ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 11 avril 2002
¿ | 0905 |
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)) |
Mme Martha Kostuch (vice-présidente, Friends of the Oldman River) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Stephen Hazell (directeur exécutif et avocat général, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. John Burcombe (Mouvement Au Courant) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
M. Peter Duck (président, Bow Valley Naturalists) |
¿ | 0945 |
Le président |
¿ | 0950 |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
Mme Martha Kostuch |
¿ | 0955 |
M. Bob Mills |
Mme. Martha Kostuch |
M. Bob Mills |
Mme Martha Kostuch |
Le président |
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ) |
À | 1000 |
M. John Burcombe |
M. Bernard Bigras |
M. John Burcombe |
À | 1005 |
M. Bernard Bigras |
M. John Burcombe |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.) |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
À | 1010 |
M. Stephen Hazell |
À | 1015 |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Stephen Hazell |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
Le président |
M. Julian Reed (Halton, Lib.) |
Mme Martha Kostuch |
M. Julian Reed |
Mme Martha Kostuch |
M. Julian Reed |
Mme Martha Kostuch |
M. Julian Reed |
Le président |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
À | 1020 |
M. John Burcombe |
Mme Karen Redman |
M. John Burcombe |
Mme Karen Redman |
M. John Burcombe |
Mme Karen Redman |
M. John Burcombe |
Mme Karen Redman |
M. Peter Duck |
À | 1025 |
Mme Karen Redman |
M. Peter Duck |
M. Stephen Hazell |
Le président |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
Mme Martha Kostuch |
À | 1030 |
M. Stephen Hazell |
Mme Martha Kostuch |
M. Alan Tonks |
Mme Martha Kostuch |
M. Alan Tonks |
À | 1035 |
Mme Martha Kostuch |
M. Alan Tonks |
Mme Martha Kostuch |
M. Tonks |
Mme Martha Kostuch |
M. Alan Tonks |
Mme Martha Kostuch |
M. Alan Tonks |
Le président |
Mme Martha Kostuch |
À | 1040 |
Le président |
Mme Martha Kostuch |
Le président |
M. Stephen Hazell |
À | 1045 |
Mme Martha Kostuch |
M. Peter Duck |
Le président |
M. Bob Mills |
À | 1050 |
M. Stephen Hazell |
Mme Martha Kostuch |
Le président |
M. Bernard Bigras |
À | 1055 |
M. Stephen Hazell |
M. John Burcombe |
M. Bernard Bigras |
M. John Burcombe |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan |
Á | 1100 |
M. Peter Duck |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Peter Duck |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Peter Duck |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Peter Duck |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Peter Duck |
Mme Karen Kraft Sloan |
Á | 1105 |
M. Peter Duck |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
Le président |
M. Julian Reed |
M. Stephen Hazell |
M. Julian Reed |
M. Stephen Hazell |
Mme Martha Kostuch |
M. Stephen Hazell |
M. Peter Duck |
M. Julian Reed |
Á | 1110 |
Mme Martha Kostuch |
M. Stephen Hazell |
Le président |
Mme Karen Redman |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Redman |
Á | 1115 |
M. Stephen Hazell |
Mme Karen Redman |
M. Peter Duck |
Mme Martha Kostuch |
Le président |
Á | 1120 |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
Mme Martha Kostuch |
M. Stephen Hazell |
Á | 1125 |
M. Rick Laliberte |
Mme Martha Kostuch |
M. Laliberte |
Le président |
Mme Martha Kostuch |
Á | 1130 |
Le président |
M. Bob Mills |
Mme Martha Kostuch |
M. Bob Mills |
Mme Martha Kostuch |
M. Bob Mills |
Mme Martha Kostuch |
M. Stephen Hazell |
Á | 1135 |
Le président |
Mme Karen Redman |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Martha Kostuch |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Martha Kostuch |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Notre comité étudie le projet de loi C-19, qui, pour ceux qui suivent nos délibérations, est une loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Nous avons déjà entendu plusieurs témoins. Nous entamons nos dernières séances publiques. Aujourd'hui, nous avons la chance d'accueillir des représentants de diverses parties du pays et de diverses écoles de pensée. Nous souhaitons la bienvenue à Mme Martha Kostuch, de Friends of the Oldman River, à M. Stephen Hazell, de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, un auteur bien connu sur le sujet, à M. John Burcombe, de Mouvement Au Courant, de Montréal, et enfin à M. Peter Duck, de Bow Valley Naturalists, plus particulièrement de Banff.
Nous vous invitons donc à faire dès maintenant vos remarques préliminaires. N'oubliez pas que plus vous laissez de temps aux questions et aux réponses, meilleure sera la réunion car c'est durant cette période que nous discutons de sujets qui n'ont peut-être pas été suffisamment abordés avant. Qui veut commencer?
Mme Martha Kostuch (vice-présidente, Friends of the Oldman River): Je vais commencer, puisque je suis arrivée la première. Mes observations seront brèves. Vous avez des exemplaires de mon mémoire. Je n'en donnerai que les points saillants.
Les trois principaux sujets dont je vous parlerai aujourd'hui sont: le fait que le gouvernement fédéral n'a pas respecté la LCEE dans sa version actuelle, l'importance du registre public et de conserver le registre public qui existe actuellement et enfin la question des examens approfondis par opposition au réexamen par une commission.
Je vais commencer par vous donner un exemple. Le meilleur qui me vienne à l'esprit est celui de la société Sunpine Forest Products Ltd. Cet exemple illustre très bien mes deux premiers arguments. Pour commencer, ils montrent bien l'échec du gouvernement fédéral pour ce qui est de respecter la LCEE. Dans cette affaire, nous avons dû entamer des poursuites contre le gouvernement fédéral pour l'obliger à respecter la loi.
Je vais vous montrer des photographies, mais d'abord des diapositives. J'ai des diapositives sur le pont construit par Sunpine sur la rivière Ram et sur la route principale également construite par cette société. Dans l'affaire Sunpine, le gouvernement fédéral a décidé que la portée du projet se limitait au pont construit sur la rivière Ram. La route principale, longue de 41 kilomètres, comprenait 21 ponts, mais le gouvernement fédéral a décidé que la portée du projet se limitait seulement au pont construit sur la rivière Ram--le pont et les culées du pont--et à rien d'autre.
J'ai des photos du pont et de la route principale, mais je n'ai que quatre diapositives à vous montrer.
Voici le pont de la rivière Ram et en voilà une autre photo. Comme vous pouvez le voir, ce pont fait partie d'une route assez importante. Ces photos ont été prises après 1996, année où le pont a été construit.
Voici une image des coupes à blanc qui ont été faites dans la zone à laquelle on avait accès par la route principale et qui est située près de cette route. Vous pouvez voir les montagnes en toile de fond.
Voici des images aériennes des coupes à blanc. Tout cela n'a pas été pris en compte dans l'évaluation, non plus que la construction de la route elle-même.
Voici une autre image de coupe à blanc, près de la route principale, sur un terrain auquel le pont donnait accès. J'ai également des photographies du pont et de la route. Je vais les distribuer pour que vous puissiez les regarder.
En fait, la route et le pont sont de toute évidence liés l'un à l'autre. Le pont n'est d'aucune utilité sans la route et la route ne pourrait être utilisée sans le pont. Et pourtant, le gouvernement fédéral a décidé d'évaluer le pont de façon isolée; seul le pont a fait l'objet d'un examen. La portée du projet aurait dû être définie comme comprenant la route principale qui, comme je l'ai dit, comprend 21 passages de cours d'eau.
Ma première recommandation est donc que la LCEE doit être modifiée de manière à donner une définition large du projet à évaluer et à inclure la plupart des ouvrages matériels et des activités qui ont des liens quelconques avec le projet principal.
Le registre public est le deuxième élément que l'affaire Sunpine illustre clairement. Nous avions demandé que les renseignements soient versés au registre public et que ce registre public soit créé à la bibliothèque publique de Rocky Mountain House, afin que la population puisse y avoir accès.
Le MPO a refusé, disant qu'on pouvait avoir accès aux documents au moyen de la Loi sur l'accès à l'information. C'était totalement irréaliste, compte tenu des délais. Voyant que nous n'étions pas d'accord, le ministère a ensuite déclaré que le registre public était situé à Sarnia, en Ontario, puisque le ministère y avait plus facilement accès ainsi. La Cour a déclaré que ce n'était pas acceptable. Premièrement, tous les documents relatifs à ce projet doivent se trouver dans le registre public--tous les documents--et deuxièmement, le registre public doit être facile d'accès à la population et non au ministère des Pêches et des Océans.
¿ (0910)
La Cour a donc exigé que le registre public soit situé dans un endroit qui convienne à la population et qu'il comprenne tous les documents. Notre deuxième recommandation est que l'article 55 ne doit pas être modifié. Il faut maintenir telle quelle l'exigence de mise sur pied d'un registre public «afin de faciliter l'accès aux documents» et à faire en sorte que ledit registre comprenne tous les documents.
Ma troisième recommandation est que l'amendement figurant dans le projet de loi C-19 et voulant l'établissement d'un registre électronique doit s'ajouter aux exigences actuelles en matière de tenue d'un registre public, et que ce registre électronique ne doit pas remplacer le registre public actuel.
Le troisième élément dont je souhaite vous parler est celui de la question des études approfondies par opposition au réexamen par une commission. À mon avis, la solution est très simple. Le projet de loi C-19 n'est pas la solution à ce problème, même si c'est la solution proposée. La solution la plus simple, c'est d'éliminer l'incertitude. Il n'est pas nécessaire pour cela de mettre en place un processus complexe pour déterminer si les projets devraient faire l'objet d'un réexamen par une commission ou d'un examen approfondi. Il suffit de convertir la liste des examens approfondis en une liste de réexamen par une commission, c'est aussi simple que cela. Ma quatrième recommandation est donc de substituer à la liste d'études approfondies une liste de réexamen par la commission.
Je vous ai amené une liste de toutes mes recommandations, que j'ai extraite de mon mémoire. Mon mémoire contient également des observations plus détaillées sur le projet de loi C-19.
Pour conclure, le gouvernement fédéral doit respecter la LCEE. C'est la chose la plus importante. Deuxièmement, il est important de conserver le registre public tel qu'il existe actuellement. Troisièmement, il faudrait qu'il y ait des réexamens par la commission et qu'on élimine les études approfondies.
Je suis prête à répondre à vos questions. Je ne sais pas, monsieur le président, si vous voulez d'abord entendre les autres témoins ou si vous voulez passer tout de suite aux questions.
Le président: Merci.
Effectivement, nous allons entendre tous les témoins. Monsieur Hazell, vous serez le prochain?
M. Stephen Hazell (directeur exécutif et avocat général, Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada): Merci, monsieur le président, membres du comité.
Je suis directeur exécutif de la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada. Notre organisme se définit comme la voix du public canadien intéressé à la défense des régions sauvages. Nous avons participé à des évaluations environnementales et à des poursuites judiciaires visant à contester des évaluations environnementales et la façon dont ces évaluations avaient été menées, et cela, depuis maintenant plusieurs décennies.
Permettez-moi de parler plus particulièrement d'une des dispositions du projet de loi C-19 et ensuite, si vous me le permettez, monsieur le président, je parlerai d'une façon un peu plus générale de certaines questions relatives au projet de loi C-19, mais qui se situent dans un contexte plus vaste.
Ma première observation porte sur l'amendement proposé à l'article 48 de la loi. Il s'agit de fournir au ministre du Patrimoine canadien, qui est le ministre chargé des parcs nationaux, le pouvoir de commander une étude de coût ou un réexamen par la commission lorsqu'un projet risque d'avoir des effets nuisibles sur l'environnement d'un parc national. Jerry DeMarco, du Sierra Legal Defence Fund, a déjà comparu devant vous et il a fait valoir que cet amendement devrait être adopté. Je suis ici pour appuyer son témoignage. D'autres groupes de conservation vous ont également dit la même chose, je crois.
Nous croyons que cette disposition serait très utile au ministre chargé des parcs car elle permettrait de traiter les projets mis en oeuvre à la limite des parcs, des projets pour lesquels le ministre n'aurait autrement aucun pouvoir. On en a eu tout récemment un exemple à l'Île-du-Prince-Édouard dans le cas du centre de villégiature Greenwich. La ministre des Parcs nationaux n'est pas en mesure d'évaluer quels seront les effets de ce projet sur le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle devrait avoir ce pouvoir. Je ne sais pas si cela pose un problème, mais j'exhorte les membres du comité à accorder beaucoup d'attention à cet amendement.
Mes autres remarques portent d'une façon plus générale sur les questions relatives au projet de loi C-19 et à l'examen quinquennal. À mon avis, le projet de loi actuel ne traite pas des enjeux essentiels de l'évaluation environnementale fédérale. Il comprend toutefois un certain nombre de mesures importantes, et je crois que mes collègues vous en parleront. Toutefois, le projet de loi pose également des problèmes, et j'en ai mentionné un. Mais surtout, il ne résout pas les problèmes essentiels de l'évaluation environnementale.
Je propose que votre comité se charge de cette question, indépendamment de son étude du projet de loi C-19. Examinez les amendements au projet de loi, amendez le projet de loi si vous le voulez, mais votre comité aurait là une tâche plus étendue à laquelle s'attaquer dans le cadre de ses autres fonctions.
Premièrement, permettez-moi de vous parler des problèmes essentiels du régime fédéral d'évaluation environnementale et de proposer peut-être certaines solutions que pourrait adopter votre comité.
Pour moi, il y a quatre grands problèmes. Le premier, c'est que le régime actuel n'évalue pas les effets environnementaux des grands projets d'importance pancanadienne qui ne font pas l'objet d'une évaluation en vertu d'un des quatre déclencheurs de la LCEE. C'est l'un des problèmes.
Le second est lié aux effets environnementaux cumulatifs. Comment traiter des effets cumulatifs de nombreux projets, souvent petits, sur la viabilité et sur l'intégrité écologiques?
Troisièmement, comment faire pour que l'évaluation environnementale respecte les autres engagements du gouvernement? Et c'est peut-être la question la plus importante de toutes. Le gouvernement s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a également pris des engagements à l'égard de la biodiversité et de l'intégrité écologique des parcs nationaux, mais d'une façon générale, le régime d'évaluation environnementale n'est pas aligné sur ces objectifs. Comment peut-on modifier l'évaluation environnementale fédérale de façon à respecter ces engagements du gouvernement? Voilà la troisième question.
Quatrièmement, comment peut-on évaluer les effets environnementaux des politiques, des programmes et des plans proposés par le gouvernement?
¿ (0915)
Pour répondre à la première question, celle qui porte sur les grands projets, les Canadiens se demandent ce qui se passe dans le régime fédéral. La commission fait le réexamen des projets d'expansion des aéroports de Toronto et de Vancouver, mais dans le cas de Dorval, il n'y a pas d'évaluation fédérale.
Il y a aussi l'exemple des grands projets de centres de ski. Il y a eu un examen par la commission du projet de centre de ski Sunshine en Alberta, mais le fédéral n'a rien fait dans le cas des autres centres de ski, comme celui de Whistler-Blackcomb.
Il n'y a pas eu d'évaluation environnementale dans le cas d'énormes projets comme les ventes de réacteurs nucléaires CANDU en Chine, pour lesquels le gouvernement fédéral a garanti des prêts de 1,5 milliard de dollars. Même chose pour la vente proposée en Turquie. Les Canadiens se demandent pourquoi le gouvernement fédéral ne fait rien dans ces dossiers? L'application du régime semble pleine de lacunes et dénuée de logique.
Il ne fait aucun doute qu'il existe des raisons pour lesquelles il y a eu, ou n'y a pas eu, d'évaluation dans chacun de ces cas, mais ce que je dis, c'est que le gouvernement fédéral devrait faire une évaluation à l'échelle nationale de certains projets parce que ces projets sont d'importance nationale. Mais ce genre d'analyse n'a pas été fait dans le cadre de la rédaction du projet de loi C-19. C'est une tâche à laquelle votre comité pourrait s'attaquer. Réfléchissez-y. Comment pourrait-on faire en sorte que le régime fédéral d'évaluation environnementale s'intègre logiquement au régime général?
Je ne dis pas que le gouvernement fédéral devrait tout faire. Je n'en crois rien. Je crois qu'il doit y avoir des limites et que, dans certains cas, ces tâches pourraient être déléguées aux provinces, aux territoires du Nord, aux Premières nations ou à quelqu'un d'autre.
Je dis donc dans un premier temps que la loi devrait définir l'intérêt pancanadien en matière d'évaluation pour justifier le rôle prépondérant du fédéral dans les projets qui ne requièrent pas aujourd'hui sa décision.
Le deuxième sujet dont je veux parler est celui de l'évaluation des effets cumulatifs. Il faut noter que l'une des grandes améliorations apportées à la loi actuelle consiste à réclamer l'évaluation de «des effets cumulatifs que la réalisation du projet, combinée à celle d'autres projets ou activités déjà complétés ou à venir, est susceptible de produire sur l'environnement». Voilà un progrès important. Toutefois, on peut dire que cette disposition n'a pas été très bien appliquée, en règle générale. Dans le cas de certains grands projets, on a évalué les effets environnementaux cumulatifs. C'est ce que l'on a fait dans une certaine mesure dans le cas du projet Grande baleine, mais dans le cas de la mine de charbon Cheviot, l'évaluation n'a été faite que parce que la CPAWS et la Fédération canadienne de la nature ont obtenu une décision favorable dans la poursuite intentée contre le gouvernement fédéral en vue d'obliger le gouvernement à faire cet examen. Finalement, on a fait dans ce projet une évaluation assez correcte des effets cumulatifs.
Je ne crois pas que cette question ait été traitée de façon efficace dans le projet de loi C-19. Les modifications qui seront apportées par le truchement du projet de loi C-19 ne régleront pas vraiment à mon avis la question des effets environnementaux cumulatifs. C'est une question à laquelle votre comité devrait réfléchir dans le cadre de son étude du projet de loi ou dans le cadre d'une autre étude. C'est à vous d'en décider. Voilà pour le deuxième élément.
Le troisième élément doit être examiné soigneusement. Dans le régime fédéral... à l'heure actuelle, l'objectif est d'identifier les effets environnementaux négatifs, d'évaluer leur importance et de concevoir des mesures d'atténuation. Voilà à quoi sert le régime. Mais tout ce processus n'a rien à voir avec le respect des autres engagements fédéraux en matière d'environnement. On n'y tient pas compte de la biodiversité, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, non plus de l'intégrité écologique des parcs nationaux. Comment peut-on atteindre ces objectifs? Cela n'a pas de sens. Nous dépensons des dizaines de millions de dollars à effectuer des évaluations environnementales fédérales, mais ces évaluations ne visent pas expressément à respecter les autres engagements du gouvernement. Comment peut-on y arriver? Cette question ne se trouve pas réglée dans le projet de loi C-19.
Je tiens à signaler que ces idées n'ont rien de neuf. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale a déjà réfléchi à ces questions. L'Agence possède des directives sur les changements climatiques de même que sur la biodiversité. Elle y a donc déjà réfléchi.
¿ (0920)
Mais ce n'est pas dans la loi. À l'heure actuelle la loi dit «évaluer l'importance des effets environnementaux». Eh bien, en quoi cela consiste-t-il? On s'est beaucoup efforcé de déterminer la signification réelle du terme «importance». Je l'ai fait lorsque j'étais à l'agence, mais c'est très difficile et cela ne veut rien dire. Ce qui veut dire quelque chose pour les gens, par exemple, c'est la politique du MPO: «aucune perte nette pour l'habitat des poissons». C'est quelque chose que les gens comprennent. Il s'agit là d'un objectif clair en matière de politique. Le MPO, malgré tous ses défauts—et Martha pourrait vous en parler assez longtemps—a néanmoins un objectif clair en matière de politique, et si on mettait vraiment l'accent sur l'évaluation environnementale pour atteindre cet objectif, on pourrait en fait assurer une bonne protection de l'environnement. Je propose donc de prendre certains de ces principes fondamentaux—la biodiversité, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'intégrité écologique des parcs nationaux et des autres aires protégées par le gouvernement fédéral—et d'orienter le système d'évaluation environnementale vers l'atteinte de ces objectifs.
Cela ne s'est pas produit avec le projet de loi C-19. Le ministre ne voulait pas que cela se produise; le ministre voulait un examen quinquennal très limité et très étroit. Je ne blâme personne à l'agence pour ce qui a été ou n'a pas été fait. Il s'agit là cependant d'une question que le comité pourrait examiner s'il trouvait cela important.
Permettez-moi de vous donner un exemple de la façon dont cela pourrait fonctionner. À l'heure actuelle, on parle de la construction du pipeline dans la vallée du Mackenzie, et bien des gens se demandent comment l'évaluation environnementale du pipeline va en fait être effectuée. D'après les documents qui ont été publiés jusqu'à présent—et il y a un certain nombre d'organismes concernés—notamment l'Agence d'évaluation environnementale et divers groupes d'évaluation environnementale des revendications du Nord—il n'est pas évident que c'est ce qu'on tente de faire avec tout cela. Nous allons suivre tout ce processus et déterminer les effets environnementaux. Que va-t-il se passer ensuite? Qu'est-ce que cela à voir avec la protection de la biodiversité—par exemple, le caribou—ou encore quelle sera l'incidence sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Nous devons réfléchir à tout cela auparavant. C'est cela le défi, et nous n'avons pas nécessairement les réponses, mais comme je l'ai dit, c'est quelque chose que votre comité pourrait examiner, à mon avis.
La dernière question que je voudrais aborder est ce qu'on appelle «l'évaluation environnementale stratégique». Il s'agit de l'évaluation des politiques et programmes proposés par le gouvernement fédéral. Le projet de loi C-19 vise des projets—des barrages, des exploitations forestières, des pipelines, ce genre de choses. Ce dont je veux parler ici, c'est de la politique gouvernementale. Comment pouvons-nous nous assurer que les politiques gouvernementales sont en fait respectueuses de l'environnement?
Depuis 1990, il y a ce qu'on appelle une directive du cabinet que Robert de Cotret a proposé lorsqu'il était ministre de l'Environnement et qui exige que tous les ministres, avant de présenter un mémoire au cabinet, évaluent l'impact environnemental de ce qu 'ils proposent. Ce n'est pas prescrit par la loi, mais c'est quelque chose qui est prescrit par une politique qui a été adoptée par le Bureau du Conseil privé. Cette directive a été révisée en 1999—en fait elle a été considérablement assouplie en 1999—par le gouvernement actuel. Depuis, en fait, pratiquement aucune évaluation environnementale stratégique n'a été divulguée, à ma connaissance. Entre 1990 et 1999, certains renseignements ont été rendus publics, et j'ai rédigé un article à ce sujet avec mon collègue Hugh Benevides, si cela vous intéresse.
Étant donné tout le secret entourant le cabinet, il s'agit de déterminer comment nous pouvons nous assurer que le prochain budget fédéral respectera l'environnement, ce qui n'est pas facile à faire. Dans mon mémoire, je propose certaines exigences de base que l'on pourrait envisager au niveau du cadre législatif. Je ne pense pas que votre comité puisse examiner ces suggestions dans le cadre de l'examen du projet de loi C-19. Je pense cependant qu'il serait important qu'il examine ces questions et qu'il pourra peut-être le faire à une date ultérieure.
Je vous exhorte de tenir compte de ces commentaires, et je suis impatient de répondre à vos questions.
Merci.
¿ (0925)
Le président: Merci.
Monsieur Burcombe, s'il vous plaît.
[Français]
M. John Burcombe (Mouvement Au Courant): Bonjour, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle John Burcombe. Je représente le Mouvement Au Courant qui est un groupe de bénévoles qui a été formé en 1989. Le groupe a deux grands buts: premièrement, veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et deuxièmement, promouvoir la participation publique dans le processus décisionnel.
La procédure québécoise d'évaluation environnementale publique entreprise par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, nous est très familière puisque nous avons participé à une trentaine d'audiences publiques tenues par des commissions du BAPE.
Au niveau fédéral, nous avons participé au processus d'évaluation de quelques projets au Québec et ailleurs au Canada. La soumission de commentaires sur le rapport d'une étude approfondie du projet hydroélectrique de la Toulnustouc d'Hydro-Québec constitue notre plus récente intervention.
Les aspects de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, que j'appellerai dorénavant la loi, qui nous intéressent en particulier sont la définition de l'environnement et des effets environnementaux ainsi que la définition des projets. Après avoir abordé ces aspects-là, on fera des commentaires sur le choix des pistes pour les projets assujettis à une étude approfondie, le registre public et le besoin de révision future de la loi.
Premièrement, il est intéressant de comparer certaines dispositions de la loi avec la législation québécoise, notamment à l'égard des définitions. Bien que la loi--quand je parle de la loi, je parle de C-19--ne vise pas la révision des définitions, j'aimerais commencer en faisant des remarques sur l'importance des définitions et leur influence sur la portée de la loi.
Dans la loi, la définition actuelle du mot environnement qui porte uniquement sur l'environnement biophysique est dépassée. La définition tirée de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec est, quant à nous, beaucoup plus large, même si elle date de 1972. La définition utilisée dans cette loi dit que l'environnement est constitué de:
l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques; |
Cette définition est toujours valable puisqu'elle permet l'ajout des aspects économiques, sociaux et culturels tel que la jurisprudence le requiert. Quant à l'actuelle notion de l'environnement, utilisée par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, nous avons joint une copie de cela à notre soumission.
En ce qui concerne les définitions de «effets environnementaux» et de «projets», nous croyons que toute tentative pour définir ces mots limite l'application de la loi. Est-il vraiment nécessaire de les circonscrire? Ces mots ne sont pas définis dans la législation québécoise où l'approche est effectivement différente.
L'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec, qui date aussi de 1972, stipule que, pour toute action susceptible de nuire à l'environnement, on doit obtenir un certificat d'autorisation, à moins d'en être exempté. Il y a donc un règlement, semblable à la liste d'exclusions rattachée à la loi, qui spécifie ces exclusions. La différence, c'est que la portée de la loi canadienne est restreinte de deux façons. Elle est restreinte au début de la procédure de la version par la définition de projets. C'est une première limitation. Par la suite, la liste d'exclusions est ajoutée, mais la loi ne s'arrête pas là.
¿ (0930)
En définissant les effets environnementaux, une troisième condition est exercée à l'intérieur de la procédure. Nous croyons donc que la façon de définir la portée de la loi devrait changer afin d'élargir son champ d'application.
J'aborde maintenant un peu plus spécifiquement les dispositions du projet de loi C-19 concernant les études approfondies.
En 1978, la législation québécoise a été modifiée afin de permettre la participation publique aux examens d'évaluation de certains projets jugés importants. Il y a donc deux pistes d'évaluation: une à l'intérieur du ministère de l'Environnement et une autre qui est publique. La piste suivie est déterminée par des caractéristiques techniques de l'action proposée, sans discrétion. Par contre, la loi canadienne comprend trois pistes principales d'évaluation: l'étude préalable, l'étude approfondie et la commission. Elle comprend aussi beaucoup de discrétion quant à la piste à suivre et à la participation publique. Le projet de loi C-19 réduirait la discrétion, notamment pour les projets de catégorie «étude approfondie», où il serait décidé, tôt dans l'évaluation, si un projet fera l'objet d'audiences publiques devant une commission. Quant à nous, à cette étape de l'évaluation, il n'y a pas assez d'informations pour faire un choix éclairé. Étant donné le petit nombre de projets visés--en effet, il y en avait seulement une dizaine en 1999--, notre solution serait d'assujettir tous les projets de la catégorie «étude approfondie» à un examen par une commission. C'est la même recommandation que Martha a faite plus tôt.
À notre avis, dans le cas du Québec au moins, cette modification n'aura pas beaucoup d'impact puisqu'un grand nombre des projets sur la liste d'étude approfondie sont déjà examinés publiquement. En effet, les seuils d'assujettissement au Québec sont généralement plus bas. Pour éviter le dédoublement de travail, la collaboration est possible et est déjà pratiquée officieusement. Des renseignements tirés des audiences du BAPE sont utilisés dans les rapports d'études approfondies, et l'expertise fédérale est reconnue par le ministère de l'Environnement du Québec. Mais les deux juridictions ont différents critères d'acceptabilité d'impacts, ce qui, à notre avis, est normal et acceptable.
Je passe maintenant à la question du registre. Actuellement, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale tient un index des projets traités par la loi, qui s'appelle l'Index fédéral des évaluations environnementales. L'index est sensé fournir une liste des projets assujettis à la loi avec les coordonnées des sources d'information pour chaque projet. Le bon fonctionnement de l'index dépend de la collaboration non réglementée des autorités responsables de l'examen des projets.
Après sept ans de problèmes, l'index commence à remplir sa fonction d'informer, en temps utile, le public des projets afin qu'il puisse réagir avant l'approbation de ceux-ci. Jusqu'ici, le registre public de l'article 55 de la loi comprenait des dossiers de documents concernant l'examen d'un projet particulier. Le registre est établi et tenu par l'autorité responsable qui le fait à sa propre guise. La facilité d'accès dépend de la volonté de l'autorité responsable. Le projet de loi C-19 vise essentiellement l'intégration de l'index et des registres publics, une tâche assez formidable étant donné les milliers de dossiers traités annuellement.
Nous sommes d'accord, en principe, sur cette approche, mais ce nouveau régime ne devrait pas et ne peut pas remplacer le registre actuel qui, de plus, doit être bonifié. Nous sommes d'accord que tous les documents de type administratif devraient être disponibles électroniquement dans le nouveau registre et qu'ils devraient être dotés d'un système de classement convivial.
¿ (0935)
Mais certains documents, notamment des dessins et des cartes, sont difficiles à consulter sur un écran. Ils sont longs à télécharger et prennent beaucoup d'espace de mémoire. Les versions papier des documents volumineux avec dessins et cartes sont donc toujours nécessaires et doivent être facilement disponibles pour le public intéressé par un projet particulier. Nous croyons que c'est l'autorité responsable qui devrait fournir sur demande des copies papier de documents. On suggère par la suite une façon d'incorporer cela dans le projet de loi C-19, même si c'est peut-être plutôt quelque chose qui pourrait être consigné dans un règlement.
Il y a des exemples de registres. J'invite les membres du comité à examiner le site web du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, où on peut trouver des exemples de documents et voir comment ils sont traités par cet organisme.
J'aimerais mentionner que même s'il y a de l'information limpide de disponible sur les projets assujettis aux audiences publiques, pour consulter la moindre information sur les milliers d'autres projets examinés annuellement à l'interne par le ministère de l'Environnement du Québec, il faut passer par la Loi sur l'accès à l'information.
Finalement, quant à la révision future de la loi, nous croyons qu'il est nécessaire qu'il y ait une révision périodique, à tous les cinq ans. On a deux suggestions pour que cette révision soit ajoutée au projet de loi C-19.
Voilà qui termine mes commentaires, monsieur le président.
¿ (0940)
Le président: Merci, monsieur Burcombe.
[Traduction]
Monsieur Duck, voulez-vous commencer?
M. Peter Duck (président, Bow Valley Naturalists): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie beaucoup de cette occasion qui m'est donnée de partager avec vous nos espoirs pour le processus d'évaluation environnementale au Canada.
Permettez-moi tout d'abord de vous faire un petit historique qui ne se trouve pas dans notre mémoire officiel. Personnellement, j'ai une certaine expérience de l'évaluation environnementale en tant que spécialiste d'évaluation environnementale à petite échelle et également en tant que promoteur. En fait, il est assez ironique que je me retrouve devant vous aujourd'hui en tant que promoteur qui s'est vu accorder un permis pour des activités qui auraient dû faire l'objet d'une évaluation environnementale aux termes de la loi mais qui en fait ne l'ont pas été.
Je suis ici à titre de membre et de président de l'organisme Bow Valley Naturalists qui s'efforce depuis 35 ans de partager la nature avec les Canadiens. Nous avons eu le privilège au cours de ces années de vivre sur les terres fédérales et par conséquent nous avons eu l'occasion de suivre le processus d'évaluation environnementale canadien depuis sa mise en place, l'évaluation environnementale et le processus d'examen ainsi que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans sa forme actuelle.
J'espère que notre exposé aujourd'hui va faire ressortir la relation très étroite que nous avons avec l'organisme fédéral, Parcs Canada, qui est souvent considéré comme de premier ordre sur le plan de l'évaluation environnementale fédérale. Cette étroite relation nous permet de vous parler des meilleures pratiques d'évaluation environnementale et de ce que nous considérons comme les pires pratiques également dans le monde réel. Nous vous donnons des exemples des deux dans notre court exposé.
Notre message aujourd'hui est que l'évaluation environnementale est l'évaluation environnementale. À tous les soi-disant niveaux d'évaluation, les étapes fondamentales sont les mêmes et elles doivent être suivies. Tel que le stipule le Plan directeur du parc national Banff, l'objectif de l'évaluation environnementale est de produire des évaluations de qualité supérieure. Nous croyons que cela s'applique à la fois au processus et au fond. Pour y arriver, naturellement, il est essentiel d'avoir des fonds spécifiques et adéquats qui permettent d'atteindre ces deux objectifs.
Puisque les examens préalables représentent 99 p. 100 de l'évaluation environnementale au niveau fédéral, nous devons nous assurer de faire ces examens avec toute la diligence qu'ils méritent. Vous constaterez que nous mettons l'accent sur l'examen préalable dans notre mémoire.
En ce qui concerne les évaluations environnementales fédérales, nous sommes d'avis que le projet de loi C-19, qui propose des modifications à la loi, constitue une amélioration du processus, à quelques exceptions près. C'est important. Nous énumérons certaines de ces améliorations dans notre mémoire.
À Banff, nous avons constamment un problème au niveau de la teneur des évaluations environnementales, particulièrement lorsque les budgets sont mis à dure épreuve, particulièrement dans un contexte d'autoévaluation, qui est présentée comme étant l'un des éléments de cette loi en particulier.
Ce que nous aimerions que vous examiniez... Dans mon mémoire, j'énumère toute une série de points que nous aimerions voir améliorés. Je ne vais pas tous les énumérer en détail, mais j'aimerais aborder avec vous certaines recommandations précises qui sont à notre avis importantes.
Si nous voulons atteindre des objectifs durables, nous devons envisager des solutions de rechange qui permettent d'atteindre les objectifs que les projets tentent d'atteindre. Cela signifie que nous devons examiner des solutions de rechange à toutes les étapes de l'évaluation, ce qui n'est pas requis à l'étape de l'examen préalable. Cela demeure une option pour 99 p. 100 des évaluations environnementales qui sont faites.
Tout cela dépend en grande partie de la définition des effets environnementaux «importants». Steven en a déjà parlé. Si nous voulons un processus uniforme et transparent, nous devons établir des critères et les utiliser pour prendre ces décisions. Il est important que le public sache comment les décisions sont prises. Cela peut changer avec le temps, mais cela peut changer aussi d'une évaluation à l'autre, et nous devons avoir un cadre de travail de façon à ce que le public comprenne comment ces décisions sont prises.
Les examens préalables portent souvent sur des projets complexes, sur de gros projets. J'avais l'intention aujourd'hui d'apporter avec moi les examens préalables que notre groupe a dû examiner en janvier et février et qui représentent plus d'un millier de pages... Il s'agit en fait de trois propositions, chacune comportant plus de 300 pages.
¿ (0945)
Les examens préalables, ce ne sont pas des histoires de bancs de parc. Il s'agit très souvent de très grands projets, par exemple, la construction d'une autoroute à quatre voies dans ce parc national de prestige qu'est Banff pour le Canada, et là aussi on procède à des examens préalables.
Si l'on est sérieux quand on dit qu'il faut vraiment donner au public la possibilité de participer et les moyens de prendre connaissance de ces montagnes de papier, de les comprendre, de les commenter, d'assister à des rencontres avec les autorités compétentes, d'aller sur le terrain et de voir de quoi il est vraiment question, je soutiens que l'aide financière aux participants est tout aussi indiquée au niveau de l'examen préalable, comme le prévoit maintenant le projet de loi C-19, qu'au niveau de l'étude approfondie. Ce n'est peut-être pas indiqué pour tous les examens préalables, mais chose certaine, il y a beaucoup de travail à faire, et c'est tout aussi complexe que dans le cas des études approfondies.
Je partage les préoccupations qui ont été exprimées relativement aux dispositions concernant le registre existant. Ces dispositions sont bonnes. Elles nous plaisent. Les mesures que l'on propose dans le projet de loi C-19 à cet égard devraient être complémentaires et non s'y substituer.
Il est essentiel que l'établissement de la portée de l'évaluation soit transparente et réalisée dès le début, pour que le public puisse bien comprendre l'orientation que prend une évaluation environnementale. Si un processus particulier pose des problèmes, le public saura d'emblée qu'il doit faire quelque chose.
Les projets se déroulent toujours dans un contexte concret. Pour tous les examens préalables de toutes catégories, il faut prendre en compte les circonstances locales et les effets cumulatifs. Notre mémoire fait état d'une proposition en ce sens.
Il est un autre domaine qui illustre le mieux la façon dont se déroulent les évaluations environnementales au Canada, et c'est la façon dont Parcs Canada traite les urgences. La loi permet que l'on exempte de l'évaluation certains projets dans les cas où il y a urgence. Eh bien, c'est très bien. Mais une fois que l'urgence prend fin, que fait-on? Rien n'interdit qu'on retourne sur les lieux après l'urgence, que l'on procède à une évaluation environnementale et qu'on propose les mesures d'atténuation indiquées pour faire ce qui devait être fait pendant l'urgence. Nous vous en donnons un exemple ici et proposons une amélioration.
Je suis également d'accord avec ce que dit M. Hazell à propos des projets à l'extérieur des parcs nationaux. À titre d'exemple, en juin dernier, j'ai adressé une requête au ministre afin qu'il commande une évaluation environnementale en vertu de cette loi pour un projet non loin de la ville de Banff, juste à l'extérieur des frontières du parc national Banff. J'attends toujours une réponse. Allons-nous procéder, oui ou non, à une évaluation environnementale? Entre-temps, le gouvernement provincial a approuvé le projet mais n'a pas amorcé son propre processus d'évaluation environnementale, donc nous attendons. Les frontières de nos parcs nationaux sont menacées par les projets que l'on entreprend à l'extérieur de ces frontières, projets qui ne sont pas bien évalués. On ne donne pas non plus à Parcs Canada la possibilité de s'informer, même à l'interne, pour qu'il puisse réviser ses pratiques de gestion et se pencher sur ce qui se fait à l'extérieur des parcs nationaux.
Je crois que l'heure est venue de revenir au stade auquel nous étions avant l'adoption de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et que l'on commence à évaluer les effets des programmes et des politiques qui stimulent des activités et des projets qui ont des effets sur l'environnement, mesure qui s'inscrivait dans le décret sur les lignes directrices visant le PEEE.
Je réclame aussi l'inclusion d'une disposition de temporarisation. C'est un domaine qui bouge énormément. Au cours des cinq dernières années, à cause de choses comme les effets cumulatifs que la loi nous oblige à examiner, on s'est donné beaucoup de mal pour voir comment on peut comprendre les effets, comment suivre l'évolution de l'environnement. Plus on suit cette évolution, plus on comprend l'environnement, et plus nos pratiques de gestion peuvent changer. Les politiques changent régulièrement. On envisage ici une modification législative dans les cinq ans.
Il faut que la loi contienne une disposition quelconque du genre, une disposition de temporarisation, si vous voulez, qui arrête la période pendant laquelle une évaluation environnementale demeure valide, de telle sorte que si les informations évoluent, nous ayons la possibilité de revenir en arrière et de réexaminer la question.
Il y a d'autres éléments dans notre mémoire, mais je crois que je vais m'arrêter là. En fait, tout comme mes collèges, je suis ici pour savoir ce qui vous intéresse, savoir ce qui vous préoccupe. Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.
Le président: Très bien. Merci, monsieur Duck.
J'ai sur ma liste M. Mills, M. Bigras, Mme Kraft Sloan, M. Reed, Mme Redman et M.Tonks.
Monsieur Mills, vous avez la parole.
¿ (0950)
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Étant donné que vous êtes des experts dans vos domaines, pourriez-vous nous parler de quelques sujets plus généraux concernant la consultation publique et la façon de faire participer le public au début du processus? Chose certaine, Martha et moi-même avons souvent vécu des expériences où le public se mettait à participer beaucoup trop tard dans le processus, bien après qu'on eut dépensé beaucoup d'argent et qu'on eut fait des tas de choses.
J'aimerais savoir ce que chacun d'entre vous ferait pour régler cette question de la participation publique, et j'aimerais savoir comment vous la motiveriez? Comment faire savoir au public ce qui se passe, et comment peut-on améliorer la situation par le biais de cette loi?
Martha et moi-même pourrions aussi parler de la route et du pont. Nous devons parler du fait que cette route, je crois, est munie d'une barrière encore verrouillée; le public n'y a pas accès. Ce qui pose la question plus vaste des compromis qui doivent se faire. Même si on est à l'heure de Kyoto, on sait qu'une forêt ancienne n'absorbe pas autant de CO2qu'une jeune forêt. Ne devons-nous pas avoir des projets forestiers? Ne devons-nous pas avoir des routes et des ponts facilitant l'accès dans le cadre de ces compromis que nous devons faire?
Enfin, dans une évaluation environnementale, dans quelle mesure est-il réaliste de demander aux entreprises de nous présenter des solutions de rechange, comme on l'a souligné? Quel effet cela aurait-il sur le prix? Est-il réaliste de solliciter ces solutions de rechange?
Nous vous écoutons.
Mme Martha Kostuch: Je vais commencer avec plaisir, Bob. J'aimerais vous parler longuement de certains des points que vous avez soulevés, mais je ne veux pas monopoliser le temps.
En ce qui concerne la participation du public, ce qu'il faut faire entre autres c'est exiger que le public soit avisé au départ. Le nouveau registre électronique proposé nous aidera à cet égard, mais l'auteur du projet a également le devoir et la responsabilité de s'adresser tout de suite au public pour obtenir son avis. Il y a toujours le risque que quelqu'un se présente à la fin, mais le plus on invite tôt les gens à participer, mieux c'est.
En ce qui concerne les commentaires de Stephen à propos de l'évaluation stratégique, nous devrions régler certains de ces problèmes bien avant de passer à un projet en particulier parce qu'on évalue les choses qui dépassent largement la portée d'un projet donné. Les gens doivent participer au niveau des politiques et des programmes. On n'a jamais demandé aux gens s'ils étaient d'accord que l'on attribue la forêt à Sunpine. Cette question n'a jamais été posée. On n'a jamais offert aux gens de tribune où ils auraient pu dire s'ils voulaient que la forêt soit attribuée à Sunpine ou quelle proportion de cette forêt devrait l'être.
Étant donné que cette question n'a jamais été posée, il nous faut maintenant évaluer les effets qu'aurait la construction d'un pont et d'une route. C'est un élément du problème. On évalue chaque projet isolément, mais non les problèmes plus généraux. Plusieurs personnes en ont parlé.
En ce qui concerne le pont et la route, j'ai montré des diapositives et des photos qui indiquent bien qu'il ne s'agit pas d'un tout petit pont sur une rivière sans importance. La construction de ce pont aura des effets importants. Oui, il y a une barrière verrouillée sur la route. Ce n'est pas une voie publique. Elle n'est accessible que par VTT. Les véhicules routiers n'y ont pas accès. Néanmoins, ce projet a eu des effets importants sur l'environnement, des effets énormes.
Oui, il faut qu'il y ait des compromis. Cela ne fait aucun doute. Nous devons instaurer un équilibre entre la protection de l'environnement et le développement. Nous ne nous sommes jamais opposés à l'exploitation forestière. Nous ne nous opposons toujours pas à l'exploitation forestière. Le fait est qu'il y avait un meilleur moyen d'avoir accès à tout ce bois. La compagnie elle-même dans ses études, et j'ai apporté ces études, montrait qu'il y avait un meilleur moyen, qui serait moins nuisible pour l'environnement et qu'il aurait permis d'avoir accès aux mêmes réserves de bois.
Cette possibilité a été rejetée parce qu'elle était plus coûteuse et parce que la compagnie voulait faire plus d'argent. On a donc sacrifié l'environnement pour permettre à cette entreprise de faire plus d'argent. D'ailleurs, les biologistes du gouvernement provincial eux-mêmes ont dit que c'était la pire solution.
La province n'a tenu aucun compte de cela. Même le gouvernement fédéral n'a rien dit parce qu'on avait limité la définition du projet à la construction du pont. L'examen préalable n'obligeait personne à tenir compte des besoins ou des solutions de rechange, comme Peter l'a dit. Ces éléments n'ont pas été pris en compte. S'ils l'avaient été, jamais on n'aurait construit cette route et ce pont.
¿ (0955)
M. Bob Mills: Oui. J'ai conduit sur cette route, et nous avons dû nous arrêter une vingtaine de fois pour laisser passer des cerfs et des wapitis. Nous avons même vu un ours noir au beau milieu de la route. En ce qui concerne le pont lui-même, il est bien au-dessus de l'eau, il s'élève sur les rives. On m'avait dit qu'il jetterait de l'ombre sur la rivière et que cela empêcherait peut-être le poisson d'aller et de venir. Eh bien, il n'est pas du tout sur l'eau. Il est bien au-dessus de l'eau, ce qui m'amène à m'interroger sur certaines affirmations que l'on fait à propos des effets sur l'environnement.
Il me semble tout simplement que cela fait partie des compromis qu'il faut faire lorsqu'on décide si on va de l'avant ou non. Les emplois...et je rappelle aux membres du comité que Martha est de ma circonscription et que ce pont et cette route sont dans ma circonscription. Voilà pourquoi je connais le dossier, et je l'ai mentionné auparavant. C'est tout simplement le genre de choses qu'il faut prendre en compte lorsqu'on fait une évaluation environnementale.
Soit dit en passant, je suis d'accord avec la plupart de vos autres observations.
Mme. Martha Kostuch: En fait, personne ne s'est jamais inquiété du fait que le pont ferait de l'ombre aux poissons dans la rivière.
M. Bob Mills: Le biologiste à qui j'en ai parlé s'en inquiétait.
Mme Martha Kostuch: Eh bien, chose certaine, cette préoccupation n'a pas du tout été mentionnée dans la documentation qu'on a fournie. Cette documentation—et j'en ai des exemplaires... La portion de la rivière Ram où le pont que l'on est censé construire est l'habitat du ménomini de montagnes et abrite des sites de fraie d'alevinage et d'hivernage. On a également relevé la présence de truites fardées et dorées dans ce cours d'eau. On s'inquiétait, non pas de l'ombre que ferait le pont sur la rivière, mais de la sédimentation que provoquerait la construction du pont, les routes, l'exploitation forestière et les 21 passages de cours d'eau qui se trouvent dans les eaux d'amont de 21 ruisseaux, et tout cela contribuerait à endommager l'habitat du poisson. On craignait la fragmentation faunique que causerait la construction de la route. On s'inquiétait de l'accès accru et de l'effet de cet accès sur la pêche de cette truite fardée qui est très délicate et qui est connue mondialement. On craignait enfin les effets qu'aurait l'accroissement de la chasse et du braconnage sur la faune.
Ce sont là des faits bien étoffés, et je vous ai apporté des exemples du rapport de la Sunpine elle-même, qui fait état de l'effet qu'aurait la construction de la route sur l'habitat délicat de la faune et du poisson. Donc si vous avez des questions, je vous ai apporté des informations qui démontrent les effets qu'aurait la construction de cette route et l'effet important sur la pêche et la faune, et ces informations démontrent bien aussi qu'il existait de meilleures solutions de rechange qui auraient eu un impact moins grand sur l'environnement tout en donnant accès au bois.
[Français]
Le président: Monsieur Bigras, s'il vous plait.
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Burcombe.
D'abord, je tiens à vous féliciter pour votre mémoire. Depuis le début de l'étude du projet de loi C-19, c'est probablement la première fois qu'on a un aussi bon résumé du processus québécois d'évaluation environnementale, tant sur le plan des définitions que sur celui de l'application de la loi, de la consultation ou de l'accès au registre papier qui, comme vous l'avez dit, demeure encore le seul outil qui soit accepté.
J'aimerais vous poser quelques questions, d'abord sur la définition. Selon ce que je comprends, vous nous dites que dans la loi canadienne, la portée de la définition touche l'environnement biophysique, alors que la loi québécoise, qui date de 1972, a un caractère plus large et intègre des paramètres sociaux, culturels et économiques. Vous estimez que cette définition de la loi québécoise est valable. C'est le qualificatif que vous utilisez.
Concrètement, qu'est-ce que permettent, sur le plan de la protection de l'environnement et dans un cadre de processus d'évaluation, cette définition et cette approche québécoise inscrites dans la loi québécoise comparativement à la définition qui est actuellement en vigueur dans la loi canadienne?
À (1000)
M. John Burcombe: Je crois qu'avec la jurisprudence, il y a eu des changements dans ce qui est reconnu comme faisant partie de l'environnement. Au début, on disait que l'environnement ne comportait que le sol, l'air et l'eau, mais les attitudes ont changé depuis. La jurisprudence a indiqué que la définition devait être beaucoup plus large. À notre avis, il est temps de modifier la définition de la loi canadienne de manière à ce qu'elle soit conforme à la situation actuelle. La définition de l'environnement doit être beaucoup plus large. Avec une définition plus large, on tiendra compte de l'ensemble des enjeux.
Présentement, pour nous, la loi canadienne est trop restreinte du fait que c'est seulement dans le cadre des effets environnementaux que l'on peut considérer certains aspects sociaux, économiques et culturels. Pour nous, ces considérations doivent être incorporées dans l'étude principale. Dès le début, il faut être conscient de ces enjeux et les examiner comme on examine les effets biophysiques. C'est la raison pour laquelle on doit changer la définition.
M. Bernard Bigras: Vous nous indiquez dans votre mémoire que vous avez participé aux audiences publiques du BAPE sur le projet de Toulnustouc. Il y a eu audiences publiques du BAPE, et vous savez fort probablement qu'avant que ce projet ne se réalise... Vous dites bien ici, et je suis tout à fait en accord avec vous, que la loi québécoise et le BAPE reconnaissent l'expertise fédérale en la matière lorsque ça touche certaines de ses juridictions.
Cependant, force est de constater que dans ce projet, l'accord du ministère de l'Environnement du Canada a tardé. On a attendu longtemps avant d'obtenir l'autorisation. Elle est venue, bien sûr, mais on a attendu un certain de temps avant d'obtenir l'expertise et l'évaluation environnementale du ministère de l'Environnement du Canada.
Voici ma question. Vous me corrigerez si je me trompe, mais au Québec, le processus de consultation est, à mon avis, adéquat. Si vous ne le croyez pas, dites-le. Comment pourrait-on faciliter une évaluation plus rapide de la part du ministère de l'Environnement du Canada face à certains projets sur le territoire du Québec qui exigent l'expertise fédérale? On est tout à fait d'accord que le Canada participe parce qu'on veut une collaboration, mais on veut une collaboration qui soit efficace afin qu'on soit capable de réaliser la notion de développement durable, c'est-à-dire la protection de l'environnement et le développement économique, surtout dans un projet de développement propre.
M. John Burcombe: Oui, on a participé aux audiences publiques sur le projet Toulnustouc. C'est vrai qu'après la fin des audiences publiques québécoises, après l'approbation du gouvernement provincial, il y a toujours l'étape de l'approbation par Pêches et Océans. En fait, le promoteur n'était pas prêt à collaborer assez rapidement avec Pêches et Océans.
Tout le va-et-vient entre Hydro-Québec et Pêches et Océans a pris beaucoup de temps et tout ça s'est passé après la procédure publique. C'est seulement en demandant l'accès aux documents qu'on a pu suivre un peu le cheminement du dossier après la partie québécoise du processus.
Pour assurer l'accélération du processus, je crois que c'est surtout le promoteur qui doit être plus flexible dans ses approches. La politique de Pêches et Océans, qui veut qu'il n'y ait aucune perte nette d'habitat, est très exigeante. Hydro-Québec semble avoir été très difficile à convaincre de toutes les compensations nécessaires pour s'assurer qu'il n'y ait aucune perte nette. Je ne peux pas aller plus loin, mais c'est l'analyse que je fais de la raison pour laquelle l'approbation a été retardée.
À (1005)
M. Bernard Bigras: Voici un petit ajout. Vous parlez du va-et-vient entre le promoteur et Pêches et Océans. Moi, je peux vous parler du va-et-vient entre Pêches et Océans et le ministère de l'Environnement. Le va-et-vient peut se faire entre le promoteur et Pêches et Océans, mais aussi entre ministères à l'intérieur d'un gouvernement.
Je termine en posant une question. Estimez-vous que la loi, les règlements, la définition, l'application, la consultation québécoise, la reconnaissance officielle du registre papier de la part du gouvernement du Québec et l'acceptation par le ministère de l'Environnement du Québec des expertises fédérales sont, au fond, la meilleure collaboration et que cette collaboration doit être favorisée dans le cadre des évaluations environnementales?
M. John Burcombe: Comme je l'ai dit, en ce moment, la collaboration entre les instances fédérales et provinciales est officieuse. Il n'y a pas d'entente bilatérale pour le Québec. J'espère que ça fonctionnera d'une certaine façon. Je crois que cet exemple pourrait être bon pour d'autres provinces.
Le président: Merci, monsieur Bigras.
[Traduction]
Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Kostuch, dans les recommandations que vous nous avez remises, vous recommandez en premier lieu que la LCEE soit modifiée afin de clarifier la portée des évaluations. Je veux seulement savoir si vous avez un libellé à nous proposer en ce sens que les membres du comité pourraient utiliser.
Mme Martha Kostuch: Oui, et je vous ai remis des copies de mon texte où je propose un nouveau libellé qui définit la portée de l'évaluation et le lien à faire entre les diverses activités. Je vais vous en donner lecture pour les besoins du procès-verbal mais j'ai aussi des copies à vous remettre.
Pour définir la portée d'un projet qui a des liens avec d'autres travaux, je recommande qu'on ajoute un paragraphe 15(4):
S'il n'est pas possible de mener à terme l'ouvrage ou l'activité concrète comprenant le projet sans qu'on entreprenne un autre ouvrage ou une autre activité concrète, il faut alors les considérer comme un tout. |
Et qu'on ajoute un paragraphe 15(5) qui traitera des liens avec le projet:
Si la décision d'entreprendre l'exécution de l'ouvrage matériel ou de l'activité concrète rend inévitable l'exécution d'autres ouvrages ou activités concrètes, il faut alors les considérer comme un tout. |
Je dois maintenant vous dire que ce libellé provient d'un guide existant. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale a un guide qui aide les autorités responsables à déterminer la portée d'un projet, et c'est le libellé qu'on trouve dans ce guide. Mais c'est tout ce que c'est en ce moment, c'est un guide. Les auteurs des projets n'ont pas à s'y conformer. Ce que nous proposons, c'est qu'on érige en loi le libellé qu'on trouve en ce moment dans le guide afin d'aider les autorités responsables, afin que tout cela ne soit plus discrétionnaire mais bel et bien partie intégrante de la loi.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci.
Monsieur le président, j'ai une question pour M. Hazell.
À la page 5 de votre mémoire vous avez une phrase qui est une litote comme je n'en ai jamais vue. Je me demande si vous pourriez donner un peu plus de détails à ce sujet.
Vous dites que l'évaluation environnementale fédérale pour un gigantesque projet forestier de Tolko, dans le nord du Manitoba, qui s'étend sur 11 millions d'hectares, s'est limitée à deux ponts et à leur culée. Je me demande si vous pourriez donner un peu plus de détails aux membres du comité à propos de ce projet.
Deuxièmement, s'agissait-il d'un examen préalable ou d'un autre genre d'évaluation?
Vous dites aussi qu'un projet de cette envergure pourrait constituer un intérêt national quelconque, et vous mentionnez quelques autres projets comme la vente du réacteur CANDU à la Chine pour lesquels on n'a procédé à aucune évaluation environnementale.
Donc parlez-nous un peu du projet Tolko, et dites-nous s'il s'agit d'un examen préalable ou d'un autre genre d'évaluation. Et dites-nous ensuite comment vous intégreriez ce concept de l'intérêt national dans la loi?
À (1010)
M. Stephen Hazell: Tout d'abord, le projet Tolko est très semblable à celui de la Sunpine, sauf que dans le cas de Tolko, il s'agissait d'une vaste région du nord du Manitoba qui est couverte en partie par un permis d'exploitation forestière émis par la province. Ce projet a suscité nombre de procédures judiciaires, et je crois que c'est maintenant le cas le plus important du genre. Il est tout simplement incroyable qu'on fasse une chose pareille à nos forêts boréales: qu'on émette à ces entreprises des permis de coupes sur des régions aussi grandes, et que le gouvernement fédéral s'en lave essentiellement les mains.
Nous avons mentionné d'autres projets, comme les ventes de réacteur CANDU, etc., qui font encore l'objet de procédures judiciaires. Lorsqu'il est question de projets aussi gigantesques, comment le gouvernement fédéral peut-il ne pas intervenir? Si l'on abat 11 millions d'hectares de forêt boréale dans le nord du Manitoba, nous savons que cela aura des répercussions gigantesques sur les émissions de gaz à effet de serre. Et ce n'est pas parce qu'on a perdu ces arbres, c'est à cause de la libération des gaz du sol et du muskeg.
Il y a donc des conséquences énormes, et on s'en lave les mains tout simplement, en partie à cause de ce dont parlait Martin, la portée du projet. On dirait que tout le monde essaye maintenant de limiter la portée de l'évaluation des projets, ce qui est très malheureux.
La deuxième partie de votre question portait sur la manière dont le gouvernement fédéral peut évaluer des projets qui sont d'intérêt national. Je ne prétends pas que ce serait facile, mais il est évident qu'il y a des domaines où l'autorité fédérale est claire, lorsqu'il s'agit, par exemple, de questions transfrontalières. La loi permet en ce moment au ministre de l'Environnement d'instituer des commissions de réexamen dans certaines situations transfrontalières où il y a des effets sur l'environnement. Donc, dans ces cas-là, nous pourrions définir clairement les projets.
Si l'on propose d'exploiter une mine qui va contaminer une rivière qui pénètre en territoire américain, les autorités fédérales interviennent aussitôt. S'il y a empiétement...eh bien, il devrait tout simplement y avoir un processus conjoint avec les autorités fédérales ou les premières nations—peu importe.
Lorsqu'on vend des réacteurs nucléaires à des régimes tyranniques, le gouvernement fédéral a un intérêt marqué dans de telles transactions, et il ne devrait pas se cacher derrière une société d'État, ou dans ce cas-ci, plusieurs sociétés d'État.
Pour le projet Cheviot, la seule raison pour laquelle les autorités fédérales s'en sont mêlées, c'était à cause de cette idée saugrenue qui consistait à déverser des tonnes de déchets dans des vallées étroites qui étaient l'habitat de certaines espèces en péril, et c'était à cause de la Loi sur les pêches. Mais ces déclencheurs dissimulés sont saugrenus.
Quand un projet est proche d'un parc national et qu'il menace l'intégrité écologique de ce parc, il ne fait aucun doute que les autorités fédérales devraient être présentes. Qu'il s'agisse de Parcs Canada ou d'Environnement Canada, peu importe. C'est quelque chose qui a une importance nationale, alors tâchons de voir comment on peut protéger cet intérêt.
Comment y arriver? On pourrait ajouter une annexe à la loi où l'on établirait les catégories de projets pour lesquels il faut procéder à une évaluation à caractère national. Ce serait une façon de faire. La question de savoir quel projet figurerait sur cette liste ou non susciterait beaucoup de discussions, cette liste ne sera jamais complète, mais ce serait à tout le moins un début.
C'était une longue réponse, Karen. Merci.
À (1015)
Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Je me demandais seulement, monsieur Hazell, si vous vouliez nous dire si ce projet a fait l'objet d'un examen préalable ou d'un autre niveau d'évaluation.
M. Stephen Hazell: Je crois qu'il y a eu un examen préalable du projet Tolko, n'est-ce pas?
Mme Martha Kostuch: Tolko a fait l'objet d'un examen préalable seulement pour les ponts. Il y avait un certain nombre de questions mettant en cause les Autochtones et les revendications territoriales. Il y avait aussi des questions transfrontalières avec la province de l'Ontario. Aucune de ces questions n'a été abordée parce que l'examen préalable portait seulement sur les deux ponts et les culées.
Mme Karen Kraft Sloan: On entend parler des milliers et des milliers d'examens préalables qui sont effectués au Canada et qui représentent l'immense majorité des évaluations environnementales. Vous me dites donc qu'un projet de 11 millions d'hectares a fait l'objet d'un examen préalable.
Merci.
Mme Martha Kostuch: Il portait seulement sur les deux ponts, pas même sur les 11 millions d'acres.
Mme Karen Kraft Sloan: Et il portait seulement sur les deux ponts.
Mme Martha Kostuch: Les deux ponts et les culées, et rien d'autre.
Mme Karen Kraft Sloan: Exactement, c'est tout ce qui a été examiné. Merci.
Le président: Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je trouve réconfortant d'entendre cet appel en faveur d'un examen portant sur la situation dans son ensemble et non pas seulement sur une entité précise, si vous voulez. Il me semble que nous avons entendu une requête parallèle de la part de l'Association canadienne de l'hydroélectricité, c'est-à-dire que l'on examine la situation dans son ensemble et toutes les répercussions, pas seulement les conséquences négatives présumées.
Qu'arrive-t-il quand on récolte des arbres? Je ne pense pas que l'on ait jamais tenu compte de la quantité de carbone qui est stocké en conséquence de cette récolte. Quand on fait l'évaluation d'un projet d'hydroélectricité, je ne pense pas que l'on tienne le moindrement compte de la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui en résulte. Je suis d'accord pour dire qu'il faut examiner la situation dans son ensemble.
Je voudrais une précision au sujet de cette image de coupe à blanc. Si je comprends bien, cette photographie a été prise en hiver.
Mme Martha Kostuch: Oui, elle a été prise en hiver, quand il y avait de la neige.
M. Julian Reed: Savez-vous quelle était l'épaisseur de la neige?
Mme Martha Kostuch: Elle a été prise il y a deux hivers et il avait peu neigé cet hiver-là.
M. Julian Reed: De combien de temps dataient ces coupes à blanc?
Mme Martha Kostuch: Ce sont des coupes à blanc relativement récentes. Notre exposé n'est pas nécessairement contre les coupes à blanc, et la forêt va repousser. Bob et vous-même avez soulevé la question de savoir si les coupes à blanc sont avantageuses pour l'atteinte des objectifs de Kyoto et la question de savoir si les barrages hydroélectriques ont un effet bénéfique sur les gaz à effet de serre. J'adorerais me lancer dans ce débat, parce que je crois que ce sont des questions importantes. Actuellement, elles ne sont pas prises en compte dans les évaluations environnementales.
Je crois que nous devons peser le pour et le contre des questions de portée générale et nous ne pouvons pas dire que ceci est bon ou mauvais. Nous devons tenir compte de tous les tenants et aboutissants de l'affaire. Mais de dire que les coupes à blanc ou que les forêts nouvelles sont meilleures pour les gaz à effet de serre, je crois que c'est faux. Et il faudrait tenir compte de nombreuses autres questions dans cette discussion.
Les évaluations environnementales devraient-elles prendre en compte les conséquences sur les gaz à effet de serre? Absolument. Ce n'est pas le cas actuellement. En fait, c'est spécifiquement exclus. Dans le dossier Suncor, la question des gaz à effet de serre n'a pas été abordée. Je pense que nous devons prendre en compte ces questions de portée plus générale, mais nous ne pouvons pas dire que les coupes à blanc sont bonnes ou mauvaises sans examiner cette question.
Ces photos ont été prise en hiver. Oui, cela va repousser. Les coupes à blanc ont des avantages et des inconvénients. Nous ne vous avons certainement pas montré cela pour dire que toutes les coupes à blanc sont nécessairement mauvaises. C'était seulement pour dire qu'il aurait fallu se pencher là-dessus. Il aurait fallu en tenir compte dans une évaluation environnementale et cela n'a pas été le cas.
M. Julian Reed: Merci.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser ma première question à M. Burcombe.
Le Québec est la seule province qui n'a pas signé l'entente de 1998 sur l'harmonisation des évaluations environnementales. Je me demande si vous avez remarqué des problèmes de coordination et de coopération entre les niveaux de gouvernement en conséquence de cela.
À (1020)
M. John Burcombe: Je pense que M. Bigras a signalé qu'il y a certains problèmes. Le fait qu'il y ait deux autorités signifie que chacune doit examiner un projet de son propre point de vue. Jusqu'à maintenant, le processus fédéral semble prendre plus de temps. À mon avis, c'est parce que les exigences fédérales sont plus rigoureuses que celles du Québec. S'il doit y avoir harmonisation, il faudrait en tenir compte.
Mme Karen Redman: Si l'on met de côté l'existence de deux points de vue distincts, en s'attardant strictement à la coopération et à la coordination, estimez-vous que le fait que la province n'ait pas signé l'entente d'harmonisation a constitué un obstacle?
M. John Burcombe: C'est une question politique. Le Québec a décidé de ne pas procéder conjointement à l'analyse des projets, et nous devons nous en accommoder. Je ne suis pas sûr que cela fasse tellement de différence. Le processus du Québec est bon pour les projets qu'il examine, mais il examine un nombre très limité de projets. Le processus fédéral est censé être beaucoup plus complet, mais il comporte ses propres problèmes, notamment parce qu'il ne fait pas appel à la participation du public.
Mme Karen Redman: D'après votre expérience de l'application de la loi au Québec, trouvez-vous que les amendements proposés améliorent le processus fédéral?
M. John Burcombe: Il y aura des améliorations, en particulier au chapitre de la participation du public, question qui a été posée tout à l'heure. Si vraiment l'index est à jour et que le registre devient un moyen d'informer le public au début d'un projet pour que le public puisse participer dès le début, alors ce sera assurément une grande amélioration, parce que jusqu'à maintenant, c'est très difficile de savoir quels projets sont proposés. On apprend l'existence d'un projet seulement après qu'il a été évalué, ce qui est évidemment mauvais pour la participation du public.
En général, il est regrettable que le projet de loi C-19 ne propose pas l'évaluation environnementale stratégique. Je pense qu'il y a un consensus qui commence à émerger, à savoir que nous devons faire participer le public et examiner la situation avant même que des projets soient proposés. Nous devons étudier les plans, les programmes et les politiques, et faire l'évaluation à ce niveau-là, avant de commencer à étudier des projets précis.
Mme Karen Redman: Pour revenir sur deux points que vous avez déjà abordés, le fait que le Québec ne soit pas partie prenante de l'entente d'harmonisation, et le fait que, d'après vous, le processus fédéral est en fait un peu plus rigoureux, avez-vous l'impression que parmi les provinces, on soit intéressé à envisager de faire l'évaluation environnementale stratégique?
M. John Burcombe: Je pense que jusqu'à maintenant, les gouvernements ont voulu éviter cela. Il y aura de plus en plus de pression pour qu'on fasse l'évaluation avant même les projets, et j'espère que ces pressions déboucheront sur une disposition dans la loi fédérale et aussi dans les lois provinciales.
Pour revenir à ce qu'on disait, c'est certain que les changements proposés dans le projet de loi C-19 devraient renforcer la coordination et faire en sorte que les gens participent davantage et déboucher sur un processus beaucoup plus harmonieux.
Mme Karen Redman: Je voudrais maintenant m'adresser à M. Duck, à titre de président du groupe du RCE pour l'examen quinquennal. Vous avez participé à tout le processus. Si vous vouliez nous faire part de vos commentaires, comment décririez-vous l'approche de l'organisation pour cet examen quinquennal? Trouvez-vous qu'il a été ouvert et transparent?
M. Peter Duck: Le public a eu la possibilité de participer à ce processus d'un bout à l'autre du pays. Les gens ont eu l'occasion d'exprimer leurs vues. En plus des audiences publiques, le Comité consultatif de la réglementation a tenu des discussions assez intenses sur certaines questions, faisant beaucoup d'efforts pour trouver des terrains d'entente. Je pense que cela a été très fructueux et que le projet de loi en témoigne. Le projet de loi marque certains progrès de ce point de vue.
Par contre, le projet de loi C-19 reflète les points sur lesquels il y avait entente. Les questions controversées, comme par exemple l'effet cumulatif, ou encore essayer de déterminer en quoi cette loi peut se rapprocher davantage du développement durable, question que M. Hazell a soulevée, tout cela prend du temps et exige des discussions approfondies. Et vous comprendrez qu'avec les intérêts divergents qui sont représentés autour de la table dans ces discussions, un processus d'examen annuel, compte tenu du temps dont l'organisme dispose, ne permet tout simplement pas d'aller en profondeur dans de telles discussions.
Je pense donc que les points soulevés sont très valables. Si le processus fait ressortir des problèmes sérieux, votre comité pourrait peut-être y donner suite et s'assurer de prévoir suffisamment de temps pour permettre aux Canadiens d'aller au fond des choses dans ces dossiers.
À (1025)
Mme Karen Redman: À votre avis, quelle serait la tribune appropriée pour la tenue de telles discussions? Si ce processus-ci ne convient pas, avez-vous une idée quant à un processus qui nous amènerait au point où nous pourrions dégager un consensus sur ces questions controversées?
M. Peter Duck: Je crois que je n'ai pas suffisamment d'expérience à ce niveau de discussion. Il est certain que le Comité consultatif de la réglementation est en place et qu'il comprend des gens qui ont énormément d'expérience dans le domaine de l'évaluation environnementale. Ces gens-là se réunissent assez régulièrement et ont de bonnes relations de travail. C'est une possibilité, un outil qui pourrait permettre de faire progresser les dossiers, et le fruit des délibérations de ce comité pourrait ensuite être discuté dans l'arène publique.
À part cela, je ne pense pas avoir suffisamment d'expérience pour envisager d'autres procédures. Je pense qu'il y a ici des gens qui ont l'expérience voulue pour vous répondre.
M. Stephen Hazell: Monsieur le président, si je peux répondre moi aussi à ce dernier point, l'agence avait un mandat assez étroit et c'est ce que le ministre voulait. Il avait d'autres dossiers en cours et il voulait donc que ce soit fait rapidement. Mais le résultat est que le projet de loi C-19 et l'examen quinquennal ont été assez limités dans leur ampleur et dans les sujets abordés.
À titre d'information pour les membres du comité, le dernier chapitre de mon livre traite justement de cette question de l'examen quinquennal. Comment aurait-il fallu procéder? Quelles options étaient disponibles pour reconsidérer l'évaluation environnementale fédérale?
On n'a pas suivi mon conseil, mais je suppose que ce n'est rien de nouveau. Mais que faire maintenant? Nous avons le projet de loi C-19 et nous espérons qu'il sera adopté. Comment faire? Comment procéder? Une possibilité serait que le comité s'en charge. Je pense que vous pouvez faire cela. Une autre approche serait de confier cette étude à un groupe multidisciplinaire.
Si c'est le comité consultatif de la réglementation qui s'en charge, je pense que l'élément clé est qu'il ne peut pas être mandaté par l'agence. Celle-ci a fait de l'assez bon travail pour l'examen quinquennal, compte tenu de son mandat. Mais le problème est que l'agence dirigeait le tout et que l'agence a certains intérêts et que le gouvernement a lui aussi certains intérêts. Il faut sortir le dossier de l'emprise du gouvernement pendant un certain temps, et le ministre et les fonctionnaires doivent s'en retirer et laisser un groupe indépendant réfléchir à tout cela, en tenant compte de la situation dans son ensemble. En fin de compte, il incombera au gouvernement de prendre une décision. Le Parlement en sera de nouveau saisi en vue d'apporter de quelconques modifications à la loi. Mais il faut que ce soit un processus indépendant du gouvernement. Maintenant, je pense que votre comité pourrait s'en charger, mais...
Le président: Monsieur Tonks, ensuite la présidence et ensuite un deuxième tour.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Merci.
Madame Kostuch, vous avez dit que le registre électronique, qui est prévu dans la loi, n'est pas suffisant en termes d'accès du public à l'information. Si vous aviez des recommandations à formuler en vue d'établir un autre régime d'information du public, quelles seraient-elles? Qu'aimeriez-vous voir? Comment organiseriez-vous tout cela?
Mme Martha Kostuch: Je laisserais le registre public existant et j'y ajouterais ce que l'agence propose dans le projet de loi C-19. Je pense que c'est un bon ajout, mais que cela ne doit pas être un élément de remplacement.
Je trouve que c'est très bon, le registre électronique proposé, l'échéancier proposé aussi, cela doit rester, mais il ne faut pas perdre ce que nous avons eu tellement de mal à obtenir, après nous être adressés aux tribunaux, et qui est prévu dans la loi actuelle. Je suis branché sur Internet, mais je ne peux pas passer en revue... Ce document, nous l'avons obtenu grâce à une ordonnance du tribunal exigeant qu'il soit inscrit au registre public, mais il y en a bien d'autres. En fait, quand la Cour a exigé qu'un registre public soit établi dans un endroit pratique, ils m'ont envoyé tous les documents. Je suis alors devenu le registre public. On considérait que chez moi, c'était l'endroit pratique, et on m'a donc envoyé toute une boîte de dossiers. Eh bien, c'était très bien, je n'avais pas d'objection. J'avais proposé la bibliothèque publique, mais il se trouve que je suis devenu aussi public que la bibliothèque publique. J'ai d'ailleurs de bonnes relations de travail avec eux, comme Bob le sait très bien. Je suis donc devenu le registre public.
Aurais-je pu avoir accès à ces mêmes documents sur Internet? Non, cela aurait été impossible. Il aurait été impossible de rendre ces cartes géographiques publiques électroniquement. Ce que je veux, c'est que l'on conserve ce qui existe déjà et ce que les tribunaux ont exigé quant à la commodité d'accès de tous les documents. Aux termes des amendements proposés, il ne serait même pas nécessaire d'afficher ces documents.
Ce que je propose, c'est de garder ce que nous avons et d'ajouter en plus ce que l'agence propose dans le C-19. Je trouve que c'est un bon ajout qui améliorerait la situation actuelle. Je ne veux pas que cela remplace ce que nous avons actuellement.
À (1030)
M. Stephen Hazell: Monsieur le président, pourrais-je ajouter une brève observation?
Ce que nous perdons, le point légal ou législatif spécifique, c'est la commodité d'accès pour le public. Cela se trouve dans la loi actuelle. On dit que le public a le droit d'avoir accès au registre public de façon commode. C'est cela qui a été perdu dans les modifications proposées.
Mme Martha Kostuch: Plus une foule de documents. C'est le deuxième point. Il y a donc d'abord la commodité d'accès, et deuxièmement, l'éventail et la portée des documents, que l'on a réduits de beaucoup dans l'amendement proposé. Voilà les deux choses que nous perdrions si la loi actuelle était remplacée.
Il faut donc l'ajouter, absolument. Il ne faut pas le remplacer.
M. Alan Tonks: Je vous remercie pour cette précision.
Vous avez indiqué par ailleurs, madame Kostuch, que la liste des études approfondies doit devenir partie intégrante de la liste d'examen. Faute d'obtenir cela, y a-t-il des éléments du processus d'étude approfondie que vous appuyez, qui sont à votre avis absolument essentiels?
Mme Martha Kostuch: Non. Le problème c'est qu'à l'heure actuelle dans le projet de loi, le processus serait déclenché tôt pour décider de l'orientation qu'il va prendre. Donc, tout d'abord, cela accroît la complexité et allonge les délais. Maintenant il va falloir déterminer dès le départ s'il y a des répercussions environnementales importantes, s'il y a des répercussions environnementales incertaines et s'il y a des préoccupations importantes de la part du public. Comment allez-vous pouvoir prendre cette décision avant d'avoir l'information? De plus, cela va alourdir le processus et le rendre plus complexe.
À l'heure actuelle, je peux m'adresser aux tribunaux tôt dans le processus plutôt que tard. Tout cela va changer. Il faudra quand même que je m'adresse aux tribunaux et je n'en ai pas l'intention, pour vous dire la vérité. Je n'ai pas vraiment l'intention de m'adresser aux tribunaux. Je préfère protéger l'environnement plutôt que d'aller devant les tribunaux et je préfère que le gouvernement fédéral fasse son travail pour que je n'aie pas à le traîner devant les tribunaux.
Mon objectif n'est pas d'aller devant le tribunal. Mon objectif est d'assurer la protection de l'environnement et de m'assurer que le gouvernement fédéral prend les mesures prévues par la loi. J'ai remporté toutes les causes que j'ai portées devant les tribunaux.
M. Alan Tonks: J'aimerais poser une autre question, si vous me le permettez, à Martha Kostuch. Cela concerne les questions posées par mon collègue et je viens juste d'y songer.
Pendant le processus d'examen préalable dans le cas de la rivière Oldman, dont le nom je suppose n'a pas été inspiré par mon collègue...
Des voix: Oh, oh!
M. Alan Tonks: Selon vous, comment cela aurait-il été possible, même s'il était obligatoire au cours de l'examen préalable de définir les effets néfastes et la façon de les atténuer et même s'il était absolument obligatoire de présenter une proposition ou plus de rechange? Afin de m'aider à comprendre, simplement sur le plan pratique, quelles sont les solutions de rechange que vous auriez proposées?
À (1035)
Mme Martha Kostuch: Tout d'abord, il ne s'agissait pas d'un examen préalable mais d'un réexamen complet par une commission, pour lequel nous avons obtenu gain de cause devant la Cour suprême du Canada, et qui relevait du décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, et non de la présente loi.
Cette rivière a été nommée en souvenir de Napi, qui est le vieil homme des Indiens des Péganes.
M. Alan Tonks: Donc vous ne proposez pas que nous y apportions des changements.
Mme Martha Kostuch: Non. Le nom de cette rivière n'a pas été inspiré par Bob.
Des solutions de rechange ont été proposées...
M. Alan Tonks: À l'époque.
Mme Martha Kostuch: ...de très bonnes solutions de rechange: réduire la demande, c'est-à-dire installer de meilleurs systèmes d'irrigation qui utiliseraient moins d'eau, qui permettraient de consommer moins d'eau; et le stockage d'eau en dérivation. En fait, tous les examens, y compris ceux de la province et du gouvernement fédéral ont indiqué que le barrage ne devait pas être construit, qu'il existait de meilleures solutions de rechange qui étaient préférables sur les plans économique, environnemental et social. En fait, le propre réexamen par une commission du gouvernement fédéral, dans lequel nous avons eu gain de cause devant la Cour suprême du Canada, est arrivé à la conclusion que le barrage ne devait pas être construit et en fait devait être déclassé en raison de ses répercussions environnementales, économiques et sociales, qu'il existait de meilleures solutions de rechange pour répondre aux besoins auxquels la rivière Oldman devait soi-disant permettre de satisfaire.
Nous nous retrouvons maintenant dans la même situation. Maintenant on est en train de dire qu'il n'y a pas d'eau pour remplir le réservoir et que nous avons besoin d'un plus grand nombre de barrages. En fait, nous n'avons pas besoin d'un plus grand nombre de barrages. Ce qu'il faut, c'est mieux utiliser l'eau que nous avons.
M. Alan Tonks: J'essaie de comprendre. Est-ce parce que l'on a mal établi la portée des incidences? Vous avez fait valoir cet argument plus tôt. Je ne suis pas sûr que cela s'y rapporte, mais...
Mme Martha Kostuch: Non, c'était le moment où cela s'est fait et le fait que le gouvernement fédéral n'a pas pris les mesures qu'il aurait dû prendre. Il n'a pas procédé à l'évaluation environnementale jusqu'à ce que nous le traînions devant les tribunaux et qu'il y soit obligé par la Cour suprême du Canada.
Malheureusement, c'est à cause du facteur temps. Le barrage a été construit. On a refusé de nous accorder une injonction, après que nous ayons eu gain de cause à la Cour d'appel fédérale. Nous n'avons pas obtenu une injonction à cause de la prépondérance des inconvénients. La décision de la Cour suprême a été rendue après que la moitié du barrage eut été construite et la Cour a décidé de les laisser poursuivre la construction. Donc c'était une question de temps.
M. Alan Tonks: Je vois.
Mme Martha Kostuch: Si le gouvernement fédéral avait fait ce qu'il aurait dû faire, lorsqu'il aurait dû le faire, le barrage n'aurait jamais été construit. Donc ce n'était pas un problème d'établissement de la portée des incidences. C'était à cause du retard du gouvernement fédéral à agir...
M. Alan Tonks: Donc il ne s'agissait pas d'une lacune de la loi.
Mme Martha Kostuch: En fait, la loi n'existait pas à cette époque. Cette évaluation a été faite en vertu du décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement.
La route Sunpine n'aurait jamais été construite si le gouvernement fédéral avait correctement établi la portée des incidences et examiné les solutions de rechange et les besoins. Cette route n'aurait pas été construite; la route North Fork existante aurait été améliorée pour répondre aux besoins de transport du bois. Cela aurait eu moins d'effets néfastes sur l'environnement. Donc dans ce cas-ci il s'agit d'un problème d'établissement de la portée, mais pas dans l'autre.
M. Alan Tonks: Très bien. Je n'avais pas l'intention de remettre cette question sur le tapis. Je voulais simplement comprendre en quoi consiste l'établissement de la portée des incidences, tel qu'il s'applique aux projets. J'avais perdu cet aspect de vue en ce qui concerne les deux projets dont vous nous avez parlé.
Très bien. Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie.
J'ai deux brèves questions, après quoi nous passerons au deuxième tour.
Madame Kostuch, dans votre exposé, vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait se conformer à ses propres lois. Pouvez-vous expliquer pourquoi, à votre avis du moins, ce n'est pas le cas--à savoir qu'il ne se conforme pas à ses propres lois? À quoi attribuez-vous cet état de chose?
Mme Martha Kostuch: Je l'attribue à une absence de volonté politique. C'est aussi simple que ça. Le ministère des Pêches et des Océans en particulier n'adhère pas à la Loi sur l'évaluation environnementale. Il n'adhère absolument pas au principe de la loi et il n'y a d'ailleurs jamais adhéré.
En fait, si vous vous reportez à l'époque où la loi a été adoptée, lorsqu'elle a été promulguée en 1995, le ministère des Pêches et des Océans a émis la directive 35(2) indiquant qu'il allait établir un nouveau régime illégal de façon à ce que la loi ne soit pas déclenchée.
En vertu de ce régime, qui se trouve à l'heure actuelle devant la Commission de coopération environnementale pour la préparation de faits de l'espèce, on a opté pour l'envoi de lettres d'avis à ceux qui proposent de détruire l'habitat du poisson afin de leur indiquer qu'ils doivent éviter de déclencher la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Avant que la LCEE entre en vigueur, plus de 10 000 projets ont été autorisés en vertu de la directive 35(2) et depuis l'entrée en vigueur de cette même loi, ce nombre est tombé à 135.
Non seulement le ministère a-t-il agi ainsi pour contourner la LCEE, mais maintenant il définit les projets aussi étroitement que possible, de manière à contourner la Loi de même que son objectif et son intention, qui est d'assurer l'établissement et l'évaluation appropriés de la portée des incidences environnementales, de peser tous les avantages et les inconvénients, tous ces aspects dont le MPO veut maintenant rétrécir la portée. En fait, en réponse à la victoire récente que nous avons remportée sur Suncor, le MPO a indiqué qu'il avait l'intention d'établir de façon encore plus étroite la portée de l'évaluation des projets parce qu'il ne voulait pas être obligé d'atténuer les incidences environnementales au-delà de la portée limitée qu'il avait établie.
Le problème, c'est que le ministre de l'Environnement et l'agence ont pris un engagement très ferme envers l'évaluation environnementale. Et l'agence a déployé de grands efforts--d'énormes efforts--pour assurer des évaluations environnementales de qualité, mais pour faire ce travail elle n'a pas le plein engagement du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral lui-même ne respecte pas les engagements énoncés dans son livre rouge en ce qui concerne l'évaluation environnementale. C'est pourquoi nous devons constamment aller devant les tribunaux--et dans pratiquement chaque cas nous obtenons gain de cause.
À (1040)
Le président: Dans sa présentation, M. Hazell cite un nouveau livre par un certain E.O. Wilson, The Future of Life:
L'écologisme en tant qu'argument a souvent fait l'unanimité, mais en tant que pratique, il a presque disparu. |
Avez-vous des commentaires à faire au sujet de cette citation?
Mme Martha Kostuch: Je ne crois pas que ce soit le cas. La population du Canada se soucie de l'environnement et prend des mesures pour le protéger.
Cette pratique a uniquement disparu dans l'ensemble du gouvernement fédéral, et non chez la population du Canada. Tous les sondages l'indiquent. Les Canadiens se soucient de l'environnement et veulent le protéger. Le Protocole de Kyoto en est un exemple. Les Canadiens veulent que le Protocole de Kyoto soit adopté. Ils défendent l'environnement et assurent la protection de l'environnement.
Le problème, ce n'est pas l'inaction. Les industries sont très actives. Les industries prennent le pas sur le gouvernement fédéral et dans bien des cas en font plus que le gouvernement fédéral. Suncor était tout à fait disposée à protéger l'environnement et à faire une pleine évaluation environnementale. Le problème ce n'était pas Suncor; c'était le gouvernement du Canada.
Le président: Monsieur Hazell et monsieur Duck, dans vos interventions, vous avez indiqué--particulièrement vous, monsieur Hazell--que l'on avait raté une occasion. M. Duck a indiqué que l'on pourrait utiliser un certain processus pour examiner ce qui manque, donc si je vous ai bien compris... Permettez-moi de m'exprimer autrement: seriez-vous disposés à préparer un mémoire à l'intention du comité en temps voulu qui renfermerait le résultat des consultations que vous auriez tenues en collaboration avec le milieu de l'évaluation environnementale afin de donner au comité une idée de ce qu'il faudrait faire pour traiter des questions d'une plus grande portée qui ne sont pas envisagées à l'heure actuelle par le projet de loi C-19?
M. Stephen Hazell: Personnellement--car je ne peux pas parler au nom du groupe d'évaluation environnementale, auquel Martha et Peter ont tous deux participé de même que moi-même, à des époques différentes--je crois que nous serions ravis de le faire. Nous serions ravis d'aider le comité par tous les moyens possibles pour tâcher de relever les défis au niveau fédéral que n'aborde pas le projet de loi C-19. Je laisserai aussi mes collègues répondre.
J'aimerais dire quelque chose partiellement en réponse aux commentaires faits plus tôt par Martha à propos de l'évaluation environnementale. Je crois que nous avons un problème avec l'idée d'évaluation environnementale. Ce que Martha dit est vrai. Mais je crois aussi que l'on ne comprend pas vraiment la notion d'évaluation environnementale. La réticence des ministères fédéraux à l'accepter est évidente pour bien des gens. Je crois que Martha a parlé du MPO, mais c'est le cas d'autres ministères aussi.
L'industrie quant à elle considère cela comme une corvée. Elle n'en voit pas l'utilité. C'est un processus officiel--vous savez, cocher des cases en triple exemplaire pour en finir. C'est la perception qui existe dans l'industrie. On ne considère pas que c'est l'occasion d'améliorer réellement des projets.
Monsieur Reed, vos commentaires à propos des avantages--c'est-à-dire de ne pas examiner simplement les aspects négatifs mais aussi les aspects positifs d'un projet, de manière à pouvoir ensuite comparer différentes solutions de rechange--pourraient permettre de présenter l'évaluation environnementale sous un jour un peu plus positif.
On n'arrive pas à faire accepter la notion d'évaluation environnementale. Dans le cadre de cet examen plus général, comment pourrions-nous décrire ce que nous faisons lorsque nous évaluons les incidences de projets sur la nature? Y a-t-il des façons d'y songer autrement que sous l'angle de l'évaluation environnementale?
L'évaluation environnementale est une expression qui existe depuis longtemps car le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement remonte à 1973, c'est-à-dire il y a 29 ans. Le décret sur les lignes directrices remonte à 1984. On continue d'aborder la question à peu près de la même façon. On y a ajouté toutes sortes de mécanismes et de dispositions législatives supplémentaires, mais la notion fondamentale n'a pas changé. Le comité pourrait peut-être aussi songer à cet aspect.
Je ne crois pas que nous voulions réellement simplement évaluer les incidences environnementales de projets et laisser les décideurs prendre des décisions. Je crois que nous devons songer à ce que nous devons faire pour conserver la biodiversité. C'est ce qui nous tient vraiment à coeur. Ce qui nous tient à coeur, ce n'est pas de faire une évaluation environnementale mais de protéger les terres incultes, de protéger notre faune, de conserver la biodiversité, de nous assurer que le changement climatique ne détruit pas la planète. C'est ce qui nous tient à coeur--la façon dont nous adapterons le processus pour atteindre les objectifs que nous avons tous en commun.
À (1045)
Mme Martha Kostuch: En ce qui concerne le processus, le groupe de planification et d'évaluation environnementales propose de tenir une conférence et un atelier sur l'évaluation environnementale stratégique. C'est un mécanisme qui permettrait d'amorcer la discussion là-dessus.
Une option consisterait pour le comité permanent à disposer d'un processus de consultation sur les grandes questions qui se rattachent à l'évaluation environnementale et sur son orientation. Comme Stephen l'a bien indiqué, nous ne parlons pas maintenant d'évaluation environnementale; nous parlons de la façon dont nous pouvons faire de l'évaluation environnementale un outil qui favorise l'environnement durable et qui permet d'en examiner les grandes questions.
Le comité permanent devrait peut-être élaborer le processus. Peter, John et moi-même sommes tous actifs, et Steve l'a été par le passé, au sein du groupe d'évaluation environnementale. Nous serions tout à fait disposés, j'en suis sûre, à présenter un mémoire sur le processus tel que nous l'envisageons. Le comité permanent en représenterait un aspect.
M. Peter Duck: Je crois que ce que vient de mentionner Martha et ce que vous avez proposé serait utile, à savoir que nous consultions les milieux environnementaux afin d'avoir une idée du processus qu'ils considèrent nécessaire pour aborder ces questions. Je me ferai un plaisir de le faire, dans la mesure où une telle chose est possible avec un groupe aussi divers, et d'en informer le comité.
Le président: Je vous remercie.
Pour le deuxième tour, M. Mills.
M. Bob Mills: Je vous remercie.
Je crois que vous avez indiqué clairement l'absence de détermination de la part du gouvernement fédéral, ce qui est probablement le cas pour les gouvernements provinciaux également. Le grand sujet de préoccupation est la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces. Nous espérons que le projet de loi C-19 et les amendements qui y seront apportés contribueront du moins en partie à favoriser cette coopération.
J'aimerais utiliser un exemple et vous demander comment le projet de loi C-19 fonctionnerait dans une telle situation. Je parle d'un projet énergétique dans l'État de Washington. La rivière Sumas prend sa source dans l'État de Washington, traverse la Colombie-Britannique et se déverse ensuite dans l'océan. On propose de construire une centrale électrique. La pollution touchera la vallée du Fraser, qui la retiendra. C'est déjà la deuxième région la plus polluée au Canada. L'eau pour ce projet proviendra d'un aquifère au Canada, et le gaz naturel proviendra du Canada. L'électricité se rendra au centre-ville d'Abbotsford, puis sur la côte et jusqu'en Californie, s'il s'agit du meilleur marché. Donc, il y aura beaucoup d'incidences environnementales au Canada.
Nous avons 6 000 personnes dans la ville d'Abbotsford qui sont en train de se mobiliser. Le gouvernement de la Colombie-Britannique est un intervenant. En tant que citoyen canadien, j'ai pu intervenir dans les délibérations sur les études d'incidences environnementales aux États-Unis. Tout ce que j'ai réussi à découvrir à propos du Canada, c'est que nous n'aurions probablement pas d'étude d'incidence environnementale. Le gouvernement fédéral ne participe pas officiellement à ce projet. Il n'a pas demandé le statut d'intervenant. J'ai rencontré le gouverneur, il a reconnu connaître le ministre de l'Environnement. Mais il n'y a pas de participation à titre officiel.
Comment pouvons-nous obtenir une évaluation environnementale? Je ne crois pas que cela puisse se faire automatiquement et que le gouvernement canadien y participe. Je ne vois pas comment le projet de loi C-19 et les améliorations qui y seront apportées permettront de changer la situation.
À (1050)
M. Stephen Hazell: Je pense que Martha voudra dire quelques mots.
Je crois qu'il existe un mécanisme que nous devrions songer à employer. Je ne connais pas ce projet, mais il me semble que c'est l'occasion rêvée d'avoir recours aux services de la Commission mixte internationale. Cette commission a déjà procédé à ce genre d'évaluation environnementale. Vous vous souviendrez peut-être de ce qui s'est passé dans l'affaire de la fonderie Trail. C'était une situation semblable. Une fonderie du Canada envoyait beaucoup d'émissions vers les États-Unis. La Commission mixte internationale a procédé à ce qui était en fait une évaluation environnementale. Cela remonte à une cinquantaine d'années. Renvoyer la question à la CMI serait peut-être la façon de procéder. L'honorable Herb Gray est actuellement le président canadien de la CMI.
De plus, le gouvernement fédéral pourrait procéder à une évaluation environnementale conformément à l'article 48 si cette pollution avait un impact sur le territoire domanial. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas procéder de cette façon. Si ça ne plaît pas aux Américains, trouvons de bonnes façons pour le Canada de procéder à une étude conformément au processus associé à la NEPA. Il y a certainement une évaluation de prévue aux termes de cette loi américaine aux États-Unis. J'en suis convaincu.
Il suffit simplement que quelqu'un insiste. C'est peut-être une chose que devraient faire ceux qui défendent l'environnement.
Martha.
Mme Martha Kostuch: Je voudrais faire quelques commentaires. J'aimerais signaler tout d'abord que les ententes bilatérales fonctionnent très bien dans les provinces qui ont conclu ce genre d'accord. L'entente bilatérale avec l'Alberta fonctionne assez bien, il y a beaucoup de collaboration--et ces évaluations peuvent être déclenchées par les deux paliers de gouvernement. N'oubliez pas, cependant, que la grande majorité des évaluations environnementales faites dans le cadre du programme fédéral ne seraient pas déclenchées en fonction des lois provinciales, tout au moins pas en Alberta. Je crois cependant que les ententes bilatérales fonctionnent bien.
Vous avez raison de dire que le projet de loi C-19 ne règle aucunement le problème. Je connais le projet dont vous parlez, et on en a beaucoup parlé dans l'Ouest; ce projet de loi ne permettra pas de régler le problème. Rien n'empêche cependant le gouvernement fédéral tout d'abord de communiquer avec l'ACEE et puis de participer à l'évaluation environnementale aux États-Unis; le seul obstacle c'est la volonté politique. C'est simple.
La Commission nord-américaine de coopération environnementale créée par l'accord parallèle de l'ALENA essaie de convaincre les trois gouvernements, ceux du Canada, du Mexique et des États-Unis, de signer une entente sur l'évaluation environnementale, et ce déjà depuis un bon moment. Ses efforts se sont soldés par un échec. Cette entente aurait permis de régler le problème dont vous parlez, soit comment avoir des évaluations environnementales dans un climat de coopération lorsqu'il y a un impact sur un autre pays. Le dossier n'avance pas. C'est certainement une question qui pourrait relever de la commission et je vous exhorte à en parler au commissaire responsable de la coopération environnementale car il faut sérieusement en venir à une entente--c'est là une des priorités de cet accord parallèle.
[Français]
Le président: Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.
Une question importante a été soulevée par M. Hazell. C'est toute la question de l'indépendance du processus d'évaluation environnementale. M. Hazell a donné l'exemple de l'agence canadienne. Il dit qu'au fond, le gouvernement semble être juge et partie dans ces évaluations environnementales. Il a même dit, en tout respect pour les fonctionnaires qui sont à l'arrière, qu'il souhaitait que les fonctionnaires se retirent de l'agence pour avoir une plus grande indépendance.
Voici ma question. En regard du processus d'évaluation environnementale au Québec et de son indépendance, j'aimerais savoir si le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement du Québec est indépendant. Si oui, qu'est-ce que cette approche appliquée au Québec peut permettre et a comme avantages quant au résultat des évaluations environnementales réalisées sur le territoire du Québec?
À (1055)
M. Stephen Hazell: Merci, monsieur Bigras.
[Traduction]
Lorsque je parlais d'indépendance, je pensais plutôt au besoin de procéder à un examen indépendant de la structure législative, plutôt qu'à l'indépendance d'un organisme quelconque chargé de l'évaluation environnementale.
Dans le cadre du processus fédéral, lorsqu'il y a médiation ou examen par un comité, un groupe indépendant de particuliers est chargé de cette évaluation. Lorsqu'il y a examen par un comité, peu importent les circonstances, tout au moins plus récemment, vous avez un groupe d'experts qui se réunit et qui a pour mandat de procéder à l'évaluation. À cet égard, il est indépendant tout comme les commissaires du BAPE sont indépendants. Je ne vois pas vraiment de grosse différence entre ces deux processus.
[Français]
M. John Burcombe: Monsieur le président, permettez-moi de répondre aussi.
Le BAPE est reconnu, au Québec, comme étant indépendant jusqu'à un certain point. Bien sûr, le BAPE fait partie du ministère de l'Environnement, mais il a son propre président et un code de déontologie. Même, chaque commission du BAPE est indépendante et peut agir de sa propre façon. Les décisions ou les recommandations de la commission dépendent beaucoup des membres de chaque commission. Donc, il y a toujours un inconnu dans toutes les décisions ou recommandations du BAPE. Il faut reconnaître que le BAPE est seulement une instance de recommandation. Il n'a aucun pouvoir décisionnel. La décision finale appartient toujours au gouvernement.
M. Bernard Bigras: J'ai une petite question. Trouvez-vous que le fonctionnement de l'organisme, ses travaux, son mode de consultation sont adéquats dans le cadre de l'évaluation des projets? Je sais que ce n'est pas décisionnel, et on s'entend là-dessus, mais dans le cadre des recommandations, trouvez-vous que c'est assez fidèle et qu'il n'y a pas d'intervention directe? Au fond, trouvez-vous que ce processus fonctionne assez bien?
M. John Burcombe: C'est un bon processus, en partie parce qu'il n'est pas judiciarisé. Le grand public peut y présenter son opinion et poser des questions, mais un des problèmes, c'est que les témoins ne sont pas obligés de témoigner sous serment et qu'il y a possibilité qu'on n'ait pas la vérité. Les promoteurs ne sont pas obligés de fournir l'information qui n'est pas demandée. Si les bonnes questions ne sont pas posées, on n'a pas la bonne information. C'est une lacune qui existe dans toutes les commissions, mais le BAPE a une bonne feuille de route et je crois que c'est un exemple à suivre ailleurs.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bigras.
Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Monsieur Duck, vous signalez à la page 2 de votre mémoire qu'il faut absolument établir une norme qui servira de cadre garantissant que ces évaluations environnementales seront menées d'une manière cohérente et indépendante.
Vous aviez également mentionné le processus qu'avait lancé l'Association canadienne de normalisation et qui a malheureusement été interrompu.
Si j'étudie le document qui a été préparé par le ministre en réponse à l'examen de la loi, on identifie trois objectifs. Les deux premiers, je crois, peuvent être appliqués à l'élaboration d'un processus normalisé ou à l'élaboration de normes pour l'EE. Le premier objectif est un processus opportun et prévisible, et le deuxième est une évaluation environnementale de qualité. Je crois que ces deux objectifs correspondent en fait clairement à ce que faisait l'Association canadienne de normalisation.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur le processus; pouvez-vous nous expliquer pourquoi il a été interrompu dans ses dernières étapes?
Á (1100)
M. Peter Duck: Pourquoi a-t-il été interrompu? Nous croyons que c'est en raison de ce processus. Les gens sont devenus trop occupés. Je crois qu'un des intervenants provinciaux a envoyé une lettre disant que désormais, en raison du processus d'examen quinquennal, ils n'avaient pas suffisamment de temps pour poursuivre leurs activités dans le cadre de ce processus. Je crois que c'est la dernière lettre que nous ayons eue de ce comité.
Ce processus avait été entamé il y a près de trois ans. Nombre d'intervenants avaient consacré beaucoup de temps et d'efforts. Ils essayaient de se pencher sur les détails qui ne sont pas précisés dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale concernant les paramètres à respecter dans le cadre d'une évaluation environnementale. Certaines des choses dont nous parlons sont faites avant même que l'on ne fasse intervenir les dispositions de la loi.
À l'époque, certains des obstacles faisaient surface même après que les paramètres aient été établis, quand on passait aux procédures de suivi découlant des programmes de suivi.
C'était un bon processus auquel participaient bon nombre d'experts. Ce processus ne se penchait pas sur les questions de fond touchant les évaluations environnementales, soit la qualité des évaluations environnementales effectuées. Le fait est qu'il n'est absolument pas nécessaire d'être expert pour procéder à une évaluation environnementale. Le processus de CSA permettait de commencer à définir en plus amples détails les paramètres qui devaient être établis; il ne se penchait pas sur les vraies questions de fond, soit le recrutement de personnes qui comprennent vraiment l'environnement pour rédiger des documents et des énoncés crédibles en matière d'évaluation environnementale.
Mme Karen Kraft Sloan: Pensez-vous que ce processus sera relancé? Personne ne m'a dit que...
M. Peter Duck: Non, rien n'indique que ce processus sera relancé.
Mme Karen Kraft Sloan: Comment pourrions-nous nous procurer une copie de ce document? S'agit-il d'un document public?
M. Peter Duck: Il a été présenté dans le cadre d'un examen public. Nous ne sommes pas allés plus loin. La dernière ébauche était l'ébauche 14, ce qui vous donne une bonne idée du nombre d'étapes qu'il a fallu franchir. Je suppose qu'il existe encore des copies à l'Association canadienne de normalisation. J'ai apporté une copie avec moi aujourd'hui et on pourrait donc en faire des photocopies.
Mme Karen Kraft Sloan: Est-ce que l'organisme ou le gouvernement ont donné suite à ce document ou à l'ébauche 14? Dans l'affirmative, pourrions-nous obtenir copie des réponses?
M. Peter Duck: Il a été présenté pour examen. Des réponses ont été offertes par divers intervenants, y compris les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Ces documents auraient été envoyés à l'Association canadienne de normalisation. Le processus est assez strict. Je crois qu'il vaudrait mieux que vous communiquiez avec l'Association pour savoir si elle est disposée à distribuer ces documents. Les commentaires fournis ne sont pas des documents publics. C'est simplement le document préparé par les intervenants qui a été distribué au public.
Mme Karen Kraft Sloan: Nous devrions pouvoir obtenir les commentaires du gouvernement fédéral.
M. Peter Duck: Pas nécessairement. Il s'agissait d'un processus interne de la CSA, et c'est justement pourquoi le processus était une telle réussite. Il y a des règles très strictes qui régissent la façon dont vous pouvez faire les choses.
Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, le comité pourrait peut-être se pencher sur cette question.
Ma question suivante s'adresse à M. Duck et à Mme Kostuch; vous semblez douter de la capacité des intervenants de mettre un frein aux projets qui vont clairement à l'encontre des dispositions de la loi. Certains députés, membres du comité, ont à l'occasion dit s'inquiéter du fait que le public pourrait intenter des actions vexatoires ou frivoles pour freiner ces projets, et se préoccuper de l'impact financier possible que cela pourrait avoir pour les parrains des projets. Je me demande. Si c'était possible, croyez-vous qu'on pourrait se servir de ce processus de façon positive? Compte tenu de votre vaste connaissance de l'application de la loi, monsieur Duck—ou d'autres choses touchant l'environnement, si les autres témoins voulaient répondre—que penseraient les parrains de ces projets de la capacité de mettre frein aux projets qui vont vraiment à l'encontre des dispositions de la loi?
Á (1105)
M. Peter Duck: Ma réponse à cette question sur les poursuites vexatoires et frivoles est simplement de signaler que les tribunaux peuvent ne pas écouter les arguments vexatoires et frivoles. Il existe donc une protection. Si les tribunaux jugent qu'il s'agit là d'arguments vexatoires et frivoles, ils ne sont pas tenus de tenir compte de l'intervention.
Le fait est que les gens ont une vie à vivre. De l'avis du public, tout cela est fait par des bénévoles. Je crois que vous constaterez qu'en fait les gens n'interviennent pas de façon vexatoire ou frivole. Ils ont de vraies préoccupations qui touchent leur vie et ils voudraient que l'on trouve une solution à leurs problèmes. Et s'ils sont là, s'ils prennent congé, comme je le fais souvent, s'ils perdent de l'argent pour participer au processus d'évaluation environnementale, ce n'est pas pour des raisons frivoles ou vexatoires, mais simplement parce qu'il s'agit d'une question importante que l'on doit étudier.
Mme Martha Kostuch: Je suis d'accord avec Peter. Les tribunaux peuvent empêcher les pousuites vexatoires et frivoles. Il est facile de rejeter une plainte. Aucune de nos plaintes n'a été rejetée pour avoir été frivole ou vexatoire. Ça ne s'est jamais produit.
Oui, c'est vrai que vous pouvez vous pencher sur l'impact financier possible d'une intervention pour le parrain d'un projet. Mais qu'en est-il de l'impact financier pour les autres? Le barrage prévu pour la rivière Oldman a coûté près d'un milliard de dollars, a entraîné l'inondation de plus de 35 kilomètres d'habitats du poisson extraordinaires, et a gravement nui aux Péganes, et la question n'a toujours pas été réglée. Nous pouvons parler des impacts financiers pour le parrain d'un projet si l'on met frein à ce dernier parce qu'on n'a pas respecté les dispositions de la loi, mais qu'en est-il de l'impact environnemental, de l'impact social, de l'impact financier, si l'on n'interrompt pas un projet qui va à l'encontre de la loi?
Encore une fois, les tribunaux peuvent faire la part des choses. Il ne sera pas possible d'obtenir une injonction du tribunal s'il n'y a pas de motif raisonnable. Je ne crois pas que ce soit un problème.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Je ne crois pas que ce soit un problème non plus, mais c'est certainement une question qui est souvent soulevée par mes collègues.
Merci. Y aura-t-il un troisième tour de questions?
Le président: Nous essaierons.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed: Merci, monsieur le président.
J'aimerais en revenir aux interventions vexatoires et frivoles. D'après vous, est-ce que le plaignant dont l'intervention a été jugée vexatoire et frivole devrait être responsable des coûts associés à son intervention?
M. Stephen Hazell: Encore une fois, il appartient aux tribunaux de trancher. Au Canada, si la CPAWS demande un contrôle judiciaire de la section de première instance de la Cour fédérale, par exemple, et que cette dernière—vous remarquez que ça ne s'est jamais produit car la CPAWS a toujours eu gain de cause—décidait qu'il s'agit là d'une intervention vexatoire et frivole, conformément à la loi canadienne, les coûts doivent être assumés par le requérant qui doit également payer les coûts du défendeur. Ainsi certains frais judiciaires devront être payés au défendeur dans cette affaire.
M. Julian Reed: Est-ce que cela s'est déjà produit?
M. Stephen Hazell: Les coûts sont habituellement attribués après l'affaire.
Mme Martha Kostuch: En fait...
M. Stephen Hazell: C'est habituellement la façon de faire au Canada.
M. Peter Duck: J'ai déjà dû payer 40 000$ lorsque nous n'avons pas eu gain de cause.
Mme Martha Kostuch: Vous gagnez.
M. Julian Reed: J'aimerais vous faire part d'une brève anecdote avant de passer à ma question.
Il y a quelques années j'avais demandé la permission de construire un réservoir de retenue dans une rivière, et lors de l'étude qui a suivi cette demande, on m'a fait un long exposé sur les émissions de méthane qui s'en dégageraient, le réchauffement de l'eau, et le mercure qui pourrait être ainsi libéré. Le réservoir que je proposais était de la taille d'un étang de castors. Enfin, frustré par l'intervention du biologiste, j'ai dit «Est-ce que vous voulez que je me promène avec mes bâtons de dynamite et que je fasse sauter toutes les digues de castors qu'on trouve à Haliburton County, et il y en a plusieurs?» «Non, non», de dire le biologiste, «nous ne voulons pas que vous fassiez cela parce qu'ils sont faits par la nature.»
Ma question est la suivante: les êtres humains font-ils partie de la nature?
Á (1110)
Mme Martha Kostuch: Certainement, et je ne m'oppose pas à tous les barrages ou à toutes les retenues. Je crois qu'il y a des barrages fort utiles...
Une voix: Principalement ceux qui sont construits par les castors.
Mme Martha Kostuch: Les castors et les êtres humains. Par exemple, Canards Illimités a réalisé des projets qui ont présenté des avantages importants pour les oiseaux migrateurs, tous les oiseaux et pour d'autres animaux sauvages.
Il est vrai que les humains font partie de la nature, et du seul fait de notre existence, nous avons un impact sur l'environnement et vice versa. Devrions-nous mettre fin à tout type de développement? Absolument pas. Devrions-nous plutôt avoir des programmes de développement qui sont dans le meilleur...qui sont durables? Certainement.
M. Stephen Hazell: Les humains font partie de la nature, c'est clair, mais il ne faut pas oublier qu'ils représentent le plus grand groupe de gros mammifères de la planète, et notre population est en pleine expansion. Il faut en tenir compte en raison de notre nombre, en raison de l'impact extraordinaire que nous avons sur l'environnement. Des études ont été effectuées sur les empreintes écologiques. Par exemple, je pense aux travaux importants qu'a effectués M. William Rees de l'Université de la Colombie-Britannique sur l'empreinte écologique des êtres humains sur l'environnement. Combien d'acres ou d'hectares de terrain faut-il pour assurer la survie de chaque être humain? D'après certains des calculs qui ont été faits, il y a déjà trop d'êtres humains pour assurer la survie de la planète.
Je reconnais que les êtres humains font partie de la nature, et je crois que nous devrions encourager les gens à penser de cette façon, à penser aux êtres humains comme faisant partie de la nature, car ils sont de gros carnivores ou omnivores qui dévastent le paysage.
Le président: Mme Redman, suivie de M. Laliberte puis du président.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Vous pourriez peut-être demander à M. Duck et à M. Burcombe de bien vouloir signifier qu'ils sont d'accord pour dire que les êtres humains font partie de la nature.
Mon collègue, M. Mills, parlait des projets Sumas. Je tiens à signaler que cette séance est télévisée et que si les Américains savent qui est le ministre de l'Environnement, c'est peut-être parce que Environnement Canada a présenté au moins trois mémoires à l'organisme de Washington qui examine le projet Sumas 2, parce que nous étions très conscients qu'il y avait un lien avec le Canada.
En outre, je tiens à remercier M. Duck d'avoir parlé du document de la CSA et j'invite mes collègues à le consulter. L'organisme nous a envoyé des exemplaires de ces commentaires, et si nous n'arrivons pas à les trouver sous la montagne de papier qui se trouve sur nos bureaux, il suffit de communiquer avec l'organisme. Le document a été distribué en décembre et nous nous ferons un plaisir de le distribuer de nouveau.
Madame Kostuch, vous avez mentionné tout à l'heure les effets interprovinciaux, et je signale encore une fois à ceux et celles qui n'ont pas eu l'occasion de lire le rapport en entier, quelles étaient les recommandations au sujet de l'évaluation dans la Loi sur l'évaluation environnementale. En dépit du fait qu'il y a dans la loi une possibilité d'examiner les effets interprovinciaux, il y a des problèmes d'ordre pratique dans le libellé de la disposition en question. On estimait que cela nuisait à son application, et nous avons de fait proposé des amendements qui rendront ces articles plus fonctionnels et plus conformes au texte original. On y a vu une amélioration à la loi et une chose appuyée par l'organisme.
Mme Martha Kostuch: Je suis d'accord. C'est certainement une amélioration, mais il faut encore tout de même une volonté politique, parce que cela n'a pas empêché un très grand nombre de projets d'être évalués. Cela a empêché le projet Genesee en Alberta d'être évalué, mais en réalité, c'est l'absence de la volonté politique d'utiliser les dispositions concernant les effets interprovinciaux, et non le problème d'ordre technique corrigé par le projet de loi C-19, qui a posé le plus gros problème.
Mme Karen Redman: Monsieur Hazell, vous avez montré votre livre tout à l'heure, et à la page 153, on y voit un commentaire intéressant au sujet des dangers que présente une mesure législative environnementale trop normative. Je vais le lire pour la gouverne de tous.
En réformant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, les milieux de l'environnement ont cherché à inclure autant d'obligations légales que possible. Avec du recul, on voit peut-être plus clairement que les lois environnementales les plus efficaces ne sont pas nécessairement les plus longues. |
Notre comité s'est vu demander de part et d'autre de modifier le projet de loi C-19, afin de le rendre plus normatif et moins souple. Étant donné que vous avez travaillé sur la question au sein du gouvernement et que vous y travaillez maintenant en dehors du gouvernement, quels conseils pouvez-vous nous donner à nous, parlementaires, qui sommes aux prises avec cette question?
Á (1115)
M. Stephen Hazell: Je pense que vous devez examiner chaque proposition d'amendement, mais je m'en tiens à ce que je dis là, à savoir que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE) constitue un régime très compliqué. C'est vraiment difficile à comprendre pour n'importe qui, car c'est déjà assez difficile pour les avocats eux-mêmes. Je pense donc que c'est un problème très répandu au palier fédéral. Nous avons ces lois et ces régimes très compliqués en ce qui concerne l'environnement—la LCPE, la Loi sur les espèces en péril, la LCEE—et je ne suis pas convaincu que toutes ces mesures doivent être si compliquées.
Le problème tient en partie au fait que dans les avis juridiques donnés au gouvernement fédéral par le ministère de la Justice, on ne reconnaît pas vraiment que l'autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral en la matière est beaucoup plus vaste qu'on le pense. On pourrait simplifier beaucoup les choses simplement en reconnaissant que le gouvernement fédéral a une certaine compétence, d'après toute une série de jugements qui remontent à celui de la reine C. Crown Zellerback Canada Ltd., dans l'affaire Oldman, etc. Profitons du pouvoir constitutionnel dont nous disposons. Quoi qu'il en soit, c'est une autre question.
Il est vrai qu'il est parfois préférable d'avoir des dispositions plus courtes et plus simples. Cela permet aux fonctionnaires de faire leur travail et de ne pas constamment être obligés de vérifier s'ils ont respecté ou non un règlement. C'est en partie l'ancien bureaucrate en moi qui me fait dire cela.
Mme Karen Redman: Je comprends cela. Je pense que votre perspective unique, du fait que vous avez déjà travaillé au gouvernement et que vous êtes maintenant en dehors du gouvernement, est très productive.
Nous avons beaucoup parlé des effets cumulatifs des modifications contenues dans ce projet de loi, ainsi que de l'évaluation environnementale. Si quelqu'un n'a pas fait de commentaires, je sais que le président a déjà demandé à ce groupe de proposer un processus. Nous avons reçu des réactions incroyablement positives sur le processus, suite à la participation du Comité consultatif de la réglementation, au sujet de la façon dont nous avons préparé la présentation du projet de loi C-19. Nous avons reçu des délégations de l'Association canadienne de la construction, qui estiment également que les améliorations que nous apportions renforçaient le projet de loi et le rendaient plus applicable.
Étant donné les préoccupations dont nous entendons continuellement parler au sujet des effets cumulatifs, j'aimerais encore entendre dire que cela a été un bon processus et que c'est un élément d'un autre processus peut-être qui ne fait pas nécessairement partie de ce que nous sommes en train de faire actuellement. Tout le monde convient-il que nous n'en sommes pas rendus au point du processus où nous pouvons nous attaquer à cette question?
M. Peter Duck: Je suppose que cela dépend du temps dont on dispose. Après avoir participé au Comité consultatif de la réglementation, nous nous sommes rendu compte que c'était une question complexe. Étant donné le nombre de points à l'ordre du jour de chaque réunion, il n'y avait tout simplement pas suffisamment de temps pour traiter de cette question à la satisfaction de tous, parmi toutes les autres questions à l'étude. On n'avait pas la possibilité d'entendre toutes les personnes présentes au sujet de toutes les questions à l'ordre du jour.
Mme Martha Kostuch: Le processus de l'agence est certainement l'un des processus les plus ouverts que nous ayons jamais eus. Avec le Comité consultatif de la réglementation et tout le reste, je ne critique pas ce processus--de la préparation du projet de loi C-19 et du résultat obtenu.
Où allons-nous maintenant? Je pense que c'est là la grande question. Tout dépendra évidemment de la prorogation possible de la Chambre, c'est-à-dire si vous pouvez terminer l'étude de cette mesure. C'est à vous de choisir. Finirez-vous l'étude du projet de loi C-19? Pendant combien de temps encore la Chambre siégera-t-elle? Pourrez-vous finir l'étude de la mesure avant la prorogation, ou encore vous attaquerez-vous maintenant à l'autre grande question? Vous devrez faire ce choix.
Nous reviendrons proposer un processus pour l'étude des autres grandes questions. Ensuite, ce sera à vous de décider si vous allez terminer l'examen du projet de loi C-19 et si vous allez entreprendre une nouvelle étude, ou encore, s'il y a prorogation, vous pourrez décider si vous voulez combiner les deux et examiner les autres grandes questions dans le cadre du processus d'examen quinquennal, ou encore séparément.
Le président: Merci.
Madame Kostuch, nous n'avons pas le choix. Lorsque le projet de loi est à l'étude au comité, nous ne pouvons pas interrompre le processus. Nous devons terminer le travail avant de passer à d'autres sujets.
Monsieur Laliberte.
Á (1120)
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une question à poser à Martha.
Vous avez parlé dans votre mémoire d'un exemple de Suncor. Je crois que l'exploitation des sables bitumineux s'est certainement très bien faite, et qu'on y a accordé beaucoup d'intérêt.
Pour ce qui est de l'évaluation environnementale, la discussion porte encore une fois sur l'étude approfondie des effets cumulatifs, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un projet, il pourrait y en avoir un bon nombre, et de fait il y en aura un bon nombre. Les effets pouvant être transmis par l'atmosphère ou par le réseau hydrique dans cette région se répercuteront dans la région boréale non seulement en Alberta, mais aussi en Saskatchewan et dans les Territoires du Nord-Ouest, étant donné que les eaux coulent vers le nord. Il y a aussi confluence de deux cours d'eau. Le cours supérieur de la rivière Churchill se situe dans ce secteur.
Dans la recherche d'un équilibre entre les intérêts du secteur pétrolier et les intérêts de la région boréale, ainsi que la protection des aliments traditionnels--plusieurs nouveaux débouchés s'ouvrent pour le poisson d'eau douce à cause des lacs--comment pensez-vous que les gouvernements devraient traiter la question des effets interprovinciaux cumulatifs? Quel serait l'effet de cette loi sur ce problème, et quelle sera d'après vous l'incidence cumulative de l'exploitation des sables bitumineux?
Mme Martha Kostuch: Je suis heureuse que vous posiez cette question. On en revient à la question de l'évaluation environnementale stratégique, de l'examen de la politique. Le gouvernement fédéral, de préférence en coopération avec le gouvernement provincial, devrait effectuer une évaluation environnementale stratégique de l'exploitation des sables bitumineux et l'examiner dans un sens plus large. Quels en sont les éléments positifs, les avantages, et quelle sera l'incidence? L'exploitation des sables bitumineux peut-elle se faire de manière écologique? Est-ce dans l'intérêt des Canadiens et même dans celui des Nord-Américains, des États-Unis, ou non? La raison pour laquelle nous ne respecterons pas les dispositions du Protocole de Kyoto est très simplement l'expansion de l'exploitation des sables bitumineux. Pourtant, on ne s'est même pas occupé de cette question dans le cadre de l'évaluation environnementale fédérale. On l'a identifiée comme une chose incertaine et les tribunaux n'ont malheureusement pas pris de décision quant à la nécessité de renvoyer cette question à une commission d'examen. Ils ont fait des commentaires, mais ils n'ont pas rendu de décision sur cette question.
Nous n'avons donc pas obtenu d'examen de l'incidence du projet Suncor en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Vous avez raison de dire que ce n'est pas le projet Suncor lui-même et son expansion qui nous préoccupent. C'est la totalité des projets d'exploitation des sables bitumineux et l'énorme incidence qu'ils auront sur la qualité de l'air dans plus d'une province, sur les gaz à effet de serre et les changements climatiques, ainsi que sur les forêts boréales et sur les cours d'eau. Le gouvernement fédéral devrait effectuer une évaluation environnementale stratégique.
Il y a encore une autre question. Pourquoi le gouvernement fédéral subventionne-t-il l'expansion de l'exploitation des sables bitumineux en accordant d'intéressants allégements fiscaux? C'est en partie à cause de ces mesures que nous ne respecterons pas les conditions de Kyoto. Avez-vous examiné cette question, avant de décider si vous accorderiez ces allégements fiscaux et ces amortissements accélérés? Avez-vous même pensé aux incidences environnementales quand vous avez pris la décision d'accorder des allégements fiscaux pour l'exploitation des sables bitumineux? Avez-vous pensé à l'incidence sur notre capacité de financer les soins de santé, quand vous avez accordé ces allégements fiscaux? Ce sont les questions que nous devrions examiner dans une évaluation environnementale stratégique et non dans une évaluation environnementale distincte pour chaque projet.
Nous, les écologistes, sommes maintenant forcés de dire que n'ayant pas d'évaluation environnementale stratégique, nous devons donc essayer d'examiner ces questions lors d'une évaluation faite pour chacun des projets. Nous avons donc essayé d'utiliser le projet de Suncor. Et nous avons de fait une réunion prévue avec le gouvernement fédéral, afin d'examiner comment nous pourrons nous occuper de ces grandes questions, maintenant que la décision a été rendue au sujet de Suncor. Nous faisons donc un suivi avec des représentants du gouvernement fédéral, mais la question que votre comité et le gouvernement fédéral doivent examiner est la suivante: comment devrions-nous examiner ces questions? Vous avez raison, il s'agit de questions très importantes, et qui ne concernent pas un projet en particulier.
M. Stephen Hazell: Monsieur le président, j'aimerais donner une brève réponse à Rick, si vous le permettez, parce qu'il y a une autre possibilité. En ce qui concerne l'évaluation environnementale stratégique, je suis tout à fait d'accord avec Martha. On a déjà fait ce qu'on appelle des évaluations environnementales régionales. Il y a eu une commission au sujet de la mer de Beaufort il y a une vingtaine d'années, qui a examiné d'une manière générale la question de l'exploitation pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort. Il en est résulté un rapport très important préparé par une commission fédérale qui a examiné d'avance, je suppose, la possibilité de l'exploitation de gisements pétroliers et gaziers dans la mer de Beaufort.
Des groupes environnementaux ont demandé qu'on fasse quelque chose de semblable en ce qui concerne l'exploitation de mines de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous ne l'avons pas obtenu. Nous avons demandé une évaluation régionale. Nous ne l'avons pas obtenue. Nous voulions qu'on examine... On prévoyait qu'on exploiterait une poignée de ces mines de diamant, que l'on construirait toutes sortes de nouvelles routes, et peut-être même un nouveau port sur les côtes de l'océan Arctique. Quel sera le résultat final de tout cela? Nous avons demandé une évaluation. Nous ne l'avons pas obtenue.
On pourrait peut-être--et j'ignore si c'est possible politiquement--effectuer une évaluation environnementale régionale de l'exploitation pétrolière et gazière dans le nord-est de l'Alberta. On pourrait y faire participer des gens de la Saskatchewan ainsi que des Territoires du Nord-Ouest. C'est une autre option qui pourrait compléter l'évaluation environnementale stratégique.
Á (1125)
M. Rick Laliberte: Que vous sachiez, l'affaire Suncor a-t-elle mis en cause l'Alberta?
Mme Martha Kostuch: L'Alberta a fait une étude mais s'est bornée à la province elle-même. On ne s'est pas intéressé aux effets hors frontières. Le gouvernement fédéral a fait une étude exhaustive. L'étude conclut que l'incidence sur la Saskatchewan est «inconnue» et quant aux changements climatiques, on les a qualifiés de «inconnus» ou «incertains». Étant donné les dispositions législatives, on serait en droit de se dire que vu tant d'incidences incertaines ou inconnues, un groupe spécial devrait être mandaté pour faire un examen. Ce n'est pas ce qu'on a fait.
Nous ne savons pas. La Saskatchewan n'a jamais participé à l'examen. Le gros de la pollution atmosphérique—plus de 90 p. 100-- va quitter l'Alberta. Les projets d'expansion des sables bitumineux—ceux qui sont à l'étude—entraîneront 29 p. 100 de plus d'émissions de gaz à effet de serre dans tout le Canada, pas seulement en Alberta mais dans tout le Canada. À elle seule, l'expansion des sables bitumineux va entraîner une augmentation de 29 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Notre objectif est une diminution de 6 p. 100 à l'échelle du Canada et l'exploitation des sables bitumineux occasionnera une augmentation de 29 p. 100 des émissions.
Je le répète, on a dit que c'était incertain, mais jamais il n'y a eu d'examen par un groupe spécial. Nous étions dans le noir et nous le sommes toujours.
M. Rick Laliberte: Merci.
Le président: Merci, monsieur Laliberte.
Il y a quelques demandes pour un troisième tour, mais je voudrais tout d'abord donner quelques précisions. Le dialogue entre M. Mills et Mme Kostuch sur la Commission de coopération environnementale à Montréal mérite peut-être d'être poursuivi par les membres du comité et nous devrions nous informer auprès de la Commission afin de voir si elle est toujours prête à présenter un mémoire qui développerait ce sujet, pour que nous comprenions mieux ce dont il s'agit.
Madame Kostuch, pouvez-vous nous dire brièvement...? Je me reporte à vos recommandations. Malheureusement, la cinquième, me dit-on, ne peut pas être mise en oeuvre car il ne serait pas possible de trouver dans le projet de loi C-19, un article que l'on pourrait amender pour tenir compte de ce que vous proposez. Par conséquent, cet amendement serait écarté, du moins à première vue.
Au numéro six, vous proposez de modifier la loi de sorte que les promoteurs soient tenus d'obtenir une autorisation en vertu de la LCEE. De quelle loi s'agit-il?
Mme Martha Kostuch: Il s'agit de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En préparant ces recommandations, je ne me suis pas bornée au projet de loi C-19. Je sais que votre mandat va au-delà du projet de loi C-19. Je recommande que les lois du Canada, 1992, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, une loi établissant un processus fédéral d'évaluation environnementale, soient modifiées de sorte qu'il serait obligatoire pour les promoteurs d'obtenir une autorisation en vertu de la LCEE.
Á (1130)
Le président: Merci de cette précision.
M. Mills, et ensuite Mme Kraft Sloan.
M. Bob Mills: Je voudrais aller un peu plus loin à propos de cette consultation publique. Plusieurs choses ont été dites, notamment par Mme Redman il y a un instant, concernant le fait que le gouvernement et le ministère pensent peut-être s'être acquittés de leurs responsabilités dans le cas de Sumas. Je peux vous dire toutefois que les gens d'Abbotsford, le conseil municipal d'Abbotsford et le gouvernement de la Colombie-Britannique sont d'avis que le gouvernement fédéral n'a pas bougé face aux inquiétudes que soulève l'incidence environnementale. Le fait que le gouvernement pense que...
Je me suis reporté à l'exemple de la consultation sur Kyoto qui se déroule en Alberta, précisément aujourd'hui à midi, à Calgary dans une salle de 40 places. Il y a toute une gamme d'experts, de scientifiques, de professeurs et de citoyens ordinaires qui souhaitent obtenir de l'information sur Kyoto. Le ministre va par la suite annoncer qu'il y a eu des consultations sur Kyoto avec 40 personnes, un groupe d'invités à Calgary à midi aujourd'hui. Ce n'est pas une consultation. Ce n'est pas la participation du public.
Vous avez également dit qu'il y avait un tas de documents dont le public devait prendre connaissance. Ce n'est pas de la consultation, cela. On ne peut pas assimiler autant de renseignements, et en même temps veiller à nourrir sa famille et à faire tout ce que les Canadiens moyens doivent faire.
Je reviens à la question. Comment peut-on aider le public à participer à cet exercice? Que peut-on faire? Je sais que la question est vaste mais c'est le fond du problème. Pour consulter et écouter les Canadiens, il faut s'adresser aux Canadiens moyens.
Mme Martha Kostuch: Pour ma part, je pense que les Canadiens font un excellent travail sur le plan de la participation. Que le gouvernement fédéral le veuille ou non, nous mettons notre grain de sel d'une façon ou d'une autre.
Vous parlez de l'intervention du gouvernement fédéral dans le projet de la Colombie-Britannique. Je ne vous ai pas entendu soulever les mêmes enjeux et questions pour les mêmes projets en Alberta. Les projets Genesee et Keephills ont les mêmes incidences—en fait, des incidences plus grandes. Où étiez-vous? Le gouvernement fédéral a essayé de mettre son nez là-dedans du moins, mais étant donné les difficultés des dispositions législatives actuelles, il n'y a pas réussi.
Pour ce qui est de Kyoto, il est temps d'agir. Il y a eu 15 tables rondes. Le gouvernement fédéral a procédé à des consultations. Il a organisé 15 tables rondes et des centaines de Canadiens y ont participé, y compris des représentants des gouvernements provinciaux, des secteurs industriels et des groupes de défense de l'environnement. La consultation a été intense. Le gouvernement de l'Alberta n'a pas tenu de consultations sur les positions qu'il préconise à propos de Kyoto—aucune. En fait, le gouvernement a refusé que la Commission des sciences de l'atmosphère de l'Alberta s'occupe de la politique en matière de changements climatiques. Le gouvernement de l'Alberta annonce ses positions sans avoir consulté le public, mais le gouvernement fédéral lors d'un exercice d'envergure nationale a tenu 15 tables rondes sur tous les grands enjeux. Le gouvernement fédéral a consulté à mort.
M. Bob Mills: Pensez-vous que les Canadiens comprennent vraiment ce que représentent le Protocole de Kyoto, tous ses aspects, scientifiques notamment, et tous les arguments?
Mme Martha Kostuch: Je pense que les Canadiens comprennent le protocole et ils veulent qu'on agisse. Ils veulent que le gouvernement fédéral cesse de parlementer et qu'il commence à agir.
M. Bob Mills: J'aimerais bien que vous ayez raison.
Mme Martha Kostuch: Eh bien, j'ai vu le résultat des 15 tables rondes et les efforts qu'elles représentaient. On a fait des études économiques. Toutes sortes d'études ont été faites. Nous n'avons pas besoin d'autres études; il est temps d'agir. Il faut que le gouvernement fédéral agisse dès maintenant.
M. Stephen Hazell: Puis-je ajouter quelque chose brièvement? Il s'agit d'un sujet un peu différent. Quand on parle de la participation du public à des évaluations environnementales fédérales, le financement est un problème. Si l'on veut que les gens du public digèrent une grande quantité de documents—et Peter l'a dit, parfois on reçoit des piles de documents—il faut une aide financière. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens passent une semaine à digérer une tonne de documents sans qu'il y ait un dédommagement.
L'Agence distribue certaines sommes pour inciter le public à participer. De façon générale, ces sommes sont limitées. Je sais que c'est parfois une question d'argent si un groupe spécial est formé ou non. La question se pose constamment à la fonction publique. On est en présence d'un projet. On sent qu'on devrait en saisir un groupe spécial mais on se demande qui va payer. On se demande d'où viendra l'argent. La participation du public est parfois limitée parce qu'il n'y a pas assez d'argent. Cela ne coûte pas très cher. L'Agence est très frugale et je pense qu'elle répartit ses fonds judicieusement, mais il faut lui confier plus d'argent.
Á (1135)
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
À vrai dire, je vois un lien entre ce que vient de dire M. Hazel et ce qu'a dit Mme Kostuch concernant la participation des Canadiens au processus de Kyoto.
Je voudrais réitérer ceci: quand nous sommes allés à Bonn, en Allemagne, nous étions accompagnés non seulement par un chef autochtone, mais également par des représentants du secteur industriel et des ONG, et les ministres de l'Environnement des provinces de l'Alberta, de l'Ontario et du Québec. Je souligne que cette délégation était une délégation du gouvernement canadien. Le chef autochtone nous a dit par la suite qu'il était un des rares délégués à l'étranger à avoir assisté à toutes nos séances d'information.
Depuis 1997, le gouvernement mène bien des consultations très sérieuses, comme l'a dit Mme Kostuch, et nous convenons avec elle qu'il nous fallait ces renseignements avant de passer à l'action. Les chiffres sur lesquels nous pouvons fonder une bonne décision seront diffusés à la fin du mois, et le gouvernement canadien a l'intention de continuer à consulter les Canadiens.
Le président: Merci.
Mme Kraft Sloan aura le dernier mot...ou M. Bigras peut-être.
Madame Kraft Sloan, soyez brève.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Il est malheureux que Mme Kostuch n'ait pas tous les renseignements concernant cet aspect. Si je ne m'abuse, nous en sommes à notre deuxième série de tables rondes.
Je reviens au projet de loi C-19. Dans le numéro de dimanche du Calgary Herald, figurait un article concernant le Comité consultatif environnemental du barrage de la rivière Oldman qui diffusait son rapport final. J'ai tendance à être un peu inquiète quand j'entends «rapport final», ou «dernière série de recommandations ». Je me demande si ce sera la fin de la surveillance de ce comité.
Dans le rapport, le comité signale qu'il ne pense pas qu'on ait prévu de maintenir des habitats cibles pour le poisson lors de la construction du barrage. On ajoute qu'il y a encore de nombreuses interrogations concernant l'habitat parce que les données de base n'ont pas encore été recueillies. On ajoute qu'il y a encore beaucoup de questions sans réponse concernant l'incidence du barrage à l'extérieur de la zone écologique.
Je me demande donc si le suivi est plus sérieux avec la LCEE qu'il ne l'était en vertu du décret sur les lignes directrices concernant le PEEE et dans la négative, je me demande si le projet de loi C-19 apporte une amélioration quelconque.
Mme Martha Kostuch: Non, le suivi n'est pas supérieur à ce qu'il était auparavant sous le régime de la LCEE mais j'espère que le projet de loi C-19 va permettre une amélioration de ce côté-là.
Certains de mes collègues, dans des mémoires présentés plus tôt, proposent des améliorations à cet égard car j'y vois certainement une possibilité. Cela est vrai également pour les examens préalables. Il faut donc intensifier cela, mais je pense que nous faisons un pas dans le bonne direction.
Mme Karen Kraft Sloan: Oui, surtout quand l'examen préalable a abouti à deux ponts et leurs culées et 11 millions d'hectares...
Mme Martha Kostuch: C'est encore un problème. L'examen préalable ne permet pas de régler ce problème qui est différent.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci.
Le président: Merci.
Cela met un terme à notre séance de ce matin. M. Bigras voudrait intervenir—merci monsieur Bigras.
Au nom des membres du comité, permettez-moi de vous remercier pour une discussion très intéressante et utile ce matin, à long terme comme à court terme. Madame Kostuch, monsieur Hazel, monsieur Burcombe et monsieur Duck, nous vous remercions de nous avoir fait part de vos connaissances, de votre contribution et de votre dévouement. Nous aurons peut-être une autre occasion de discuter davantage. Merci beaucoup encore une fois.
La séance est levée.