ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 2 mai 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)) |
M. David Coon |
¿ | 0910 |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
M. David Coon |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. David Coon |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
Randy Fleming |
¿ | 0940 |
Le président |
Randy Fleming |
¿ | 0945 |
Mme Maisie Shiell (Inter-Church Uranium Committee) |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
À | 1005 |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
Le président |
M. Allan Morin |
Le président |
M. Allan Morin |
À | 1010 |
M. Garry Lipinski |
À | 1015 |
À | 1020 |
M. Allan Morin |
Le président |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
Le président |
M. David Coon |
À | 1025 |
M. Bob Mills |
M. David Coon |
M. Bob Mills |
M. David Coon |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
M. Bob Mills |
Mme Maisie Shiell |
À | 1030 |
M. Bob Mills |
Mme Maisie Shiell |
Le président |
M. Bob Mills |
M. Randy Fleming |
M. Mills (Red Deer) |
M. Allan Morin |
À | 1035 |
Le président |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
Le président |
M. Allan Morin |
M. Garry Lipinski |
À | 1040 |
M. David Coon |
Le président |
Randy Fleming |
À | 1045 |
Le président |
M. Lunn |
M. David Coon |
M. Gary Lunn |
M. David Coon |
M. Gary Lunn |
M. David Coon |
M. Gary Lunn |
M. David Coon |
M. Gary Lunn |
Le président |
M. Tonks |
À | 1050 |
Mad. Maisie Shiell |
M. Alan Tonks |
Mme Maisie Shiell |
À | 1055 |
M. Alan Tonks |
M. David Coon |
M. Alan Tonks |
M. Allan Morin |
M. Garry Lipinski |
Á | 1100 |
M. Alan Tonks |
M. Allan Morin |
Le président |
Mme Torsney |
M. Garry Lipinski |
Le président |
M. Reed |
Le président |
M. Julian Reed |
Le président |
M. David Coon |
M. Julian Reed |
Le président |
Á | 1105 |
Mme Maisie Shiell |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
Le président |
Mme Maisie Shiell |
Á | 1110 |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
M. David Coon |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour. Bienvenue à notre séance. Nous poursuivons notre lent marathon pour étudier le projet de loi C-19, qui vise à moderniser la Loi sur l'évaluation environnementale, et nous entendons des témoins. Nous entamons maintenant notre dernière étape, à toutes fins utiles.
Nous sommes très heureux de vous recevoir ce matin, et surtout d'avoir dans la pièce une participante aguerrie aux luttes sur la question, Mme Shiell. Nous sommes contents de vous revoir. Je souhaite également la bienvenue à M. Fleming, à M. Lipinski, à M. Morin et à M. Coon.
D'après notre ordre du jour, c'est au tour de David Coon de commencer.
M. David Coon (directeur de la politique, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur Caccia, mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes heureux que le Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick ait été invité à vous présenter ses vues sur le projet de loi C-19.
Bien que nous n'ayons pas participé à l'examen de ce dossier de façon continue, nous nous intéressons depuis longtemps au processus fédéral d'évaluation environnementale, tout au long des étapes qu'il a franchies depuis le début jusqu'à la mise en oeuvre de la LCEE elle-même. Nous avons participé à plusieurs projets sur le terrain qui ont nécessité l'application de la LCEE ou qui ont été touchés d'une manière ou d'une autre par la LCEE au cours des dernières années, et cette année également. Tous ces projets soulèvent de sérieuses questions au sujet de l'efficacité de la loi fédérale actuelle sur l'évaluation environnementale, mais surtout sur le bien-fondé des modifications contenues dans le projet de loi. Nous croyons qu'elles ne permettront pas de résoudre certains de ces problèmes importants.
Le ministre a fixé trois objectifs pour améliorer le processus d'évaluation environnementale : assurer plus de certitude et de prévisibilité pour tous les participants, améliorer la qualité des évaluations et permettre une participation publique plus significative. Tous ces objectifs sont importants. Ce que je veux faire aujourd'hui, c'est vous raconter notre expérience — c'est ce que j'appelle une vue des tranchées — dans certains dossiers précis, ce qui devrait vous donner l'heure juste à la fois sur la Loi elle-même et sur les modifications proposées pour atteindre les trois objectifs énoncés par le ministre.
Les questions primordiales sur lesquelles le comité devrait se pencher sont de savoir si la LCEE constitue un outil efficace afin d'examiner les projets importants pour l'environnement et de donner au grand public un moyen ouvert et efficace de participer à cet examen et, dans la négative, si les modifications proposées dans le projet de loi permettraient de régler ce problème. Pour le moment, d'après les études de cas que je vais vous présenter, la réponse semble être négative.
Mes trois premiers exemples viennent tous des Maritimes; ce sont des cas où la LCEE n'a pas été appliquée, ou encore où elle a été mise de côté, et où la même chose se reproduirait si le projet de loi était adopté sous sa forme actuelle. Il y a aussi un cas où la LCEE a été appliquée, mais où le projet a été relégué dans le ghetto de l'examen préalable, ce qui soulève des considérations particulières dans le contexte de ce projet de loi puisque ce projet se rattache à la restauration de l'environnement. Je vais aussi vous parler d'un cas où la LCEE a donné lieu à un examen préalable, mais c'est un cas qui illustre bien les graves problèmes liés aux accords-provinciaux, qui semblent parfois mettre la LCEE de côté; ce cas soulève également certaines interrogations quant au pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités responsables pour permettre ou non une participation publique, et quant aux conséquences des suggestions contenues dans le projet de loi C-19 au sujet des évaluations par catégorie, pour la simplification des petits projets. Enfin, il y a un projet mineur pour lequel une simple évaluation par catégorie, telle que proposée dans le projet de loi pour simplifier le processus, poserait un sérieux problème.
Je voudrais vous parler tout d'abord de la centrale nucléaire de Point Lepreau. Le Conseil de conservation a eu l'honneur — si on peut appeler cela un honneur — de faire partie de la toute première commission d'examen constituée au Canada dans le cadre du processus fédéral d'évaluation environnementale, le 3 avril 1975. Le projet concernait la construction d'un réacteur CANDU sur la baie de Fundy, à côté des ports de pêche de Chance Harbour et de Dipper Harbour.
¿ (0910)
Le président: De mémoire, savez-vous qui présidait cette commission?
M. David Coon: En fait, j'ai vérifié, j'ai noté les noms et, comme cela ne me disait rien, je ne les ai pas apportés.
Le président: Ce n'était pas M. Seaborn, n'est-ce pas?
M. David Coon: C'est bien possible.
Dix-neuf ans après que cette centrale a commencé à produire de l'électricité, elle est déjà usée prématurément. Énergie NB et EACL proposent maintenant de reconstruire une centrale nucléaire dont le coût initial serait de 850 millions de dollars, et les coûts ultérieurs, pour toute sa durée de vie, de plus de 2 milliards. Ce serait la première fois qu'on prolongerait la vie d'un réacteur CANDU. Autrement dit, le réacteur serait mis à la retraite et y resterait à moins que ces travaux soient faits, ce qui implique une reconstruction complète du coeur fragile du réacteur, de même que beaucoup d'autres changements. EACL, qui est une société fédérale, servira d'entrepreneur. Le promoteur affirme que cela ajoutera 25 ans de fonctionnement. Évidemment, les émissions, les effluents et les déchets que la centrale produit actuellement, avec les risques qui s'y rattachent, vont se poursuivre, mais cette remise à neuf—comme ils disent—va permettre d'éviter l'examen préalable dans le cadre d'une évaluation environnementale, sans parler de l'examen en commission. Pourquoi? Parce que le projet de loi n'obligerait pas non plus à effectuer cette évaluation.
Il semble que ce projet échappe à tout ce qui pourrait mettre en branle le processus prévu dans la LCEE. En fait, la Commission canadienne de sûreté nucléaire va effectuer en vertu de la LCEE un examen préalable de certaines modifications proposées aux installations de stockage des déchets radioactifs sur le site. Nous avons été complètement démontés quand nous avons entendu dire que cela allait se faire. Quand ces installations de stockage en surface pour les déchets radioactifs ont été construites, il n'y a eu absolument aucune évaluation environnementale, malgré nos efforts et ceux de divers autres intervenants. Et maintenant, l'ajout de quelques autres silos de béton qui contiendront des déchets radioactifs sur le site va entraîner l'application de la LCEE, ce qui n'a pas été le cas du projet lui-même. Évidemment, ces silos additionnels ne seraient pas nécessaires si la centrale n'était pas remise en activité. Ce que nous nous demandons, c'est s'il y a eu de la magouille pour maquiller un problème politique tout en évitant d'avoir à subir un examen et à rendre des comptes en public sur la principale chose, ce qui se produirait si la LCEE était appliquée?
Donc, le problème dans ce cas, c'est qu'un important projet nucléaire, auquel le gouvernement fédéral va participer de près et pour lequel il va fournir des garanties par l'intermédiaire d'EACL, tant au sujet des coûts de construction que du rendement ultérieur, sera soustrait à l'application de la LCEE. C'est le premier exemple.
Le deuxième exemple porte sur l'exploration pétrolière et gazière dans le sud du golfe du Saint-Laurent, au large de la Nouvelle-Écosse; c'est un projet dont il est question dans les nouvelles nationales depuis un certain temps. Certains d'entre vous sont peut-être au courant de la bataille en cours au Cap-Breton et à l'Île-du-Prince-Édouard, qui va sceller dans une large mesure l'avenir de nos eaux et de nos communautés côtières dans les Maritimes; c'est une bataille qui porte sur les permis d'exploration accordés par l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers à Corridor Resources et à Hunt Oil. C'est un secteur adjacent au Cabot Trail et au parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, qui couvre environ 600 000 acres de fonds marins à 80 kilomètres du rivage, sur 32 kilomètres dans le sud du golfe du Saint-Laurent, en direction de l'Île-du-Prince-Édouard. La concession de Hunt Oil couvre à elle seule environ 1,5 million d'acres dans la baie de Sydney. Ces deux secteurs sont des corridors migratoires et des habitats vitaux pour les poissons. Les communautés de la région y pêchent plusieurs espèces depuis des siècles, d'abord les Premières nations, puis les pêcheurs acadiens et anglophones. Un rapport du MPO sur le statut de ces habitats a révélé que le sud du golfe du Saint-Laurent, dans ce secteur, abrite une myriade d'espèces extrêmement vulnérables. Il y a un moratoire concernant l'exploration pétrolière et gazière sur le Banc Georges. Le MPO, lors des audiences publiques convoquées à la hâte—pas en vertu de la LCEE, mais à l'échelle locale—a admis que ce secteur était plus diversifié sur le plan biologique que le Banc Georges, qui fait actuellement l'objet de ce moratoire.
Je ne vous en dirai pas plus sur les risques que cela représente, mais l'élément le plus inquiétant dans tout cela, c'est que les organismes auxquels la loi a confié le mandat de protéger les pêches et l'environnement ont abdiqué cette responsabilité. En signant des mémoires d'entente avec l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, le MPO et Environnement Canada ont tous deux cédé leur mandat de protection de l'environnement à cet organisme chargé de délivrer des permis à l'industrie pétrolière, ce qui semble laisser peu de place à la LCEE.
¿ (0915)
Malgré l'opposition généralisée des pêcheurs et des citoyens, et même si la prospection sismique qui serait effectuée menacerait directement les populations de poissons et leur habitat, deux domaines qui relèvent du gouvernement fédéral, cette intrusion massive dans les eaux côtières — et je tiens à souligner qu'il est question ici des eaux côtières, ce qui est très différent des eaux extracôtières pour ce qui est de leur vulnérabilité et de leur importance économique—dont dépendent des milliers d'emplois, non seulement au Cap-Breton et à l'Île-du-Prince-Édouard, mais aussi en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick—parce que les poissons se déplacent, comme nous le savons—ne sera pas assujettie à la LCEE, et il n'y aura aucune évaluation de ses répercussions environnementales.
Donc, le problème dans ce cas, c'est que les ententes conclues entre les organismes responsables semblent permettre aux promoteurs d'éviter le processus de la LCEE, qui devrait normalement s'enclencher, et d'échapper à l'évaluation environnementale fédérale dans des secteurs qui relèvent clairement de la compétence fédérale, et où il y a de nombreuses preuves quant à l'existence de risques sérieux pour l'environnement. Le projet de loi C-19 ne s'attaque pas à ce problème. Il n'entraînera donc aucune amélioration à cet égard.
Troisièmement, pour rester encore un peu dans l'environnement marin puisque nous venons de la côte Est, il y a la question de la pêche aux filets traînants dans des habitats marins vulnérables. Sur la Plate-forme Scotian, nous savons maintenant qu'il y a des coraux anciens qui ont probablement diminué considérablement depuis 50 ans à cause de la pêche intensive aux filets traînants à bord des chalutiers. Les quelques récifs de corail qui restent, dont certains forment de véritables forêts, fournissent très probablement un habitat vital pour les poissons qui y cherchent refuge. On connaît mal ces environnements sous-marins puisque la communauté scientifique n'a découvert leur existence qu'il y a quelques années, grâce au travail des pêcheurs pour faire connaître ce phénomène et aux efforts de l'Ecology Action Centre de Halifax, qui travaille avec ces pêcheurs pour attirer l'attention des scientifiques sur la question.
La recherche sur ces bancs de corail vient de commencer, mais nous savons déjà qu'ils ont des centaines, voire des milliers d'années et nous pensons qu'ils jouent un rôle important pour soutenir la vie marine. Malgré tout, le MPO a autorisé la reprise de la pêche aux filets traînants sur le Banc Georges, où nous savons qu'il y a du corail. Pourtant, il existe de plus en plus de preuves scientifiques des effets néfastes du raclage des fonds marins pour divers habitats, en plus du corail. Plus d'une fois, des pêcheurs et des écologistes inquiets ont demandé au MPO d'évaluer les conséquences environnementales du raclage des fonds marins depuis le milieu des années 80, au moment où la technologie utilisée a changé considérablement, ce qui a rendu accessibles des endroits qui ne l'étaient pas auparavant, et où le déclin des populations de poissons a commencé à devenir très évident. Le MPO a toujours refusé.
Il est donc ironique, à notre avis, qu'un projet relativement restreint touchant un ruisseau intérieur qui contient de la truite doive faire l'objet d'une évaluation en vertu de la LCEE, alors que la perte potentielle de vastes secteurs sous-marins où vivent des poissons ou, en l'occurrence, où il subsiste des populations de corail, à cause de l'utilisation intensive des chaluts à panneau, n'entraînerait pas l'application de la LCEE. Le fait qu'un groupe de citoyens sans ressources doivent avoir recours aux tribunaux pour tenter de protéger un habitat dont le MPO est clairement responsable est un triste constat d'échec pour le processus fédéral d'évaluation environnementale.
Donc, le problème à cet égard, c'est que des activités touchant d'immenses secteurs d'un milieu marin qui contiennent des espèces rares et peut-être même menacées, par exemple du corail, et qui servent également d'habitat, ne sont pas assujettis à la LCEE même s'ils relèvent clairement de la compétence fédérale. Et le projet de loi C-19 ne changerait rien à la situation.
Le quatrième cas dont nous nous occupons activement en ce moment est celui de la rivière Petitcodiac et de son estuaire. C'est un cas où la LCEE a été appliquée. Dans les années 60, un point-jetée d'un kilomètre a été construit entre Moncton et Riverview, à 30 kilomètres de la limite extrême des eaux de marée de la rivière Petitcodiac. Très rapidement, la sédimentation massive—qui se poursuit toujours—a causé d'importants dommages à l'habitat et à l'écosystème. La rivière est aujourd'hui dix fois moins large qu'à l'origine, et beaucoup moins profonde. Trente kilomètres d'estuaire ont été détruits, avec les marais salés qui s'y trouvaient. Les poissons comme le saumon de l'Atlantique et l'alose de l'Atlantique ont disparu dans cette région—dans le cas du saumon de l'Atlantique, il s'agit en fait de la même espèce que celle du fond de la baie de Fundy, qui figure maintenant sur la liste des espèces en danger du COSEPAC—, et l'alasmidonte naine, qui se retrouvait uniquement dans les étendues d'eau douce de cette rivière, est maintenant disparue. Parce qu'il est censé s'occuper des poissons et de leur habitat, le MPO est un des principaux responsables de ce problème, et donc de la solution à y apporter.
¿ (0920)
Dans le cadre d'une initiative conjointe, le Nouveau-Brunswick et Ottawa lancent maintenant une évaluation des répercussions environnementales de quatre options visant à rétablir les populations de poissons et les écosystèmes de la rivière et de l'estuaire. Ce qui est en jeu, c'est la mort potentielle ou le rétablissement potentiel du troisième bassin hydrographique en importance au Nouveau-Brunswick, ainsi que les effets secondaires possibles dans l'estuaire et jusque dans la baie de Fundy. Cette évaluation environnementale pourrait prendre jusqu'à trois ans et coûtera 3 millions de dollars. Le projet de restauration de la rivière prendra lui-même beaucoup plus de temps et coûtera jusqu'à 20 millions de dollars. C'est un dossier très controversé. Bon nombre de municipalités, de groupes de citoyens et d'autres intéressés, dans toute la province, ont pris position de part et d'autre dans ce débat.
Malgré l'envergure et la portée de ce projet, ce qui explique la tenue d'une évaluation environnementale, malgré la controverse qu'il suscite depuis longtemps et bien qu'un conseiller spécial auprès du ministre des Pêches lui-même ait recommandé la formation d'une commission en vertu de la LCEE pour l'examen de ce projet, il n'y aura un examen préalable qu'à la fin de l'évaluation environnementale provinciale. Les fonctionnaires du MPO justifient cela en disant que c'est un petit projet, qui n'implique que quelques changements à un pont-jetée d'un kilomètre. Donc, même sous le régime du projet de loi que vous avez sous les yeux, l'accès et la participation du grand public à l'évaluation environnementale, plutôt que d'être prescrits par la LCEE, doivent être négociés avec les bureaucrates fédéraux et provinciaux, puisqu'il s'agit évidemment d'un examen préalable. Même dans le nouveau projet de loi, il n'y a rien au sujet d'une aide financière aux intervenants pendant l'examen préalable, même s'il s'agit en l'occurrence d'un processus de 3 millions de dollars échelonné sur trois ans. Par conséquent, les intervenants potentiels doivent se contenter de faire pression sur les ministres pour qu'ils choisissent la bonne solution et de ramasser de l'argent pour pouvoir participer au processus. S'ils ne peuvent pas convaincre les ministres, ils sont laissés à eux-mêmes.
L'autre aspect important—et c'est très particulier, peut-être à cause de l'ampleur de la chose—, c'est que ce projet et les autres du même genre qui visent à restaurer des écosystèmes ne correspondent pas vraiment aux définitions et aux approches de la LCEE concernant l'évaluation environnementale. Nous avons donc ici un projet qui vise à restaurer un écosystème sur une grande échelle. Les évaluations environnementales ont pour objet d'atténuer les effets des projets ou des propositions de développement, et les consultants qui gagnent leur vie à faire ces évaluations ont l'habitude de penser en fonction de cela. Donc, cette évaluation environnementale sur la restauration de la rivière Petitcodiac, au cours de laquelle on évaluera l'efficacité de plusieurs options—installer une travée dans le pont-jetée, modifier le fonctionnement des barrages de protection contre les inondations, et ainsi de suite—et toutes les conséquences indésirables qui pourraient se produire, ne cadre pas vraiment avec le processus conventionnel d'évaluation environnementale. Par conséquent, nous craignons que les objectifs et les approches ne soient tordus pour entrer dans ce cadre conventionnel et que le résultat empêche finalement d'atteindre l'objectif original, en l'occurrence la restauration.
Donc, pour résumer, un projet controversé qui touchera la majeure partie du sud-est du Nouveau-Brunswick et du bassin hydrographique du fond de la baie de Fundy peut être défini comme un petit projet en vertu de la LCEE, ce qui permet d'éviter une évaluation fédérale plus structurée permettant à la population de participer et de recevoir du financement, et le projet de loi offrirait aussi ces possibilités dans le cas d'une étude approfondie. Deuxièmement, cet important projet de restauration, probablement le plus important au Canada jusqu'ici, ne cadre pas facilement avec la structure de la LCEE, qui est censée promouvoir le développement durable, et les modifications proposées dans le projet de loi ne permettront pas non plus de régler ce problème fondamental.
Passons maintenant à l'exemple suivant...
¿ (0925)
Le président: Monsieur Coon, ce que vous nous lisez là est fort intéressant. Mais, en toute justice pour les autres témoins, pourriez-vous comprimer le reste de votre mémoire?
M. David Coon: D'accord, monsieur le président.
J'ai deux autres exemples, que je vais vous résumer brièvement. Le premier concerne l'autre bout de la baie de Fundy, dans la région de Quoddy, où j'habite moi-même et où se fait le gros de la production de saumon d'élevage dans les Maritimes. Nous étions très contents que ce projet doive faire l'objet d'un examen préalable en vertu de la LCEE et nous supposions que le MPO serait prêt à laisser le grand public participer à la prise de décisions. Nous jugions que les exigences de la LCEE imposeraient une certaine logique et une certaine structure au processus d'approbation des sites d'élevage du saumon au Nouveau-Brunswick.
Cependant, pendant la première année d'application, l'examen préalable sous le régime de la LCEE a été un désastre du point de vue du public à cause de l'entente fédérale-provinciale sur l'aquaculture. Et tout le processus a été encore compliqué par les contraintes provinciales. En particulier, le MPO devait recevoir les demandes par l'intermédiaire de la province plutôt que directement des promoteurs. Par conséquent, l'information était assujettie à toutes les dispositions de confidentialité de la loi provinciale sur l'aquaculture, ce qui annulait à toutes fins utiles toute participation publique significative prévue dans la LCEE. Et les choses ne vont pas beaucoup mieux cette année. Il est clair qu'on ne veut pas que la population participe à ce processus et, comme il s'agit d'un examen préalable, le MPO n'est absolument pas obligé de permettre cette participation.
Nous décrivons dans notre mémoire quelques autres cas où la LCEE était applicable, quelques autres questions qui se rattachent à cela, mais je vais vous parler seulement du dernier de ces cas. Ces projets d'aquaculture, en vertu du projet de loi, seraient très probablement classés parmi les projets pour lesquels un examen préalable par catégorie serait possible. C'est très important parce que, bien que les pratiques de gestion et d'élevage puissent être standardisées sur un site, l'emplacement des piscicultures a une énorme influence sur leurs conséquences environnementales. Même très bien gérée, une pisciculture peut parfois détruire le fond marin et créer des problèmes de dissolution de l'oxygène à un endroit donné, alors qu'elle ne causerait aucun dommage ailleurs. Donc, l'emplacement de ces piscicultures est extrêmement important. Et tout dépend aussi des autres activités dans le secteur. Il peut y avoir à certains endroits des sites de frai ou de nurserie pour d'autres espèces, ou des aires protégées à proximité. Donc, l'évaluation par catégorie, qui vise à simplifier le processus pour les petits projets en vertu du projet de loi, pourrait laisser de côté ces facteurs propres aux endroits choisis, qui pourraient être déterminants quant aux conséquences des piscicultures envisagées.
Donc, encore une fois, il y a le problème des ententes fédérales-provinciales, qui empêchent dans ce cas-ci l'application efficace de la LCEE pour évaluer l'emplacement de ces projets d'aquaculture. En outre, si le projet de loi était adopté tel que proposé, il pourrait y avoir des évaluations par catégorie qui risqueraient d'avoir des effets désastreux à certains endroits, à cause des caractéristiques du site.
Le dernier cas est intéressant. C'est un exemple de projets particulièrement petits, dont on croirait qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il s'agit de la construction d'un bâtiment pour les pêches dans la réserve de la Première nation à Tobique. Il y a eu un examen préalable. Il s'agissait seulement de construire un bâtiment; c'était un projet qu'on aurait pu croire insignifiant, mais qui a soulevé deux questions. Le projet de loi indique que nous allons nous fonder davantage sur les connaissances locales, et il y a encore une fois la question des évaluations par catégorie. Dans ce cas-là, les gens de l'endroit savaient très bien que la commission de l'énergie avait enterré des déchets dangereux sur le site, là où le bâtiment devait être construit. Cela remontait aux années 60, à une époque où la province, par l'intermédiaire du gouvernement fédéral, pouvait permettre par exemple que des dépotoirs soient aménagés dans les réserves sans que les membres de la bande soient consultés. Donc, deux conseillers et un membre de la bande sont venus me voir à ce sujet-là. On leur avait dit qu'il y avait eu une évaluation environnementale et qu'il n'y avait aucun problème, mais ils m'ont fait remarquer qu'il y avait bel et bien un problème, qu'il y avait des déchets dangereux enterrés là, et qu'on allait perturber le site pour y construire quelque chose. Qu'est-ce qu'ils pouvaient faire?
Donc, comme vous voyez, il n'y a pas d'évaluation environnementale pour un simple projet de construction, mais vous voyez aussi qu'il y a là des problèmes propres au site et que les gens de l'endroit le savaient. Ils ont dû se battre pour le faire reconnaître, y compris les membres du conseil de bande. Ils m'ont demandé mon aide parce que le Conseil de la conservation connaît bien le processus environnemental. Nous avons essayé d'intervenir, nous avons communiqué avec le ministère des Affaires indiennes et, comme d'habitude, le ministère n'a pas répondu au Conseil de la conservation parce que nous ne sommes pas une Première nation. Quand nous avons dit cela aux membres du conseil de bande, ils m'ont répondu de ne pas m'en faire parce qu'ils avaient le même problème tout le temps.
¿ (0930)
En conclusion, nous aimerions faire un commentaire et quelques recommandations.
Nous constatons que l'orientation de la Loi est vraiment passée de la participation du grand public à la participation des experts, et nous ne pensons pas que le projet de loi y change grand-chose. Mais pour faire une bonne évaluation environnementale, parce que cela implique beaucoup d'incertitude et beaucoup d'interrogations sur les risques pour l'environnement, il faut que la population puisse vraiment contribuer de manière significative à déterminer si ces risques sont acceptables. Le projet de loi C-19 n'y changera pas grand-chose à notre avis.
Deuxièmement, il nous semble, à partir des cas comme ceux que je viens de vous exposer, que les autorités responsables cherchent le plus possible à éviter la LCEE ou à réduire son utilité. La LCEE est un obstacle à franchir, et le projet de loi ne semble pas changer grand-chose de ce point de vue-là non plus.
Pour rétablir l'équilibre entre la participation des experts et celle du grand public, pour assurer une plus grande certitude et une plus grande prévisibilité pour tout le monde, il y a un certain nombre de choses à faire. Nous croyons que la participation publique aux examens préalables devrait être obligatoire et que le financement des participants devrait être possible à l'étape de l'examen préalable, selon les cas. Je vous ai cité l'exemple de la restauration de la rivière Petitcodiac.
L'évaluation par catégorie doit comporter un mécanisme permettant de déceler les problèmes propres au site, par exemple dans le cas de piscicultures et de la construction d'immeubles, pour savoir si le site retenu pose des problèmes d'après ce que savent les gens de l'endroit. Nous pensons que cela pourrait se faire en deux phases, à savoir une évaluation générique pour le projet lui-même et une évaluation propre au site prévu pour l'activité.
Troisièmement, nous estimons que la liste d'étude approfondie devrait être élargie pour inclure les nombreux projets qui entraînent des risques importants ou qui présentent de réelles possibilités de restauration, comme dans les exemples que je vous ai cités au sujet de la reconstruction complète d'une centrale nucléaire, du raclage des fonds marins où se trouvent des habitats vulnérables et de la restauration d'écosystèmes.
Ensuite, nous jugeons que le processus d'établissement de règles sur les cas qui devront faire l'objet d'un examen par une commission doit non seulement être clairement défini, mais également inclure les cas où il y a un rapport d'examen préalable.
Nous estimons aussi que l'ACEE devrait être responsable d'organiser et de coordonner la participation publique, depuis les réunions d'établissement de la portée des incidences jusqu'à l'examen des études approfondies. Nous savons d'expérience que, lorsque les autorités responsables jouent un rôle aussi prépondérant pour faciliter la participation du public, d'autant plus qu'elles sont souvent des promoteurs, il y a beaucoup de malentendus et de confusion dans la population. Nous avons souvent vu des citoyens assister à des réunions sans savoir qu'il s'agissait de réunions d'établissement de la portée des incidences—en pensant qu'il s'agissait uniquement de séances d'information organisées par le promoteur—, et découvrir plus tard qu'il s'agissait en réalité de séances de consultation. Et je ne parle pas des obstacles à la participation publique lors de ces réunions, comme dans le cas de l'évaluation en cours à l'ACEE sur les modifications proposées aux installations de stockage des déchets radioactifs à Point Lepreau; la Commission canadienne de sûreté nucléaire tient des audiences à Ottawa pour un projet qui se déroulera dans le sud du Nouveau-Brunswick, des audiences publiques visant à déterminer si l'ampleur de l'évaluation est satisfaisante, ce qui est tout à fait inacceptable et constitue un obstacle énorme à la participation du grand public.
Enfin, la simplification de l'approche adoptée pour les petits projets est une excellente idée, à notre avis, mais nous pensons qu'il faut la pousser plus loin pour éviter les problèmes que nous constatons. Nous sommes d'avis que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale devrait avoir le pouvoir de soustraire les projets mineurs à l'examen préalable si aucune évaluation environnementale n'est nécessaire. Cela fera craindre le jugement divin à bien des gens, mais cela empêchera aussi qu'une foule de projets sans conséquence engorgent le système. Et il sera alors plus facile, à mon avis, de permettre une participation publique significative à l'étape de l'examen préalable si beaucoup de ces projets sans conséquence sont exclus. À cette fin, il faudrait que l'agence—c'est-à-dire le ministre, à toutes fins utiles—délivre un permis pour certifier que le projet a été intentionnellement soustrait à l'examen préalable et pour préciser les conditions que le projet devrait respecter.
¿ (0935)
Le projet de loi actuel comprend certainement quelques améliorations modestes, dont je ne vous ai pas parlé parce que nous voulions plutôt vous faire part de nos préoccupations, mais il ne permettra d'atteindre aucun des trois objectifs fixés par le ministre pour l'amélioration du processus d'évaluation environnementale grâce aux mécanismes d'examen prévus dans le projet de loi. La LCEE, sous sa forme actuelle, pose des problèmes fondamentaux; j'en ai soulevé beaucoup en vous décrivant les cas auxquels nous avons été mêlés. Nous espérons que, comme avant, quand le comité a étudié le premier projet de loi qui a donné naissance à la LCEE, vous serez en mesure de renforcer ce nouveau projet de loi et d'améliorer le processus d'évaluation environnementale au Canada. J'espère que notre contribution aura alimenté votre réflexion en ce sens.
Merci.
Le président: Merci de nous remémorer ces quelque 200 amendements. C'est de cela que vous voulez parler?
M. David Coon: Excusez-moi, de vous remémorer quoi?
Le président: Les quelque 200 amendements qui ont été présentés quand la LCEE a été soumise à notre comité la première fois.
M. David Coon: Je voulais simplement rappeler que le comité a réussi à faire intégrer certains de ces amendements dans la Loi.
Le président: Merci d'avoir soumis des recommandations très précises au comité; elles sont très utiles. Merci aussi de nous avoir rappelé certains souvenirs.
Nous allons maintenant passer, rapidement, à M. Fleming.
M. Randy Fleming (Inter-Church Uranium Committee): Bonjour, monsieur le président.
Mme Maisie Shiell et moi représentons l'Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative, établie en Saskatchewan. Nous profitons de l'occasion pour vous remercier, vous et les membres du comité, de nous avoir permis de vous faire notre présentation aujourd'hui.
L'Inter-Church Uranium Committee est un groupe multipartite composé d'un certain nombre d'organisations représentant des fidèles de diverses Églises, des éducateurs, des membres de la communauté scientifique et de simples citoyens comme Mme Shiell et moi-même, qui s'intéressent aux questions liées à l'utilisation de l'uranium depuis la fin des années 70, à l'époque où une raffinerie de transformation de l'uranium a été implantée à Warman, Saskatchewan, tout près de Saskatoon.
Permettez-moi en guise de préface de vous faire part de mes convictions. Vous serez peut-être d'accord pour dire que la sécurité est aujourd'hui une notion vague, qui fait appel à l'obligation, pour le gouvernement, de protéger son territoire et sa population de toute menace contre la stabilité de son ordre national, et en particulier contre le bien-être de la société, et de protéger les importantes valeurs sociales de notre pays. L'environnement dans lequel chacun de nous doit vivre et coexister est tout aussi important. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui de vous répéter le contenu de mon mémoire. Je voudrais simplement vous faire un bref survol, après quoi je vais laisser Mme Shiell faire sa présentation.
Nous croyons que, si le mariage de l'analyse scientifique et de la participation publique vise simplement à déterminer les conséquences environnementales qui sont un peu moins dommageables que les autres, pour citer le professeur Gibson, ou qui causent le moins de tort à l'environnement, alors qu'en réalité, l'évaluation environnementale n'est qu'une tentative pour permettre à un projet dont nous savons qu'il sera nuisible à l'environnement d'aller de l'avant tout comme ses prédécesseurs, sans en mesurer le prix, alors l'évaluation environnementale devient un processus dangereux et potentiellement nuisible en elle-même.
Il est important de se rappeler que la prétendue quantification objective des risques ne nous fournit pas d'impératifs éthiques. L'aspect technique de la définition des risques ne nous dit pas si nous devrions ou non prendre ces risques. Puisque les différends de nature quantitative peuvent être résolus grâce à des données techniques, contrairement aux différends sur les valeurs, les divergences de vues se règlent généralement sur le plan analytique ou technique. C'est du moins ce qu'ont constaté les membres de notre comité en ce qui concerne le processus de réglementation de l'uranium. L'ICUC constate que le processus d'évaluation environnementale, dans le cas de l'uranium, repose souvent sur des preuves scientifiques qui peuvent, au mieux, être qualifiées de provisoires ou de conjecturales et qui servent pourtant à prendre les décisions.
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte ce matin pour vous faire un bref historique des enquêtes et des recherches qui ont été effectuées ces 20 dernières années en Saskatchewan, pour nous amener au point où nous en sommes en 2002.
¿ (0940)
Le président: Monsieur Fleming, vous pouvez certainement le faire, mais n'oubliez pas que nous sommes ici pour étudier le projet de loi C-19. Je vous demande donc de faire une présentation qui se rattache à ce projet de loi.
M. Randy Fleming: Merci, monsieur Caccia. Je me propose simplement de vous montrer les données scientifiques qui ont été recueillies pendant cette période, mais qui n'ont pas permis de quantifier ou de mesurer les risques de façon satisfaisante, et de vous expliquer où nous en sommes rendus et où les risques se sont traduits par des problèmes concrets dans le bassin de l'Athabasca.
La première étude, terminée en 1981, s'intitulait «Évaluation préliminaire des conditions environnementales de deux sites abandonnés de résidus d'usines d'uranium en Saskatchewan». Elle portait sur les deux mines les plus anciennes, qui ont été mises en exploitation au début des années 50 et qui ont fermé en 1976. Il y a eu ensuite, en 1988, une étude intitulée «Effet des résidus des mines d'uranium sur les concentrations de radionucléides à Langley Bay (Saskatchewan)»—dans la région du lac Athabasca—, puis une autre intitulée «Mouvement des radionucléides dissous provenant des résidus de mine d'uranium immergés dans les eaux de surface de Langley Bay». Cette étude-ci a été effectuée un an plus tard, en 1990, pour étudier les effets sur l'écosystème dans la même région. Et je dois vous dire qu'il y a eu d'autres études que Mme Shiell a retrouvées au cours de ses recherches. Malheureusement, je n'en ai pas d'exemplaires.
Ceci est une autre étude sur les radionucléides, qui englobait un secteur un peu plus au sud, comme vous pouvez le voir sur la carte, et qui montre le processus de dispersion des radionucléides dans d'autres secteurs, le long de la chaîne alimentaire.
Et nous voici rendus en 2002. Le Star Phoenix a publié dans son édition du 1er février un article de fond qui fait état essentiellement des résultats de certaines des études réalisées et qui précise combien il en coûtera pour décontaminer le site des mines abandonnées à cause des résidus d'uranium qui s'y sont accumulés et qui n'ont jamais été nettoyés.
Je me contenterai de dire qu'à notre avis, les recherches qui auraient du être effectuées au moment où ces mines ont été fermées n'ont pas été faites. Mme Shiell va vous en dire un peu plus long sur ce qu'elle estime être des éléments vitaux du projet de loi C-19 qui pourraient aider à combler ces lacunes.
Merci.
¿ (0945)
Mme Maisie Shiell (Inter-Church Uranium Committee): Bonjour, mesdames et messieurs.
Je vais vous parler de ce qui se passe aujourd'hui en Saskatchewan, où nous exploitons du minerai d'une teneur de 21 p. 100 dans une mine de la rivière McArthur. C'est la raison pour laquelle j'ai tellement insisté pour venir vous en parler aujourd'hui. Je ne crois pas que l'agence, la Loi actuelle ou le projet de loi C-19 puisse régler le problème qui se pose actuellement en Saskatchewan.
Le président: Votre observation est tout à fait juste, Maisie. D'autres témoins nous ont dit la même chose. Si vous voulez aider notre comité, n'oubliez pas que nous étudions actuellement le projet de loi C-19.
Mme Maisie Shiell: Je vous ai remis mon mémoire, et ce que je dis, c'est que ce que nous faisons n'est pas viable. Le projet de loi est censé encourager l'autorité responsable à assurer un développement durable. Ce qui se fait en Saskatchewan, dans cette mine où le minerai est à très forte teneur en uranium, va dans la direction opposée. Les gens du Sommet mondial sur le développement durable, qui aura lieu à Johannesburg d'ici la fin de l'année, nous ont écrit pour nous demander d'examiner la situation du point de vue du développement durable. Nous sommes obligés de constater—et tout mon document de mise en contexte porte sur cette question—que le développement durable est de moins en moins durable. Je pense que cela se rattache à ce dont il est question dans la Loi, n'est-ce pas, monsieur Caccia?
Je ne suis plus jeune, et j'ai toujours de la difficulté à me souvenir de ce que je dois dire. Est-ce que je peux vous lire ma présentation?
L'Inter-Church Uranium Committee Education Co-operative a commencé à suivre ce dossier avant l'an 2000. Cette loi est utilisée pour permettre l'exploitation de minerai à teneur en uranium de plus en plus élevée. Le point de vue de l'ICUCED est que l'exploitation de minerai à forte teneur en uranium—la teneur moyenne pouvant atteindre 21 p. 100—est un développement non durable.
Quand le minerai est extrait, de grandes quantités de radionucléides émetteurs de rayons alpha, qui sont produits par la désintégration de l'uranium 238, sont apportées à la surface du sol où ces radionucléides peuvent être rejetés dans l'environnement. Je présente en annexe trois documents, dont le deuxième explique le processus de désintégration de l'uranium et la raison pour laquelle cela va se produire. Si vous vous posez des questions, c'est un document très important. J'ai insisté sur les rayons alpha parce que c'est ce problème-là qui n'est pas reconnu et qui ne fait l'objet d'aucune étude scientifique. Il n'y a pas de corroboration scientifique permettant de nous assurer qu'à long terme, les radionucléides émetteurs de rayons alpha produits par le radium 226 et le thorium 230, à longue période radioactive, ne causeront aucun dommage génétique ou somatique aux cellules des végétaux et des animaux. Si vous regardez ce document, vous constaterez que le thorium 230 a une période radioactive de près de 80 000 ans, et le radium, de 1 600 ans. Ces substances se désintègrent à leur tour en radionucléides émettant des rayons alpha. Je sais que c'est compliqué, mais je ne suis pas une scientifique. Je me concentre sur la question depuis 1976 pour essayer de savoir qui a raison. C'est un sujet tellement controversé.
¿ (0950)
Le Dr Ward Whicker, radiobiologiste bien connu de l'Université du Colorado, a fait parvenir un courriel à l'ICUCEC le 26 novembre 2001 parce que nous lui avions demandé son opinion sur les effets des rayons alpha. Le Dr Whicker a répondu qu'il lui était impossible de prendre position sur les effets de l'irradiation alpha à cause du manque général de connaissances qui, comme il l'a expliqué, découle de la controverse au sujet de l'efficacité biologique relative—ce qu'on appelle l'EBR—de l'irradiation alpha. Il a précisé: «Nous sommes grandement dans l'ignorance quand il s'agit d'évaluer les débits de dose auxquels sont soumis les cellules germinales et les tissus, et nous sommes également dans l'ignorance quant à l'interprétation des effets d'un débit de dose donné.»
Le développement non durable du minerai à forte teneur en uranium est autorisé en vertu du paragraphe 20(1)a) qui stipule que l'autorité responsable peut permettre la mise en valeur d'un projet si, à son avis, la réalisation de ce projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets négatifs importants, pourvu que des mesures d'atténuation soient proposées. C'est ce qui me pose un problème : les responsables du projet affirment que ces effets sont insignifiants. Il semblerait que rien n'oblige l'autorité responsable à fonder son opinion sur des données scientifiques. À mon avis, c'est une immense lacune.
Plus forte est la teneur en uranium, plus grandes sont les quantités de radium et de thorium apportées à la surface du sol, où elles peuvent être transmises aux sédiments, au biote et à l'eau. La plus grande partie de ces radionucléides se retrouveront dans les décharges de résidus où ils seront contrôlés par un pompage et un traitement, qui dureront probablement au moins 20 ans dans le cas de la mine de la rivière McArthur. Mais qu'est-ce qui se produit ensuite? Pouvons-nous continuer à pomper et à traiter pendant des siècles ou des millénaires? Comme je l'explique dans ce tableau, ces radionucléides vont continuer à se désintégrer en nouveaux radionucléides émetteurs alpha longtemps après la fermeture des pompes. Il n'y a plus de mesures d'atténuation possibles une fois que ces radionucléides émetteurs alpha se sont introduits dans les végétaux et les animaux. C'est différent de tous les autres poisons. Les dommages génétiques sont transmis aux générations suivantes. Aucune installation d'exploitation de minerai à forte teneur en uranium n'a encore été déclassée. Il n'y a donc pas de précédent.
¿ (0955)
Le paragraphe 4(b) de la LCEE stipule que cette loi a pour but «d'inciter les autorités responsables à favoriser un développement durable». Nous croyons que ce but, c'est-à-dire de répondre aux besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins, n'est pas atteint dans les installations d'exploitation de minerai à forte teneur en uranium de la Saskatchewan. Il faudrait modifier l'article 20 pour atteindre le but visé par ce paragraphe.
Dans son document de travail de décembre 1999, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale décrit comment l'évaluation environnementale est reconnue comme outil important de prise de décision pour le développement durable :
L'évaluation environnementale des projets utilise des analyses scientifiques et la participation du public pour déterminer les effets négatifs possibles des projets sur l'environnement avant qu'ils ne se produisent. |
Comment se fait-il qu'une chose aussi sérieuse soit autorisée sans qu'aucune étude scientifique ait été effectuée sur les effets des radiations alpha? L'ICUC est d'avis qu'il devrait y avoir une obligation de corroborer scientifiquement l'opinion de l'autorité responsable, à savoir que la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants. Je pense que vous avez demandé qu'un comité étudie certains de ces effets, et nous allons essayer de participer à cet exercice.
Le Forum environnemental canadien sur le Sommet mondial sur le développement durable a récemment invité l'ICUCEC à présenter un bref exposé sur la viabilité des mesures prises en ce qui concerne les déchets radioactifs au Canada en 2002 comparativement à 1992. Pour les installations d'exploitation de minerai à forte teneur en uranium de la Saskatchewan, notre conclusion est que, compte tenu de la teneur moyenne de 21 p. 100 du minerai de la rivière McArthur, qui est entrée en exploitation en novembre 1999, et du fait qu'il n'y a toujours pas eu de recherches sur les effets génétiques de la contamination des organismes par le radium, nous nous sommes progressivement éloignés du développement durable depuis 1992 dans les mines d'uranium de la Saskatchewan. Nous recommandons que votre comité examine de plus près cette situation en Saskatchewan, qui semble tourner la loi en dérision.
À (1000)
Le président: Merci beaucoup.
Mme Maisie Shiell: J'espère que ce document vous sera utile. Je sais que c'est un fardeau supplémentaire; il faudra l'étudier, mais il n'est pas nécessaire d'être un scientifique. En outre, au sujet de l'Inter-Church Uranium Committee, je voudrais vous présenter ce petit ouvrage que nous avons préparé. Nous avons célébré notre 20e anniversaire. Nous y avons tous contribué; vous y apprendrez donc certaines choses sur nous.
Il y a beaucoup de propagande en Saskatchewan, et la majorité des gens sont d'accord pour que l'exploitation de l'uranium se poursuive. L'Inter-Church Uranium Committee reçoit un peu d'argent des Églises, mais ce n'est même pas suffisant pour embaucher quelqu'un à notre bureau, parce que les Églises nous disent que tous leurs paroissiens sont d'accord. Donc, c'est très difficile pour nous, mais c'est pour les générations futures que nous devons nous occuper de cette question.
Merci.
À (1005)
Le président: Encore une fois, votre présentation nous est très précieuse. Merci beaucoup. Nous sommes heureux que ayez pu vous rendre à Ottawa. Vous venez de loin.
Mme Maisie Shiell: Est-ce qu'il y aura des questions, monsieur Caccia?
Le président: Oui, quand nous aurons entendu la troisième présentation.
Monsieur Lipinski ou monsieur Morin.
M. Allan Morin (ministre responsable des projets environnementaux, Ralliement national des Métis): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité et témoins.
Je tiens à dire premièrement que je m'occupe d'environnement depuis bien des années et que j'ai connu Maisie en 1976, à l'époque de l'enquête de la commission Bayda; je la connais donc bien. C'est une grande championne des questions touchant l'uranium, et elle a souligné un certain nombre de choses intéressantes qui n'ont jamais été examinées, par exemple le déclassement des mines. Il y a en Saskatchewan environ 67 mines qui sont toujours ouvertes et qui n'ont jamais été déclassées. Je pense que les Canadiens commettent une grave erreur en acceptant que ces mines restent ouvertes sans être déclassées. Je pense que Maisie a soulevé là une question intéressante, parce que c'est vraiment dommageable pour l'environnement.
Je m'appelle Allan Morin et je suis ici aujourd'hui à titre de ministre de l'environnement et des ressources naturelles pour le Ralliement national des Métis. Je profite également de l'occasion pour vous présenter M. Garry Lipinski, qui est président de la Métis Nation of Ontario et qui a été nommé membre du Comité de l'environnement et des ressources naturelles du Ralliement national des Métis.
Le Ralliement national des Métis est heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité pour parler du projet de loi C-19, Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je voudrais, pour commencer, remercier tous les membres du comité d'avoir pris des dispositions spéciales pour recueillir l'avis de la nation métisse sur cette importante question.
Je profite de l'occasion pour faire deux choses : d'abord pour signaler aux membres du comité divers facteurs à considérer dans le projet de loi C-19, du point de vue de la nation métisse, et ensuite pour insister sur la nécessité de renforcer la participation des Métis à l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Comme nous avons déposé notre document auprès du greffier, je ne m'attarderai pas au contexte de la présentation que nous allons vous faire. Ce document retrace l'histoire de la nation métisse, ainsi que du Ralliement national des Métis. Ce que je tiens à vous dire, c'est que le Ralliement national des Métis compte un siège social à Ottawa et se compose de représentants et d'administrateurs de ses unités constituantes, notamment la Métis Nation of Ontario, la Fédération des Métis du Manitoba, la Métis Nation of Saskatchewan, la Métis Nation of Alberta et le Métis Provincial Council of British Columbia. Le Ralliement national des Métis estime que la population métisse du Canada compte environ 300 000 personnes, qui vivent pour la plupart dans les provinces des Prairies.
Permettez-moi maintenant de vous exposer certaines idées fausses que le gouvernement fédéral et le grand public entretiennent au sujet des Métis.
Le président: Tant que vous le faites dans le contexte du projet de loi C-19, monsieur Morin.
M. Allan Morin: Oui, cela se rattache au projet de loi C-19.
Premièrement, c'est un mythe que les Métis ne sont rien de plus que des individus qui se disent d'ascendance mixte, autochtone et non autochtone. En réalité, les Métis forment une nation identifiable et distincte qui a existé et qui existe toujours dans l'Ouest canadien. Cette existence en tant que peuple a été reconnue au Canada et sur la scène internationale tout au long de l'histoire de la nation métisse.
C'est un mythe que les Métis reçoivent de l'aide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En réalité, les Métis n'ont pas accès aux milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépense chaque année par l'entremise du MAINC.
C'est un mythe que les Métis n'ont pas de structures gouvernementales établies, capables de mettre en pratique l'autonomie gouvernementale. Toutes les unités constituantes du Ralliement national des Métis tiennent un scrutin à l'échelle provinciale pour l'élection de leurs dirigeants. Elles tiennent leurs propres registres de membres et elles dispensent des programmes et des services destinés expressément aux Métis. Nous sommes financièrement et politiquement responsables devant la nation métisse.
C'est un mythe que les Métis sont visés par les initiatives annoncées par le gouvernement fédéral pour les Autochtones. Les ministres fédéraux emploient souvent le terme « autochtone ». Cependant, ils excluent les Métis de ces initiatives parce qu'ils ne comprennent pas les besoins propres à la nation métisse et sa structure de gouvernement particulière, ou alors ils se servent de la position du gouvernement fédéral, en ce qui concerne la compétence sur les Métis, pour éviter de répondre à nos besoins et de se pencher sur nos problèmes.
C'est un mythe que les Métis ont établi des mécanismes pour faire valoir leurs revendications à l'intérieur de la fédération canadienne. Au contraire, les importants contentieux qui demeurent en suspens entre la nation métisse et le Canada ne sont pas examinés sur le plan politique. Dans bien des cas, cela a obligé les Métis à demander justice devant les tribunaux. Selon la politique fédérale actuelle, le gouvernement du Canada refuse de négocier avec les Métis et de reconnaître que les Métis ont des droits constitutionnels dont il faut tenir compte au sein de la fédération canadienne.
Voilà qui vous donne une idée de certaines idées fausses du gouvernement. Nous allons maintenant passer à nos recommandations sur le projet de loi C-19 puisque c'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. Je vais laisser la parole à mon collègue Garry Lipinski, qui va vous faire cette présentation.
À (1010)
M. Garry Lipinski (coprésident (Ontario), Ralliement national des Métis): Merci beaucoup, monsieur le ministre Allan Morin, du Ralliement national des Métis, d'avoir entamé notre présentation au comité. Merci à vous, monsieur le président, de même qu'aux membres du comité et aux témoins qui ont fait des présentations avant nous.
Je voudrais également mentionner, Allan, qu'il y a d'importants défenseurs de la nation métisse qui se sont joints à nous aujourd'hui. D'abord Bob Stevenson, un Métis originaire de l'Alberta qui s'est installé chez les Mohawks et qui travaille pour le conseil mohawk d'Akwesasne; depuis quelques années, il est également président du groupe de travail autochtone sur les espèces à risque. Nous sommes aussi accompagnés d'un employé du Rassemblement national des Métis qui travaille avec diligence pour nous dans le dossier de l'environnement, Paul Heighington.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, mon collègue M. Morin vous a présenté quelques commentaires très brefs et très intéressants sur la situation de la nation métisse. Il a également mentionné que, comme nous n'avons pas beaucoup de temps, nous avons déposé un document pour consultation ultérieure et que nous n'avons pas voulu nous y attarder aujourd'hui. Ce document est consacré en bonne partie à l'histoire du Ralliement national des Métis et du peuple métis.
Je trouve impératif de souligner, pour ceux qui ne le savent peut-être pas, que le peuple métis forme un peuple autochtone distinct au Canada; c'est un aspect qui passe très souvent inaperçu, dans la Loi, chez les bureaucrates et sur le terrain. En tant que peuple autochtone distinct, au Canada, égal—ni plus, ni moins—au peuple inuit, égal—ni plus, ni moins—aux peuples des Premières nations, le peuple métis est reconnu lui aussi dans la Constitution. Cependant, sur le terrain et dans la législation, et dans le cas des questions d'environnement comme celle qui nous occupe aujourd'hui, le peuple métis est souvent oublié. C'est un thème qui va revenir souvent dans nos recommandations.
Sur leur territoire, les Métis sont très conscients du concept d'évaluation environnementale. Nous avons besoin d'un environnement sain et prospère pour maintenir un bon équilibre dans notre survie économique, sociale et culturelle et notre qualité de vie. Grâce aux connaissances qu'ils ont acquises depuis longtemps sur ce territoire, les Métis participent activement depuis longtemps à la surveillance, à l'évaluation et à la protection de l'environnement. Pour les Métis, l'interaction avec l'environnement se poursuit encore aujourd'hui. C'est pourquoi le RNM a participé à l'examen quinquennal de la LCEE, puisque c'était une occasion d'évaluer l'efficacité de la Loi pour garantir un certain équilibre entre le développement durable et la saine gestion de l'environnement dans l'évaluation des projets potentiels selon notre perspective.
De notre point de vue, le dépôt du projet de loi C-19 et des modifications qui y sont proposées pourrait permettre d'améliorer les divers éléments du processus d'évaluation environnementale. Nous trouvons cependant que le gouvernement n'en est pas encore arrivé à incorporer véritablement la perspective autochtone, ce que le ministre de l'Environnement a pourtant décrit comme étant une des principales initiatives visant à renforcer la loi proposée.
Bien que la nation métisse ne participe que depuis récemment à l'examen de la LCEE, à l'occasion de cette révision quinquennale, c'est à notre avis notre meilleure—et notre seule—chance de pouvoir donner notre avis sur les dispositions suivantes de la Loi, qui prévoient une participation des Autochtones, dans l'espoir de renforcer la perspective métisse relativement à la LCEE.
Premièrement, l'article 10 et le paragraphe 59(1) établissent le rôle des conseils de bande dans l'évaluation environnementale des projets réalisés en tout ou en partie dans les réserves assujetties à la Loi sur les Indiens. Bien que les Premières nations aient soulevé plusieurs préoccupations au sujet des incohérences du processus et du fait que l'entière responsabilité des évaluations environnementales ne peut pas être déléguée aux Premières nations, je suis d'avis que le gouvernement devrait tenir compte du rôle des structures gouvernementales métisses locales dans le processus d'évaluation environnementale, des structures qui sont dans bien des cas, dans l'Ouest canadien, voisines des terres de réserve. Nous recommandons que le gouvernement général élargisse la portée actuelle de ces dispositions pour tenir compte des structures et des institutions gouvernementales aux niveaux local et régional.
À (1015)
Deuxièmement, l'article 9 modifierait l'article 16, qui stipule que les connaissances et traditions autochtones peuvent être prises en compte dans les évaluations environnementales, mais c'est actuellement laissé à la discrétion des autorités responsables, à savoir les ministères fédéraux. Les connaissances et traditions sont enracinées dans la culture et le mode de vie des Métis. C'est un système de connaissances qui combine le savoir transmis de génération en génération avec les observations et les expériences de chacun, ainsi qu'avec son interprétation de la terre et des ressources qu'elle offre. Les connaissances et traditions constituent non seulement une source d'information, par exemple sur l'emplacement d'une plante donnée ou le nombre de caribous dans un troupeau, mais servent également de cadre aux autres façons de procéder de nos communautés, par exemple la prise de décisions par consensus et les conseils que nous recevons des gens qui possèdent le savoir. Nous estimons que les connaissances et traditions autochtones doivent être incorporées à l'application de la Loi. Nous jugeons également que cette mesure législative devrait refléter les engagements pris au sujet des connaissances et traditions autochtones dans la Convention sur la biodiversité, qu'a ratifiée le gouvernement du Canada. Nous recommandons par conséquent que le nouvel article 16.1 soit modifié de manière à ce que la prise en compte des connaissances autochtones soit obligatoire, et non discrétionnaire.
Troisièmement, le paragraphe 48(1) de la Loi actuelle contient des dispositions restrictives sur la participation des Autochtones aux évaluations environnementales, sur leurs compétences à cet égard et sur leur statut d'observateurs à part entière. Comme vous le savez, la Loi ne s'applique qu'aux terres domaniales visées par la Loi sur les Indiens et relevant des autorités autochtones dont les droits territoriaux sont affirmés ou confirmés par des ententes sur des revendications territoriales et des revendications globales. À l'heure actuelle, l'article 48 ne permettrait pas la pleine participation des autorités gouvernementales métisses à l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des effets sur les terres et les intérêts traditionnels des Métis, sur les plans de l'environnement et de la culture. Nous recommandons que cette disposition soit modifiée de manière à prévoir la pleine participation des autorités gouvernementales métisses locales à l'évaluation environnementale des projets qui peuvent avoir des effets environnementaux et sociaux sur les terres des Métis.
Le Ralliement national des Métis, à titre d'organisme représentant les Métis et leurs communautés, a un rôle particulier à jouer dans les évaluations environnementales concernant les territoires traditionnels des Métis et les secteurs dont ils assurent la gestion. La participation des Métis s'impose, au-delà de la simple logique de toute bonne politique. À notre avis, la Loi impose tout particulièrement à la Couronne le devoir de protéger les intérêts autochtones concernant les territoires ou les ressources sur lesquels des décisions autorisées par le gouvernement fédéral peuvent avoir des effets néfastes.
Nous croyons que les affaires Powley et Blais, qui seront portées sous peu devant la Cour suprême du Canada, pourraient bientôt accorder à la nation métisse un rôle plus vaste dans le processus d'évaluation environnementale. Plutôt que de laisser le gouvernement fédéral se contenter de réagir, la nation métisse veut participer de manière constructive et proactive au processus d'évaluation environnementale. Le fait que nous soyons depuis peu membres à part entière du comité consultatif sur la réglementation relative à la LCEE constitue un pas dans la bonne direction, vers l'intensification de notre rôle dans le processus d'évaluation environnementale.
Des efforts sur les plans suivants pourraient améliorer encore davantage nos rapports avec le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la LCEE : premièrement, dans l'application, par le ministère, des mécanismes de consultation prévus auprès des Métis, des Premières nations et des Inuit, comme il l'a fait dans le cas du groupe de travail sur le projet de loi relatif aux espèces à risque; deuxièmement, dans l'harmonisation de la Loi avec les structures de l'autonomie gouvernementale autochtone et les régimes de revendications territoriales, ainsi qu'avec les lois provinciales sur l'évaluation environnementale; et dans la définition du rôle des connaissances et traditions autochtones en ce qui concerne le Loi et la pleine participation du RNM et des autres organisations autochtones nationales à l'élaboration des lignes directrices fédérales.
Enfin, il faut aborder la question de la capacité avec la nation métisse. Les Métis doivent avoir accès à des fonds à long terme, non seulement pour acquérir les ressources techniques et la capacité humaine nécessaires pour résoudre les questions touchant non seulement les institutions sociales, économiques et culturelles, mais également les territoires et les intérêts traditionnels des Métis.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vais maintenant demander à mon collègue M. Morin de conclure.
À (1020)
M. Allan Morin: Je remercie le président et les membres du comité, et en particulier le député de ma circonscription Rick Laliberté d'avoir bien voulu écouter mon exposé. En guise de conclusion, je tiens à souligner que la Métis Nation souhaite prendre part à un régime d'évaluation environnementale efficace et lié par l'obligation de rendre compte, ainsi qu'à son volet de promotion du développement durable. Nous sommes prêts à collaborer avec Environnement Canada ainsi qu'avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale pour atteindre ces objectifs visant à préserver la santé de notre environnement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Morin et à vous aussi monsieur Lipinski pour votre exposé. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de préparer le mémoire que nous avons distribué.
Nous allons maintenant commencer la période de questions avec M. Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci également aux témoins d'être venus aujourd'hui. Je pense qu'ils manifestent un véritable dévouement à l'égard de l'environnement. C'est quelque chose que nous apprécions.
La première question, monsieur Coon, se rapporte à votre description de Pêches et Océans. Je l'ai dit maintes fois au comité, mais nous avons dans l'ouest du Canada une vision de P&O qui est tout à fait différente. Nous avons seulement 27 nouveaux bureaux en Alberta, par exemple, de nouveaux bureaux de P&O en Saskatchewan dont les représentants portent des gilets pare-balles, sont armés et défoncent les portes. Ils ne correspondent absolument pas à la description que vous faites de P&O, soit un organe qui plie devant pratiquement toutes les évaluations environnementales. J'aimerais entendre votre commentaire à ce sujet, puisque nous avons entendu d'autres témoins décrire les représentants de P&O comme des êtres faibles qui cèdent tout le temps, alors que nous n'avons pas tout à fait la même vision. D'un autre côté, nous n'avons pas beaucoup de poisson et c'est peut-être la raison pour laquelle ils sont si puissants.
Deuxièmement, je me préoccupe de la collaboration fédérale-provinciale en matière d'évaluation environnementale. J'aimerais vous demander de vous pencher sur cette question; je pense que vous l'avez fait partiellement, mais je me demande ce qu'on pourrait faire pour avoir de meilleurs résultats.
Enfin, avons-nous les moyens scientifiques nécessaires pour repérer les radionucléides qui sont présents dans la chaîne alimentaire? Nous devrions disposer de ces moyens scientifiques. Est-ce qu'il y a beaucoup de données dont l'évaluation environnementale n'a pas tenu compte?
Le président: M. Coon d'abord et ensuite Mme Shiell.
M. David Coon: Je pense que nous avons été malheureusement confrontés à l'attitude de P&O que vous avez décrite, lors des terribles événements de Burnt Church. Cependant, je ne vais pas m'étendre sur le sujet.
Nous parlons d'un tout autre volet de P&O. Nous avons été directement témoins de ce genre de choses dans le cas du processus de révision des installations d'aquaculture. Il est totalement inacceptable que P&O reçoive les demandes qui devraient être examinées par l'ACEE par l'intermédiaire de la province et qu'elles soient soumises de ce fait aux clauses de confidentialité découlant des législations provinciales. C'est un gros problème.
Nous sommes en faveur de la collaboration fédérale-provinciale, mais malheureusement, l'expérience sur le terrain nous montre que le fédéral et les provinces se livrent à toutes sortes de jeux et de compromis. Prenons l'exemple de l'usine de traitement des déchets radioactifs de Point Lepreau dont le dossier est actuellement examiné par l'ACEE. C'est un examen conjoint dirigé dans ce cas par la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Or, la Commission a dit clairement au gouvernement provincial qu'elle ne souhaitait pas que la province considère que cette révision portait sur la reconstruction d'une usine nucléaire. Il fallait que cela soit considéré comme un volet accessoire et que l'examen porte essentiellement sur l'aspect relativement mineur de l'agrandissement du système de gestion des déchets radioactifs pour traiter des déchets futurs au cas où l'usine serait reconstruite.
Les relations fédérales-provinciales ont toujours été le prétexte pour les promoteurs de projets et les autorités responsables, à échapper aux facteurs de déclanchement de la LCEE ou à minimiser l'utilité de l'ACEE telle qu'elle se présente actuellement.
À (1025)
M. Bob Mills: Est-ce que vous pensez que le projet de loi C-19 donnera plus de pouvoir au fédéral par rapport aux provinces? C'est cela que vous voulez dire?
M. David Coon: Je dis que le projet de loi C-19 n'aboutira pas à un tel résultat.
M. Bob Mills: Non, mais nous devrions l'amender de manière à ce qu'il ait un tel effet.
M. David Coon: Il faut que le projet de loi prenne ces problèmes en compte.
Le président: Merci.
Madame Shiell, voulez-vous répondre à la question de M. Mills?
Mme Maisie Shiell: Ce que vous semblez dire, c'est que s'il n'y a pas de preuve, pourquoi s'acharner à vouloir en trouver?
M. Bob Mills: Non. Vous avez dit qu'il faudrait faire appel à la science et je me demande tout simplement si nous avons les moyens scientifiques nécessaires pour analyser la chaîne alimentaire et montrer d'où viennent les résidus que l'on trouve dans le cycle biologique. Est-ce que nous avons les preuves scientifiques et est-ce qu'elle sont laissées de côté par l'évaluation environnementale?
Mme Maisie Shiell: Tout d'abord, on exploite actuellement ces mines à haute teneur et les usines de traitement sont équipées de pompes, mais les radionucléides vont mettre des milliers d'années à disparaître. Il est impossible de garder les pompes en marche pendant des siècles dans ces usines de traitement .
Pour ce qui est des connaissances, est-ce que le comité a suivi la Loi canadienne sur la protection de l'environnement? Elle suggère de rajouter les radionucléides à la liste des substances d'intérêt prioritaire no 2 . J'ai suivi de très près les importantes études qui ont été présentées, sous forme de versions préliminaires. Les premières sont apparues en février 2000 et la dernière a été publiée en juillet 2001. On remarque que ces études signalent les radionucléides et presque toutes concernent le rayonnement gamma et le rayonnement bêta. Aucune étude ne porte sur le rayonnement émetteur alpha. La dernière version de la liste des substances d'intérêt prioritaire no 2 parue en version préliminaire en juillet 2001 contient des sections sur le rayonnement alpha et sur les problèmes qu'il cause, mais le gouvernement ne l'a pas entérinée. Quand on consulte la page Web, la seule chose qu'on trouve, c'est la liste de l'année précédente datant de juillet 2000. Cela vaut la peine de la lire et je cite le passage sur la génétique dans l'annexe 3. J'ai comparé ce document à l'argument de M. Wicker, leurs approches respectives. L'argument de M. Wicker est de dire qu'il ne peut pas présenter d'opinion parce qu'il n'y a pas d'étude. Eux disent que l'on peut aller de l'avant malgré tout car il est pratiquement certain que les conséquences sont tout à fait mineures. C'est ça le problème.
À (1030)
M. Bob Mills: C'est à cela que je voulais en venir. Nous examinons le projet de loi C-19 afin de l'améliorer pour qu'il prenne en compte les enjeux que vous soulevez. Notre tâche consistera donc à recommander de tenir compte de la science dans les évaluations environnementales. Voilà ce que je veux. Je ne remets pas la science en question.
Mme Maisie Shiell: Je suggérais d'ajouter à l'alinéa 20(1)a), lorsqu'il est question du jugement de l'autorité responsable... «en fonction des études scientifiques». Il faut en tenir compte dans ce cas particulier.
Le président: Merci, monsieur Mills.
M. Bob Mills: Je crois que M. Fleming a un bref commentaire à ajouter.
M. Randy Fleming: Pour répondre à votre question concernant les fuites de radionucléides dans la chaîne alimentaire, l'argumentation scientifique sans doute la plus convaincante qui mériterait d'être approfondie se trouve dans l'étude dont j'ai parlé, un document commandé par Environnement Canada à Patricia Thomas en 1995.
M. Bob Mills: Merci.
M. Allan Morin: J'aimerais répondre à la partie de la question concernant la collaboration fédérale-provinciale en matière d'évaluation environnementale. Premièrement, on note un manque de participation des Autochtones aux évaluations environnementales et je pense que les deux paliers de gouvernement doivent reconnaître qu'ils ont l'obligation de consulter les Autochtones avant d'agresser leurs territoires. La collaboration fédérale-provinciale pave la voie aux compagnies multinationales et au développement. Elle ne tient pas vraiment compte des intérêts des personnes véritablement touchées, surtout en territoire autochtone.
Deuxièmement, lorsque nous nous sommes présentés devant la Commission Bayda et d'autres commissions au fil des années depuis 1976 avec Maisie, nous avons réclamé des gouvernements fédéral et provinciaux qu'ils obligent les compagnies à rendre des comptes. En effet, les compagnies minières s'installent, exploitent les ressources mais n'ont aucun compte à rendre. Elles ne désaffectent pas les mines alors que d'après moi, elles devraient avoir l'obligation de nettoyer les déchets qui résultent de l'exploitation, parce qu'ils ont un effet négatif sur le territoire autochtone qu'elles ont exploité. Les résidus nuisent au mode de vie traditionnel de notre peuple. Ils contaminent notre chaîne alimentaire, parce que nos animaux mangent la végétation qui pousse sur les résidus. Notre santé s'en trouve affectée, de même que nos voies d'eau.
La collaboration entre le fédéral et les provinces devrait justement servir à examiner ces questions. Depuis 1976, nous réclamons du gouvernement qu'il prenne des mesures relativement aux six ou sept puits à ciel ouvert qui existent en Saskatchewan, mais rien n'a été fait pour les désaffecter alors qu'ils ont une incidence négative sur notre mode de vie traditionnel et sur notre chaîne alimentaire. Quand les gouvernements fédéral et provinciaux vont-ils prendre de telles mesures?
À (1035)
Le président: Merci, monsieur Morin.
Monsieur Laliberté.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): J'ai une question qui s'adresse à tous les témoins. Quand il est question d'évaluation environnementale et d'environnement, il est forcément question d'écologie. Toute notre écologie est liée aux écorégions. La plus proche de nos écorégions est celle de nos bassins hydrographiques. Si nous prenons l'exemple de l'uranium en Saskatchewan, il y a trois bassins hydrographiques concernés. Il y a celui du fleuve Churchill qui se trouve dans la région centrale, mais aussi celui du fleuve Mackenzie qui coule vers le nord et celui de la Saskatchewan Nord qui coule en bordure des Prairies. Les évaluations environnementales s'appliquent à l'intérieur d'une province, parce qu'elles relèvent d'une initiative provinciale. Par conséquent, la plupart des évaluations se font à l'intérieur des limites provinciales. C'est le cas en Alberta pour les sables bitumineux. Les enquêteurs qui évaluent les sables bitumineux s'intéressent surtout aux régions de l'Alberta et ne s'occupent pas de la Saskatchewan ou d'autres écorégions. Je me suis intéressé à la participation des Autochtones au pays et j'ai noté qu'il y avait essentiellement trois groupes, les Inuits, les Métis et les Premières nations. Je pense qu'il faudrait garder un certain équilibre en fonction des écorégions et ne pas tenir compte uniquement des provinces, des groupes autochtones ou des groupes d'intérêt dans nos collectivités. À mon avis, il faudrait que les évaluations soient faites en fonction de nos écorégions.
Les mines d'uranium ou les bassins de résidus se trouvant au bord du lac Wollaston, elles contaminent ce lac tout à fait exceptionnel qui se déverse dans deux bassins hydrographiques. Par conséquent, ces radionucléides dont vous avez parlé contaminent l'écosystème, les poissons, les plantes de ce secteur aquatique avant de se déverser dans deux grands bassins hydrographiques du Canada. C'est là qu'intervient la responsabilité du gouvernement fédéral. Je pense qu'il faudrait instaurer un objectif national et une responsabilité nationale pour prendre en compte les conséquences environnementales dans les écorégions.
J'aimerais demander au groupe de témoins que nous entendons ce matin si nos évaluations environnementales devraient porter sur les écorégions dans la mesure où elles se fondent sur des éléments cumulatifs ou spécifiques. Devrions-nous évaluer les sites proposés à partir des frontières provinciales et politiques ou devrions-nous plutôt nous centrer sur les écorégions et les écosystèmes? La majorité des groupes semblent dire que nous nous limitons toujours au territoire de la province alors que la pollution transportée par l'air et par l'eau ne connaît pas de frontières. Il faudrait peut-être trouver un meilleur équilibre des compétences. Cette responsabilité relève-t-elle du gouvernement fédéral? Devrions-nous examiner les impacts transfrontaliers et faire porter les évaluations environnementales au-delà des provinces et territoires promoteurs de projets?
Le président: Monsieur Morin, cette question vous semble destinée.
M. Allan Morin: Je vais laisser Garry répondre. Nous avons discuté de ces limites.
M. Garry Lipinski: Nous vous avons écouté, monsieur Laliberté et nous avons acquiescé. Nous reconnaissons en effet que nous devrions tous être concernés, car la pollution et ses conséquences ne sont pas limitées à un même endroit. Comme vous l'avez fait remarquer très justement, les polluants peuvent contaminer un réseau fluvial et se rendre dans d'autres provinces et d'autres régions, quitter un secteur relevant d'une première nation pour se rendre dans un territoire métis, une zone rurale, une zone urbaine, si bien qu'en fin de compte, tous les Canadiens sont touchés. Nous reconnaissons qu'il faudrait un effort conjoint pour s'attaquer à cette question.
C'est en partie le sens que nous voulons donner à notre participation. Actuellement, les Métis sont écartés de beaucoup de processus de décision. En effet, les communautés des Premières nations sont plus visibles dans une province ou une région, parce qu'il suffit de consulter la carte pour les situer. C'est la même chose pour les Inuits, on peut repérer leur territoire traditionnel. En revanche, les cartes fédérales n'indiquent pas où se trouvent les communautés de Métis, à l'exception de quelques-unes peut-être en Alberta où il existe certains peuplements métis et peut-être dans certaines régions isolées du nord des Prairies. Mais pour la plus grande partie du territoire métis, aucune carte fédérale ou provinciale n'indique où se trouvent les communautés de Métis. Un des points que nous avons soulignés dans notre exposé porte sur la nécessité d'apporter des changements pour que notre participation au processus d'évaluation environnementale soit obligatoire, afin que nous puissions nous aussi avoir notre mot à dire.
Par ailleurs, la population autochtone--et lorsque j'utilise le terme autochtone, j'englobe les Premières nations, les Métis et les Inuits--réclame à tous les niveaux, international, fédéral, provincial, au niveau de l'environnement et de la santé, etc., de pouvoir apporter au processus de prise de décision ses connaissances traditionnelles autochtones et, nous avons demandé dans notre exposé qu'il soit obligatoire de tenir compte des connaissances traditionnelles autochtones. Les gens qui sont familiers avec les connaissances traditionnelles autochtones, qui les ont étudiées ou qui en ont entendu parler savent qu'elles ont une perspective globale qui intègre tous les aspects que M. Laliberté a soulevés. Il n'y a pas que les mines à ciel ouvert, il y a également les résidus que le vent emporte dans la rivière, dans le réseau fluvial et qui contaminent les poissons et les plantes qui vivent dans cet environnement, ainsi que les animaux qui se nourrissent tout au long du bassin hydrographique, au fil de l'eau qui transporte les polluants. Les connaissances traditionnelles autochtones permettraient d'intégrer tout cela au processus de décision.
À (1040)
M. David Coon: J'aimerais ajouter un simple commentaire. Lorsqu'on demande aux Canadiens quelles devraient être selon eux les responsabilités principales du gouvernement fédéral en plus des questions de défense nationale, ils mentionnent régulièrement la défense de l'environnement canadien. Nous attendons de notre gouvernement fédéral qu'il joue ce rôle en appliquant les textes législatifs qu'il a à sa disposition. Bien entendu, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces en matière de développement et dans d'autres secteurs qui relèvent des compétences provinciales, mais en bout de ligne, les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement fédéral agisse en leur nom pour la défense de l'environnement canadien. L'environnement, ce n'est pas seulement le sud-ouest du Nouveau-Brunswick ou même la province du Nouveau-Brunswick, c'est l'environnement du Canada et celui du monde entier. Il est certain que les évaluations environnementales pourraient être faites sur la base d'une écorégion, mais, bien entendu, il faut respecter les modalités administratives appropriées ou obligatoires qui régissent les rapports entre le fédéral, le provincial et les différents paliers de gouvernement autochtone.
Le président: Monsieur Fleming.
Randy Fleming: Monsieur Laliberté, j'aimerais tout simplement compléter ce que M. Lipinski a déclaré en précisant que le Canada est un territoire étonnamment varié sur le plan biologique. Environ 140 000 espèces de plantes et d'animaux ont été identifiés au Canada et, à part les écorégions que vous avez citées, le pays possède pas moins de dix habitats fauniques. Je crois qu'il est important, comme vous l'avez dit, de ne pas limiter ou circonscrire le processus d'évaluation environnementale. Quand on tient compte des effets cumulatifs, on s'aperçoit que les espaces touchés sont beaucoup plus vastes.
À (1045)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Lunn, puis à M. Tonks.
M. Gary Lunn (Saanich--Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés très intéressants.
Je vais tenter de recentrer le débat et de revenir plus particulièrement au projet de loi C-19. J'ai deux questions précises pour M. Coon. Premièrement, il a parlé de la centrale nucléaire de la baie de Fundy qui a été en service pendant 19 ans et qui va être remise à neuf. Ces importants travaux vont permettre d'utiliser la centrale pendant encore 25 ans--n'hésitez pas à me rectifier si je fais erreur. Et pourtant, malgré tous ces travaux de construction, la LCEE ne s'appliquera pas, sauf pour la construction de nouveaux silos de stockage. Est-ce exact?
M. David Coon: Pour le moment, c'est une proposition. Elle n'a pas encore été acceptée par le gouvernement provincial.
M. Gary Lunn: J'essaie de--
M. David Coon: C'est exact.
M. Gary Lunn: C'est ce que vous nous avez dit. Je vais maintenant passer à ma question. J'essaie tout simplement de préciser les données. Donc, les rénovations qui sont proposées, mis à part les silos de stockage, ne seront pas assujetties à la LCEE et ne nécessiteront pas d'évaluation environnementale.
M. David Coon: C'est exact.
M. Gary Lunn: Quel amendement nous suggérez-vous donc d'apporter au projet de loi C-19 pour remédier à cette situation?
Je vais passer à ma deuxième question. Vous pourrez ainsi répondre aux deux en même temps. Vous avez évoqué les permis d'exploration du pétrole et du gaz au large de l'île du Prince-Édouard et, là encore, je veux m'assurer d'avoir bien compris. Ils ont mis de côté le processus LCEE et, grâce à un protocole d'entente, ils en ont remis l'entière responsabilité à la commission pétrolière. Voilà ce que vous avez dit, je crois. Quel amendement apporteriez-vous au projet de loi C-19 pour éviter que cela ne se reproduise?
Voilà mes deux questions. Une sur la centrale nucléaire et une sur les permis d'exploitation pétrolière et gazière en mer, une question importante qui va se poser en Colombie-Britannique. Quels sont les amendements particuliers que vous nous suggérez d'apporter au projet de loi C-19 pour régler ces deux questions?
M. David Coon: Pour répondre à votre première question, nous avons recommandé d'élargir la liste d'étude appronfondie afin d'inclure la remise à neuf ou la reconstruction des centrales nucléaires au lieu de leur désaffectation, autrement dit lorsque l'on doit essentiellement reconstruire des réacteurs.
Pour ce qui est du pétrole et du gaz, nous estimons que les protocoles d'entente conclus entre Environnement Canada, P&O, ou d'autres autorités fédérales responsables et des organismes provinciaux, devraient inclure des dispositions précises pour éviter que la LCEE soit mise sur la touche. Il faudrait que ce soit clairement précisé dans les protocoles d'entente. Je vous laisse le soin de définir quelle forme cela prendrait, mais nous sommes convaincus que cela permettrait d'améliorer la situation. Cela permettrait d'éviter que la LCEE ne soit mise sur la touche à cause de ces protocoles d'entente.
M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Lunn.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie beaucoup pour vos exposés. Grâce à leur profondeur et leur contenu, nous avons compris que c'est une chose de créer des politiques, mais que c'est une toute autre chose de les appliquer et de prendre conscience de leurs conséquences sur le terrain, si l'on peut dire. J'ai beaucoup apprécié la clarté de ce message.
J'essaie d'examiner les questions sous l'angle de l'équilibre qu'apportent au processus d'évaluation environnementale la participation du public, la consultation des meilleures données scientifiques, des meilleures informations disponibles et des meilleures pratiques. Les conséquences environnementales des radiations, du chalutage en haute mer et de la pêche qui massacre les habitats sont véritablement des questions de développement durable. Elles ont une incidence sur l'environnement que nous laisserons aux générations futures.
Le projet de loi propose la participation obligatoire par l'intermédiaire du processus d'établissement de la portée de l'évaluation dans l'analyse globale des risques. Madame Shiell et monsieur Coon, vous avez indiqué que c'est à ce stade qu'intervient l'analyse globale des risques qui fait pleinement usage des meilleures études scientifiques. D'après moi, le projet de loi prévoit non seulement la participation, mais également le financement des intervenants, de manière à garantir une sorte d'équilibre dans le processus. Est-ce que cela répondrait, à ce niveau, avec l'analyse des risques, au type de préoccupations que vous avez soulevées, ou est-ce que ce n'est pas assez?
À (1050)
Mad. Maisie Shiell: Prenez l'exemple de la rivière McArthur pour laquelle aucune analyse scientifique des rayonnements alpha n'a été réalisée. Voilà le problème: on parle uniquement de radiation. À la suite de certains accidents, des études ont été effectuées sur les rayonnements gamma et bêta, aux États-Unis et en Russie. Nous avons des données scientifiques sur les rayonnements gamma et bêta. Par contre, nous n'avons pas d'analyse scientifique sur le rayonnement alpha. Vous pouvez constater sur ce diagramme la différence entre les rayonnements alpha, gamma et bêta. Nous n'avons aucune analyse scientifique sur ce problème, en particulier au sujet de l'ionisation.
M. Alan Tonks: Madame Shiell, est-ce que je peux vous interrompre? Si le financement des intervenants est obligatoire et s'il manque des informations scientifiques, vous, en tant qu'intervenante, devez être en mesure de le signaler dans le cadre du processus d'étude approfondie.
Mme Maisie Shiell: J'étais sur le point de vous parler de ce qui s'est passé dans le cas de la rivière McArthur. Il y a eu enquête. Cette enquête portait sur cinq lignes différentes, très hautes, comprenant la rivière McArthur et le lac Cigar qui est aussi haut mais qui n'est pas encore entré en production. La production avait déjà commencé sur la McArthur. Il y avait le lac Clarke et le lac McLean. C'était une étude énorme qui s'est avérée difficile à suivre. Le projet de la rivière McArthur a été autorisé sans avoir à subir une évaluation environnementale, parce qu'il figurait sur la liste d'exclusion et qu'il avait déjà été soumis à un examen. La loi précise qu'elle ne s'applique pas si les effets prévus ne sont pas importants. Les évaluateurs sont très bons, ils produisent d'excellents rapports, mais il est très clair que dans le rapport qu'ils ont consacré à la rivière McArthur, ils n'ont pas dit que les résultats n'étaient pas importants. La loi stipule qu'il faut apporter des mesures d'atténuation, alors l'exploitation minière s'accompagne de mesures d'atténuation.
À (1055)
M. Alan Tonks: Merci, madame Shiell.
Monsieur Coon.
M. David Coon: C'est sans aucun doute un progrès que les dispositions exigent la participation du public à l'étude approfondie, comme nous l'avons proposé dans nos recommandations de changement. Toutefois, cela ne répond pas au problème que j'ai illustré par plusieurs exemples où l'on voit d'énormes projets importants isolés au moment de l'examen préalable où rien de tout cela n'est possible. Je pense qu'il y en aura de plus en plus maintenant que la loi prévoit le financement des intervenants et une participation plus significative du public au moment de l'étude approfondie. Les autorités responsables du gouvernement fédéral s'efforceront d'empêcher les projets plus importants de passer du niveau de l'examen préalable au niveau de l'étude approfondie. Voilà le problème. C'est ce qui se passe actuellement et cela pourrait s'aggraver maintenant que le processus d'examen plus approfondi permet une participation plus significative du public. C'est ce qui nous inquiète.
M. Alan Tonks: Je vois.
Le financement des intervenants est une chose, mais vous avez évoqué la perspective des Métis. Nous avons déjà entendu parler de la capacité à être proactifs plutôt que de réagir après coup. La loi précise que les Autochtones, les Premières nations et les Métis devraient participer à l'évaluation globale puisque les projets touchent leur habitat. Est-ce que l'on vous fournit les moyens de faire votre travail, de constituer vos ressources et d'inviter les gens sur le terrain à définir les différents problèmes de manière à ce qu'ils puissent réagir le cas échéant?
M. Allan Morin: Comme je l'ai dit plus tôt, les Métis manquent toujours de financement. Nous n'avons absolument aucun moyen de renforcer nos capacités pour nous permettre de participer à l'évaluation environnementale au niveau de l'examen préalable ou de l'étude approfondie. Nous n'avons aucun technicien pour nous aider pour les exposés et autres interventions. Cela fait défaut aux organisations métisses. Si nous voulons vraiment jouer un rôle efficace dans les évaluations environnementales, nous devons avoir les outils nécessaires, comme vous le dites. Certains outils fournissent les compétences dont nous avons besoin et nous ne les avons pas pour le moment. Il est important pour nous d'acquérir cette capacité afin que nous puissions nous attaquer de manière plus scientifique ou technique aux problèmes qui nous concernent. C'est la meilleure réponse que je peux vous offrir.
M. Garry Lipinski: Nous avons parlé de capacités dans notre exposé et Allan, dans ses remarques préliminaires, a dit que c'était un mythe. Les Premières nations obtiennent un financement de base pour pouvoir participer à diverses tribunes au Canada, tout comme les Inuits. Les Métis n'ont rien de tout cela. Cela confirme le point que j'ai soulevé. Nous avons obtenu 20 000 $ du palier national pour notre participation à l'évaluation environnementale quinquennale. Le palier provincial nous a accordé 3 000 $ de plus si les provinces souhaitaient prendre part à l'examen quinquennal. J'ai pris part à cette initiative en Ontario. Il ne faut pas réfléchir longtemps pour se rendre compte qu'avec un tel budget nous courons directement au déficit. Comment pouvons-nous participer à un examen à l'échelle de la province avec un budget de seulement 3 000 $? Cela illustre très bien ce que nous voulons dire lorsque nous affirmons que nous n'avons pas la capacité de participer de manière efficace aux échelons national, provincial, régional ou local. Voilà pourquoi nous intervenons avec tant de vigueur.
En ce qui a trait aux questions qui ont été soulevées précédemment, j'ai l'impression qu'une bonne partie du financement dont vous avez parlé n'existe pas pour l'examen préalable. Le financement est disponible au troisième niveau, au niveau de l'étude approfondie. Là encore, nous revenons aux capacités. Sur le terrain, dans les collectivités des régions isolées, nous n'avons pas, dans la plupart des cas, les compétences et le personnel technique nécessaires. Par conséquent, comment pouvons-nous espérer participer tout simplement au processus? C'est très souvent des gens comme Allan et moi qui intervenons pour expliquer les projets qui se préparent, qui vont toucher notre territoire, notre collectivité, et pour tenter de réfléchir ensemble à ce que nous pouvons faire. Pour le moment, nous n'avons pas les capacités nécessaires pour venir en aide à nos semblables. Mais nous en avons déjà parlé au cours de notre exposé et nous espérons que vous en tiendrez compte.
Á (1100)
M. Alan Tonks: En avez-vous parlé au CCR et avez-vous tenté d'alerter le ministre à ce sujet?
M. Allan Morin: Nous avons un représentant au CCR. Il s'appelle Dwayne Roth et il présente nos recommandations.
Le président: Merci, monsieur Tonks.
Madame Torsney, est-ce que vous avez une question concernant le sujet débattu?
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Oui. Je me demande s'il y a un effort concerté pour encourager les jeunes Métis à étudier la biologie et à acquérir des compétences techniques. Est-ce qu'il existe un programme pour les orienter vers les secteurs prometteurs, par des bourses ou d'autres incitatifs du système scolaire, afin d'acquérir ce genre de capacité? Il est impossible en effet qu'une même personne puisse répondre à tous les besoins d'une grande collectivité.
M. Garry Lipinski: Nos membres provinciaux proposent certains mécanismes de soutien tels que des bourses et des programmes d'éducation, pour encourager les gens à se former. Le problème, c'est qu'une personne qui acquiert les compétences nécessaires pour être en mesure d'intervenir dans ces domaines, est absorbée par le courant dominant et attirée dans les centres urbains qui offrent des emplois et des possibilités. Or, on ne peut reprocher à personne de chercher à améliorer son sort. Par conséquent, si nous n'avons pas les ressources nécessaires pour conserver les gens dans les secteurs où nous avons besoin d'eux, ils vont évidemment être attirés par le courant dominant et les centres plus urbanisés, pour travailler dans des sociétés, etc.
Le président: Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Mes questions se rapportent directement à Point Lepreau. Je vous prie de m'excuser d'avoir dû quitter pour aller voter à un autre comité.
Combien payez-vous l'électricité au Nouveau-Brunswick? Quel est le prix de détail de l'électricité?
Le président: Je ne pense pas que le projet de loi C-19 traite du prix de l'électricité.
M. Julian Reed: J'y arrive. J'aimerais vraiment savoir qui pourrait prendre la décision de dépenser 3 000 $ du kilowatt pour moderniser une centrale nucléaire, sans parler des coûts du stockage à long terme et des coûts de démontage. Vous avez tout à fait raison, aucune centrale nucléaire ne dure plus de 20 ans et la remise à neuf coûte plus cher que le prix initial de construction de la centrale. Quel système comptable peut-il justifier une telle dépense?
Le président: M. Coon ne comparaît pas devant le comité pour répondre à de telles questions.
M. David Coon: Je peux vous donner une brève réponse et vous dire tout simplement que si Énergie Atomique du Canada Limitée propose de vous rembourser au cas où le réacteur ne fonctionnerait pas correctement, si on vous garantit le prix de la reconstruction et si l'on consent à payer des pénalités en cas de dépassement des coûts, l'opération apparaît tout à coup un peu plus attrayante.
M. Julian Reed: Je vous remercie pour cette réponse. C'est ce que je voulais savoir, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Reed.
Il y a deux questions de mon côté de la table. La première se rapporte au rayonnement alpha et l'autre concerne l'exposé de M. Coon.
Madame Shiell, vous avez attiré notre attention sur le tableau portant le titre «Série radioactive de l'uranium 238». Sur la première ligne où il est question de la demi-vie de l'U-238, est-ce que 4.5E09 années signifie 4.5 10 à la puissance neuf , ou autre chose?
Á (1105)
Mme Maisie Shiell: Cela signifie 10 à la puissance neuf, soit 4,5 milliards d'années. J'ai suivi un cours l'an dernier et c'est de cette façon que mon professeur l'écrivait. Il semble que c'est de cette manière que je devais l'écrire à l'ordinateur.
Le président: En raison de votre intervention et parce que le sujet est préoccupant, je vais demander aux greffiers de faire une recherche sur le manque d'information concernant le rayonnement alpha, afin de vérifier s'il y a des études actuellement en cours ou prévues, en contactant la Société royale, l'AECL, et même la Commission de l'énergie atomique des Nations Unies, à Vienne. Nous verrons si certaines recherches pourraient être utiles à votre travail. Une fois que nous aurons fait enquête, nous prendrons contact avec vous. Bien entendu, les membres du comité seront informés. Est-ce que ça vous convient?
Mme Maisie Shiell: Oui.
Est-ce que vous me permettez de répondre à la première question concernant les 4,5 milliards d'années? La désintégration est très longue, car le processus est extrêmement lent. Plus la demi-vie est brève, plus la désintégration est rapide. Le tableau présente des données sur l'uranium lui-même. Tout est calculé en microgrammes plutôt qu'en becquerels. On ne considère pas l'uranium lui-même comme un produit posant un problème grave sur le plan des radionucléides, parce qu'il se désintègre si rapidement. Mais ce sont les autres éléments. Le polonium-214 a une demi-vie de 160 millièmes de seconde. C'est absolument incroyable. Le polonium a une énergie très élevée de 7,7 MeV. Je pense qu'il fallait le préciser.
Le président: Merci de donner toutes ces précisions. Nous vous transmettrons les résultats de notre recherche dès qu'elle sera terminée. Je vous remercie d'avoir porté ce détail à notre attention.
Mme Maisie Shiell: Pour ce qui est de la recherche, l'AIEA a fait en 1999 une étude rejetant la philosophie que le CIPR et notre gouvernement ont toujours adoptée et selon laquelle tant que les humains seront protégés, il n'y a pas d'inquiétude à se faire pour le biote. L'étude de l'AIEA, Document technique 1091, affirme que ce n'est pas toujours le cas.
Par conséquent, ces problèmes sont très flous et difficiles. La dernière chose est la liste des substances d'intérêt prioritaire no 2 qui a été suspendue. Une réunion publique devait lui être consacrée, mais elle a été annulée la semaine dernière parce que les entreprises et le gouvernement ont été incapables de s'entendre sur l'EBR.
Á (1110)
Le président: Très bien.
Monsieur Coon, vous avez présenté six recommandations au comité. Elles sont toutes très claires et utiles, mais j'ai quelques petits problèmes avec la recommandation no 3 et la recommandation no 6. Peut-être pouvez-vous nous donner des explications. Comment intégreriez-vous toute la gamme des projets dans la nouvelle loi si l'on adoptait un amendement libellé comme dans votre recommandation no 3 qui se lit comme suit: «La liste d'étude approfondie doit être étendue afin de tenir compte de l'ensemble des projets qui présentent des risques importants...»
M. David Coon: Nous suggérons au comité de se pencher sur les exemples semblables à ceux que j'ai donnés, dans lesquels d'importants produits ne sont pas énumérés dans la liste d'étude approfondie alors qu'ils devraient l'être. Par conséquent, l'amendement consisterait à allonger la liste d'étude approfondie afin d'y inclure un certain nombre d'actions particulières qui n'y figurent pas actuellement, telles que la remise à neuf des centrales nucléaires.
Le président: Pouvez-vous nous donner des exemples précis illustrant la recommandation no 3, sous une forme que l'on puisse ensuite intégrer à un éventuel amendement?
Dans la recommandation no 6, vous suggérez de rationaliser l'approche. C'est une suggestion très délicate, car elle peut se retourner et poser problème. Vous affirmer que l'agence «devrait avoir le pouvoir d'exclure certains projets de la liste d'examen préalable si aucune évaluation environnementale n'est nécessaire». Mais qui effectuera la première évaluation et de quelle manière?
M. David Coon: Je vais vous expliquer comment cela fonctionne au Nouveau-Brunswick. Le projet doit être enregistré dans ce cas auprès du ministère de l'Environnement, l'organisme responsable, puis on décide de le soumettre ou non à un examen préalable. Si l'examen n'est pas jugé nécessaire, le projet est éventuellement entériné sans conditions et suit le processus normal d'approbation. S'il est soumis à l'examen préalable, il subit le processus d'évaluation des risques environnementaux de la province. Nous avons aussi constaté des abus au niveau provincial. Cependant, il nous semble que le traitement par l'ACEE de ces petits projets qui encombrent le système absorbe du temps, de l'énergie, de l'argent, des ressources et du personnel qui pourraient autrement être consacrés à des projets plus importants. Ce doit être un cauchemar administratif.
Le projet de loi propose d'y remédier en multipliant les évaluations par catégorie, en adoptant une sorte d'approche générique. Ce sera peut-être suffisant, malgré les risques inhérents que j'ai soulignés dans l'exposé au sujet de certaines préoccupations propres à certains sites, mais il nous a semblé que certains projets sans importance qui encombrent souvent le processus d'examen n'ont pas lieu d'y être. Il doit y avoir un meilleur moyen de les filtrer avant qu'ils soient engagés trop loin dans le processus.
Le président: Si, sur votre chemin de retour, vous pensez à d'autres suggestions pour la mise en oeuvre de la recommandation no 6, veuillez les noter sur votre billet de train ou d'avion et nous les faire parvenir. Nous aimerions avoir votre avis sur la façon de procéder.
M. David Coon: Ce sera fait, mais le train ne va plus jusqu'à Saint John, comme Elsie le dit à qui veut l'entendre, alors je voyage en avion.
Le président: Monsieur Coon, monsieur Fleming, madame Shiell, monsieur Lipinski et monsieur Morin, je vous remercie beaucoup pour les exposés que vous nous avez présentés ce matin. Ils étaient remplis d'informations, très instructifs et très utiles.
La séance est levée.