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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 0914

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour à tous.

Avant de commencer notre table ronde, à laquelle je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici dans cette salle, permettez-moi d'aborder quelques petites questions administratives.

D'abord, j'ai de bonnes nouvelles à vous donner. Comme vous le savez, hier, un exposé a été fait au premier ministre devant les principaux signataires de l'accord de Stockholm sur les POP, les polluants organiques persistants, accord que le Canada a signé et ratifié. Dans son allocution, Sheila Watt-Cloutier, présidente de la Conférence circumpolaire inuite, a mentionné notre comité. Elle a dit:

    Nous avons grandement profité de l'intérêt, de l'engagement et de la surveillance politique de députés individuels comme Karen Kraft Sloan et Clifford Lincoln du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes.

• 0915

Comme vous le savez, en juin de l'an dernier, si j'ai bonne mémoire, nous avons tenu une séance sur les POP—séance qui n'a pas été facile—avec des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. On était certainement très en faveur de cet accord international pour la protection de la santé, plus particulièrement pour les gens au nord du 60e parallèle. Comme vous le savez, cet accord a été signé et ratifié. Il faudra qu'il soit ratifié par 50 nations avant qu'il puisse entrer en vigueur. La première étape a été franchie le 23 mai à Stockholm, et c'est maintenant parti, l'affaire est en marche. C'est une bonne journée pour le Canada et, j'en suis certain, pour les gens qui vivent dans l'Arctique.

Deuxièmement, le greffier vous a distribué dans les deux langues officielles ce que je considère comme étant un excellent article qui a été préparé en 1994. Dans cet article, un politicologue très estimé y aborde les relations fédérales- provinciales et les pouvoirs du gouvernement fédéral. Je vous recommande d'en faire la lecture, car cela sera très utile pour chacun d'entre nous lorsque nous entamerons l'examen article par article du projet de loi.

Troisièmement, demain il y aura une séance avec le ministère de la Justice, comme l'a proposé la secrétaire parlementaire. Elle a dûment consulté tous les membres du comité. Il semble que de façon générale on soit disposé à tenir une telle séance, sauf dans le cas de deux ou trois membres du comité. Je comprends tout à fait les membres du comité qui n'ont pas beaucoup d'enthousiasme pour cette séance avec le ministère de la Justice, car nous ne savons pas quels nouveaux documents il pourrait en résulter. Mais l'entente était—et est toujours—que si la secrétaire parlementaire pouvait obtenir un consensus suffisant, on irait de l'avant avec cette séance, en espérant qu'elle apportera un nouvel éclairage plutôt que de susciter la polémique. On a donc fait parvenir un avis de convocation aux hauts fonctionnaires du ministère de la Justice leur demandant d'être prêts, et à moins d'une vive opposition de la part du comité que j'espère ne pourra pas constater—car nous ne voulons pas non plus faire attendre nos invités—, le greffier convoquera la séance tel que prévu. Cependant, si les membres du comité veulent en discuter brièvement, il n'y a pas de problème.

Monsieur Comartin, allez-y.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.

M. Herron et, je crois, M. Knutson, ne sont pas en faveur d'une rencontre avec le ministère de la Justice à ce moment-ci, car la semaine dernière nous leur avons demandé leur avis et nous leur avons également demandé leur avis juridique lorsque le sous- ministre était ici en février ou en mars, et nous ne l'avons toujours pas. Nous avons dû adopter une motion la semaine dernière pour en faire la demande spécifique. Je suppose que nous ne l'avons pas encore reçu, puisque le greffier ne l'a pas reçu. C'est comme si on entamait un débat sans avoir l'information de base. Ils sont très au courant des opinions qui ont été communiquées à notre comité. Si vous me permettez de parler pendant quelques minutes à titre d'avocat, c'est comme aller devant le tribunal sans que l'adversaire vous ait fait part de ses arguments, et nous ne faisons pas cela dans notre système. Je ne sais pas ce que nous pourrons obtenir d'eux demain, à part la répétition de ce qu'ils nous ont dit la dernière fois.

Le président: Merci, monsieur Comartin.

M. Herron a la capacité transcendantale d'arriver au bon endroit au bon moment, grâce à une omniprésence que peu de parlementaires arrivent à maîtriser.

Voulez-vous faire une brève intervention?

• 0920

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Je serai bref. Je suis heureux de la teneur de la conversation que j'ai eue avec Mme Redman hier, et je voudrais tout simplement dire qu'elle fait tout ce qu'elle peut pour être très constructive. Si mon opinion diverge, c'est qu'à mon avis, ce qu'il faut inclure et ce qu'il ne faut pas inclure dans le projet de loi constitue une question complexe. Je pense que nous pouvons poser des questions beaucoup plus éclairées, des questions pouvant faire l'objet d'un avis juridique, si nous attendons de recevoir la réponse écrite que nous ont promise les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice lorsqu'ils ont comparu devant le comité. Les types de questions, leurs tenants et aboutissants, la divergence des avis juridiques sont des choses que nous pouvons toutes régler dans ce genre de comité.

Donc, je préférerais attendre que nous recevions la réponse écrite que nous ont promise les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, avant de les interroger de nouveau. Il y a une divergence d'opinions sur des questions concernant les oiseaux migrateurs. Le juge en chef La Forest a dit que les oiseaux migrateurs relevaient de la compétence fédérale et c'est ce que dit la jurisprudence également, que les oiseaux migrateurs seraient visés. Pourtant, les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, lorsqu'ils ont brièvement comparu devant notre comité, ont dit qu'ils étaient d'un autre avis. Nous leur avons demandé cet avis, et nous aimerions pouvoir obtenir les avis juridiques appropriés à ce sujet. Donc, les oiseaux migrateurs sont sans doute le meilleur exemple démontrant que nous devrions attendre le moment approprié.

Merci, monsieur.

Le président: Merci.

Ce sera peut-être la dernière intervention, madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai fait un sondage auprès de tous les membres du comité, et deux m'ont dit non. Je n'ai pas eu de réponse de M. Comartin, mais j'aimerais souligner qu'aucun de ces deux noms ne provenait de M. Knutson, qui était d'accord pour que nous entendions le ministère de la Justice. Je ne veux pas prendre le temps du comité, mais je vous demanderais de vous reporter aux procès-verbaux du 20 mars qui indiquent que le comité était très enthousiaste non seulement pour que le ministère de la Justice comparaisse, mais en fait pour qu'il comparaisse plus tôt que plus tard.

Je voudrais par ailleurs signaler au comité que l'on crée en quelque sorte un précédent, et j'encouragerais vraiment le comité à profiter du fait que les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice puissent comparaître devant nous. J'ai tenté d'être très claire en disant que la motion que notre comité a déposée sera abordée séparément, et on ne devrait pas considérer les deux questions comme étant liées, mais alors si nous avons des gens en chair et en os, cela pourra peut-être influer sur le résultat de la motion, qui sera abordée au moment opportun.

Si nous voulons les entendre à ce moment-ci, c'est pour avoir davantage de clarté, et je sais que c'est un problème pour M. Mills depuis longtemps. Plutôt que d'avoir une perception erronée et un malentendu, à ce moment-ci du processus de l'étude du projet de loi, si nous pouvions passer l'été avec davantage de matière à réflexion ou davantage de clarté, ce serait peut-être le meilleur moment d'entendre le ministère de la Justice, nonobstant les interventions de M. Herron. C'est dans cet esprit que je fais cette proposition.

Merci.

Le président: Merci. Alors, si le comité le veut bien, je propose de mettre fin au débat maintenant. Profitons le mieux possible de la rencontre de demain, et nous verrons ce que nous pourrons faire par la suite. Je remercie les députés de leurs interventions.

M. Pearse, qui ressemble un peu à quelqu'un qui a voyagé toute la nuit, vient de se joindre à nous. Il n'aurait pu mieux choisir le moment pour le faire. Tous les participants à la table ronde sont donc arrivés, et nous pouvons donc commencer en disant que nous avons préparé quatre questions aux fins de la discussion d'aujourd'hui. Nous allons tenter de consacrer une demi-heure à chaque question, à moins qu'on ait vidé la question avant. Chaque question a été tirée des mémoires qui ont été présentés et des points qui ont été soulevés par les témoins qui ont comparu devant notre comité au cours des trois derniers mois. Ils ont soulevé la question de l'indemnisation, certaines questions ou doutes qu'ils pourraient avoir en ce qui a trait à l'initiative d'indemnisation.

• 0925

La première question qui a été soulevée par certains témoins était la suivante: Dans quelle mesure le projet de loi C-5 créerait-il une jurisprudence favorable à l'indemnisation des propriétaires fonciers pour la perte de valeur liée à des restrictions réglementaires de l'utilisation des terres?

La deuxième question se rapporte au point que M. Pearse a soulevé lorsqu'il a comparu devant notre comité, c'est-à-dire si le régime d'indemnisation pourrait neutraliser les facteurs qui incitent les propriétaires fonciers à coopérer volontairement aux efforts de conservation des espèces. Je me rappelle qu'il a demandé où la limite devait ou pouvait être établie à cet égard.

La troisième question consiste à savoir si les dépenses liées aux indemnités ne risquent pas de consommer des fonds destinés à d'autres mesures prévues par le projet de loi et si cela inciterait les particuliers à ne pas participer aux efforts d'intendance et d'attendre plutôt l'indemnisation.

La quatrième question concerne la souplesse et la certitude, c'est-à-dire trouver un juste équilibre entre ces préoccupations. Est-ce que les critères d'admissibilité et la formule d'indemnisation proposés par le Pr Pearse permettent d'atteindre l'équilibre nécessaire ou est-ce que d'autres modalités seraient préférables?

S'il était possible d'aborder avec les participants à la table ronde ces quatre points qui sont importants selon les observations faites par les témoins, cela serait très utile aux membres du comité.

Je crois comprendre également que M. Rounthwaite a préparé un document pour cette séance en particulier. Vous vous rappellerez également des interventions de M. O'Ferrall la semaine dernière, qui découlaient de son expérience pratique, et que nous avons tous trouvées extrêmement utiles.

Plutôt que de procéder de façon très formelle, je propose que nous demandions simplement aux gens de lever la main lorsqu'ils veulent avoir la parole. Il serait utile que les interventions soient brèves, et nous commencerons aussitôt qu'un participant voudra lever la main. Il y en a déjà un qui l'a fait. Nous pouvons donc lancer le débat sans plus tarder. Encore une fois, je vous remercie d'avoir fait l'effort de venir à Ottawa malgré le très court préavis.

Monsieur d'Eça, vous avez la parole.

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Société Makivik): Merci, monsieur le président.

J'aimerais aborder un point préliminaire. Il est important, je pense, que cette table ronde entende la voix autochtone en ce qui a trait aux questions de l'indemnisation et de l'intendance. Je pense qu'il manque une voix autochtone importante, celle de l'Assemblée des premières nations, dont le représentant est présent ici dans la salle.

Je recommande et propose—et il y a une belle place juste ici—que l'on permette à l'Assemblée des premières nations de participer à cette table ronde et à faire entendre sa voix. ITC, Inuit Tapirisat du Canada, parle au nom des Inuits, Makivik est ici également, l'une des organisations inuites régionales.

• 0930

Le président: À la table à votre gauche?

M. Michael d'Eça: Oui, c'est exact. Le Ralliement national des Métis et des Inuits est ici, mais l'Assemblée des premières nations n'y est pas. Il me semble que nous pouvons facilement corriger cela en invitant la représentante de l'APN à se joindre à nous.

Le président: S'il y a qui que ce soit dans la salle qui voudrait venir se joindre à nous, je vous invite à le faire et à vous présenter. Ne perdons pas de temps dans un long débat. Veuillez vous joindre à nous, donnez-nous votre nom et le nom de votre organisation.

Mme Peggy Wilson (Assemblée des premières nations): Merci, monsieur le président. J'apprécie votre empressement à reconnaître l'Assemblée des premières nations. Je m'appelle Peggy Wilson.

Le président: Merci.

Monsieur Rounthwaite, vous avez la parole.

M. H. Ian Rounthwaite (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je pense que nous avons certainement besoin de l'Assemblée des premières nations ici. Cependant, je crains qu'il y ait des différences tellement importantes entre les obligations d'indemniser les peuples des Premières nations et les dispositions du projet de loi concernant l'indemnisation des groupes non autochtones que, du moins à mon avis, les droits des peuples autochtones se trouvent à un niveau beaucoup plus élevé que ceux de qui que ce soit d'autre.

Le président: Cela ressortira au cours du débat, monsieur Rounthwaite. Nous le constaterons au fur et à mesure de la discussion. Merci.

Nous avons M. Robert McLean d'Environnement Canada—je m'excuse de ne pas l'avoir présenté. Je crois qu'il est en mesure de nous donner certaines idées aux fins du débat. Nous devrions peut-être donner la parole en premier à M. McLean, de façon à établir certains paramètres ou un genre de thème pour la discussion. Je ne sais pas ce qu'il dira.

M. Robert McLean (directeur, Conservation de la faune, Environnement Canada): C'est la première fois que j'entends dire que je suis en mesure de donner un genre d'aperçu ou d'introduction pour cette question en particulier.

L'intendance et l'indemnisation, selon moi, sont tout à fait inséparables. Je pense tout d'abord à la notion à laquelle M. Pearse a fait allusion dans son rapport concernant la coopération. Le rapport aborde tous les détails de l'indemnisation, mais j'ai tendance à songer davantage à l'approche que nous devons adopter—par «nous», j'entends le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les peuples autochtones, les secteurs des ressources et les organisations de conservation—afin de protéger l'habitat des espèces en péril, et en fait, toute la biodiversité. Je ne songe pas uniquement aux espèces en péril.

Pour moi, la question clé est de savoir quelle est l'approche la plus efficace. Si nous pensons au processus que nous devrions suivre pour la conservation de l'habitat, nous pouvons répondre plus efficacement à certaines questions difficiles que nous devrons aborder aujourd'hui.

Le plus important pour moi est ce que j'appellerais—et j'entends constamment l'expression au Canada ces jours-ci—une approche paysage à la conservation. Lorsque nous songeons à l'indemnisation, il s'agit d'un territoire très spécifique. Je pense que nous devons comprendre l'importance de cet habitat dans le contexte plus large du paysage. Nous savons que nous aurons des plans de rétablissement plutôt que de mettre en oeuvre ces plans de rétablissement un à un. Je vais vous donner un exemple. Prenons la région des Prairies. Il faut comprendre ce que tous les plans de rétablissement disent au sujet des besoins des espèces en matière d'habitat dans cette écorégion particulière avant de pouvoir élaborer une approche plus coordonnée en vue de répondre à l'ensemble de ces besoins de conservation de l'habitat.

Je pense que dans ce processus, il faut voir l'importance par exemple des terres fédérales. Il pourrait s'agir de la base de la Défense nationale à Suffield qui, nous le savons, est extrêmement importante pour les espèces en péril. Il nous faudra comprendre l'importance des terres autochtones dans ce paysage particulier, et par conséquent mieux comprendre la façon de diriger notre programme d'intendance afin que nous puissions commencer à mettre en place un processus qui définit le partenariat auquel M. Pearse a fait allusion. Il s'agit d'un processus qui nous permet de nous entendre sur ce qui constitue les priorités de conservation de l'habitat dans une région particulière et, enfin, qui va s'en occuper. Est-ce le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux? Les secteurs des ressources peuvent certainement atteindre ces objectifs de conservation.

• 0935

Voilà le processus qui est envisagé dans le projet de loi C-5. À la fin du processus de planification du rétablissement, si nous constatons qu'il n'y a pas suffisamment de conservation de l'habitat, et que le gouvernement fédéral a choisi de mettre en place une exigence réglementaire, alors nous avons le partenariat des agences qui peuvent en fait s'occuper le plus efficacement des autres formes d'indemnisation et autres questions auxquelles a fait allusion M. Pearse.

N'abordons pas trop rapidement la question de savoir si 10 p. 100 de perte est le minimum, ou si 50 p. 100 de la valeur de la propriété ou du rendement net est perdu et devrait être indemnisé. Cela devrait être le tout dernier point de l'exercice. Ce qui est plus important, c'est de suivre le processus.

Je souligne la nécessité de songer à la façon dont nous voulons coopérer au niveau des échelles géographiques appropriées, et de créer des partenariats afin de travailler ensemble pour y arriver.

Le président: M. McLean déclare donc fermement que l'intendance et l'indemnisation sont inséparables, n'est-ce pas?

Quelqu'un voudrait-il prendre la parole à ce moment-ci? Oui, monsieur O'Ferrall.

M. Brian K. O'Ferrall (témoignage à titre personnel): Tout ce que je peux faire, c'est lire le projet de loi. En fin de compte, ce n'est pas le rapport de M. Pearse et ce qui est dit à la Chambre des communes qui prévaudront; ce sera ce qui est dans le projet de loi.

L'indemnisation, aux termes du projet de loi, vise à compenser l'effet d'une interdiction réglementaire. La seule interdiction d'importance pour le propriétaire foncier est l'interdiction de détruire l'habitat essentiel sur les terres privées. Il est indemnisé pour l'impact de cette interdiction. L'intendance et le financement, prévus aux articles 11 à 13 du projet de loi visent les programmes et les mesures de conservation des espèces sauvages.

En lisant le projet de loi, on constate qu'il y a deux questions tout à fait distinctes. L'indemnisation ne sera déclenchée que dans des circonstances très limitées, où l'interdiction de détruire l'habitat essentiel sur des terres privées a des conséquences extraordinaires, comme le dit le projet de loi à l'heure actuelle.

Merci.

Le président: Monsieur McLean, vous avez une réponse intéressante.

Monsieur Rounthwaite, allez-y.

M. Ian Rounthwaite: Je voudrais aborder la première question, c'est-à-dire si l'article 64 créera un précédent jurisprudentiel. À mon avis, il ne fait aucun doute que cela créera un précédent jurisprudentiel. À l'heure actuelle, les restrictions réglementaires quant à l'utilisation des terres seraient classifiées généralement comme un effet préjudiciable. En l'absence d'une loi prévoyant expressément l'indemnisation d'un effet préjudiciable, aucune indemnisation ne peut être versée.

Je m'imagine facilement une situation où une personne faisant une demande de permis fédéral aux termes de la Loi sur la protection des eaux navigables, par exemple, qui se voit refuser ce permis pour des raisons environnementales, accueille une espèce menacée dans cette rivière particulière, de sorte que lorsque le permis est refusé aux termes de la LEP, il est possible alors de faire une demande d'indemnisation.

Il ne fait aucune doute que cela créera un précédent jurisprudentiel.

Le président: Merci.

Monsieur d'Eça, à vous.

M. Michael d'Eça: En ce qui a trait à cette question initiale, je pense que le libellé est trop étroit lorsqu'on parle d'indemniser les propriétaires fonciers. Du point de vue inuit, par exemple, les restrictions sur l'utilisation par les Inuits des terres publiques seraient certainement indemnisées.

En ce qui a trait aux observations de M. O'Ferrall, si on regarde la question du point de vue de l'utilisateur des ressources, les deux concepts d'indemnisation et d'intendance s'imbriquent l'un dans l'autre.

J'aimerais que Johnny Peters, de la Société Makivik, nous donne un peu le point de vue de l'utilisateur sur l'impact qu'aura le projet de loi sur eux, et peut-être sur leurs pratiques traditionnelles. Il parlera en inuktitut et il y aura une traduction.

Johnny.

• 0940

M. Johnny Peters (vice-président, Société Makivik) (interprétation): Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour cette table ronde. Je m'appelle Johnny Peters et je suis le vice- président de la Société Makivik qui représente les Inuits du Nunavik dans le nord du Québec.

Je suis ici parce que je suis un chasseur. Je dépends des ressources fauniques dans le nord du Québec. Si certaines espèces d'animaux sont légitimement des espèces menacées, je veux parler de la possibilité d'indemnisation, si nous ne pouvons plus utiliser la ressource comme un moyen de subsistance.

Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'avons pas des fermes comme ils en ont ici. Nous dépendons des ressources fauniques dans le nord pour la chasse. La chasse et l'exploitation agricole sont deux choses tout à fait différentes, comme vous le savez peut-être. Dans le nord, il n'y a pas d'exploitation agricole et nous dépendons de la chasse comme moyen de subsistance.

En tant qu'Inuits canadiens vivant dans le nord du Québec, dans le monde circumpolaire, nous sommes fortement imposés. Nous payons des impôts aux gouvernements provincial et fédéral. Par conséquent, il est très difficile d'être obligés de dépendre des ressources fauniques de la terre.

Nous n'avons pas de routes dans le nord. Les seuls approvisionnements que nous recevons sont par voie aérienne, et une fois par an par transport maritime. Les choses sont très différentes de ce qu'elles sont ici.

Le président: Nous comprenons cela, monsieur Peters. Vous avez eu la bonté de nous l'expliquer lorsque vous avez comparu devant notre comité. Je me demande si vous pourriez aborder la question du précédent jurisprudentiel qui fait l'objet du débat en ce moment.

M. Johnny Peters (interprétation): Je n'ai pas d'autres observations à faire pour le moment. Je donnerai peut-être davantage d'explications plus tard.

Le président: Très bien. Merci, monsieur Peters.

Monsieur Roth.

Maître Dwayne Roth (avocat, Ralliement national des Métis): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Rounthwaite lorsqu'il dit que le projet de loi pourrait créer un précédent jurisprudentiel. Nous naviguons en mer inconnue, comme M. Pearse le souligne dans son rapport. Cependant, je pense qu'il s'agit plutôt d'une question politique. Ce sera aux hommes et aux femmes politiques de décider s'ils vont céder aux pressions publiques et inclure ce genre de dispositions dans d'autres mesures législatives.

• 0945

Je pense que la deuxième partie de cette question est le plus important pour nous. Même s'il y a un précédent, cela va-t-il nuire à l'efficacité du projet de loi sur les espèces en péril? À notre avis, je ne pense pas que ce sera le cas. Il est clair qu'il s'agit d'une répartition équitable du fardeau pour protéger les espèces en péril. Nous sommes tous d'accord qu'il s'agit d'un principe important dans notre société que nous devons tenter de respecter.

Je pense que c'est injuste pour les propriétaires fonciers ayant espèce en particulier sur leurs terres d'être obligés de supporter entièrement le fardeau de la protection de cette espèce. L'espèce est importante pour tout le monde, et je pense que les fonds publics devraient être mis à contribution pour protéger ces espèces.

Je pense qu'il vaut la peine de créer un tel précédent et que la répartition est équitable. Naturellement, nous devons trouver un juste équilibre entre la nécessité de prendre d'abord des initiatives d'intendance et de recourir à l'indemnisation en dernier ressort. L'indemnisation ne peut être trop lucrative pour les propriétaires fonciers. Nous devons tenter d'abord de prendre des initiatives d'intendance et si cela ne fonctionne pas, naturellement, nous devons recourir au régime d'indemnisation. Mais je pense qu'il s'agit d'une juste répartition. Cela vaut la peine de créer un tel précédent.

Le président: Merci, monsieur Roth.

Pendant que vous parliez, il m'est venu une question à l'esprit, c'est-à-dire pourquoi nous devrions nous inquiéter de créer un précédent.

M. O'Ferrall et M. Menzies.

M. Brian O'Ferrall: Je ne disconviens pas avec le Pr Rounthwaite qui dit qu'une telle mesure serait plus qu'un petit changement, mais veux que le comité sache au moins qu'elle ne crée pas de précédent. En effet, c'est un point sur lequel je n'étais pas d'accord avec le Pr Rounthwaite lorsqu'il écrit dans son document:

    La Loi sur les espèces en péril représente une de deux lois seulement au Canada qui prévoient expressément le versement d'une indemnisation pour ce qui représente un effet préjudiciable.

Comme je l'ai mentionné au comité la dernière fois, nous avons la Loi fédérale sur l'aéronautique qui permet l'indemnisation de ceux qui sont touchés par un aéroport avoisinant. En Alberta, nous avons une loi de l'administration municipale qui prévoit l'indemnisation des terres touchées par les travaux publics, ainsi que notre Public Highways Development Act.

Ce n'est pas entièrement sans précédent, bien que je doive admettre qu'il n'existe pas de nombreux précédents.

Le président: Merci.

Monsieur Menzies.

M. Ted Menzies (président, Western Canadian Wheat Growers Association): Merci, monsieur le président.

Je suppose qu'il me faut poser la question suivante: Pourquoi l'indemnisation d'un propriétaire foncier pour la perte directe de revenus ou pour la confiscation de cette propriété afin de protéger une espèce ou son habitat serait-elle différente d'un programme d'intendance que le gouvernement accepte de mettre sur pied dans le cadre de ce projet de loi? Un programme d'intendance et d'incitatifs coûtera de l'argent à quelqu'un, que ce soit sous forme d'un crédit fiscal ou sous une autre forme. Pourquoi les deux seraient-ils différents?

Le président: C'est peut-être une question à laquelle M. Pearse pourrait tenter de répondre.

M. Peter H. Pearse (Université de la Colombie-Britannique): Monsieur le président, pour répondre à la question en partie, c'est tout simplement la façon dont le projet de loi a évolué et la façon dont les gens ont fini par le concevoir. Les programmes d'encouragement rappellent que dans le projet de loi, on met l'accent sur les mesures volontaires. Une partie de ces mesures volontaires feront ou pourront faire intervenir le gouvernement qui fournira des fonds ou une autre forme d'aide à un propriétaire foncier. Ce type de soutien se fait avec le plein accord des deux parties. Il n'y a aucune mesure contraignante.

Il y a une distinction entre cela et le présent débat et l'indemnisation. L'indemnisation n'est pas une entente volontaire, mais en fait constitue un paiement pour la perte subie par un propriétaire foncier lorsque le gouvernement prend des mesures unilatérales pour limiter l'utilisation de ces terres.

C'est donc le contexte. Je ne pense pas qu'il y ait de distinction officielle ici entre ces termes mais il y a là une différence fondamentale. C'est très différent. Dans un cas il s'agit d'une entente de coopération et dans l'autre, c'est une obligation, le gouvernement impose une mesure.

Je crois toutefois que cette question sur les précédents est extrêmement importante pour des raisons qui vont au-delà de ce que l'on a dit ici. Il m'est apparu très clairement au cours de mon enquête que l'enjeu est énorme. Il n'y a pratiquement pas de précédent au Canada lorsqu'il s'agit d'indemnisation pour des interdictions réglementaire visant des terres privées.

• 0950

Évidemment, il y a des mesures qui sont assez semblables, comme certains l'ont dit, et une en particulier—qui est très semblable—la loi néo-écossaise. Mais c'est très récent; cela n'a pas encore été testé. Nous ne sommes pas très au courant. C'est provisoire.

Dans le cas qui nous occupe, les gouvernements au Canada—fédéral et provinciaux—ont énormément de réglementations concernant l'utilisation des terres par leurs propriétaires. Ce n'est pas simplement fédéral. Cela a des implications pour les administrations provinciales et municipales tout autant que pour l'administration fédérale, bien au-delà d'Environnement Canada.

Tout cela pour dire que je ne suis pas sûr que le gouvernement fédéral veuille réellement donner une telle tournure à un principe aussi fondamental dans un projet de loi tel que celui qui touche les espèces sauvages en péril. Je dois vous dire que j'y suis favorable. Je pense que c'est une excellente innovation. Mais c'est un précédent et les implications sont énormes. C'est pourquoi mon rapport n'en finit pas de parler de prudence. Les provinces et territoires sont extrêmement inquiets, c'est certain. Cela a des implications pour eux tout autant que pour le gouvernement fédéral. Je ne veux pas dire que vous ne devez pas le faire mais, si vous le faites, il faut être extrêmement prudents.

Le président: Merci.

Pourriez-vous terminer rapidement, monsieur Menzies?

M. Ted Menzies: Je conviens que nous allons dans le bon sens et que peut-être qu'il est temps de créer un précédent. Je suis très choqué quand j'entends des gens dire qu'en tant que propriétaire foncier, je dois assumer le coût du bien public. Or c'est en effet le bien public. Je suis tout à fait pour la protection des espèces en péril. Je vous ai déjà dit que nous faisons beaucoup pour protéger ces espèces. Toutefois, nous travaillons dans un secteur difficile et il n'y a pas de raison qu'on nous laisse seuls supporter ce fardeau.

Nous, producteurs, trouvons choquant que l'on déclare—en nous condamnant avant de nous avoir jugés—que nous préférerions détruire que maintenir l'habitat. C'est absolument faux. Les propriétaires fonciers sont de bons intendants, veulent protéger les espèces, veulent protéger l'habitat, mais il nous faut certaines définitions. Nous aimerions que la protection et la conservation soient au centre de ce projet de loi, et non pas l'indemnisation. Toutefois, nous voulons savoir qu'il y a au besoin une possibilité d'indemnisation.

Le président: Merci, monsieur Menzies.

Monsieur Friesen, puis monsieur Rounthwaite.

M. Bob Friesen (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de votre gentille invitation à participer à cette table ronde.

La question fondamentale qu'il faut se poser est de savoir si nous voulons que ce projet de loi donne des résultats. La crédibilité de ce texte dépend de la coopération, des partenariats, des incitatifs et de l'indemnisation. Qu'une chose soit bien claire: la coopération n'exclut pas l'indemnisation. Nous avons des précédents qui sont la conséquence de lois perverses contenant des incitations perverses.

Il nous suffit de rappeler ce qu'un critique a dit à propos du projet de loi américain, une fois qu'il a été adopté. Les propriétaires fonciers se sont mis soit à exploiter leur propriété de façon à repousser les espèces en péril, soit à stériliser leurs terres parce qu'on refusait de les indemniser pour les pertes qu'ils subiraient.

Le plus important au Canada est d'adopter une politique de protection des espèces en péril qui évite ces incitations perverses et qui fait en sorte que les efforts de conservation privés ne deviennent pas un passif. Aux États-Unis, nous avons un bon exemple où c'est devenu un passif.

Il y a également un précédent en Nouvelle-Écosse, comme on l'a déjà indiqué. Il y en a un au Royaume-Uni où la loi fonctionne bien et où il est prévu des incitations et indemnisations.

• 0955

Nous avons une autre question de réglementation au Canada avec l'ACIA qui oblige les propriétaires de bétail à déclarer certaines maladies. Ceci pour des raisons de santé publique. Pour l'innocuité des aliments. Pour la confiance internationale vis-à-vis de nos aliments. Les propriétaires de bétail sont tenus de déclarer certaines maladies, ce qui entraîne évidemment que leur bétail est détruit et qu'ils reçoivent une indemnisation qui correspond à la pleine valeur commerciale de ce bétail. Cela marche. Nous avons constaté dans ce domaine que si les propriétaires de bétail ne sont pas indemnisés, ils ne signalent pas les maladies. La même chose se produira si l'on ne prévoit pas dans ce cas une indemnisation suffisante. Là encore, les incitations et les mesures volontaires sont importantes.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

M. Rounthwaite, Mme Wilson, puis peut-être que nous pourrons demander à M. McLean de revenir sur les articles 11 et 13 du projet de loi, suite aux propos qui ont été tenus, notamment par M. Friesen.

Monsieur Rounthwaite, allez-y.

M. Ian Rounthwaite: Monsieur le président, j'espérais ne pas avoir à me prononcer là-dessus mais plus j'entends de monde parler, plus je me sens obligé de dire que je ne suis pas favorable à la création d'un précédent en matière d'indemnisation.

Cela dit, je crois que ce terme peut avoir différentes significations. Quand je parle d'indemnisation, je pense à ce que paie le contribuable à la suite d'une expropriation, une expropriation aux termes de la loi.

Vous demandiez tout à l'heure, monsieur le président, ce qu'il y avait de mal à créer un précédent. Si vous lisez la jurisprudence sur les raisons pour lesquelles les effets préjudiciables ne sont pas indemnisés dans ce pays, il est très clair que c'est parce qu'il y a un véritable danger d'un torrent de réclamations venant de toutes parts, ce qui finirait par empêcher le gouvernement de légiférer dans l'intérêt public. Je pense que c'est là un danger très sérieux.

Un certain nombre de personnes ici ont parlé des droits de propriété comme si c'était quelque chose de sacré et d'immuable. Ils parlent de droits de propriété non pas en termes de propriété sociale mais d'optimisation de la valeur économique de cette propriété. Or, la propriété n'est plus simplement l'optimisation d'une richesse économique.

Quand j'entends des gens parler d'indemnisation comme on en a parlé ce matin, j'ai l'impression que l'on veut geler une fois pour toutes le sens de droits de propriété à l'interprétation qu'on en donnait au XVIIIe et au XIXe siècle, où l'on pouvait, afin d'optimiser les gains économiques, souiller et détruire entièrement sa terre. Cela me semble être un précédent extrêmement dangereux ou un message extrêmement dangereux à communiquer—à savoir que si, en protégeant des espèces en péril, on encourt des pertes, on a droit à une indemnisation, que l'on coopère volontairement aux efforts de conservation ou non. Si un propriétaire foncier se déclare bon intendant, il va me semble-t-il coopérer au programme de conservation. Je conviens aussi avec M. Menzies que les gens qui vivent sur ces terres sont nos meilleurs intendants. C'est sur eux que nous devons compter.

Lorsque quelqu'un vit sur la terre et ne veut pas volontairement faire des efforts de conservation, ma notion de justice me porte à dire: «Ne me considérez pas comme un contribuable qui doit être indemnisé pour ne pas avoir volontairement essayé de faire sa part pour sauver une espèce en péril».

J'espérais ne pas avoir à m'opposer à l'indemnisation aujourd'hui, mais comme personne d'autre ne semble le faire, c'est la position que je prendrai.

Le président: Je ne sais pas si vous vous opposez vraiment à l'indemnisation, mais vous avez élargi le cadre de la discussion.

Allez-y, madame Wilson.

Mme Peggy Wilson: Merci, monsieur le président.

Je voudrais poursuivre dans la même veine que M. Rounthwaite au sujet de l'indemnisation, parce qu'il y a quelque chose d'utile à retenir là-dedans, ou plutôt plus d'une chose.

Il faut voir si l'on exige une attitude irréprochable de la part de ceux qui présentent une demande d'indemnisation. Dans presque tous les autres domaines du droit, ceux qui demandent au tribunal d'être indemnisés pour quelque chose doivent prouver qu'ils ont eux-mêmes eu une attitude irréprochable, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas à la source du problème. C'est une chose qui préoccupe les Premières nations compte tenu des dommages causés un peu partout dans le pays. Il y a certes eu des dommages, sinon nous ne discuterions pas d'un projet de loi comme celui-ci.

• 1000

Il me semble qu'on devrait reconnaître que seuls ceux qui se sont efforcés de faire leur part pour protéger les espèces en péril devraient avoir droit à une indemnisation quelconque. Certaines industries ou professions pourraient avoir beaucoup de mal à prouver une telle chose et je pense qu'il faut en tenir compte.

Je suis d'accord en ce qui concerne la valeur de la propriété; je pense que c'est de cela que nous discutons en bonne partie. Par ailleurs, très peu de propriétés ont été données aux Premières nations. Bien entendu, nous sommes en train de négocier cette question.

Dans les petits territoires mis de côté pour les Premières nations, bon nombre d'entre elles ont prouvé qu'elles s'intéressent à la protection de la terre et qu'elles la respectent, et elles ont pris des mesures pour éviter de mettre en danger les espèces sauvages sur leur territoire. Néanmoins, nous ne sommes pas en mesure de profiter davantage des occasions qui pourraient exister chez nous, non pas seulement sur le plan économique, mais même pour le logement à cause du peu de territoire dont nous disposons.

Je ne veux pas entamer une discussion sur les revendications territoriales et ce qui s'est fait dans le passé quand les Premières nations ont perdu une partie de leur territoire sans qu'on reconnaisse leurs titres ou qu'on leur accorde une indemnisation suffisante, mais il se peut qu'une nouvelle loi réduise encore davantage la capacité des membres des Premières nations même de gagner raisonnablement leur vie sur ce territoire, et c'est une chose à laquelle il faut réfléchir sérieusement. Je recommande que le gouvernement reconnaisse le titre autochtone et les droits ancestraux et issus de traités que reconnaît déjà la Constitution du Canada et tienne compte du fait que leur situation est déjà sérieusement restreinte et qu'on devrait accorder une indemnisation au moins aux Premières nations et aux peuples autochtones qui se trouvent dans la même situation.

Merci.

Le président: Merci, madame Wilson.

Nous avons certainement réussi à approfondir un peu la question de l'indemnisation pour déterminer non seulement si cela crée un précédent, mais aussi quel genre d'indemnisation il faudrait et qui devrait y être admissible. C'est aussi très utile.

Y a-t-il d'autres interventions sur cette première question? Il nous reste encore cinq minutes, mais ensuite, il faudra conclure.

Monsieur Dobson et monsieur d'Eça.

M. Bob Dobson (coprésident, Comité de l'environnement et des soins des animaux, Association canadienne des éleveurs): Je remercie le comité d'avoir bien voulu nous entendre. Je représente l'Association canadienne des éleveurs. Malgré le peu de préavis, nous avons réussi à venir.

Je suis venu de ma ferme ce matin en automobile comme j'habite à environ une heure de distance. Mon arrière-grand-père a commencé l'exploitation agricole familiale au début des années 1850. Nous avons connu bien des hauts et des bas pendant les 150 ans que ma famille a exploité ce lopin de terre dans le comté de Renfrew.

Nous avons presque perdu notre ferme dans les années 30 pendant la Dépression. Cependant, à mesure que l'outillage agricole est devenu de plus en plus gros dans les années 50 et 60, mon père a dégagé des endroits pour les clôtures. J'ai repris l'exploitation agricole en 1970 et j'ai commencé à améliorer certains des coupe-vent, des lignes de clôture, des zones tampons des bandes riveraines, et cela fait 30 ans que je continue à le faire. Cette année, par exemple, je suis allé à la pépinière chercher des arbres et des buissons sauvages pour certains de mes voisins agriculteurs.

À mon avis, au cours des années, les agriculteurs en général, y compris les éleveurs, ont fait un assez bon travail pour rehausser l'habitat de la faune sans la moindre indemnisation, et ce, même s'ils ont subi de lourdes pertes en même temps.

En 1998, il y a quelques années, on a fait une étude dans la province de l'Ontario. Selon cette étude, les pertes causées aux fermes de l'Ontario, c'est-à-dire d'une seule province, par la faune, s'élevaient à quelque 41 millions de dollars par année. Nous ne réclamons pas d'indemnisation pour ces pertes. Nous jugeons que c'est ce que nous contribuons à la société.

• 1005

Je parle à bien des gens qui exploitent une terre agricole et ils s'inquiètent beaucoup de cette question d'indemnisation. Ils n'ont pas l'impression que cela va pouvoir s'appliquer à bien des gens chaque année. Ils n'ont pas l'impression que cela va coûter très cher. Pour ma part, j'aimerais bien savoir combien l'on pense que l'indemnisation va coûter. Si l'on oblige les agriculteurs, les éleveurs et les propriétaires fonciers à assumer les coûts justes ou des coûts qu'ils ne peuvent pas payer, leur bonne volonté va diminuer. La bonne volonté que l'on perdra si l'on n'indemnise pas les propriétaires, ou si on les indemnise à seulement 50 p. 100 ou 25 p. 100 de leurs pertes, va coûter beaucoup plus cher que les montants qu'on verserait en indemnisation.

À la fin du compte, nous voulons tous créer un milieu et une atmosphère propices au rétablissement des diverses espèces. Selon l'Association canadienne des éleveurs, on doit verser une indemnisation aux propriétaires.

On peut parfois séparer les deux types d'activités. Les activités d'intendance de l'environnement viennent, bien sûr, en premier lieu, mais cela veut parfois dire qu'une partie de l'exploitation agricole reste inactive pendant un an, deux ans ou davantage. Les fonds d'intendance ne pourraient pas couvrir une telle dépense. À mon avis, ce fonds ne pourrait pas m'indemniser si je dois laisser 10 p. 100 ou 25 p. 100 de mon exploitation inactive pendant un an parce que certaines espèces qui ont besoin de protection s'y sont établies.

C'est là que l'indemnisation entre en jeu et je voudrais que le comité me dise combien on pense que l'indemnisation coûtera. Combien est-ce que cela représentera? Combien d'argent? Personne ne l'a dit.

Le président: Non, et nous n'en avons pas discuté non plus, mais certains témoins nous ont déjà posé la même question. Vu que cela fera l'objet d'un règlement, le montant n'est pas précisé dans le projet de loi. M. McLean pourra peut-être nous dire ce qu'en pense le ministère ou si l'on a essayé de déterminer le niveau de l'indemnisation.

M. Robert McLean: Non, on n'a pas vraiment essayé de déterminer le coût probable de l'indemnisation. Ce que nous voulons savoir, c'est ce qu'il en coûte de protéger l'habitat de toutes les espèces en péril. La composition est l'aboutissement d'un assez long travail et nous savons qu'Environnement Canada va d'abord concentrer ses efforts sur la bonne intendance de l'environnement pour préserver les espèces en péril. Nous ne pouvons donc pas répondre à la question.

Bien entendu, la première chose à faire, c'est d'avoir des plans de rétablissement. Nous ne savons pas combien d'habitats il faudra, surtout d'habitats essentiels, tant qu'on n'aura pas élaboré les plans de rétablissement pour les espèces désignées. Même à ce moment-là, ce sera difficile d'établir le coût de l'indemnisation, parce qu'il faut d'abord intégrer les activités et déterminer les outils à utiliser. Au lieu d'avoir un fonds quelconque, on préférera peut-être utiliser d'autres outils, comme les échanges de terrain ou certains des mécanismes proposés par M. Pearse dans son rapport. Tout ce que j'essaie de dire, c'est qu'il ne sert pas à grand-chose d'essayer d'évaluer le coût possible de l'indemnisation pour l'instant.

Le président: Cette question me rappelle l'intervention faite par Jack Horner il y a environ un mois quand il nous a mentionné l'exemple d'un agriculteur de ses connaissances à qui l'on avait demandé de ne pas faire les foins pendant deux semaines ou pendant toute une saison ou quelque chose de ce genre. L'agriculteur avait accepté volontiers et, si je me rappelle bien, il avait été pleinement indemnisé de ses pertes. C'est le seul exemple qu'on ait donné lors de nos audiences, si j'ai bonne mémoire.

Nous allons passer à M. d'Eça et ensuite à M. McLean.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, en quelques mots, je vais peut-être répéter ce que d'autres ont dit, mais en partie en réponse à l'objection du Pr Rounthwaite qui ne veut pas créer de précédent pour l'indemnisation, il me semble que c'est quelque chose d'utile à faire pour protéger les espèces en péril. Cela va aider à empêcher la pratique d'abattre, d'enterrer et de se taire dont parle M. Pearse dans son rapport. Cela représente une partie importante de ce programme.

• 1010

Deuxièmement, l'indemnisation serait conforme au principe d'équité. Pour être juste, il faudrait que tous se partagent le coût de protéger les espèces en péril. C'est l'ensemble de la société qui en profite et nous devons tous en partager le coût.

Enfin, l'indemnisation donne un filet de sécurité à ceux qui veulent conclure une entente volontaire avec le gouvernement. Sinon, certains groupes autochtones qui entament des négociations avec le gouvernement seront mis dans une position difficile parce que, comme on l'a dit, si vous ne signez pas d'entente volontaire, vous n'obtiendrez rien du tout. Comment peut-on dire que c'est volontaire?

Il est donc préférable d'avoir accès à un tel filet de sécurité.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à M. McLean et ensuite à M. O'Ferrall. Je demanderai peut-être ensuite à M. Pearse s'il veut mettre fin à la discussion sur ce point, avant de passer au suivant.

Monsieur McLean.

M. Robert McLean: Je voulais revenir à quelque chose que M. Rounthwaite a dit au sujet de la valorisation économique de la propriété. C'est exactement ce que nous devons faire comme société canadienne parce que c'est tout ce que le propriétaire foncier peut obtenir pour son terrain. Nous avons un système basé sur le marché. Ce sont donc les forces économiques qui déterminent en priorité quelles décisions sont prises pour l'utilisation des terrains. Ce n'est pas le seul facteur, mais c'est la principale considération.

Nous commençons à comprendre que la terre comporte autre chose qu'une simple valeur économique et qu'elle représente aussi des services écologiques et environnementaux qui sont reliés à l'intérêt public. Si nous demandons aux particuliers d'assurer cet intérêt public, nous devons élargir notre approche actuelle basée sur le marché.

C'est pourquoi il est question d'intendance et d'indemnisation parce que cela fait partie des outils essentiels dont nous allons avoir besoin pour changer la façon dont les propriétaires prennent leurs décisions.

C'est donc effectivement un précédent, mais c'est un précédent que le Canada doit établir parce que nous demandons aux particuliers de contribuer à l'intérêt public.

Le président: Pourriez-vous nous fournir plus de détails sur l'article 11 et l'article 13?

M. Robert McLean: Je vais vous parler du programme que nous avons instauré.

Le ministre Anderson a demandé à Environnement Canada de créer le programme de gérance de l'habitat. L'année dernière, nous avons pu consacrer 5 millions de dollars aux activités de gérance et aux incitatifs.

Je ne peux pas aujourd'hui vous donner la longue liste des projets que nous finançons. Je ne pense pas que c'est ce que vous voulez que je fasse de toute façon. Nous sommes en train de planifier la deuxième année du programme de gérance de l'habitat et nous disposons cette année d'un budget de 10 millions de dollars.

Ce que je voudrais souligner, c'est le processus de planification. Les détails des projets comptent moins pour moi. Le plus important à mes yeux, c'est le processus que nous utilisons pour appliquer ce programme. C'est un programme de collaboration entre les trois ministères fédéraux qui s'occupent le plus des espèces en péril. C'est ce que nous avons accompli la première année.

Nous essayons maintenant d'élargir ce partenariat pour inclure les organismes de conservation des provinces et des territoires. Notre office régional de mise en oeuvre au Québec comprend d'ailleurs un représentant autochtone. Nous essayons d'appliquer le programme grâce à des partenariats.

Le président: Mme Carroll voudrait dire un mot.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur McLean, j'aimerais que M. Rounthwaite nous dise ce qu'il pense de l'interprétation que vous avez donnée tous deux de la jurisprudence relative à la propriété privée. Ou bien nous avons toujours considéré la propriété privée comme vous le dites, c'est-à-dire axée sur le marché, ou bien nous avons déjà dans le passé considéré qu'il fallait concilier le bien commun et la valeur sociale des biens privés avec les droits de la Couronne.

J'ai l'impression que vous parlez du point de vue de la jurisprudence du continent américain et je constate dans mon travail que cette approche constitue un énorme défi pour moi. Que nous envisagions la situation à la lumière du chapitre 11 de l'ALENA et des conséquences de ce faux pas, pour reprendre les termes de M. Rounthwaite, si nous songeons à la possibilité que le gouvernement ne puisse pas légiférer pour le bien commun à cause d'une surabondance de procès... C'est une discussion à laquelle je pourrais prendre part, mais nous parlons maintenant d'un énorme précédent. Que M. Pierce soit pour ce précédent et que M. Rounthwaite soit contre, les deux reconnaissent que c'est un précédent énorme. Cela représente tout un changement. Cela ne fait pas que découler de notre jurisprudence.

• 1015

Puis-je savoir ce que M. Rounthwaite en pense? Excusez-moi de m'être emportée.

M. Ian Rounthwaite: Tout d'abord, je dois dire que vous avez été très éloquente et je ne suis pas certain de pouvoir faire mieux.

Ce que j'essayais de dire, c'est que notre conception des droits relatifs à la propriété découle traditionnellement de la nécessité de maximiser la valeur économique de ces droits sur le marché.

Au cours du siècle dernier, nous avons acquis de plus en plus de connaissances au sujet de notre impact sur l'environnement et les scientifiques nous ont dit que nous avions des effets imprévus et non soupçonnés sur les espèces en péril. Il me semble donc que nos représentants élus ont maintenant le devoir et l'obligation de légiférer pour préserver l'intérêt public.

Je n'aime pas le dire, parce que cela va déranger les gens, mais c'est justement l'un des objectifs fondamentaux du Code criminel. Quand un comportement inacceptable pour la société se manifeste, nous pensons que nos législateurs doivent interdire ce comportement pour protéger l'intérêt du public.

À mesure que nous apprenons quels sont les effets de nos activités sur l'habitat essentiel et l'habitat des espèces en péril, nous avons l'obligation morale de légiférer pour dire que de telles conséquences représentent un comportement inacceptable.

Il ne s'agit pas nécessairement de savoir si nous allons aller plus loin et indemniser ceux qui ont un comportement inacceptable. Ce qui aurait été acceptable il y a 20 ou 30 ans n'est peut-être plus acceptable à cause des nouvelles preuves scientifiques que nous avons maintenant, des nouvelles connaissances écologiques que nous avons et de ce que nous savons de l'interaction des écosystèmes, des écorégions et de l'écosystème du globe et la biosphère.

Le président: La parole est à M. Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Professeur Rounthwaite, vous m'avez fourni un argument pour réclamer l'indemnisation.

Je suis aussi propriétaire d'une exploitation agricole. C'est vrai qu'il y a eu une petite chose appelée le zonage qui a touché la valeur économique de mon exploitation de façon marquée au cours des années et ce, sans indemnisation, je suis d'accord là-dessus.

L'habitat n'est pas restreint par les limites d'une propriété. L'habitat n'est pas restreint non plus par les frontières politiques. Si l'on n'a pas d'indemnisation, ce principe de non- indemnisation doit s'appliquer sur un territoire très vaste.

Il a été question jusqu'ici des espèces terrestres, mais je n'ai rien entendu au sujet des espèces aquatiques et des cours d'eau. Qu'arrive-t-il dans un tel cas? Pour le Canada urbain, la protection des espèces est une chose qui touche quelqu'un d'autre, alors que les habitants des villes sont peut-être ceux qui contribuent le plus à la dégradation de nos eaux.

• 1020

À mon avis, nous devons essayer de trouver une méthode quelconque de fournir cette indemnisation. Je suis fier de ce que je peux faire moi-même pour assurer l'intendance de ma terre et je suis certain que c'est la même chose pour tous les propriétaires. Si l'on décide maintenant d'imposer certaines choses qui ne semblent pas cadrer avec ce que nous croyons bon de faire jusqu'ici, et ce sans indemnisation et sans la possibilité d'être indemnisé, la façon dont nous envisageons l'intendance et nos droits à la propriété serait entièrement détruite.

C'est ce qui arriverait même si les droits à la propriété ne font pas partie de notre Constitution et même si nous détenons nos biens avec la permission de Sa Majesté. Il me semble que la possibilité d'indemnisation doit exister si nous nous aventurons sur cette piste.

Le président: Merci, monsieur Reed.

Nous allons passer à M. deMarsh, ensuite M. Pearse, après quoi nous passerons au sujet suivant.

M. Peter deMarsh (président, Fédération canadienne des propriétaires de boisés): J'avais pensé attendre à la deuxième question pour intervenir parce que je croyais que ma contribution serait le plus utile sur ce point-là, mais il y a un rapport entre les deux.

Nous créons une fausse dichotomie en essayant d'opposer les droits à la propriété et le bien commun relativement à ce projet de loi-ci. J'ai essayé de m'imaginer ce qui se passerait si nous ne parlions du tout de propriété privée. Je ne sais pas si ce que je vais proposer peut fonctionner pour les agriculteurs et les éleveurs, mais cela fonctionne certainement pour les propriétaires de boisés.

Supposons que nous louions nos terres à la Couronne à long terme. Cela se fait dans certaines régions du pays. Les arguments présentés par les propriétaires fonciers seraient exactement les mêmes parce qu'ils ne dépendent pas d'une notion abstraite de nos droits et de la possibilité de recevoir une indemnisation financière si ces droits sont restreints. Notre argument porte sur la survie des entreprises familiales qui dépendent de la terre, un point c'est tout, et la possibilité pour nous d'avoir un partenariat avec le gouvernement comme l'a dit M. McLean.

Je voudrais répéter ce que le ministre a déclaré à Guelph il y a un an lors du concert sur la gérance: «La nouvelle loi ne sera pas efficace à moins qu'elle ne soit fondée sur un partenariat entre ceux qui exploitent la terre et le gouvernement.»

Ce que nous voulons, c'est que la loi soit efficace, et ni les droits de propriété ni les conséquences pratiques de baux à long terme ne changent quoi que ce soit à la façon dont nous réagissons à cette question de l'indemnisation.

Le président: Merci.

Il faut maintenant conclure et les interventions doivent être brèves.

Monsieur O'Ferrall.

M. Brian O'Ferrall: Je suis heureux que M. Pearse parle après moi parce que je voulais parler de la question du précédent et des conséquences qu'il a mentionnées pour les gouvernements fédéral, municipaux et provinciaux.

C'est peut-être une erreur de ma part, mais je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point. À mon avis, il y aurait de sérieuses conséquences si l'on prévoyait une indemnisation dans le projet de loi pour toutes sortes de restrictions réglementaires, comme celles que peuvent imposer les municipalités, par exemple. L'indemnisation ne viserait que l'interdiction d'une activité précise sur le territoire. Le projet de loi ne prévoit même pas l'indemnisation pour toutes les activités interdites dans la mesure, mais seulement pour une chose très précise.

Je ne suis donc tout simplement pas d'accord là-dessus. Je me trompe peut-être. Nous formulons des hypothèses à propos de notre avenir et je ne pense pas qu'on doive énumérer toutes les choses horribles qui risquent d'arriver si on limite la capacité du gouvernement de restreindre l'utilisation du territoire.

Le président: Voulez-vous répondre, monsieur Pearse?

M. Peter Pearse: Monsieur le président, la discussion a été très utile et nous avons certes entendu des idées très bien exprimées au sujet de la question des précédents. C'est une question qui m'a fort préoccupé pendant que je menais cette enquête. Je dois vous dire que la mesure dans laquelle on établit un précédent est quelque peu confuse, et c'est assez difficile à expliquer.

Par exemple, il existe de la confusion au sujet de ce qui constitue une indemnisation et ce qui constitue un incitatif. Nous en avons discuté un peu il y a quelques minutes. Cette distinction n'est pas évidente pour tout le monde.

• 1025

Il existe aussi de la confusion au sujet des conséquences d'un règlement pour la façon dont quelqu'un utilise ses terres, ce qui ne fait normalement pas l'objet d'indemnisation au Canada par un échelon gouvernemental quelconque, et de la possibilité pour un gouvernement de prendre une parcelle de terrain à quelqu'un pour y mettre un droit de passage ou autre chose qui sera enregistré dans le titre de propriété. Cela empiète sur les droits de propriété.

Les tribunaux ont toujours traité ces deux choses de façon très différente au Canada. Nous discutons maintenant d'une restriction réglementaire. Cela fait 100 ans que nous avons une Loi sur les pêches au Canada et un règlement d'application très général qui empêchent qui que ce soit de nuire à l'habitat du poisson sans qu'il soit question d'indemnisation.

Je suis propriétaire d'un petit boisé sur lequel se trouve un tertre. Dans ma province, et c'est le cas dans d'autres provinces également, la loi m'empêche de faire quoi que ce soit pour changer une terre sur laquelle se trouve un tertre—et on ne songe pas à m'indemniser. Ce sont des règlements restrictifs qui peuvent entraîner d'énormes conséquences dans bien des cas, mais on n'a jamais accordé d'indemnisation pour ce genre de chose au Canada. C'est très important.

Par contre, il y a généralement une indemnisation pour toute propriété que l'on prend, et je dois ajouter, que la plupart du temps, cette indemnisation est généreuse. Au cours des vingt ou trente dernières années, presque toutes les lois canadiennes en matière d'indemnisation, que ce soit une loi fédérale ou provinciale, sont devenues plus généreuses; les droits de propriété sont mieux respectés, et les procédures judiciaires sont plus équitables. Règle générale, les propriétaires ont droit à une indemnisation représentant la pleine valeur marchande de tout dommage ou intrusion sur leur terrain.

Ces traditions sont bien enracinées dans nos lois et politiques canadiennes. Bien que ce projet de loi ne change pas vraiment notre façon de gérer le pays, les gouvernements au Canada empiètent déjà allègrement sur les terrains des particuliers. C'est pour cela que j'ai dit qu'il s'agit d'un précédent chargé de conséquences énormes; il nous faut reconnaître l'ampleur de la chose.

Dès qu'on aura fait volte-face et décidé d'indemniser pour les restrictions réglementaires, tous les gouvernements seront exposés à des pressions pour accorder un traitement égal. Il faudra apporter des modifications importantes afin de permettre aux gouvernements de supporter ce fardeau. Encore une fois, je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais qu'il faut agir en pleine connaissance de cause.

Bien entendu, la prudence s'impose pour d'autres raisons également. Quelqu'un a mentionné un peu plus tôt qu'il nous manquait de l'information sur ce que tout cela va coûter. Il y a des experts dans ce domaine qui croient que les coûts seront énormes si nous menons à terme tout ce que nous avons projeté. Mais le coût demeure inconnu. On ne l'a pas calculé. Nous avons très peu d'information là-dessus.

C'est peut-être parce que je suis originaire de l'Ouest, que je puis vous dire qu'il s'agit d'une question de compétence fédérale-provinciale qui est très délicate. Et c'est là ma dernière raison de vous exhorter à la prudence. La faune, en général, au Canada, relève des gouvernements provinciaux et territoriaux. Nous nous aventurons dans un domaine où les gouvernements provinciaux en particulier ont tous mis sur pied des programmes et des administrations, et ils sont souvent très sensibles aux intrusions du fédéral qui pourraient perturber ces programmes établis sur leur territoire.

J'ai formulé cette question d'une autre façon dans le rapport et je ne veux pas insister ici. Mais le fait demeure que le gouvernement fédéral empiète ici sur une compétence essentiellement provinciale—pas complètement, pas pour ce qui est des poissons et des oiseaux migrateurs, mais pour le reste de la faune—et il s'agit d'une question qui exige de la prudence.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Mme Carroll aura droit à un bref commentaire, et ensuite nous allons terminer.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

• 1030

Monsieur Pearse et monsieur Rounthwaite, je me trompe peut- être, mais je pense que l'on ne rend pas justice à Shakespeare lorsqu'on ramène toute l'affaire à «appliquer ou ne pas appliquer; voilà la question».

Si ce pouvoir existe déjà dans la réglementation, mais non pas dans le texte des lois, et si nous ne l'avons jamais appliqué, nous n'avons créé aucun précédent. C'est resté tel quel. Vous parlez de la Loi sur les pêches et des dommages causés à l'habitat des poissons, mais je peux vous citer bien des exemples de carences dans la gestion des pêches dans ma région, sur la côte Est, où on ne l'a jamais appliquée, cette loi.

Nous n'avons donc pas établi de précédent. Il existe de jure mais pas de facto. Il s'agit d'une possibilité. Un gouvernement ne crée pas de précédent à moins de s'en servir. Il n'y a pas de contestation, il n'y a pas de litige civil. Voilà ce que j'essaie de dire.

Vous dites que jusqu'à présent on procédait par réglementation. L'élément nouveau ici est le fait que de la réglementation nous passons aux dispositions mêmes de la loi, n'est-ce pas? Mais si nous ne l'utilisons pas...

M. Peter Pearse: Non, je dois dire que je ne peux pas être tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Mme Aileen Carroll: Non, je vous demande de but en blanc...

M. Peter Pearse: La Loi sur les pêches est très musclée. Elle dispose que personne ne peut bouleverser l'habitat du poisson. La loi a eu un impact gigantesque sur les compagnies minières, les compagnies forestières, les agriculteurs, toute la population, les gens qui construisent des routes et les autres gouvernements. Ses dispositions s'appliquent à toutes les terres qui au Canada ont une incidence sur l'habitat aquatique.

Ce serait une erreur que de dire que cette loi n'a jamais été appliquée et que par conséquent, elle est inopérante. Assurément, la Loi sur les pêches a été considérablement appliquée d'un bout à l'autre du Canada. Je vous concède que dans certaines régions, on a manqué de rigueur et je suis le premier à le reconnaître. N'empêche que cette loi est très stricte, que sa portée est vaste—et elle est représentative de restrictions réglementaires non indemnisées du gouvernement fédéral visant des terres privées et autres. C'est un très bon exemple pour soutenir mon argumentation.

La loi dit qu'il est interdit de déranger l'habitat. C'est très semblable mais en l'occurrence, on songe à une indemnisation. Si, dans le cas des dispositions de protection de l'habitat aquatique, les restrictions étaient assorties d'indemnités, le coût serait énorme.

Le président: Merci.

Il semble évident qu'au moins nous nous acheminons vers un consensus après une discussion d'une heure, à savoir que les mesures envisagées constitueraient un précédent jurisprudentiel. Je remercie M. Pearse qui nous a fait remarquer que les restrictions réglementaires donnaient droit à une indemnisation, notion à laquelle je n'avais songé. Il a établi une distinction utile.

Nous allons certainement mettre à profit vos interventions en temps utile.

Nous passons maintenant—et j'espère que tout ira rondement—à la deuxième question, celle de savoir si le versement d'indemnités atténuerait la volonté des propriétaires fonciers de coopérer.

Pouvons-nous recueillir vos opinions et commentaires là-dessus également? M. deMarsh a abordé cette question il y a un instant. Nous ne voulons pas ici tenir une discussion théologique afin de déterminer combien d'anges peuvent tenir sur la tête d'une épingle, parce qu'il serait difficile d'aboutir. Le comité trouverait utile que vous nous fassiez part de vos expériences personnelles pour que nous puissions déterminer si la participation volontaire souffrirait d'une telle approche.

M. Menzies.

M. Ted Menzies: Merci, monsieur le président.

Je dirais tout le contraire. À mon avis, toute indemnité quelle qu'elle soit—et je parle en tant que céréaliculteur—ne pourra jamais atteindre le niveau potentiel d'une récolte abondante, en supposant rendement élevé et prix élevé. Pourquoi alors un agriculteur se contenterait-il de moins de ce qu'il essaie d'obtenir tous les ans—une récolte idéale? L'agriculteur sait qu'aucune indemnisation n'est comparable, alors pourquoi se contenterait-il de moins? Ce n'est pas ainsi que les agriculteurs raisonnent. Ils préfèrent de loin gagner leur revenu faisant ce qu'ils font le mieux, c'est-à-dire cultiver.

• 1035

Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour élaborer des plans, pour les espèces comme pour l'habitat, mais il faut que nous participions au processus d'identification et de rétablissement. Encore une fois, je préconise des solutions coopératives plutôt que des solutions réglementaires.

Le président: Merci, monsieur Menzies.

D'autres remarques? Monsieur Dobson.

M. Bob Dobson: Le groupe que je représente croit que les efforts en vue de protéger et de rétablir les espèces s'inscrivent dans un processus permanent, qui s'appuie à la base sur des mesures volontaires et coopératives. J'ai déjà dit cela. Ce sont ces mesures que nous préconisons depuis déjà assez longtemps auprès des producteurs que nous représentons. Un appui financier pour les pratiques de gestion agricole devrait accompagner les plans de rétablissement et on devrait verser des indemnités quand les autres mesures se révèlent impossibles.

Vous avez utilisé le même exemple que Jack Horner. Quand on doit s'abstenir de moissonner un champ, il n'est pas question d'indemnisation d'une négligence. On fait bien de moissonner un champ de foin au bon moment. Si on doit retarder la moisson d'un mois, on perd la moitié de la valeur de la récolte, mais il ne s'agit pas d'indemnisation pour négligence. La négligence serait de ne pas moissonner mais il faut établir une différence. Il ne faut pas oublier la justice et l'équité. Beaucoup de gens se sont embrouillés là-dedans très longtemps mais les sondages révèlent que 97 p. 100 ou 98 p. 100 des Canadiens appuient un bon programme de protection des espèces menacées.

Par le passé, nous avons essayé d'aider volontairement, mais nos entreprises sont commerciales et nous devons nourrir nos familles et payer nos factures. Nous tirons notre gagne-pain du marché. Il est rare qu'un secteur du système économique agricole canadien ne soit pas dans de mauvais draps à un moment ou à un autre et il est très difficile pour nos entreprises d'absorber des coûts plus élevés.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Dobson.

D'autres remarques? Monsieur d'Eça, madame Wilson, monsieur Friesen?

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, encore une fois, on n'a peut-être pas donné assez de perspective à cette question parce qu'on a parlé uniquement des propriétaires fonciers. S'agissant des Autochtones, on doit élargir la portée de la question.

Je tiens à dire que beaucoup de remarques qui ont été faites reposent sur des notions traditionnelles anglo-européennes en ce qui concerne les droits de propriété. Les droits autochtones sont souvent collectifs, protégés par la Constitution, etc. C'est une situation unique dont le comité devrait tenir compte pour l'indemnisation et l'intendance éventuelles. On ne semble pas s'en soucier énormément au cours des discussions de cette table ronde.

Par exemple, on vient de parler de ce qui serait une négligence inacceptable. Je ne pense pas que les pratiques de moisson des Autochtones puissent être qualifiées de négligence inacceptable. Assurément, la conservation est importante et elle soutient l'idée même de ces pratiques, mais on ne peut pas résumer ainsi ces droits et ces pratiques.

En ce qui concerne plus particulièrement la question de savoir si l'indemnisation découragerait la coopération volontaire chez les propriétaires fonciers, je pense que si le gouvernement se montrait généreux à outrance, à tel point qu'il n'y aurait plus aucun incitatif à procéder à des modalités volontaires, on devrait s'inquiéter. Il n'y a pas grand-chose à craindre à mon avis. Je pense qu'il est peu probable que les choses se passent et qu'on devrait envisager cela comme un élément complémentaire de mesures incitatives d'ensemble pour protéger les espèces en péril.

Le président: Merci.

Madame Wilson?

Mme Peggy Wilson: Je suis d'accord avec mon collègue d'ITC qui a fait remarquer que les Premières nations abordent ce dossier d'un point de vue tout à fait différent, avec une philosophie très différente. Traditionnellement, les Premières nations ont considéré qu'elles faisaient partie de la terre, et que tout ce qu'elles font a une incidence sur la terre. Le lien est si étroit que les Premières nations pensent qu'il est hallucinant de s'adonner à une activité qui pourrait potentiellement nuire à leur survie. C'est un principe fondamental de la philosophie des Premières nations.

• 1040

Il s'avère très difficile d'étudier un dossier comme celui-ci et de participer à une discussion alors que notre point de vue est très différent de la perspective anglo-européenne sur les droits de propriété, comme mon collègue l'a fait remarquer. La terre ne nous appartient pas traditionnellement au sens de propriété personnelle. Nous faisons partie de la terre. Ainsi, en choisissant de s'adonner à certaines activités, le bon sens dicte que l'on s'efforce de protéger cette terre.

Dans bien des cas, les Premières nations ont été forcées d'adhérer à la notion étrangère de droits de propriété, si bien que jusqu'à un certain point nous ne sommes plus au diapason quand nous discutons. On peut parler de droits de propriété individuels et d'indemnisation, mais si mes aînés étaient ici, ils parleraient plutôt de faire oeuvre éducative auprès de la population pour qu'elle comprenne qu'il y va du meilleur intérêt de tous de s'abstenir volontairement de certaines activités quand on sait que ce serait au détriment de l'intérêt de tous. Les choses se compliquent quand on parle du cas de ceux qui déterminent leur bien-être d'après une propriété foncière, parce que dès lors, la conversation prend automatiquement une tangente. Il est très difficile d'éviter la discussion d'intérêt économique par exemple.

Je suis également d'accord avec ce qu'a dit M. d'Eçà, c'est-à-dire qu'il vaut peut-être mieux envisager ces mesures comme des activités complémentaires. Il s'agit d'activités volontaires et ceux qui décideront d'y participer en tireront des satisfactions. Je suis persuadé que lorsque des propriétaires font des efforts pour accueillir et protéger des espèces sur leur terrain, ils ont le sentiment de faire quelque chose de bien et de louable. Mais on peut également user du bâton et de la carotte et tout cela est une question de degré.

Je préconise également—et c'est aussi l'une des préoccupations d'Environnement Canada—des activités éducatives. Il faut amener les gens à reconnaître ce qui est dans leur intérêt. Il faut encourager les gens à reconnaître qu'ils ont tout intérêt à respecter le reste de la planète afin de ne pas tout détruire, nous y compris.

Merci.

Le président: Merci, madame Wilson.

M. Friesen, puis M. Peters.

M. Bob Friesen: Merci, monsieur le président.

Il serait beaucoup plus efficace... Je pense par exemple aux exemples dont on a parlé précédemment: le Royaume-Uni, qui a un régime d'indemnisation, a remporté plus de succès avec sa loi que les États-Unis, où l'opposé est vrai, où il n'existe pas d'indemnisation.

Il y a aussi l'exemple en agriculture du règlement sur les maladies à déclaration obligatoire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui a donné également de meilleurs résultats.

À mon avis, le poids des impératifs moraux de la société ne saurait reposer uniquement sur les épaules de quelques éléments de la société. Nous devons nous rendre compte que les agriculteurs, qu'ils agissent de façon volontaire ou à cause des exigences d'un règlement, doivent être indemnisés lorsqu'ils protègent la biodiversité, l'environnement et les espèces en péril pour le bien collectif. Les agriculteurs représentent 2 à 2,5 p. 100 de la population. Si nous voulons que les agriculteurs appliquent cette mesure législative—et ils le feront car ils l'appuient—, nous devons nous assurer de les inciter à prendre les mesures nécessaires pour le bien collectif.

• 1045

En fin de compte, il serait beaucoup plus efficace de payer des incitatifs suffisants, ainsi que des indemnités, s'il n'est pas possible d'acquérir la propriété, de faire un échange de terre ou de prendre d'autres mesures. Tous deux sont des éléments très importants de l'équation. Les agriculteurs doivent être remboursés pour les efforts qu'ils font pour le bien collectif. Les agriculteurs, ces 2,5 p. 100 de la population, ne peuvent pas payer à eux seuls toute la facture du bien collectif.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

M. Peters.

M. Johnny Peters (interprétation): Merci.

Nous collaborons avec le ministère des Pêches et des Océans au sujet du béluga, dont nous dépendons dans le nord du Québec. Nous essayons de créer un outil de gestion car il ne reste plus beaucoup d'animaux dans notre région à cause de la surexploitation. Il y a eu une surexploitation commerciale de ces ressources, des bélugas plus particulièrement, au XIXe siècle et au début du XXe siècle. La question de l'indemnisation est un des problèmes que nous avons maintenant.

Pour ce qui est de l'indemnisation, comme vous le savez peut-être, au début, la GRC a tué tous les chiens que nous utilisions pour le transport ou la chasse dans notre territoire. Nous n'avons plus de chien. Nous les avons remplacés par des canots motorisés pour chasser le béluga. Mais ces machines font beaucoup de bruit et ils font fuir les animaux. Nous n'avons plus d'autres choix. La question de l'indemnisation est l'une des raisons légitimes de notre présence ici.

N'oubliez pas que même si je suis Inuk, je n'en suis pas moins Canadien.

Le président: Merci.

Essayons maintenant d'accélérer un peu. M. deMarsh, M. Rounthwaite, M. Affleck, M. McLean—veuillez être brefs.

M. Peter deMarsh: J'ai trouvé intéressant d'entendre dire qu'il faut considérer les mesures volontaires et l'indemnisation comme complémentaires. Comme on peut le voir dans les questions qu'on a demandé d'examiner, on a eu tendance à les considérer comme une alternative. Les mesures volontaires sont bonnes et il faut les encourager, l'indemnisation est mauvaise, c'est un dernier recours et il faut payer aussi peu que possible. Plus particulièrement, ces deux solutions sont considérées comme incompatibles: plus on indemnisera, moins il y aura de mesures volontaires. Je suis d'accord avec ceux qui disent que dans ce contexte-ci, c'est exactement le contraire. Si les propriétaires de boisés estiment que la politique d'indemnisation est juste, cela les encouragera à accroître leurs efforts d'intendance volontaire plutôt qu'à les diminuer. Comme je l'ai déjà dit au comité, il ne faut pas dans ce cas-ci se fier à son intuition. Si nous écoutions un autre groupe d'intérêts réclamer des indemnités, nous dirions peut-être au gouvernement de ne pas payer un sous de plus qu'il ne le doit.

• 1050

Si nous voulons démêler cet écheveau et faire valoir nos arguments, nous devons nous fonder sur les hypothèses qui s'appliquent à la situation des propriétaires de boisé et peut-être aussi aux agriculteurs et aux éleveurs. Et sur quelle hypothèse se fonde l'idée que ces deux éléments sont opposés, que des indemnités trop généreuses réduiront les mesures volontaires? Je dirais qu'elle se fonde sur l'image de propriétaires fonciers qui sont des gens d'affaires et qui voient la situation dans l'optique d'un entrepreneur, comme une occasion de faire des bénéfices—autrement dit, le profit sera notre principale motivation s'il est possible de gagner de l'argent au moyen de ce projet de loi.

L'autre hypothèse sur laquelle cette idée se fonde, je crois, est que nous sommes absolument indifférents aux objectifs de la mesure législative. Nous pouvons tous trouver des gens à qui cela s'applique. Il est certain qu'il y a des gens qui agiront exactement comme le prévoit cette hypothèse. Mais ce n'est pas la majorité et le gouvernement ferait une grave erreur s'il fondait la loi et sa politique sur cette hypothèse d'indemnisation et cette relation hypothétique entre l'indemnisation et l'incitation aux mesures volontaires.

Voici, à mon avis, l'hypothèse sur laquelle il faut se fonder. La majorité des propriétaires fonciers veulent collaborer et travailler en partenariat avec M. Anderson. Nous voulons également que notre contribution soit respectée par la population. L'indemnité est, à cet égard, autant une question de symbole qu'une question d'argent. Mais je parle de symbole et je risque de ne pas être pris au sérieux. Nos voulons que notre contribution ne soit pas tenue pour acquise. Enfin, nous devons éviter les pertes financières qui menaceraient la survie de nos entreprises familiales.

Ce que vous devez décider, c'est lequel de ces deux portraits correspond le mieux à la réalité dominante de la campagne canadienne. C'est une décision essentielle. Comme je l'ai dit, si vous fondez vos avis au gouvernement sur la première hypothèse, sur le modèle de l'entreprise, ce sera une erreur tragique. Comment décider quelle hypothèse est la bonne? Des groupes d'intérêts témoignent devant vous. Nous venons défendre nos intérêts. Mais peut-être ne pouvez-vous pas vous fier uniquement à cela. J'ai dit précédemment que vous devriez essayer de mettre au point une méthode d'évaluation au moyen de projets pilotes, peut-être de sondages de l”opinion. Ce que nous voulons souligner, c'est que vous devez prendre une décision essentielle à ce sujet.

Le président: Merci, monsieur deMarsh.

La sonnerie se fait entendre, cela signifie que nous devons aller voter. Nous allons devoir interrompre la réunion pendant 10 minutes environ afin que les députés puissent aller voter et revenir. J'espère que nous pourrons terminer cette question dans les 10 prochaines minutes—je vous invite à faire de brèves observations—afin que nous puissions ensuite reprendre vers 11 h 30. Je crois savoir qu'il n'y a qu'un vote. Nous pourrions ensuite terminer notre discussion vers 12 h 30 ou 13 heures.

Monsieur Affleck, vous pouvez faire une brève intervention.

M. Peter Affleck (directeur, Foresterie, Interior Lumber Manufacturers' Association): Merci, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de participer à la discussion.

Je représente l'industrie forestière dans la province de la Colombie-Britannique, et comme on l'a dit, nous ne sommes pas des propriétaires fonciers pour la plupart, nous sommes plutôt des détenteurs de tenures forestières, consenties par le gouvernement provincial. M. Pearse a recommandé dans son rapport au ministre que l'indemnisation ne s'applique pas seulement aux propriétaires fonciers, mais qu'elle s'applique également aux détenteurs d'une tenure forestière, comme on l'a dit dans les questions un et deux.

• 1055

Dans le mémoire que nous avons envoyé au comité, nous avons exprimé notre appui en ce qui concerne l'objectif de coopération visé dans le projet de loi, et je me contenterai de vous rappeler brièvement que notre intérêt est de poursuivre nos activités. Nous avons besoin à cette fin de billots à un coût abordable. Une indemnisation en espèces ou sous une autre forme ne nous aidera probablement pas à atteindre ces objectifs. Nous voulons plutôt trouver un moyen de protéger les espèces en péril tout en poursuivant nos activités commerciales. Nous avons donc un incitatif automatique qui nous amène à éviter les circonstances pouvant mener à une indemnisation et qui nous porte à travailler en coopération et de façon volontaire, dans le cadre d'accords d'intendance, je l'espère.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Affleck.

C'est maintenant au tour de M. Rounthwaite.

M. Ian Rounthwaite: C'est peut-être un très petit détail, mais le libellé des articles 11 et 12, portant autorisation au ministre de conclure des accords, semble se limiter à des accords portant sur une seule espèce, et non sur plusieurs espèces. Le comité voudra peut-être réfléchir à cela.

Enfin, il me semble que la possibilité qu'une indemnisation nuise aux mesures volontaires dépend en grande partie du caractère attrayant et accommodant de ces mesures volontaires pour les participants. L'essence même des mesures volontaires aux termes du projet de loi, à mon avis, est un ensemble de processus concernant des programmes de rétablissement et des plans d'action, et les deux imposent une obligation statutaire au ministre de procéder à des consultations. Pourtant, le projet de loi ne contient absolument rien au sujet d'un processus ou d'une procédure de consultation avec les Premières nations, avec les particuliers qui sont des propriétaires terriens, avec les gouvernements territoriaux et avec d'autres. Le comité voudra peut-être se demander s'il ne devrait pas y avoir un processus pour effectuer des consultations aussi accommodantes que possible au sujet des programmes de rétablissement et des plans d'action.

Le président: Merci.

Madame Carroll, à vous.

Mme Aileen Carroll: J'aimerais entendre vos commentaires, monsieur Menzies, parce que vous avez dit si éloquemment au début que le programme d'intendance constituait le produit vedette, tandis que l'indemnisation ne représentait qu'une sorte de résidu. Auriez-vous des observations à faire à ce sujet? Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras.

M. Ted Menzies: Non, ce n'est pas le cas. Je travaille bien quand je suis sous pression. Je suis agriculteur, et vous pouvez me croire, les agriculteurs vivent sous beaucoup de pression ces derniers temps, étant donné les phénomènes météorologiques extrêmes que nous avons subis.

Quoi qu'il en soit, je peux ajouter aux observations de M. Rounthwaite que nous sommes absolument d'accord là-dessus. Si nous devons participer à ce processus, et nous devons le faire par défaut, nous devons être inclus dans le processus en entier. Nous en ferons partie. Nous serions ravis d'en faire partie. Nous faisons déjà ce genre de chose depuis des années. Nos grands-pères et nos pères ont fait de même. C'est pourquoi certaines de ces espèces existent encore. Et nous parlons ici de poissons, d'oiseaux, de plantes et de tout le reste. Je suis absolument d'accord pour dire que nous devons participer au processus, et nous sommes très disposés à le faire.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à M. McLean.

M. Robert McLean: Je veux répondre très brièvement aux questions posées dans le document.

Je ne pense pas que les accords d'indemnisation en vertu du projet de loi compromettraient vraiment les programmes de gérance et d'incitation. Je crois cependant qu'il faut gérer le tout très soigneusement. Il est important d'éviter d'associer la notion de droit à la notion d'indemnisation. Il est également important d'éviter des programmes d'indemnisation qui représenteraient des sommes plus élevées que celles qui pourraient provenir des programmes d'incitation, comme Michael l'a dit tout à l'heure. Je pense que ces deux types de situations pourraient compromettre les efforts d'intendance. Je suis un ardent défenseur du concept de l'intendance, et je pense que nous passons trop de temps à discuter de l'indemnisation.

Je pense qu'il est vraiment important de se rappeler que cette restriction réglementaire ne sera pas utilisée très souvent. La raison en est que c'est un instrument très mal taillé. Il ne nous permet pas de gérer effectivement l'habitat. Par conséquent, il ne sera pas très efficace pour conserver les espèces qui nous intéressent. Même dans les cas où nous pourrions l'utiliser, la restriction réglementaire, par définition, ne changerait rien à la façon dont une terre est gérée. S'il s'agit d'un agriculteur qui possède un boisé de 10 acres au bout de sa terre, où se trouve une espèce en péril, alors que le reste de la ferme est utilisé pour produire du fourrage ou d'autres récoltes annuelles, par définition, l'espèce en péril était déjà là et il n'y a donc aucune raison pour que l'agriculteur ne continue de cultiver le reste de sa terre exactement de la même manière qu'il le faisait jusque-là. Je pense donc que la restriction réglementaire n'entraînera peut- être pas, en fait, une perte dans la valeur de la terre ou dans le revenu net de l'agriculteur.

Il y aura des cas où il y aura une perte. Je ne dis absolument pas que ce ne sera pas le cas. Mais le nombre de fois où la question pourrait surgir ne justifie pas l'attention qu'on accorde à la question de l'indemnisation. Je pense que l'indemnisation est incluse dans le projet de loi à titre symbolique, comme Peter le mentionnait plus tôt. Il est très important de faire savoir à ceux qui pourraient être touchés par une restriction réglementaire qu'on ne fera pas fi de leurs besoins.

Le président: Je vois ressortir dans cette discussion le mot «complémentarité».

• 1100

Monsieur Pearse, voudriez-vous faire des observations pour clore le débat? Nous suspendrons ensuite la séance.

M. Peter Pearse: Je pense que nous avons eu une très bonne discussion. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, monsieur le président, sauf une chose au sujet de l'effet incitatif de l'indemnisation. Je suis d'accord avec ceux qui ont dit que la plupart de nos agriculteurs, propriétaires de boisé, sociétés forestières, et les autres, veulent que cela fonctionne. À tout le moins, c'est ce qu'on m'a dit dans les diverses régions du pays. Tous se sont dits très disposés à collaborer. De fait, presque tous sont en faveur du système d'intendance coopérative, plutôt que de la coercition et de l'indemnisation.

Cela dit, il y aura toujours des difficultés. Tous ces groupes sont composés d'êtres humains, et il y aura toujours au moins un petit nombre de personnes qui ne collaboreront pas et un petit nombre qui chercheront à obtenir de l'argent. Par conséquent, dans la mesure où vous offrez effectivement une indemnisation, il est certain que vous réduisez dans la même mesure le coût de l'absence de collaboration.

Je dis simplement que c'est une question de degré. Si vous offrez une indemnisation assez généreuse, il y aura des gens qui viseront l'indemnisation plutôt que la collaboration. Je dis qu'il ne faut pas trop compter sur le fait que tout le monde est plein de bonne volonté et que tous agiront comme il se doit quelles que soient les conditions. Les incitatifs fonctionnent. Je dis seulement que dans la conception de ce programme, il faut au moins reconnaître qu'après tout les gens sont des êtres humains.

Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Nous devons aller voter maintenant. Quand nous reviendrons, nous inverserons l'ordre des questions. Nous commencerons d'abord par la question numéro quatre, et dans le temps qui restera, nous discuterons de la question numéro trois. Il me semble que la question numéro quatre est la plus complexe des deux et je ne voudrais pas la garder pour la fin, lorsque certains devront partir pour aller à d'autres réunions ou pour d'autres raisons. À notre retour, nous inverserons donc l'ordre des questions et j'inviterai les participants à faire des interventions.

M. Mills veut intervenir brièvement.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Après avoir écouté ce qu'on vient de dire, permettez-moi d'ajouter qu'en n'expliquant pas en détail l'indemnisation dans le projet de loi—autrement dit, en la confinant au règlement—, il me semble qu'on dit seulement «faites- nous confiance». Chez les agriculteurs et les éleveurs à qui j'ai parlé, le niveau de confiance n'est certainement pas tellement élevé. Pourquoi cette question n'est-elle pas directement dans le projet de loi, au lieu d'être confinée au règlement?

M. Peter Pearse: Je ne pense pas avoir grand-chose d'utile à dire à ce sujet, si ce n'est que cela donne au gouvernement la possibilité de faire preuve de plus de souplesse avec le lancement d'un programme relativement nouveau. Mais à part cela, je n'ai rien à ajouter, monsieur Mills.

M. Robert McLean: Pourrais-je demander un éclaircissement? Voulez-vous dire que le projet de loi ne devrait pas parler d'indemnisation ou qu'il devrait comporter davantage de détails?

M. Bob Mills: Je me demande s'il ne faudrait pas qu'il soit un peu plus étoffé en remplaçant le «peut» par «doit», en d'autres termes qu'il prévoie une indemnisation en tout dernier ressort. Je pense que pour la plupart des gens, c'est un peu trop nébuleux.

M. Robert McLean: Je le conçois très bien. Ayant personnellement travaillé dans le domaine de la conservation des habitats dans ce pays incroyablement vaste qui est le nôtre, je pense qu'il est très difficile de commencer à ajouter des détails au projet de loi. Nous risquerions alors d'arriver à un programme qui ne tienne pas compte des différences régionales. À mon avis, le programme va présenter des différences sensibles selon qu'il s'agit des Prairies, de la région carolinienne, de la Colombie-Britannique, du littoral atlantique ou du Grand Nord. Il y aura des variantes un peu partout.

La seule mise en garde que je formulerai ici, c'est qu'il faudrait alors déterminer quels sont les détails qu'il faudrait ajouter au projet de loi. Pour ce qui est de la différence entre «peut» ou «doit»...

Le président: Monsieur McLean, ce serait peut-être une bonne question à poser cet après-midi à la Chambre.

La séance est suspendue.

• 1104




• 1150

Le président: Fort bien, mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre patience, votre indulgence, votre compréhension et tous vos autres attributs.

Nous reprenons donc la séance, et comme nous l'avions dit, nous pourrions peut-être passer tout de suite à la question numéro quatre étant donné qu'elle me semble être plus prenante que la précédente. J'espère que vous en conviendrez. Il s'agit du juste milieu entre la souplesse et la certitude, en d'autres termes de la question de savoir si les critères d'admissibilité et la formule d'indemnisation proposée par M. Pearse offrent précisément le juste milieu souhaité. Peut-être traitons-nous ici de quelque chose d'extrêmement difficile, voire d'insaisissable, mais essayons quand même.

Je voudrais accueillir Nicole Howe, si j'ai bien lu son nom, qui remplace M. Friesen.

Monsieur Pearse, vous voudrez peut-être amorcer le débat?

M. Peter Pearse: Vous parlez donc d'un juste milieu entre une indemnisation insuffisante et une indemnisation trop généreuse.

Le président: En effet. Il s'agit de la souplesse et de la certitude et de la façon de procéder pour arriver à la formule d'indemnisation.

M. Peter Pearse: Je pourrais dire quelques mots en guise d'introduction si vous voulez bien, monsieur le président.

En formulant ces recommandations, je voulais tout d'abord qu'elles complètent le plus possible l'intention poursuivie par le législateur dans le texte actuel du projet de loi, plutôt que de recommander des changements à apporter à celui-ci.

Le texte actuel du projet de loi donne au ministre le pouvoir discrétionnaire d'accorder une indemnisation au cas où l'application de ces mesures restrictives imposées par la loi à un propriétaire foncier aurait un impact extraordinaire.

J'étais bien en peine d'arriver à définir ce terme «extraordinaire». En résumé, j'ai fini par avancer que ce terme pouvait être interprété comme signifiant tout impact qui réduirait de plus de 10 p. 100 la valeur d'une propriété.

Sans entrer plus loin dans le détail, il fallait alors se demander, une fois arrivé à ce seuil, à quelle hauteur le préjudice devrait-il être indemnisé par le ministre? Pour répondre à cette question, j'ai étudié les précédents et, comme je l'ai déjà dit ce matin, ces précédents sont peu nombreux, même si on en trouve dans d'autres pays, notamment aux États-Unis.

Je suis arrivé à la conclusion qu'un partage à parts égales serait un bon point de départ. En d'autres termes, la Couronne accorderait une indemnisation à hauteur de 50 p. 100 d'une perte supérieure à 10 p. 100 qui résulterait de l'application de la loi.

Voilà donc la formule. Certes, elle comporte un élément d'arbitraire, mais elle se rapproche d'une formule de partage du préjudice subi par un propriétaire foncier en raison de l'application de la loi par la Couronne, par le public, par le contribuable.

J'ai également tenu compte du fait que ce projet de loi comportait une disposition prévoyant une révision après cinq ans. Ici encore, pour en revenir à ce dont nous avons déjà parlé au sujet du niveau de détail qu'on devrait trouver dans le projet de loi—l'une des toutes dernières questions qui avaient été posées avant la suspension de séance—, j'aurais dû dire qu'un argument en faveur de l'adoption d'une innovation comme celle-là est qu'effectivement une révision quinquennale est un excellent moyen d'affiner toutes les décisions qui auront été prises et de les intégrer à la loi à ce moment-là. Ici encore, je recommanderais d'envisager un partage prudent mais en même temps significatif du fardeau avec le contribuable. Nous arrivons donc ainsi à cette formule.

• 1155

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Entrons donc de plein pied dans la question et écoutons ce qu'a à dire M. O'Ferrall qui, d'après sa mimique, a quelques réflexions qu'il voudrait nous livrer et qui pourraient attiser de façon intéressante la discussion.

M. Brian O'Ferrall: Merci, monsieur le président. Je vous ai fait remettre—malheureusement, sans les avoir fait traduire—quelques suggestions concernant les règlements d'application, et également concernant le projet de loi proprement dit.

Je ne me suis pas senti limité par le texte actuel de l'article 64, mais j'ai néanmoins une ou deux choses à dire. J'ai le sentiment que cet article exigerait d'être modifié comme on l'a déjà laissé entendre. Le propriétaire foncier ou le propriétaire d'une ressource quelconque qui subit un véritable préjudice—nous parlons ici d'une perte matérielle—suite à une interdiction prévue par la Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril devra obtenir une indemnisation juste et raisonnable.

Lorsque je dis juste et raisonnable, j'entends juste pour le propriétaire et raisonnable pour le contribuable, et cette indemnisation devrait être fixée par un tribunal indépendant et impartial. S'il doit s'agir d'une indemnisation extraordinaire, fort bien, mais n'essayons pas de parler de 10 p. 100 ou de 50 p. 100 ou que sais-je encore. Laissons le tribunal indépendant et impartial déterminer ce qui constitue une conséquence extraordinaire, si c'est ainsi que vous voulez procéder.

J'ai parlé dans mon texte de l'admissibilité à une telle indemnisation, le plaignant devant être tenu de prouver qu'il utilisait sa terre de façon—et je reprends les termes utilisés par Mme Carroll—«licite et permise», les deux termes ayant leur importance. En d'autres mots, il est là avec en sa possession le permis qu'il lui faut, délivré par un organisme de réglementation ou une municipalité, pour faire ce qu'il veut faire, mais il ne peut aller plus loin en raison d'une disposition de la Loi sur les espèces en péril.

J'ai également établi les paramètres de l'indemnisation, et ils ressemblent effectivement aux principes que nous voyons ici: diminution de la valeur marchande de la terre—c'est là vraisemblablement un des résultats possibles, mais il est moins probable que si l'interdiction revient à une véritable expropriation, en l'occurrence l'intégralité de la valeur marchande de la terre en question—, déni d'utilisation, déni de revenu à cause de l'interdiction, trouble de jouissance, dommages, effet néfaste sur les terres restantes et ainsi de suite. Voilà autant d'éléments bien connus de la loi.

Ces principes d'indemnisation existent grosso modo depuis au moins un siècle au Canada, et je pense que ce sont ces principes qu'il faut suivre plutôt que...

Pour ce qui est de la notion des 10 p. 100, comme je l'ai signalé la dernière fois au comité, j'ai probablement participé à plusieurs centaines de procédures en indemnisation à la suite d'expropriations. Les circonstances ont fait qu'il y a beaucoup de procédures de ce genre en Alberta, probablement beaucoup plus que partout ailleurs au Canada. Si j'ai deux évaluateurs qui évaluent dans leurs rapports respectifs l'indemnisation ou la valeur du terrain dans une fourchette de 20 p. 100, je considère que les deux rapports d'évaluation sont pour l'essentiel identiques. Certes, cela représente plus de 10 p. 100, je n'en disconviens pas. Mais il ne sera jamais possible d'arriver pile à une diminution de 10 p. 100 de la valeur marchande. Ce sera tout simplement impossible.

Le partage à parts égales dans le cadre du seuil de 10 p. 100 pose certains problèmes d'ordre pratique. Cette notion n'a aucun précédent. Elle n'existe nulle part dans la loi. Si vous décidez que l'argument doit être la conséquence extraordinaire—et je ne pense pas qu'il faille procéder ainsi—, pourquoi ne pas tout simplement en charger un tribunal indépendant et impartial—et le dire dans la loi—qui accordera une indemnisation s'il juge que l'interdiction représente une conséquence extraordinaire. La beauté de la chose est que cette formule permettra, au fil du temps, de donner un peu de souplesse à la procédure en lui permettant de s'adapter aux nouvelles circonstances et aux cas vécus.

Nous parlons d'intendance. Nous parlons aussi de préservation de l'environnement et de protection de la nature. J'ai de gros clients—de gros éleveurs—qui ont donné leur terre essentiellement pour la protection de la nature. Bien sûr, ils en ont les moyens. Fort bien, si c'est cela qu'ils veulent. C'est de la philanthropie, si vous voyez ce que je veux dire. Mais j'ai également certains clients qui... si vous enlevez 10 acres, comme on l'a dit ce matin, d'un quart de section, ces 10 acres, après déduction des frais et ainsi de suite, servent à payer les études des enfants de cet exploitant agricole. Vous ne vous rendez pas compte—et nous ne parlons pas ici d'une indemnisation faramineuse—de ce que ce genre d'interdiction pourrait avoir comme conséquence pour un propriétaire foncier ou le propriétaire d'une ressource ou d'un boisé. Je vous remercie.

• 1200

Le président: Je vous remercie pour cette intervention, et également pour le texte qui est train d'être distribué et que vous avez eu la gentillesse de préparer à notre attention. Votre argument est extrêmement séduisant.

Monsieur Pearse, auriez-vous quelque chose à dire à propos de cette solution?

M. Peter Pearse: Je n'ai nullement l'intention de croiser le fer avec un expert, mais j'ai entendu les arguments des représentants du programme des dons de biens écosensibles, tout comme les membres du comité, n'est-ce pas? Ces gens vous ont donné les résultats de l'examen effectué par un groupe d'experts ainsi que les recommandations concernant la façon de s'y prendre dans le cadre d'un programme fort semblable à celui-ci.

Je voulais recommander l'adoption de ce système—qui est le leur—pour éviter de créer quelque chose de nouveau. J'ai pu me convaincre que les procédures suivies par le programme en question étaient justes et raisonnables, et que le programme répondait bien à ce que nous voulions. J'avais donc recommandé que nous l'adoptions. Les témoins en question semblaient d'ailleurs, si vous vous en souvenez, intimement convaincus que leur système pourrait servir non seulement dans le cadre des dispositions en matière d'indemnisation prévues par la Loi sur les espèces en péril, mais également dans le cadre de la formule que j'avais moi-même recommandée.

Je ne veux pas contredire mon collègue, mais je dois vous dire que je suis d'avis que la formule d'indemnisation est tout à fait applicable, et qu'elle pourrait l'être dans le cadre général de cette formule conçue pour le programme des dons de biens écosensibles.

Le président: Nous avons donc les bases d'une bonne discussion.

M. O'Ferrall, M. Rounthwaite, M. Mills, puis M. d'Eça et Mme Wilson.

Monsieur O'Ferrall, allez-y.

M. Brian O'Ferrall: J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le texte de M. Pearse concernant le programme des dons de biens écosensibles. Je suis allé chercher le document qu'il citait dans son rapport. Il s'agit d'un programme qui bénéficie d'une exonération à 75 p. 100 de l'impôt sur les gains en capital chaque fois que vous faites don d'une terre au gouvernement pour en faire une réserve écologique. Mais ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Nous parlons des conséquences d'une interdiction qui viendrait frapper le boisé de M. deMarsh—des frais et des pertes qu'il aurait à subir. Et à supposer que cette conséquence soit «extraordinaire», il va falloir un régime d'indemnisation. M. deMarsh n'a pas besoin de programme... Il ne fait pas don de son boisé au gouvernement en demandant un abattement de 75 p. 100 de son impôt sur les gains en capital. Ce qu'il nous dit, c'est: «Je dois être indemnisé parce que j'ai subi des pertes et encouru des frais.»

Le président: La parole est à M. Rounthwaite.

M. Ian Rounthwaite: Pour ma part, je ne le cède pas aussi facilement à mon collègue que M. Pearse. Où M. O'Ferrall est-il allé chercher ce modèle. Il est allé le chercher dans le Surface Rights Act de l'Alberta, une loi qui est en vigueur depuis des dizaines et des dizaines d'années. À qui cette loi s'applique-t-elle? Elle s'applique principalement aux gens du secteur des ressources. Qui donc en Alberta paie une indemnisation pour de telles conséquences en vertu de la Surface Rights Act? Ce n'est pas le contribuable. Ce sont les industries des ressources qui paient, et ce coût, elles le répercutent sur le consommateur qui achète leurs produits, étant donné que cela fait partie de leurs frais généraux. Dans le cas des espèces en péril, le gouvernement ne peut pas répercuter ce genre de coût sur le consommateur—le contribuable—de la même façon que le ferait l'industrie des ressources.

Par contre, je conviens avec lui que les 10 p. 100 et le partage à parts égales semblent deux notions assez arbitraires, comme l'admet d'ailleurs M. Pearse. Si nous voulons effectivement créer un précédent, il me semble que ce précédent devrait reposer sur un principe plutôt que sur un choix arbitraire.

Je recommanderais donc une bonne étude de ce que dit la jurisprudence au Canada dans les cas d'expropriation de fait.

• 1205

Si nous examinons la jurisprudence américaine dans les cas d'utilisation d'intérêts économiques pris comme référence, nous pouvons en dégager certains critères reposant sur des principes. Nous pouvons alors réunir une série de facteurs que le ministre devrait prendre en compte lorsqu'il aura à déterminer si une conséquence doit ou non être considérée comme extraordinaire. Je ne pense pas que nous puissions ignorer le texte de l'article 64 qui sa forme actuelle. Cet article prescrit qu'il doit y avoir une conséquence extraordinaire, et à mon avis il doit en être ainsi. Nous créons un précédent.

Comment le ministre devrait-il déterminer cela? Il devrait prendre en compte les éléments comme la gravité du préjudice que subirait l'habitat essentiel d'une espèce en péril en l'absence d'une interdiction prévue par la réglementation, la socio-utilité de la terre du requérant, l'utilisation historique de la terre—les utilisations futures proposées, ainsi que les principes généraux d'équité—dans quelle mesure la personne qui demande une indemnisation a-t-elle participé volontairement et de son libre arbitre? Une fois tous ces facteurs pris en compte, le ministre porte un jugement. La conséquence a-t-elle été extraordinaire? Si oui, selon moi, dès lors qu'il a jugé que ces pertes étaient extraordinaires, il faudrait qu'il décrète une indemnisation à 100 p. 100 de toutes les pertes extraordinaires.

Le président: M. Mills a une question, après quoi nous entendrons M. d'Eça, Mme Wilson et M. Affleck.

M. Bob Mills: Monsieur Pearse, je pense que nous avons déjà très longuement parlé de cela vous et moi. Vos recommandations sont devenues un genre de cri de ralliement négatif contre le projet de loi C-5. Dans l'ensemble, beaucoup de gens—des petites gens, des producteurs agricoles qui essaient de nourrir leur famille—prétendent ne pas avoir le moyen de perdre 9 p. 100 de leurs terres productives. La moitié demandent pourquoi ils devraient absorber la moitié de la perte alors que tout le reste du Canada en profitent et n'auraient à payer que l'autre moitié. Je pense ni plus ni moins qu'il vous est impossible de justifier ces deux chiffres. À mon avis, on pourrait facilement accepter l'essentiel de votre rapport, par contre ces deux chiffres ont polarisé les esprits de façon négative sur l'ensemble de la question.

Par ailleurs, je ne vous ai guère entendu parler des aspects socio-économiques qui vont survenir. Nous pouvons aller jusqu'à dire que peut-être y aura-t-il une espèce qui sera impossible à sauver étant donné l'ampleur des conséquences socio-économiques que cela aurait. Après tout, ce sont des concessions qu'il faut obligatoirement faire à un moment donné.

J'ignore comment arriver à changer tout cela, si ce n'est que, comme l'a dit M. O'Ferrall, nous devons bien préciser que cela ne dépend pas de la volonté du gouvernement—peut-être le fera-t-il, peut-être ne le fera-t-il pas. Il faut que cela figure dans le texte de loi. Les détails pourraient être relégués dans la réglementation, cela ne cause pas de problème, mais il faut obligatoirement mentionner quelque part la question de la juste valeur marchande de ce que vous allez soustraire au bonhomme en question qui essaie de donner à manger à sa famille. En fin de compte, tout se résume à cela.

Personnellement, je considère que ce dossier risque de devenir, pour bon nombre d'exploitants agricoles, par exemple, aussi controversé que la Loi sur le contrôle des armes à feu. Voilà donc l'ampleur du problème, un problème qui risque de prendre des proportions colossales si nous ne nous y prenons pas bien.

Le président: Merci, monsieur Mills.

Monsieur Pearse, à vous.

M. Peter Pearse: Merci, monsieur le président.

Je voudrais répondre surtout aux arguments avancés par M. Mills. Lorsque j'ai fait mon enquête et lorsque je me suis entretenu avec les représentants des gouvernements provinciaux, avec les exploitants agricoles, les gens des compagnies forestières et toutes les autres parties prenantes un peu partout au Canada, la principale chose que tous ces gens m'ont fait valoir avec insistance, c'est qu'il fallait éliminer toute ambiguïté dans le projet de loi. Si tant était que nous puissions préciser ce que signifie le terme «extraordinaire», moi c'est ce que je ferais. Tout le monde m'a demandé de le faire. Ils m'ont même cité des pourcentages qui, pour eux, seraient un pourcentage extraordinaire de la valeur d'une terre qui justifierait dans ce sens le qualificatif d'extraordinaire.

Je pense donc que tout le monde veut un chiffre, un pourcentage dont ils auront la certitude qu'il sera appliqué de la même façon partout. Les producteurs agricoles et bien d'autres parties prenantes encore ont dit et répété ceci: «Nous voulons avoir la certitude que le critère sera appliqué de la même façon, alors s'il vous plaît aidez-nous à préciser ce que veut dire ce terme «extraordinaire».» Une demi-mesure à ce sujet me laisserait très mal à l'aise. Jouez avec le pourcentage si vous voulez, mais précisez très clairement ce que veut dire «extraordinaire» sous forme de pourcentage.

• 1210

Soit dit en passant, si vous regardez les précédents, surtout aux États-Unis, et cinq États américains en ont déjà fait l'expérience, vous constaterez que dans tous les cas il existe un pourcentage.

Le second élément que je voudrais faire valoir est que pour beaucoup de gens, 50 p. 100, c'est un peu maigre. Je le reconnais, 50 p. 100, c'est la moitié de 100 p. 100, mais il n'en reste pas moins que c'est généreux comparativement à toutes les autres interventions réglementaires des pouvoirs publics à l'encontre de la propriété privée. C'est un changement notable au niveau de la politique que de commencer à indemniser les gens dans les interventions réglementaires de ce genre. Cela, il ne faut pas l'oublier. Il faut également ne pas oublier d'être prudent. Après tout, nous ignorons combien tout cela va coûter.

Enfin, la chose la plus importante que je voudrais souligner en parlant de la pingrerie de cette indemnité, c'est que tout ce qu'on trouve dans ce projet de loi, si nous voulons que les choses se passent comme tout le monde le voudrait—et tout le monde veut que le caractère volontaire de la chose marche, le système d'intendance en coopération—et si vous voulez que le système conserve son intégrité et que les cas d'intervention réglementaire obligatoire qui représentent l'autre solution possible restent rares, il ne faut pas offrir une indemnisation trop généreuse, précisément au cas où il faudrait recourir à cette solution.

Je m'en tiendrai-là.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Mills, c'est à vous de décider en quelque sorte si vous voulez vous ranger au côté du contribuable ou au côté du propriétaire foncier.

Nous allons maintenant entendre M. d'Eça.

M. Michael d'Eça: Merci, monsieur le président.

Dans ma réponse initiale à l'idée avancée par M. O'Ferrall de recourir à un tribunal indépendant et impartial, quiconque sera en fin de compte chargé de déterminer comment indemniser les peuples autochtones devra bien connaître la culture et le contexte autochtones. Ici encore, pour vous donner un exemple de la situation unique en son genre des peuples autochtones, qu'est-ce que cela signifie pour Johnny Peters de se voir imposer des limites à cette pratique ancestrale pour lui que la chasse au béluga? Voilà le genre d'information dont le tribunal devra être conscient.

Au départ, lorsque M. Pearse a exposé ses critères d'admissibilité et sa formule d'indemnisation, il n'a pas dit qu'une partie importante de son rapport examinait la question des intérêts autochtones et reconnaissait le caractère unique en son genre des intérêts autochtones à l'endroit des terres et des ressources. Cela a une incidence importante sur la façon d'appliquer les critères d'admissibilité et la formule d'indemnisation. Je prétends pour ma part que, dans le cas des peuples autochtones, ce ne serait pas la même chose.

Je voudrais revenir pendant quelques instants sur quelques- unes de ses observations ou recommandations. Il a dit que les groupes autochtones avaient raison de craindre qu'à défaut d'un effort concerté pour que l'accès aux fonds d'indemnisation reste simple, peu technique et transparent pour eux, ils se trouveraient défavorisé par rapport aux autres plaignants.

Il a dit également que le gouvernement fédéral devait négocier avec les Autochtones une entente claire sur la façon d'orchestrer et de faire fonctionner leurs relations réciproques. Cet accord devrait recevoir la priorité absolue, et il faudrait faire le maximum pour qu'il soit mis en place au moment de la promulgation de la loi.

Il a dit par ailleurs, en parlant du contexte particulier des peuples autochtones, que les dispositions régissant l'indemnisation devraient mettre davantage l'accent sur ce qui suit—en d'autres termes, que cette formule qu'il nous a exposée devrait prendre en compte le fait que les droits autochtones et les droits conférés par les traités ont une plus grande valeur que toute autre forme de droit et qu'il faudrait faire particulièrement attention à tenir compte des valeurs culturelles et de la subsistance que les peuples autochtones tirent de leur terre et de leurs ressources, comme je viens de vous le dire.

Il a dit qu'il fallait tout particulièrement veiller à songer à d'autres manières d'indemniser les bénéfices perdus qu'une simple indemnisation monétaire. Les procédures utilisées pour la mise en «uvre, la négociation et ainsi de suite devraient être aussi simples et aussi directes que ce que permet la diligence raisonnable dont l'État doit faire preuve. Enfin, il faut faire le maximum pour que les Autochtones participent de façon aussi pleine et entière que possible aux projets qui en résulteraient, afin que ceux-ci ne soient pas uniquement indemnisés pour les pertes subies, mais qu'ils puissent également profiter par contrecoup du processus d'indemnisation.

Je terminerai en disant qu'à mon sens, il faudrait modifier les critères d'admissibilité et la formule d'indemnisation de M. Pearse là où ils s'appliquent aux peuples autochtones. M. Pearse parle d'une incertitude considérable quant à la légalité de certains intérêts autochtones. Par conséquent, il serait injuste de faire de l'intérêt légal reconnu la condition première du droit à l'indemnisation. Le gouvernement doit établir le seuil d'accès au régime d'indemnisation en concertation avec les peuples autochtones.

• 1215

Quant au niveau d'indemnisation—et nous parlons ici des 10 p. 100 et des 50 p. 100—, il devrait être plus élevé pour quiconque serait moins en mesure de pouvoir absorber une certaine perte. Un simple trappeur ou un chasseur de bélugas dont la situation financière serait déjà précaire dans le meilleur des cas, devrait être assujetti à un seuil différent.

Assurément, comme je le disais, les experts indépendants spécialisés dans l'évaluation immobilière dont nous parlait M. Pearse détermineraient la valeur d'une perte. Dans le cas d'un Autochtone, cela va poser des problèmes. Il faut que cette évaluation soit conduite par quelqu'un, ou de concert avec quelqu'un, qui connaît intimement le contexte socioculturel de la perte en question. Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Merci.

Le président: La parole est à Mme Wilson.

Mme Peggy Wilson: Sans vouloir revenir sur ce que mon collègue Michael d'Eça a déjà exposé, mais en reconnaissant les points forts du rapport de M. Pearse concernant les questions autochtones, il y a dans ce rapport des éléments que nous pouvons accepter. Michael nous en a donné une liste, et nous sommes effectivement reconnaissants à M. Pearse d'avoir dans une certaine mesure demandé l'avis des Autochtones. Nous encourageons d'ailleurs le comité à prendre en compte sous un jour favorable les éléments qui valent tout particulièrement pour les Autochtones.

Il y a également une ou deux choses avec lesquelles nous ne sommes pas tout à fait à l'aise. Pour commencer, n'ayant pas eu la possibilité d'étudier les problématiques de plus près dans une perspective autochtone, ni d'avoir pu discuter plus avant à ce sujet avec les représentants du gouvernement fédéral, il va nous être difficile de nous prononcer de façon précise à leur sujet.

On a coutume de dire du sage qu'il sait où il a manqué de sagesse, et c'est quelque chose que j'ai pu apprécier chez M. Pearse. Il a effectivement admis qu'il y avait des préoccupations autochtones et qu'il ne se sentait pas à l'aise d'en parler, et il n'a pas pu donner de réponses complètes à ces interrogations.

Le président: Qu'en conclurait la femme dans sa sagesse?

Mme Peggy Wilson: Me demanderiez-vous d'arrêter?

Le président: Pas du tout, mais que conclurait la femme dans sa sagesse?

Mme Peggy Wilson: Une ou deux choses, si vous voulez bien. En l'occurrence, en admettant que la perte serait de 10 p. 100, doit- il s'agir exclusivement d'une perte économique? Dans le cas des peuples autochtones, nous encourageons le comité à prendre également en compte les valeurs culturelles, religieuses, spirituelles et autres valeurs durables, lesquelles vont être extrêmement difficiles à quantifier.

Ici aussi, nous comparons des pommes et des oranges lorsque nous parlons d'une notion de propriété qui, chez les peuples autochtones, chez les Premières nations, n'est souvent pas la même. Nous ne considérons pas la terre selon le bénéfice qu'on peut en tirer, mais plutôt en fonction de la valeur qualitative totale qu'elle représente. Il va donc être extrêmement difficile de se limiter à une transaction purement monétaire. Nous préconiserions assurément qu'on envisage par exemple des échanges de terre ou encore la possibilité d'autres formules, mais j'ignore de quoi il pourrait s'agir.

Les chiffres dont on parle ici, les 50 p. 100, m'inquiètent également un peu. Il y a un arrêt de la Cour suprême du Canada que vous connaissez peut-être, dans l'affaire Glass et Musqueam.

Cet arrêt disait que les terres faisant partie des réserves autochtones valaient la moitié de ce que valaient les autres terres du Canada. Si on applique cette règle des 50 p. 100 aux terres autochtones, cela veut-il dire que les peuples autochtones, les peuples des Premières nations, recevraient seulement le quart de la valeur d'une terre située dans une réserve, par rapport à ce que toucherait un voisin? Je sais que l'interprétation de cet arrêt ne fait pas l'unanimité dans les milieux juridiques, mais c'est simplement quelque chose que je voulais vous signaler.

Dans toute ma sagesse de femme, je n'irai pas plus loin, mais peut-être voudrais-je le faire plus tard. Je vous remercie.

• 1220

Le président: M. Affleck, puis Mme Redman et M. Roth.

M. Peter Affleck: En lisant le rapport de M. Pearse, j'ai vu qu'il avançait trois principes tout à fait fondamentaux qui, à notre avis, devraient être mis en «uvre de façon claire et précise dans le projet de loi.

Ces trois principes sont les suivants: les droits à l'indemnisation appartiennent non seulement aux propriétaires fonciers, mais aussi aux détenteurs des droits d'exploitation des ressources; cette indemnisation sera fondée sur la juste valeur marchande; et, comme vient de le dire M. Pearse, il doit y avoir une protection claire pour les personnes qui ont été lésées par une forme d'application quelconque de la Loi sur les espèces en péril.

Si on laisse la discrétion prévue par le projet de loi, cela ne sera pas possible. Le terme «peut» est très inquiétant. Je ne suis pas juriste...

Mme Aileen Carroll: Vous n'avez pas besoin de l'être.

M. Peter Affleck: Bon. Il y a peut-être des juristes ici qui peuvent répondre à cette question, mais j'aimerais la poser. Si le projet de loi autorise cette discrétion, est-ce que cela exclut ou rend difficile l'inclusion d'une obligation dans le règlement?

J'en ai parlé à certains conseillers juridiques, monsieur le président. D'après eux, si on laisse cette discrétion dans le projet de loi, il sera très difficile d'imposer des obligations par règlement. J'ai l'impression que si l'on peut inscrire très clairement ces trois principes dans le projet de loi, ce serait préférable de laisser une grande partie... tout le fonctionnement du dispositif d'indemnisation et l'établissement des seuils, tout cet équilibre.

Tout le monde reconnaît qu'il faut avoir une structure pour éviter que les gens ne soient incités de manière anormale à demander une indemnisation, mais qu'il vaut mieux laisser cela dans le règlement, qui est beaucoup plus facile à adapter que la loi elle-même.

Je serais heureux que quelqu'un puisse répondre à la question sur le rapport entre la loi et le règlement.

Le président: Vous avez déjà essayé d'y répondre, et je suis d'accord avec votre conclusion. Je ne pense pas que nous souhaitions ouvrir un débat sur ce sujet car je ne pense pas que nous pourrions dégager une réponse claire à votre question, qui est très pertinente mais extrêmement complexe. Je pense que votre intuition est bonne, et j'aurais tendance à être d'accord avec la réponse que vous nous avez proposée.

Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman: Ce que j'ai à dire concorde assez bien avec ce que vient de dire M. Affleck. La question de l'indemnisation des personnes auxquelles on impose des restrictions est très complexe. Environnement Canada a d'ailleurs poussé l'analyse en examinant les choix stratégiques de réglementation. Le ministère a engagé trois experts en évaluation foncière pour le conseiller.

Monsieur Pearse, vous avez parlé du souhait d'effacer toute ambiguïté lorsque vous avez procédé à vos consultations sur la Loi sur les espèces en péril. J'ai l'impression que nous risquons de devoir examiner les problèmes au cas par cas, ce qui est exactement ce que dit M. Affleck, et par conséquent il faut que cela reste dans le règlement. On devra peut-être considérer chaque espèce, chaque programme de rétablissement comme un cas unique. J'estime donc que c'est une excellente raison de maintenir cela dans le règlement, même si pour certaines personnes cela risque de rendre les choses moins claires qu'elles ne le souhaiteraient.

M. Peter Affleck: Du moment que la loi garantit l'équité de la procédure, oui...

Le président: Il y a des avantages à la démarche réglementaire dont parle M. Affleck. L'inconvénient, c'est que les rédacteurs de ces règlements n'ont pas de compte à rendre au Parlement ou au public tant qu'un comité spécial ou un comité permanent de la Chambre n'examine pas ces règlements pour déterminer s'ils correspondent bien à l'intention et à l'esprit de la loi. Il s'écoule une période considérable entre la rédaction du règlement et l'examen qu'effectuent les députés, parfois plusieurs années après.

Il y a donc des avantages et des inconvénients à laisser ce soin à un groupe de personnes bien intentionnées, mais qui n'ont pas de comptes directs à rendre.

• 1225

Monsieur Roth, allez-y.

Oh, pardon, vous n'aviez pas fini.

Mme Karen Redman: Je me demandais si M. Pearse envisageait un scénario au cas par cas quand il a rédigé son texte, et j'aimerais demander à tous les participants s'ils trouvent rassurant qu'il y ait une table ronde 18 mois après la proclamation du projet de loi et ensuite un examen au bout de cinq ans, pour reprendre les préoccupations que vient d'évoquer le président.

M. Peter Pearse: Dans chacun des cas qui nous préoccupent ici, il faudrait évidemment agir au cas par cas pour invoquer en quelque sorte en dernier recours des règlements restrictifs et toute cette procédure éventuelle d'indemnisation.

Ce dont il s'agit, ce sont les règles qu'on appliquerait dans ces cas-là. Je pense que la réflexion judicieuse de M. Affleck visait à faire en sorte que l'on respecte certaines procédures garantissant l'équité dans l'examen de chacun de ces cas.

Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de gens qui pensent que nous ne devrions pas avoir le même traitement pour les petits agriculteurs que pour les gros, ou pour les propriétaires de boisé par opposition aux grandes sociétés d'exploitation forestière, etc. Il est très facile de se laisser entraîner à prendre en compte ce genre de situation spéciale, mais globalement, ce qu'a proposé M. Affleck, c'était qu'on établisse au moins dans le règlement des principes de procédure garantissant un traitement uniforme. Je dois dire que cela me paraît logique.

M. Peter Affleck: Dans la loi. Vous avez dit «dans le règlement».

M. Peter Pearse: Ah bon? Excusez-moi, je voulais dire dans la loi. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Roth, allez-y.

Me Dwayne Roth: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'appartiens au Ralliement national des Métis, et évidemment les Métis au Canada sont des gens privés de terre, et je ne parle donc pas au nom de propriétaires fonciers sur cette question. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans la question du seuil de 10 p. 100, etc., qui concerne les propriétaires fonciers. En revanche, pour ce qui est de la question des principes de juste indemnisation des Autochtones en général et précisément des Métis, j'aimerais tout d'abord faire une remarque au sujet du rapport de M. Pearse. J'ai l'impression que ce rapport reste assez vague sur l'application de ces principes aux Autochtones; ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose.

La question que je vous poserais est la suivante: Envisagez- vous que le critère des 10 p. 100 et l'évaluation de 50 p. 100 pour une indemnisation puissent s'appliquer aussi aux Autochtones?

Nous tenons par contre à bien préciser que le Ralliement national des Métis appuie les principes énoncés dans le rapport de M. Pearse en ce qui concerne l'indemnisation des Autochtones, à la page 29, toute cette idée de valeur supérieure à celle d'autres formes de droits, etc. Je ne vais pas entrer dans le détail. Vous pourrez lire tout cela et vous l'avez sans doute déjà fait.

Pour nous, ce qui compte toujours, ce sont les initiatives d'intendance volontaire, pas l'indemnisation. Il s'agit de terres où les Métis détiennent un intérêt garanti par la Constitution.

N'oubliez pas que les Métis constituent un groupe autochtone unique au Canada. Nous avons été le peuple oublié, probablement à partir du 17 novembre 1885 lorsque Riel a été assassiné, jusqu'en 1982 lorsqu'on nous a inclus dans la Constitution. On continue encore beaucoup trop souvent à nous assimiler tout simplement aux autres groupes autochtones.

Nous n'avons pas de terres de réserve, pour l'instant, mais il y a diverses affaires qui constituent des précédents et qui concernent les droits d'accès des Métis à des terres utilisées pour la récolte, la chasse, la pêche, la cueillette, ce genre de choses. L'affaire Powley en Ontario en est un exemple récent. Nous avons donc établi une jurisprudence à l'appui de notre revendication d'un accès à nos terres historiques.

Je tiens à dire aujourd'hui que les Métis ont des préoccupations, des droits et des territoires distincts de ceux des autres groupes autochtones. Ce qui compte pour nous, ce sont les initiatives volontaires. Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse d'initiatives volontaires ou d'indemnisation, quel que soit le régime proposé, il devra s'appliquer non seulement aux terres visées par un titre juridique, comme les réserves et les biens- fonds, mais aussi aux territoires traditionnels de récolte de tous les peuples autochtones y compris les Métis.

• 1230

Pour ce qui est du seuil et des pourcentages, les 10 p. 100 et les 50 p. 100, d'après ce que je lis dans le rapport, je n'ai pas l'impression que vous pensiez que cela s'appliquerait à la discussion concernant les Autochtones. Ce n'est pas clair mais je ne pense pas que cela s'applique dans ce cas-là. Vous parlez des autres principes, etc.

Je crois que les modalités d'indemnisation doivent être définies dans l'accord entre le gouvernement et les gouvernements autochtones sur lequel nous travaillons actuellement avec le groupe de travail autochtone sur les espèces en péril, et qu'il faudrait en outre les préciser dans le règlement, à la fin.

Nous pouvons fonctionner avec l'autorisation prévue dans la loi actuelle. Elle permet au ministre de faire toutes ces choses. Nous n'avons pas besoin de changer quoi que ce soit à cela, mais il faut le préciser quelque part pour être tranquille. L'accord est un bon endroit pour le faire politiquement, et c'est dans le règlement qu'il faut énoncer tout cela.

J'aime bien l'idée de la démarche fondée sur les principes, en particulier à l'égard des Autochtones. Si le gouvernement décrète qu'il va vous interdire l'accès à une zone particulière, je ne pense pas qu'on pourra dire qu'on évalue la perte à 10 p. 100. Comment peut-on dire que la perte culturelle représente 10 p. 100 de la valeur de la propriété? C'est impossible.

J'aime donc cette notion de démarche fondée sur les principes, et je pense que nous pourrions énoncer des principes dans l'accord et dans le règlement pour notre tranquillité d'esprit, pour savoir que si ce genre de chose arrive, on déclenchera automatiquement un mécanisme d'indemnisation, etc.

Le président: Merci, monsieur Roth.

Nous allons maintenant essayer de conclure ce point, si possible, pour passer au dernier point.

Monsieur Rounthwaite, vous vouliez intervenir?

M. Ian Rounthwaite: J'aimerais faire une remarque à propos de ce qu'a dit M. Affleck. Je suis un peu troublé par ce qu'il a dit à propos de ces trois principes, dont l'un était que les pertes devaient refléter la valeur équitable ou la pleine valeur marchande.

À mon avis, cela revient à supprimer totalement le risque pour les industries d'exploitation des ressources et à transférer le risque à 100 p. 100 sur le contribuable. À mon avis, il s'agit de ressources publiques, qu'il s'agisse de forêts, de pétrole et de gaz ou d'emprises et de servitudes octroyées aux compagnies de pipeline par les gouvernements provinciaux et fédéral. Ce sont des ressources publiques, et en échange de cela, l'industrie paie un prix sous forme de redevances.

Si on annule le contrat ou le droit de propriété dans l'intérêt de cette loi, il me semble que c'est une question de résiliation, et dans le droit, on dit que quand un contrat est résilié, les parties sont renvoyées à leur position initiale. On ne leur accorde pas de pertes ou de profits hypothétiques futurs. On les renvoie à leur position initiale en leur remboursant simplement leurs frais.

Le président: Monsieur Menzies, vous avez la parole.

M. Ted Menzies: Je crois que Bob passait avant moi.

Le président: Excusez-moi. Monsieur Dobson, c'est à vous.

M. Bob Dobson: J'aurais deux choses à dire, dont l'une a déjà été dite.

C'est de ces 10 p. 100 de nos terres ou de notre exploitation que nous avons vraiment besoin pour avoir un revenu net chaque année. Si nous perdons ces 10 p. 100, nous risquons de ne plus avoir de revenu net du tout.

Quand on parle d'un revenu annuel de 20 000 $, et il y a une perte de 10 p. 100, cela fait 2 000 $. On laisse de côté les premiers 10 000 $, et nous touchons 500 $ d'indemnisation. C'est 25 p. 100. C'est parfaitement inacceptable. Je sais que c'est parfaitement inacceptable pour les agriculteurs et les éleveurs, et que cela risque de mettre fin à toute leur volonté de collaboration.

J'ai entendu dire que si l'indemnisation était trop généreuse, tout le monde allait vouloir opter pour cette formule plutôt que l'intendance, mais je ne vois pas du tout cela. Quand nous avons discuté avec les agriculteurs du pays, nous n'avons absolument pas eu cette impression. Il y aurait des formulaires à remplir, ce serait compliqué. Il vaudrait beaucoup mieux opter pour la voie de l'intendance.

Il faut donc qu'il y ait une indemnisation, sinon il va y avoir énormément de mécontentement et tous ces gens-là ne vont pas accepter le régime.

Nous parlons de tout un éventail d'espèces, pas seulement les espèces en péril. Nous parlons d'espèces dont nous discutons depuis des années, et parmi lesquelles figurent les espèces en péril.

Mais ce qui m'inquiète dans tout ce que j'ai entendu, c'est l'idée que nous risquons de perdre une bonne partie de ce qui a été gagné au cours des 30, 40 ou 50 ans passés.

Le président: Merci.

Monsieur Menzies, allez-y.

M. Ted Menzies: Je serai bref, monsieur le président.

• 1235

En tant que propriétaires fonciers ou titulaires de domaine à bail, tout ce que nous souhaitons, c'est une juste indemnisation. Comme je l'ai déjà dit, nous souhaitons cultiver les meilleures récoltes possible sur nos terres et nous ne nous attendons pas à ce genre d'indemnisation. On pourrait dire que c'est une récolte extraordinaire. Ce n'est pas ce genre d'indemnisation que nous demandons. Nous voulons simplement une juste indemnisation.

Si on me demande en tant que propriétaire foncier de renoncer à 50 p. 100 d'un lopin de terre, à ce moment-là chaque contribuable du pays devrait prendre 50 p. 100 de son salaire pendant 10 p. 100 de son année de travail et y renoncer aussi. C'est la même chose. Si on me demande de verser cela en tant que propriétaire foncier, il faudrait demander la même chose aux contribuables. Nous estimons que c'est injuste. Les chiffres que nous avons ici sont injustes. Si l'on supprime complètement notre production, il faudrait calculer la perte à la valeur du marché, mais tout ce que nous demandons, c'est une juste indemnisation.

M. Bob Dobson: J'ai oublié un petit détail, c'est que les agriculteurs sont aussi des contribuables. Ils sont donc doublement ponctionnés avec ce programme. Nous payons déjà nos impôts comme tout le monde. Enfin, à condition d'avoir suffisamment de revenus pour pouvoir payer les impôts.

Le président: Nous devons quitter cette salle à 13 heures.

M. deMarsh, puis Mme Howe.

M. Peter deMarsh: Je vais quitter cette salle avec un sentiment de regret et peut-être même d'échec à l'idée que nous n'avons pas su mieux nous opposer à la notion que l'indemnisation, surtout sa version excessivement généreuse, est en conflit avec l'action volontaire.

J'aurais deux petites remarques à faire. Nous avons au Canada de multiples exemples de cas d'expropriation traditionnels, pour des routes, etc., et de réglementation foncière où les indemnisations versées sont jugées insuffisantes et amènent les propriétaires fonciers à cesser de coopérer, alors que ce sont de bons citoyens, et à intenter des actions en justice pour atténuer leurs difficultés financières. J'en ai mentionné des exemples au début du mois dernier. Ce ne sont pas des cas hypothétiques. Il ne s'agit pas d'essayer de convaincre le gouvernement du Canada de nous payer pour quelque chose que nous ferions parce que c'est la bonne chose à faire si nous avions plus de rigueur morale. Il s'agit de pression financière et de la réaction des personnes qui vivent de cette terre à cette pression.

Si le terme «indemnisation» pose un problème à cause des précédents, etc., utilisez un autre terme. Cela nous est égal. Parlez de partage des coûts entre propriétaires et le public. Peu importe le terme utilisé. Fondamentalement, ce n'est pas une question de principe des droits de propriété, c'est un problème tout à fait concret.

En outre, si l'on continue à dire que le gros problème, c'est le compromis entre un excès d'indemnisation et une insuffisance d'activités volontaires, il y a aussi d'autres compromis que le gouvernement devrait examiner. Je pense au coût de l'application. On n'a pas encore soulevé la question, mais croyez-moi, l'expérience passée montre abondamment que si les propriétaires fonciers ne veulent pas coopérer et agir volontairement, et si le gouvernement veut absolument que cette loi soit appliquée de façon réussie, les coûts d'application vont grimper.

Ce que les propriétaires fonciers essaient de vous dire, c'est que vous avez un choix: ou vous investissez dans le partenariat entre le gouvernement et les propriétaires fonciers les montants auxquels le ministre a fait allusion il y a un an, ou vous risquez d'avoir des coûts d'application beaucoup plus élevés.

Le président: Merci.

Madame Howe, à vous.

Mme Nicole Howe (analyste de la politique, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci, monsieur le président.

J'aimerais répéter certains points de vue qui ont déjà été exprimés ici aujourd'hui. Les agriculteurs trouvent injuste de devoir couvrir 55 p. 100 du coût de la protection des espèces. Ce serait la moitié des 90 p. 100 en plus des 10 p. 100.

• 1240

J'aimerais aussi ajouter que nous réclamons une pleine indemnisation, et que cette indemnisation doit inclure des choses comme les intrants utilisés pour faire pousser une récolte. Il faudrait indemniser les agriculteurs non seulement pour le coût de la récolte, mais aussi pour le coût des semences, des pesticides et des engrais qu'ils achètent pour produire cette récolte.

Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps pour aborder d'autres questions, mais à propos de solutions autres que l'indemnisation, comme les échanges de terre, je dirais que si l'on doit utiliser ce genre de formule, il faudra qu'il y ait des lignes directrices claires et que les échanges fassent l'objet d'un consentement mutuel du propriétaire foncier et des autorités. S'il n'y a pas accord, il faudrait qu'il y ait indemnisation pécuniaire.

On a parlé de l'équilibre entre les incitations à l'intendance et cette notion d'indemnisation, et je sais que M. Friesen voulait soulever ce point avant de partir. Le fonctionnement du système n'est pas très clair. Prenons par exemple le cas d'un agriculteur qui veut couper du foin, mais disons que cela menacerait le nid d'un oiseau appartenant à une espèce en péril. S'il accepte volontairement de ne pas couper ce foin, j'imagine qu'il recevra de l'argent pour l'encourager. Il a peut-être l'impression qu'il faudrait vraiment qu'il coupe ce foin, qu'on lui demande quelque chose d'extraordinaire, donc il s'agit d'une situation où l'on impose une réglementation et où l'on met en place un dispositif d'indemnisation. Le montant que l'agriculteur toucherait à titre d'incitatif serait-il pris en considération pour l'indemnisation? Je ne sais pas comment fonctionneraient exactement les deux systèmes ni s'il y aurait un lien entre les deux. Il faudrait peut- être revenir là-dessus à l'avenir.

Merci.

Le président: Monsieur Affleck, vous aviez un commentaire?

M. Peter Affleck: Je serai bref, monsieur le président. Merci.

Pour répondre à M. Rounthwaite, il faut qu'il y ait une obligation claire dans la partie législative de la loi. La juste valeur marchande est un aspect incontournable des autres mesures législatives concernant l'indemnisation au Canada. Mais il faut qu'il y ait une protection au niveau de la procédure, comme l'ont dit plusieurs témoins aujourd'hui. À titre de précision pour M. Rounthwaite, je dirais que si la procédure d'équité consistait à remettre l'intéressé dans sa position antérieure, il faut savoir que dans notre cas, ce contrat comporte en partie une clause de dépendance en vertu de laquelle nous pouvons construire des scieries représentant des centaines de millions de dollars. N'oubliez pas cela quand vous chercherez à savoir si nous devons ou non être replacés dans notre position antérieure en cas d'annulation d'un contrat.

Le point sur lequel je voudrais terminer, monsieur le président, c'est que l'indemnisation ne peut être déclenchée que par une initiative du gouvernement. Un propriétaire foncier ou un exploitant ne peut pas déclencher cette procédure unilatéralement. C'est donc le gouvernement qui garde le contrôle de cette démarche. Je crois qu'il faut que la loi stipule clairement l'obligation d'indemnisation, pour que l'on puisse user de discrétion pour définir les interdictions lorsqu'on prendra des décisions en vertu de cette loi. Il faut que le décideur sache qu'il y a cet équilibre, et qu'il ne s'agit pas simplement de prendre quelque chose—naturellement, je simplifie, je sais que ce ne serait pas le cas. Il faut qu'il y ait une entente en vertu de laquelle si l'on prend quelque chose, il y a aussi le devoir d'entreprendre une procédure d'indemnisation pécuniaire.

Le président: Bon. Merci, monsieur Affleck, pour cette intervention qui doit nous rassurer, je pense.

Je ne sais pas comment résumer tout ce débat pour passer au dernier point et conclure avant une heure. Franchement, tout ce que je sais, c'est que dès qu'il y a contact entre les humains et la faune, il y a conflit, et toute la question est de résoudre ce conflit. Ce projet de loi ne porte pas tant sur la protection de la faune que sur l'atténuation des comportements humains et l'établissement d'une certaine stabilité dans la société.

• 1245

Je ne sais pas comment quantifier financièrement, par exemple, le vol d'un aigle ou l'apparition d'un béluga dans l'Arctique. Vous savez bien. Vous savez que nous avons tout cela à l'esprit.

Il y a donc des valeurs inquantifiables, comme certains l'ont déjà dit. Certains ont souligné l'importance d'une bonne procédure d'indemnisation. M. McLean, dans son exposé d'introduction, nous a rappelé que l'intendance et l'indemnisation étaient étroitement liées que ce ne sont pas des éléments séparés.

Ce que l'on souhaite manifestement, c'est d'avoir une bonne loi pour mettre l'essentiel, si non la totalité des oeufs dans le panier de l'intendance, et laisser du côté de l'indemnisation les cas très marginaux, les cas de force majeure. Ce serait probablement la démarche idéale.

Pardonnez-moi de ne pas être en mesure de mieux résumer notre débat sur ce point 3, mais c'est très difficile.

Pourrions-nous passer quelques minutes sur le point 3, qui nous a été soumis il y a quelques heures, à savoir: Est-ce que les dépenses liées aux indemnités ne risquent pas de consommer des fonds destinés à d'autres mesures prévues par le projet de loi C-5?

Monsieur McLean, pourriez-vous nous donner un aperçu de la question?

M. Robert McLean: Je craignais effectivement que vous ne me demandiez mon point de vue.

La petite note que je me suis écrite à propos de ce point, c'est qu'il s'agit d'indemnisation et de stimulants. J'ai dit tout à l'heure que les deux étaient inséparables. Ce point de vue a été confirmé lors de nombreuses interventions ce matin. Je pense que les deux sont inséparables, qu'il s'agisse du financement requis ou de la façon dont on procède à l'évaluation, en se fondant sur la juste valeur marchande ou sur l'autre forme d'évaluation.

Je dirais tout d'abord que comme les deux sont liées... Je sais bien qu'on a dit tout à l'heure que l'indemnisation coûtait cher, mais je persiste à penser que l'on n'utilisera que rarement les restrictions imposées par le règlement. J'ai expliqué tout à l'heure pourquoi je pense que, même quand on y aura recours, on ne parlera pas nécessairement d'indemnisation. Le coût principal sera en fait lié aux programmes d'intendance.

La deuxième chose que je voudrais dire, c'est qu'il est important de travailler en partenariat. De nombreux programmes d'intendance existent déjà. Je reviendrai sur Prairies Canada pour parler du programme de conservation et de gérance de l'habitat et du programme de don de biens écosensibles. Vous avez peut-être entendu parler du plan de gestion de la sauvagine nord-américaine. Nous allons consacrer 75 millions de dollars cette année à l'habitat humide, pas seulement à la sauvagine, mais à toutes les espèces pour lesquelles cet habitat humide est important.

Ce ne sont que trois des programmes existants dans mon secteur. Il y a de nombreux autres programmes d'intendance. Il se pourrait donc que nous ayons plus d'argent que nous ne le pensons pour l'intendance au niveau régional. Peut-on organiser ces dépenses de façon à répondre aux principales priorités? C'est de cela que je voulais parler tout à l'heure en parlant d'intégrer les plans de rétablissement.

Une fois qu'on a des objectifs pour l'habitat dans une zone donnée et qu'on comprend les effets nets des programmes d'intendance, on peut vraiment mieux répondre à la question du montant financier net supplémentaire nécessaire. Nous pourrions y passer beaucoup de temps, mais il est plus important de comprendre les objectifs en matière d'habitat et d'établir ces partenariats.

Les partenariats sont également très importants dans le contexte de l'indemnisation. Imaginons en dernière analyse qu'il faut régler ce problème. Nous avons un partenariat formé de personnes qui sont en mesure de trouver la meilleure solution à l'indemnisation. Le ministre de l'Environnement ou le gouvernement fédéral ne sont peut-être pas les mieux placés pour assurer l'indemnisation. C'est peut-être le gouvernement provincial qui a les moyens voulus pour répondre à ce besoin.

Ce n'est pas toujours une question d'argent. M. Pearse, dans son rapport, parlait d'échange de terres et de droits. Si un secteur n'est pas ouvert à la chasse et à la pêche, peut-on ouvrir d'autres secteurs pour ces mêmes activités? Cela rejoindrait directement plusieurs interventions des groupes autochtones et cela soulignerait l'importance de ces questions culturelles.

Je vais m'arrêter ici parce qu'on manque de temps.

Le président: Merci.

Je vais pratiquer un peu de despotisme pour les 10 prochaines minutes, et j'ai cette proposition à vous faire. Je vous donne une minute chacun, si vous voulez intervenir. Vous voudrez peut-être parler de cette question particulière ou faire une déclaration plus générale, ce sera comme vous voudrez. Nous allons commencer par M. Affleck et nous terminerons avec M. Roth.

• 1250

Monsieur Affleck, vous avez la parole.

M. Peter Affleck: J'aimerais simplement reprendre ce que Bob McLean vient de dire, monsieur le président. Je pense que la question du coût doit faire l'objet d'un règlement global.

J'ignore si l'on peut calculer combien coûteront toutes ces indemnisations. Tout comme M. McLean, j'ai l'impression qu'avec le projet de loi tel qu'il est, les montants ne seront pas importants. J'espère que le train de mesures que l'on va prendre sera axé sur la coopération dans le respect de l'esprit et de l'intention du projet de loi.

Le président: Merci, monsieur Affleck.

Madame Wilson, à vous.

Mme Peggy Wilson: Merci.

Je dirais deux choses. Tout d'abord, la Constitution de notre pays est notre loi suprême. On y reconnaît les titres fonciers des Autochtones, les droits fonciers des Autochtones qui sont issus de traité. J'encourage les membres du comité à soutenir les efforts qui concrétiseront ces droits, quelle que soit la loi qui sera adoptée, particulièrement au chapitre de l'indemnisation. Les droits fonciers des Autochtones sont reconnus par la Constitution, et il devrait en être fait mention dans le projet de loi.

Je tiens également à dire ceci. J'ai aimé ce qu'a dit M. McLean au sujet du partenariat. Nous tenons énormément à collaborer avec vos vis-à-vis du gouvernement fédéral pour remédier aux difficultés qu'éprouvent les Premières nations relativement à ce projet de loi. Nous serons heureux de prendre part à ces discussions futures.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur d'Eça, allez-y.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, toute la question de l'accès à l'indemnisation et aux fonds d'intendance est à mon avis d'une grande importance pour les peuples autochtones. Ils sont très nerveux. M. Pearse, dans son rapport, le reconnaît. Il est également en faveur de la création d'un fonds d'intendance distinct pour les Autochtones parce que s'il y a concurrence pour des fonds limités, vous pouvez être assez certain que les peuples autochtones n'auront pas leur juste part. Il faut qu'il y ait un fonds d'intendance distinct pour les Autochtones.

Chose tout aussi importante, le gouvernement doit négocier et conclure des arrangements avec les peuples autochtones, parallèlement aux accords bilatéraux. Nous avons parlé de l'accord. Ce genre d'initiative doit être considéré comme une priorité et faire l'objet d'un engagement de la part du gouvernement.

En dernier lieu, monsieur le président, je tiens à dire ceci. Comme nous l'avons dit dans nos mémoires au comité, l'article 64 dans sa mouture actuelle exclut un certain nombre de personnes qui agissent en vertu des accords relatifs aux revendications territoriales. Il faut amender cet article pour corriger cette omission.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Peters, à vous.

M. Johnny Peters (Interprétation): Merci, monsieur le président.

Je tiens à faire remarquer que les Inuits du Canada, particulièrement ceux du nord du Québec, que je représente, sont très différents des... Je parle des préoccupations qui ont été exprimées ici. Nous sommes d'accord avec eux, nous devrions d'ailleurs tous l'être. Cette question nous préoccupe tous.

J'aimerais faire une dernière observation. Les préoccupations des Inuits sont très différentes de celles qui ont été exprimées ici.

Nous sommes d'accord avec ce que dit Michael, il faut peut- être une approche différente qui serait articulée dans un texte de manière à éviter toute confusion, il faut démêler les choses pour que nous puissions tous nous comprendre, parce que nos préoccupations sont totalement différentes de celles qui ont été exprimées ici.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Menzies, je vous en prie.

M. Ted Menzies: Merci.

• 1255

On ne cesse de dire que le partenariat est la solution nécessaire et désirable. Je pense l'avoir mentionné dans mon mémoire antérieur, et je tiens à le réitérer. Si ce projet de loi n'est pas fondé sur un partenariat, nous courons à l'échec.

Pour ce qui est du processus budgétaire, les Canadiens sont très sensibles aux problèmes que posent les espèces en péril; ils sont tout à fait d'accord avec notre démarche. Je pense qu'il faut faire quelque chose, lorsque nous parlons de budget ou d'argent pour ces programmes—qu'il s'agisse d'une indemnisation ou de quoi que ce soit d'autre. Il faut lancer une campagne de sensibilisation du public pour faire savoir aux gens que la protection de l'environnement, la protection des espèces qui habitent notre territoire, coûte quelque chose. C'est à mon avis le rôle du législateur, de s'assurer que le public le sache, que chacun soit disposé à faire cela, mais tout cela a un prix.

Je crois alors que le public avalisera ce projet de loi. J'espère que cette question de l'indemnisation ne va pas saborder ce projet de loi. Je pense que nous avons consacré beaucoup trop de temps aujourd'hui à parler de cela. Cela peut être réglé très facilement.

Le président: La négligence de l'environnement a aussi un prix.

M. Ted Menzies: Absolument.

Le président: La parole est à M. Dobson.

M. Bob Dobson: Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est qu'il n'y a pas vraiment lieu de croire que le coût de l'indemnisation va compromettre le financement des autres mesures que prévoit le projet de loi C-5. Tout le monde sait que le gouvernement n'a pas engagé de ressources suffisantes pendant des années pour assurer la conservation des espèces en péril. Le public est d'accord pour que l'on investisse des ressources suffisantes dans cette initiative.

Le président: Monsieur McLean, à vous.

M. Robert McLean: Les partenariats régionaux que j'ai mentionnés reposent sur deux autres valeurs. La première, c'est l'importance de faire intervenir les Autochtones dans les partenariats régionaux. L'essentiel ici consiste à faire participer les Autochtones au processus décisionnel plutôt que de faire simplement des organisations autochtones, dans le cas du programme d'intendance de l'habitant, des bénéficiaires du financement. Les Autochtones doivent être partie prenante au processus décisionnel.

L'autre valeur sur laquelle repose les partenariats régionaux est... J'ai parlé longuement de ce qui influence les programmes de conservation des habitats. Chose encore plus importante, ce qui influence l'habitat dans ces vastes régions, ce sont la politique sectorielle, la politique agricole, la politique forestière, énergétique, et bien d'autres politiques. Ces politiques, à mon avis, exerceront une influence considérable sur le rétablissement en général des espèces en péril et sur la prévention de ces mêmes périls. Dans les prairies du Canada, nous perdons encore des habitats.

Le président: Merci.

Monsieur deMarsh, vous avez le dernier mot—mais soyez bref, s'il vous plaît.

M. Peter deMarsh: À mon avis, il est possible que les représentants des propriétaires fonciers aient des réactions excessives face à la menace véritable que pose le débat sur la consultation. M. McLean, dans sa première intervention, a mentionné le fait que l'approche essentielle de ce projet de loi se situera au niveau du paysage, ce qui devrait certainement écarter toute menace sur les propriétés individuelles.

Toutes les associations du pays veulent encourager l'intendance; c'est là que nous voulons investir nos efforts. Nous voulons inviter M. McLean à jouer un rôle dans les partenariats régionaux relativement au fonds d'intendance. Si nous voulons que le gouvernement gère bien l'indemnisation, c'est parce que ce sera un instrument essentiel qui nous permettra de promouvoir l'intendance et de faire oublier chez nos membres les menaces imaginées, réelles ou exagérées.

Le président: Merci.

La parole est à M. O'Ferrall.

M. Brian O'Ferrall: J'ai deux points. Premièrement, si on n'a pas au moins le droit de réclamer une indemnisation, peu importe si elle est accordée, je pose une question pour la forme: Quel incitatif existerait-il pour le ministre de financer le coût de l'intendance, c'est-à-dire, de financer ce que cela coûterait au propriétaire foncier pour avoir un programme destiné à protéger certaines espèces, mais pour lequel il devra payer de sa poche?

Le deuxième point est le suivant, et je comprends ce que vous dites, monsieur le président: si on n'accorde pas un financement suffisant pour protéger tous les propriétaires de terres ou de ressources qui seront directement et financièrement touchés par les interdictions de la loi, si le financement n'est pas adéquat, en tant que société nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir cet objectif d'intérêt public qui sous-tend l'imposition de cette interdiction. Ma déclaration tient compte de ce que vous venez de dire: Pouvons-nous nous permettre de ne pas le faire? Si le fardeau est trop onéreux pour un segment particulier de notre population, la réponse est que nous ne pouvons pas nous le permettre.

• 1300

Le président: Madame Howe, vous avez la parole.

Mme Nicole Howe: Comme on a dit, les producteurs ont toujours assuré une bonne intendance de la terre, et ils continuent de le faire. Les producteurs doivent savoir qu'une pleine indemnisation sera assurée advenant des pertes financières à défaut d'un accord volontaire. Une fois qu'on aura ce filet de sécurité, nous pourrons nous attaquer aux questions plus importantes telles que les efforts de partenariat et de conservation.

Le président: Merci.

Monsieur Rounthwaite, à vous.

M. Ian Rounthwaite: Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président.

Le président: La parole est à M. Roth.

Me Dwayne Roth: Afin de sauver du temps, je cède ma minute à M. Pearse.

Le président: Il aura aussi sa minute.

Me Dwayne Roth: Ça lui fera donc deux minutes.

Le président: Deux minutes. Merci.

M. Peter Pearse: Je serai bref, monsieur le président.

Il ne faut pas oublier, surtout lorsque nous parlons d'une indemnisation, que ce qui est excellent dans cette législation—et je crois que tous en conviendront—, c'est l'intendance, l'approche coopérative, les partenariats dont on a discuté. C'est sans doute la meilleure solution, la solution la plus efficace, et la moins intrusive—il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles nous voulons que cela fonctionne. Je crois que tout le monde est du même avis.

Nous voulons éviter le recours aux interdictions obligatoires. Ce sera un dernier recours. Il s'agira de réparer les pots cassés lorsque, pour une raison ou une autre, on ne veut pas ou ne peut pas déployer un effort volontaire.

Pour ce qui est de l'indemnisation, il me semble qu'il s'agit d'un changement important dans la volonté du gouvernement d'indemniser les gens exposés à une intervention réglementaire.

Il est clair que les recommandations que j'ai apportées ne sont pas coulées dans le béton; je serais le premier à le dire. Nous devons essayer de concilier l'engagement à partager les coûts avec les propriétaires fonciers et les incitatifs à travailler au sein d'un système d'intendance.

Nous avons beau en débattre, nous ne connaissons pas l'issue; et en bons Canadiens, nous allons sans doute continuer à en débattre. Puis nous allons trouver un compromis et un juste milieu que nous estimons être bon pour tous, mais je ne peux pas vous dire dès maintenant comment tout cela va fonctionner.

Ce que je vous suggère, ce que je vous conseille, c'est de mettre en place un régime d'indemnisation généreux qui serait déclenché lorsque l'option intendance échoue; puis on pourra revoir la question dans cinq ans, tel que prévu dans la législation. Cependant, il n'y a pas lieu, à mon avis, de trop insister tout de suite pour la création d'un tel régime.

Merci.

Le président: C'est tout.

Au nom de mes collègues, je vous remercie pour cette séance formidable. Nous avons tous beaucoup appris. Nous saurons en profiter.

J'aimerais demander à M. McLean, en votre présence, de nous dire si lui et ses collègues du ministère seront disposés à faire un examen complet du procès-verbal de cette réunion, au fur et à mesure qu'il sera imprimé, afin de nous assurer que les fonctionnaires du ministère en tiendront compte lors de la rédaction des règlements et, même avant cela, lors de la dernière révision de la législation. Pouvez-vous me le promettre?

M. Robert McLean: Oui, absolument. Je n'ai pas pu prendre de notes. J'ai hâte de voir le compte rendu.

Le président: Merci à tous. Ce fut une excellente réunion.

La séance est levée.

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