ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 26 septembre 2001
Le président (L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à notre séance d'aujourd'hui, qui est tenue conformément à l'article 108(2) du Règlement. Il s'agit d'une séance d'information sur la Septième Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
[Traduction]
C'est avec beaucoup de plaisir que nous accueillons les distingués fonctionnaires de deux ministères, soit des Affaires étrangères et de l'Environnement. Nous vous souhaitons naturellement la bienvenue.
Comme le veut l'usage, nous vous invitons à faire de courts exposés si possible. Si chacun d'entre vous prend la parole pendant 10 minutes, cela fera 50 minutes au total. Nous pourrons ensuite avoir une série de questions et de réponses, ce qui est parfois très productif et instructif.
Faut-il comprendre que Norine Smith sera la première à prendre la parole?
Mme Norine Smith (sous-ministre adjointe, Politiques et communications, Environnement Canada): Oui. Je vous remercie.
En fait, il n'y aura qu'un seul exposé. C'est moi qui le ferai pour vous brosser les grandes lignes de l'accord de Bonn, après quoi—nous avons des négociateurs chevronnés avec nous—nous serons à votre disposition pour répondre aux questions. Mon exposé durera probablement de 10 à 15 minutes.
Le président: Je vois. Il est bon de le savoir. Qui prendra la parole après Mme Smith?
Mme Norine Smith: Nous ne ferons pas d'exposés individuels. Je vous donnerai un aperçu, après quoi...
Le président: Vous allez parler au nom du ministère.
Mme Norine Smith: Je parle au nom de l'équipe de négociation, qui est composée...
Le président: Vous allez donc être la porte-parole des deux ministères?
Mme Norine Smith: En fait, oui! L'équipe de négociation regroupe en effet des fonctionnaires de plusieurs ministères. Je suis accompagnée d'une partie du comité, des principaux négociateurs dans plusieurs domaines. Donc, ils...
Le président: Donc, tous les autres sont venus vous appuyer...
Mme Norine Smith: Non, non.
Le président: ...ou vous admirer?
Mme Norine Smith: Je prévois que le comité aura des questions au sujet de divers aspects des accords, et ces personnes sont présentes en tant qu'experts pour vous répondre.
Le président: Fort bien! Si c'est ainsi que vous avez prévu de faire. Qui nous parlera de la dimension nationale? Vous également?
Mme Norine Smith: Oui, je le peux.
Le président: De même que de la dimension internationale?
Mme Norine Smith: Je le peux également.
Le président: Fort bien. Vous avez donc la parole.
Mme Norine Smith: Monsieur le président, je vous remercie.
Je vais m'en tenir au court exposé qui a été fourni au comité il y a deux jours, si j'ai bien compris. Nous en avons d'autres exemplaires, si des membres en ont besoin.
Mon exposé portera plus particulièrement sur la dimension internationale, sur l'accord de Bonn en fait—le résultat des négociations à Bonn et ce qu'il reste à faire lors des négociations à Marrakech.
• 1535
Si vous regardez la page trois de notre document, vous y
trouverez les grandes lignes de ce que prévoit l'accord de Bonn.
Nous avons là ce que le Canada juge être un compromis tout à fait
raisonnable. Ce fut tout un exploit pour l'équipe de négociation
canadienne de faire progresser et reconnaître le dossier des puits.
Beaucoup de travaux détaillés ont été entrepris au sujet des
mécanismes de Kyoto. Les travaux ont donc bien progressé, et nous
avons ce que nous estimons être un cadre plutôt pratique.
Nous avons un régime d'observance plutôt raisonnable. Il subsiste cependant des incertitudes à cet égard. Les négociations concernant les engagements des pays en développement ont été complétées. Les engagements financiers sont tout à fait gérables pour les pays en développement. Nous avons aussi le début d'un processus relatif aux exportations d'énergie propre. En fait, la semaine prochaine, le Canada sera l'hôte d'une rencontre à ce sujet.
L'accord de Bonn est un accord politique. Il s'agit d'un texte relativement bref. Ceux qui se réuniront à Marrakech prendront comme point de départ un document de 12 pages, pour en faire un texte juridique de 250 pages environ. Toutefois, l'accord comme tel répond aux principales questions relatives à la façon dont nous allons mettre en oeuvre le protocole de Kyoto. Grâce aux principales questions réglées dans le cadre de cette négociation politique, nous en arrivons à la conclusion que nous avons probablement la souplesse voulue pour passer aux prochaines étapes.
Le président: Excusez-moi, mais j'aimerais intervenir pendant un instant. Êtes-vous en ce moment à la page trois, sur le point de passer à la page quatre?
Mme Norine Smith: Oui.
Le président: Je vous remercie.
Mme Norine Smith: Donc, à la page quatre, on peut voir que le 23 juillet, après le volet ministériel de la rencontre de Bonn, le premier ministre a commenté les résultats de cette rencontre. Dans les faits, ces commentaires sont nos instructions pour l'année à venir. Il a dit—et je cite:
-
Je suis persuadé que l'entente conclue cette fin de semaine à Bonn
ouvre à la voie à la ratification du Protocole de Kyoto par le
Canada l'an prochain, après avoir consulté les provinces, les
territoires, les parties intéressées et d'autres Canadiens.
À la page cinq, vous trouverez quelques renseignements au sujet de la dynamique de la réunion comme telle à Bonn. Comme vous le savez, les négociations de La Haye avaient été très difficiles et avaient abouti à une impasse. La rencontre de Bonn a débuté par trois ou quatre jours de négociations techniques entre fonctionnaires, suivie de deux jours de négociations et d'une étude des enjeux par les ministres.
À la fin de ces journées, la présidence de la session, le président Pronk, ministre de l'Environnement des Pays-Bas, a regroupé tous les conseils et toutes les opinions qu'il avait entendus durant les sessions de La Haye, les réunions intermédiaires et la rencontre de Bonn. Il a ensuite présenté un texte énumérant une série de mesures à prendre ou à laisser.
J'aimerais vous situer un peu en contexte en ce qui concerne le groupe parapluie. Il est différent de bon nombre des autres groupes de négociation. Il s'agit d'une coalition plutôt flexible de 11 pays environ. Le groupe était assez partagé quant à l'acceptabilité des mesures à prendre ou à laisser proposées par le président Pronk.
• 1540
Plusieurs pays membres du groupe parapluie étaient fort
heureux du texte qui existait déjà. Le G-77 plus la Chine était
disposé à l'accepter comme tel. Par contre, le Canada, la Russie,
l'Australie et le Japon ont exprimé des préoccupations et
souhaitaient poursuivre les négociations au sujet de divers
éléments du texte.
Le seul domaine à propos duquel il a fallu poursuivre les négociations a été le régime d'observance, et certains changements y ont été apportés entre le samedi soir et le lundi matin, lorsque l'accord a été conclu. Comment en fait état cette page, pour que les mesures soient acceptables au Canada à ce stade, il fallait qu'il y ait un certain équilibre, soit un texte très musclé en ce qui concerne les puits, des dispositions raisonnables relatives aux pays en voie de développement qui ont fait d'énormes progrès au sujet de points comme les mécanismes et des concessions importantes de la part d'autres parties pour ce qui est du régime d'observance. Le Canada s'est donc joint aux autres quand l'accord a été conclu le lundi matin.
Passons à la page six. Je vais consacrer un peu plus de temps à chacun de ces quatre ou cinq principaux points. Tout d'abord, les puits, plus particulièrement la façon dont les forêts et les sols agricoles absorbent le dioxyde de carbone et la façon dont cela influe sur la solution aux changements climatiques, représentaient un très important point de principe pour le Canada dans ces négociations. Les puits, lorsqu'ils sont des sources, lorsque les forêts et les sols agricoles sont mal gérés et sont des sources de changements climatiques, représentent une importante cause du problème. À l'échelle mondiale, 20 p. 100 environ des émissions annuelles proviennent des forêts et des sols agricoles. Nous tenions à faire en sorte que cette principale source du problème soit une éventuelle source importante de solution.
L'arrangement définitif relatif aux puits nous permettra, espère-t-on, d'accumuler quelque 30 mégatonnes d'émissions—vous pouvez, si vous le souhaitez, les qualifier de crédits, mais j'utilise l'expression dans un sens très large—en fonction des pratiques forestières et agricoles en place au Canada. Grâce à d'autres investissements, nous pourrons, selon l'entente relative aux puits, avoir un nombre un peu plus élevé d'émissions, si c'est possible.
Le président: Pour le bénéfice de tous les membres, madame Smith, vous pourriez peut-être préciser le nombre total de mégatonnes à atteindre, de sorte que les 30 mégatonnes puissent être situées en contexte.
Mme Norine Smith: L'écart estimatif entre le scénario normal de ce que seraient les émissions du Canada en l'an 2010 et notre objectif, qui est un niveau de 6 p. 100 inférieur aux émissions de 1990, est de 200 mégatonnes environ. On évalue qu'environ 15 p. 100 de ces réductions seront réalisées au moyen d'une bonne gestion de nos forêts et de nos sols agricoles.
Les travaux qui restent à faire à Marrakech, à ce stade-ci, sont de nature en grande partie technique. Ils concernent la comptabilisation et la présentation de rapports et de lignes directrices. Ce sont de très importants travaux, et nos experts techniques feront de leur mieux pour trouver la bonne solution. Cependant, l'entente relative aux puits est en place, et nous avons maintenant pour défi, au Canada même, d'accélérer le rythme de nos travaux tant au sein du gouvernement fédéral qu'avec les provinces et les territoires au sujet de nos systèmes nationaux de mesure, de suivi et d'établissement de rapports, des niveaux d'investissement public et privé dans l'exploitation forestière de même que des programmes d'information des agriculteurs, par exemple, quant à la façon dont ils gèrent leurs sols et qu'ils peuvent contribuer à améliorer l'action des sols en tant que puits.
• 1545
Pour ce qui est des mécanismes de Kyoto, l'accord de Bonn
établit le cadre d'un marché international des gaz à effet de
serre. Le Canada tenait beaucoup, entre autres, à ce qu'il n'y ait
pas de plafond artificiel pour le fonctionnement du marché.
Certaines autres parties aux négociations souhaitaient imposer des
contraintes à divers égards.
Une de ces contraintes est l'idée de la supplémentarité. Plus particulièrement, l'expression technique désigne la partie de l'effort total d'un pays qui est déployé à l'intérieur de ses frontières ou qui peut être déployé dans d'autres régions du monde. Bien que le Canada ait annoncé depuis un bon nombre d'années qu'il projette de réaliser la majorité de ses réductions sur son territoire, il tenait néanmoins au principe que ce genre de contraintes numériques soit intégré au système. Il n'y a pas de restriction quantitative de quelque genre que ce soit dans l'accord de Bonn quant à la façon dont un pays peut s'y prendre pour réaliser l'objectif de Kyoto.
On a réalisé beaucoup de travaux techniques détaillés visant à simplifier le processus suivi pour faire approuver des projets sous le régime du développement propre. Une des particularités du régime de développement propre, c'est qu'il y aura une charge à payer—des frais d'adaptation—en fonction des projets. Ces frais serviront à financer les projets d'adaptation dans les pays en voie de développement. Les frais d'adaptation sont de 2 p. 100, ce qui, avec un peu de chance, fera en sorte qu'il y ait suffisamment de ressources pour l'adaptation sans toutefois imposer un trop lourd fardeau fiscal qui découragerait l'industrie d'adopter le mécanisme de développement propre.
Un autre enjeu était ce qu'on appelle la réserve pour la période d'engagement. Il s'agit de la proportion de tous les crédits d'un pays que celui-ci peut vendre durant la période d'engagement. Pour un pays comme le Canada, la réserve pour la période d'engagement est de 90 p. 100, ce qui signifie que nous pouvons vendre jusqu'à 10 p. 100 de nos unités. Des pays comme la Russie ou l'Ukraine, dont les émissions sont actuellement bien en deçà de leurs objectifs de Kyoto en raison du fort ralentissement de leurs économies depuis 1990, peuvent vendre 100 p. 100 de leur niveau d'émissions actuel.
La réserve pour la période d'engagement est importante pour faire en sorte qu'il y ait suffisamment de liquidités sur le marché, et nous sommes à l'aise avec la façon dont elle est actuellement fixée. Il y aura probablement suffisamment de liquidités sur le marché.
L'utilisation de l'énergie nucléaire comme moyen de réduire les émissions dans d'autres pays, en particulier dans des pays en voie de développement, dans le cadre du mécanisme de développement propre, ou dans d'autres pays qui sont énumérés à l'Annexe 1 comme le Canada, qui est un pays de l'Annexe 1 dans le cadre de la mise en oeuvre conjointe, a été un des principaux points d'achoppement des négociations. La vaste majorité des pays était très vivement opposée à l'inclusion de l'énergie nucléaire comme éventuel type de projet. Le texte parle de s'abstenir d'utiliser les crédits de projets nucléaires.
• 1550
Ce sont là les principaux enjeux politiques, de sorte que nous
avons maintenant une assez bonne idée de la façon dont
s'appliqueraient les mécanismes de Kyoto.
Passons maintenant à la page huit, qui fait état de ce qu'il faudra faire à Marrakech. Il reste encore beaucoup de questions techniques à régler pour aboutir à des règles qui serviront à mesurer, à déclarer et à vérifier les réductions des émissions et à rendre compte des échanges d'unités de réduction. Ce texte cause beaucoup de difficultés au niveau des détails. Mais, comme je l'ai souligné, nous avons actuellement en place le cadre général.
La page neuf porte sur le régime d'observance. Un des principaux éléments qui ont fait l'objet d'une entente était que le taux de restauration serait de 1,3. Cela signifie que, pour chaque tonne de réduction qu'un pays ne réalise pas durant la première période d'engagement, il faudra qu'il compense par une réduction de 1,3 tonne durant la deuxième période d'engagement. Le pays serait obligé de déposer un plan d'action en matière d'observance pour expliquer comment il compenserait pour la partie de l'objectif qui n'a pas été atteinte, et il est prévu que le plan d'action accorde la priorité aux mesures nationales. Il n'y a pas de pénalités financières.
Un des points qui n'a été réglé qu'à la toute dernière minute des négociations était, comme je l'ai dit tout à l'heure, le seul domaine qui n'a été négocié qu'une seule fois. Le président Pronk a présenté sa série de mesures à prendre ou à laisser, qui représentait le régime d'observance. Une des questions clés était de savoir si les conséquences de la non-observance seraient juridiquement contraignantes ou pas.
Le Japon, l'Australie et la Russie ont exercé de très fortes pressions—pour diverses raisons—pour que le régime d'observance soit musclé, bien que ces trois pays ne souhaitent pas qu'il soit juridiquement contraignant. La question n'a pas été réglée, et il faudra en débattre à Marrakech et sans doute durant les années qui suivront.
En ce qui concerne les questions relatives aux pays en voie de développement, il existe toute une gamme de sujets dont j'aurais pu vous parler, et nous avons ici l'expert pour le faire. Je suppose que le dénominateur commun est le financement qu'ont pu promettre les pays développés pour aider les pays en développement à traiter de questions relatives au changement climatique. Il y a eu une déclaration politique qui, je suppose, représentait une entente particulière sur le financement. La contribution du Canada est de l'ordre de 35 millions de dollars par année. Cette série de mesures a été jugée très satisfaisante par toutes les parties présentes à la table de négociation.
Une des questions relatives aux pays en développement qu'il faudra régler à long terme est de savoir quand et dans quelle mesure ces pays pourront commencer à réaliser par eux-mêmes les objectifs de Kyoto. Il n'y a pas eu de progrès dans ce dossier à Bonn, mais les pays qui ont actuellement des objectifs s'entendent pour dire que les pays en développement devraient commencer à réaliser de pareils objectifs au plus tard avant le début de la deuxième période d'engagement. Certains pays aimeraient que cela se fasse plus tôt, mais tous sont d'accord pour qu'à tout le moins, cela se fasse d'ici à la deuxième période d'engagement.
• 1555
Les exportations d'énergie propre étaient un autre domaine qui
intéressait particulièrement le Canada. Comme vous le savez, nous
exportons de très grandes quantités d'énergie propre aux
États-Unis, particulièrement de gaz naturel et d'hydro-électricité.
Nous tenions à ce que soit reconnue l'importance d'encourager
l'utilisation d'énergie non polluante et de favoriser une plus
grande reconnaissance des avantages environnementaux des énergies
propres. Nous avons lancé ce processus à la rencontre de Bonn.
La semaine prochaine, à Calgary, le Canada accueillera une conférence internationale sur les énergies moins polluantes et sur leurs avantages environnementaux globaux. Un nombre assez élevé de pays de toutes les régions du monde se joindra à nous, et nous ferons un compte rendu de cette conférence à la CdP7, à Marrakech. Nous espérons voir le processus continuer d'évoluer en convoquant dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques un autre atelier qui se tiendrait entre la CdP7 et la CdP8.
L'équipe de négociation qui ira à Marrakech suivra de près le déroulement des négociations pour s'assurer que l'accord politique conclu à Bonn est respecté, qu'il n'y a pas de recul par rapport aux éléments de cet accord, qu'une formulation juste de l'accord en langage juridique est réalisée selon le ratio d'une page d'accord pour 20 pages de texte juridique et que nous pouvons préciser quelques incertitudes qui subsistent au sujet des mécanismes et de l'observance.
Le processus a toujours été très actif au sein des deux organes subsidiaires de la CCCCNU qui s'occupent l'un, de la mise en oeuvre et l'autre, des conseils scientifiques et technologiques. Ces deux groupes vont poursuivre leur travail technique. La CDP à Marrakesh est la continuation d'un processus en cours et la CDP-8, la CDP-9 et la CDP-10 y feront suite. Il reste donc beaucoup de travail technique à faire, même si l'Accord de Bonn fait en quelque sorte le plus dur des négociations politiques nécessaires à l'établissement du cadre de mise en oeuvre du protocole de Kyoto.
C'est la vue d'ensemble que je peux vous donner, monsieur le président, et j'espère n'avoir pas pris trop de temps.
Permettez-moi de présenter brièvement mes collègues ainsi que leurs domaines de compétence.
Le collègue de Paul Fauteux, David Drake, du MAECI, devait être présent aujourd'hui, mais il est en déplacement et n'a pas pu se joindre à nous. Paul codirige la délégation et négocie à l'égard de certains domaines des mécanismes. Il va vous donner plus de renseignements détaillés au sujet des puits de carbone, si cela vous intéresse.
Sushma Gera, du MAECI, est négociatrice en chef des mécanismes. Elle a une grande compétence dans ce domaine ainsi qu'une spécialisation dans les mécanismes de développement propre.
Pierre Giroux est également spécialiste dans le domaine des pays en développement et a été un membre essentiel de l'équipe de négociation du Canada sur les dispositions relatives aux pays en développement.
• 1600
Masud Husain est négociateur en chef à propos du régime
d'observance.
Le président: Merci, madame Smith.
Avant de commencer la ronde des questions posées par les gens qui se trouvent sur ma liste jusqu'à présent—M. Mills, M. Bigras, Mme Kraft Sloan et M. Herron—il serait utile de placer tout ceci dans le contexte du défi global du Canada. Pourriez-vous indiquer au comité le nombre de mégatonnes en 1990? De mémoire, j'ai l'impression que nous en sommes à près de 590 mégatonnes, mais corrigez-moi, si je me trompe. Sur la courbe du statu quo, d'ici 2010, nous arriverons à près de 765. Pourriez-vous me corriger si nécessaire pour que nous sachions en quoi ces 200 mégatonnes se rapportent à ces deux chiffres de base?
Mme Norine Smith: Monsieur le président, vous avez bonne mémoire. Ces chiffres varient de l'ordre de cinq à dix mégatonnes, au fur et à mesure de la mise à jour des inventaires. Nous pouvons fournir au comité les derniers chiffres, mais je crois que les chiffres approximatifs que j'ai en tête sont très similaires à ceux que vous utilisez. Le plus simple consiste à dire qu'il s'agit de 600 à 800 mégatonnes, soit un écart de 200 mégatonnes. Nous allons fournir au comité les tous derniers chiffres.
Le président: Oui. À l'avenir, une présentation de cette nature serait considérablement améliorée si vous pouviez également avoir une diapositive indiquant la courbe—où nous en sommes et ce qui va se passer par suite de la réduction des 200 mégatonnes. De cette façon, chacun aura une bonne idée de l'impact des efforts d'un seul pays.
Mme Norine Smith: En fait, les chiffres que j'ai à l'esprit englobent un graphique indiquant l'évolution des émissions du Canada au fil du temps, la courbe du statu quo et ce qui serait nécessaire pour atteindre notre objectif de Kyoto.
Je demanderais peut-être des éclaircissements sur un point. Voudriez-vous plus de détails sur les mesures qu'un seul pays peut prendre?
Le président: J'essaie de proposer des moyens qui permettraient de donner aux membres du comité un aperçu plus vaste, pour que chacun comprenne l'importance de la tâche. Nous pourrions élargir le travail qui revient au Canada et englober la totalité du travail que doit accomplir la collectivité mondiale—y inclure ce mégatonnage. Il y aurait donc deux graphiques. Votre présentation serait plus intéressante si elle comportait un graphique, si elle était visuelle. Ce n'est qu'une proposition.
Mme Norine Smith: Très brièvement, sur la façon dont le Canada se compare avec d'autres pays, je dirais que nous sommes responsables de près de deux pour cent des émissions globales. Ce n'est donc certainement pas une question que le Canada peut régler à lui seul; nous devons réagir comme un élément de la collectivité mondiale. Le Canada se classe toutefois parmi les trois ou quatre premiers pays dont les émissions par habitant sont les plus élevées et nous en sommes actuellement à un niveau d'émission 15 p. 100 plus élevé que celui que nous avions en 1990.
Le président: C'est une observation très importante, merci beaucoup.
Nous avons M. Mills, M. Bigras, Mme Kraft Sloan, M. Herron, M. Laliberte et enfin, le président. M. Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.
• 1605
Tout d'abord, j'aimerais dire que j'ai vu Norine et Paul en
action et je crois que, en tant que Canadiens, nous devrions tous
les remercier pour le travail accompli. Ils m'ont fait forte
impression la première fois que je les ai observés en action. Je
les en félicite.
Je vais maintenant vous poser les questions difficiles qui sont essentiellement d'envergure nationale. Je vais vous en poser toute une série, si vous permettez, et je suis convaincu que vous y répondrez au cours de l'après-midi.
Tout d'abord, en ce qui concerne le facteur économique de toute la question et, surtout lorsque vous parlez des exportations d'énergie propre, si les États-Unis ne sont pas signataires de cet accord et que la plupart de notre énergie propre est exportée vers ce pays, il me semblerait fort peu probable que nous obtenions de crédits, car nous ne vendons pas d'énergie propre à d'autres pays. Par conséquent, pour ce qui est du facteur économique de toute la question, comment pouvons-nous accepter un accord comme celui-ci si les États-Unis et le Mexique n'en sont pas signataires, compte tenu de l'ALÉNA, compte tenu du fait qu'un emploi sur trois est relié à l'économie américaine? Il me semble impossible de débattre de cette question.
Deuxièmement, en ce qui concerne la consultation dont il est fait mention à plusieurs reprises dans vos diapositives et dans les propos du premier ministre, etc., une rencontre importante a eu lieu hier à ce sujet et bien sûr, l'Alberta n'était pas représentée, par pur choix, j'imagine. Ce que je veux dire c'est que, sans consultation préalable—et il n'y en a pas eu avant la signature de l'Accord de Kyoto—il me semble que nous avons un gros problème.
Troisièmement, en ce qui concerne les puits de carbone, la question qui serait posée le plus souvent dans la région d'où je viens est la suivante: Qui va supporter le coût des nouvelles procédures? Par exemple, l'agriculteur ou le forestier vont-ils devoir supporter les coûts supplémentaires que représente le changement de méthodes afin de compenser ces 20 p. 100?
Je pourrais continuer, mais comme nous avons ici un spécialiste des pays en développement, j'aimerais vraiment savoir... Je n'ai jamais entendu jusqu'ici parler de la vente de notre technologie, ou de pareille vente à rabais, ou du fait que cela s'inscrit dans le cadre de nos mesures d'aide pour que les pays en développement ne se retrouvent pas hors jeu. Toutefois, si on pouvait supprimer les centrales au charbon en Chine, on ferait beaucoup plus pour notre qualité atmosphérique que si on apportait des améliorations à une centrale au Canada ou aux États-Unis.
Je vais m'arrêter ici. Comme je l'ai dit, j'aimerais que vous répondiez au maximum de ces questions.
Mme Norine Smith: D'accord. Je vais peut-être laisser mes collègues répondre à votre dernière question au sujet de la vente des technologies.
Sur votre premier point, comment envisageons-nous cela dans un contexte continental, alors que le Canada est le seul pays du continent assujetti aux dispositions du Protocole de Kyoto? Je crois qu'il est fort important de faire très attention aux conséquences en matière de compétitivité de la politique qui pourrait être mise en place. Les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi que les ministres, lors de leur rencontre de lundi à Winnipeg, ont débattu de façon approfondie du travail analytique qu'il faut accomplir pour comprendre les répercussions de divers scénarios de mesures que pourrait suivre le Canada; comment combler l'écart et également que devraient faire d'autres pays selon divers scénarios, notamment les États-Unis.
Le fait que les États-Unis ne soient pas signataires du Protocole de Kyoto ne signifie pas nécessairement qu'ils ne vont rien faire en matière de changement climatique. Comme vous le savez, l'administration s'est penchée sur cette question qui était prioritaire. Je suis sûre que ce n'est plus la première priorité en ce moment, mais je suis sûre également que cette question n'est pas tombée dans l'oubli. Les États-Unis vont éventuellement nous faire part de leurs intentions à propos des mesures qu'ils entendent prendre au sujet du changement climatique. Ils ont déjà indiqué un peu plus tôt ce qu'ils ont l'intention de faire dans le domaine de la technologie, dans les domaines de l'énergie renouvelable en particulier.
• 1610
Vous avez raison de dire que c'est une question qu'il faudra
suivre de très près et bien comprendre lorsqu'il sera
éventuellement décidé de ratifier ou non le protocole.
En ce qui concerne la participation de l'Alberta à la rencontre conjointe des ministres de l'Énergie et de l'Environnement sur le changement climatique, je dois dire que cette province avait organisé une retraite du cabinet ce jour-là; c'est la raison pour laquelle elle n'était pas représentée au niveau ministériel. Par contre, les sous-ministres étaient présents et ont activement participé, comme ils ont participé à la rencontre des ministres de l'Environnement qui s'est déroulée le samedi et le dimanche et où la question du changement climatique était à l'ordre du jour.
L'Alberta copréside le processus national au niveau des hauts fonctionnaires, si bien qu'elle participe très activement au travail intergouvernemental qui se fait dans ce domaine.
Comme l'indique la citation du premier ministre, la nécessité d'un bon processus de consultation est bien reconnue.
En ce qui concerne le coût des nouvelles procédures, je parlerais essentiellement des agriculteurs—vous avez parlé en particulier des forestiers et des agriculteurs. En fait, créer des puits plutôt que des sources de carbone est une façon pour les agriculteurs de faire de l'argent, car cela entraîne moins de labour, ce qui leur permet de faire des économies de carburant et d'engrais. Il s'agit donc de quelque chose de lucratif pour les agriculteurs.
De toute évidence, les mesures qui permettent de régler le problème du changement climatique ne sont pas toutes lucratives. Toutefois, le travail de modélisation effectué avant Bonn, dans le contexte du travail conjoint fédéral-provincial, a indiqué que les impacts étaient de l'ordre de un à deux pour cent du PIB compte tenu d'une croissance attendue de près de 30 p. 100 du PIB au cours de cette période. Vous obtenez donc 28 p. 100 au lieu de 30 p. 100.
Maintenant que nous avons les détails de l'Accord de Bonn et que nous avons fait nous-mêmes ce travail de modélisation sur l'Accord de Bonn, nous pensons que les impacts seront probablement divisés par deux. Il s'agit donc de 0,05 à un pour cent environ.
Le président: Merci, monsieur Mills
[Français]
Monsieur Bigras, à vous la parole.
M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quatre questions.
En ce qui a trait aux puits de carbone, si je comprends bien, l'engagement suivant a été signé à Bonn pour le Canada: l'effort total des objectifs correspond à environ 199 mégatonnes, et les puits de carbone constitueraient 22 p. 100 de cet objectif global, ce qui représenterait environ 44 mégatonnes. Cependant, la position canadienne, le 16 juillet dernier, quelques semaines avant la rencontre de Bonn, était plutôt de situer à 15 p. 100 de l'effort global, l'effort canadien en ce qui a trait aux puits de carbone. On sait que ces 15 p. 100 représentent environ 30 mégatonnes.
Pourquoi le Canada a-t-il accepté de négocier une position qui est très inférieure à une position qui a été annoncée publiquement, sur le plan international? Il y a quand même un écart de sept points de pourcentage entre la position canadienne du 16 juillet et celle qui a été négociée et entérinée par le Canada à Bonn. Comment peut-on expliquer cela?
M. Paul Fauteux (directeur général, Bureau des changements climatiques, ministère de l'Environnement): Monsieur Bigras, ce que vous dites en ce qui concerne l'estimation que le Canada faisait de la part que joueraient les puits dans l'atteinte de son objectif avant la négociation est juste.
Il y a ensuite eu une négociation dont le résultat est qu'on a un crédit maximum acceptable de 44 mégatonnes. Ça ne veut pas dire qu'on va nécessairement réaliser la totalité de ce potentiel. Notre estimation est toujours que la contribution des puits à l'atteinte de l'objectif canadien pour la première période d'engagement sera d'environ 30 mégatonnes, ce qui représente 15 p. 100 de l'écart entre les projections en 2010 et l'objectif de 6 p. 100 de moins qu'en 1990.
M. Bernard Bigras: Est-ce que ce 15 p. 100 est un objectif dans vos politiques nationales?
M. Paul Fauteux: Non, c'est une estimation. Ce n'est pas un objectif. Le Canada ne s'est jamais engagé à atteindre son objectif en ayant recours aux puits dans une proportion de 15 p. 100. Cela a toujours été une estimation. C'est une projection et cela peut évidemment varier.
Ce qu'il faut retenir de la négociation de Bonn, c'est que le plafond qui a été fixé pour l'utilisation des puits par le Canada est un plafond qui lui permet de réaliser cette estimation et qui lui donne un coussin. On pourrait éventuellement utiliser les puits pour une plus grande part, mais, comme je l'ai mentionné, c'est un potentiel. Il reste à voir si ce potentiel sera réalisé. Cela exigerait des investissements additionnels. Il faut voir si ces investissements peuvent produire leurs fruits à l'intérieur de la période d'engagement, puisqu'il y a, bien sûr, des périodes assez longues entre le moment où l'investissement est fait et le moment où le gaz carbonique est effectivement absorbé dans l'atmosphère.
M. Bernard Bigras: Voici une autre question. En ce qui a trait au mécanisme de développement propre, j'aimerais connaître les motifs qui justifient la position canadienne en ce qui a trait à la non-participation publique à certains projets dans le cadre du Mécanisme de développement propre, qui serait autorisée dans des pays en voie de développement. Comment peut-on justifier sur le plan international, mais aussi sur le plan de la responsabilité nationale, de ne pas consulter des populations lorsqu'on accepte d'entériner un projet dans le cadre du Mécanisme de développement propre qui a été négocié dans l'ensemble des conférences, incluant celle de Bonn? Comment peut-on expliquer qu'on ne consulte pas les gens?
M. Paul Fauteux: D'abord, le texte qui a été négocié à Bonn sur le Mécanisme de développement propre n'a pas fait l'objet d'un accord complet. Comme le disait Norine Smith tout à l'heure, il reste des questions à négocier à Marrakech. C'est un premier point.
Deuxièmement, le projet d'accord, qui n'a pas encore fait l'objet d'une négociation ni d'un accord complet, prévoit des mécanismes de consultation publique. À Bonn, il y a eu débat sur l'étape du processus d'approbation des projets, dans le cadre du Mécanisme de développement propre, à laquelle devait avoir lieu la consultation publique. Il y a un cycle d'approbation de projets, qui est un processus assez détaillé.
Donc, on a estimé qu'il y avait une mesure dans laquelle la participation du public était opportune, et il y a eu un début d'accord là-dessus. Il y a également eu un début d'accord sur le fait qu'il n'y avait pas lieu d'impliquer la participation du public à chaque étape du processus, puisque si les projets ne parvenaient pas à traverser toutes les étapes du cycle d'approbation, cela rendrait beaucoup plus difficiles la réalisation des projets, les transferts de technologie vers les pays en développement et la réalisation des objectifs de développement durable.
M. Bernard Bigras: Voici une dernière petite question qui a trait au nucléaire. Comme vous l'avez dit, certains mots sont utilisés. Je pense surtout au mot «s'abstenir» d'utiliser l'énergie nucléaire. Selon certains experts de l'ONU, «s'abstenir» veut dire «interdire». Quelle définition le Canada donne-t-il au mot «s'abstenir»?
M. Paul Fauteux: C'est une définition très pragmatique. La communauté internationale s'étant prononcée sur cette question par l'entremise de l'accord ministériel conclu à Bonn, il nous paraît extrêmement improbable, voire impossible, que des projets nucléaires puissent obtenir l'assentiment du comité exécutif du Mécanisme de développement propre.
• 1620
Ce débat a eu lieu. On
a convenu d'utiliser le mot «s'abstenir» plutôt que
le mot «interdire». C'était une façon pour
le président Pronk, ministre de
l'Environnement des Pays-Bas, de mettre un peu de baume
sur les plaies des pays qui auraient préféré que le
nucléaire soit admissible. Mais le résultat, en
pratique, est le même.
M. Bernard Bigras: Oui, mais qu'en sera-t-il dans les textes? Il y aura des textes juridiques, et je suppose qu'il y aura aussi négociation sur ces textes.
M. Paul Fauteux: Effectivement.
M. Bernard Bigras: La position canadienne sera-t-elle de faire en sorte que le mot «s'abstenir» veuille dire «interdire» et que ce soit clair comme de l'eau de roche?
M. Paul Fauteux: Le Canada n'a pas, a priori, l'intention d'insister pour qu'on utilise le mot «interdire» puisque de notre point de vue, ça revient au même et la question est réglée. En pratique, il n'y aura pas de nucléaire dans le MDP pour la première période d'engagement.
[Traduction]
Le président: Avant de céder la parole à Mme Kraft Sloan, vous voudrez peut-être décider laquelle des deux versions l'emporte, parce que dans la version anglaise, vous avez «restrain», tandis que dans la version française, vous avez «abstenir». Cela ne veut pas dire exactement la même chose, si bien que vous souhaiterez peut-être nous dire laquelle des deux versions correspond le plus à ce que vous pensez.
M. Paul Fauteux: Monsieur le président, si vous permettez, le mot dans la version anglaise est «refrain», qui, à mon avis, est bien traduit par «s'abstenir». Ce n'est pas «restrain», mais «refrain»—«states shall refrain».
Le président: Voulez-vous corriger votre présentation? Il s'agit du mot «refrain» dans votre texte.
M. Paul Fauteux: «Refrain», effectivement.
[Français]
Donc, il n'y a pas de problème de traduction.
[Traduction]
Le président: «Refrain», merci.
Mme Kraft Sloan, puis M. Herron et M. Laliberte.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
M. Bigras a posé la question que je voulais poser. Vous avez dit que cette question a été réglée, si j'ai bien compris. Cela veut-il dire cependant que le Canada, à une date ultérieure, va essayer de promouvoir l'utilisation de projets nucléaires à des fins de crédits? Il s'agit donc simplement des mécanismes de développement propre et de l'AC?
M. Paul Fauteux: C'est exact. La seule décision comprise dans l'accord politique conclu à Bonn se rapporte à l'admissibilité des projets nucléaires à des fins de crédits à l'intérieur du MDP et de l'AC.
Il n'y a pas de restriction, explicite ou implicite, quant au droit souverain d'un pays, comme le Canada ou d'autres, d'utiliser l'énergie nucléaire pour atteindre ses objectifs en matière de changement climatique.
Mme Karen Kraft Sloan: D'accord.
M. Paul Fauteux: J'ai dit en fait que cette question a été réglée pour la première période d'engagement qui débute en 2008 et se termine en 2012. Le protocole de Kyoto ne prévoit des objectifs que pour la première période d'engagement. Il prévoit également qu'à partir de 2005, les parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques entameront des négociations sur les objectifs pour la deuxième période d'engagement, soit une autre période de cinq années qui commencera en 2013 pour se terminer en 2018. On prévoit par ailleurs des périodes d'engagement continues et contiguës jusqu'au règlement du problème, ce qui pourrait fort bien nous amener au XXIIe siècle. J'ai donc dit que cette question a été réglée pour la première période d'engagement; reste à savoir si les projets nucléaires seront admissibles pour le MDP et l'AC pour la deuxième période et pour les périodes subséquentes.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.
M. Mills vous a demandé qui supportera le coût des changements exigés pour réduire les gaz à effet de serre. Je me demande qui le fera si nous ne le faisons pas. Qui supportera les coûts pour nos agriculteurs, nos industries, nos collectivités, l'industrie de la pêche, les gens du Nord, etc.? Je me demande qui supportera le coût si nous ne faisons rien.
M. Paul Fauteux: Beaucoup de gens supporteraient le coût si nous ne faisons rien, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement s'est engagé à faire quelque chose. Pour répondre à la question posée par M. Mills, à savoir si les agriculteurs et les forestiers seront obligés de supporter un fardeau supplémentaire, comme l'a fait remarquer Mme Smith, il existe en fait un incitatif économique qui pousse les agriculteurs et les forestiers à gérer les terres dont ils ont la garde, les terres forestières et les terres agricoles, d'une manière positive, qui garantit que les forêts et les terres agricoles dont ils sont responsables ne sont pas des sources nettes d'émissions de gaz à effet de serre, comme elles peuvent l'être, mais qu'elles sont en fait des puits de carbone nets. En d'autres termes, ils retirent du gaz carbonique de l'atmosphère plutôt que d'en ajouter.
Au fur et à mesure qu'on se dirige vers un monde où le carbone est compté et où on lui accorde une certaine valeur, les agriculteurs et les forestiers seront incités, économiquement, à participer à la lutte contre le changement climatique et, ce faisant, à faire de l'argent.
• 1625
Il faut également savoir quel rôle le gouvernement devrait
jouer par rapport à celui du secteur privé pour arriver à ces
réductions par puits dont je parlais un peu plus tôt avec
M. Bigras. Comme je le disais, les autres pays ont convenu que le
Canada était admissible à un potentiel de 44 mégatonnes par année
au maximum au cours de la période d'engagement, mais pour atteindre
ce potentiel, il faudra des investissements supplémentaires. Reste
donc à savoir si ces investissements devraient relever du secteur
public ou du secteur privé ou relever en partie du secteur public
et en partie du secteur privé.
Mme Karen Kraft Sloan: Exactement, mais ce qui est important à mon avis, c'est de comprendre que les coûts seront énormes et que nous ne pouvons même pas commencer à les évaluer si nous ne faisons rien.
M. Paul Fauteux: Absolument.
Mme Karen Kraft Sloan: Je pense que le travail effectué par Environnement Canada il y a quelques années, l'étude pancanadienne des divers impacts régionaux a été fort utile.
L'autre question que je voulais poser porte sur l'information que vous avez à la page 11 de votre document, au sujet des réunions informelles sur les énergies plus propres. Mme Smith a signalé que l'on examinerait le gaz naturel, l'électricité, etc. Je me demande la place qu'occupent l'énergie éolienne et l'énergie solaire dans ce contexte et si vous pouvez définir certains projets du gouvernement canadien visant à promouvoir l'utilisation de l'énergie éolienne et de l'énergie solaire, des piles à hydrogène, etc., par opposition à la simple utilisation du gaz naturel et de l'hydroélectricité.
Mme Norine Smith: Vous avez tout à fait raison de dire que ce sont également des sources d'énergie propre. Dans le plan d'action 2000 et dans le budget de 2000, des investissements ont été faits pour appuyer tout ce que vous venez de décrire—par exemple, investissements dans le développement technologique des piles à hydrogène, dans la production d'énergie renouvelable afin que le gouvernement du Canada n'ait recours qu'à des sources d'électricité propre. Le fonds d'appui technologique au développement durable a également été créé, l'accent étant mis sur le changement climatique, pour qu'il appuie le développement technologique permettant la création d'énergie plus propre. Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres que l'on retrouve dans le budget ainsi que dans le plan d'action 2000.
Mme Karen Kraft Sloan: Pourriez-vous préciser si ces autres formes d'énergie renouvelable feront également l'objet de discussions dans le cadre de ces réunions informelles?
Mme Norine Smith: Oui, absolument. C'est indiqué sur la diapositive intitulée Exportations d'énergie propre. L'atelier lui-même porte sur l'énergie plus propre de façon plus générale. Cela dépasse de beaucoup les domaines clés des exportations d'énergie du Canada à destination des États-Unis.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.
Le président: Merci. Vous pourrez avoir un autre tour, si vous voulez.
Monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC/RD): Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur le débat relatif aux pluies acides, ainsi que sur le processus qui s'est ensuite instauré.
• 1630
Cela fait 47 mois que nos collègues se trouvaient à Kyoto,
près de quatre ans, et nous n'avons pas fait sérieusement
participer le public canadien comme le gouvernement Turner l'avait
fait avant notre victoire aux élections en 1984. Cela fait 47 mois.
Nous n'avons pas véritablement de consensus au niveau des
provinces, comme nous en avions un pour les pluies acides,
consensus réalisé sous le régime Mulroney.
En l'espace de 47 mois, mis à part un investissement très modeste dans le domaine des sources d'énergie renouvelable, nous n'avons même pas mis en oeuvre ce que l'on pourrait appeler une stratégie sans regret, une stratégie représentant un investissement suffisamment important pour que l'UE le prenne au sérieux. Nous n'avons que des investissements clairsemés en ce qui concerne les incitatifs fiscaux relatifs aux sources d'énergie renouvelable ou à l'efficacité énergétique. Nous n'avons pas encore adopté de stratégie, du genre stratégie pour l'éthanol, où nous pourrions investir massivement dans l'utilisation de déchets agricoles, qu'il s'agisse d'épluchures de maïs ou de copeaux, voire même de maïs à certaines occasions.
Nous savons depuis toujours, depuis 47 mois, que pour qu'une stratégie soit susceptible de fonctionner pour ce pays, il faudrait que ce soit une stratégie nord-américaine mettant en jeu des permis négociables comme ceux que nous avions dans le cas des pluies acides. Comment se fait-il qu'au bout de 47 mois...?
Je suis vraiment heureux de vous entendre dire que ce n'est pas parce que les Américains ne signeront pas le protocole de Kyoto qu'ils ne s'intéressent pas au changement climatique. Pourquoi, au bout de 47 mois, n'avons-nous pas un régime tangible, fondé sur des règles, auquel les Américains auraient participé? Il aurait probablement été plus facile de faire avancer ce dossier sous l'administration Clinton qu'aujourd'hui. Au lieu de cela, nous avons été plutôt négatifs à La Haye, plus constructifs à Bonn—bravo à cet égard.
Ma question est la suivante: pourquoi en l'espace de 47 mois n'a-t-on pas admis que pour pouvoir relever la barre, il fallait adopter un genre de régime de permis négociables? Pensez-vous que 47 mois auraient suffi pour faire participer le public, obtenir un consensus des provinces et mettre au point un régime de permis négociables? C'est ma question.
Le président: Votre question légèrement politique devrait être posée à la Chambre des communes, au ministre des Ressources naturelles, pendant la période de questions. Les hauts fonctionnaires ne peuvent pas être blâmés pour l'absence de consensus parmi les ministres fédéraux et provinciaux. Les hauts fonctionnaires ne font que donner suite aux instructions de leurs leaders politiques. Par conséquent, il serait tout à fait correct que vous posiez une question de nature technique, mais à mon avis, vous posez une question de nature politique, fort légitime, qu'il conviendrait mieux de poser à la Chambre des communes.
M. John Herron: Je dirais par votre entremise, monsieur le président, que lorsqu'il s'agit de faire participer le public et d'aborder les vraies questions relatives à une stratégie sans regret, il est évident que ce sont les hauts fonctionnaires qui sont les mieux placés pour négocier. Leur travail serait facilité si le Canada avait commencé à relever la barre à l'intérieur de notre régime national. Je pense que c'est ce que je tiens à souligner.
J'ai une autre question très rapide si vous permettez à nos témoins de répondre à la première.
Le président: Voyons si les fonctionnaires peuvent répondre à la question de M. Herron sur la consultation publique.
Mme Norine Smith: Je pourrais peut-être vous parler un peu des progrès qui ont été réalisés au cours de cette période.
M. John Herron: D'accord. J'espère qu'il s'agit de progrès notables.
Mme Norine Smith: Je vais essayer d'aborder bon nombre des points que vous avez soulevés.
Pour ce qui est du régime d'échange de droits d'émission, on a accompli beaucoup de travail sur le plan fédéral-provincial-territorial. Un groupe de travail sur les permis échangeables a réalisé une étude approfondie sur le fonctionnement, les modalités et les grands enjeux d'un tel régime. Nous avons donc posé les bases du processus de consultation qui pourra maintenant être entamé avec la population canadienne au sujet de l'échange national des droits d'émission au Canada.
• 1635
Dans ce contexte, il est important de voir, entre autres,
comment ce régime cadrerait avec les exigences du marché
international en matière de gaz à effet de serre. Nous avons
maintenant, avec l'accord de Bonn, les deux éléments qu'il nous
faut pour passer à l'étape suivante.
M. John Herron: Sur ce point, si je puis me permettre... Je m'excuse de vous interrompre, mais sur ce point, si nous avions mis en place un régime de permis échangeables de droits d'émission, même sans connaître de façon précise les dispositions de l'accord de Bonn—ou d'un accord qui lui aurait ressemblé, de sorte que les règles auraient maintenant été un peu plus claires—n'aurions-nous pas été en mesure, à tout le moins, d'entamer ce processus? Nous aurions pu aller de l'avant avec celui-ci. Au lieu d'attendre et ensuite d'agir, pourquoi n'avons-nous pas pris l'initiative de mettre en place un tel régime?
Mme Norine Smith: Le processus a été entamé, et il est beaucoup plus avancé que vous ne le laissez entendre par votre question. Un document de fond a été préparé, un document qui recueille le consensus des intervenants fédéraux et provinciaux. De nombreux représentants du milieu des affaires et des groupes environnementaux ont participé aux travaux.
C'est un sujet, évidemment, très technique, et il est difficile d'amener le simple citoyen à s'intéresser à la question de l'échange national de droits d'émission. Toutefois, il y a des Canadiens qui ont pris part aux discussions du groupe de travail sur les permis échangeables et qui, par le biais de ce processus national... Il y a beaucoup de gens au sein du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et territoriaux, de l'industrie et des groupes environnementaux qui ont maintenant une bonne idée du fonctionnement, des modalités et des enjeux de ce système.
J'aimerais, si vous me le permettez, aborder certains des autres points que vous avez soulevés. Vous avez parlé de la participation des Canadiens. Il y a, en fait, beaucoup de travail qui s'effectue en permanence par le biais du Fonds d'action pour le changement climatique, qui comporte un volet intitulé sensibilisation du public.
Je pourrais fournir au comité un résumé des nombreux projets fort intéressants qui ont été entrepris dans le cadre de ce volet. Il s'agit de projets locaux, et c'est peut-être pour cette raison que vous n'en avez pas beaucoup entendu parler, qui sont mis sur pied, dans un grand nombre de cas, dans l'ensemble du pays. Ils sont la preuve que nous essayons, par des moyens dynamiques, novateurs et importants, d'encourager la participation du public. Il y a en fait beaucoup de travail qui a été accompli.
M. John Herron: Ma deuxième question est très brève. À mon avis, le simple citoyen ne s'intéresse pas encore à cette question. Il est vrai que des initiatives positives ont été entreprises à l'échelle nationale, et vous avez tout à fait raison d'en parler, mais il reste que, en règle générale, la question ne suscite pas encore beaucoup d'intérêt. Ce n'est pas un sujet de discussion dans les cocktails, les églises ou les quartiers.
Ma question est très simple. Vous avez parlé de la participation de l'industrie aux discussions sur les permis échangeables. Il y a trois ans, j'ai posé des questions sur ce même sujet lors de la période de questions, la tribune indiquée pour ce genre de chose. On m'a répondu, de façon très claire, qu'on allait reconnaître les efforts déployés et établir des règles pour les mesures hâtives qui seraient prises. Pouvez-vous me dire si, au cours des trois dernières années, une industrie a été récompensée pour les mesures hâtives qu'elle a prises?
Mme Norine Smith: Votre question est manifestement reliée à la notion des crédits pour mesures hâtives, qui a fait l'objet d'un débat approfondi. Ces mots s'appliquent à un contexte bien précis: il s'agit de crédits attribués pour les mesures qui sont prises en vue d'atteindre les objectifs liés aux périodes d'engagement futures de Kyoto.
M. John Herron: Pouvez-vous me donner un exemple précis?
Mme Norine Smith: Nous n'avons pas établi de politique relative aux crédits pour mesures hâtives. À ma connaissance, aucun pays ne l'a fait.
Il existe le programme Mesures volontaires et Registre, MVR inc., dont l'objectif est de sensibiliser les gens—de souligner, comme vous le dites, les réalisations, d'enregistrer et de récompenser les efforts déployés en vue de réduire les gaz à effet de serre. Les entreprises qui accomplissent des progrès notables à ce chapitre sont reconnues par le biais de ce processus. Toutefois, il n'existe aucune politique officielle de crédits pour mesures hâtives.
M. John Herron: Merci.
Le président: Merci, monsieur Herron.
Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il y a certains points sur lesquels j'aimerais avoir des précisions. On a parlé, entre autres, de la gestion efficace des puits de carbone, du coté surtout de la foresterie. Qu'est-ce qui est en train d'être négocié? Je n'ai rien vu à ce sujet depuis Bonn.
Pour ce qui est de la gestion, est-ce que ce sont les propriétaires de concessions forestières, les forestiers, leurs conseils de gestion des ressources, les provinces, les propriétaires fonciers—qui obtiennent les crédits? Vous avez parlé de ceux qui assument les coûts, mais qui obtiennent les crédits?
M. Paul Fauteux: Nous accepterions volontiers de vous fournir une copie de l'accord de Bonn, qui englobe les principales décisions politiques qui ont été prises au sujet des puits, et aussi une copie du projet de décision des parties à la conférence. Norine en a parlé plus tôt quand elle a fait allusion à la formulation de l'accord politique en langage juridique.
Pour ce qui est de savoir qui obtient les crédits, l'accord de Bonn donne beaucoup de latitude aux gouvernements nationaux pour ce qui est de l'administration des crédits sur le plan national. L'accord de Bonn est un accord international. Il définit les règles applicables à la gestion des puits de carbone à l'échelle internationale, de même que les règles régissant leur utilisation dans l'atteinte des objectifs fixés. Toutefois, bon nombre des décisions relatives à cette question seront prises à l'échelle nationale.
Maintenant que les règles internationales sont clairement définies, nous devons entreprendre un vaste programme de travail à l'échelle fédérale-provinciale en collaboration avec les provinces et les territoires, les intervenants privés, les propriétaires fonciers, les forestiers, les agriculteurs. Nous devons, en effet, mettre en place un système national qui nous permettra de surveiller et de vérifier la quantité de dioxyde de carbone qui est absorbé par les puits, et d'attribuer des crédits en conséquence. Il s'agit là des règles nationales que nous devons établir dans le cadre de l'accord de Bonn.
M. Rick Laliberte: Donc, où en sommes-nous au chapitre des discussions nationales et provinciales? Il y a eu des réunions de ministres provinciaux. Ont-ils discuté des puits de carbone?
M. Paul Fauteux: Absolument. Ils ont parlé des puits de carbone. Il en a été question, à la demande d'une province, dans le communiqué qui a été approuvé par les ministres de l'Énergie et de l'Environnement.
Il est question, de façon précise, des puits de carbone dans le plan d'action fédéral-provincial sur le changement climatique, dont la portée est plus vaste. Comme je l'ai dit, nous allons continuer de solliciter la collaboration des provinces, des territoires et des intervenants afin d'établir des règles, axées sur des considérations de politique intérieure, qui nous permettront d'appliquer les règles internationales et ainsi favoriser la réalisation de nos objectifs.
Mme Norine Smith: J'aimerais tout simplement préciser que les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de l'Agriculture et des Forêts ont également participé de façon active à ce processus. Ils ont adopté une attitude très proactive dans ce dossier, dans un contexte intergouvernemental.
M. Rick Laliberte: Cette question touche de près ceux qui vivent dans la forêt boréale—les résidents et les exploitants traditionnels des terres dans cette région. Or, j'ai l'impression que le dialogue se déroule au sein des conseils d'administration des grandes compagnies forestières, soit loin de la forêt boréale.
Les provinces ont donc entrepris un dialogue. Le pays aussi. Mais les gens qui vivent à l'intérieur de la forêt boréale n'y participent pas. On peut dire la même chose du mégatonnage dont il est ici question. Il devrait y avoir un site Web. Vous avez parlé d'un résumé. Je pense que cela...
M. Paul Fauteux: Il existe un site Web.
M. Rick Laliberte: Ils devraient y avoir accès pour savoir quel est le mégatonnage—est-ce qu'il a tendance à augmenter ou à diminuer d'une année à l'autre? Sommes-nous en train de prendre le tournant, pour ainsi dire, de nous atteler à la tâche? Personne ne sait où on s'en va.
Comme le président l'a mentionné au début de la réunion, ces données sont très importantes. Elles devraient être diffusées sur le canal météo, le canal sciences ou celui de la SRC. Nous devons, en tant que Canadiens, savoir à quoi nous attendre.
M. Paul Fauteux: Merci beaucoup pour cette suggestion.
Le président: Monsieur Comartin, vous avez la parole. Je vais ensuite dire quelques mots, après quoi nous aurons un deuxième tour de table.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président.
Madame Smith, je ne sais pas vraiment quelle est la position du Canada sur les mécanismes de surveillance. Il reste encore beaucoup de points à négocier à Marrakech, n'est-ce pas?
Mme Norine Smith: Oui.
M. Joe Comartin: Quelle est la position du Canada? Autrement dit, est-ce que cette surveillance va se faire à l'interne, ou prévoit-on confier cette tâche à un organisme international?
M. Paul Fauteux: Il y aura, comme je l'ai mentionné, plusieurs organismes internationaux. Il y a le conseil exécutif du mécanisme de développement propre. Ma collègue, Sushma Gera, pourrait vous donner plus de détails là-dessus. Il y a également un comité qui supervise l'application conjointe des projets, mécanisme qui a été créé à Bonn.
Il y aura donc des organismes internationaux de surveillance qui veilleront à ce que les crédits réclamés pour les projets de réduction des émissions dans les pays en développement, dans le cas du MDP, et dans les économies en transition, dans le cas de l'AC, correspondent aux réductions d'émissions obtenues, que ces échanges de crédits n'existent pas seulement sur papier—que ces crédits correspondent réellement à des réductions d'émissions. Il existera un système international de vérification pour assurer la validité de ces crédits.
M. Joe Comartin: Toujours dans le même ordre d'idées—je ne veux pas que cela soit considéré comme une deuxième question, monsieur le président—est-ce qu'il existe des normes? Est-ce que des normes de surveillance ont été établies?
M. Paul Fauteux: Oui. Sushma peut répondre à cette question.
Mme Sushma Gera (directrice adjointe et chef du Bureau du mécanisme pour le développement propre et l'application conjointe, Direction des changements climatiques et de l'énergie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.
En fait, Paul a parlé, entre autres, du fonctionnement des mécanismes, qu'il s'agisse du mécanisme de développement propre ou de l'application conjointe. Des règles de procédure sont en train d'être établies. L'entreprise qui, par exemple, met en oeuvre un projet de MDP, doit soumettre un plan de surveillance avant que le projet ne puisse être enregistré. Ensuite, quand elle présentera une demande en vue d'obtenir des crédits pour ses réductions d'émissions, un organisme opérationnel se chargera de vérifier si les données recueillies sont réelles ou non.
Ces mécanismes sont axés sur les projets. Mais il y a un autre facteur dont il faut tenir compte. Avant de pouvoir appliquer ces mécanismes, il faut que le pays dans son ensemble réponde aux exigences concernant les inventaires. Il existe dans les conventions et le protocole des dispositions qui précisent que des experts peuvent venir examiner les données d'inventaire établies par les équipes d'examen afin de vérifier leur exactitude.
M. Joe Comartin: Puis-je poser une deuxième question?
Le président: D'accord.
M. Joe Comartin: Certaines provinces se sont dites peu prêtes à respecter l'accord de Kyoto. Est-ce que le gouvernement fédéral a mis au point une stratégie pour assurer le respect de l'accord s'il n'obtient pas la collaboration des provinces?
Mme Norine Smith: Je crois que nous devrions d'abord tenir des consultations au cours des mois à venir sur les mesures que doit prendre le Canada pour atteindre les objectifs de Kyoto. Vous préjugez de l'issue, chose que ne fait pas le gouvernement du Canada à l'heure actuelle.
M. Joe Comartin: Je présume que cela veut dire que nous n'avons pas encore déterminé ce que nous allions faire dans ces circonstances.
Mme Norine Smith: Nous sommes en train d'examiner les différentes façons d'atteindre les objectifs. C'est là-dessus que porterait le processus de consultation qui est envisagé. Nous voulons utiliser une autre approche pour établir des outils d'intervention en vue d'atteindre nos objectifs. Nous prônons la collaboration. Pour ce qui est des questions touchant l'environnement, c'est l'approche que nous essayons d'adopter.
M. Joe Comartin: Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le président: Oui.
M. Joe Comartin: La Fédération canadienne des municipalités a clairement laissé entendre que les municipalités pouvaient réduire leurs émissions de 25 p. 100. Elles auraient toutefois besoin de l'aide financière du gouvernement fédéral pour y arriver. Est-ce qu'on envisage de les aider?
Mme Norine Smith: Comme vous le savez, les municipalités ont reçu, dans le cadre du budget 2000, 125 millions de dollars pour financer la mise en oeuvre de projets environnementaux. Elles pourraient affecter ces fonds à ce genre d'initiative, si elles le désirent. Nous avons reçu leur mémoire et nous l'avons lu de façon très attentive. Nous sommes fort conscients de la contribution que pourraient apporter les municipalités, et nous allons certainement prendre cela en considération.
M. Joe Comartin: Si elles atteignent cet objectif de 25 p. 100, cela représenterait quel pourcentage de la part globale du Canada?
Mme Norine Smith: Je m'excuse, mais il m'est impossible de faire un tel calcul. Je ne le sais pas. Je ne me souviens pas avoir lu quelque chose à ce sujet dans leur mémoire.
M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Comartin.
Le gouvernement semble donner l'impression, ces jours-ci, au Canada et à l'étranger, que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est une initiative coûteuse. On semble accorder très peu d'attention, du moins publiquement, aux bienfaits qui résulteraient d'une telle réduction, aux bienfaits que procureraient l'efficacité énergétique, les économies d'énergie, l'utilisation de sources d'énergie et de pratiques agricoles nouvelles, ainsi de suite, toutes des choses que vous avez mentionnées plus tôt, madame Smith, en réponse à une question de M. Mills.
Ma question est la suivante: a-t-on entrepris des études en vue d'analyser les bienfaits qui découleraient de la réduction des gaz à effet de serre? Dans l'affirmative, quel est le ministère responsable de ces études, et quand seront-elles rendues publiques?
Mme Norine Smith: Une étude très précise a été réalisée à ce sujet dans le cadre des travaux d'analyse et de modélisation qui ont été entrepris à l'échelle fédérale, provinciale et territoriale. Il s'agissait de comparer les coûts et les avantages de cette réduction. Nous pouvons, si vous le voulez, vous fournir plus de précisions là-dessus ou vous présenter un exposé sur la question. Une telle étude a été réalisée, et vous avez tout à fait raison, les bienfaits peuvent être considérables.
Le président: Ces études n'ont pas encore été rendues publiques?
Mme Norine Smith: Il faudrait que je vérifie si elle l'ont été ou non.
Le président: D'accord. Je vous demanderais de fournir ces précisions aux députés. Elles leur seraient très utiles.
• 1655
Ma deuxième question est la suivante. Si tout se passe comme
prévu et que nous parvenons, d'ici 2010, à réduire légèrement les
émissions de gaz à effet de serre, cela ne sera pas manifestement
suffisant pour que les tendances climatiques reviennent à la
normale. Quelles mesures prévoit-on prendre après 2010 pour faire
en sorte que ces émissions soient ramenées à un niveau qui nous
permette de revenir à la normalité?
Mme Norine Smith: Les scientifiques qui font partie du comité d'étude intergouvernemental sur le changement climatique nous disent que, pour stabiliser la situation, il faudrait réduire les émissions de 50 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, et non pas de 5,2 p. 100 qui, si je ne m'abuse, est la moyenne découlant du protocole de Kyoto.
Les négociations sur les mesures que prendraient les parties au cours de la deuxième période d'engagement devraient commencer vers 2005. On s'attend donc à ce qu'il y ait deux, trois, quatre, cinq, six périodes d'engagement et plus, où les objectifs seraient progressivement plus difficiles à atteindre. Mis à part ce fait, nous n'avons pas encore entrepris, au Canada, de négociations sur les objectifs qu'il faudrait atteindre durant la deuxième période d'engagement.
On vient de me rappeler, encore une fois, que, pour les périodes d'engagement subséquentes, il sera très important d'amener les pays en développement à accepter des objectifs. Le niveau des émissions dans les pays qui n'ont pas d'objectifs est plus ou moins le même que celui des pays qui ont des objectifs à atteindre. Il sera essentiel de les amener à bord.
Le président: Donc, pour résumer, nous avons entrepris la première période d'engagement, qui prendra fin en 2010, et les négociations pour la deuxième période d'engagement débuteront en 2005?
Mme Norine Smith: La première période d'engagement va de 2008 à 2012.
Le président: C'est à ce moment-là qu'elles commenceront.
Mme Norine Smith: Nous avons tendance à utiliser l'année 2010 comme année de référence, quand nous effectuons des travaux de modélisation, pour simplifier les choses. Il s'agirait de périodes quinquennales qui se poursuivraient de façon continue à partir de ce moment-là. Comme je l'ai mentionné, nous nous attendons à ce que les négociations pour la période d'engagement 2013 débutent vers 2005.
Le président: Pour ce qui est des puits de carbone, plusieurs théories ont été mises de l'avant par des scientifiques spécialisés dans ce domaine. Ils disent que... Non, je préfère ne pas me lancer dans ce débat parce que ce serait trop long.
Monsieur Smith, vous avez mentionné le chiffre 13 mégatonnes quand vous avez parlé de crédits pour les puits. M. Fauteux a mentionné le chiffre 44. Est-ce qu'il fait allusion à d'autres crédits? Les notes d'information précisent que le quota annuel n'est que de 12 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Pouvez-vous nous expliquer comment tout cela fonctionne?
M. Paul Fauteux: La diapositive que vous montrait Norine indiquait que, d'après nos calculs, les crédits gagnés par le Canada seraient de 30 mégatonnes. C'est la meilleure estimation à laquelle nous sommes arrivés pour l'instant.
Le président: Pour les puits en général.
M. Paul Fauteux: C'est exact.
Le président: Vous avez mentionné les chiffres 44.
M. Paul Fauteux: Oui, ce que j'ai dit, c'est que l'accord de Bonn nous permettrait d'en obtenir jusqu'à 44. Il y a donc un écart entre ce que nous pensons vraisemblablement obtenir, et ce que nous pourrions obtenir en théorie.
Le président: Et est-ce que la formule de calcul a déjà été arrêtée?
M. Paul Fauteux: Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question, monsieur le président.
Le président: Pour le calcul des puits en foresterie et en agriculture, est-ce que la formule a déjà été déterminée?
M. Paul Fauteux: Oui, en ce sens que les chiffres ont été finalisés, bien qu'il n'y ait pas eu de négociation au sujet de la formule. En fait, c'est ainsi que nous sommes parvenus à faire une percée qui a conduit à un accord, à Bonn. C'est ainsi que nous avons résolu la question de politique, au sujet de la mesure dans laquelle on pourrait permettre aux puits de contribuer à la réalisation des cibles d'émissions. Voilà des années que l'on cherche à s'entendre sur une formule, sans jamais y parvenir. Nous n'arrivions pas à convenir d'une formule qui conviendrait à tous les pays, alors nous avons convenu d'une annexe à une décision préliminaire de la CDP qui fait la liste des crédits admissibles pour chaque pays.
Dans le cas du Canada, nous avons 44 crédits, exprimés en dioxyde de carbone, tandis que l'accord de Bonn est en termes de carbone, alors le chiffre est plus faible. Mais c'est le maximum que le Canada pourrait atteindre, par le biais de l'application de l'accord de Bonn, pour les forêts seulement.
Le président: D'accord. Finalement...
Mme Norine Smith: Si vous permettez... Peut-être pour donner une précision, vous avez mentionné le chiffre de douze?
Le président: Oui.
Mme Norine Smith: Douze, c'est le chiffre qui figure dans l'annexe dont a parlé Paul, et il s'agit de carbone, plutôt que de l'équivalent en dioxyde de carbone, alors...
M. Paul Fauteux: Et la différence est de trois virgule quelque chose, alors vous devez multiplier douze par le facteur de conversion du carbone au dioxyde de carbone...
Le président: Le carbone, ce n'est pas un gaz à effet de serre, n'est-ce pas?
M. Paul Fauteux: Le dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre.
Le président: D'accord. Alors quelle est la nature du carbone, dans ce cas-ci?
M. Paul Fauteux: Excusez-moi, le carbone est une formule abrégée pour l'équivalent du dioxyde de carbone—c'est-à-dire l'unité utilisée pour les négociations et les calculs. Le Protocole de Kyoto traite de six gaz à effet de serre, et pour que tout cela soit compréhensible et qu'on ne vous fasse pas comparer des pommes avec des oranges, nous faisons un calcul en unités équivalentes du dioxyde de carbone.
Le président: Je vois. Enfin, dans nos politiques internes, pour réduire notre mégatonnage, est-ce que vous envisagez d'examiner notre régime fiscal, notamment l'élimination des taxes iniques qui encouragent la production de gaz à effet de serre?
Mme Norine Smith: Vous savez probablement que l'unique outil de politique qui a été exclu, pour l'instant, est la taxe sur le carbone, mais pratiquement tous les moyens de composer avec ces questions sont à l'examen actuellement.
Le président: Y compris un examen des taxes iniques?
Mme Norine Smith: Certainement.
Le président: Certainement? Je vous remercie.
Voulez-vous avoir un deuxième tour, monsieur Mills?
M. Bob Mills: Je pense que nous en avons un peu parlé. Nous avons dit que si l'accord de Kyoto était mis en oeuvre intégralement, les changements seraient minimes au premier tour, mais nous entendons des chiffres différents. Nous entendons que d'ici à l'année 2100, en nous contentant de ne faire que ceci, nous ne gagnerions qu'environ six ans. Bjorn Lomberg, dans son nouveau livre, dit que nous n'allons gagner qu'environ 0,2 degré Celsius en appliquant l'accord de Kyoto.
Je vais revenir sur la question des pays en développement. Il me semble que nous pourrions faire tellement plus avec l'aide de la technologie. J'ai entendu des gens du pétrole dire qu'ils vont commencer à pomper du dioxyde de carbone dans le sol. Je me demande si c'est une technologie qui peut vraiment nous aider, ou est-ce que ça n'a que l'apparence d'une bonne idée?
Nous avons parlé de puits. Nous avons parlé d'autres sources d'énergie. Vous savez, ma fille m'a emmené, en Allemagne, faire le tour de toutes les grandes éoliennes. Elles mesuraient six ou sept étages de hauteur, d'énormes machins, et on m'a parlé de la quantité d'énergie qu'elles produisent, etc. Il me semble, alors, que si nous regardons la situation des pays en développement—les Inde, Chine, Brésil, Mexique...là où je veux en venir, c'est que nous sommes tous allés dans ces villes dont nous avons dû mâcher l'air. Il est épais. Il me semble que si nous prenions un peu de cette technologie—non pas seulement ici, mais si nous pouvions la transporter vers les pays non industrialisés—nous pourrions faire une différence énorme pour l'air. Les répercussions pourraient être phénoménales, comparativement aux tout petits pas que nous ferions avec quelque chose comme l'accord de Kyoto.
• 1705
Je ne sais pas si j'ai posé la question de manière à ce
qu'elle soit facile à comprendre, mais si vous le pouvez, aidez-moi
donc.
Mme Norine Smith: Je pense qu'en ce qui concerne la solution à long terme, vous avez vraiment mis le doigt sur ce qu'il faut faire pour vraiment s'attaquer à ce problème, sur ce que les scientifiques nous disent qu'il faut faire. Je crois que lorsque nous reviendrons sur le passé, assis dans nos chaises berçantes dans nos vieux jours, nous verrons un monde très différent autour de nous, parce que des travaux intensifs se font sur ces technologies que vous décrivez, et pas une de ces choses dont vous avez parlé n'est réellement un rêve irréalisable. Toutes ont besoin d'être précisées, mais elles présentent un potentiel considérable et, comme vous l'avez dit au sujet des éoliennes dans d'autres parties du globe, elles existent déjà.
Le mécanisme de développement propre vise effectivement, dans le fond, ce que vous décrivez. Il vise à permettre l'existence d'un mécanisme de marché qui incite les compagnies de pays comme le Canada à amener ces technologies dans des pays comme le Mexique, la Chine ou le Brésil, et à les aider à faire le bond vers cette technologie de la prochaine génération.
Si vous voulez, Sushma pourrait vous parler un peu plus longuement du point de vue sur la perspective des pays en développement à ce sujet, ou Pierre, aussi.
M. Bob Mills: Cela pourrait nous amener à cette question fiscale à laquelle s'intéressait le président, aussi. Je pense qu'il pourrait y avoir des incitatifs pour qu'il semble intéressant de développer et de mettre en marché ce genre de chose, et peut-être l'ACDI pourrait-elle s'intéresser à ce genre de programme aussi, pour aider ces pays, comme vous dites, à faire un bond.
Mme Sushma Gera: J'aimerais ajouter deux ou trois choses. Il y a une disposition relative au transfert technologique dans la convention; c'est une obligation qui pèse sur nous, en tant que pays développés. Il y a aussi des clauses dans le Protocole de Kyoto relatives au transfert technologique. Le mécanisme de développement propre, bien entendu, est l'un des plus importants mécanismes à nos yeux au plan du transfert technologique, parce que non seulement il nous permet, en tant que pays développé, ainsi qu'à nos compagnies, de réduire les émissions et d'en récolter tout le mérite, mais aussi il emmène la technologie dans les pays en développement. C'est donc un mécanisme clé.
En ce qui concerne l'une des technologies dont vous avez parlé, la capture du dioxyde de carbone, comme Norine l'a dit, il y a beaucoup de choses qui se font au Canada et à l'étranger, particulièrement à l'AIE, que je veux souligner parce que ce que nous ne connaissons pas vraiment bien en ce moment, où que nous ne saisissons pas tout à fait, c'est la mesure, que ce soit au niveau national ou au niveau d'un projet. Une fois les problèmes de mesure réglés, certainement, cela formera une autre technologie qui participera aux calculs, à propos des crédits. Mais le transfert technologique, à mon avis, est au coeur du protocole et de la convention, par le biais des mécanismes et hors des mécanismes.
M. Pierre Giroux (directeur adjoint, Politiques, Direction des changements climatiques et de l'énergie, ministère des Affaires extérieures et du Commerce international): Peut-être puis-je ajouter, pour finir de répondre à votre question, que nous devons examiner le problème à deux niveaux, dans le fond. Le premier porte sur les engagements à long terme qu'il nous faut prendre à l'échelle mondiale pour stabiliser les gaz à effet de serre. Pour mettre les chiffres en perspective, au début de l'ère industrielle nous étions à 280 parties par million de dioxyde de carbone. Nous en sommes maintenant à 370. Nous prévoyons que quand nous atteindrons 450 parties, il se pourrait que nous commencions à constater certains effets. L'incertitude croît au rythme de l'augmentation du nombre de parties par million.
Le problème est que de nos jours, 65 p. 100 des émissions proviennent des pays industrialisés. En 20 ans, la proportion sera inversée, et 65 p. 100 des émissions proviendront du Sud. Alors un moyen de réagir au problème à long terme, comme on l'a dit, c'est de travailler au niveau de projet, de convaincre ces pays d'adopter des mesures ponctuelles, au niveau de projet, pour réduire leurs émissions.
L'autre stratégie que nous envisageons est plus globale, plus générale. C'est que nous espérons que d'ici à la deuxième période d'engagement, c'est-à-dire après 2012, nous serons en mesure d'élargir la portée du protocole de Kyoto qui, d'un protocole partiel ne touchant qu'un nombre infime de pays, pourrait englober, selon un modèle différencié, de nombreux autres pays. Nous espérons être en mesure de le mondialiser afin que ces pays participent à l'effort en adoptant leurs mesures nationales, et non pas seulement par le biais de projets de transfert des technologies mais aussi par celui de politiques qu'ils mettront en oeuvre.
• 1710
Nous envisageons donc une politique à deux voies, pour
parvenir à ce que vous avez mentionné.
M. Bob Mills: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président. J'ai deux questions. La première a encore trait aux puits de carbone et la deuxième porte sur le rapport de force auquel devra faire face le Canada dans un mois, au Maroc.
Premièrement, étant donné qu'on estime à environ 15 p. 100 l'apport des puits de carbone dans l'atteinte de l'objectif global et que ce qui a été négocié à Bonn, dans l'annexe Z, correspond à 22 p. 100, admettez-vous que le Canada dispose, dans ce cadre-là, d'une marge de manoeuvre de 5 points de pourcentage pour ne pas s'engager à effectuer une véritable réduction des gaz à effet de serre? Entre 15 p. 100 et 22 p. 100, il y a une marge de manoeuvre qui permet de ne pas prendre des mesures rigides, fermes pour réduire les gaz à effet de serre et de pallier cela par le mécanisme des puits de carbone. C'est ma première question.
M. Paul Fauteux: Merci, monsieur Bigras. Pour répondre à votre question, je parlerai d'abord de l'objectif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont le Protocole de Kyoto est un instrument subsidiaire. L'objectif de la convention est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui n'entraîne pas le risque d'un changement climatique dangereux. Dans votre question, vous opposez les réductions d'émissions à la séquestration du carbone par les puits. Ce n'est pas du tout dans ces termes-là que la convention envisage cette question. L'objectif n'est pas de réduire les émissions. L'objectif est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui ne pose pas de problème au niveau des changements climatiques.
M. Bernard Bigras: Par une réduction, puisqu'il faut les stabiliser.
M. Paul Fauteux: Mais pas exclusivement.
M. Bernard Bigras: Non.
M. Paul Fauteux: Après avoir posé cet objectif de stabilisation des concentrations atmosphériques, la convention, dont le Protocole de Kyoto reprend les dispositions, précise qu'il y a deux façons d'y arriver: réduire les émissions pour éviter d'ajouter aux concentrations qui existent déjà dans l'atmosphère, et absorber, par l'effet des puits, les concentrations qui sont déjà là. Donc, il y a ce mouvement de haut en bas et de bas en haut. Il faut réduire l'ajout d'émissions additionnelles, mais il faut aussi maximiser l'absorption par les puits pour réduire les concentrations actuelles. Les deux moyens sont également légitimes et reconnus par la convention et le protocole pour atteindre l'objectif de réduction des concentrations atmosphériques.
M. Bernard Bigras: D'accord. Ma deuxième question porte sur le rapport de force auquel fera face le Canada lors de la conférence au Maroc. Il me semble que le Canada avait une occasion en or d'arriver à cette rencontre avec une entente fédérale-provinciale incluant toutes les provinces. Ce que je comprends de ce qui s'est passé le 24 septembre dernier, c'est que le gouvernement fédéral n'a pas laissé aux provinces le choix des moyens pour l'atteinte des objectifs. Je pense que, comme à Bonn, il aurait été souhaitable d'avoir une entente qui soit moins rigide, moins contraignante. Au moins, à Bonn, on a eu une entente, alors que le 24 septembre, on s'est retrouvé devant rien, avec toutes les conséquences que cela aura, à mon avis, sur le plan international. On n'a pas d'entente à présenter, une entente qui vise justement le partenariat.
L'expérience démontre que quand on laisse une chance aux provinces, cela peut marcher. Je pense, entre autres, au Québec et à la Colombie-Britannique, qui ont soumis des plans d'action. C'est une constatation. De toute façon, on ne peut pas changer l'avenir ou on ne peut pas revenir en arrière.
Voici ma deuxième question. Comment voyez-vous l'atteinte des objectifs canadiens en ce qui a trait aux provinces? Favorisez-vous davantage une atteinte des objectifs au prorata de la population, ou si vous proposez plutôt qu'on prenne les émissions actuelles et qu'on regarde les efforts qui ont été faits par certaines provinces? Si on fonctionne au prorata de la population, il est clair que le Québec pourra être défavorisé, puisqu'il a déjà fait des efforts importants, par un choix énergétique clair dans les années 1960—cela a tombé comme ça, mais c'est la réalité—, et est donc en mesure d'atteindre un certain nombre d'objectifs.
• 1715
Donc, est-ce qu'on privilégie l'approche voulant
qu'on atteigne les objectifs
au prorata de la population,
plutôt que celle qui tient compte des
émissions actuelles et des efforts faits
par les provinces dans le passé?
M. Paul Fauteux: Merci de votre question, monsieur Bigras. Si vous me le permettez, je vais également réagir aux commentaires que vous avez faits sur la réunion ministérielle mixte du 24 septembre. Puisque j'ai eu le plaisir d'y assister, je peux vous donner mon point de vue sur ce qui s'y est passé.
Je voudrais d'abord vous rassurer sur l'impact de l'absence d'entente fédérale-provinciale sur la marge de manoeuvre du Canada à Marrakech, telle que vous la décriviez. Je ne crois pas que l'absence d'une entente fédérale-provinciale à Winnipeg aura un impact négatif sur la marge de manoeuvre et le pouvoir de négociation du Canada.
Il s'agit de négociations internationales, et chaque pays mène ses consultations à l'interne. D'après mon expérience des négociations internationales, que les consultations aient été menées à terme ou pas, cela n'a pas d'impact sur la position de négociation des pays dans ces négociations.
En ce qui concerne ce qui s'est passé à Winnipeg, comme vous l'avez constaté, le communiqué de la réunion a noté qu'il n'y avait pas eu d'accord sur l'entente-cadre fédérale-provinciale-territoriale et que ces discussions se poursuivraient à Toronto le mois prochain, à une date devant être annoncée sous peu.
Donc, il n'est pas exclu qu'on puisse avoir un accord avant la rencontre de Marrakech, puisque cette rencontre de Toronto se tiendra en octobre, avant le début des négociations de Marrakech.
Finalement, voici ce qui s'est passé à Winnipeg. Un projet d'entente qui avait fait l'objet d'un accord presque complet à Québec l'année dernière, lors de la précédente réunion ministérielle, n'a pas pu être conclu parce que certaines provinces ont rouvert des dispositions de l'entente qui avaient fait l'objet d'un accord à Québec, ce qui entraînera une poursuite des discussions. Je pense qu'il n'y a pas eu de rigidité de la part du gouvernement fédéral. La discussion a été rouverte par certaines provinces et devrait être poursuivie.
En ce qui concerne votre question sur l'atteinte des objectifs dans les provinces, des discussions sont en cours dans le cadre du processus fédéral-provincial auquel Norine Smith a fait allusion. Il y a un groupe de travail qui se penche sur cette question de l'allocation de la cible. Doit-elle être répartie au Canada sur la base des secteurs économiques? Doit-elle être répartie sur la base des provinces et territoires? Doit-elle être répartie, comme vous l'avez suggéré potentiellement, au prorata de la population? Ces discussions sont en cours, et le gouvernement fédéral n'a pas adopté de position tranchée en ces matières. On attend la poursuite des discussions.
Le président: Merci, monsieur Bigras.
[Traduction]
Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Le président a fait allusion à cette idée de réforme fiscale et d'incitatifs ou de subventions iniques, comme je suppose vous pourriez appeler certaines de ces mesures adoptées, en rapport avec certaines façons nuisibles d'extraire le pétrole du sol, pour l'environnement en particulier.
Si vous regardez le concept de réforme fiscale écologique, à ce que je comprends, il est vraiment question de détourner les impôts de la main-d'oeuvre et de ce genre de choses vers l'énergie. Je sais que les Européens l'ont envisagé, si ce n'est pas déjà mis en oeuvre, aussi. De fait, c'est une position de neutralité fiscale, d'absence d'incidence sur les recettes. Il ne sera pas possible de procéder à une réforme fiscale écologique sans taxe sur le carbone. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Mme Norine Smith: Je pense, tout d'abord, qu'il y aurait divers moyens d'appliquer le régime fiscal à ce problème. Il pourrait notamment y avoir des ajustements ou des déductions pour amortissement, par exemple. L'amortissement fiscal pour promouvoir les technologies à haut rendement énergétique et décourager d'autres types d'équipement, par exemple, ne serait pas une taxe sur le carbone. La taxe sur le carbone n'est tout simplement généralement pas vue comme quoi que ce soit du genre.
Je ne suis pas sûre que la situation soit aussi nette que votre conclusion, qu'il n'est pas possible d'adapter le régime fiscal à cette réalité d'une manière qui serait conforme au concept à l'étude, relativement à la réforme fiscale écologique.
Mme Karen Kraft Sloan: Je comprends qu'il y a des mesures que vous pouvez prendre pour créer des incitatifs pour certains types d'investissement, et il y a des façons de les structurer de manière qu'il n'y ait pas d'incidence sur les recettes, aussi. Il se pourrait que l'amortissement fiscal soit réduit pour un type de machine, et augmenté pour un autre type de machine. Nous devons toujours donner des signaux clairs et fermes à l'industrie. Il lui faut du temps pour s'adapter et c'est un lent processus.
Je comprends que c'est réalisable, mais si nous voulons vraiment faire une différence et fermement effectuer la transition vers un type particulier de société consommatrice d'énergie, et si nous voulons vraiment tirer parti du régime fiscal, à bien des égards, nous ne faisons vraiment que rogner les coins, en quelque sorte. Je comprends que la décision de ne pas avoir de taxe sur le carbone émane de l'organe politique du gouvernement, alors je demande seulement à quel point ces autres mesures pourraient être efficaces si vous ne pouvez pas insérer de taxe sur le carbone dans l'équation, avec une réduction équivalente de la taxe sur la main-d'oeuvre.
Mme Norine Smith: Les travaux d'analyse qui ont été réalisés au Canada, ainsi que dans bien d'autres pays, sur les négociations des droits d'émission à l'interne, donnent à penser que c'est une solution qui peut s'avérer très efficace. L'un des avantages du système de négociation intérieure des droits d'émission, c'est qu'étant donné qu'il amène le marché à s'adapter, il fait en sorte que les opportunités économiques de réduction des émissions sont quasi automatiquement recherchées dans le pays. Le régime de négociation des droits fixe le prix du carbone, et vous pouvez soit réduire vous-même vos émissions parce que cela vous coûtera moins cher que le permis, soit acheter le permis. C'est donc une manière de faire le courtier pour trouver l'approche la plus économique dans le pays. La négociation des droits d'émission au Canada est une approche qui présente un potentiel considérable et qui mérite réflexion.
Pour revenir à ce dont parlait M. Herron tout à l'heure, il faut vraiment en discuter plus en profondeur au Canada. On s'attend à ce que d'ici quelques mois, avec ce qui aura été fait d'ici là, nous serons en mesure de lancer ce genre de processus de consultation.
Mme Karen Kraft Sloan: C'est un économiste écologique d'assez grande réputation qui m'a expliqué le concept de la négociation des droits d'émission, et il m'a laissé entendre que ce n'était qu'aux fins de la transition.
Personnellement, cela me pose un problème que notre programme sur le changement climatique soit tellement axé sur les échanges de droits d'émission, le calcul des jetons et la formulation des règles et de la façon dont on s'y prendra. En réalité, nous envisageons un système comptable artificiel; nous ne pensons pas au système comptable réel, celui de la nature.
Il m'apparaît parfois qu'il y a beaucoup de querelles et d'énergie dépensée pour formuler ces petites règles et des choses du genre, comment ça se passera, comment le marché fonctionnera, et tout cela, et on néglige de s'occuper de réductions véritables et sérieuses. Je n'aurais de réconfort que de savoir qu'on n'a recours aux échanges de droits d'émissions que pour une phase de transition, une transition qui nous sèvrerait de notre dépendance sur une économie fondée sur le carbone et nous rapprocherait de solutions beaucoup plus durables, parce que c'est là, la réalité.
• 1725
Nous finirons bien par épuiser nos réserves, et si nous
n'agissons pas et ne répondons pas aux exigences de la nature, ça
arrivera plus vite qu'on pense. Je vois donc les échanges de droits
d'émission comme quelque chose de très temporaire. Ce pourrait être
10 ou 15 ans, mais ce serait néanmoins temporaire.
Mme Norine Smith: Je dois dire que je suis assez confondue par l'information que vous avez reçue, parce que le système d'échange des droits d'émission est un système très efficace pour faciliter la transition, mais cela ne veut pas dire que c'est un système temporaire de transition. Le contexte qui a entouré les travaux jusqu'ici, au sujet des échanges d'émissions intérieurs, est tel que ce serait un instrument de politique permanent qui serait très efficace pour faciliter la transition et nous permettre d'atteindre nos buts. Pour revenir aux conservations de tout à l'heure au sujet d'une deuxième, troisième et quatrième période d'engagement, il constitue aussi un instrument qui nous permet de continuer d'ajuster les politiques pour refléter les engagements plus rigoureux.
Mme Karen Kraft Sloan: Eh bien, comme nous le savons en politique, une position de principe permanente n'est valable que tant que le gouvernement qui la défend est en place, et jusqu'à ce qu'il soit remplacé. Alors le système lui-même a un caractère très transitoire.
Mme Norine Smith: Tout gouvernement a la possibilité de défendre ses propres politiques, c'est évident. Ceci s'applique absolument à n'importe quel instrument de politique que l'on choisisse et ce n'est absolument pas unique aux échanges de droits d'émission au Canada.
Le président: Merci.
Monsieur Laliberte, vous avez la parole.
M. Rick Laliberte: Un petit éclaircissement. Nous avons convenu d'une augmentation de 6 p. 100 pour la première période de réduction, une réduction par rapport au niveau de 1990. Vous dites que nous en sommes à une hausse de 15 p. 100 en ce moment, en 2001, c'est donc dire qu'il nous faut réduire nos émissions de 21 p. 100 pour atteindre notre cible. Cependant, vous dites aussi que les puits de carbone sont reconnus pour produire environ 15 p. 100 des émissions.
Mme Norine Smith: Nous combinons en quelque sorte la base, ou le pourcentage...
M. Rick Laliberte: Le dénominateur.
Mme Norine Smith: ...ce qu'est le dénominateur, alors l'écart que nous prévoyons si on ne change rien, d'ici au milieu de la période d'engagement, serait d'environ 200 mégatonnes. On estime que les puits représentent quelque chose de l'ordre de 30 mégatonnes sur les 200 mégatonnes dont il faudra s'occuper. Alors j'évite pour l'instant de parler de pourcentage.
Et puis, pour ce qui est de ces 200 mégatonnes, ne me prenez pas au pied de la lettre, parce que je ne connais pas le chiffre exact, mais nous sommes probablement aux environs des 150 en ce moment. Je peux donner des chiffres plus précis au comité, mais vous avez raison, nous nous situons à environ 21 p. 100, et si on ne change rien, on prévoit 26 p. 100.
M. Rick Laliberte: Y a-t-il la moindre publication de cette espèce de bulletin, si on veut? Il nous la faut.
Mme Norine Smith: Oui, certaines de ces informations figurent dans les premiers documents du Plan d'action 2000. Tous les ans, le gouvernement dépose les données de son inventaire à la FCCC des Nations unies. Cette information est publique, et nous pouvons remettre au comité le communiqué de presse qui a été diffusé—je crois que c'était en juillet—lequel décrivait exactement où nous en sommes en ce moment, les secteurs de l'économie où la croissance se poursuit, mais il y a certains secteurs de l'économie où les émissions sont très stables depuis quelque temps maintenant. De fait, vous pourriez trouver beaucoup d'intérêt aux communiqués de presse des deux dernières années, parce qu'ensemble ils donnent une assez bonne idée de la situation.
M. Rick Laliberte: Vous parliez tout à l'heure d'un site Web, aussi. Quel est-il?
Mme Norine Smith: Il y a un site Web sur le changement climatique, et nous pouvons en donner l'adresse au comité.
M. Rick Laliberte: Il y a eu ce protocole, je suppose, à l'échelle nationale, selon lequel Environnement Canada prendra la direction des engagements internationaux, et au pays ce serait le ministère des Ressources naturelles. Ça n'a pas changé?
Mme Norine Smith: Nous travaillons vraiment en équipe, en tant que membres d'une équipe internationale de négociation. Comme je l'ai dit, Paul est le coprésident, avec un collègue des Affaires extérieures, en fait, mais nous avons des coéquipiers qui sont des experts des ministères des Ressources naturelles, de l'Agriculture, de l'Industrie et des Finances. J'oublie probablement un ministère—l'ACDI, comment puis-je oublier l'ACDI? Est-ce que j'omets quelqu'un? Je ne pense pas.
C'est donc une équipe multidisciplinaire de négociation, au niveau ministériel, qui est dirigée par le ministre Anderson mais il partage ses responsabilités dans le domaine, comme toute équipe internationale de négociation, avec le ministre Manley ou avec la ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.
Au pays, les ministres Anderson et Goodale sont tous les deux membres du processus fédéral-provincial, et vous savez certainement qu'il y a un groupe de référence de ministres qui, encore là, représentent tous les ministères et les ministres ici, au niveau fédéral, et qui s'intéresse de près aux changements climatiques et peut y jouer un rôle. Alors je peux dire que c'est une approche très globale, exhaustive.
M. Rick Laliberte: Alors, les efforts que produit ce comité sont très avantageux pour votre équipe de négociation, que ce soit des efforts au Canada ou sur la scène internationale?
Mme Norine Smith: Oui.
M. Rick Laliberte: Alors si nous poursuivons sur cette voie, je suppose que c'est à notre avantage?
Mme Norine Smith: Oui.
Le président: Merci.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: L'Allemagne et le Danemark ont tous deux fixé des cibles spécifiques relativement aux combustibles de remplacement, particulièrement l'énergie éolienne, et la Wind Energy Association of Canada s'est présentée devant nous au printemps avec une proposition pour l'établissement de cibles spécifiques. Y a-t-il des recherches qui se font sur l'incidence que cela pourrait avoir sur la réduction des gaz, si nous établissions ces cibles et les atteignions?
Mme Norine Smith: L'idée d'établir des cibles a déjà été explorée par la table de concertation sur l'électricité. Si je peux vous ramener à il y a quelques années, dans le cadre du processus national, quelque chose comme 16 tables de concertation ont été crées, certaines sectorielles, et d'autres horizontales, en quelque sorte. Par exemple, il y en avait effectivement une sur l'échange des droits d'émission au pays.
Le secteur de l'électricité a examiné le concept de l'établissement de cibles, et ce n'est pas l'approche qu'il a prônée. En résumé, il a conclu qu'un système d'échange des droits d'émission au Canada serait la meilleure solution pour le secteur, parce qu'il lui donnerait la flexibilité dont il a besoin pour trouver le moyen le plus économique de produire, tandis qu'en établissant des cibles, nous pourrions trouver ou ne pas trouver le niveau idéal pour lui permettre de cerner le moyen le plus économique d'atteindre le but ultime de réduction des gaz à effet de serre. En gros, c'est la nature du débat sur la question.
M. Joe Comartin: Exerce-t-on une certaine surveillance pour vérifier l'efficacité du processus? Je ne suis pas convaincu que le Canada fait quoi que ce soit de valable pour promouvoir l'énergie éolienne si l'on compare nos réalisations à celles de l'Allemagne et du Danemark et même, pour être franc, des États-Unis.
Mme Norine Smith: Vous avez certainement choisi les pays qui ont été les plus agressifs dans ce domaine. Le gouvernement a pris à cet égard des engagements qui font partie du plan d'action 2000 et qui sont concrétisés par des investissements prévus au budget. Il est bien connu que c'est un domaine qui a énormément de potentiel et où nous pourrions faire beaucoup plus.
M. Joe Comartin: Rien qu'une autre question, monsieur le président.
A-t-on effectué des recherches ou des études pour favoriser la transition tant pour les collectivités que pour les employés qui devront en subir les conséquences? Je songe aux secteurs de l'énergie, de la fabrication, qui risquent d'être durement touchés, et en particulier à l'industrie de l'automobile.
Mme Norine Smith: Des études analytiques font partie du plan de travail mis au point avec les provinces. Ce sont là des questions auxquelles nous devrons pouvoir répondre au moment de décider s'il y a lieu ou non de ratifier. Ces questions figurent sur la liste.
M. Joe Comartin: Je suis désolé...l'analyse est effectuée par les provinces?
Mme Norine Smith: Cela fait partie du programme conjoint d'études analytiques réunissant les autorités fédérales-provinciales et territoriales.
M. Joe Comartin: Cette documentation est-elle accessible au public?
Mme Norine Smith: Je vérifierai pour savoir quelle partie du travail du groupe d'analyse et de modélisation est disponible et je fournirai au comité tout ce que je peux.
M. Joe Comartin: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Je vais essayer de résumer mon intervention en quelques points. Le premier porte sur la mémoire institutionnelle qui, vous en conviendrez, est un facteur important ici. J'attire votre attention, au cas où cela n'aurait pas déjà été fait, sur le fait que le comité a consacré un certain nombre de mois à l'étude du sujet et que nous avons présenté à la Chambre des communes un rapport intitulé Kyoto et après, qui renferme près d'une trentaine de recommandations.
Dans ce rapport, si cela vous intéresse de le lire, vous trouverez une analyse exhaustive de la question des subventions à rebours ou des allégements fiscaux—c'est-à-dire des incitatifs qui engendrent une hausse de la production des gaz à effet de serre. À l'annexe, vous pourrez consulter les calculs du ministère des Finances qui montrent ce que signifie réellement la subvention en terme de perte de revenu. Notre système comporte donc au moins une politique qui encourage la production de gaz à effet de serre et qui, parallèlement, se traduit par une réduction des recettes gouvernementales, ce que nous regretterons sans doute amèrement au cours des mois et des années à venir.
Le rapport renferme aussi une recommandation voulant qu'en guise de premier pas, on traite sur le même pied les sources d'énergie renouvelable et non renouvelable, ce que le régime fiscal ne fait pas encore. Chose plus importante encore, la deuxième étape consisterait à accorder une position plus avantageuse, un traitement privilégié, si je puis dire, au secteur de l'énergie renouvelable par rapport à celui de l'énergie non renouvelable, et nous sommes à des années lumières de cela. À l'heure actuelle, le fisc favorise à tous les égards et pour des raisons fort compréhensibles—et ce sont en fait de très bonnes raisons politiques—, le secteur de l'énergie non renouvelable.
Néanmoins, si nous voulons vraiment mettre en oeuvre l'accord de Kyoto, il y aurait tout lieu de faire un examen honnête de notre régime fiscal. Cela ne plairait guère à vos collègues du ministère des Finances, mais j'ignore si cela fait partie de votre mandat, de sorte que vous pourriez peut-être survivre à ce choc.
• 1740
Le commissaire du développement durable a été très sévère dans
son rapport de 1998. J'espère que ses observations ont été prises
en compte sérieusement par les divers ministères qu'il a pointés du
doigt.
Mon deuxième point concerne le fait malheureux évoqué par Mme Kraft Sloan, soit la question de l'échange de droits d'émission. C'est un sujet auquel on pourrait consacrer tout l'après-midi. Je partage tout à fait ses vues. Permettez-moi de m'expliquer très brièvement à l'aide d'un exemple.
Madame Smith, comme vous nous l'avez expliqué, il existe un plafond en deçà duquel une entreprise peut réclamer des crédits qu'elle peut acquérir grâce à l'échange de droits d'émission. Autrement dit, elle peut acheter des droits d'émission auprès d'entreprises qui performent bien en deçà d'un niveau prescrit. Si tous les pays riches faisaient cela, nous pourrions acheter ces crédits et après avoir atteint ce plafond, nous serions encore tenus de réduire nos émissions sinon au cours de la période actuelle, certainement au cours de la seconde période d'engagement.
Par conséquent, la question se pose: comment pouvons-nous nous fier à ces mécanismes d'échange de droits d'émission s'il n'existe pas de formule inhérente qui resserre le système constamment. Il faut que ce soit un élément de politique qui soit connu d'entrée de jeu au lieu d'en faire une possibilité en aval. Voilà pourquoi l'échange de droits d'émission est un instrument faible.
Qui plus est, aux articles 6 et 17 du protocole de Kyoto, qui sont les seuls que je connais,—je ne voudrais pas vous donner l'impression que je les connais tous—, on mentionne en termes clairs le fait que la mise en oeuvre commune et l'échange de droits d'émission doivent être considérés uniquement comme appoint aux mesures intérieures. En l'occurrence, le terme «appoint» prend énormément d'importance.
Dans le cas du Canada, si j'ai bien compris le plan d'action 2000, on se fie à la mise en oeuvre commune et à l'échange de droits d'émission dans une proportion de 25 p. 100. Si c'est exact, cela ne constitue pas un rôle d'appoint. C'est beaucoup plus. Voilà pourquoi, au bout du compte, il est très difficile de contrer l'impression que nous nous soucions davantage de trouver une façon d'établir des crédits là où c'est possible plutôt que de trouver des moyens de réduire véritablement les émissions de gaz à effet de serre. J'espère que je me trompe, mais j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Mme Norine Smith: Je commencerai par l'échange de droits d'émission pour évoquer ensuite la nécessité d'être en mesure de l'adapter.
Je suis tout à fait d'accord avec vous: à mesure qu'on ajuste le niveau cible, le plafond établi à l'égard des mécanismes intérieurs d'échange de droits d'émission devrait être ajusté en conséquence. En comparaison d'une démarche fiscale, l'un des avantages du système intérieur d'échange des droits d'émission est la prévisibilité des résultats. En effet, une fois le plafond établi, on fixe la limite des émissions. Cependant, dans le contexte fiscal, on fixe un taux d'imposition et selon que votre analyse de l'élasticité de l'offre et de la demande est plus ou moins juste, on ne peut être sûr d'avoir établi l'impôt en fonction de l'incidence exacte sur les émissions. Il serait nécessaire de calibrer davantage le régime fiscal que de calibrer le système d'échange des droits d'émission intérieure et ce, uniquement en raison de la conception fondamentale des deux instruments.
• 1745
J'en viens à votre question sur le fait que les mécanismes
internationaux ou les mécanismes de Kyoto doivent servir d'appoint
aux mesures intérieures. Vous avez raison en ce sens que sauf
erreur, le Plan d'action 2000 prévoit un objectif de 65 mégatonnes
environ et que de ce nombre, 20 mégatonnes ressortissent aux
mécanismes de Kyoto.
Le Plan d'action 2000 est un pas dans la bonne direction. Si c'est un domaine auquel le plan accorde une certaine emphase, c'est qu'il est assorti de longs délais préalables et qu'il est important de donner le coup d'envoi à un grand nombre de ces projets. Le mécanisme du développement propre est un domaine où, à l'échelle internationale, il est possible de gagner un crédit avant la période d'engagement prévue. C'est donc un domaine où l'on peut avoir un très bon rendement sur l'investissement, pour ce qui de réaliser son objectif.
Dans la perspective de la politique canadienne, ce qui est important, c'est cette déclaration réitérée à maintes reprises au fil des ans, que le Canada a l'intention de réaliser la majorité de ses réductions sur son territoire. C'est en engagement supplémentaire dans le contexte canadien; peu importe ce que dit le protocole, c'est ce à quoi le gouvernement s'est engagé.
Le président: Merci, cela est très utile.
Enfin, j'aimerais faire une mise en garde, avec votre permission, au sujet de l'incertitude qui règne encore aujourd'hui au sein de la communauté scientifique quant aux calculs des puits de carbone des forêts. On s'entend sur la capacité des jeunes plants d'absorber le dioxyde de carbone au cours des premières années de croissance, mais au cours de la période qui suit, cette capacité d'absorption est beaucoup moindre par rapport à la précédente. On sait également qu'il y a des émissions négatives de carbone au moment de l'abattage et du déboisement de la forêt. Encore aujourd'hui, les scientifiques se demandent si l'on peut vraiment affirmer qu'il y a réductions d'oxyde de carbone étant donné que l'existence des forêts joue un rôle en la matière.
Je veux simplement porter cela à votre attention car la question ne semble pas encore tranchée. Cela dit, c'est l'information la plus à jour dont nous disposons.
Mme Norine Smith: C'est là une question qui a été abordée par le panel intergouvernemental de scientifiques sur le changement climatique. Ces derniers sont arrivés à la conclusion que même si on peut toujours en apprendre davantage sur une question scientifique—et celle-ci ne fait pas exception à la règle—, nous possédons suffisamment de connaissances scientifiques au sujet des puits de carbone, tant les domaines agricoles que forestiers, pour pouvoir commencer. Il faut faire ces investissements car nous en savons suffisamment pour aller de l'avant.
Le président: Merci. Je vous enverrai une copie de cet article paru récemment dans le Science Magazine, pour que vous puissiez le montrer à vos amis du panel intergouvernemental la prochaine fois que vous les verrez.
Monsieur Mills a la dernière question.
M. Bob Mills: J'ai écouté attentivement la discussion sur le dioxyde de carbone. À cet égard, force m'est de vous rappeler—et je suis sûr que vous-même et les membres du comité le savez—, que le premier ministre et le ministre des Finances ont donné un coup de pouce très encourageant au développement des sables bitumineux, en y investissant 36 milliards de dollars, somme qu'ils espèrent porter à 55 milliards de dollars ultérieurement. Qui plus est, à l'occasion de rencontres avec le président des États-Unis, on s'est dit heureux d'avoir investi ce capital de démarrage et on a même ajouté qu'on était impatient d'ouvrir le robinet pour envoyer davantage d'hydrocarbures vers le Sud car cela contribuerait énormément à améliorer notre GIP au cours des quelques prochaines années. Ce n'est pas moi qui le dis; ce sont les représentants officiels du gouvernement qui le disent, et leurs déclarations ont été largement diffusées.
• 1750
Mais avant d'être convaincu que tout le monde ici est opposé
à cela, il serait bon de vérifier auprès des personnes qui
affirment que c'est une bonne idée. Et c'est là qu'intervient ma
question originale. Si les Américains ne sont pas partie prenante
de cet exercice, nous devrions en tirer le crédit car nous
absorbons les coûts environnementaux liés à la production des
hydrocarbures que les Américains utiliseront. Ils obtiennent du
combustible propre alors que nous nous retrouvons à assumer les
coûts environnementaux. C'est tout simplement injuste, et il
faudrait que quelqu'un se penche là-dessus. Ou alors le
gouvernement envoie le mauvais message à l'industrie en lui disant
que c'est une bonne chose.
Mme Norine Smith: Permettez-moi de commenter le rôle de la technologie dans la gestion des émissions liées à des investissements de ce genre.
Comme vous le savez sans doute, les usines d'exploitation de sables bitumineux ont réalisé des progrès considérables pour ce qui est de réduire le niveau de leurs émissions par unité produite. Mais ce qui se passe, c'est que la cadence de production des unités dépasse de loin le rythme des améliorations apportées. Et c'est là que les technologies liées à la capture et à l'entreposage du gaz carbonique prennent toute leur importance. Elles représentent un outil potentiel intéressant pour gérer cette situation. L'industrie effectue des recherches sur les moyens d'extraire le dioxyde de carbone des courants d'émission. De plus, on considère que cette technique comporte d'énormes possibilités pour ce qui est de contribuer à gérer le volume imposant des émissions découlant d'investissements de ce genre. La technologie aura un grand rôle à jouer.
M. Bob Mills: Oui. Je conçois qu'on mette l'accent sur la technologie, en autant que ce ne soit pas sur les impôts.
Le président: Puisque vous êtes originaire de l'ouest du Canada, monsieur Mills, que pensez-vous des subventions à l'industrie des sables bitumineux?
M. Bob Mills: Vous voulez savoir ce que je pense des subventions?
Le président: Oui, monsieur.
M. Bob Mills: Moi aussi je peux être un témoin.
Il va de soi que j'aimerais que les sources d'énergie de remplacement reçoivent les mêmes subventions que l'industrie des hydrocarbures. Je pense qu'à long terme, cela serait positif. À mon avis, les sociétés pétrolières ne manqueront pas de s'intéresser à cette technologie et devraient être encouragées à le faire. Mais comme Mme Kraft Sloan l'a dit, il faudra beaucoup de temps pour passer à cette transition.
À ce stade-ci, je pense que le retrait progressif des subventions, en vue d'égaliser les chances pour tous, assorti à des mesures d'aide aux nouvelles sources énergétiques serait un élément positif. Quant à savoir combien de temps cela pourrait prendre, je l'ignore.
Le président: D'accord.
Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Nous avons eu deux heures et demie d'échanges très fructueux, et nous espérons vous revoir de nouveau, peut-être à votre retour de Marrakesh.
Mme Norine Smith: Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités. Nous avons pris bonne note des choses que nous avons promis de communiquer au comité, et nous essaierons de vous fournir cette information additionnelle le plus rapidement possible.
Le président: Merci.
Nous nous revoyons demain matin. La séance est levée.