthew Coon Come

À 1010
V         M. Joe Comartin
V         M. David Walkem
V         M. Joe Comartin
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen

À 1015
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Alan Tonks (York South--Wesston, Lib.)

À 1020
V         M. Natan Obed
V         M. Alan Tonks
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Alan Tonks

À 1025
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         M. Alan Tonks
V         M. Jose Kusugak
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. David Walkem

À 1030
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)
V         M. David Walkem
V         Mme Karen Redman
V         Le chef Matthew Coon Come

À 1035
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen

À 1040
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Reed
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Michael Cox
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. David Walkem
V         Le chef Matthew Coon Come

À 1045
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Natan Obed
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jose Kusugak

À 1050
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Bernard Bigras
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Bernard Bigras

À 1055
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Bernard Bigras
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-président (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Joe Comartin
V         M. Michael Cox

Á 1100
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. David Walkem
V         M. Joe Comartin
V         Le chef Matthew Coon Come
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)

Á 1105
V         M. David Walkem
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Michael Cox
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Lawrence Ignace (conseiller, Assemblée des Premières Nations)
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)

Á 1110
V         M. David Walkem
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Michael Cox
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)
V         M. Jamie Kneen

Á 1115
V         La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan)










CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): Nous avons le quorum.

    Nous recevons la Confederacy of Mainland Mi'kmaq, l'Assemblée des Premières nations, la Nicola Tribal Association ainsi que Inuit Tapirisat du Canada pour discuter d'un sujet très important, le projet de loi C-19. Je vous souhaite tous la bienvenue.

    Monsieur Michael Cox, de la Confederacy of Mainland Mi'kmaq, je vous invite à parler le premier.

+-

    M. Michael Cox (directeur des services environnementaux, Confederacy of Mainland Mi'kmaq): Merci. Je m'appelle Michael Cox. Je représente la Confederacy of Mainland Mi'kmaq et nous sommes situés à Millbrook, en Nouvelle-Écosse. Nous sommes un conseil tribal. Nous comptons six bandes ou collectivités dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse.

    Bien que je sois ici pour vous parler du projet de loi C-19, j'ai jugé bon de profiter de l'occasion pour vous décrire la façon dont les évaluations environnementales sont actuellement menées dans les réserves. Je voudrais également traiter de certaines des modifications qui figurent au projet de loi C-19 et qui pourraient modifier la façon dont les évaluations sont faites et vous dire ce que l'avenir pourrait nous réserver si le projet de loi C-19 est adopté.

    Actuellement, dans les réserves, la LCEE ne s'applique généralement pas. Cela s'explique du fait de l'existence du paragraphe 10(2) mieux connu sous le nom de lacune de financement. Essentiellement, cette lacune de financement tient au fait que le financement ne peut pas être le seul déclencheur d'une évaluation dans les réserves et, au Canada, seules les terres indiennes sont dans cette situation.

    Pour pallier cette lacune, en quelque sorte, l'agence a signé un protocole d'entente avec tous les ministères fédéraux. Ce protocole précise simplement que si l'on finance un projet dans une réserve, on doit effectuer une évaluation environnementale conforme à l'esprit et à l'intention de la LCEE, c'est-à-dire, essentiellement, une évaluation de principe. Cela a créé toute une série de différents processus d'évaluation de principe pour un bon nombre de ministères différents. Cela a suscité beaucoup de confusion et de malentendus pour les collectivités des Premières nations.

    Par exemple, le ministère des Affaires indiennes a promulgué une directive de paiement de transfert qui dit essentiellement que si l'on finance un projet dans une réserve, on doit effectuer une évaluation environnementale. Ensuite, cette responsabilité a été transférée à la collectivité de la Première nation concernée, ce qui revient à dire que l'on ajoute encore un bémol aux conditions de financement.

    Les Premières nations n'ont jamais participé à l'élaboration de cette politique. Elles n'ont jamais été consultées. Les Premières nations n'ont jamais reçu les ressources ni la formation nécessaires pour s'acquitter de ce travail. Cela a donc été une source de frustration et de confusion depuis le 19 janvier 1995.

    Aujourd'hui, dans les réserves, voici comment les choses se passent: le ministère des Affaires indiennes ou un autre ministère fournit le financement; la bande effectue une quasi-évaluation environnementale et remet cette évaluation au ministère des Affaires indiennes. Ce dernier la remet à son tour à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui l'examine, la refait, et la renvoie au ministère des Affaires indiennes. Ensuite, c'est signé pour signifier que cela a été fait. C'est un processus très lourd. Nous ne sommes toujours pas sûrs de comprendre pourquoi on exige des bandes qu'elles fassent ces évaluations puisque TPSGC les refait de toute façon.

    En ce qui concerne le projet de loi C-19 et les modifications qui pourraient influer sur la façon dont les choses sont faites aujourd'hui, on y propose de mettre fin à la lacune de financement qui figure au paragraphe 10(2). Cela donne donc aux collectivités des Premières nations l'obligation de respecter un processus, celui de la LCEE. C'est donc une bonne chose.

    Cela va également accroître la qualité et l'intégrité des évaluations faites dans les réserves, parce que les évaluations de principe ne passent pas, pour ainsi dire, par toutes les exigences de la LCEE. Par exemple, il n' y a pas un processus de participation publique. Dans la LCEE, c'est prévu. Nous trouvons donc qu'il s'agit d'une mesure positive.

    Nous trouvons également que le paragraphe 59(1) représente un changement positif. Il autorise les Premières nations à se doter de leur propre réglementation dans le cadre de la LCEE, pour leur propre régime d'évaluation environnementale. Cela constitue une occasion extraordinaire, puisque nous faisons déjà ces évaluations sans obtenir le financement correspondant. Si nous avions notre propre réglementation, nous pourrions peut-être recevoir le financement pour faire ce travail dans un esprit communautaire et ce serait une situation où chacun y trouverait son compte.

    J'ignore ce que l'avenir nous réserve, mais je crois que ce sera de deux choses l'une: le statu quo peut être maintenu. Le ministère des Affaires indiennes peut continuer d'imposer ses exigences aux Premières nations en établissant les conditions de financement et en leur disant que si elles veulent leur argent elles doivent effectuer une évaluation environnementale.

¿  +-(0910)  

    Le MAINC devra compter encore plus sur Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Il devra utiliser plus de ressources internes pour son processus de quasi-vérification. Dans les faits, il ne fait pas les évaluations, il les vérifie et ses ressources internes servent strictement à faire cette vérification. Il n'y a pas de contact avec les personnes qui font réellement les évaluations. Cela peut continuer de se dérouler ainsi. Ce que nous aimerions voir se produire, c'est qu'on établisse un programme qui permette la création d'une approche communautaire.

    Même un conseil tribal aussi important que la Confederacy of Mainland Mi'kmaq n'obtient aucun montant du MAINC pour faire des travaux environnementaux, y compris les évaluations et tous les autres travaux que j'effectue régulièrement. Nous devons utiliser les fonds avec beaucoup de doigté pour réussir à faire ces travaux. Si le ministère des Affaires indiennes veut que ce travail soit fait, nous estimons qu'il devrait payer. Nous sommes prêts à le faire et capables de le faire. Il nous faut simplement convaincre le ministère des Affaires indiennes du fait que nous existons et que nous pouvons assurer ces services.

    C'est tout ce que j'ai à dire.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Cox.

    Nous passons maintenant au chef national de l'Assemblée des premières nations, Matthew Coon Come. Je vous souhaite la bienvenue.

+-

    Le chef national Matthew Coon Come (Assemblée des Premières Nations): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

    Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.

    L'Assemblée des Premières Nations est l'organisme national qui représente les peuples des Premières Nations du Canada. En tant que chef national, je suis élu par les chefs des Premières Nations de tout le pays qui, eux, sont choisis par leurs citoyens. Nos gens vivent dans des collectivités des Premières Nations, en région rurale, dans le Nord et dans des centres urbains. Peu importe où nous choisissons de vivre, les terres et l'environnement ont toujours été au coeur de la vie des peuples des Premières Nations et de notre vision du monde.

    Nous déposons aujourd'hui le mémoire de l'Assemblée des Premières Nations sur le projet de loi C-19, qui modifie la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ce mémoire s'inspire des consultations menées par l'APN dans le cadre de l'examen quinquennal régulier de la LCEE. Nous avons rencontré des représentants d'organismes régionaux autochtones, des travailleurs communautaires et des experts, des dirigeants des Premières Nations et des membres du comité de l'environnement de l'APN. Nos consultations ont été approfondies et productives. Les constatations ont été déposées dans le cadre du processus d'examen officiel. Malheureusement, nos points de vue et nos formulations ne se retrouvent pas dans le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. Je sais que de nombreux autres organismes autochtones qui ont participé à ces travaux pensent comme nous.

    Pour que la consultation soit vraie et significative, elle ne doit pas s'en tenir au processus. Elle doit être axée sur les résultats. Le produit est tout aussi important que la méthode. Cela est particulièrement vrai lorsque l'État traite avec les Premières Nations, puisque nous entretenons une relation de fiduciaire. Cette relation doit être respectée chaque fois qu'un agent de la Couronne exerce ses pouvoirs d'une manière qui pourrait avoir une incidence sur les Premières Nations. La relation de fiduciaire s'applique à la grandeur du gouvernement. Elle ne lie pas simplement les Premières Nations et le ministère des Affaires indiennes, elle lie les Premières Nations et le Canada.

    Lorsqu'il est question des terres et de l'environnement, qu'il s'agisse d'une terre domaniale provinciale ou fédérale, les droits des Premières Nations doivent être reconnus et notre participation doit être respectée. Quand nos terres assujetties à des traités ou assorties du titre autochtone sont en cause, l'obligation légale de mener des consultations s'impose. Nous pouvons exercer certains droits sur ces terres, et la Couronne ne peut décider tout bonnement de les bafouer. Le gouvernement doit reconnaître que les Premières Nations ne sont pas simplement un autre groupe d'intérêt particulier.

    Les Premières Nations cherchent à établir une relation de gouvernement à gouvernement avec le Canada. Cela s'applique à tous nos échanges et vaut tout autant quand nous parlons des terres et de l'environnement. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 1999 reconnaît les gouvernements autochtones comme partenaires égaux. Toutefois, le Canada doit faire davantage pour que les valeurs autochtones soient intégrées à la loi canadienne et pour reconnaître la compétence des Autochtones en matière d'environnement. Nous sommes un troisième ordre de gouvernement et non une tierce partie.

    Le gouvernement nous réserve habituellement une table autochtone à ces processus d'examen, mais, parfois, cela ne sert qu'à marginaliser nos points de vue. Nous savons qu'une bonne partie de la négociation stratégique et de la prise de décisions entourant les terres et l'environnement se fait à la table fédérale-provinciale. Nous soutenons que les Premières Nations doivent se trouver autour de cette table lorsque la discussion porte sur les terres domaniales. Ce serait une table intergouvernementale, un débat ouvert à l'intention des principaux intervenants. Ainsi, les principales parties seraient présentes au moment de l'établissement de priorités et de la prise de décisions. Ce genre de communication ouverte a aussi l'avantage de tisser de meilleurs liens et de rendre les activités de mise en oeuvre plus harmonieuses et plus efficaces.

    Notre mémoire traite de ces grands principes, mais il contient aussi des recommandations, des corrections et des modifications précises pour que ces principes soient respectés. Nous souhaitons établir une nouvelle relation entre le Canada et les peuples autochtones par l'intégration de nos valeurs à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Une partie de ce travail implique la réorientation de la loi. À l'heure actuelle, la valeur sous-jacente clé semble être la prédominance du développement. Nous croyons que la loi devrait se concentrer sur la gérance et la protection de l'environnement.

    Je ne vous lirai pas le mémoire en entier. Je veux par contre aborder les trois principes stratégiques qui s'y retrouvent. Ces principes se sont dégagés de nos consultations auprès des Premières Nations et guident toutes nos recommandations.

¿  +-(0915)  

    Le premier principe est la reconnaissance et le respect des pouvoirs inhérents égaux des Premières Nations dans la mise en place de systèmes d'évaluation environnementale qui s'appliquent non seulement aux terres de réserve mais plus généralement aux terres frappées d'un titre autochtone et aux territoires traditionnels. Ces systèmes d'évaluation environnementale doivent porter un regard plus vaste sur ce que nous appelons les effets environnementaux. Les effets environnementaux potentiels doivent englober les répercussions sociales et économiques sur notre mode de vie et, sur une note tout aussi importante, les répercussions sur notre capacité de pratiquer nos modes de vie traditionnels.

    Nous croyons que le préambule du projet de loi C-19 constitue un point de départ logique pour la réorientation du projet de loi. Nous avons indiqué les amendements que nous proposons au préambule, de même que quelques changements aux définitions.

    Par ailleurs, notre mémoire comporte une annexe tirée du récent rapport de la Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique. Ce groupe, qui s'inscrit dans le Programme des Nations Unies pour l'environnement, a clos sa sixième rencontre le 19 avril, à la Haye.

    L'annexe consiste en une décision endossée par les signataires, dont le Canada. La recommandation vise à faciliter la participation des Premières Nations aux évaluations environnementales lorsque les travaux proposés concernent des territoires traditionnels. Les territoires englobent les terres, les cours d'eau et les sites sacrés. Cette recommandation stipule que les études sur les impacts doivent tenir compte des aspects sociaux, culturels et environnementaux.

    L'annexe est beaucoup plus détaillée, mais elle est conforme à nos recommandations et nous l'avons donc ajoutée pour mieux informer les membres du comité.

    Le deuxième principe que nous proposons est le suivant: les lois autochtones ainsi que les valeurs et principes environnementaux autochtones doivent être intégrés au texte de la loi canadienne. La loi fédérale doit refléter les points de vue des Premières Nations sur des concepts fondamentaux comme le développement durable et les effets environnementaux. Cela reprend l'engagement que le Canada a accepté lorsque, en 1992, il a signé la Déclaration de Rio des Nations Unies. Cette déclaration est jointe en annexe à notre mémoire.

    Nous ne faisons donc que presser le gouvernement de donner suite à son engagement et d'honorer ces obligations internationales. Une fois de plus, notre exposé présente plusieurs façons d'appliquer ce principe.

    Le troisième et dernier principe tient à la nécessité d'établir le financement et le renforcement des capacités pour soutenir la compétence des Premières Nations en matière d'environnement. Je sais bien que nous parlons aujourd'hui des amendements au projet de loi. Toutefois, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a toujours négligé de prévoir le financement et le renforcement des capacités des Premières Nations. Elles doivent être en mesure de participer pleinement à des activités d'évaluation environnementale à titre de partenaires égaux à d'autres ordres de gouvernement.

    À l'heure actuelle, la majorité des Premières Nations n'ont même pas des capacités minimales. La plupart ne comptent même pas un gestionnaire de l'environnement ou une personne-ressource qui puisse fournir le soutien technique nécessaire. Pourtant, dans certaines circonstances, la loi donne à la Première nation concernée la responsabilité de mener une évaluation environnementale.

    Or, il faut préciser que nos objectifs ne sont pas contradictoires. La gestion des terres et l'évaluation environnementale sont des domaines dans lesquels les Premières Nations souhaitent assumer davantage de responsabilités par rapport au gouvernement fédéral. À cette fin, les Premières Nations veulent de la formation et du financement. Nous devons consacrer nos efforts au renforcement des capacités et au soutien technique pour le travail de gestion de l'environnement à l'échelle communautaire. Faute de cela, la loi ne serait que de bonnes intentions sans fondement. Donnons vie à ces bonnes intentions.

    Notre mémoire propose deux nouveaux articles qui permettront d'atteindre cet objectif. L'intention est d'assurer que les Premières Nations et les gouvernements disposent des capacités et des pouvoirs de décision nécessaires pour mettre en oeuvre les amendements proposés. Plus généralement, le renforcement des capacités et des ressources humaines et techniques favorise notre objectif commun, à savoir le développement économique et la formation.

    Les trois principes dont j'ai parlé sont tous reliés. Ils s'appuient l'un sur l'autre et se renforcent. Nous invitons le comité à les prendre sérieusement en considération.

    En dernier lieu, je voudrais insister sur notre recommandation de modifier l'article 16.1 et d'en préciser le sens. Cette disposition doit être renforcée de sorte que les connaissances locales et les connaissances et traditions autochtones soient plus que de simples points à considérer dans une évaluation environnementale. Il doit y avoir une volonté marquée d'intégrer les valeurs des Premières Nations dans l'esprit même de la loi, sans quoi nous risquons de banaliser ou de marginaliser les traditions intellectuelles des Premières Nations.

¿  +-(0920)  

    Nous ne recommandons pas l'intégration obligatoire du savoir traditionnel à toute évaluation. Nous voulons simplement reconnaître que certains aînés ou gardiens du savoir pourraient hésiter à divulguer leurs connaissances pour des raisons personnelles, spirituelles ou culturelles. Ces raisons doivent être respectées.

    Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité aujourd'hui. J'espère que vous examinerez notre mémoire de près et que vous l'accueillerez dans l'esprit dans lequel il est présenté. À l'Assemblée des Premières Nations, notre travail consiste à établir des ponts pour que les peuples des Premières Nations et la population canadienne se comprennent et à reconnaître les forces de chacun ainsi que ce que nous pouvons nous offrir l'un l'autre.

    Lorsqu'il s'agit des terres et de l'environnement, les Premières Nations servent de pont entre le savoir traditionnel et la science moderne. Nous avons un pied dans chaque monde et voyons les liens à tous les points du parcours. C'est pourquoi des échanges continus et les consultations constructives sont tout aussi nécessaires que le reste. Nous voulons progresser ensemble dans un esprit de reconnaissance et de respect mutuels. Cette responsabilité envers les nôtres et envers les générations à venir nous incombe.

    Je vous remercie.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, chef Coon Come.

    Je donne maintenant la parole à David Walkem, de la Nicola Tribal Association. Bienvenue parmi nous.

+-

    M. David Walkem (coordonnateur de l'exploitation forestière, Nicola Tribal Association): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité de m'avoir invité à vous parler.

    Je m'appelle David Walkem. Je suis le chef de la bande Cook's Ferry de la nation Nlaka'pamux. Je suis également coordonnateur de l'exploitation forestière de la Nicola Tribal Association. Cette association compte six bandes de la nation Nlaka'pamux: les bandes Lower Nicola, Coldwater, Nooaitch, Shackan, Cook's Ferry et Siska ainsi qu'une bande de la nation Okanagan, la bande Upper Nicola.

    Ces bandes occupent des territoires traditionnels situés principalement dans la vallée de la Nicola ainsi que le long du fleuve Fraser et de la rivière Thompson dans l'intérieur sud de la Colombie-Britannique. Nous sommes à environ trois heures de route au nord-est de Vancouver et à une heure au sud-ouest de Kamloops. Nous sommes un peu plus de 3 000 Autochtones des nations Nlaka'pamux et Okanagan vivant dans des réserves et nous représentons environ 25 p. 100 des habitants de la région de Merritt.

    Nos membres ont participé à un certain nombre d'opérations commerciales conjointes; ils sont propriétaires de terrains et d'entreprises et ils s'occupent d'exploitation forestière et de pêche. Par exemple, nous nous occupons de gestion des pêches par l'entremise de la Nicola Watershed Stewardship and Fisheries Authority (administration de gérance et de pêche du bassin de la Nicola) qui emploie près de 60 personnes dans le secteur de gestion de l'habitat halieutique.

    Nous avons également établi le groupe de recherche Tmixw au sein de notre agence. Son objectif est de recueillir et d'utiliser les connaissances traditionnelles dans nos processus de gouvernance. Tmixw Research cherche à intégrer deux perspectives scientifiques contradictoires, celle de la science occidentale et celle de la science autochtone, au moyen de l'intégration des connaissances traditionnelles et des méthodes contemporaines.

    Je vous indique cela pour vous aider à mieux comprendre les expériences que nous avons dans divers processus de développement.

    J'ai deux raisons de comparaître devant vous ce matin. Tout d'abord, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a des répercussions importantes dans nos vies. Nous trouvons essentiel de travailler avec d'autres gouvernements pour susciter une évolution positive. En adoptant nos recommandations, vous ferez en sorte que les mesures appropriées sont prises pour protéger l'environnement ainsi que notre relation avec nos terres ancestrales au Canada à tout jamais. Notre participation à cette discussion naît du désir d'améliorer les processus actuels d'évaluation environnementale, de sorte qu'ils témoignent mieux de nos intérêts et de ceux des personnes qui ont choisi de vivre et de s'établir sur nos terres ancestrales.

    Deuxièmement, nous souhaitons appuyer les constats et les recommandations de l'APN. Plus particulièrement, nous tenons à souligner l'importance, dans le mémoire de l'APN, des questions et des recommandations suivantes: premièrement, il faut reconnaître les droits, les titres et les compétences autochtones. Deuxièmement, il faut reconnaître la valeur des connaissances traditionnelles. Troisièmement, il est nécessaire d'assurer la participation significative des Premières Nations dans les processus d'évaluation environnementale. Quatrièmement, il faut assurer le financement de la participation des Premières Nations. Je traiterai de chacune de ces questions dans l'ordre.

    Pour ce qui est de la reconnaissance des droits, des titres et de la compétence autochtones, la loi actuelle ne reconnaît pas nos intérêts relativement à nos terres ancestrales. Elle nous limite aux seules réserves indiennes et aux autres terres dont il est fait état dans les ententes de revendications territoriales avec le gouvernement fédéral. Des processus tels que celui-ci doivent reconnaître la situation et créer l'environnement nécessaire pour tirer au clair ces questions de droits et de titres autochtones. Négliger cela revient à créer des problèmes pour l'avenir. La reconnaissance des droits, des titres et des compétences autochtones constitue l'exigence première pour parvenir à une participation sérieuse des Premières Nations à l'un de ces processus.

    Nous sommes d'accord avec la recommandation qui stipule qu'il faut des processus axés sur la relation de gouvernement à gouvernement. La portée des évaluations environnementales doit être élargie de façon à reconnaître que les Premières Nations sont l'une des autorités responsables et à créer des obligations fiduciaires fédérales pour les chantiers provinciaux qui ne sont pas actuellement pris en compte par ce processus. Les travaux de développement qui s'effectuent sur nos terres traditionnelles et qui ont une incidence sur nos droits et nos titres ont des impacts qui se font sentir hors des réserves et principalement dans le cadre d'activités des gouvernements provinciaux. Nous estimons que la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral l'oblige de voir à ce que nos droits et nos titres soient protégés dans le cadre de ces travaux.

¿  +-(0925)  

    Deuxièmement, au sujet de la reconnaissance de la valeur des connaissances traditionnelles, le processus actuel se concentre sur les besoins des personnes concernées pour une période très limitée. Par exemple, en Colombie-Britannique, le passé archéologique est identifié comme étant tout ce qui est antérieur à 1846. Rien de ce que nous faisons sur nos terres aujourd'hui ou que nous avons continué de faire sur nos terres aujourd'hui n'est pris en considération. Nous avons un patrimoine considérable de connaissances traditionnelles acquises par notre relation directe à la terre qui est inexploité. Actuellement, cela n'est pas pris en compte. Nous pensons que l'inclusion de ces connaissances aura un impact positif considérable sur le processus de développement.

    Par exemple, nous participons aux travaux de la Nicola-Similkameen Innovative Forestry Society, dans le district de la forêt de Merritt, en Colombie-Britannique. La superficie visée est d'environ un million d'hectares. Nous collaborons avec toutes les grandes industries forestières, le gouvernement provincial et toutes les bandes autochtones de la région pour établir un processus qui tienne compte des valeurs des Premières Nations dans les régimes d'exploitation et de gestion qui auront cours dans cette zone. Nous travaillons également en étroite collaboration avec ces agences et ces gouvernements pour que ces méthodes soient incluses dans l'aménagement du territoire. Nous trouvons que cette expérience est tout à fait pertinente dans le cadre du processus d'évaluation environnementale parce que nous nous sommes dotés de cette capacité et que nous réussissons à fusionner les leçons tirées du passé et les connaissances traditionnelles dans un système destiné à être là pour toujours.

    En outre, la Loi sur l'évaluation environnementale doit assurer que, pour chaque projet, on entreprenne des études culturelles et patrimoniales plus exhaustives. Il est essentiel d'inclure les valeurs des Premières Nations dans ces projets et dans la définition du développement durable, pour assurer que toute évaluation environnementale tienne compte des valeurs des Premières Nations.

    En ce qui concerne la participation plus active des Premières Nations au processus... Actuellement, le processus d'évaluation environnementale est un cheminement bureaucratique où les Premières Nations interviennent très peu. La plupart de ces évaluations et de ces vérifications ne tiennent pas compte de la moindre de nos valeurs. Comme je l'ai déjà dit, l'essentiel de l'impact du développement assorti l'incidence du gouvernement provincial sur nos droits et nos titres n'est pas pris en considération.

    Nous croyons qu'une participation authentique des Premières Nations au processus permettrait de dégager de meilleures informations pour la prise de décisions touchant les impacts environnementaux. Cela entraînera une amélioration de la gestion environnementale et mènera également à une meilleure acceptation des travaux entrepris. Nous ne nous opposons pas au développement. Nous voulons qu'il se fasse en respectant nos valeurs, en respectant l'environnement et en étant durable à long terme. Il faut donc également tenir compte des avantages économiques équitables offerts à tous, y compris nous-mêmes.

    Nous recommandons que la loi soit révisée de façon qu'elle s'applique partout où il y a possibilité de violation des droits autochtones ou d'effets négatifs sur les terres et les ressources des patries autochtones.

    En dernier lieu, au sujet du financement de la participation des Premières Nations, nous n'avons actuellement aucun mécanisme pour financer notre participation à ces études. Nos gouvernements de bandes ne sont pas financés pour offrir ce type de compétence. Nous sommes à peine financés pour répondre aux besoins sociaux et à l'instruction de nos collectivités.

    La loi doit prévoir deux niveaux de financement de soutien, le premier consistant en une augmentation des fonds accordés par les proposeurs en ce qui concerne les initiatives immédiates axées sur un projet ou sur de la recherche, et le deuxième consistant en la création d'une capacité à plus long terme, au moyen d'accords de mise en commun des ressources dans le cadre des ententes de gouvernement à gouvernement.

¿  +-(0930)  

    Pour résumer, les membres de la Nicola Tribal Association sont progressistes et se sont révélés parfaitement aptes à s'adapter à la situation au fil des ans. Il nous faut toutefois les fonds nécessaires et les ressources législatives pour participer pleinement et de façon significative au développement de nos terres ancestrales.

    Nous croyons qu'en adoptant les recommandations que nous avons présentées ainsi que celles de l'APN, le gouvernement canadien améliorerait considérablement l'efficacité et l'efficience de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il favoriserait beaucoup l'inclusion des valeurs des Premières Nations dans les divers processus et dans la gestion de l'environnement et augmenterait le bien-être économique de tous ceux qui vivent sur nos terres ancestrales.

    Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous faire cet exposé ce matin.

¿  +-(0935)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Walkem.

    Nous entendrons maintenant Jose Kusugak, le président de l'Inuit Tapirisat du Canada. Bienvenue.

+-

    M. Jose Kusugak (président, Inuit Tapiriit Kanatami): Merci, madame la présidente.

    Je voudrais signaler que les Inuits ont créé cet organisme il y a 30 ans pour qu'il les représente dans les domaines de la langue, de la culture, de l'environnement, etc. Les Inuits de la région du Mackenzie ont terminé les négociations sur les revendications territoriales avec le gouvernement fédéral il y a plusieurs années; ensuite, ce fut le cas du Nunavut et du nord du Québec, puis du Labrador, qui a signé une entente de principe l'année dernière. Une ère nouvelle commence maintenant pour notre organisme. Il a désormais pour sigle ITK, soit Inuit Tapiriit Kanatami. Inuit Tapirisat signifie «ils vont s'unir à l'avenir», car à l'époque, le Labrador n'en faisait pas encore partie. Trente ans plus tard, nous sommes un organisme unique, appelé Inuit Tapiriit Kanatami, ce qui signifie organisation des Inuits au Canada.

    Nous avons toujours travaillé dans le domaine de l'environnement depuis 1972; j'étais alors enfant. J'ai le plaisir de vous présenter Natan Obed, du Labrador, qui n'était sans doute pas né lorsque nous avons créé l'organisme. C'est lui qui va présenter l'essentiel de notre exposé ce matin et il va vous montrer que nos jeunes ont repris le flambeau après leurs pères, en quelque sorte.

    Jamie Kneen est notre conseiller technique dans ce domaine depuis plusieurs années. En fait, je l'ai rencontré lorsque j'assumais d'autres fonctions pour Nunavut Tunngavik Inc. il y a quelques années.

    Quand nous étions en train de négocier les revendications territoriales avec le gouvernement fédéral, nous y avons ajouté des articles concernant l'environnement. Cela signifie, pour moi comme pour vous, je suppose, que le gouvernement fédéral et les Inuits conviennent de se servir de tous les atouts des Inuits, du reste du Canada et du gouvernement fédéral pour mettre en place de bonnes politiques et pour collaborer à la protection de l'environnement. J'espère que c'est dans cet esprit que Natan va intervenir.

    J'en profite pour vous remercier de poursuivre vos efforts en faveur de l'adoption du projet de loi C-5, malgré ses éventuelles conséquences politiques défavorables. Votre diligence permet d'envisager un renforcement de la compréhension et de la collaboration entre la Couronne et les Inuits. Je peux vous assurer que les Inuits du Canada sont tout à fait disposés à contribuer à la démarche générale d'évaluation environnementale telle qu'elle est envisagée dans nos ententes sur les revendications territoriales, de façon à assurer un avenir durable pour tous les Canadiens.

    Je cède maintenant la parole à Natan pour l'exposé principal.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Avant que Natan ne commence, je voudrais vous souhaiter officiellement la bienvenue devant notre comité. C'est très enthousiasmant de voir un jeune qui parle au nom de son peuple. Bienvenue.

+-

    M. Natan Obed (Inuit Tapiriit Kanatami): Merci beaucoup et bonjour à tous.

    J'espère que vous avez pris connaissance des documents de mars 2000 présentés par l'Inuit Tapiriit Kanatami et par l'Association des Inuits du Labrador, que nous vous avons fait parvenir de nouveau en février dernier. Aucune des propositions qui y figurent n'a été officiellement évoquée ou intégrée dans les amendements, et nous estimons qu'elles exposent toujours de façon pertinente les nombreux problèmes que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pose aux Inuits du Canada.

    Aujourd'hui, nous vous soumettons un document d'accompagnement intitulé Inuit Rights, Land Claim Agreements and the Canadian Environmental Assessment Act, qui précise le point de vue des groupes inuits concernant la LCEE. J'espère que ce document permettra de répondre à vos questions d'ordre technique. Malheureusement, notre organisme n'a pas réussi à préparer ce document suffisamment tôt pour le faire traduire, et je vous prie de nous excuser de ce qu'il n'est pas disponible en français. Nous comprenons parfaitement la nécessité que chacun puisse travailler dans sa langue et nous vous prions de nous excuser de cet inconvénient.

    Je voudrais commencer en vous présentant brièvement notre organisme et en évoquant les différentes régions qu'occupent les Inuits du Canada au plan politique. L'Inuit Tapiriit Kanatami, appelé également ITK, est le porte-parole national des Inuits du Canada. L'ITK représente les régions inuites dans les dossiers socio-économiques, juridiques et judiciaires, de la santé et de l'environnement. Environ 30 p. 100 de la superficie de ce pays, soit trois millions de kilomètres carrés, est confié à l'intendance des Inuits dans quatre régions politiques distinctes.

    Nos quatre régions sont la région d'Inuvialuit dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, la région de Nunavik dans le nord du Québec et la région du Nunatsiavut dans le nord du Labrador. Toutes ces régions, à l'exception du Labrador, ont conclu des ententes complètes sur les revendications territoriales. Plus de 43 p. 100 du littoral océanique du Canada se trouve dans ces régions. En outre, une partie importante des eaux territoriales et des eaux intérieures se trouvent dans la zone des revendications territoriales des Inuits. Nous sommes donc responsables d'un territoire considérable, et nous prenons cette responsabilité très au sérieux.

    Notre organisme, qui s'appelait autrefois Inuit Tapirisat du Canada, a été créé en 1971 avec le mandat explicite d'aider chaque région inuite à régler ses revendications territoriales en suspens avec le gouvernement du Canada.

    L'un des éléments moteurs de notre désir de conclure des ententes complètes sur les revendications territoriales a été notre volonté d'assurer la protection de l'environnement arctique fragile dans lequel nous vivons, et sa mise en valeur avec l'accord et la participation des Inuits, et moyennant leur pleine rétribution. Notre subsistance et notre bien-être dépendent de la terre, de l'eau et de la glace. Les Inuits assurent l'intendance de l'Arctique depuis des centaines de générations et ils entendent bien continuer à jouer ce rôle important à l'avenir.

    En définitive, les Inuits ne souhaitent que le bien de la terre où ils vivent. C'est pourquoi une mesure législative concernant l'environnement revêt à leurs yeux une importance capitale. Leur lien étroit avec la terre et la faune a été renforcé par l'importance qu'ils accordent à la mise en place de mécanismes d'évaluation et de protection de l'environnement et de la faune dans chacune des ententes sur les revendications territoriales.

    Les Inuits estiment que les mécanismes d'évaluation environnementale qu'ils ont négociés et qui figurent dans chacune des ententes doivent avoir préséance sur la LCEE, car ils conviennent mieux à l'Arctique, étant donné qu'ils ont été conçus par les Inuits pour les territoires habités par eux.

    De concert avec le gouvernement, nous avons travaillé sans ménager nos efforts pour définir une procédure d'évaluation environnementale sérieuse et complète qui fasse intervenir les Inuits dans toutes les prises de décisions. Nous ne voulons pas perdre cet acquis. Nous ne voulons pas davantage édulcorer nos ententes en acceptant de nous conformer aux dispositions de la LCEE alors que des mécanismes parfaitement satisfaisants s'appliquent déjà.

    Grâce à la cogestion, nos régions, à l'exception du Nunatsiavut, ont mené avec succès des évaluations environnementales aux termes des dispositions des ententes sur les revendications territoriales bien avant l'entrée en vigueur de la LCEE en 1995. Cette loi est venue embrouiller nos mécanismes d'évaluation environnementale qui avaient fait leurs preuves. Dans bien des cas, on nous a demandé de reprendre des évaluations déjà effectuées ou de nous conformer spécifiquement aux dispositions de la LCEE. Il a fallu faire ce travail en plus de celui qu'exigeaient nos ententes.

    Nos administrateurs et nos spécialistes régionaux étaient déjà surchargés de travail, et la responsabilité supplémentaire de l'application de la LCEE n'a pu que nuire à leur efficacité. Au lieu de nous imposer ce surcroît de travail, il aurait fallu que le gouvernement nous fournisse les ressources et la formation nécessaires pour que les régions puissent faire le meilleur travail possible dans le cadre des mécanismes des ententes sur les revendications territoriales. À la faveur de la révision quinquennale, nous espérions officialiser la relation entre notre mécanisme et celui de la LCEE, de façon à éviter les double emploi et le gaspillage de ressources.

¿  +-(0940)  

    Nous demandons la reconnaissance des ententes sur les revendications territoriales et de leurs régimes respectifs d'évaluation environnementale dans le cadre de la LCEE. C'est ce qui a été revendiqué par nos régions lors des révisions quinquennales, avec l'appui du comité consultatif de réglementation auquel siège l'ITK. Ce comité consultatif a convenu qu'il fallait spécifiquement reconnaître dans la loi les mécanismes et les pouvoirs d'évaluation environnementale établis en droit, notamment dans les ententes globales sur les revendications territoriales. Il a également estimé qu'on préciserait ainsi le rapport entre les procédures prévues dans la loi et celles qui ont été créées par d'autres accords et par leur loi de mise en oeuvre. Cette recommandation n'a pas trouvé d'écho dans le projet de loi C-19.

    Il est certainement possible de régler les questions en suspens. Peut-être n'est-il pas trop tard pour ajouter à la loi un article qui reconnaîtrait les ententes sur les revendications territoriales et leurs régimes respectifs d'évaluation environnementale dans le cadre de la LCEE.

    Nous comprenons votre désir de limiter la portée du débat d'aujourd'hui aux quatre piliers du projet de loi et même si l'amendement nécessaire est assez simple, sa présentation officielle risque d'être compliquée. Nous sommes conscients des conséquences politiques, pour le gouvernement fédéral, d'une reconnaissance officielle des accords qu'il a conclus et qui sont protégés par l'article 35 de la Constitution.

    Si nos préoccupations ne peuvent être prises en compte dans le projet de loi C-19, peut-être pourra-t-on envisager d'autres voies permettant d'attendre le même objectif. Votre comité pourrait former avec le comité des affaires autochtones un groupe qui serait chargé de déterminer si la LCEE s'applique ou non sur les territoires des groupes autochtones qui ont conclu des ententes de revendications territoriales. Ce groupe parlementaire pourrait également étudier et proposer d'autres mesures au profit des groupes autochtones qui ne sont pas bien protégés par la formulation actuelle de la LCEE.

    Le Nunatsiavut, par exemple, est un groupe autochtone non soumis à un traité, reconnu par le gouvernement fédéral et qui n'a pas conclu d'ententes sur les revendications territoriales. Il fait partie des groupes auxquels la LCEE n'assure qu'une protection limitée. À bien des égards, il est traité comme l'ensemble des citoyens et éprouve des difficultés à participer aux consultations d'évaluation environnementale. Il faudrait résoudre ce problème, d'autant que de nombreux groupes d'Autochtones du Canada se retrouvent dans la même situation.

    Il existe d'autres sujets importants à nos yeux qui ont reçu un très large appui, notamment de la part du comité consultatif, et qui n'apparaissent pas dans le projet de loi C-19. L'évaluation des politiques et des programmes est d'une importance capitale pour les Inuits, dans la mesure où nous sommes tous régis par les politiques et les programmes fédéraux. Ainsi, bien que nous ayons évalué très minutieusement les conséquences des pêches inuites, le gouvernement fédéral pourrait mettre en oeuvre des programmes permettant l'épuisement des ressources halieutiques, ce qui constituerait une grande perte pour nous comme pour tout le monde. On ne saurait ignorer le fait que les poissons ne respectent pas les limites administratives.

    Nous avons accueilli favorablement les progrès apportés par certains amendements dans le cadre de la révision quinquennale. Nous aimerions mettre en relief le travail réalisé par l'organisme et le comité consultatif de la réglementation pour rendre applicables les dispositions sur les espèces transfrontalières et pour améliorer les perspectives de participation du public dans le cadre de la loi.

    Nous ne voulons pas faire obstacle au progrès. Nous ne souhaitons que le bien de nos terres. Les Inuits du Canada sont prêts à participer à toutes les activités d'évaluation environnementale de façon à assurer un avenir durable pour tous les Canadiens. Si nous ne réussissons pas aujourd'hui, nous attendrons patiemment la prochaine occasion.

    Encore une fois, merci de nous avoir donné la parole aujourd'hui. Nous serons toujours prêts à collaborer avec vous.

¿  +-(0945)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Obed et monsieur Kusugak.

    M. Lunn apparaît sur ma liste, comme d'habitude. Vous avez cinq minutes.

+-

    M. Gary Lunn (Saanich--Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Premièrement, j'aimerais remercier nos témoins de leurs exposés, que j'ai trouvés très judicieux et qui m'ont beaucoup appris.

    Je pense qu'un thème général se dégage des propos tenus par tous les groupes. C'est la question du financement--et encore une fois, j'essaie ici de prendre un peu de recul. L'absence de dispositions dans la loi actuelle concernant le financement qui permettrait aux Premières Nations de participer à la démarche est très préoccupante. Rien n'est prévu à cet égard, pas plus qu'en ce qui concerne la formation et les experts nécessaires au travail d'évaluation environnementale.

    Voilà le principal message que je perçois: les ressources et la formation permanente permettant une véritable participation. Tout le monde a clairement indiqué sa volonté de participer au processus pour assurer le succès des évaluations environnementales.

    Je voudrais simplement m'assurer d'avoir bien compris. Commençons si vous voulez bien, madame la présidente, par M. Coon Come, et j'inviterais également M. Obed à se prononcer sur les ressources, même si les Autochtones qu'il représente sont dans une situation légèrement différente. Est-ce bien cela?

    Mais avant de céder la parole, j'aimerais savoir si vous demandez que ces changements soient intégrés au projet de loi C-19 parce qu'ils n'y figurent pas actuellement?

¿  +-(0950)  

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.

    Dans notre mémoire, nous avons évoqué la nécessité du financement, mais comme vous l'avez bien dit, rien n'est prévu dans la loi en matière de financement et de ressources. Le texte semble indiquer une participation des Premières Nations, mais uniquement à l'intérieur des réserves.

    Nous demandons tous un élargissement du régime d'évaluation environnementale, une extension de la notion d'impact environnemental, de façon à y englober les conséquences sociales et économiques sur le mode de vie.

    J'insiste personnellement sur ce point car j'estime que les Premières Nations ne sont pas hostiles au développement, mais il faut qu'elles puissent donner leur avis. On peut sans doute dire que 80 p. 100 des 633 Premières Nations occupent des terres qui vont être expropriées à cause du développement, parce que nous voulons créer de l'emploi et stimuler l'économie de ce pays. Cela signifie que 80 p. 100 des 633 Premières Nations vont subir les conséquences de l'exploitation forestière et minière, des constructions d'ouvrages hydroélectriques et des pipelines.

    Il faut absolument que les Premières Nations interviennent dès le début dans la réalisation des évaluations environnementales. Dans le Nord, c'est le mode de vie qui s'en trouve modifié, même en Colombie-Britannique, même chez les Mi'kmaqs.

    Il faut donc permettre aux Premières Nations d'accéder aux ressources indispensables pour concevoir un vaste plan d'aménagement du territoire qui leur permettra d'exercer leurs droits de cueillette, de chasse et de pêche. Un plan est indispensable, car le développement aura des conséquences sur des zones d'habitat faunique qu'il importe de protéger et de bien connaître.

    J'ajouterai, madame la présidente, qu'en ce qui concerne l'exploitation des terres des Premières Nations, la souplesse des enquêtes publiques indépendantes est indispensable. Nous avons effectivement le projet de loi C-19 qui évalue l'impact environnemental, mais de grands projets de mise en valeur vont être réalisés. La loi ne suffira pas à elle seule à couvrir toutes les activités requises par les projets déjà amorcés.

    Comme vous le savez, je suis intervenu auprès de ceux qui demandaient une enquête publique indépendante sur le projet Grande baleine au Québec, pour aller au-delà de ce que les promoteurs du projet... On suppose qu'ils prennent les meilleures décisions parce qu'ils sont là depuis 50 ans, mais ils ne permettent pas la tenue d'un véritable débat public sur le projet, et ne fournissent pas les ressources financières et humaines nécessaires à son évaluation.

    Il faut étudier la situation en cas de non-réalisation du projet, les autres formes que pourrait prendre chaque projet, il faut faire preuve de créativité et d'esprit d'innovation. Tout cela n'est possible qu'avec des ressources financières et humaines suffisantes.

+-

    M. Natan Obed: Madame la présidente, nous avons des ententes de financement pour l'évaluation environnementale, mais les ententes sur les revendications territoriales prévoient des relations plus constructives dans ce domaine avec le gouvernement fédéral en matière de mise en valeur du potentiel, de formation et d'expertise. Des améliorations sont possibles, mais nous avons déjà du financement pour cela.

+-

    M. Gary Lunn: C'est bien ce qu'il me semblait.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Merci, madame la présidente.

    J'aimerais faire la même entrée en matière que M. Lunn. Ce que j'ai compris de votre présentation de ce matin, qui tend vers le même constat, c'est que vous voulez une relation de nation à nation, une relation de gouvernement à gouvernement dans le cadre du processus environnemental, bien sûr, mais aussi en matière développement économique et communautaire. Je dois dire que j'adhère entièrement à cette notion qui me semble fondamentale sur le territoire canadien.

    D'ailleurs, M. Saganash, qui a présenté un mémoire la semaine dernière, disait qu'en matière de développement, il était bien heureux de voir que le Québec et les Cris avaient conclu une entente et que les Cris seraient prêts à conclure le même type d'entente avec le gouvernement fédéral. C'est cette notion de relation de nation à nation qui doit être inscrite dans une telle entente.

    Cela dit, je comprends aussi que vous souhaitez que les accords territoriaux et les lois de mise en oeuvre de ces accords, ainsi que votre savoir-faire soient reconnus dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

    Voici ma question. Vous savez probablement qu'au Québec, nous avons la Loi sur la qualité de l'environnement. La semaine dernière, Mme Paule Halley, du Comité consultatif de l'environnement Kativik, nous a indiqué, en parlant de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, et je cite:

...depuis la fin des années 1970, on retrouve au Québec une reconnaissance formelle du régime de la convention dans le chapitre 2 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec, qui met complètement en oeuvre les termes de la convention.  Ce sont des régimes séparés de ceux du Sud. C'est complètement reconnu et ça fonctionne très bien.

    Ne croyez-vous pas que c'est ce type de modification qu'on devrait apporter au projet de loi C-19 pour en arriver à un rapport d'égal à égal entre deux nations?

¿  +-(0955)  

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup. Meegwetch. Je viens du nord du Québec. J'ai négocié environ 8 p. 100 de cette convention avant de quitter le Québec pour devenir chef national et je connais donc bien l'entente signée par les Cris et le gouvernement du Québec.

    Nous avions évidemment l'intention de prendre en charge certaines des responsabilités que le gouvernement du Québec n'avait pas assumées; nous voulions gérer les fonds correspondants et assumer les obligations du Québec. Le régime environnemental et le régime des terres étaient très importants pour nous, car ils sont connexes. On ne peut pas séparer la terre et l'environnement.

    Je suis d'accord avec vous; de nombreuses négociations sur les revendications territoriales sont actuellement en cours dans ce pays. Il va y avoir des extensions. Il existe un organisme indépendant, la Commission sur les revendications particulières des Indiens, qui s'occupe de l'expansion des terres des réserves actuelles, à propos desquelles la majorité des Premières nations sont en procès à cause d'un titre autochtone ou d'un projet d'exploitation. Par conséquent, il va y avoir une extension des réserves actuelles, que ce soit de six kilomètres carrés de territoire... C'est pourquoi nous demandons une extension de l'autorité et de la responsabilité lorsqu'un impact environnemental est provoqué, mais pas uniquement sur les terres des réserves, car d'autres ententes sur les revendications territoriales seront signées dans un proche avenir.

    Prenons l'exemple de la Colombie-Britannique. Une fois que ces traités seront signés, on appliquera leurs dispositions sur les terres concernées, notamment en matière environnementale. Il faut donc en tenir compte dans la loi et prévoir une extension dans les cas où des pouvoirs ont été conférés, on applique aux terres des régimes comportant un élément environnemental. Comment intégrer tout cela à la loi? Je considère qu'il va falloir modifier la Loi sur les Indiens pour tenir compte de la réalité sur le terrain, car les réserves vont être étendues. Il va y avoir des ententes d'adhésion.

    Il existe actuellement une cinquantaine d'ententes qui ont été négociées et signées par les Premières nations; elles portent sur des terres qui ne sont pas nécessairement adjacentes aux réserves, qui peuvent se trouver à la périphérie de certaines villes, comme Calgary. Ces terres ne sont pas nécessairement dans les réserves. Il faut donc étendre la portée de la loi.

    Je suis donc tout à fait d'accord pour dire qu'il faut modifier la loi. C'est pourquoi nous demandons la reconnaissance du territoire, et non pas uniquement des réserves, afin que les Premières nations puissent participer aux évaluations.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Un autre témoin, M. Walkem, voudrait intervenir.

+-

    M. David Walkem: Oui, merci. Veuillez m'excuser, je ne parle pas français. Je compte sur votre indulgence.

    C'est particulièrement important pour nous, puisque nous ne sommes pas... Notre nation comprend 15 bandes indiennes, et j'en représente six, de la nation Nlaka'pamux. Ce n'est qu'une des deux seules nations de la Colombie-Britannique dont aucune communauté ne fait partie du processus de traité.

    Nous ne cherchons pas à faire partie du processus de traité dans sa structure actuelle, et par conséquent, nos problèmes ne sont pas réglés dans ce cadre-là. Ce que nous avons essayé de faire et ce sur quoi nous travaillons avec diligence, c'est la mise sur pied d'un accord de cogestion, de gouvernance conjointe, avec les divers paliers de gouvernement. L'une des grandes questions sur lesquelles nous avons travaillé au cours des cinq dernières années, c'est la cogestion dans le district de la forêt Merritt, dont j'ai parlé plus tôt.

    Il importe de comprendre que cette loi ne prend pas en compte mes droits autochtones, qui sont touchés sur environ 99,9 p. 100 de mon territoire traditionnel, puisque la plupart de ces incidences se rapportent à des projets qui ne sont pas financés par le gouvernement fédéral. La plupart des effets qui relèvent du gouvernement fédéral sont faibles, au niveau de la sélection, et nous n'avons pas notre mot à dire.

    Ce qui importe vraiment, c'est ce dont a parlé le premier intervenant, au sujet de questions d'importance. Il y a le financement, bien sûr, mais à mes yeux, ce qui compte le plus, c'est la reconnaissance de nos droits, de nos titres autochtones, de notre compétence et, par conséquent, de nos valeurs. Ce qui manque ici, ce sont nos valeurs, et aucun mécanisme ne prévoit leur intégration dans les décisions qui touchent l'environnement et le territoire.

    Nous travaillons en dehors du processus de traité pour essayer de montrer quels mécanismes peuvent fonctionner tout en intégrant nos valeurs, afin que nous puissions participer aux décisions qui touchent notre territoire et qui nous touchent, nous. Si nous participons aux décisions qui sont prises au sujet du développement de notre territoire ancestral, si nous approuvons ces décisions, la question de la consultation ne se pose plus. On peut commencer à parler d'avantages économiques, de partage des ressources, etc.

    L'une des raisons pour les quelles nous ne participons pas au processus de traité, c'est qu'on nous demande l'extinction de nos droits sur nos territoires ancestraux. C'est un peu comme si on demandait aux Allemands, aux Français ou aux Anglais de renoncer à leurs droits sur leurs territoires ancestraux.

    Nous voulons pouvoir travailler avec ceux qui viendront ici. Dès le tout début, notre peuple vivait sur... La ruée vers l'or a traversé la Colombie-Britannique. L'autoroute transcanadienne et les deux chemins de fer nationaux traversent notre territoire. Nos contacts ont eu un effet majeur sur nous, avec le temps. Dès le début, notre peuple a dit: «Il y a beaucoup de territoires et beaucoup de ressources ici. Nous devons partager avec eux». La situation s'est inversée depuis et nous en sommes presque réduits à la mendicité, chez nous.

    Je crois qu'en étudiant ce projet de loi, et en entamant le processus en reconnaissant la valeur de notre contribution... Ce qui est le plus important, ici, c'est que nous pouvons faire une contribution précieuse à l'environnement, et au bien-être de ce pays, et à son développement.

    Ou, je crois en l'importance du financement, mais ce qui compte, c'est l'intégration de nos valeurs et la reconnaissance de nos droits, sur cette petite parcelle de terre où on nous a balancés...

    Ma bande compte environ 300 personnes, et nous avons 24 parcelles de terre de réserve disséminées au sud et à l'intérieur de la Colombie-Britannique, où pousse l'armoise et rampent les serpents à sonnette. Mais nous n'insisterons pas là-dessus. Ce qui nous intéresse, c'est ce qui nous a toujours permis d'assurer notre subsistance, notre territoire, les terres ancestrales qui nous entourent.

À  +-(1000)  

    Je ne connais pas les détails de l'accord de la baie James. Je suis réconforté par certaines idées qui y ont été proposées. Je crois qu'il y a des relations semblables avec les Cris, au Québec, et avec les Premières Nations de la Colombie-Britannique. Il y a une polarisation, mais malgré elle, deux peuples qui voulaient aller de l'avant ont réussi à s'entendre. J'espère que nous pourrons en faire autant en Colombie-Britannique.

À  +-(1005)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Walkem.

    Monsieur Kneen, vous avez la parole.

+-

    M. Jamie Kneen (conseiller technique, Inuit Tapiriit Kanatami): Il est sans doute préférable pour tous que je parle en anglais.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'en suis là aussi, pour le français. Veuillez nous dire qui vous êtes et qui vous représentez.

+-

    M. Jamie Kneen: Je suis Jamie Kneen et je suis un conseiller technique pour l'Inuit Tapiriit Kanatami.

    Comme M. Bigras le signalait, ces deux questions sont interreliées. La démarche des Inuits a certainement été de tenter de protéger le plus possible l'environnement arctique par le moyen d'accords de revendications territoriales et des mécanismes y afférents. Dans cette démarche, on a cherché à établir une relation constructive avec le Canada, avec le gouvernement fédéral. Cela entre en jeu quand on parle de renforcement des capacités et de mise en oeuvre d'évaluations environnementales solides et efficaces.

    Essentiellement, ces dispositions existent déjà. Je vous renvoie à la recommandation 37.4 du comité consultatif de réglementation, où l'on dit assez simplement:

    «Un nouvel article de la loi doit être créé (ou des amendements proposés), qui permettraient la reconnaissance des pouvoirs des peuples autochtones qui ont déjà établi dans le cadre d'une loi une procédure d'évaluation environnementale (par exemple, dans le cadre d'un accord de revendication territoriale ou dans les lois de mise en oeuvre afférentes)».

    C'est essentiellement ce que nous avons proposé aujourd'hui, je crois. Beaucoup de travail a été consacré à ce mécanisme, à sa négociation et à sa mise en oeuvre. Il me semble que ce ne serait pas bien compliqué de le reconnaître.

    Merci.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Kneen.

    Je rappelle aux membres du comité que leurs interventions sont censées se limiter à cinq minutes, bien que la présidente se sente très généreuse, du fait que nous sommes jeudi, tout près de la fin de la semaine.

    La question dont nous sommes saisis est vraiment importante, complexe et dure depuis longtemps. Je suis certainement prête à accepter des témoins des réponses longues, mais si vous vous efforcez d'être plus concis, ce serait très utile pour nos délibérations, puisque nous pourrons alors poser beaucoup plus de questions. Je crois qu'il nous faut une discussion très bonne et très claire à ce sujet et j'apprécie vos commentaires. Merci.

    Monsieur Comartin, vous avez la parole.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, madame la présidente.

    Chef Coon Come, j'ai une courte question pour vous. J'ai remis cette note à votre adjoint. Est-ce que l'Annexe C de votre exposé original est bien à jour? Est-ce que des amendements ont été apportés, à La Haye, vers la fin de la semaine dernière, avant que se terminent les travaux?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Oui, c'est la dernière version.

+-

    M. Joe Comartin: Merci.

    Au sujet de la modification que vous proposez à l'article 16.1, sans vouloir parler à votre place, je m'attendais à ce que vous proposiez que l'article 16.1 crée une obligation. On y lit: «Les connaissances locales et les connaissances et traditions autochtones peuvent être prises en compte». Avez-vous songé à proposer que ce soit obligatoire, en remplaçant «peuvent être» par «sont»?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Une précision: je crois qu'il faut reconnaître la diversité des Premières Nations que je représente, pour l'ensemble du pays. Il y a 80 Premières nations, ayant des cultures, langues, croyances et traditions différentes. Il ne faut pas oublier que certains des anciens nous ont dit qu'ils ne voudraient pas participer, en raison de leur spiritualité et de certaines connaissances qu'ils ne veulent probablement pas partager. Nous en avons tenu compte.

    À mesure que les choses évoluent, s'il y a un projet ou une activité dans un secteur donné, il faut consulter la Première Nation touchée, et partir de là. Si cette nation veut que ses aînés et ses connaissances soient pris en compte, bien. Je crois que la majorité d'entre elles le souhaiteront.

À  +-(1010)  

+-

    M. Joe Comartin: Je crois que M. Walkem, peut-être le chef Coon Come et peut-être aussi M. Obed voudront formuler des commentaires.

    Monsieur Walkem, vous avez dit fermement aujourd'hui qu'il fallait que les évaluations prennent en compte la culture et le patrimoine, ce que je ne vois pas dans le projet de loi ni dans aucune des modifications proposées. Je voulais demander où il faudrait l'intégrer. M. Kneen, mais peut-être aussi M. Obed, dans leurs commentaires, ont dit, je crois, que si les évaluations ne sont réservées qu'aux accords existants entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations, quand il y en a, je présume qu'il ne serait pas nécessaire d'agir ainsi dans ces circonstances, puisque les Premières Nations, quelque groupe autochtone que ce soit, s'occuperont déjà de l'évaluation... Ce ne serait pas nécessaire. Ai-je raison, à ce sujet: Cela serait pris en compte si vous faites l'évaluation vous-même? C'est ma première question.

    Ensuite, dans le cas des situations auxquelles la loi s'applique, où proposeriez-vous des modifications pour que la culture et le patrimoine soient pris en compte?

+-

    M. David Walkem: Merci.

    Comme nous ne sommes pas associés à un accord de revendication territoriale ni à quoi que ce soit de ce genre, je ne le connais pas bien, mais je présume que ce serait fait dans ce cadre-là.

    Pour ce qui est d'inclure les études sur la culture et le patrimoine, autrement dit, de prendre en compte les connaissances et les valeurs traditionnelles, tout dépend de la définition qu'on a, j'oublie le terme, du développement durable et de l'information raisonnable. Si nos valeurs ne sont pas intégrées à cette définition et si les décideurs n'ont pas la capacité de le prendre en compte, ils ne le feront pas.

    Je ne suis pas un juriste, et je n'ai pas fait d'examen juridique du projet de loi, mais je présume qu'on pourra l'inclure quelque part.

+-

    M. Joe Comartin: Puis-je vous interrompre? Je ne voudrais pas vous mettre sur la sellette. Il serait bon que vous procédiez à cette analyse, je parle de vous tous, et que vous en fassiez part au comité... Vous pourriez certainement nous envoyer un document là-dessus sous peu, puisque nous essayons de finir l'étude de ce projet de loi. Si c'est possible, nous aimerions connaître votre point de vue. Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette, mais cela nous serait utile, puisque c'est une question qui ne m'avait pas encore sauté aux yeux.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Kneen.

+-

    M. Jamie Kneen: À ce sujet, vous avez tout à fait raison pour la première question que vous avez soulevée. La structure des accords de revendications territoriales actuels permet la participation des Inuits, surtout dans le cadre de structures de cogestion, à leurs propres conditions et suivant leurs procédures. Mais de le reconnaître donnerait une garantie supplémentaire.

    On peut en dire autant de la sensibilité culturelle de la procédure elle-même, mais aussi du rôle et des connaissances traditionnelles. Dans la démarche inuite, ceux qui détiennent les connaissances traditionnelles font partie du processus d'évaluation et du processus de cogestion, pour toute décision relative aux ressources. Il y a donc une participation directe et, encore une fois, à leurs conditions. En se servant de leurs connaissances traditionnelles, le principe est appliqué, et des formules plus complexes ne sont pas vraiment nécessaires.

    En passant, nous étions assez satisfaits de ce qui se trouve dans les amendements proposés. Il n'y a pas de restriction, mais on ouvre la porte et on permet aux connaissances traditionnelles de servir, dans des conditions appropriées. S'il y a des questions de droit de propriété intellectuelle, ou d'appropriation culturelle, ou la publication de données confidentielles, ce genre de choses, on peut en parler de manière convenable.

    Je sais qu'on a pris l'initiative de mettre sur pied un groupe de travail autochtone, ou un groupe consultatif qui, si j'ai bien compris, doit donner plus de détails à ce sujet et proposer des applications pratiques, sans codification législative.

    Merci.

À  +-(1015)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Kneen.

    Chef Coon Come, vous avez la parole.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Si vous pensez à la question que nous soulevons dans notre mémoire, quand on parle de modification à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous en parlons, dans le préambule des définitions, lorsque nous parlons de ce que nous entendons par gouvernements autochtones ou quand nous parlons des principes de gérance et protection de l'environnement.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Chef Coon Come, pourriez-vous nous dire à quel page du mémoire nous trouvons cela?

+-

    Le chef Matthew Coon Come: C'est à la page 15.

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Et c'est le plus gros document, soit votre mémoire complet.

    Le chef Mathew Coon Come: Au sujet des modifications.

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

    Le chef Mathew Coon Come: Je ne lis pas la page, j'y ai simplement fait allusion. Nous en avons parlé dans le préambule, avec des mots comme «principe de gérance de l'environnement», «protection de l'environnement», quand nous définissons ce que nous voulons dire par gouvernement autochtone, dans les définitions des effets sur l'environnement. C'est là que nous parlons du patrimoine culturel.

    Le problème a toujours été le même: Lorsque nous parlons de «développement durable» ou de «incidence environnementale», cela ne veut rien dire. Le sens est différent pour un promoteur. Le sens est aussi différent pour les Premières Nations dont le mode de vie serait touché.

    Je pense qu'il est important de comprendre que lorsque nous parlons de culture, nous parlons de sites sacrés. Il peut s'agir de lieux de sépulture. Il peut s'agir de certaines montagnes. Lorsque nous parlons de patrimoine, il peut s'agir de rivières qui sont sacrées pour nous et qui doivent être protégées.

    Ce ne sont que des mots, mais quand on leur donnera une définition, ce sera un peu plus clair, à mon avis. Nous sommes certainement en faveur d'une clarification de certaines définitions relatives à la portée de la loi, pour l'application de certaines dispositions, afin que soit protégé notre patrimoine culturel.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. Ce que vous nous avez dit est très important, je crois, simplement parce que différentes personnes attribuent un sens différent au développement durable. C'est en donnant un sens à ces mots qu'on rend les définitions et les termes du préambule de la loi, qui comptent vraiment, opérationnels.

    Je me demande s'il y a... Monsieur Tonks, avez-vous une question?

+-

    M. Alan Tonks (York South--Wesston, Lib.): Oui, il y en a.

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il y en a? Il y en a, des messieurs Tonks?

    M. Alan Tonks: Seulement un, mais...

    Je vous remercie pour vos observations. Pour moi, il s'agit d'une nouvelle arène fédérale et, issu du milieu municipal comme je le suis, j'en apprends beaucoup sur la perspective des Premières Nations. Je pose donc des questions pour me renseigner et je vous prie de faire preuve d'une certaine tolérance envers mon manque de connaissances.

    Pour moi, le «développement durable» constitue ce que nous léguerons aux générations à venir. J'apprécie le fait que tous nos témoins ont avancé ce concept. Si je m'en reporte à mes antécédents, il a été difficile de trouver un fil d'Ariane, du point de vue municipal, lorsqu'il s'est agi de définir ce concept, mais pour moi, il s'agit d'un legs. Et nous essayons tous de créer un patrimoine plus intéressant pour les générations à venir.

    Je veux comprendre la question des responsabilités et des procédures en vertu des traités et de la Loi sur l'évaluation environnementale. Je veux mieux comprendre quel conflit existe entre les procédures inscrites au traité et la Loi sur l'évaluation environnementale.

    Monsieur Obed, je crois que vous en avez parlé. Vous avez dit que d'après le CCR il devrait y avoir adaptation au niveau des procédures. Il m'a semblé comprendre de vos propos que lorsqu'il existe une logique et des similitudes que cela signifie qu'il n'y a aucune différence et que nous devrions en faire nos grands principes. Et vous proposez même un processus à cette fin.

    J'aimerais mieux comprendre quelle incompatibilité existe entre les procédures en vertu du traité et la Loi sur l'évaluation environnementale.

À  +-(1020)  

+-

    M. Natan Obed: À mon avis, le problème principal, c'est que la Convention de la Baie James et du Nord québécois remonte à 1975, l'Entente sur la région ouest de l'Arctique à 1984 et Nunavut à 1993, ce qui signifie que pendant 20 ans sous divers gouvernements, l'évaluation environnementale a été abordée de différentes façons. À l'intérieur de chacun de ces accords, on aborde l'évaluation environnementale de façon très différente. Les nouvelles versions sont beaucoup plus compatibles avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale que les plus anciennes. Donc, dans certains cas, il nous faut abattre le double du travail. Nous devons respecter nos propres procédures ainsi que celles de la loi.

    M. Alan Tonks: Dédoublement.

    M. Natan Obed: Oui.

+-

    M. Alan Tonks: D'accord.

    Quelqu'un d'autre veut se hasarder à répondre? Et j'ai une autre question ensuite.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Quelqu'un d'autre veut répondre?

    Chef Coon Come.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Ce sont là des commentaires judicieux de la part d'un jeune homme. J'apprécie. Il a vraiment lu l'accord. J'en suis surpris. Les jeunes en ont aussi à nous apprendre, n'est-ce pas?

    La Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoyait certaines mesures concernant la gestion des terres ainsi que des conseils consultatifs auxquels participaient les Premières Nations et délimitait les zones de responsabilité et les zones où peut se faire la recherche. Il y avait certaines mesures restrictives et il nous a donc fallu agir pour faire repousser certaines limites. Il ne s'agit pas que des répercussions sur l'environnement, quelle que soit la signification de cette expression pour différentes personnes, mais il s'agissait aussi de faire inclure la culture, le patrimoine et les répercussions économiques parce que dans le cas du nord du Québec, la nature constitue toujours le principal employeur. Donc, pour nous, dans le Nord, il y a des répercussions sur l'activité économique, sur un mode de vie, sur la façon dont les gens gagnent leur pain.

    Mais je tiens à réitérer que dans la loi elle-même la chose se limite aux seules réserves. Je tiens à souligner que lorsque les accords sont signés—et des accords seront signés et des terres additionnelles seront accordées—alors vous devez vous assurer que les choses sont conformes, que les Premières Nations ont même autorité et même compétence sur ces terres reconnues en vertu des nouveaux traités afin qu'il n'y ait pas de conflit. Cette conséquence ne s'applique pas aux réserves, parce qu'il y a des terres additionnelles adjacentes, une expansion du territoire reconnu et un régime fédéral qui s'applique. Il faut donc coordonner tout cela.

    Mais puisque vous avez des antécédents municipaux, j'ai une question pour vous aussi parce que j'ai certaines préoccupations.

+-

    M. Alan Tonks: Oh, oh! Nous sommes censés poser les questions.

À  +-(1025)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il faut être juste, ici.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: En présumant que des ressources financières et autres sont affectées à la création d'une administration environnementale locale, il faudra composer avec ses pouvoirs. Aura-t-elle plein pouvoir et le dernier mot, quand elle fera des évaluations des incidences environnementales, pour sa collectivité, par rapport aux instances extérieures? Il y aura des conflits. Je le sais, parce que nous avons des administrateurs environnementaux dans les neuf collectivités cries, dont j'étais l'ancien chef et le grand chef, dans le nord du Québec. Nous avions des administrateurs environnementaux locaux, auxquels s'ajoutaient le régime québécois et le régime fédéral, etc. Il faut une coordination.

    Quand je lis ces documents, s'il y a consensus sur l'administrateur environnemental local, il faut étendre ses pouvoirs et sa portée.

+-

    M. Alan Tonks: Madame la présidente, les autorités créées par les municipalités varient beaucoup d'un bout à l'autre du pays, mais traditionnellement, en Ontario, la province assure toujours une surveillance et tous les litiges sont renvoyés à la Commission des affaires municipales de l'Ontario.

    Cela m'amène à ma question, si vous permettez. Nous pourrons peut-être en rediscuter ensemble plus tard, la réponse était manifestement évasive. Il y a ce concept de la dérogation, dont je vais vous parler. Est-il acceptable qu'en cas de conflit, on doive en arriver à une entente selon laquelle les procédures sont conformes, entre la loi fédérale sur l'évaluation environnementale et chacune des lois découlant des traités, mais nonobstant cela, en reconnaissant qu'il y aura les terres assujetties à des traités, et d'autres Canadiens dans l'environnement, cette dualité créera des conflits inhérents, et même s'il y a des obligations en vertu de traités et d'autres questions qui ne se rapportent pas aux traités, à cause de la nature de l'environnement, qui touche de nombreux groupes, à cause des cours d'eau qui traversent les frontières, etc., il faudra toujours avoir un mécanisme ou un accord de principe selon lequel la loi qui primera, pour le meilleur ou pour le pire, sera celle qui protège tous les Canadiens, y compris les Premières Nations? Est-ce qu'on s'entend sur ce principe? Est-ce qu'on l'a bien compris?

+-

    M. Jose Kusugak: Oui, c'est ce qui est dit. Les Inuits n'ont pas à proprement parler de traités. Nous avons les traités modernes, avec les divers groupes de revendications territoriales. Dans l'accord de revendications territoriales avec le gouvernement fédéral, on dit bien qu'en cas de désaccord, c'est l'accord de revendications territoriales qui prime. Dans certains secteurs, quand nous estimons que cela cadre avec la LCEE, il faut être prudent pour ne pas diluer l'accord de revendications territoriales.

    Au sujet de savoir ce qui se passe dans sa cour, les maires de la région du Nunavut viennent à Ottawa la semaine prochaine, pour leur rencontre. Ce sera très intéressant de les voir descendre de l'avion, à ce moment-ci de l'année. Beaucoup d'entre eux sont nés dans des igloos et j'espère vraiment qu'il fera 28 ou 29 degrés, pour leur donner un choc, pour qu'ils voient un environnement différent.

    Je suis convaincu qu'ils ont certaines attentes au sujet de l'environnement. Des gens plus vieux, qui venaient de l'Arctique, ont été étonnés. Ils ont dit: «Je pensais qu'il n'y avait plus d'animaux au sud. Voyez tous ces oiseaux.» Et ils ont pointé du doigt des pigeons en plein vol. Ils sont très impressionnés par des choses que nous ne voyons plus, et la réciproque est vraie.

    Au sujet de l'évaluation environnementale et des connaissances traditionnelles, jusqu'à il y a cinq ans, c'était certainement les connaissances traditionnelles qui primaient. Mais maintenant, à cause des changements climatiques, du réchauffement planétaire, etc., beaucoup des nôtres qui ont des connaissances traditionnelles s'exclament: «Mais bon sang, le monde est maintenant différent. Comment pourront-ils construire des pipelines ici, étant donné tout cela, ou avec les ours qui viennent sur terre?» C'est un véritable problème d'adaptation. Mais ils peuvent encore recourir aux connaissances traditionnelles comme arguments, dans certains cas.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Walkem, vous avez la parole.

+-

    M. David Walkem: Merci, monsieur Tonks.

    Si j'ai bien compris votre question, vous dites qu'il devrait y avoir une loi qui aurait préséance sur toutes ces procédures et qui permettrait de trancher, en bout de ligne. Je serais d'accord avec vous, pourvu que cette loi traduise nos valeurs, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il n'y a pas de mécanisme d'intégration de nos valeurs, à part ce processus parlementaire, qui n'est pas efficace pour nous, là-bas. Nous croyons donc que la Constitution offre des mécanismes qui permettent d'intégrer nos valeurs à ces lois dont vous êtes actuellement saisis.

    Comme on essaie de le montrer dans ce que nous faisons en Colombie-Britannique, dans notre coin de pays, si nous pouvons mettre au point une procédure sur laquelle tous s'entendent, plutôt que d'essayer de trouver une définition du développement durable, définition qui est différente pour chacun d'entre nous, ne pourrions-nous pas appeler cela du développement durable, au bout du compte? Je pense qu'on peut en dire autant dans ce cas-ci, au sujet de la loi.

    Je pourrais accepter la primauté d'une loi globale finale, pourvu qu'on y respecte mes droits autochtones inhérents et mes valeurs, qui sont protégés par la Constitution.

À  +-(1030)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Walkem.

    Madame Redman.

+-

    Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Toutes mes excuses, j'ai dû sortir. Je devais faire quelque chose à la Chambre.

    J'aimerais adresser ma première question au chef Walkem. Le Nicola Tribal Council a fait preuve de beaucoup de leadership en faisant participer les Premières nations à la gestion des ressources halieutiques et sylvicoles, en Colombie-Britannique. Comment avez-vous traité avec des ministères fédéraux, comme celui des Pêches, lorsqu'ont eu lieu des évaluations environnementales des projets auxquels s'appliquait la LCEE?

+-

    M. David Walkem: Pour ce qui est de notre travail avec le ministère des Pêches et des Océans, nous n'avons pas entrepris directement de projets auxquels s'appliquait cette loi. Avec le MPO, notre relation de travail continue d'évoluer. Encore une fois, nos valeurs ne sont pas vraiment intégrées aux accords que le ministère essaie de conclure avec nous, et je ne vois pas très bien comment cette loi en particulier pourrait s'appliquer à nos relations avec d'autres agences. Je suis désolé.

+-

    Mme Karen Redman: Il y a certainement eu des discussions et les témoins en ont parlé dans leurs interventions. Dans le projet de loi C-19, on essaie de traiter de questions très précises, notamment des questions autochtones. On a parlé des connaissances autochtones traditionnelles, on met l'accent sur l'aspect autochtone dans l'objet de la loi, à l'article 10, on essaie de réduire l'écart dans le financement et on a prévu des dispositions pour élargir les règlements relatifs aux évaluations environnementales des conseils de bande, tout en augmentant les possibilités de participation des gouvernements autochtones et la consultation des comités d'évaluation environnementale fédéraux.

    Ma question s'adresse à tous, mais j'aimerais que le chef Coon Come commence, en parlant des initiatives qui se trouvent dans le projet de loi, particulièrement l'effort déployé pour faire participer les Autochtones.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: On peut toujours faire mieux. On y trouve des références aux peuples autochtones, mais je crois qu'il faut aller au-delà des dispositions de non-dérogation ou d'interprétation, comme si nous étions un groupe d'intérêt. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêt. La Constitution reconnaît trois groupes autochtones au Canada: les Métis, les Inuit et nous. Nous avons assurément signé des traités, en fonction d'une relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. Ce sont ces traités qui confirment cette relation. La Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé un partenariat fondé sur la justice et sur une participation équitable, réelle et significative, une relation de gouvernement à gouvernement, de nation à nation.

    C'est pourquoi nous rappelons au gouvernement, dans notre exposé, le besoin de s'acquitter de cette responsabilité. Nous parlons de notre compétence pour certaines questions environnementales, du fait que nous avons notre mot à dire en matière de développement et pour veiller à ce que les évaluations d'incidence environnementale tiennent compte de nos droits culturels, patrimoniaux et économiques.

    Par ailleurs, nous parlons aussi de ce que mentionnait mon ami Dave, soit de l'intégration du droit autochtone et des valeurs et principes environnementaux autochtones. Ils doivent être intégrés dans le droit environnemental, étant donné l'évolution de la reconnaissance des droits de chasse, de pêche et de piégeage, des droits qui se rapportent aux territoires, à l'environnement, et des personnes qui exercent ces droits. Cette intégration serait certainement un progrès.

    La seule façon d'y arriver, c'est en précisant les choses grâce aux modifications que nous avons proposées dans le but de reconnaître ces droits. Nous ne sommes pas simplement un groupe d'intérêt. Oui, il est nécessaire de reconnaître les tiers, mais certains traités en tiennent compte. Les droits des tiers, que ce soit pour les concessions minières ou l'attribution de permis de coupe du bois, sont reconnus dans certains accords, comme l'Accord de la baie James. Ces questions, on peut en décider, si ce n'est déjà fait, dans le cadre de traités.

    Il s'agit simplement de passer à l'étape suivante de la reconnaissance de ces valeurs, de ces principes et de l'évolution du droit. Nous aurons alors vraiment notre mot à dire, pas seulement au niveau local, mais aussi pour tous les territoires où nous avons vécu et que nous avons occupés. Les tribunaux l'ont reconnu et nous devons pouvoir participer au processus.

    Le concept d'inclusion est très positif. Nous faisons des recommandations au sujet du préambule, pour préciser ce qui se rapporte à notre participation. Nous préférerions certainement une réelle collaboration, un vrai partenariat, au lieu d'être traités comme un autre groupe d'intérêt, ce que nous ne sommes pas.

À  +-(1035)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Kneen, vous avez la parole.

+-

    M. Jamie Kneen: Oui, j'aimerais ajouter quelque chose. Je présume que le point de vue des Inuit est un peu différent, tant du point de vue de l'histoire que du point de vue juridique.

    Pour revenir au projet de loi proprement dit, je crois que vous faites allusion au projet de paragraphe 4(b.3), qui dit que la loi a pour but «de promouvoir la communication et la collaboration entre les autorités responsables et les peuples autochtones dans le cadre d'évaluations environnementales». C'est très bien, mais nous espérons davantage. Il y a bon nombre d'autres éléments du projet de loi C-19 qui auront une incidence, outre ce dont nous avons déjà parlé, sur les accords de revendications territoriales. C'est le cas pour deux secteurs. D'abord, le Labrador, pour lequel l'accord n'est pas encore en vigueur. Il y a un accord de principe, mais il n'est pas finalisé ni mis en oeuvre, et entre-temps, les Inuit du Labrador connaissent toujours des difficultés. Il y une autre série de problèmes se rapportant aux questions transfrontalières et intergouvernementales, puisque les changements climatiques, le transport à grande distance des polluants atmosphériques, les espèces migratoires, qui sont tous cruciaux pour les Inuit, ne font pas l'objet d'une compétence très claire.

    Des articles comme l'article 9 du projet de loi C-19, sur les études régionales, sont un bon départ, et c'est la raison pour laquelle nous demandons qu'on insiste davantage sur des politiques et programmes d'évaluation environnementale stratégiques, pour que nous puissions nous attaquer à ces questions plus importantes.

    Les dispositions transfrontalières et les dispositions de suivi et d'atténuation sont aussi, à notre avis, utiles, mais de portée trop limitée, dirai-je.

    Merci.

À  +-(1040)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Monsieur Reed, avez-vous une question à poser?

+-

    M. Julian Reed (Halton, Lib.): Non, et je m'en excuse, madame la présidente. J'ai été retenu à une autre réunion et je suis encore dans la courbe d'apprentissage. Merci.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous le sommes tous. M. Reed est un membre assidu de notre comité.

    Excusez-moi, monsieur Cox. Je suis désolée.

+-

    M. Michael Cox: Il n'y a pas de quoi.

    Mon point de vue est davantage celui d'un praticien que d'un exécutant de la LCEE dans son ensemble. Je consacre beaucoup de temps aux évaluations environnementales, qu'elles soient fédérales, provinciales ou de principe. À mon sens, un des aspects positifs de ces modifications, c'est qu'on comble l'écart dans le financement. Dorénavant, les évaluations environnementales sur les réserves seront de meilleure qualité, ce qui mènera à une meilleure protection de l'environnement sur les réserves, ce qui est positif.

    C'est tout ce que je voulais ajouter.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Cox.

    Nous venons de terminer le premier tour de table et j'aimerais maintenant poser deux ou trois questions.

    Il est toujours difficile de concrétiser dans une mesure législative quelque chose d'aussi abstrait que des valeurs. Manifestement, ce qui inspire nos lois, ce sont nos valeurs. Mais c'est un défi considérable que de trouver une façon de les y intégrer.

    Il y a quelque temps, un témoin, M. Gibson, nous a dit que la définition du terme «environnement» qui figure actuellement dans la LCEE, est beaucoup trop restrictive. Je suis désolée, je n'ai pas son témoignage sous la main et je ne peux donc citer ses propos textuellement. Selon la définition actuelle, l'environnement, c'est l'ensemble des conditions et des éléments naturels de la terre, notamment le sol, l'eau, l'air, toutes les matières organiques et inorganiques, les systèmes naturels, etc., on y insiste sur les éléments physiques de l'environnement. Je crois savoir--et je me trompe peut-être--que la Loi ontarienne sur l'évaluation environnementale comporte une définition plus large comprenant des éléments sociaux et culturels.

    Ceux qui ont participé à certains des programmes environnementaux du pays savent que notre environnement ne se limite pas au milieu physique. Il se définit de façon beaucoup plus large. Puisque nous avons eu une si bonne discussion sur le sujet, je me demandais s'il ne serait pas indiqué d'apporter un amendement à la définition du mot «environnement» de façon à y inclure des aspects sociaux, culturels, patrimoniaux et spirituels—et vos suggestions seraient les bienvenues—afin de répondre à certaines des préoccupations que vous avez exprimées aujourd'hui.

    Vous avez la parole, monsieur Walkem.

+-

    M. David Walkem: Merci, madame la présidente.

    Il importe de comprendre que, dans notre culture, l'environnement nous définit.

    Mon père m'a raconté une chose bizarre qui s'est produite en 1970 ou 1971: des gens sont venus dans notre région et ont inscrit sur une carte une «aire environnementale protégée» pour protéger des plantes qui étaient uniques dans cette région, puis ils sont partis. Quelques années plus tard, ils sont revenus et nous ont dit: «Que faites-vous? Vous continuez à élever du bétail ici et à utiliser cette terre. Pourtant, c'est une aire protégée.». Ils n'ont jamais pensé que nous faisions aussi partie de cet environnement.

    J'ignore pourquoi, mais on oublie souvent que nous faisons partie de l'environnement, tout comme le chevreuil, l'ours, l'oiseau, et ainsi de suite. Je suis donc d'accord pour que la définition comporte des aspects sociaux et culturels, car nous faisons aussi partie de l'environnement.

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Chef Coon Come, à vous la parole.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Mon grand-père, qui vient d'obtenir son certificat de naissance, a 110 ans. Son père a vécu jusqu'à l'âge de 115 ans et son grand-père, 135 ans. Quand je me suis lancé en politique, c'était à l'époque de la mise en valeur du nord du Québec; les termes tels que «développement durable», «environnement», etc., n'avaient aucun sens pour nous, ce n'était que des mots. Quand j'ai demandé à mes amis qui sont chasseurs, pêcheurs et piégeurs de m'expliquer certains de ces termes, j'ai été très touché par ce qu'ils m'ont répondu.

    Mon grand-père m'a dit qu'il s'identifiait à la terre comme chasseur, pêcheur et piégeur. Cela peut sembler anodin pour certains, mais lui se considère uni à la terre. Lorsqu'on parle de définitions, lorsqu'on parle de territoires et des aspects économiques, nous, nous voulons que ces définitions soient plus larges. À mes yeux, les gens sont plus importants que le territoire. Les gens sont plus importants que les animaux.

    Nous, qui nous identifions à la terre, nous tenons à inclure à la définition les aspects sociaux et culturels qui traduisent la relation des humains avec la terre. Si nous réussissons à trouver une bonne formulation... Je serais certes d'accord avec toute définition qui irait au-delà de l'aspect physique, qui tiendrait compte du fait que nous faisons partie de la terre, que nous et la terre ne faisons qu'un. N'oublions pas aussi que notre relation avec les animaux dont nous dépendons nous unit à eux aussi. Je serais donc tout à fait d'accord pour qu'on élargisse la définition actuelle.

    Vous parlez de lien avec les humains; voilà pourquoi nous rappelons continuellement aux gouvernements que les Autochtones ont des droits de pêche, de chasse et de piégeage. Voilà pourquoi nous mettons l'accent sur notre relation avec la terre. Il serait donc bon d'élargir la définition actuelle, car, en dernière analyse, vous avez une incidence sur nous et nous avons une incidence sur vous. Vous avez créé dans le sud les grandes sociétés qui stimulent l'économie du pays. Dans le grand nord, c'est la terre qui reste le plus important employeur, et il faudra préciser ces définitions, car elles toucheront tous les habitants du grand nord. Il ne faut pas l'oublier.

    Il est vrai, comme vous l'avez dit, qu'il faut s'efforcer d'intégrer à nos définitions les valeurs et les lois autochtones. Dans notre exposé et dans notre mémoire, nous avons d'ailleurs proposé des définitions.

À  +-(1045)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Obed, allez-y.

+-

    M. Natan Obed: Madame la présidente, pour répondre à votre question, je vous renvoie à nos dispositions sur les revendications territoriales qui prévoient des définitions plus larges et plus holistiques de l'environnement.

    Nous sommes prêts à appuyer sans réserve un amendement qui élargirait la définition prévue à la LCEE, mais je vous rappelle que nous avons déjà notre définition de l'environnement.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    À vous, monsieur Kusugak.

+-

    M. Jose Kusugak: J'aimerais parler un peu de la définition.

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous en prie.

    M. Jose Kusugak: Traditionnellement, il n'y avait pas de définition de avitiliriniq en inuktitut. L'Inuit a toujours fait partie intégrante de l'écosystème, n'a toujours fait qu'un avec son environnement. Il n'y avait donc pas d'Inuit, d'une part, et d'environnement, d'autre part. Quand les négociations se sont amorcées, nous avons dû céder aux pressions du monde occidental et tenter de définir l'environnement tel qu'il se distingue de l'être humain. Nous avons donc, après bien des efforts, créé le mot avitiliriniq qui signifie tout ce qui est à l'extérieur de la forme humaine. Mais, lorsque nous parlons de l'environnement en inuktitut, nous nous y incluons toujours. Les Inuit font partie de l'écosystème, ainsi qu'il a été prouvé à maintes reprises.

    Par exemple, lorsque les Inuit ont cessé de chasser le phoque, cela a perturbé l'environnement dans son ensemble, cela a créé un déséquilibre. Il en a été ainsi aussi avec la chasse au loup. Les écologistes, le ministère de l'Environnement et d'autres semblent vouloir contrôler l'environnement en mettant fin à la chasse dans une région, mais cela ne fait que créer des déséquilibres.

    Nous avons donc eu du mal avec cette définition, car nous n'en avions pas au départ. La définition qu'a mentionnée mon collègue a été élaborée aux fins de cet accord. Il a donc eu raison de dire qu'il faudrait trouver une définition pour chaque groupe linguistique.

À  +-(1050)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie de vos remarques. La science occidentale a un grand défaut: elle est réductionniste et sépare l'être humain du reste de la nature.

    Le prochain intervenant est M. Bigras, avec qui nous commençons la deuxième série de questions. Nous tenterons d'être plus brefs cette fois-ci. Merci.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Je vais me limiter aux traités. J'aurais des questions sur les obligations internationales du Canada que vous demandez qu'on respecte, entre autres dans le cadre du chapitre 26 de l'Agenda 21, mais ma question portera plutôt sur les traités.

    M. Michael Barrett, du Comité consultatif de l'environnement Kativik, que vous connaissez probablement, nous a indiqué la semaine dernière qu'une entente récente qui a été signée entre le gouvernement du Québec et les Inuits devrait être ratifiée dans les prochaines semaines.

    On parle de trois semaines. Le gouvernement du Québec a noté deux ou trois endroits, au cours des deux derniers mois, où le processus d'évaluation environnementale retrouvé dans le chapitre 23 de la Convention de la Baie-James s'applique.

    Voici ma question. Croyez-vous qu'il s'agit d'un modèle intéressant dont le gouvernement fédéral devrait s'inspirer?

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): À vous, chef Coon Come.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Dans la Convention de la baie James et du Nord québécois, comme vous le savez, on a adopté le modèle qui laisse aux gouvernements provinciaux la compétence en matière de ressources naturelles, comme le prévoit la Constitution. Nous avons aussi notre propre modèle au Québec. Mais il y a également le régime d'évaluation environnementale du gouvernement fédéral qui touche directement les habitants de nos régions. Les Inuit, qui sont nos voisins dans le nord québecois, ainsi que les Naskapis et les Cris, ont la même entente avec le gouvernement fédéral que celle que nous avons avec le Québec en matière d'environnement.

    C'est donc en effet un modèle intéressant, à condition qu'on reconnaisse la diversité des Premières nations du pays, qu'on l'adapte en fonction des besoins, des lignes directrices qui doivent être prévues et des pouvoirs qu'elles veulent exercer sur leurs terres et territoires, et qu'on recense les zones pouvant faire l'objet d'une évaluation conjointe en raison de chevauchements avec des tierces parties ou de conflits avec la province ou le territoire. Ce qui compte, c'est qu'on délimite bien là où les Premières nations ont la compétence exclusive et là où il y a des conflits avec des tiers, les provinces ou le gouvernement fédéral.

    Je reconnais qu'il doit y avoir une politique nationale, car, parfois, nous, les Premières nations, voulons prendre des mesures qui peuvent contrevenir à certaines lois. Les provinces en font autant. Il faut donc prévoir des normes nationales.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait répondre?

    M. Comartin voulait vous poser une autre question, mais il est sorti pendant un instant.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Puis-je poser une autre question pendant qu'on l'attend?

À  +-(1055)  

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien sûr.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Ma question porte maintenant sur les obligations internationales du gouvernement fédéral. Vous dites:

La loi fédérale doit refléter les points de vue des Premières Nations sur des concepts fondamentaux comme le développement durable et les effets environnementaux.

Ainsi, nous ne faisons que presser le gouvernement de donner suite à son engagement et d'honorer ses obligations internationales.

    Ces mots qu'on retrouve dans votre mémoire m'ont frappé, chef Coon Come. Selon vous, lesquelles de ses obligations internationales le Canada n'honore-t-il pas actuellement par l'entremise de la loi fédérale?

[Traduction]

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Je ne crois pas que les députés veuillent entendre le discours que j'ai prononcé à Durban concernant le manque de respect dont a fait preuve le gouvernement fédéral pour le droit international en ce qui concerne les peuples autochtones du Canada. Je m'en tiens à cela.

    Toutefois, en ce qui a trait à la question qui nous occupe, je l'ai bien sûr toujours à l'esprit et j'ai participé à de nombreuses tribunes internationales où j'ai évalué les positions du Canada. Voilà pourquoi nous avons fait allusion à la rencontre de La Haye à laquelle le Canada a permis que les définitions des territoires incluent les terres, l'eau et les sites sacrés et recommandé que les évaluations tiennent compte des aspects sociaux et culturels en plus des préoccupations environnementales.

    C'est bien de signer un accord international. C'est bien de s'engager à l'égard de la communauté internationale, mais il faut que cet engagement se traduise en mesures concrètes au pays. J'en ai parlé dans mon exposé parce que, c'est bien joli, mais le moment est venu d'agir et de prévoir des mesures législatives en conséquence. Les paroles s'envolent, mais les écrits restent. Élargissons les régions dont nous parlons et qui touchent les Indiens. Il s'agit essentiellement des réserves.

    Voilà pourquoi je rappelle au gouvernement qu'il a accepté d'élargir les territoires. Nous avons des territoires autochtones. Il y a des traités qui les définissent. Pourquoi ne pas les inclure dans la loi? Il suffit de modifier la loi pour refléter cet état de choses. Vous voulez adopter une loi sur l'évaluation environnementale, une évaluation qui tiendrait compte des aspects culturels et sociaux. Vous avez déjà adopté un tel document. Vous avez signé le traité; il faut maintenant traduire ce traité dans une loi canadienne.

    J'espère que le gouvernement fédéral pourra ouvrir la voie et montrer l'exemple aux autres pays. Nous ne faisons qu'appuyer la position qu'a adoptée le gouvernement devant la communauté internationale. Si le gouvernement refuse d'agir, peut-être que vous et moi pourrons alors le dénoncer pour n'avoir pas respecté ses obligations à l'égard de la communauté internationale, ce qui nous attirera certainement des problèmes. Mais vous avez ici une belle occasion que vous devriez saisir.

    Merci.

+-

    La vice-président (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Notre comité siège habituellement de 9 h à 11 h. Aujourd'hui, nous avions prévu de terminer à midi. Je m'en excuse auprès des membres du comité qui avaient pris d'autres engagements ou qui siègent à d'autres comités. Les témoins voudront bien excuser les députés qui doivent partir.

    Je cède la parole à M. Comartin, car il doit se rendre à la Chambre.

+-

    M. Joe Comartin: J'aimerais aborder toutes sortes de sujets, mais je vais me contenter de vous poser la question suivante, car je dois partir pour la Chambre sous peu.

    Vous avez tous traité du financement d'une façon ou d'une autre. Chef Coon Come, je commence par vous. Peut-être que M. Cox voudra répondre aussi.

    Si j'ai bien compris, les accords et les programmes du ministère ne prévoient aucune disposition particulière pour que des membres de vos collectivités soient recrutés pour ces évaluations environnementales. À ce sujet...

    Monsieur Walkem, vous avez soulevé la possibilité--chef Coon Come, vous voudrez peut-être intervenir si vous avez constaté cela ailleurs--qu'on prévoie dans les accords ou autrement un lien entre l'exploitation des ressources et le financement des évaluations environnementales, que ce soit pour un projet particulier ou dans le contexte du renforcement des capacités. A-t-on déjà essayé cela? Y a-t-il des exemples ou des précédents?

+-

    M. Michael Cox: En ce qui concerne le financement, vous avez raison. Le financement du conseil tribal comprend essentiellement cinq éléments, et l'environnement n'en fait pas partie. Il n'y a aucun fonds pour les évaluations environnementales provenant du ministère des Affaires indiennes. Voilà pourquoi nous estimons que les modifications proposées au paragraphe 59(l) du projet de loi C-19 concernant les règlements sont positives. Si nous prenons des règlements aux termes de ces dispositions, le ministère des Affaires indiennes devra reconnaître le processus.

Á  +-(1100)  

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Y a-t-il d'autres intervenants? Allez-y, monsieur Walkem.

+-

    M. David Walkem: Merci.

    Nous avons tenté de mener à bien des projets de partage des ressources avec, surtout, les gouvernements provinciaux, sans toutefois beaucoup de succès jusqu'à présent. Nous avons amorcé le processus en finançant les travaux d'élaboration du plan d'évaluation de façon créative, dans le contexte de projets gérés par les provinces, mais pas de projets d'évaluation environnementale comme tels.

    Je n'ai pas d'exemples à vous donner, mais je suis d'accord avec M. Cox pour dire qu'une confusion semble régner: on semble croire que les conseils de bande ou de tribu sont des gouvernements qui disposent de leurs propres sources de revenu. Tel n'est pas encore le cas. C'est aussi simple que ça. Ces conseils ont été mis sur pied dans les années 70 pour traiter de questions sociales et d'éducation, mais, comme chef, je ne suis pas payé pour faire quoi que ce soit dans ma collectivité. Je verse, au contraire, de l'argent à d'autres pour qu'ils fassent la gestion.

    Maintenant plus que jamais on semble vouloir aller donner suite à des projets d'évaluation environnementale, mais nous n'avons pas de mécanisme pour lancer ces projets. Voilà pourquoi une loi comme celle-ci m'apparaît nécessaire. Si c'était exigé par la loi, ce serait fait.

+-

    M. Joe Comartin: Avant de vous laisser répondre, j'aimerais que vous me disiez, s'il n'y a pas d'autres sources de fonds ou de précédents, si l'APN et le gouvernement fédéral ont entamé des négociations sur le financement des évaluations environnementales.

+-

    Le chef Matthew Coon Come: Vous voulez d'abord savoir s'il y a des Premières nations au pays qui ont prévu une disposition concernant l'évaluation environnementale. J'ai participé aux négociations qui ont mené à la Convention de la baie James et du Nord québécois. Les dispositions de cette convention concernant l'environnement prévoient la création d'administrateurs de l'environnement au niveau local. Les évaluations environnementales ont donc été prévues et font l'objet d'un financement sur 10 ans que j'ai négocié avec le ministère des Affaires indiennes. Grâce à la Convention de la baie James prévoyant des agents environnementaux dans les collectivités, nous avons pu conclure un accord décennal de financement avec le ministère des Affaires indiennes. Mais ce n'est là qu'un élément de la prestation de services à neuf collectivités par le gouvernement local. Voilà donc un précédent.

    Eu égard au financement global, nous sommes très inquiets parce que si ce projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, le ministère des Affaires indiennes sera tenu d'effectuer des évaluations environnementales. Nous ne nous attendons pas pour autant à nous retrouver avec 633 administrateurs de l'environnement. Il est évident que l'évaluation environnementale ne se fera que s'il y a un éventuel projet de développement dans une région. Il est donc difficile de déterminer quel sera le financement.

    Mais si vous voulez une évaluation environnementale à grande échelle avec des ressources adéquates, je peux vous parler de l'évaluation qui a été faite du projet de Grande rivière de la Baleine. Mettre sur pied un réseau de soutien pour l'examen des aspects sociaux, culturels et économiques a coûté environ 2 millions de dollars au gouvernement fédéral, et le coût total a été d'environ 4 millions de dollars.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

    Chef Walkem, dans vos remarques liminaires, vous avez parlé d'examens préalables. D'autres aussi y ont fait allusion sans en parler directement. Or, la grande majorité des évaluations environnementales effectuées au pays--soit 22 000, ce qui est énorme--sont des études préalables.

    Vous avez parlé des problèmes particuliers que soulève cet examen préalable et des informations qu'il permet d'obtenir. Tous les témoins nous ont dit à quel point il était important d'obtenir le plus de renseignements possible pour prendre des décisions éclairées. J'aimerais que vous nous donniez une brève description d'un examen préalable dans votre collectivité ou à proximité, ou toute expérience que vous avez eue concernant les examens préalables.

Á  +-(1105)  

+-

    M. David Walkem: Malheureusement, je n'ai pas eu une connaissance directe d'examens préalables. Je suis toutefois d'accord avec vous pour dire que notre objectif est de donner les meilleures informations possibles aux décideurs. Au début de mon exposé, j'ai parlé de la création de Tmixw Research. Tmixw, dans notre langue, signifie «terre». Nous nous organisons en vue de participer à la cogestion. Nous voulons devenir des personnes-ressources auxquelles les décideurs pourraient faire appel avant de prendre une décision. Je présume qu'ils nous paieraient, comme ils paieraient tout autre expert-conseil. À l'heure actuelle, ils ne sont pas tenus de le faire, mais la loi pourrait le prévoir.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Vous avez la parole, monsieur Cox.

+-

    M. Michael Cox: J'aimerais ajouter une chose.

    J'ai vu beaucoup d'examens préalables. Ce sont des examens qu'on fait pour des raisons de principe. On les fait censément aux termes de la LCEE, mais la loi ne les exige pas. Plutôt, c'est une condition de financement qu'impose le ministère des Affaires indiennes. Essentiellement, les formulaires sont remplis à la dernière minute. C'est surtout ennuyeux. En général, les projets sont déjà terminés. On envoie les formulaires d'examen préalable au ministère des Affaires indiennes, le tout est refait puis approuvé et c'est ainsi que le système fonctionne, si on peut appeler ça un système. En tous cas, c'est ainsi que se font les examens préalables.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

    Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre?

    Monsieur Kneen, allez-y.

+-

    M. Jamie Kneen: Je peux vous décrire la situation au Labrador. En l'occurrence, les Inuit du Labrador sont essentiellement considérés comme faisant partie du grand public. On a parlé un peu plus tôt de l'accès du public aux informations aux toutes premières étapes de l'examen préalable et, si c'est contre-indiqué, à une explication de la décision si on refuse de rendre publiques toutes les informations, et pas seulement une phrase comme «Nous avons décidé que cela ne valait pas le coup». Les rapports complets d'examen préalable constituent un outil très utile pour les intéressés au Labrador, car autrement, on n'a pratiquement pas d'information.

    Pour revenir à la question du financement, nous sommes heureux qu'on ait décidé d'étendre aux études approfondies le programme d'aide financière aux participants. C'est assez curieux d'être un groupe autochtone dont les revendications sont reconnues et d'être considéré comme tout autre membre du grand public et non pas comme l'autorité compétente du territoire.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

    Oui?

    Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Pourriez-vous dire qui vous êtes et qui vous représentez, je vous prie, aux fins du compte rendu?

+-

    M. Lawrence Ignace (conseiller, Assemblée des Premières Nations): Je m'appelle Lawrence Ignace et je représente l'Assemblée des Premières Nations.

    J'ai récemment terminé une affectation d'environ un an à Environnement Canada dans le cadre de laquelle j'effectuais des examens préalables aux termes de la LCEE. Je m'occupais surtout du Nunavut. Ça nous ramène à la question de la capacité. Souvent, ces collectivités n'ont pas la capacité de faire ce qu'on leur demande. De plus, le ministère n'a pas la capacité de les aider. On se retrouvera probablement dans une impasse qu'on pourrait tenter d'éviter en modifiant la loi en conséquence.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup de vos remarques. J'ai encore une courte question à vous poser.

    Monsieur Walkem, dans votre discours, vous avez parlé de l'équité dans les retombées économiques. J'aimerais que vous nous en disiez plus long.

    Si quelqu'un d'autre aussi veut aborder la question, qu'il n'hésite pas à le faire.

    J'ignore si nous pouvons en traiter dans le projet de loi C-19 ou si cela fait plutôt partie d'une discussion générale sur l'évaluation environnementale, mais j'estime qu'il faut savoir que, souvent, ceux qui profitent de l'exploitation des ressources ne sont pas ceux qui assument les coûts et que, une fois que le projet est terminé, l'argent quitte la collectivité. C'est une tragédie qui se répète dans toutes les régions du pays. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l'équité dans les retombées économiques, que vous avez mentionnée dans vos remarques.

Á  +-(1110)  

+-

    M. David Walkem: Merci, madame la présidente.

    Je pourrais vous donner beaucoup de bons exemples. Et , je le répète, nous nous trouvons sur un grand couloir de transport du Canada où passent des chemins de fer et des oléoducs, entre autres. Lorsqu'on lance un projet important, comme un oléoduc interprovincial, on nous offre deux ou trois emplois dans l'évaluation des informations archéologiques ou de l'incidence sociale et peut-être aussi dans la construction, mais c'est tout.

    Des lignes hydroélectriques, des gazoducs, des chemins de fer et des autoroutes traversent notre territoire, mais nous sommes aussi pauvres qu'avant. Nous avons payé une partie des coûts, puisque tous ces projets ont perturbé nos vies, mais nous n'en avons retiré aucun avantage économique; il n'y a donc pas de partage équitable des ressources. Dans bien des cas, ces projets se trouvent en plein coeur d'une localité. C'est exactement ce qu'on fait depuis 150 ans. On a trouvé le moyen de se rendre dans les régions les plus accessibles, c'est-à-dire là où nous vivons, et on a compartimenté nos collectivités.

    À mon avis, cette loi devrait exiger que les promoteurs--dans le cas de projets de grande envergure-- partagent équitablement les ressources avec les habitants de ces territoires.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

    Je me demande si les autres témoins voudraient dire quelque chose à ce sujet.

    Monsieur Cox, vous avez la parole.

+-

    M. Michael Cox: Dans la même veine, en Nouvelle-Écosse, il y a beaucoup d'industries forestières. Le principal outil de gestion utilisé par les forestiers en Nouvelle-Écosse est la coupe à blanc, et on fait beaucoup de coupe à blanc sur les terres traditionnelles. Toute la Nouvelle-Écosse est considérée comme un territoire traditionnel.

    Ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement provincial n'exigent un examen préalable de ces projets. En fait, ces projets ne font l'objet d'aucune évaluation environnementale. S'il y a un déclencheur fédéral pour l'évaluation environnementale de ces projets, sa portée est si étroite qu'elle ne permet pas d'examiner tout le processus. C'est donc une question de portée. Nous avons eu des différends avec des ministères en Nouvelle-Écosse à ce sujet. Si on pouvait en élargir la portée, ce serait une bonne chose.

+-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

    Monsieur Kneen.

+-

    M. Jamie Kneen: Oui, merci, madame la présidente.

    Je pense à un exemple qui est actuel. Il s'agit de la mine Nanisivik, à l'extrémité nord de l'île de Baffin. Cette mine est en train de fermer. Elle existait avant la LCEE et la CEE, ou les directives d'évaluation environnementale, et certes avant la création du Nunavut. La mine existe, et elle est en train de fermer. Personne ne semble bien comprendre le degré de contamination du site, ce qu'il faudra faire pour l'assainir et fermer la mine de façon appropriée, ni ce qu'il faut faire des installations. On ne sait pas exactement qui va payer pour tout cela, ni comment. Ce que l'on sait très bien, c'est que la mine a été en exploitation pendant de nombreuses années et qu'elle a changé de mains à plusieurs reprises. On a donc extrait beaucoup de richesse de cette mine. Il y a bien quelques Inuit de la baie de l'Arctique et de l'île de Baffin qui y ont trouvé localement un emploi, mais la plupart n'y ont pas travaillé. C'est donc un bon exemple du genre de cas dont vous parlez, et qu'on tentera d'éviter dorénavant.

    Dans le cas de la mise en valeur de Voisey's Bay, le comité d'examen a été très positif et sans équivoque pour dire que cela pourrait contribuer positivement au développement durable de la région, sinon à ce gisement particulier. Je pense que personne ne considère l'exploitation minière comme une activité de développement durable. Si la mine était mise en valeur avec une protection environnementale appropriée, et sur une période assez longue pour permettre une plus grande participation de la collectivité, pas seulement au niveau de la formation et des emplois, mais aussi une diversification et une contribution au bien-être général de la région, alors le projet pourrait être considéré comme une contribution positive. Voilà ce que disait en fait le rapport du groupe d'examen.

    On commence donc déjà à voir les choses de cette façon, et c'est ce que nous tentons d'encourager.

Á  -(1115)  

-

    La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien. Merci.

    Quelqu'un d'autre veut-il poser des questions?

    Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous m'avez certainement aidée à comprendre le problème et vous avez signalé d'excellents points. Je suis sûre que les autres membres du comité ont le même sentiment.

    Avant de lever la séance, j'aimerais consulter les membres du comité concernant les heures de séance. Nous siégeons normalement de 9 h à 11 h. Certains membres siègent à deux comités. Je suis censée être au comité de la santé en ce moment. Certains députés doivent se rendre à d'autres comités à 11 h. Donc, je pense que nous devrons revoir nos heures de séance.

    La séance est levée. Merci.