ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 7 mai 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)) |
Mme Karen Redman (Kitchener Centre, Lib.) |
Le président |
M. Paul Muldoon (directeur exécutif et avocat, Association canadienne du droit de l'environnement) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Hugh Benevides (recherchiste principal, Association canadienne du droit de l'environnement) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) |
Mme Magdalena Muir (membre, Section nationale du droit de l'environnement, Association du Barreau canadien) |
¿ | 0940 |
Le président |
¿ | 0945 |
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne) |
M. Paul Muldoon |
M. Roy Bailey |
M. Paul Muldoon |
¿ | 0950 |
M. Roy Bailey |
M. Hugh Benevides |
M. Roy Bailey |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.) |
¿ | 0955 |
M. Hugh Benevides |
M. Paul Muldoon |
Mme Magdalena Muir |
Mme Karen Kraft Sloan |
À | 1000 |
M. Hugh Benevides |
M. Paul Muldoon |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Magdalena Muir |
À | 1005 |
Le président |
Mme Karen Redman |
M. Paul Muldoon |
Mme Karen Redman |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
M. Hugh Benevides |
À | 1010 |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
M. Paul Muldoon |
M. Hugh Benevides |
À | 1015 |
Le président |
M. Hugh Benevides |
M. Paul Muldoon |
Le président |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
À | 1020 |
M. Paul Muldoon |
Le président |
M. Paul Muldoon |
Le président |
M. Roy Bailey |
M. Hugh Benevides |
M. Roy Bailey |
M. Hugh Benevides |
M. Roy Bailey |
À | 1025 |
M. Hugh Benevides |
M. Roy Bailey |
Le président |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Hugh Benevides |
À | 1030 |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Paul Muldoon |
À | 1035 |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
Mme Karen Redman |
Mme Magdalena Muir |
Mme Karen Redman |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
M. Hugh Benevides |
À | 1040 |
Mme Magdalena Muir |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
M. Hugh Benevides |
Le président |
À | 1045 |
M. Hugh Benevides |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Magdalena Muir |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Paul Muldoon |
À | 1050 |
M. Hugh Benevides |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Hugh Benevides |
À | 1055 |
M. Paul Muldoon |
M. Hugh Benevides |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Paul Muldoon |
Mme Magdalena Muir |
M. Hugh Benevides |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Hugh Benevides |
Mme Karen Kraft Sloan |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour.
Notre greffier m'informe que nous allons terminer l'audition des témoins d'ici la fin de la semaine et tout de suite après notre retour, si bien que nous disposons de cette semaine et d'une semaine supplémentaire pour entendre les témoins.
J'aimerais annoncer à la foule des personnes présentes ici qu'il serait très utile de commencer à recevoir des amendements, le cas échéant, pour que le greffier puisse les organiser, les faire traduire, etc. Étant donné l'absence de nombreux députés, peut-être faudrait-il envoyer une note à tous, pour solliciter des amendements ou leur faire savoir que le moment de la récolte est arrivé, pour ainsi dire, afin que nous puissions savoir quand nous pourrons commencer l'étude article par article qui, en théorie, pourrait débuter la dernière semaine de mai, si tout le monde est prêt. D'après notre expérience, nous savons tous qu'il ne se passe quasiment rien jusqu'au moment où nous sommes inondés d'amendements qui arrivent après le délai habituel fixé par la présidence. J'ai donc renoncé à fixer des délais, mais j'aimerais vous indiquer que nous sommes prêts à recevoir vos amendements.
Notre greffier doit se rendre en Saskatchewan avec un autre comité, si bien que nous allons avoir un remplaçant la semaine de notre retour. Etant donné qu'un créneau s'est soudain libéré cette semaine-là, vous allez recevoir avis de comparution de quelqu'un de très important dans le domaine de l'environnement. Nous allons entendre une professeure de l'université Trent qui va nous parler des impacts des champs électromagnétiques sur la santé, question soulevée depuis quelque temps. Il s'agit de Mme Magda Havas. Par ailleurs, M. Vernon Thomas, de l'Université de Guelph, va nous parler de l'ingestion du plomb par la faune et de l'intérêt de remplacer le plomb pour la chasse et la pêche, et tout le reste, ce qui fait actuellement l'objet, comme vous le savez, d'une motion d'initiative parlementaire à la Chambre, présentée par Mme Venne, du Bloc québécois. Efforcez-vous donc d'être ici ce mardi; vous allez recevoir un préavis en temps utile.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je me demande si le comité souhaite que comparaisse le ministre. Il consentirait volontiers à venir nous parler à ce sujet. En examinant le calendrier de ses déplacements, je vois qu'il devrait être ici la semaine du 27 mai; il pourrait donc être disponible le 28, le 29 ou le 30 mai.
Le président: C'est toujours possible. Nous allons laisser le cabinet du ministre et le greffier prendre les dispositions voulues. Il sera le dernier témoin, comme toujours.
Nous recevons aujourd'hui des représentants de l'Association du Barreau canadien et de l'Association canadienne du droit de l'environnement: Mme Thompson, Mme Muir, M. Muldoon, M. Benevides. Bienvenue à notre comité. Qui veut commencer?
M. Paul Muldoon (directeur exécutif et avocat, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci, monsieur le président; nous sommes heureux de commencer.
Au nom de l'Association canadienne du droit de l'environnement, je remercie le comité de nous donner la possibilité de comparaître et de présenter notre point de vue sur les amendements au projet de loi C-19. Je m'appelle Paul Muldoon et je suis directeur exécutif de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Je suis accompagné par Hugh Benevides, attaché de recherche à l'Association canadienne du droit de l'environnement et principal auteur de notre mémoire.
L'Association canadienne du droit de l'environnement, créée en 1970, est une clinique d'aide juridique et, à ce titre, représente des citoyens ou des groupes qui sont confrontés à des problèmes environnementaux. Elle joue également un rôle dans la réforme du droit et préconise des lois et des politiques améliorées et plus efficaces dans le but de protéger l'environnement et les ressources naturelles. L'Association canadienne du droit de l'environnement s'intéresse depuis longtemps à l'évaluation environnementale à l'échelle provinciale et à l'échelle fédérale. À l'échelle provinciale, nous avons préconisé l'adoption d'une loi provinciale au début des années 70, ce qui a abouti à la Loi sur la protection de l'environnement de l'Ontario, et depuis, nous suivons de près les questions relatives à la loi fédérale et participons au débat politique à ce sujet. Nous avons également plaidé plusieurs affaires relatives à la loi fédérale. Plus récemment, nous avons représenté les Friends of Red Hill Valley dans l'examen judiciaire de l'affaire Red Hill Valley. Je vais vous en parler dans quelques minutes.
Nous avons envoyé à votre comité il y a quelques temps un mémoire de 66 pages qui renferme plusieurs observations générales et présente des questions liées à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ainsi qu'une analyse détaillée du projet de loi C-19. Notre exposé d'aujourd'hui ne va traiter que de certains des points saillants. J'aimerais faire quelques observations générales avant de céder la parole à mon collègue qui s'attardera sur certains détails.
En règle générale, d'après mon expérience et le travail qui je fais avec le public, je crois qu'il est juste de dire que l'évaluation environnementale au Canada traverse une crise de crédibilité. À mon avis, le public est fort désorienté. On lui donne souvent l'impression qu'un projet fait l'objet d'une évaluation environnementale approfondie, juste et complète, mais il finit par s'apercevoir que le processus a, en fait, servi à légitimer des activités non viables et dangereuses pour l'environnement. Par conséquent, le public est à la fois perplexe et frustré face au processus, mais plus important encore, face au résultat. Le processus n'est pas suffisamment bon s'il se traduit par l'adoption d'un projet qui est non viable ou qui le devient.
C'est pour cette raison que notre mémoire se propose d'examiner les nuances et les amendements particuliers du projet de loi C-19, mais nous nous sentons également obligés de nous pencher sur des thèmes plus vastes. J'aimerais en définir cinq. À notre avis, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est fondamentalement erronée. Non seulement les amendements au projet de loi C-19 s'imposent-ils, mais encore faut-il apporter des changements plus étendus, tant dans la structure que dans l'approche de la loi. Les recommandations que nous donnons dans la partie A traitent des changements plus structurels qui s'imposent, tandis que la partie B, notamment le tableau, est une analyse du projet de loi C-19 article par article. Les cinq thèmes généraux que j'aimerais brièvement aborder seront examinés par mon collègue.
Tout d'abord, il faut parler du principal objectif de la loi. Comme vous le savez, la loi poursuit plusieurs objectifs louables. Elle vise à promouvoir le développement durable et la participation du public dans la prise de décision environnementale. Essentiellement toutefois, elle stipule qu'une autorité responsable peut approuver un projet assorti de mesures d'atténuation et déclare que les effets environnementaux importants qui ne peuvent être justifiés sont aussi déterminants. À notre avis, la loi n'est pas parfaite puisque des projets peuvent être adoptés alors qu'ils ont des effets environnementaux importants¸ qu'ils sont assortis de mesures d'atténuation, mais que finalement, il ne s'agit pas de projets pertinents, sans danger pour l'environnement. Au bout du compte, on observe un certain décalage entre le principal objectif de la loi et les objectifs poursuivis. À notre avis, la loi devrait être modifiée pour que le projet contribue de manière positive à l'environnement. Je comprends que M. Bob Gibson a fait plusieurs observations à cet égard auxquelles nous souscrivons sans hésiter, car elles sont cruciales.
¿ (0915)
L'Association canadienne du droit de l'environnement s'élève depuis longtemps contre un élément essentiel de la loi, le processus d'auto-évaluation; en effet, des agences gouvernementales évaluent leurs propres projets. Nous comprenons que le commissaire à l'environnement et au développement durable a également été très critique à cet égard. Nous en parlons depuis quelque 20 ans déjà et nous nous retrouvons dans l'obligation de le redire: le processus d'auto-évaluation doit être remplacé par un processus exécutoire géré par des agences centrales indépendantes qui ont le pouvoir de faire respecter la loi.
Le troisième point traite de la participation du public. La loi prévoit la facilitation de la participation du public, mais à toutes fins pratiques, ce n'est pas le cas. Nous proposons de donner un préavis au public pour qu'il puisse participer à chaque étape de l'évaluation environnementale. Nos propositions figurent aux pages 64 à 66 de notre mémoire. En examinant la transcription des propos d'autres parties, nous comprenons que dans leur grande majorité, les témoignages que vous avez entendus jusqu'ici favorisent une plus grande participation au processus et nous voudrions simplement les appuyer.
Notre quatrième point traite de l'examen périodique. L'Association canadienne du droit de l'environnement s'est présentée devant ce comité à plusieurs reprises dans le contexte d'examens parlementaires. Nous considérons qu'il s'agit d'un élément crucial du système démocratique et suggérons que périodiquement, tous les cinq ans par exemple, des lois nationales importantes comme la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, soient examinées par un comité comme le vôtre. Nous nous prononçons en faveur d'un examen de cette loi tous les cinq ans.
Le dernier point que j'aimerais soulever, avant de céder la parole à mon collègue, vise une affaire qui nous intéresse, l'affaire Red Hill. Vous vous rappelez peut-être qu'il s'agit d'une affaire dont est saisie la Cour d'appel et qui a trait à la construction d'une route express dans la vallée Red Hill. La cour en a conclu que l'évaluation environnementale n'était pas obligatoire à cause de l'interprétation du paragraphe 74(4) relative à la construction et à la date à laquelle elle avait débuté, soit avant ou après 1984; par ailleurs, des décisions irrévocables avaient été prises par le promoteur et, par conséquent, la loi n'était pas applicable. Nous sommes fortement convaincus que ces articles doivent être modifiés afin que la loi soit non seulement claire et certaine, mais qu'elle atteigne les objectifs visés. À notre avis, rien dans le projet de loi C-19 ne règle le problème sur lequel s'est penchée la cour saisie de cette affaire, et il s'agit d'une question sérieuse autant pour le public que pour les projets en cours.
J'aimerais terminer par une observation plus vaste au sujet de notre profonde déception face à l'attitude du gouvernement fédéral qui n'a pas eu le courage de défendre sa propre loi nationale, puisqu'il n'a pas interjeté appel de cette décision à la Cour suprême et n'a pas non plus corrigé une lacune de cette loi. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'a pas permis de sauver la vallée Red Hill, mais plus important encore, le gouvernement fédéral a trahi la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale étant donné qu'il n'a pas interjeté appel et n'a pas défendu sa propre loi nationale.
Je cède maintenant la parole à mon collègue.
¿ (0920)
Le président: Nous avons eu également une séance approfondie sur ce sujet, soit les raisons superficielles de la décision rendue par la cour. Je suis d'accord avec vous, elle aurait dû faire l'objet d'un appel et il va falloir examiner de nouveau la question. Aujourd'hui toutefois, nous devons traiter du projet de loi C-19.
Monsieur Benevides, vous avez la parole et vous pouvez nous faire part de vos observations.
M. Hugh Benevides (recherchiste principal, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci, monsieur le président, et merci à vous, Paul.
Il serait impossible de discuter aujourd'hui de toutes les questions traitées dans notre mémoire, mais le document a été rédigé à titre d'information pour les membres du comité. C'est pourquoi nous avons essayé de le rendre le plus exhaustif possible et que nous avons effectué une analyse «article par article» du projet de loi. Nous vous invitons à lire le mémoire et à nous adresser vos questions soit aujourd'hui ou à une date ultérieure. Nous y répondrons avec plaisir.
Le premier thème que j'aimerais aborder et dont vous ont parlé d'autres témoins est la nécessité de réduire le pouvoir discrétionnaire prévu à l'égard de certaines questions dans la loi existante. La première question est la détermination de la portée du projet, dont il est question à l'article 15. Un certain nombre de témoins ont exposé le problème relatif à la portée du projet, et Martha Kostuch, de l'organisme Friends of the Oldman River, vous a présenté, le 11 avril, un texte d'amendement qui ferait en sorte que l'exercice du pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la détermination de la portée d'un projet serait remplacé par une obligation. La proposition vise à rendre obligatoires les principes directeurs inclus dans le guide des autorisations de l'Agence. Le processus de détermination de la portée d'un projet serait ainsi plus clair et la participation du public aux décisions dans ce domaine serait plus grande. Comme l'a indiqué Martha, les analyses d'interdépendance et des liens physiques prévues dans le guide et utilisées aux États-Unis seraient ainsi prescrites par la loi.
Deuxièmement, en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire, il est nécessaire de rendre obligatoires les facteurs dont doit tenir compte toute évaluation environnementale, soit la pertinence, le but, les solutions et les méthodes de rechange quant à l'exécution d'un projet. En vertu de l'alinéa 16(1)e) de la loi existante, ces facteurs sont discrétionnaires.
Troisièmement, certains témoins vous ont aussi parlé de la participation discrétionnaire du public aux examens préalables, qui est traitée au paragraphe 18(3). Le pouvoir qui permet aux autorités responsables d'inviter le grand public à participer aux examens préalables est rarement, sinon jamais, utilisé, et le paragraphe prévoit la prise de règlements pour encadrer cette activité. Toutefois, les règlements n'ont jamais été pris, question qui a été signalée au comité plusieurs fois. Nos recommandations visant à rendre obligatoires l'avis d'application et les commentaires, dont a discuté Paul dans les trois dernières pages de notre mémoire un peu long, j'en conviens, permettraient du moins au public de participer aux évaluations environnementales puisque sa participation serait alors obligatoire.
J'aimerais aussi vous parler des évaluations de classe qui, si elles sont utilisées adéquatement, peuvent alléger le fardeau des autorités responsables, tenues actuellement d'évaluer chaque petit détail.
Quatrièmement, j'aimerais que nous nous arrêtions au pouvoir discrétionnaire prévu par l'article 8 qui permet de remplacer une étude approfondie ou un examen préalable par une commission d'évaluation environnementale. Comme vous l'avez entendu, les projets ont souvent des effets environnementaux importants, mais ce pouvoir discrétionnaire n'a été exercé qu'une seule fois. Il s'agissait du projet Red Hill que Paul a mentionné. Toutefois, il y a d'autres projets pour lesquels cela n'a pas été fait.
Cinquièmement, il faudrait modifier les dispositions relatives aux effets hors frontières, soit les articles 46 à 48 de la loi. Le projet de loi C-19 propose quelques petites améliorations à ces articles, mais nous aimerions qu'en soit également retiré le caractère discrétionnaire en remplaçant le terme «peut» par «est tenu» et en supprimant les mots «à son avis». Selon l'ACDE, cette question est manifestement de compétence fédérale, puisqu'il est possible que des effets environnementaux hors frontières se produisent dans une autre province ou à l'extérieur du territoire domanial où se déroule le projet. Au cours des derniers mois, le ministre a déclaré qu'il n'avait aucun pouvoir en ce qui concerne les centrales électriques de l'Ontario et de l'Alberta. Selon nous, ce sont là des exemples précis de situations auxquelles pourrait s'appliquer son pouvoir discrétionnaire. Nous croyons donc que ce pouvoir discrétionnaire devrait être supprimé étant donné qu'il s'agit manifestement d'une responsabilité fédérale puisque les provinces et les autres territoires n'ont aucun pouvoir d'agir dans ce domaine.
¿ (0925)
Le thème suivant, et je serai bref, est l'évaluation environnementale stratégique. Une fois de plus, plusieurs témoins vous ont signalé cette question, y compris M. Gibson. Pour faire suite à la discussion que vous avez eue avec M. Gibson, j'aimerais vous demander pourquoi attendre encore cinq ans avant d'effectuer un examen quinquennal, si examen il y a? Commençons dès maintenant à travailler à l'évaluation environnementale stratégique. Notre mémoire propose un libellé qui pourrait être très avantageux dans bien des cas, comme l'ont confirmé certains membres du comité auprès de témoins. Je peux vous en donner un exemple frappant. La semaine dernière, je crois, David Coon, du Conseil de la conservation, est venu vous parler des petits chalutiers qui raclent les fonds marins. Imaginez ce que nous pourrions faire dans ce domaine si nous pouvions évaluer la politique. Nous pourrions éliminer la pêche aux filets traînants grâce à une évaluation environnementale stratégique.
Ensuite, très rapidement, il y a un certain nombre de problèmes soulevés par le projet de loi C-19. Mes collègues vous ont déjà exposé ces problèmes. Donc, je n'en parlerai que très brièvement. Mais j'aimerais toutefois vous faire part de l'importance que nous leur accordons. Dans la plupart des cas, ce sont des éléments que nous aimerions voir modifier dans le projet de loi.
D'abord, l'article 55 proposé remplacerait les exigences existantes en matière de registre papier par des dispositions relatives à un registre électronique sur l'Internet. Donc, ceux qui voudront obtenir des renseignements sur un projet se déroulant dans leur secteur, mais qui n'auront pas accès à l'Internet devront s'y prendre autrement. Or, ce droit n'est pas prescrit par l'article, qui prévoit plutôt le remplacement de la liste complète de tous les documents importants d'une évaluation par une liste limitée de documents principalement axés sur la poursuite du processus. Selon nous, c'est inacceptable puisque le public n'aura plus facilement accès aux documents. C'est d'ailleurs le mot «faciliter» de la loi actuelle qui serait éliminé par l'article 55 proposé. Selon nous, l'idéal serait de combiner le registre électronique aux obligations prévues par l'article 55 existant. Ainsi, on inclurait dans les obligations existantes les meilleurs éléments de l'article 55 proposé, de sorte qu'il y aurait un registre papier et un registre électronique pour chaque projet. De cette manière, tous les documents relatifs à une évaluation pourraient être consultés dans les deux registres.
Je sais que le gouvernement doit répondre aux exigences de la Loi sur les langues officielles, mais nous croyons que ces exigences peuvent facilement être respectées, et j'encourage vivement le comité à se renseigner sur la nature exacte du problème, car nous n'en voyons aucun. Je serai heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à ce sujet.
Nous croyons que ces recommandations en matière de registre serviront plutôt à atteindre le but visé par l'alinéa 4d), c'est-à-dire permettre une participation du public au processus d'évaluation environnementale.
Deuxièmement, les examens préalables par catégorie peuvent éviter d'avoir à répéter ces examens lorsque des projets ont des points en commun. Le mécanisme existant d'évaluation environnementale de classe devrait être pleinement utilisé avant que ne soit ajouté le processus d'examen préalable par catégorie proposé qui est extrêmement laborieux comparativement à l'approche fondée sur les modèles. En particulier, les examens préalables par catégorie proposés élimineraient l'obligation de tenir compte des effets cumulatifs et des circonstances locales en vertu d'un projet proposé. Je me demande quels facteurs fondamentaux peuvent être plus importants en matière d'évaluation environnementale.
Troisièmement, le processus de décision en matière d'évaluation environnementale prévu par l'article 21.1 proposé dans le projet de loi C-19 permettrait aux autorités responsables de décider de manière irrévocable de transmettre une évaluation environnementale à une commission après qu'une étude approfondie ait été effectuée. Ainsi, il ne serait plus possible de demander qu'une commission soit créée à n'importe quelle étape du processus d'évaluation lorsqu'on prendrait connaissance de nouveaux renseignements pertinents sur les effets d'un projet. Monsieur le président, je crois que c'est le seul pouvoir discrétionnaire que le projet de loi C-19 propose d'éliminer. Une solution de rechange intéressante a été proposée par nos collègues pendant l'étude du projet de loi, soit la transformation de la liste des études approfondies en une liste des évaluations effectuées par des commissions. Selon nous, cette initiative injecterait plus de certitude dans le processus, ce que réclament tant les promoteurs.
¿ (0930)
Enfin, l'article 11.1 proposé est un pas timide vers la conformité à la loi. Nous recommandons la suppression des mots «modifiant l'environnement». Le ministre doit pouvoir ordonner à un promoteur de s'abstenir de tout acte qui, s'il est exécuté, pourrait rendre inutile ou redondante l'évaluation environnementale en lui permettant d'aller de l'avant avant que l'évaluation soit terminée. Nous ne sommes pas convaincus que les ministres utiliseraient le nouveau pouvoir qui leur serait accordé en vertu de l'article 11 proposé. À tout le moins, nous recommandons que l'Agence soit complètement indépendante ou que le ministre de l'Environnement soit investi de ce pouvoir. Comme je viens de l'expliquer, nous recommandons une agence entièrement indépendante, et c'est la recommandation la plus fondamentale que nous faisons, de manière à ce qu'elle puisse assurer la conformité à la loi au sein du gouvernement. L'approche actuelle de la loi rend improbable cette conformité.
En conclusion, je précise que nous appuyons en règle générale les mémoires présentés par nos collègues du caucus de l'évaluation et de la planification environnementales du RCE, qui vous ont déjà fait un exposé, ainsi que ceux qui ont présenté d'autres groupes et centres d'intérêt public dans le domaine du droit de l'environnement. Comme vous l'ont mentionné certains témoins, le projet de loi C-19 ne fait que rafistoler la loi existante. Or, comme vous l'a souligné Paul, nous croyons que la loi nécessite des changements beaucoup plus fondamentaux.
Nous serons maintenant heureux de répondre à toutes les questions que vous aimeriez nous poser sur notre témoignage d'aujourd'hui ou sur le mémoire que nous avons présenté.
Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé.
¿ (0935)
Le président: Merci, monsieur Benevides.
Je laisse maintenant la parole à l'Association du Barreau canadien.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.
Au nom de la Section nationale du droit de l'environnement de l'Association du Barreau canadien, nous sommes très heureux de pouvoir discuter aujourd'hui avec les membres du comité des amendements proposés à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Mon nom est Tamra Thomson, et je suis la directrice de la Législation et de la Réforme du droit de l'Association du Barreau canadien. Je suis accompagnée de Magdalena Muir, qui est membre de longue date de la Section nationale du droit de l'environnement.
L'Association du Barreau canadien est un organisme national représentant plus de 37 000 juristes du pays. Nos principaux objectifs comprennent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. Nous possédons une longue expérience de l'étude des lois environnementales fédérales de la perspective de la Section nationale, et nos sections régionales participent activement à l'étude des lois provinciales. Aujourd'hui, nous aimerions vous proposer des améliorations à la loi.
Avant de laisser la parole à Mme Muir, qui vous expliquera les amendements importants que nous recommandons, j'aimerais faire un commentaire sur les documents que nous vous avons présentés. Premièrement, nous vous avons remis un mémoire traitant des amendements proposés au projet de loi C-19. Nous avons aussi inclus un mémoire que nous vous avions présenté il y a deux ans sur l'examen quinquennal de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Nous avons cru que ces recommandations seraient utiles pour situer en contexte certains aspects du projet de loi C-19.
Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Muir.
Mme Magdalena Muir (membre, Section nationale du droit de l'environnement, Association du Barreau canadien): Merci, Tamra. Bonjour à vous, monsieur le président, et aux membres du comité.
J'aurais quelques observations à formuler sur le projet de loi C-19. Je vais aborder un certain nombre de sujets traités dans différents documents. Le premier sera l'intégrité du processus national d'évaluation environnementale; le deuxième, certains aspects du préambule; le troisième, la détermination de la portée, l'opportunité et la certitude; le quatrième, le mécanisme et le contrôle; et le cinquième, la participation du public, le registre et l'accès aux renseignements. Je vais aussi faire état de notre liste de recommandations. Je serai brève. Comme Tamra l'a indiqué, je vais me reporter au mémoire d'avril 2002 sur le projet de loi C-19, ainsi qu'au mémoire d'avril 2000. Par la suite, je répondrai volontiers aux questions que le comité voudra bien poser.
À l'instar de nos collègues de l'Association canadienne du droit de l'environnement, il faut souligner la nature globale du processus d'évaluation environnementale prévu dans la loi actuelle et modifié par le projet de loi C-19. Pour reprendre certaines observations formulées à la page 2 du mémoire d'avril 2002, il faut modifier l'examen préalable si le cadre d'examen actuel reste le même, comme le fait ressortir le très petit nombre d'évaluations complètes qui ont lieu.
On se préoccupe également de la participation du public à l'examen préalable. Si le processus d'évaluation est maintenu tel quel, il est nécessaire de prévoir, à l'étape de l'examen préalable, une plus grande participation et une meilleure information du public. Les observations à ce sujet figurent à la page 3 du mémoire.
On soulève également la question du traitement réservé aux documents du gouvernement et de la publication de ces documents et d'autres. C'est le sujet des pages 3 et 4 du mémoire.
J'aimerais également attirer l'attention du comité sur le préambule de la loi et la nécessité de le rendre plus clair ainsi que sur le respect des conventions internationales. J'aimerais souligner que, récemment, l'Association du Barreau canadien au complet, et pas seulement sa section nationale du droit de l'environnement, a approuvé une résolution concernant la mise en oeuvre des conventions internationales en matière d'environnement, tant au niveau fédéral que provincial. Nous estimons que cet objectif est très important.
Parmi les autres aspects majeurs à mentionner dans le préambule, il y a toute la question de la qualité de l'environnement ainsi que les relations entre la qualité de l'environnement et les effets environnementaux négatifs importants et, globalement, le développement et la promotion du développement durable.
Aux pages 7 et suivantes, on demande de préciser l'intention de l'alinéa 4c) et les critères d'un développement durable sur le plan environnemental; à ce sujet, on a fait valoir dans les précédents mémoires que les politiques fédérales devraient faire l'objet d'une évaluation environnementale, afin d'en déterminer les effets à long terme et à court terme sur l'environnement.
Dans le mémoire d'avril 2002 et dans le mémoire précédent—j'en suis à la page 9 du mémoire d'avril 2002—on traite de façon détaillée de la détermination de la portée, de l'opportunité et de la certitude. Nous aimerions faire remarquer que bon nombre des recommandations de notre mémoire sur l'examen quinquennal n'ont pas été mises en oeuvre. Je peux y revenir si vous avez des questions précises là-dessus, mais je vais simplement en signaler la nature et la portée.
La partie IV de notre mémoire traite du mécanisme, du processus et du contrôle, aux pages 17 et suivantes. À ce sujet, j'aimerais faire ressortir les problèmes suivants: l'absence d'orientation et de directives concernant le processus d'évaluation, le traitement des effets cumulatifs et l'absence flagrante de dispositions prescrivant des infractions pour le non-respect de la loi. Nous aimerions qu'on s'inspire de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour faire appliquer les différents mécanismes prévus dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
¿ (0940)
Je passe maintenant à la partie V du mémoire, qui se trouve à la page 19. J'aimerais vraiment vous parler d'un sujet considéré de première importance dans beaucoup de mémoires de la Section nationale du droit de l'environnement de l'Association du Barreau canadien, et c'est la question de la participation du public, des registres électronique et autres et de l'accès aux renseignements. L'Association du Barreau canadien a adopté, au niveau national, des résolutions en faveur de la participation pleine et entière du public et, comme je l'ai déjà dit, du respect des obligations internationales, comme la Convention d'Aarhus.
Si on veut envisager l'établissement d'un registre électronique, il faut avoir un accès très complet aux documents de l'examen préalable et aux rapports techniques. J'ai déjà parlé de l'examen préalable et de l'examen public de la plupart des documents. La participation du public et la divulgation des informations nécessaires sont très importantes à l'étape de l'examen préalable, et la divulgation des documents voulus et des rapports techniques l'est tout autant pour assurer la participation du public aux évaluations environnementales. Nous comprenons les craintes du gouvernement concernant les exigences liées à la traduction des documents; nous indiquons donc qu'il serait très important de publier des résumés des documents et d'offrir la possibilité d'obtenir facilement le document intégral sur demande.
J'aimerais terminer en attirant votre attention sur nos recommandations. Je n'ai pas l'intention de les commenter ou de les relire, mais je suis sûrement prête à discuter de chacune d'elles. Ce sont nos recommandations concernant le projet de loi C-19.
J'aimerais simplement ajouter que l'annexe A comprend les différentes résolutions qui ont été adoptées par l'Association du Barreau canadien dans son ensemble, et qu'elles expliquent le contexte dans lequel la Section nationale du droit de l'environnement présente ses mémoires.
Le président: Merci, madame Muir.
Avant de passer aux questions, j'aimerais signaler que l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne du droit de l'environnement font profiter le comité et les fonctionnaires d'un bagage intellectuel impressionnant. Vous êtes les derniers témoins à nous fournir un avis juridique. Les autres témoins sont des spécialistes dans d'autres domaines. Étant donné que des fonctionnaires de l'agence assistent à nos travaux d'aujourd'hui, je les inviterais cordialement à prêter attention aux témoignages faits aujourd'hui et aux amendements recommandés, puisque le temps le permet, et à donner tout son sens à notre étude en recommandant les modifications que l'agence et le ministre peuvent accepter pour que notre travail ne soit pas laissé de côté mais ait des répercussions constructives au moment de notre étude article par article du projet de loi . J'espère que les fonctionnaires prendront la chose à coeur et en feront part à leurs collègues.
C'est au tour de M. Bailey, suivi de Mme Kraft Sloan.
¿ (0945)
M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus nous rencontrer. Vous présentez le projet de loi dans une autre perspective. Je comprends certains de vos commentaires. Par exemple, je crois que vous avez écrit dans la première partie que l'environnement doit être défini de façon plus générale. Je pense qu'il faut être très habile avec les mots pour y parvenir, parce que l'environnement peut avoir tellement de sens pour tellement de gens. Cependant, je suis d'accord pour dire qu'il faudrait expliquer ce que désigne l'environnement.
Monsieur Muldoon, je vous ai entendu très rapidement dire que l'évaluation environnementale traverse «une crise de crédibilité» et que le public est «désorienté et frustré». Je pense que vous décrivez bien la situation quand un projet est sur le point d'être annoncé ou que les journaux en font état, que les intéressés locaux sont contactés et le reste. Souvent, la définition, le résultat et l'objectif sont bien différents de ce qui est réalisé. Je n'ai pas de formation en écologie, mais il me semble qu'on pourrait faire quelque chose pour empêcher que les gens soient désorientés et frustrés. Les écologistes, les administrateurs de la loi et les promoteurs devraient être les premiers à informer la population. Il ne faut laisser personne prendre les devants sur vous, sinon les gens seront désorientés. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
M. Paul Muldoon: Merci.
Nous représentons des groupes de citoyens qui, comme vous l'avez dit, apprennent tout à coup que quelque chose se passe, et ils essaient de comprendre comment les choses fonctionnent et comment intervenir. D'après mon expérience, je pense qu'on sous-estime le pouvoir et la capacité de comprendre du public, s'il a un accès légitime au processus, si l'information lui est communiquée et s'il a vraiment la possibilité de participer. Si ces conditions sont respectées, je pense que le processus sera plus prévisible et plus équitable.
M. Roy Bailey: Qu'avez-vous voulu dire, monsieur, quand vous avez indiqué—si je vous ai bien compris—que le Parlement manque de courage?
M. Paul Muldoon: Je faisais référence à un cas précis, mais je peux accorder une portée plus générale à ce commentaire. Je constate qu'il y a plus de litiges à propos des questions environnementales, particulièrement en ce qui concerne l'interprétation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. J'ai fait cette remarque à propos de l'affaire Red Hill mais, plus globalement, je vous demande de préciser et d'améliorer la loi pour que les tribunaux n'aient pas à se prononcer sur la façon d'interpréter la loi. Il est faux de dire que les écologistes aiment faire appel aux tribunaux. En fait, c'est une procédure trop coûteuse pour beaucoup de gens. À mon avis, c'est aux législateurs plutôt qu'aux tribunaux de préciser la loi, parce que c'est à eux de tenir compte de l'intérêt du public et des attentes de la population.
D'après mon expérience, le gouvernement ne veut pas toujours le faire. Il laisse les tribunaux décider. Au cours des derniers mois, les groupes de défense de l'intérêt public vous ont exposé en détail les lacunes de la loi. Nous vous demandons de donner suite à ces recommandations et de corriger les problèmes que nous vous avons signalés, pour que nous n'ayons plus à demander des précisions aux tribunaux.
¿ (0950)
M. Roy Bailey: Je vais maintenant m'adresser à M. Benevides. Avez-vous dit qu'il y a souvent des conflits entre les responsables fédéraux et provinciaux en matière d'environnement, que l'un bat en retraite devant l'autre, que, trop souvent, les représentants fédéraux vont se retirer d'un projet provincial, que les lignes directrices de la loi ne sont pas toujours appliquées?
M. Hugh Benevides: Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais je vais bien entendu répondre à votre question. J'ai parlé des dispositions de la loi sur les effets interprovinciaux et, comme nous le savons tous, les projets qui ont une incidence sur l'environnement ne sont ni de compétence provinciale ni de compétence fédérale, ils ont tout simplement un effet sur l'environnement. Par exemple, les centrales électriques ont des effets sur l'environnement d'une autre province ou d'un autre pays. En décembre dernier, votre comité a discuté de la situation en Ontario, mais il y a deux autres cas en Alberta qui auraient une incidence sur votre province, comme vous le savez. Les parties intéressées, comme le gouvernement de la Saskatchewan ou les États voisins, peuvent demander au ministre de faire une évaluation environnementale à ce sujet. Dans les deux cas, celui de la centrale Nanticoke dans le sud de l'Ontario et celui des centrales EPCOR et TransAlta près d'Edmonton, le gouvernement fédéral a dit que les dispositions de la loi l'empêchaient d'en faire une. Ce ne sont pas des projets provinciaux, même dans le sens le plus large du terme, en raison de leur incidence sur d'autres provinces, si bien que, sur d'un point de vue constitutionnel, juridique et pratique, c'est au gouvernement d'agir.
Pour revenir brièvement à ce dont vous avez discuté avec Paul sur la crise de crédibilité de l'évaluation environnementale et le fait que le public est désorienté et frustré, je dirais que la structure de la LCEE, comme beaucoup d'observateurs l'ont dit au cours des années, est très compliquée et que la façon dont la loi est appliquée a de quoi désorienter et frustrer les gens. Par exemple, M. Lavoie a expliqué ici, il y a quelques jours, qu'il était impossible d'obtenir de la documentation des autorités responsables, en raison de la façon dont le gouvernement fédéral est structuré. On fonctionne en vase clos, et nous proposons un genre de responsabilité transversale pour l'évaluation environnementale, du genre de celle qui existe dans le cas des organismes centraux de nature économique du gouvernement. C'est une mesure assez radicale, mais c'est le seul moyen, à mon avis, de régler les problèmes en matière d'évaluation environnementale qui sont liés à des questions de structure et de fonctionnement.
M. Roy Bailey: Merci.
Je poursuivrai au prochain tour de table.
Le président: Merci, monsieur Bailey.
C'est maintenant au tour de Mme Kraft Sloan, puis au mien, à moins que quelqu'un d'autre veuille intervenir.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
À la page 6 du mémoire de l'Association canadienne du droit de l'environnement, on indique que les intervenants se plaignent du manque de précision dans l'emploi de termes comme construction, installation, mise hors service, abandon, etc. J'ai deux questions à vous poser là-dessus.
Pourriez-vous nous préciser les problèmes liés au fait qu'autant de termes importants ne sont pas définis? Je pense que vous avez déjà abordé la question en disant que les gens doivent faire appel aux tribunaux pour faire interpréter la loi, mais je me demande si vous ou les représentants de l'Association du Barreau canadien auraient autre chose à ajouter sur ce manque de précision concernant la définition des termes ou l'absence de définition.
Ma deuxième question porte sur les «effets importants». Pouvez-vous me dire ce qu'est un effet important, si le manque de précision s'applique à cette expression, quel problème cela cause aux évaluations environnementales et comment les promoteurs et le grand public font face à ce manque de précision?
¿ (0955)
M. Hugh Benevides: Je vais répondre à votre première question. Bien sûr, notre réflexion là-dessus est en cours d'évolution; idéalement, elle n'évolue pas trop lentement, mais il reste qu'elle évolue. Actuellement, je pense que l'amendement dont j'ai parlé à l'article 15 que Mme Kostuch a proposé réglerait, dans une large mesure, les problèmes de ce genre. Si les projets sont interreliés, c'est-à-dire qu'on ne peut donner suite à un aspect d'un projet sans donner suite aux autres, on n'a plus à s'inquiéter de ces définitions de termes qui, de toute façon, font partie du langage courant. Voilà où en est notre réflexion aujourd'hui.
M. Paul Muldoon: Je pense que la question des effets environnementaux importants est au coeur de la loi. L'objectif de la loi est la promotion du développement durable et les définitions font état de la nature des effets environnementaux; or, les autorités responsables ont certaines obligations à remplir, mais jouissent d'une entière discrétion quand les effets sont importants. Qu'est-ce que la population doit comprendre du lien qui existe entre l'objectif de la loi et la façon dont les autorités responsables exercent leur pouvoir de décision discrétionnaire pour y répondre?
Je n'ai pas de réponse à vous donner, mais vous avez mis le doigt sur le problème, sur ce qui est très frustrant dans l'application quotidienne de la loi.
Mme Magdalena Muir: J'aimerais vous expliquer certains problèmes liés aux définitions. D'abord, nous avons parlé du préambule et de son manque de précision. Nous avons aussi indiqué qu'il fallait définir la qualité de l'environnement ainsi que les relations entre la qualité de l'environnement et les effets environnementaux négatifs importants; nous jugeons également nécessaire de définir l'environnement de façon plus large, et cela nous le demandons depuis 1990. La question des définitions est un des problèmes de la loi, surtout que les décisions sont prises en fonction de considérations environnementales. Il faut que les choses soient claires et s'intègrent bien au processus.
Mme Karen Kraft Sloan: Les témoins de l'Association canadienne du droit de l'environnement proposent que la loi soit modifiée pour faire en sorte que les projets mis de l'avant fassent la promotion de l'environnement. Cette proposition me paraît assez radicale, pour vous dire franchement. Je l'ai trouvé incroyablement radicale au départ puis, en y repensant, je me suis demandé pourquoi nous n'agirions pas en ce sens. N'est-ce pas notre raison d'être, le rôle du gouvernement? Les résultats dans le secteur privé sont mesurés en termes financiers et, dans le cas du gouvernement, ils devraient être liés à la santé et au bien-être de la population. C'est un peu ce que Parcs Canada vise, dans le sens où les projets qu'il met de l'avant ne devraient provoquer aucun impact environmental négatif net.
Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage là-dessus. Vous pourriez peut-être vous faire votre propre avocat du diable et nous indiquer certains des avantages et des inconvénients de ce que vous revendiquez, et je demanderais la même chose à l'Association du Barreau canadien.
À (1000)
M. Hugh Benevides: M. Gibson, avec qui je discute toujours de ces questions—car il y travaille depuis plus longtemps que moi—sait parfaitement qu'il s'agit de sujets difficiles à traiter, mais c'est faisable. La promulgation de la loi était très étroitement liée à plusieurs autres engagements du gouvernement visant à promouvoir et à assurer le développement durable, comme au moyen, par exemple, du Guide de l'Ecogouvernement de 1995 dans lequel l'évaluation environnementale était considérée comme un élément essentiel. Je n'entrerai pas dans les détails sur la façon dont vous vous y prenez, mais ce qui est certain, c'est qu'il y a des exemples, ailleurs dans le monde, et même au Canada, où cela se fait. Le problème c'est que le changement n'a pas été très spectaculaire. En fait, nous avons beaucoup à dire sur la façon de changer les choses, mais peu d'éléments probants.
M. Paul Muldoon: Vous voyez cela comme quelque chose de radical et, malheureusement ou heureusement, ce n'est pas ainsi que nous le percevons. Nous avons dit que M. Gibson avait écrit abondamment sur le sujet et que cela avait beaucoup servi. C'est le test utilisé par les commissions mises en place pour Voisey's Bay et Red Hill. Ces deux commissions ont dit que pour décider de la mise en oeuvre ou de l'abandon d'un projet, il fallait déterminer si le projet permettait de réaliser un gain net plutôt que de voir s'il allait causer des dommages minimes ou justifiés. Nous avons examiné le mandat de ces commissions et demandé s'il y avait une façon adéquate d'interpréter la loi et de l'appliquer. Nous n'avons pas seulement tenu compte de notre propre expérience en la matière, mais de la documentation existante et des pratiques utilisées. La pratique montre, je crois, que du point de vue des commissions, c'est l'orientation qui a été prise. Ce que nous voulons, c'est qu'on nous confirme qu'il s'agit d'une bonne interprétation.
Mme Karen Kraft Sloan: Si j'ai employé le terme «radical», c'est uniquement parce que je considère que nous reculons énormément à bien des égards au chapitre de l'environnement. Ce qui se passe est absolument effroyable. Vous pensez que si on vous jette quelques miettes, vous avez fait avancer un dossier en particulier. Nous devrions donc veiller à ce qu'il y ait des effets environnementaux positifs; c'est exactement ce que nous devrions faire. D'ailleurs, à la lumière de tout ce qui se passe ici, et du type de problèmes environnementaux que nous devons résoudre régulièrement, il me semble que c'est une notion complètement délirante.
Mme Magdalena Muir: Puis-je également me prononcer sur cette question? La première chose que je voudrais dire, c'est que nous sommes dans une situation où le Canada s'est montré favorable au développement durable—ce à quoi vous faites référence en partie—en adhérant à des principes et à des protocoles d'accord internationaux, ainsi qu'au principe de la prudence. Vous avez parlé du plan d'aucune perte nette de Parcs Canada. Nous travaillons également avec Pêches Canada sur un plan d'aucune perte nette concernant un habitat pour les poissons. On envisage, dans le cas de la mine de diamant BHP, par exemple, de créer un nouvel habitat pour les poissons, après qu'on ait fait disparaître le lac.
Dans notre mémoire, nous avons essayé de nous pencher sur ce problème. Je me réfère à la page 6, où nous parlons de la nécessité d'amender l'alinéa 4b) et où nous disons que l'un des objectifs de la loi est: «d'inciter les autorités responsables à s'assurer que le développement qu'elles favorisent est environnementalement durable et propice à la salubrité de l'environnement et à la santé de l'économie.» Ceci englobe les deux aspects de la question, mais donne autant de poids à l'environnement puisqu'on dit que sans environnement sain, il n'y a pas de développement durable.
À (1005)
Le président: Merci.
Madame Redman, je vous en prie.
Mme Karen Redman: Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Muldoon. Plusieurs des propositions contenues dans le projet de loi C-19 visent à améliorer la qualité des évaluations et à accroître la participation du public. Je pourrais en citer quelques-unes, comme une application plus cohérente de la loi résultant des dispositions émises par le coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale ou un suivi obligatoire des projets importants, le pouvoir d'émettre des ordonnances d'interdiction pour interrompre des projets avant que l'évaluation ne soit terminée, la notification obligatoire dans le nouveau registre électronique et le financement de la participation. Le gouvernement s'est engagé à accorder un financement supplémentaire de 51,2 millions de dollars sur 5 ans pour appliquer cette loi. En règle générale, considérez-vous que ces nouveaux crédits permettront d'améliorer la situation?
M. Paul Muldoon: Certainement. Il ne faut pas penser que notre mémoire et les commentaires que nous avons formulés visent à limiter ou à critiquer certains aspects positifs du projet de loi C-19. Telle n'est pas notre intention. Nous le considérons comme une occasion véritable d'aller de l'avant, et les recommandations que nous faisons aux pages 64 à 66 vont un peu plus loin que ce qui est stipulé dans le projet de loi C-19. Les amendements dont vous parlez constituent des pas dans la bonne direction et nous aimerions bien que le projet de loi aille encore plus loin.
Mme Karen Redman: Madame Muir, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Magdalena Muir: Vous avez soulevé deux ou trois points qu'il serait peut-être intéressant d'examiner à la lumière de votre question. Nous appuyons les changements positifs, mais nous nous demandons si les changements proposés vont assez loin. Vous avez parlé des ordonnances d'interdiction. Nous disons qu'il faudrait élargir la gamme des infractions et que les ordonnances d'interdiction ne suffisent pas. Pour ce qui est du registre électronique, nous soutenons qu'il devrait contenir plus de documents d'information techniques—y compris, éventuellement, des documents internes du gouvernement—et qu'il devrait porter davantage sur l'examen environnemental préalable étant donné que la plupart des questions sont soumises à cet examen préalable. Par conséquent, nous ne sommes pas contre des changements positifs, mais nous voudrions que ces changements aillent plus loin pour que le processus soit efficace.
Le président: Merci.
Avant de passer à la prochaine étape, j'aimerais poser deux ou trois questions. Tout d'abord, je suis intrigué par vos remarques sur l'observation et l'application des mesures, particulièrement au bas de la page 25, où vous faites référence au paragraphe 11.1(5) proposé, selon lequel on: «interdit à un ministre de signer un arrêté ultérieur pour interdire la même chose. Cette interdiction n'a aucun fondement juridique ni environnemental et l'Association canadienne du droit de l'environnement recommande donc que le paragraphe 5 soit rejeté.» Fondez-vous cette recommandation sur un cas particulier ou est-ce une conclusion générale?
La deuxième question porte sur le paragraphe suivant, à la page 26: «L'Association canadienne du droit de l'environnement recommande que quiconque ait le droit de demander une injonction de cette nature et pas seulement le procureur général.» Encore une fois, qu'est-ce qui vous a poussé à faire cette recommandation? Est-ce en vous fondant sur un cas particulier ou pour des raisons d'ordre philosophique?
M. Hugh Benevides: Je répondrai à la première question, monsieur le président. Le paragraphe 11.1 est proposé dans le projet de loi C-19. Nous ne tirons donc nos recommandations d'aucune expérience puisque ce n'est pas encore dans la loi. Prenons un exemple concret. Si, pour une raison quelconque, un projet devait être mis en oeuvre avant la fin de l'évaluation environnementale, un ministre peut émettre un arrêté ordonnant à un promoteur de s'abstenir de tout acte. Si le Cabinet n'approuve pas cet arrêté dans les 14 jours suivant sa signification, celui-ci expire. C'est l'une des raisons pour lesquelles un arrêté devient inopérant. Si le promoteur décide de poursuivre ses travaux, le paragraphe 11.1(5) empêcherait le ministre de ré-émettre cet arrêté. C'est pourquoi nous nous demandons quel est le fondement juridique de tout cela. Il se pourrait que des collègues du ministre veuillent que le projet aille de l'avant, pour quelque raison que ce soit, mais qu'à cause de ce paragraphe, le ministre ne puisse le faire cesser. Il ne semble pas y avoir de raison. Si le projet doit nuire à l'environnement ou rendre, d'une certaine manière, le processus d'évaluation environnementale superflu, le ministre devrait pouvoir recourir à ce type de mesures—plusieurs fois s'il le faut—, particulièrement si le promoteur insiste pour poursuivre son projet.
À (1010)
Le président: Ou si cela arrive en plein milieu de l'été et que les membres du Cabinet ne peuvent pas se réunir à l'intérieur de ce délai de 14 jours.
M. Hugh Benevides: Oui, bien sûr. Si l'arrêté expire avant que le Cabinet n'ait pu se prononcer. C'est exact.
Le président: Et sur l'autre point?
M. Paul Muldoon: Nous reconnaissons que le gouvernement est la première instance autorisée à défendre et à protéger ses intérêts ainsi que ceux du public. C'est pourquoi nous sommes favorables au fait que le gouvernement jouisse de la capacité de se présenter devant les tribunaux pour demander une injonction destinée à empêcher toute action contraire à la loi. Mais il y a de nombreuses façons d'interpréter l'intérêt public. Nous ne pensons pas que ce serait faire une grande concession que d'accorder ce pouvoir à des groupes de citoyens, au public, pour leur permettre de demander une injonction dans des situations où le gouvernement, pour une raison ou une autre—qu'elle soit légale ou liée à l'interprétation des faits—, décide de ne pas demander d'injonction. Si le promoteur est sur le point d'entreprendre des travaux dommageables pour l'environnement et qu'un groupe local, ou quelqu'autre groupe d'intérêt, est convaincu que c'est contraire à la loi, nous pensons qu'un tribunal serait l'entité tout à fait indiquée pour se prononcer sur un cas pareil. Actuellement, la loi ne nous permet pas de le faire, ou si elle le permet, ça coûte très cher. Par conséquent, nous considérons qu'il faudrait reconnaître à quiconque le droit de demander une injonction.
Certains se demanderont si cela ne va pas faire grossir le nombre d'affaires devant les tribunaux. Je pense que vous avez déjà reçu d'autres mémoires sur la tendance observée à la Cour fédérale, en particulier, concernant des jugements défavorables à des groupes de citoyens. Les coûts en jeu suffisent à dissuader quiconque de se lancer dans une procédure frivole ou vexatoire. Par conséquent, cela ne se produirait, je pense, qu'en de rares occasions, mais ce seraient aussi des affaires de la plus haute importance.
Je crois donc qu'il est approprié de donner la possibilité au public de demander une injonction en pareils cas.
M. Hugh Benevides: Il est aussi très important, monsieur le président, de parler de l'application, parce qu'il en très souvent question dans le projet de loi. Il y a quelques années, j'étais perplexe en écoutant le président de l'Agence d'évaluation environnementale parler, à différentes occasions, d'application de la loi, parce qu'il y a vraiment deux choses à considérer. La première concerne le paragraphe 11.1—dont vous venez justement de parler—qu'on invoquerait pour empêcher un promoteur de continuer ses travaux en émettant une ordonnance d'interdiction ou quoi que ce soit d'autre. L'autre aspect lié à l'application de la loi en matière d'évaluation environnementale, et qui va véritablement à l'encontre de la loi actuelle, concerne le mécanisme au moyen duquel le gouvernement peut exécuter une loi contre lui-même. Je veux parler, par exemple, des différentes situations évoquées par nos collègues ces dernières semaines, quand la loi n'était pas administrée correctement. Donc, c'est une autre façon d'exécuter la loi. On peut se demander comment appliquer la loi chez nous, pour ainsi dire. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'il y ait un principe d'indépendance, de sorte que si nous prenons l'évaluation environnementale au sérieux, il y aura une entité au sein du gouvernement qui aura véritablement le pouvoir d'agir. Ce n'est pas le cas actuellement et je proposerais donc qu'on attache une plus grande importance à ce principe dans l'exécution de la loi.
À (1015)
Le président: Est-ce que ce que vous proposez existe déjà dans les lois d'autres pays ou bien est-ce unique?
M. Hugh Benevides: Je ne saurais vous dire ce qui se passe à l'échelle internationale, mais nous avons parlé, plus tôt, dans notre présentation, de ce qui caractérise l'indépendance, à différents égards et dans plusieurs provinces. Par exemple, dans une affaire concernant le renforcement des lois environnementales en Ontario, le tribunal a accordé davantage d'indépendance aux agences pour appliquer la loi, parce qu'elles étaient effectivement indépendantes. Je sais qu'il y a des exemples, mais malheureusement, je ne peux en citer aucun.
M. Paul Muldoon: Quant à savoir si le public peut recourir à une procédure d'injonction ou emprunter d'autres avenues juridiques, je dirais que la législation américaine utilise cela assez souvent. Dans le National Environmental Policy Act, en fait, le principal mécanisme d'exécution de la loi passe par une procédure de recours en révision judiciaire façonnée par les tribunaux pour permettre au public de faire exécuter la loi. Je ne dis pas que nous devrions copier les États-Unis, mais que d'autres juridictions reconnaissent qu'il est important d'avoir des mécanismes autres que la surveillance du gouvernement, au travers des actions de citoyens menées devant les tribunaux.
Le président: J'aimerais demander à Mme Thomson ou à Mme Muir de bien vouloir nous donner la définition «d'importance», à la lumière de la recommandation numéro 8.
Mme Magdalena Muir: Nous allons examiner cela et nous vous répondrons dans un délai raisonnable. Je vais consulter mes collègues et je vous ferai parvenir une réponse écrite.
Le président: Pour ce qui est de la recommandation numéro 3, dans laquelle vous dites que le préambule doit être clarifié et amélioré, pouvez-vous nous dire comment vous pensez procéder? Je sais que le préambule est un élément fondamental de n'importe quel texte de loi et pourtant, vous vous y êtes attaqués.
Mme Magdalena Muir: Je cherche une réponse adéquate. Je pourrais vous référer aux commentaires que nous avons faits à propos des pages 4 et 5. Y a-t-il des aspects particuliers du préambule sur lesquels vous voudriez faire des commentaires ou obtenir des éclaircissements?
Le président: Je vous demande si vous pensez à quelque chose en particulier.
M. Hugh Benevides: Si je puis me permettre, je ne voudrais pas que nous ayons l'air de critiquer particulièrement l'agence, mais je sais qu'ils ont effectué—ou au moins qu'on leur a demandé d'effectuer—des travaux sur cette question. Donc, il serait peut-être intéressant de leur poser la question. Par exemple, M. Gibson, pour parler encore de lui, s'est penché sur la notion d'importance.
Le président: Merci.
Mme Magdalena Muir: J'aimerais revenir sur les propositions formulées dans le présent mémoire. Si vous me le permettez, j'aimerais parler de quelques-unes d'entre elles.
Nous avons fait référence à la définition de la qualité environnementale et des effets importants sur l'environnement, mais nous apportons quelques clarifications dans notre recommandation, la première ayant trait à la suppression de la précision à l'alinéa 4c), à la page 6, et l'autre à l'amendement de l'alinéa 4b), également en page 6. Voilà deux points auxquels nous attachons de l'importance.
Le président: Merci.
Monsieur Muldoon, dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé de consultations publiques. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure ce qui est ressorti de ces consultations est reflété dans le contenu du projet de loi?
À (1020)
M. Paul Muldoon: Je veux bien comprendre la question. Est-ce que le contenu des consultations publiques est reflété dans l'évaluation environnementale?
Le président: Oui, dans le projet de loi C-19. Et si tel est le cas, dans quelle mesure?
M. Paul Muldoon: Je ne peux parler que de ma propre expérience; je demanderai donc à mon collègue de donner davantage de précisions. À ma connaissance, une bonne partie des consultations publiques ont permis de soulever un certain nombre de questions plus vastes, dont nous avons parlé, et de remanier le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous avons cru bon de rappeler aux membres de ce comité quels sont les grands thèmes et les grandes préoccupations, car nous considérons que le projet de loi C-19 ne reflète pas adéquatement les préoccupations du grand public par rapport à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
À propos de la dernière question concernant le préambule et les objectifs, si vous vous souvenez bien, ce comité a passé beaucoup de temps sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et je pense qu'il y a deux questions sur lesquelles ce comité s'est penché et qui se sont avérées très positives. La première est une déclaration, en plus du préambule, de politique gouvernementale concernant l'interprétation et l'application de la loi. Il n'y a pas de déclaration semblable dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Deuxièmement, l'article 2 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement présente une longue liste de tâches administratives que doit accomplir le gouvernement. Ces tâches ne constituent pas un préambule, mais sont des fonctions obligatoires du gouvernement destinées à guider les décideurs dans l'application et la mise en oeuvre de la loi. Je pense que ces deux mécanismes législatifs sont très importants, très utiles et qu'on ne les retrouve pas dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. À ce titre, puisque nous en parlons, je dirais que les guides présentant l'ensemble des tâches administratives destinées à interpréter et à mettre en oeuvre la loi sont un outil excellent qui s'est d'ailleurs révélé fort utile dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le président: Merci.
Pour le deuxième tour, monsieur Bailey.
M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président.
Il me semble que vous dites que le projet de loi, sans vos amendements, n'a pas de dents et n'a probablement pas la capacité d'une loi que vous pourriez mettre en pratique. Il comporte beaucoup trop d'échappatoires sans ces amendements. Est-ce une observation juste de la part d'un profane?
M. Hugh Benevides: Je ne parlerais pas d'échappatoires. J'ai fait référence à la complexité de la loi, au sujet de laquelle quelques observateurs ont fait des commentaires, mais le vrai problème, dans de nombreux cas, c'est le fait de ne pas mettre en oeuvre divers aspects de la loi.
M. Roy Bailey: Ma collègue Karen a parlé de la confusion et de ce qui semble être un manque de procédures simples concernant la loi, une espèce de recul, etc. Est-ce parce que la loi est mal rédigée, ou est-ce que ces amendements donneraient à tout le moins l'impression qu'elle est plus concrète et qu'il est plus possible de l'appliquer en tant que loi comportant des mesures rigoureuses?
M. Hugh Benevides: Je pense que c'est une combinaison des deux. Tout d'abord, quels sont les objectifs, quelles sont les exigences de la loi? S'agit-il, comme l'a fait remarquer Paul, de veiller à ce que les réalisations que nous évaluons contribuent en réalité à la qualité de l'environnement, et voulons-nous nous orienter vers la durabilité? Les signaux que donne la loi ne sont pas précis quant à ce que nous essayons de faire. Ensuite, il y a la question de l'engagement vis-à-vis de ces objectifs, et c'est pourquoi je signale, par exemple, le Guide de l'écogouvernement de 1995 et d'autres engagements du gouvernement qui ne correspondent pas à la réalité.
M. Roy Bailey: Nous avons déjà parlé de ce que je considère être des aspects très positifs non seulement au sujet du registre écrit, mais de la version en ligne. À bien y penser, je peux voir moi-même de nombreux aspects positifs. D'après vous, y a-t-il quoi que ce soit de négatif à cet égard? Y a-t-il quoi que ce soit de négatif à le faire? Je me demandais tout simplement si vous aviez pensé à cela.
À (1025)
M. Hugh Benevides: Je pense que c'est quelque chose de positif, sous réserve de mes observations au sujet de la conservation des registres papier. Je sais effectivement que certains de mes collègues, qui sont vraiment à la base du mouvement écologiste en divers endroits du pays, n'y ont pas accès. Les documents que vous voulez imprimer sont volumineux. Il n'y a rien comme aller à la bibliothèque, ou dans la cuisine de Martha Kostuch, et de lire les documents du registre, si c'est là que l'on tient le registre. Vous laissez entendre qu'il y a beaucoup de documentation, et je pense que c'est vrai. Les évaluations environnementales ne sont pas des processus simples. Elles comportent beaucoup de papier, c'est un processus papier, ce qui explique que vous aimeriez avoir un registre public.
M. Roy Bailey: Nous serions surpris du nombre de gens qui s'en servent. Ces personnes sont très intelligentes, et les gens intelligents ne vont pas s'en prendre à vous. C'est tout simplement une observation.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Bailey
Madame Muir, vous avez la parole.
Mme Magdalena Muir: J'aimerais réagir à tout le moins à la question de savoir s'il peut y avoir trop d'information. Si nous avons un processus d'évaluation environnementale sur lequel le public doit se fier, on devrait avoir accès à l'information, que ce soit au niveau de l'examen préalable ou de l'examen, dans le cadre duquel on formule des recommandations ou décide d'effectuer un examen préalable ou un examen. Si les autorités se fient à ces documents ou si l'on s'y fie à l'interne, de toute évidence, ils comportent une certaine crédibilité et ils devraient être solides. Il ne doit donc y avoir aucun problème avec les renseignements réels et la véritable question alors est de savoir s'ils devraient être mis à la disposition du public de façon à ce que ce dernier puisse participer et faire des observations sur l'examen préalable et les décisions prises à ce moment-là ou lors de l'examen. Je pense que la réponse doit être un oui retentissant.
Le président: Merci.
Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan: Je voudrais poursuivre dans le même sens que des questions posées plus tôt. Lorsque le ministre a fait son rapport au Parlement, il y avait un fort élément qui laissait entendre qu'il fallait entreprendre des évaluations environnementales dans le cadre de processus prévisibles et opportuns. Cependant, pour revenir à la question du manque de clarté de certaines définitions, si nous ne connaissons pas ce qu'est un travail physique ou une réalisation ou encore une répercussion importante, comment pouvons-nous nous attendre à ce que la loi soit appliquée de façon prévisible et opportune? Vous avez donné des exemples de problèmes ce matin au sujet de l'interprétation. Si c'est sensé être une des caractéristiques de base de la nouvelle mesure législative, comment pouvons-nous dire que c'est atteint—ou pouvons-nous le dire?
M. Hugh Benevides: Le moment opportun a ses mérites, mais je ne pense pas que nous devrions tous nous prosterner à l'autel de ces concepts, surtout dans le cas de la certitude. C'est presque une mantra de l'industrie de vouloir la certitude. On le comprend bien, et le processus devrait de toute évidence être encouragé dans une certaine mesure comme substitut à la véritable certitude, car la vie a tout à faire avec l'incertitude, et il en est de même des problèmes environnementaux. Donc, par exemple, on peut atteindre le moment opportun si des mesures sont prescrites et comportent des limites de temps. C'est ce que nous avons proposé dans notre mémoire, mais je fais quand même une mise en garde: Vous ne devez pas être l'esclave du temps car les problèmes ne peuvent pas nécessairement être résolus au cours d'une période de préavis de 30 jours. Il faudrait en tenir compte.
Je devrais peut-être insister encore davantage sur la prévisibilité. Si vous prédisez les répercussions environnementales, il s'agit d'une science qui évolue et c'est pour cela que nous agissons ainsi. Si vous voulez prédire le résultat de l'évaluation environnementale, par exemple, quelles seraient les mesures d'atténuation, ou si le projet ira ou non de l'avant, je suis désolé, nous ne pouvons pas donner cette sorte de prévisibilité si nous faisons correctement les évaluations environnementales.
Je me méfie beaucoup de ces notions, comme si elles étaient la fin. La fin pour une évaluation environnementale, c'est une qualité améliorée, une bonne EE, de bons projets, de bons écosystèmes et la santé humaine. Nous reconnaissons que cela doit être encadré par certains thèmes, mais à mon avis être l'esclave de ces thèmes est contreproductif.
À (1030)
Mme Karen Kraft Sloan: Je ne suis certainement pas en désaccord avec vous. Je vois souvent des documents qui ne sont que de la théorie, à défaut d'un meilleur terme, qui ne renferment que des notions et des termes qui sont censés donner une certaine—je ne voudrais pas utiliser le mot mythologie, monsieur le président; j'ai de la difficulté à m'exprimer ce matin. M. Bailey présente toujours la bonne solution, et pour m'assurer que ce soit consigné au compte rendu, il a dit «b.s.». Cependant, il existe une image particulière de ce que cela va donner. Il y a des mots à la mode que l'on utilise pour décrire cela. Supposons que nous sommes d'accord avec ces mots. Si tel est l'objectif de l'exercice, pensez-vous qu'une uniformité entre les lois serait une façon importante de réaliser un objectif global de prévisibilité et de temps opportun?
Par exemple, la LCPE comporte des examens aux cinq ans, et ces examens sont présentés au comité de l'environnement, un comité permanent du Parlement. Cependant, nous avons une situation où il y avait un examen aux cinq ans en vertu de l'ancienne LCEE, mais aucun comité permanent n'en a été saisi. Il y a bien des questions quant à la crédibilité de cet examen, savoir si la mesure législative était véritablement un reflet du processus d'examen, etc. Je me demande donc, pour ce qui est de l'examen parlementaire, même si nous voulions accepter cette idée d'uniformité et de prévisibilité, ne devrions-nous pas avoir une uniformité entre les lois?
M. Paul Muldoon: Globalement, oui. Il y a deux domaines pour lesquels je pense que c'est utile. Dans mes propos liminaires, j'ai parlé de la nécessité d'un examen périodique, surtout devant des comités parlementaires. Je le dis sans sous-estimer c'est parfois difficile et à quel point des comités comme celui-ci sont occupés. Je pense que c'est une façon pour nous de communiquer indirectement aux députés les aspirations des circonscriptions avec lesquelles nous traitons. Nous pouvons essayer d'expliquer les aspirations de cette circonscription, les problèmes pratiques, les problèmes de conception. Je pense réellement que cela fait progresser l'intérêt général. Je n'ai rien contre le fait que ce soit du travail d'arrière-plan réalisé par des organismes et d'autres processus, mais je pense que le recours aux examens parlementaires pour nos lois nationales est très important. C'est d'ailleurs pour cela que je l'ai mentionné dans mes propos liminaires.
Les autres secteurs d'uniformité qui selon moi sont importants sont ceux qui traitent de la participation du public. Je ne comprends pas très bien pourquoi le public a plus de droits en vertu de certaines lois qu'en vertu d'autres lois, comme la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, en particulier pour ce qui est de l'information, de l'application de la loi par les citoyens, etc. Je ne comprends pas pourquoi en vertu de certains régimes nous avons des droits de participation du public tandis qu'en vertu d'autres, nous n'en avons pas. Ce n'est pas logique. Dans ce contexte, je pense qu'une approche uniforme mène non seulement à la prévisibilité et à la certitude, mais aussi à l'équité.
À (1035)
Mme Karen Kraft Sloan: Tout à fait. Plus particulièrement à ce comité-ci, parce que nous sommes le comité de l'environnement, nous avons une mesure législative qui comporte des mécanismes de participation du public ou des poursuites entreprises par des citoyens, et ensuite dans la mesure législative suivante, nous ne l'avons pas. On m'a souvent dit, vous travaillez très fort, le ministère met quelque chose de l'avant, et c'est une victoire dans un domaine particulier—il se peut que ce ne soit pas une grande victoire, mais vous avez réalisé quelque chose—vous avez ensuite la mesure législative suivante, et peu importe ce que vous avez réalisé dans le cas de la première mesure législative, vous ne l'avez plus dans la suivante. Non seulement vous refaites toute la bataille, mais le champ de bataille a changé et vous disposez de moins de ressources. Donc, chaque fois que vous progressez, il y se produit en même temps une action régressive.
Mme Magdalena Muir: J'aimerais intervenir à ce sujet.
Le président: Pourriez-vous faire rapidement?
Mme Magdalena Muir: J'ai eu le plaisir de participer aux travaux entourant le projet de loi sur les espèces, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale au nom de la section. Nous avons souvent essayé de présenter des observations au sujet de l'application de la loi, de la nature d'un registre électronique, ou même des documents. D'après moi, si nous voulons une approche uniforme, il est très important d'avoir la même portée, dans toute la mesure du possible, compte tenu de la nature différente de la mesure législative, pour ce qui est de la participation du public, des dispositions relatives à l'exécution de la loi et de la conformité aux conventions internationales. Voilà les points sur lesquels nous insistons constamment dans le cas des diverses mesures législatives.
Le président: Merci.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
L'Association du Barreau canadien, dans son mémoire, recommande que l'on impose des échéanciers. M. Muldoon a abordé ce point rapidement un peu plus tôt. L'évaluation environnementale exige parfois que l'on recueille des données écologiques saisonnières. Un grand nombre des groupes publics intéressés peuvent également participer aux rapports d'EE, et il s'agit en grande partie de bénévoles qui peuvent y consacrer un temps limité. Compte tenu de ces faits et d'autres, madame Muir, serait-il pratique d'essayer de prescrire des limites de temps à chaque étape d'une évaluation?
Mme Magdalena Muir: Je vous demanderais de vous reporter à nos observations à la page 13. Vous avez soulevé un aspect intéressant des échéances, la contrainte à l'endroit du public à certains égards. Les échéances sont en place à des fins d'équité du processus; elles ne devraient donc pas exclure l'équité, mais devraient être équitables pour toutes les parties, le requérant, le gouvernement, et le public. Il y a des cas où le requérant ou le gouvernement ne se comportent peut-être pas de façon opportune pour répondre aux questions et demandes de renseignements. Donc les échéances, lorsqu'elles sont utiles, le seraient pour tous les aspects de la participation du public, y compris la divulgation de ce qui est demandé. Toute imposition d'échéance devrait être équitable et devrait être souple, au besoin, afin de donner une plus longue période pour répondre ou examiner la question.
Mme Karen Redman: Elles devraient donc être équitables pour toutes les parties et souples, au besoin, pour toutes les parties.
Mme Magdalena Muir: Oui.
Le président: Monsieur Benevides.
M. Hugh Benevides: Tout comme Mme Redman, j'ai effectivement dit que vous avez besoin d'une certaine souplesse dans certains cas, et je crois comprendre des collègues de la C.-B., par exemple, que ce fut le cas avec la loi provinciale par le passé là-bas. Je ne sais pas dans quel état se trouve le régime aujourd'hui, mais par le passé il était parfois rigide, trop pour le public, ainsi que des personnes autres que des promoteurs.
L'autre point sur lequel nous devrions insister, c'est que nos propositions énumérées dans les trois dernières pages de notre mémoire relativement à l'avis public et aux commentaires vise beaucoup plus le public que n'importe quelle autre proposition entendue jusqu'ici à l'égard du projet de loi. On y propose que le public ait son mot à dire dans le processus d'établissement de la portée, au lieu d'être informé des décisions prises à cet égard, et à toutes les autres étapes que nous avons mentionnées. Si vous vous contentez de dire au public que nous avons établi la portée de ce projet, je crains que ce ne soit pas suffisant. La participation du public veut dire qu'il doit avoir son mot à dire dans ce que pourrait être la portée, pour les motifs auxquels M. Bailey a fait allusion plus tôt. Je voulais seulement faire cette observation.
À (1040)
Mme Magdalena Muir: Un autre point sur lequel j'aimerais insister est celui des échéances que nous ne devons pas miner en ne donnant pas accès à l'information sous une forme pratique. Vous avez entendu certaines observations plus tôt au sujet des échéances et du processus de définition, mais si vous avez un processus incertain et une fourniture de renseignements qui n'est pas très bonne, le fait d'imposer des échéances avec ce qui pourrait constituer des renseignements inadéquats n'est pas un processus équitable.
Le président: Très bien.
J'ai deux petites questions, une première sur l'établissement de la portée du projet, sujet sur lequel d'autres témoins ont fait de nombreuses observations. Aux pages 23 et 24, vous indiquez que les articles 20, 37 et 38 sont constructifs, vous proposez deux ajouts, puis vous dites à la page 24 que ce projet de loi «propose que l'actuel paragraphe 38(2) concernant l'avis public soit supprimé». Pourriez-vous préciser votre approche globale de l'établissement de la portée, et plus particulièrement la suppression?
M. Hugh Benevides: Je pense que vous avez dit que nous recommandions que le paragraphe 38(2) soit supprimé. En réalité, on dit qu'il doit être maintenu. C'est l'article auquel je pense vous faites référence.
Le président: Non. Je parle de tout l'article et des ajouts que vous recommandez. Ensuite, au haut de la page 24, vous indiquez que le projet de loi propose que le paragraphe 38(2) soit supprimé.
M. Hugh Benevides: Cet article permet d'orienter le suivi conformément aux règlements pris à cette fin. Ce libellé existe—et nous en avons parlé ailleurs dans notre mémoire—en d'autres endroits dans la loi actuelle, y compris les règlements au sujet des sociétés d'État. Notre interprétation de cet article est qu'il y a une obligation de faire quelque chose, même si aucun règlement n'est pris, et le projet de loi propose à plusieurs endroits que ce libellé soit modifié afin de clarifier cette question d'interprétation, et pourtant le libellé «conformément à tous règlements éventuellement» revient dans ce paragraphe proposé.
Le président: Essentiellement, que proposez-vous avec cette observation au haut de la page 24?
M. Hugh Benevides: Je vais aller directement au noeud du problème. La façon dont ces mots ont été interprétés par le passé est de dire qu'il n'y aura aucun suivi obligatoire, ce que propose le paragraphe 38(2), si ces règlements ne sont jamais pris, comme ce fut le cas pour les sociétés d'État et dans d'autres exemples aux termes de la loi. Rien n'oblige le gouvernement à prendre ces règlements, et son interprétation est que l'obligation n'existe pas tant et aussi longtemps que vous ne prenez pas ces règlements. En réalité, le gouvernement semble reconnaître qu'il doit être obligé, car il a modifié ce libellé dans d'autres articles, et pourtant ici il le réintroduit de nouveau.
Le président: Vous dites donc que le comité ne devrait pas appuyer la suppression du paragraphe 38(2).
M. Hugh Benevides: C'est exact. Il remplace le paragraphe 38(2) de la loi actuelle, et c'est ce que nous conserverions.
Le président: Parfait, merci.
L'autre question a trait au processus décisionnel centralisé exécutoire d'EE, à la page 23. Pourriez-vous nous indiquer de quelle façon vous concevriez cette surveillance, soit par le Cabinet, soit par la commissaire? En réalité, vous mandatez un organisme politique ou un haut fonctionnaire du Parlement. Vous demandez que l'un des deux assure cette surveillance. Quelle est votre préférence, et comment en êtes-vous venu à ces deux choix?
À (1045)
M. Hugh Benevides: Il ne fait aucun doute que ma préférence va à l'organisme indépendant, et la promesse initiale faite dans le livre rouge par celui qui était alors le porte-parole en matière d'environnement était que ce soit un organisme comme le CRTC doté du genre de pouvoirs indépendants qu'a le CRTC, ou du moins avait. Nous n'allons pas jusqu'à dire exactement ce qu'il devrait être, mais nous présentons des observations à la page 5, ou à peu près, au sujet des caractéristiques de base de l'indépendance. Ce serait notre conception. Nous ne savons pas ce qui est survenu à ce concept, et de fait, le Guide de l'écogouvernement, auquel je fais sans cesse référence, parle d'édicter la loi, précisant que c'est pour cette raison que nous avons créé l'organisme indépendant chargé des évaluations des incidences environnementales. Je ne sais trop pourquoi dans ce document on dit que l'organisme est indépendant alors que dans la réalité, il ne l'est pas, et il n'a aucun pouvoir d'exécution de la conformité.
L'option de la commissaire viendrait loin derrière au deuxième rang. De toute évidence, la commissaire est importante dans le système, mais cette importance est limitée et je suis pas certain que cela convienne à la commissaire dans son poste actuel. Elle s'acquitte d'un rôle très important dans l'examen du rendement dans certains domaines, mais l'organisme indépendant est notre premier choix.
Le président: Merci.
Nous commençons le troisième tour. Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Étant donné que notre témoin a mentionné le document Guide de l'écogouvernement, je pense qu'il serait utile que le greffier prenne les exemplaires et les fasse circuler parmi les membres du comité, car c'est un document très intéressant. Nous pourrions enlever la poussière qui s'y est accumulée et renouveler notre engagement vis-à-vis du document.
En guise de suivi à certaines questions que j'ai posées quant à l'uniformité entre les lois, le principe de précaution se retrouve dans la LCPE et dans d'autres lois. Je me demande si vous croyez que ce projet de loi tient compte du principe de précaution et si c'est quelque chose que nous devrions envisager d'inclure.
Mme Magdalena Muir: C'est une question très intéressante. Si on pense à l'évaluation environnementale et à incorporer les aspects environnementaux dans le processus décisionnel, plus la nature du développement durable et les répercussions économiques corrélatives dans un développement durable sur le plan environnemental, cela laisserait entendre que toute la loi serait fondée sur le principe de précaution. Pour ce qui est des autres lois, nous avons effectivement suggéré que le libellé soit explicite, tout récemment dans la Loi sur les produits antiparasitaires, où on l'a paraphrasé, mais on a omis de l'inclure dans le préambule. Nous pourrions appuyer l'inclusion du principe de précaution dans le préambule, d'autant plus que le Canada est signataire d'ententes et conventions internationales qui l'y lient.
Mme Karen Kraft Sloan: Surtout compte tenu de notre discussion sur un avantage environnemental résultant d'une évaluation environnementale, je me demande si les témoins de l'ACDE ont des observations à ce sujet.
M. Paul Muldoon: Nous avaliserions de tout coeur l'inclusion, tant en théorie qu'en pratique, du principe de précaution. On y donne suite d'une façon logique. Il faudrait reconnaître, comme vient de le mentionner mon collègue, que toute la théorie de l'évaluation environnementale est de nature préventive. On essaie de prévoir et de prévenir des problèmes de nature environnementale. Souvent, le problème dans le cas d'un régime de prévention est qu'il y a une incertitude sur le plan scientifique. À notre avis, cette incertitude déclencherait automatiquement le principe de précaution.
Un des domaines incertains a trait à toute la question des effets cumulatifs. Je sais que vous avez entendu des témoignages sur la façon d'inclure, et pourquoi il est important de le faire, une notion complète d'effets cumulatifs. Il existe des quantités énormes de données et de faits scientifiques que l'on examine en ce moment et qui font le lien entre la santé humaine et les toxines, par exemple, et tous ces domaines. Il me semblerait qu'il s'agit là d'un domaine que la loi ne prévoit pas très bien, ce qui justifierait tout à fait l'inclusion du concept.
À (1050)
M. Hugh Benevides: Paul a mentionné plus tôt un article sur les fonctions administratives pour le préambule. Vous voudriez l'avoir peut-être dans les articles applicables également, mais il n'est pas nécessaire pour cela de refaire la loi. Si c'est dans un article sur les fonctions qui impose une obligation globale, lorsqu'il y a incertitude, d'appliquer la précaution, cela conviendrait selon moi.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Je pense que ce serait particulièrement utile. S'il y a une politique de vider un lac et de créer un habitat du poisson ailleurs, bien que ce soit louable, on a toutes les raisons de se demander quel en serait le résultat net. Qu'est-ce qu'il y a dans tout cela qui peut être repris, et quelle partie traite vraiment du premier lac vidé, ou de cinq lacs vidés dans le Nord? Quoi qu'il en soit, c'était en passant, monsieur le président.
J'aimerais poser quelques questions aux témoins de l'Association canadienne du droit de l'environnement au sujet de ce que l'on peut lire à la page 4 de leur mémoire à la rubrique «Éléments essentiels de l'évaluation environnementale». Vous avez dressé une liste de huit points. Elle faisait partie du mémoire que vous avez présenté au comité législatif sur la LCEE en 1991. Vous parlez d'un processus d'EE obligatoire, de décisions exécutoires, et de différentes choses dans cette liste. Je me demande, compte tenu que vous avez fait cet exposé au moment de l'examen de la LCEE initiale, où selon vous certains des plus gros problèmes se sont posés, où vos suggestions et conseils de 1991 n'ont pas été suivis, de là les problèmes rencontrés par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et si le projet de loi C-19 règle ces gros problèmes.
M. Hugh Benevides: Je prends le point 7, par exemple, et ce projet de loi fait de grands pas pour ce qui est de la surveillance et du suivi. Cependant, nous avons dit aujourd'hui que c'est obligatoire, mais est-ce que cette nature obligatoire est effectivement appliquée par un organisme indépendant? Non. De fait, avec une «décision exécutoire», le mot décision ne figure jamais dans la loi, du moins pas comme on pourrait s'y attendre. Par exemple, le projet de loi propose quelque chose que l'on appelle une déclaration, qui est tout simplement un autre exemple du public qui est informé des mesures à prendre après le fait. Les définitions, nous en avons parlé. La façon dont la loi est organisée, avec l'absence de reddition de comptes par le biais de l'exécution de la loi, cela veut dire qu'un grand nombre des éléments, ceux qui sont vraiment fondamentaux, ne sont pas là.
À (1055)
M. Paul Muldoon: Au point 4, il est question de «nécessité de», «solutions de rechange à», et «mécanismes de substitution». Dans de nombreux cas, les parties intéressées s'entendent à dire que quelque chose doit être fait, et la question est de savoir comment s'y prendre. Ensuite, vous entreprenez une bataille pour savoir comment le faire, mais bien souvent le processus ne permet pas une véritable discussion sur les vraies solutions de rechange et sur la façon que vous pouvez, au lieu de tout simplement atténuer les incidences environnementales, réaliser l'objectif collectivement en le faisant différemment. Vous avez une voie rapide—y a-t-il d'autres modes de transport? Ce genre de discussion, qui selon moi conduit à une approche préventive, n'a pas lieu, et il n'y a pas non plus de façon de l'amorcer.
Je suppose que ma frustration vient de l'abscence d'une capacité de traiter avec les solutions de rechange et les mécanismes de substitution, et ce n'est certainement pas dans les amendements actuels.
M. Hugh Benevides: Et même si on s'entend sur la nécessité, revenir à une véritable discussion sur ce qu'est la raison d'être peut également répondre à l'objectif de déterminer si l'orientation prise convient sur le plan de la durabilité.
Mme Karen Kraft Sloan: La loi ontarienne ne dit-elle pas que la première exigence est d'examiner une solution de rechange au projet?
M. Paul Muldoon: Oui. En vertu de la loi ontarienne, on négocie le mandat, et même si les amendements de 1996 permettent de s'en écarter, le cadre de base est de s'assurer d'examiner d'abord la question de justification ou le besoin, viennent ensuite les mécanismes de substitution et les solutions de rechange au projet ou au programme. Ensuite, on examine si l'atténuation est nécessaire et s'il n'y a pas d'autres solutions de rechange, peu importe que l'atténuation convienne et peu importe le genre d'atténuation des incidences. C'est une analyse en trois étapes. En théorie, c'est encore une façon cohérente de considérer l'évaluation environnementale.
Mme Magdalena Muir: Je pourrais peut-être faire une observation d'ordre général. Si l'actuel processus d'évaluation environnementale comporte des lacunes, des révisions limitées à cet égard dans le projet de loi C-19 pourraient ne pas suffire pour les régler. Il faut donc apporter des modifications positives, mais s'il y a des lacunes fondamentales dans son opérationnalisation et si on ne corrige pas ces lacunes, le processus ne s'en trouvera pas grandement amélioré.
L'autre aspect a trait à tout le cadre des obligations internationales. Il y a la question de savoir comment les choses sont mises en oeuvre à l'échelle nationale au Canada, les attentes du public et la mesure dans laquelle on y répond, mais il y a aussi le cadre croissant des obligations internationales auxquelles le Canada s'est engagé, sur des aspects tels que le principe de précaution, le développement durable, l'évaluation environnementale transfrontalière, la protection de la biodiversité, les espèces en voie de disparition. C'est là l'autre aspect qui selon moi est très important pour un contexte uniforme de cette mesure législative.
M. Hugh Benevides: Je répéterais tout simplement ce que j'ai dit dans mes propos liminaires. Nous pourrions rendre obligatoire l'examen du but et de la nécessité ainsi que des solutions de rechange. À l'alinéa 16(1)e) de l'actuelle loi, c'est devenu discrétionnaire dans tous les cas et nous ferions valoir, compte tenu de cet élément essentiel, que cela devrait être obligatoire dans toutes les évaluations environnementales.
Mme Karen Kraft Sloan: C'est dans votre examen article par article?
M. Hugh Benevides: Je ne suis pas certain que ce soit dans l'examen article par article car notre tableau est franchement plus réactif. Je peux orienter le comité vers cela, mais je n'en suis pas vraiment certain.
Mme Karen Kraft Sloan: Très bien. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Au nom du comité, permettez-moi de vous remercier de votre apport très précieux et quasi-encyclopédique à nos efforts. Nous vous savons gré de vos analyses et de vos conseils pour le court comme le long terme. Je ne sais pas si vous avez renforcé notre conviction que nous amorçons un exercice très significatif, mais quoi qu'il en soit, nous devrons nous accommoder de cette conclusion. Nous mettrons vos suggestions à bon usage et, tel que je l'ai mentionné plus tôt, j'espère que l'organisme examinera avec grande minutie les amendements de façon à rendre votre travail et celui du comité significatif. Nous espérons avoir une autre occasion de vous consulter et d'entendre vos observations, qui sont toujours très pertinentes et fondées sur l'expérience.
Ceci étant dit, tous nos remerciements. La séance est levée.