FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 26 octobre 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC) |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. David Dodge |
M. Monte Solberg |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
M. David Dodge |
¹ | 1545 |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada) |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. David Dodge |
M. Charles Hubbard |
M. David Dodge |
¹ | 1550 |
M. Charles Hubbard |
M. David Dodge |
¹ | 1555 |
M. Paul Jenkins |
Le président |
M. Paul Jenkins |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
M. David Dodge |
º | 1600 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
º | 1605 |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ) |
º | 1610 |
M. David Dodge |
M. Guy Côté |
Le président |
M. Paul Jenkins |
º | 1615 |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.) |
M. David Dodge |
º | 1620 |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
Le président |
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC) |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
Mme Rona Ambrose |
M. David Dodge |
º | 1625 |
Mme Rona Ambrose |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
M. Paul Jenkins |
M. David Dodge |
Le président |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
M. David Dodge |
º | 1630 |
M. Don Bell |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
Le président |
º | 1635 |
M. David Dodge |
Le président |
M. Paul Jenkins |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
M. Paul Jenkins |
Le président |
º | 1640 |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
º | 1645 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. David Dodge |
º | 1650 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. David Dodge |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. David Dodge |
º | 1655 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. David Dodge |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
» | 1700 |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
» | 1705 |
Le président |
M. Guy Côté |
M. David Dodge |
M. Paul Jenkins |
» | 1710 |
Le président |
L'hon. John McKay |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
» | 1715 |
L'hon. John McKay |
M. David Dodge |
Le président |
Mme Rona Ambrose |
M. David Dodge |
» | 1720 |
Mme Rona Ambrose |
M. David Dodge |
Le président |
M. Don Bell |
M. Paul Jenkins |
» | 1725 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
M. Yvan Loubier |
M. David Dodge |
» | 1730 |
Le président |
M. David Dodge |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 26 octobre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite vous remercier tous de votre présence.
Je veux également remercier M. Dodge de sa présence. C'est toujours un plaisir de vous compter parmi nous. Je pense que j'étais présent lorsque, le printemps dernier, vous avez présenté l'un de vos exposés.
Si les témoins me le permettent, je leur demanderai de s'en tenir à la politique monétaire plutôt qu'à la critique de livres. Je leur en serais reconnaissant.
Je pense que vous nous avez préparé un exposé, monsieur Dodge. Nous commencerons ainsi, puis nous aborderons les séries de questions de cinq minutes.
Je vous cède la parole.
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, distingués membres du comité, bonjour.
Nous apprécions la possibilité que nous avons deux fois l'an de venir ici, à la suite de la parution du rapport sur la politique monétaire, pour livrer aux députés de la Chambre et, par votre entremise, à tous les Canadiens notre point de vue sur l'économie. Ces séances nous aident à faire connaître l'objectif de la politique monétaire et les mesures que nous prenons pour l'atteindre.
Depuis la dernière fois que nous nous sommes présentés devant vous, nous avons eu le plaisir d'émettre le nouveau billet canadien de 20 $, qui est doté d'éléments de sécurité perfectionnés et qui a été mis en circulation le 29 septembre. Jeudi dernier, nous avons publié la livraison d'octobre du rapport sur la politique monétaire, dans lequel la Banque du Canada examine les tendances économiques et financières dans le type de stratégie qu'elle poursuit pour la maîtrise de l'inflation au Canada.
[Traduction]
Lorsque Paul et moi nous sommes adressés à votre comité, en avril dernier, nous vous avons informés que l'économie, tournait, selon nous, bien en deçà de son potentiel. Ce n'est plus le cas maintenant, parce que l'économie canadienne a progressé plus rapidement qu'on ne s'y attendait dans le Rapport sur la politique monétaire d'avril et dans la Mise à jour de ce dernier parue en juillet. Cette accélération est principalement due à l'essor vigoureux des exportations. L'économie fonctionne maintenant près des limites de sa capacité et continue de s'ajuster à l'évolution de la conjoncture internationale.
Dans son scénario de référence, la Banque prévoit que, d'ici la fin de 2006, la demande globale de produits et services canadiens augmentera en moyenne au même rythme environ que la production potentielle. Étant donné les effets de la hausse des prix du pétrole et de l'appréciation passée du dollar canadien, la Banque s'attend à ce que la croissance soit légèrement inférieure à 3 p. 100 en 2005 et légèrement supérieure à ce niveau en 2006.
Comme l'économie tournera probablement près des limites de sa capacité durant toute cette période, la Banque croit que l'inflation mesurée par l'indice de référence remontera à la cible de 2 p. 100 d'ici la fin de 2005. Cette prévision est identique à celle que nous avons formulée en avril dernier. Toutefois, si les cours du pétrole brut suivent la trajectoire indiquée par les prix actuels des contrats à terme, la Banque estime que le rythme de progression de l'IPC global montera à la limite supérieure de la fourchette cible de 1 à 3 p. 100 au premier semestre de 2005, pour ensuite descendre un peu au-dessous de celui de l'indice de référence au début de 2006.
Dans ce contexte, la Banque a décidé de porter le taux cible du financement à un jour à 2,5 p. 100 le 19 octobre. Son scénario de référence suppose que de nouvelles réductions du degré de détente monétaire seront nécessaires au fil du temps, pour permettre à l'économie de tourner près des limites de sa capacité et maintenir l'inflation au taux visé. Je tiens cependant à souligner que le rythme des hausses des taux d'intérêt dépendra de l'évaluation que la Banque fera des perspectives d'évolution des facteurs qui déterminent les pressions s'exerçant sur l'appareil de production et, partant, sur l'inflation.
[Français]
Ces prévisions sont entachées de risques et d'incertitudes appréciables concernant les ajustements de l'économie à la conjoncture internationale, notamment aux variations des prix de produits de base et des taux de change. Les risques qui pèsent sur les perspectives de croissance de l'économie mondiale touchent principalement les facteurs suivants: l'évolution des prix du pétrole, le rythme de l'expansion en Chine, la façon dont les déséquilibres de paiements courants seront corrigés aux États-Unis et en Asie de l'Est et, enfin, le climat géopolitique.
Monsieur le président, Paul et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
¹ (1540)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Dodge.
Monsieur Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci infiniment, monsieur le président.
Je veux souhaiter la bienvenue au gouverneur et au premier sous-gouverneur. C'est toujours avec plaisir que nous vous accueillons. Nous aimons entendre vos propos.
Nous vous offrons la possibilité de nous faire part, à tout moment, de vos commentaires sur le budget de 1995 et sur la Loi canadienne sur la santé. Vous pouvez le faire si vous le souhaitez, mais je sais que ce n'est pas le motif de votre présence ici aujourd'hui.
Gouverneur, selon votre site Web, l'économie fonctionne essentiellement aux limites de sa capacité. Êtes-vous confiant que votre estimation est juste et que l'économie tourne vraiment à plein régime actuellement?
M. David Dodge: Comme vous le savez, c'est l'une des mesures les plus difficiles à établir. Elle est entourée d'un intervalle de confiance assez large, comme vous le remarquerez dans le Rapport sur la politique monétaire.
D'après ce que nous pouvons déterminer pour l'instant, notre mesure usuelle brosse probablement un tableau assez équilibré de la situation. Elle indique que nous sommes tout près des limites de la capacité actuellement.
M. Monte Solberg: Notre taux de chômage s'établit à 7 p. 100. Naturellement, nous disons qu'il devrait être plus bas, et nous aimerions qu'ils le soient de beaucoup.
D'après vous, sommes-nous à un point où il sera réellement très difficile de faire fléchir le taux de chômage actuel parce que notre économie est aux limites de sa capacité.
M. David Dodge: On espère toujours pouvoir faire fléchir le taux de chômage. Même un seul chômeur qui souhaiterait vraiment travailler constituerait un gaspillage de ressources.
Cependant, il y a des secteurs dans certains coins du pays où le marché du travail est vraiment assez difficile, alors que, dans d'autres régions et secteurs, l'offre est de toute évidence légèrement excédentaire. Ces déséquilibres, qui persistent toujours dans une certaine mesure, ne disparaîtront probablement pas au cours de cette période d'ajustement. Le taux de chômage pourra difficilement fluctuer beaucoup. Il pourra fléchir, mais il sera difficile d'obtenir une baisse importante au cours de cette période.
Ce qui est encourageant—certes pour nous à la Banque—, c'est que le taux de participation a augmenté pour atteindre des niveaux très élevés au début de l'année. Nous avons des ratios emploi-population sans précédent, ce qui augure vraiment bien quant à l'augmentation des revenus des Canadiens et à la hausse de l'emploi, quel que soit le taux de chômage proprement dit.
M. Monte Solberg: Monsieur le président, je partagerai mon temps de parole avec M. Penson. Il souhaite poser une question.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci.
J'aimerais également souhaiter la bienvenue au gouverneur de la Banque du Canada.
Monsieur Dodge, le déficit courant des États-Unis demeure très élevé. Premièrement, de quel pourcentage de ce déficit courant le Canada est-il responsable? Notre pays est-il en cause?
De plus, croyez-vous que les États-Unis adopteront des mesures correctrices?
M. David Dodge: Ce sont les questions extrêmement pertinentes, monsieur le président. Il me sera probablement difficile de donner une réponse complète dans le temps qui nous est accordé.
Premièrement, les échanges avec le Canada représentent un peu moins de 20 p.100 du total des échanges commerciaux des États-Unis, ce qui, à peu de choses près, donne probablement la même proportion pour le déficit commercial américain et nous. Cependant, la vraie question qui se pose non seulement aux États-Unis mais aussi à l'ensemble du monde, c'est la façon dont les déséquilibres du compte courant se corrigeront.
Comme vous l'avez signalé, le déficit courant des États-Unis est élevé et il continue d'augmenter. Parallèlement, l'ensemble de l'Asie affiche un excédent substantiel qui continue de monter. Ces déséquilibres ne sauraient se poursuivre indéfiniment.
Les marchés financiers sont très vastes et peuvent soutenir d'importants mouvements de capitaux pendant longtemps. Ils peuvent certes soutenir des mouvements de capitaux plus importants pendant plus longtemps que cela a été possible au cours des quinze dernières années. Mais cette situation ne pourra pas se poursuivre éternellement, et une correction sera nécessaire.
De toute évidence, cette correction revêt plusieurs formes.
Premièrement, la consommation est susceptible d'augmenter considérablement en Asie. Je pense, Paul, qu'il est vrai que le niveau de consommation en Chine n'équivaut qu'à environ 40 p.100 du son PIB, alors qu'il est bien plus que 60 p.100 ici. Donc, la consommation est susceptible d'augmenter beaucoup. De plus, les revenus monteront, ce qui fera augmenter la consommation. Voilà ma réponse à la première question.
Je passe à la deuxième question. Il faudra que le taux d'épargne finisse par augmenter aux États-Unis, qu'il s'agisse de l'épargne du secteur public ou de celui des ménages ou encore d'une combinaison des deux.
Ces deux facteurs finiront par entraîner une réduction de ces déséquilibres.
¹ (1545)
M. Charlie Penson: Pourrait-on ajouter qu'une des solutions possibles consisterait à abaisser les taux d'intérêt en temps normal aux États-Unis, ce qu'ils ne peuvent probablement pas faire à cause du creux historique atteint?
M. David Dodge: Non, la modification des taux de change entre l'Asie et l'Amérique du Nord constituerait l'autre moyen d'obtenir un tel redressement. Cette modification peut s'opérer de deux façons : un taux d'inflation de beaucoup supérieur en Asie, ce qui abaissera le taux de change effectif du dollar américain ou augmentera celui des devises asiatiques; le réalignement des taux de change nominaux. Une combinaison des deux est également possible. C'est la dernière solution, qui a été examinée abondamment.
Paul a même en mains des chiffres et des graphiques à cet égard. J'ignore si vous voulez aborder cette question dès maintenant ou si vous souhaitez attendre la deuxième série de questions.
M. Charlie Penson: Nous les avons consultés à un moment donné.
M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada): Les graphiques reflètent l'évolution des taux de change. Nous pourrions donc peut-être y revenir.
Reprenons deux ou trois points essentiels abordés par le gouverneur, simplement afin de préciser que c'est vraiment un problème d'une ampleur mondiale qui ne concerne pas uniquement les États-Unis. De plus, il existe certes des signes montrant clairement que les États-Unis doivent hausser leur taux d'épargne, particulièrement au sein du secteur public, étant donné leur important déficit, mais il serait également essentiel que la demande mondiale augmente pour contribuer à corriger ces déséquilibres. Il faut vraiment s'attaquer à ces problèmes qui revêtent une importance supérieure pour le Canada et l'économie mondiale à divers points de vue. Il faut se pencher sur toutes les questions nécessaires pour finir par corriger la situation.
Le président: Merci.
Monsieur Hubbard, suivi de Mme Wasylycia-Leis.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
Je ne sais pas si la petite carte de crédit que vous nous avez donnée, monsieur Dodge, sera très utile dans la rue, mais beaucoup de petites entreprises sont probablement très heureuses de l'introduction du nouveau billet.
M. David Dodge: Les éléments de sécurité...
M. Charles Hubbard: Même les chauffeurs de taxi se font avoir et perdent parfois 20 $.
Nous nous intéressons effectivement à cette question dans l'ensemble du pays. Vous voudrez peut-être prendre quelques instants, monsieur Dodge, pour parler du nouveau billet et de ses répercussions sur les personnes qui, espérons-le, risqueront moins d'obtenir un billet de 20 $ contrefait; ce sont les coupures de 10 $ qui sont maintenant visées.
M. David Dodge: À compter d'environ 2002, la fausse monnaie est devenue un problème très épineux, comme les membres du comité le savent, essentiellement en raison des changements technologiques qui s'offraient. En ce qui concerne la nouvelle série de coupures de valeur supérieure—en l'occurrence celle de 100 $ du printemps dernier, celle de 20 $ du 29 septembre dernier et celle de 50 $ qui sera lancée à la mi-novembre—, nous avons mis en oeuvre de nouveaux éléments de sécurité qui sont beaucoup plus difficiles à contrefaire, et il est encore plus difficile de bien les contrefaire. C'est le premier point.
Deuxièmement, ces éléments sont très faciles à détecter—et c'est là l'essentiel—, de sorte qu'on peut rapidement déceler les faux billets. On y a ajouté beaucoup plus que ce que nous appelons l'impression en taille-douce. L'impression est décelable au toucher. Elle est plus en relief. C'est le premier signe qui indique à la plupart qu'il y a anguille sous roche.
La bande holographique est très conviviale. Elle change de couleur lorsque vous inclinez le billet. Cependant, deux éléments très importants sont en filigrane, ce qui en rend la reproduction du billet immensément difficile : le portrait qui, exposé à une source de lumière, révèle la tête de la Reine sur la coupure de 20 $ et celle de M. Borden sur le billet de 100 $; la bande intégrée au papier. Vous vous rappellerez que les vieux billets de 20 $ comportaient le même élément dans le coin. Le matériel utilisé est le même, mais il se trouve en filigrane, ce qui vous empêche de le reproduire pour que le billet semble vrai.
¹ (1550)
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur Dodge.
De plus, dans le sommaire de votre rapport, vous évoquez deux facteurs susceptibles d'être très importants pour notre économie : les prix élevés du pétrole et le raffermissement du dollar canadien. Au sein de notre économie florissante, dans quelle mesure les prix du pétrole et la valeur de notre dollar peuvent-ils augmenter sans qu'un problème important ne se manifeste?
M. David Dodge: Le prix du baril de pétrole à 55 $ sur les marchés mondiaux constitue naturellement une source d'inquiétude, et c'est pourquoi nous avons ramené notre estimation de la croissance de l'économie américaine de l'an prochain en la faisant passer d'environ 5 p. 100 en avril dernier—c'est ce que nous pensions pour 2005—à approximativement 4,25 p. 100. C'est encore une croissance assez valable, mais les cours du pétrole ont manifestement des répercussions, qui se répercutent sur les consommateurs de tous les pays.
Il va sans dire que le Canada est un exportateur net de pétrole et de gaz; en fait, il l'est davantage qu'il ne l'était il y a 10 ou 15 ans. Sur le plan des recettes totales, notre pays est donc un bénéficiaire marginal. C'est certes ce que nous sommes devenus au fil du temps, mais à court terme, les sociétés pétrolières et gazières peuvent très difficilement investir dans le forage, la construction de nouvelles usines d'exploitation de sables bitumineux ou l'aménagement de nouveaux pipelines à une vitesse permettant de suivre ce rythme. C'est donc dire que, à très court terme, les répercussions négatives sur la consommation sont légèrement supérieures aux effets positifs des recettes plus élevées obtenues. C'est pourquoi nous prévoyons que les conséquences sur le Canada en 2005 seront légèrement négatives en raison de l'augmentation des cours du pétrole, conséquences qui deviendront légèrement positives en 2006 et ultérieurement.
En ce qui concerne le taux de change, vous n'êtes pas sans savoir que deux phénomènes se produisent. Premièrement, le dollar américain se déprécie par rapport à toutes les autres devises. Les graphiques qui vous sont distribués montrent au moins trois devises; vous pouvez constater que le dollar américain fort des années 90 a cédé la place à un billet vert plus faible en 2003-2004, ce qui s'est répercuté sur nous, sur l'Australie, sur l'Europe et, en fait, sur toutes les devises.
Le deuxième phénomène, qui touche particulièrement le Canada, c'est naturellement le prix relativement élevé des produits énergétiques et non énergétiques, ce qui favorise également un climat très favorable au Canada, et l'appréciation du dollar canadien. Ce sont là les deux phénomènes qui ont cours. Cela se traduit naturellement par le renforcement considérable des secteurs autres que ceux de la production, et c'est beaucoup plus que la fabrication de produits comme le fer et l'acier, notamment. Les résultats sont en fait excellents pour plusieurs produits manufacturés. Cependant, l'appréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine ou la dépréciation du dollar américain par rapport au dollar canadien vient effectivement accroître la concurrence pour plusieurs fournisseurs de services et fabricants sur les marchés internationaux.
Je voudrais uniquement ajouter—et Paul voudra peut-être apporter quelques précisions—que nous avons été un peu surpris par les répercussions de la forte appréciation en 2003. Les répercussions pour 2004 n'ont pas été aussi fortes que nous l'aurions imaginé. Elles n'ont pas été aussi soutenues que nous l'avions indiqué en avril dernier, lorsque nous avons comparu devant vous. Il faudra peut-être s'attendre à d'autres répercussions en raison des retards—retards qui durent un peu plus longtemps que nous l'avions prévu—, ou il se peut très bien que les producteurs canadiens aient été en mesure de s'adapter plus rapidement qu'ils ne l'ont fait par le passé; c'est probablement un peu des deux. Paul, vous souhaitez peut-être intervenir.
¹ (1555)
M. Paul Jenkins: Je pourrais peut-être aborder rapidement ces graphiques et ajouter quelques précisions supplémentaires aux propos du gouverneur.
Le président: Vous me permettrez d'intervenir. Nous terminerons la série de questions pour passer ensuite aux graphiques. Je veux donner à tous l'occasion de prendre la parole. D'accord?
M. Paul Jenkins: Bien sûr.
Le président: Je cède la parole à Judy, suivie de Maria, Guy, John, Rona et Don. Par la suite, nous aborderons les graphiques. D'accord?
Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président. Je remercie également MM. Dodge et Jenkins de leur exposé d'aujourd'hui.
Je veux aborder la question des taux d'intérêt, parce que vous avez indiqué aujourd'hui et auparavant qu'il faut hausser les taux d'intérêt parce que l'économie approche des limites de sa capacité. Je pense que d'autres ont utilisé l'expression « surchauffe de l'économie ».
J'arrive mal à saisir cette surchauffe de notre économie, car je viens de la région de Winnipeg-Nord, où les familles peuvent difficilement joindre les deux bouts. Il n'est pas rare que des parents qui travaillent doivent néanmoins recourir à une banque alimentaire pour simplement tirer le maximum de chaque dollar. Lorsque je sors de mon appartement à Ottawa pour marcher dans la rue Metcalfe, j'ai du mal à accepter que de nombreuses personnes tendent la main dans l'espoir d'obtenir quelques sous. J'ai du mal à comprendre que des jeunes dans les circonscriptions de mes collègues du Nord de l'Ontario soient confrontés au problème d'être obligés de quitter leur ville pour trouver du travail. Comment peut-on parler de la surchauffe de l'économie? Est-ce que je viens d'une autre planète?
M. David Dodge: Premièrement, nous ne croyons pas qu'il y ait surchauffe de l'économie. Nous avons clairement indiqué que nous approchons et sommes très près des limites de sa capacité. C'est là, selon nous, la situation actuelle de l'économie.
Compte tenu de la conjoncture internationale, nous ne sommes pas d'avis que, contrairement à ce qui s'est parfois passé auparavant, l'économie croîtra à un rythme très soutenu et surchauffera. Nous ne le pensons pas. Selon nous, l'économie est plutôt près des limites de sa capacité ou les dépasse peut-être légèrement.
Il y a beaucoup d'incertitudes. C'est pourquoi nous sommes assez convaincus que, nous devrons ultérieurement hausser les taux d'intérêt. Mais nous faisons preuve de beaucoup de prudence en signalant que nous ne sommes pas dans une situation où, selon nous, l'économie dépassera très rapidement les limites de ses capacités. Nous surveillerons l'évolution de la situation afin de déterminer le rythme auquel nous augmenterons les taux d'intérêt.
º (1600)
Mme Judy Wasylycia-Leis: À cet égard, vous avez souvent indiqué que nous sommes près des limites de la capacité. Ces propos impliquent « le plein emploi », et je pense que vous avez même utilisé l'expression. Si je comprends bien la situation au Canada, le taux de chômage s'établit encore à au moins 7 p. 100, et il s'élève à au moins 13 p. 100 chez les jeunes. Il n'a pas été inférieur à 6 p. 100 depuis l'époque où vous étiez sous-ministre du premier ministre actuel.
J'ai deux questions. Selon vous, combien faut-il de chômeurs canadiens pour que le taux de chômage soit élevé? Deuxièmement, compte tenu de ce qui est, selon moi, un marché assez volatile, du taux de chômage élevé, de l'incertitude régnant aux États-Unis et des perspectives de l'économie mondiale, n'aurait-il pas été plus prudent, par rapport à la création d'emplois, de retarder la hausse des taux d'intérêt jusqu'à ce que cette incertitude se dissipe partiellement?
M. David Dodge: Il est vrai que les taux d'intérêt sont vraiment très faibles à l'heure actuelle. Il n'en sont pas à leur plus bas niveau qui a été de 2 p. 100 au début de l'été, mais je vous rappelle qu'ils sont cependant plus faibles qu'au début de l'année, puisqu'ils se situent à 2 3/4 p. 100.
C'est difficile à évaluer, et il faut se demander chaque fois avec quelle rapidité nous devons hausser les taux. Tout ce qu'on peut dire pour l'instant c'est qu'il faudra les augmenter graduellement. Mais on va pouvoir le faire en tenant compte de l'évolution de la situation. Si nous constatons que l'économie croît avec beaucoup plus de vigueur que prévu, nous devrons alors les augmenter assez rapidement. Si, par contre, la croissance de l'économie est plus lente, notre rythme sera beaucoup plus mesuré.
Nous voulons que vous sachiez, et j'espère que tout le monde ici le comprend, que nous n'avons pas prévu les augmenter systématiquement. Nous devons décider à chaque rencontre en fonction de la situation économique, et c'est toujours difficile étant donné qu'on se situe assez près des limites de notre capacité.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien, même si je ne pense pas que vous ayez vraiment répondu à la question que j'ai posée sur les niveaux d'emploi et ce qui serait un taux de chômage élevé...
Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ...alors permettez-moi de vous demander...
Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Nous allons commencer le deuxième tour.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Pourrais-je lui demander de répondre à la question sur les niveaux d'emploi, alors?
Le président: En trente secondes, je vous prie.
M. David Dodge: Le rapport emploi-population n'a jamais été aussi élevé qu'actuellement, tout comme le taux d'activité, d'ailleurs. Ce sont deux aspects très encourageants, je crois.
Nous aimerions que l'emploi continue de croître; nous prévoyons effectivement qu'il va continuer sa progression au cours des deux prochaines années.
Ce qui est beaucoup plus difficile à prévoir, comme vous le savez, c'est le taux d'activité, et c'est la différence entre ces deux valeurs qui crée le chômage.
Le président: Merci.
Madame Minna, monsieur Côté, monsieur McKay, madame Ambrose et monsieur Bell.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Dodge, j'aimerais que vous nous parliez d'un autre aspect de l'investissement qui a un impact sur notre économie, si vous voulez, à savoir l'éducation de la petite enfance.
J'ai relu votre discours sur le sujet récemment et j'ai été fort heureuse de constater que vous aviez pris la peine de chercher à comprendre l'importance de ce que certaines personnes appellent la connexion des cellules du cerveau pendant l'enfance et son impact sur les enfants et l'économie de demain, ainsi que sur l'avenir des enfants sur le plan de la santé et dans d'autres domaines.
Je soulève la question évidemment parce qu'elle est d'ordre social, mais c'est aussi une question économique, et nous faisons une distinction entre les aspects sociaux et économiques, comme s'ils n'avaient pas d'incidence les uns sur les autres.
Nos collègues conservateurs ne croient pas que nous devrions nous occuper des garderies et de l'éducation de la petite enfance. Ils peuvent le réfuter, mais j'essaie simplement d'obtenir une réponse de M. Dodge.
À la suite du discours du Trône, il a été question de réduire les impôts pour permettre à un parent de rester à la maison plus longtemps, même si on peut se demander si 1 000 $ ou 2 000 $ vont vraiment aider quelqu'un à rester à la maison, si c'est suffisant... l'enjeu n'est pas que les parents restent à la maison avec l'enfant, c'est l'éducation de la petite enfance, stimuler l'enfant très tôt, peu importe que son père ou sa mère reste à la maison avec lui. L'apprentissage doit commencer plus tôt.
Dans votre discours vous alliez jusqu'à dire—dans une certaine mesure, et corrigez-moi si je me trompe—qu'il est utile d'investir dans l'enseignement postsecondaire, comme on le fait, mais qu'il faudrait concentrer nos efforts sur ce qui vient bien avant.
Voici ma question : Compte tenu de l'impact économique de cet investissement ainsi que des rapports de l'OCDE, que devrions-nous investir, d'après vous, pour nous assurer, comme nous le voulons, que tous les enfants du pays aient la chance d'apprendre et que cela fasse une grande différence sur les coûts à long terme? Tout compte en bout de ligne.
º (1605)
M. David Dodge: J'ai beaucoup de mal à dire combien investir, mais mes travaux indiquent qu'à la limite il serait très profitable d'investir le prochain million de dollars dans le développement et l'éducation de la petite enfance. À la limite, il serait probablement plus rentable d'investir dans ce domaine que dans l'enseignement postsecondaire.
Cela ne veut pas dire que les rendements sont faibles pour l'enseignement postsecondaire, loin de là, mais, à la limite, si vous avez seulement un million de dollars de plus à investir, vaut mieux le faire, pour le moment, dans l'enseignement préscolaire que dans l'enseignement primaire, secondaire ou postsecondaire.
M. Charlie Penson: On ne parle pas de politique monétaire.
L'hon. Maria Minna: Sans vouloir vous contredire, on en parle parce qu'il est question de ce que nous investissons dans les gens, et des rendements sur nos investissements.
J'ai soulevé le problème parce que si M. Dodge en a parlé dans son discours, c'est parce qu'il y a un rapport avec l'économie. À cet égard, les questions sociales et économiques sont reliées.
Le président: Je n'ai pas d'objection à ce vous posiez cette question.
Il vous reste une minute et demie, madame Minna.
L'hon. Maria Minna: D'accord.
Je répète que je n'ai jamais considéré ces deux politiques comme étant distinctes, et c'est pourquoi j'ai soulevé le problème.
Monsieur Dodge, j'imagine que vous en avez parlé parce que c'est évidemment une question de viabilité économique à long terme, comme la santé et d'autres dossiers qui ont une incidence sur nos budgets et la situation financière de notre pays. J'ai soulevé la question parce que je voulais avoir votre avis sur l'investissement que les enfants représentent par opposition aux aspects plus évidents, que sont les garderies et l'aide aux parents qui travaillent, pour élaborer sur la valeur réelle de l'investissement et du rendement pour la société et l'économie que représente, pour employer un langage économique, le fait d'investir dans nos enfants à ce stade. C'est ce dont je voulais parler.
Monsieur le président, pour ce qui est des questions que je me posais sur les taux d'intérêt élevés et ce qu'ils signifient, M. Dodge y a déjà répondu; je vais donc m'arrêter là-dessus.
Le président: Merci.
Monsieur Côté.
[Français]
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Jenkins. Merci beaucoup d'être présent parmi nous aujourd'hui.
Naturellement, la réduction de l'endettement au niveau fédéral aura un effet sur la politique monétaire. On peut le présumer.
Par contre, je me pose une question. Les politiques budgétaires des récents gouvernements ont eu comme effet, entre autres, d'entraîner des surplus non prévus dans le fonds général, et le gouvernement s'est servi de cet argent pour diminuer sa dette. Pendant ce temps, les provinces ont plus de difficulté à contrôler l'augmentation de leurs dépenses. Par conséquent, au moment où l'on se parle, on est en train de payer la dette qui est la moins chère à financer.
Quel effet cela peut-il avoir à plus long terme sur les cotes de crédit ou encore sur les investissements de fonds dans l'économie par rapport à l'État? Quel effet cela peut-il avoir sur la politique monétaire?
º (1610)
M. David Dodge: D'abord, les revenus des gouvernements, tant fédéral que provinciaux, dépendent de l'augmentation du PIB nominal. Il est vrai que l'année passée, le PIB nominal a crû plus vite que ce qu'on avait prévu. En outre, les profits des entreprises se sont eux aussi accrus beaucoup plus vite que prévu. Les revenus, surtout les impôts sur les revenus des sociétés, ont enregistré une augmentation beaucoup plus forte que prévue, alors que les impôts sur les revenus des particuliers se sont accrus pour leur part plus fortement que prévu.
Je crois que les provinces ayant affiché un déficit réduit ou un surplus beaucoup plus important que prévu sont maintenant au nombre de cinq. Or, la structure des revenus des provinces et du fédéral a automatiquement un effet stabilisateur. Une hausse de revenus beaucoup plus rapide que prévu aide à stabiliser l'économie. S'il y a des erreurs dans le sens inverse, les revenus croissent moins vite, ce qui a aussi comme effet de stabiliser l'économie. Enfin, en termes de politique monétaire, cette structure nous aide beaucoup à stabiliser l'économie. C'était là le premier point.
Pour ce qui est du deuxième point, je dirai qu'à long terme, il est important que les gouvernements, fédéral et provinciaux, réduisent le ratio de leur dette par rapport à leur PIB. Cette réduction du service de la dette aidera à maintenir les services des gouvernements quand la proportion de la population âgée sera beaucoup plus forte qu'elle ne l'est maintenant. En matière de politique monétaire, cela permettra à long terme qu'il n'y ait pas de pression inflationniste sur l'économie. Cette économie, rappelons-le, mettra à contribution une population beaucoup plus âgée que celle que nous connaissons maintenant.
M. Guy Côté: Vous mentionniez plus tôt...
Le président: Vous avez trente secondes.
M. Paul Jenkins: Je pourrais peut-être ajouter un commentaire.
Selon nos prévisions, tous les gouvernements verront le taux de croissance de leurs dépenses et de leurs revenus augmenter presque au même rythme. Ainsi, l'équilibre fiscal sera atteint. C'est l'hypothèse que nous présentons dans nos prévisions pour 2005-2006.
º (1615)
Le président: Merci, monsieur Côté.
Monsieur McKay.
[Traduction]
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le gouverneur, d'être venu nous rencontrer.
Comme vous le savez, les gens sont assez sceptiques—certains diraient cyniques—quand on parle de prévisions et des prévisions sur lesquelles le gouvernement se fonde pour préparer son budget et les autres documents de cette nature.
L'an dernier, à la même époque et dans les mois qui ont suivi, alors que nous préparions le budget, on s'attendait à ce que l'ESB, la hausse du dollar canadien et le SRAS aient une plus grande incidence sur l'économie. C'est ce qui vous a amenés, vous et d'autres économistes, à faire des prévisions assez sombres.
Vous nous invitez maintenant à croire que l'inflation va se situer à un peu moins de 3 p. 100 en 2005 et à un peu plus de 3 p. 100 en 2006. Ces prévisions sont cependant entourées de beaucoup d'inconnues, qui échappent, pour la plupart, aux paramètres de l'économie canadienne, étant donné que notre économie est tellement tributaire des échanges commerciaux. Il y a tellement d'éléments sur lesquels nous n'exerçons aucun contrôle, comme les élections américaines qui vont avoir lieu le 2 novembre. Je vous dirais, monsieur le gouverneur, que le futur président, quel qu'il soit, va partir en croisade, et il va nous falloir recommencer à faire des économies, hausser les taux d'intérêt et arrêter la chute du dollar canadien. Cela va avoir des répercussions énormes sur notre économie ainsi que sur les prévisions sur lesquelles le gouvernement se fonde pour préparer le prochain budget.
J'aimerais que vous nous expliquiez quelle sera la différence pour l'économie canadienne entre le fait que le gouvernement américain part ou non en croisade.
M. David Dodge: C'est extrêmement difficile à dire.
D'abord, même si les Américains agissaient énergiquement, ils se sont tellement endettés qu'il va leur falloir un bon moment pour réduire ou éliminer le déficit, même si l'économie est assez performante. Je crois comprendre que les deux candidats à la présidence ont promis qu'ils voudraient réduire le déficit de moitié au cours des quatre prochaines années.
Il reste à voir si ce sera suffisant ou non, mais il est évident que les États-Unis vont devoir économiser davantage dans le secteur public d'une façon ou d'une autre. Le fait de commencer à agir dans ce domaine va aussi rétablir la confiance des investisseurs dans le monde et celle de la population américaine. Il n'est donc pas du tout certain que ce changement aura un effet négatif si on prend en considération la nécessité de réaliser des économies, la reconnaissance générale de la situation et le rétablissement de la confiance, d'un côté, et de l'autre, les effets négatifs d'un ralentissement de la demande américaine. On ne peut pas savoir ce qui va arriver.
Normalement, on pourrait penser que, si le gouvernement américain entreprend de réduire son déficit d'une façon raisonnablement crédible, la Réserve fédérale n'aura pas à hausser les taux d'intérêt autant, de sorte que les taux d'intérêt pourraient être inférieurs à ce qu'ils seraient si le pays ne faisait rien.
Notre situation est un bon exemple. Il y a dix ans, le taux de nos obligations à terme de 30 ans était de 9 p. 100. Je n'aimais pas beaucoup signer les garanties de ces obligations. Aujourd'hui, le taux est de 5½ p. 100, parce que nous avons retrouvé notre crédibilité financière. L'impact ne sera pas aussi important aux États-Unis, mais il ira exactement dans le même sens.
º (1620)
L'hon. John McKay: Si les Américains prenaient des mesures de prudence budgétaire, en théorie du moins, à court terme, les États-Unis devraient augmenter leurs taux d'intérêt et il nous faudrait emboîter le pas.
M. David Dodge: Non.
L'hon. John McKay: Vous ne pensez pas.
M. David Dodge: Non. En théorie, si la politique budgétaire fait le gros travail, la politique monétaire peut en fait être plus souple. Cela correspond exactement à ce que j'ai dit sur l'impact stabilisateur de la politique budgétaire. Quand le revenu nominal au Canada a augmenté plus rapidement que prévu l'an dernier, les revenus des gouvernements ont été un peu plus solides, la position financière de l'État meilleure et la Banque du Canada n'a pas eu autant besoin d'augmenter les taux d'intérêt à des niveaux très élevés. Les choses ne se passent pas aussi simplement que je viens de les décrire d'un côté et de l'autre, mais c'est clairement ainsi qu'elles s'orientent.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Madame Ambrose.
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci.
Je veux souhaiter la bienvenue à MM. Dodge et Jenkins, et les remercier de venir nous rencontrer. Je suis heureuse, en tant que nouvelle députée intéressée à ces dossiers, de pouvoir entendre votre point de vue sur ces sujets importants.
Ma question a trait aux taux d'intérêt. Vous en avez déjà abondamment parlé, mais j'ai une question précise à vous poser. Je sais que la Banque a haussé son taux d'escompte deux fois depuis avril 2004, qui est la dernière fois où elle a réduit son taux du financement à un jour. Si je comprends bien, on le fait pour réduire l'inflation. Pourtant, d'après ce que je crois aussi comprendre et ce j'ai lu sur votre site Web et dans d'autres documents, l'inflation n'est absolument pas un problème actuellement et le taux d'inflation se situe bien en deça de 2 p.100.Vous nous avez expliqué pourquoi vous aviez augmenté les taux, mais j'aimerais que vous m'indiquiez quel est le délai prévu par la Banque entre le moment où les taux d'intérêt sont augmentés et celui où l'inflation va s'en ressentir.
M. David Dodge: La réponse simple est que les délais sont longs et variables. Nous prévoyons normalement que tous les effets sur l'économie des changements dans la politique monétaire prennent 12 à 18 mois à se réaliser. L'effet sur l'inflation prend un peu plus de temps, disons, jusqu'à 24 mois. C'est ce qui est prévu normalement. Les choses ne sont pas aussi simples, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit plus tôt que nous devons décider chaque fois que nous nous réunissons, soit 8 fois par année, en fonction de ce qui se passe, en essayant de tenir compte de toutes les informations dont nous disposons.
Paul, vous voudrez peut-être ajouter quelque chose sur la situation des taux d'intérêt.
M. Paul Jenkins: Je pense qu'il est aussi important de revenir à l'objectif de notre politique monétaire qui est de maintenir l'inflation à un taux faible, stable et prévisible de 2 p.100 pour assurer une croissance économique viable et aider l'économie à tourner à la limite de sa capacité. Si on réussit, cela consolide non seulement les attentes relatives à l'inflation, mais aussi les taux d'intérêt et les rendements. Ainsi, les taux des obligations à terme de cinq ans, par exemple, et les taux hypothécaires de cinq ans restent beaucoup plus stables, tandis qu'on peut faire fluctuer les taux à plus court terme. La stabilité des taux à moyen et long terme est un facteur stabilisateur très important pour l'économie en général. Il est vraiment important que les attentes par rapport à l'inflation soient consolidées. Nous pouvons faire fluctuer les taux à court terme, mais cela assure beaucoup plus de stabilité sur le plan des rendements.
Mme Rona Ambrose: D'après ce que vous venez de dire et ce que M. Dodge a dit, ai-je raison de penser que la Banque estime que l'inflation pourrait représenter un problème en 2006? Voyez-vous un problème?
M. David Dodge: Nous réagissons toujours en fonction du taux cible de 2 p.100. C'est la raison pour laquelle nous avons baissé les taux de façon très marquée à l'automne de 2001, comme vous en rappellerez. Puis, nous les avons baissés de nouveau à la fin de l'an dernier et au début cette année, parce qu'à l'époque—et la situation des prix du pétrole était légèrement différente de ce qu'elle est aujourd'hui—nous constations que l'inflation tombait au-dessous du taux cible. Il fallait prévoir d'autres mesures d'incitation pour que l'économie atteigne son potentiel. À l'époque, nous pensions qu'elle l'atteindrait vers la fin de 2005 parce que nous n'avions pas prévu que la croissance, cette année, en date d'aujourd'hui, serait aussi forte qu'elle l'a été.
º (1625)
Mme Rona Ambrose: Vous avez parlé de réagir aux prix du pétrole. Je me demande si vous pourriez nous expliquer rapidement comment les prix du pétrole peuvent avoir une influence sur l'inflation l'an prochain ou en 2006, d'après vous.
M. David Dodge: D'abord, je tiens à préciser que nous ne faisons pas de prévisions sur les prix du pétrole. Tous les trimestres, nous examinons les prix des opérations à terme sur le marché pour présumer des prix du pétrole, ce qui nous aide à prendre des décisions.
À la page 34, vous pouvez voir quelle est l'hypothèse que nous faisons. Vous pouvez constater que, pour le présent trimestre de l'année, nous sommes maintenant...
M. Charlie Penson: Quelle page?
M. Paul Jenkins: À la page 34 du rapport.
M. David Dodge: Nous nous attendons à ce que les prix du pétrole, pour le quatrième trimestre, le trimestre en cours, atteignent en moyenne 54 $ le baril. Quand nous sommes venus vous rencontrer en avril, ce chiffre était de 32 $.
Nous nous attendons à ce que la hausse des prix du pétrole, comme je l'ai dit plus tôt, ait une incidence négative sur la consommation, autant à l'étranger que chez nous. Cela aura pour effet de réduire la croissance légèrement au Canada, mais seulement légèrement, en 2005.
Le président: Monsieur Bell, c'est à vous, et ensuite nous recommencerons dans le même ordre qu'au premier tour.
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Bienvenue, messieurs Dodge et Jenkins.
En tant que nouveau député, je m'intéresse à votre rapport. J'aimerais vous poser une question ou deux sur la reprise économique.
À la page 14 de votre rapport, la note technique 2 signale que, en particulier dans le secteur de la fabrication des exportations, l'emploi a relativement peu changé malgré une hausse appréciable de la production. Les entreprises sont en effet devenues plus efficaces, diriez-vous, et elles ont diminué leurs investissements. Quel est l'effet à long terme de cette situation, à votre avis?
M. David Dodge: C'est une excellente question. Certes, en 2004, dans le secteur de la fabrication, la capacité a augmenté. C'est la raison pour laquelle la production a été à la hausse même si l'emploi est resté stable, et pourquoi les profits ont été maintenus, même si le taux de change a effectivement monté.
On s'attend à une hausse des investissements et à un certain réajustement, c'est-à-dire que la production accrue sera attribuable en grande partie à l'augmentation des investissements et non à l'augmentation dans l'embauche. Dans le secteur de la fabrication, nous ne prévoyons pas une croissance de l'emploi du genre de celle qu'on a connue entre 1995 et 2002, qui a été en fait une période plutôt exceptionnelle. L'emploi et la fabrication pendant cette période ont augmenté de presque 25 p. 100 au Canada, alors qu'il y a eu une diminution aux États-Unis pendant la même période. En Chine et en Europe dans l'ensemble, la situation est restée stable.
Nous avons connu une période remarquable, dont nous avions besoin, absolument. Les administrations publiques ont en fait réduit leur demande, et il a donc fallu essayer d'augmenter la production ailleurs pour maintenir l'emploi. Les choses ne se passeront pas de la même façon, et c'est pourquoi nous parlons des ajustements à venir.
º (1630)
M. Don Bell: Je peux peut-être aborder un autre sujet, légèrement différent quoique relié. Je pense qu'il a été prévu, dans les dernières années, que la croissance économique de la Chine se situerait autour de 7 ou 8 p. 100. Je pense que c'était son objectif. Son rendement a été supérieur, d'abord inférieur puis supérieur, d'à peu près 2 p. 100.
On a pensé que le gouvernement chinois allait dévaluer le yuan. Pensez-vous toujours que c'est possible? Il a indiqué qu'il ne le ferait pas mais, s'il le fait, quel effet cela aurait-il sur nos échanges commerciaux avec ce pays?
M. David Dodge: Je vais commencer avant de laisser à Paul le soin de terminer, ce qui ne sera pas chose facile.
Pour en revenir aux observations préalablement faites au sujet de la surchauffe des économies, il est apparu très clairement au printemps de cette année que l'économie de la Chine en était arrivée à ce point. Ce pays a pris des mesures administratives pour essayer de la ralentir, mesures qui semblent maintenant commencer à avoir de l'effet bien que, de toute évidence, ce soit une façon maladroite de procéder. Nous avons indiqué qu'il serait beaucoup plus pertinent de permettre la réévaluation du renminbi ainsi que l'augmentation des taux d'intérêt afin de freiner de façon relativement efficace la surchauffe de l'économie plutôt que d'opter pour une solution inefficace.
Paul, je vous cède la parole.
M. Paul Jenkins: Je vais commencer par les taux de croissance avant de revenir à la question du taux de change.
À la page 25 de notre rapport, dans le chapitre des perspectives, nous donnons des projections relatives à la croissance mondiale—les États-Unis, la zone UE, le Japon, la Chine et d'autres régions d'Asie. Vous pouvez voir d'après le tableau que nous envisageons une modération du taux de croissance en Asie, taux essentiellement déterminé par la Chine. En fait, le pourcentage le plus récent publié la semaine dernière en ce qui concerne la croissance en Chine en glissement annuel, se rapprochait des 9 p. 100 .
C'est la raison pour laquelle nous avons prévu ce que nous appelons un scénario de référence, pierre angulaire de nos prévisions canadiennes. Nous demandons de la modération. Vous avez déjà entendu parler d'atterrissage en douceur par opposition à atterrissage dur. Je n'aime pas particulièrement utiliser ces expressions, mais on pourrait parler davantage d'un atterrissage en douceur, vu que l'économie de la Chine ralentit. Nous indiquons également toutefois dans notre rapport que cela comporte des risques évidents. L'économie chinoise pourrait croître beaucoup plus rapidement ou encore ralentir beaucoup plus que ce que nous supposons.
La question du régime de taux de change est essentielle. Nous l'avons abordée sous divers angles par rapport aux déséquilibres mondiaux. Ce que nous soulignons, et certainement d'un point de vue international, c'est que selon nous, il serait dans le meilleur intérêt de la Chine de passer à un régime de taux de change plus flexible en mettant en place les outils macroéconomiques qui lui permettraient de gérer la progression de son économie. Je pense que la Chine comprend ces arguments.
La question qui se pose alors c'est la rapidité avec laquelle ce pays va aller dans cette direction? C'est très difficile à dire. Compte tenu de l'importance de l'économie chinoise, il faut savoir que c'est une économie comme la nôtre et comme d'autres qui doivent faire preuve de souplesse pour s'adapter. Un taux de change fixe ne suffit pas pour une économie de cette taille. Il s'agit donc à notre avis d'une question qui va rester importante.
Pour terminer, je dirais que ce n'est pas uniquement une question visant la Chine, mais une qui vise l'ensemble de l'Asie. Pour l'instant, l'Asie est semblable à une zone dollar du point de vue des autres monnaies qui explicitement ou implicitement utilisent la monnaie chinoise comme monnaie de référence.
Vous avez donc abordé une question importante.
Le président: Merci, monsieur Bell.
J'ai une question rapide, ou tout du moins je le pense.
Dans vos documents, vous indiquez que vos projections ne sont pas justes à cause d'une croissance plus forte qui s'explique essentiellement par une augmentation subite des exportations. Nos exportations n'étaient-elles pas cependant destinées essentiellement aux États-Unis? Le dollar étant plus élevé, l'effet n'aurait-il pas dû être différent ou inverse?
º (1635)
M. David Dodge: Nous avions certainement prévu que l'appréciation du dollar qui est passé d'environ 0,63 $ au début de 2003 à environ 0,76 $ au début de 2004 continuerait d'avoir un impact tout au long de 2004, ce qui en fait ralentirait nos exportations. Cet effet a été clairement moindre que celui que nous avions prévu et les exportations ont clairement augmenté plus que ce que nous avions prévu.
Le président: Monsieur Jenkins, avant de passer à une autre ronde de questions.
M. Paul Jenkins: J'aimerais ajouter un autre point. Cette question est importante à nos yeux depuis le début de l'appréciation du dollar canadien.
Je vais répondre à votre question de façon quelque peu générale, mais deux facteurs interviennent ici. Le premier, c'est le taux de change plus élevé. Vous avez parfaitement raison, toutes autres choses étant égales, on pourrait s'attendre à une modération des exportations. Le fait est que ce n'est pas le cas. L'économie mondiale—l'économie américaine, l'économie chinoise—a connu une croissance très rapide. Grâce à ce taux de croissance plus élevé, nos exportateurs, nonobstant ce taux de change plus élevé, ont en fait été en mesure de vendre sur ces marchés dont la croissance est très rapide. Je crois en partie que c'est ce que nous observons ici, l'effet net de ces forces en jeu.
Le président: Ce que je veux dire, c'est qu'il est facile de rédiger ces rapports après coup, car si le taux avait baissé, vous auriez alors dit, le taux a baissé parce que le taux de change a augmenté. Vous auriez pu invoquer la même logique, dans l'autre sens.
M. David Dodge: Oui, il faut examiner tout ce qui se passe en fait, comme vient juste de le dire Paul. Nous avons connu une croissance mondiale plus forte dans la première moitié de 2004, jusqu'au troisième trimestre de cette année-là, que ce que l'on aurait pu prévoir il y a un an.
Le président: D'accord.
Voulez-vous parler des tableaux, monsieur Jenkins?
M. Paul Jenkins: Très rapidement, monsieur le président, j'aimerais souligner un ou deux points.
Le premier tableau, comme le gouverneur l'a indiqué plus tôt, illustre les taux de change par rapport au dollar américain et ce, pour trois monnaies—celles du Canada, de l'Australie et de la zone euro—qui remontent jusqu'en 1993. Vous pouvez voir que le récent mouvement à la hausse dans ces trois régions reflète en partie la faiblesse du dollar américain, mais reflète également, certainement dans notre cas, le prix plus élevé des produits que nous vendons, notamment les prix des produits de base. Vous pouvez le voir en termes de niveau. Aujourd'hui, nous en sommes revenus plus ou moins aux niveaux de 1993 avant la série de crises des marchés en émergence. Ce serait le point que je soulignerais en premier pour ce tableau.
Je vais essayer d'être très rapide. Le deuxième tableau est un peu plus complexe. Il s'agit des mêmes trois taux de change, mais en termes de ce que nous appelons les taux de change réels. Nous faisons simplement des rajustements en fonction des taux d'inflation relatifs dans ces divers pays.
Vous pouvez voir que le dollar canadien en termes réels a effectivement augmenté, mais pas autant. La raison en est donnée à la page suivante. Notre taux d'inflation a en fait été bien inférieur à celui des États-Unis. Compte tenu de ce taux d'inflation plus bas, d'une structure de coûts plus basse au cours de cette période, ce taux de change nominal a, en termes réels relatifs, augmenté moins que les chiffres nominaux pouvaient le laisser entendre. C'est simplement pour vous donner une perspective historique ainsi que pour vous donner le contexte de ce que vous voyez chaque jour en termes de mouvements de taux nominaux, sans compter le rajustement effectué, puisque le Canada est en fait devenu plus concurrentiel en termes de taux d'inflation plus bas et de coûts plus élevés au cours de cette période.
Je me ferais un plaisir de répondre aux questions, monsieur le président. Je peux vous laisser ces tableaux et y revenir si vous avez des questions de suivi à poser.
Le président: Merci, monsieur Jenkins.
Nous allons avoir une autre ronde de questions. Nous allons entendre M. Penson, puis, M. Hubbard, Judy et enfin, Yvan.
º (1640)
M. Charlie Penson: Monsieur Dodge, vous gérez la dette du gouvernement du Canada. J'ai deux questions. Dans quel le pourcentage la dette va-t-elle être reconduite cette année? Envisagez-vous le court ou le long terme? Comment gérez-vous la dette par rapport à l'augmentation des taux d'intérêt?
M. David Dodge: Dans la stratégie de la dette que nous avons arrêtée dans les années 90, nous avions fixé un objectif d'environ 66 p. 100 à long terme, d'environ un tiers à court terme et d'un terme à courir moyen, que nous avions prévu pour environ cinq ans. Vous pouvez le voir dans le rapport annuel sur la dette.
Vous vous souvenez que le ministre a annoncé dans le budget du printemps dernier que puisque la situation budgétaire était meilleure et que la courbe était normalement à la hausse, on allait en tirer parti et augmenter au fur et à mesure la partie à taux variable à 40 p. 100 et diminuer de 66 à 60 p. 100 environ la partie à terme fixe ou à long terme. C'est ce que nous sommes bien sûr en train de la faire, mais cela prend du temps.
Pour ce qui est de votre question précise, il faudrait que je vérifie les chiffres exacts, mais bien sûr les bons du Trésor courent sur trois ou six mois—de par leur nature—et il y a toujours des obligations—nous émettons pas mal d'obligations de deux ans—qui tombent dans la catégorie d'une année et bien sûr une partie des obligations de 5, 10 et 30 ans sont renouvelées à plus court terme.
Le grand avantage que nous avons aujourd'hui par rapport à il y a 10 ans exactement, c'est que nous sommes en mesure de vendre ces obligations de 30 ans à 5 p. 100 au lieu de 9 p. 100, et que nous vendons des bons du Trésor à environ 3 p. 100 au lieu de 6,5 p. 100. Par conséquent, le coût du service de la dette fédérale que supportent les citoyens canadiens est considérablement plus bas pour un montant donné de la dette, et bien sûr, la dette d'aujourd'hui est inférieure à la dette record que nous connaissions en 1996.
M. Charlie Penson: Compte tenu de cette théorie, ne vaudrait-il pas mieux bloquer dans le plus long terme une partie plus importante de notre dette puisque nous connaissons des taux d'intérêt historiquement bas, plutôt que d'en avoir autant dans les catégories variables?
M. David Dodge: Bien sûr, c'est la question que toute personne qui a une hypothèque se pose également. Vaut-il mieux bloquer ou rester à court terme? Nous répondons toujours que cela dépend de la tolérance de chacun à l'égard du risque. En passant de deux tiers à 60 p. 100 à terme fixe, nous pouvons prendre un plus grand risque en ayant une plus grande partie de notre dette à court terme. Il est important...
M. Charlie Penson: Pour préciser, le court terme est assorti de taux d'intérêt plus bas. C'est l'avantage.
M. David Dodge: Effectivement. L'avantage du court terme, c'est qu'en moyenne, les paiements d'intérêt vont être plus bas, mais ces paiements vont en fait être plus instables, car, comme M. Jenkins l'expliquait un peu plus tôt, la courbe apparaît habituellement comme ceci, elle monte et elle descend, mais elle se tortille également. L'extrémité qui correspond au court terme monte et descend beaucoup plus que celle qui correspond au long terme. Nous pensons qu'il est prudent, à l'instar des gouvernements en général, d'avoir une plus grande partie de la dette dont les échéances sont à plus long terme que le contraire.
Nous avons un grand avantage aujourd'hui, par rapport à il y a 10 ans, puisque la prime que nous devons payer pour cette dette à long terme est en fait plus basse a) parce que les attentes d'inflation sont maintenant bien ancrées et b) parce que la prime de risque pour le Canada en raison de la dette publique élevée a considérablement baissé puisque le ratio de la dette publique par rapport au PNB a considérablement baissé aussi.
º (1645)
Le président: Merci, monsieur Dodge. Merci, monsieur Penson.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Il ressort clairement que M. Dodge a une grande confiance dans l'économie en ce qui concerne cette dette à court terme. Toutefois, pour ce qui est des dépenses de consommation, certains rédacteurs expriment beaucoup de craintes à l'égard des États-Unis, et probablement à l'égard de notre propre économie, en raison de l'arriéré considérable de l'endettement par cartes de crédit. Selon certains, les dépenses de consommation ont pratiquement atteint leur limite par rapport à ce qu'une économie peut tolérer.
Peut-être, monsieur Dodge, pourriez-vous en parler.
M. David Dodge: Oui, je vais commencer. Dans la dernière revue du système financier que nous avons publiée se trouve un article assez long dans lequel nous essayons d'évaluer l'état des ménages, parce que l'endettement des ménages par rapport au revenu a bien sûr augmenté très régulièrement depuis la baisse considérable survenue au début des années 80. Si je me souviens bien, il est légèrement supérieur à 100 p. 100 du revenu net des ménages.
En même temps, comme les taux d'intérêt sont beaucoup plus bas qu'ils ne l'étaient, les coûts du service de la dette des ménages ont en fait diminué, si bien que même si l'encours de la dette est plus important, le coût du service de cette dette pour un ménage en termes de part du revenu a en moyenne continué à diminuer de façon très régulière et se situe en-dessous de la moyenne à long terme, même si l'endettement total par rapport au revenu a atteint maintenant un sommet, certainement un sommet récent.
Si je comprends bien vos questions, vous demandez si le secteur des ménages en devient fragile, s'il est terriblement exposé à l'augmentation des taux d'intérêt et s'il faut vraiment s'en inquiéter dans l'ensemble? Je vais céder la parole à Paul qui va maintenant répondre à cette partie de la question.
M. Paul Jenkins: Comme le gouverneur le souligne, nous avons effectué ce que nous appelons une analyse de sensibilité à cet égard, car, de nouveau, c'est une question importante. Le ratio d'endettement actuellement—pour tous les consommateurs, il s'agit alors d'un pourcentage national—est inférieur à 8 p. 100, par rapport à des pourcentages deux fois plus élevés à la fin des années 80 ou début des années 90.
D'après cette analyse de sensibilité, si les taux d'intérêt devaient augmenter, par exemple, de 100 à 200 points de base, le ratio d'endettement augmenterait, mais peut-être de 1 à 1,5 p. 100. Selon nous, ce serait toujours supportable.
Lorsque l'on pense au bilan des ménages et que l'on examine les deux côtés—le passif et l'actif—et que l'on calcule l'avoir net, il faut dire que l'avoir net des ménages au Canada a augmenté à un rythme assez régulier, de l'ordre de 5 p. 100 en moyenne. Il faut donc envisager la question dans une perspective globale.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Puis-je poser une autre question?
Le président: Oui, il vous reste une minute.
M. Charles Hubbard: Nous n'avons pas beaucoup entendu aujourd'hui le mot « productivité » qui est si important pour notre économie. Avez-vous des choses à dire en ce qui concerne la productivité de...?
M. David Dodge: Vous dites qu'il est véritablement important que nous tous—que nous soyons fonctionnaires ou employeurs du secteur privé, qui que nous soyons—travaillons à cet égard, car, au bout du compte, ce n'est que si la productivité augmente que nous pouvons rehausser le niveau de vie.
À l'heure actuelle, si l'on envisage le Canada dans son ensemble, nous prévoyons qu'au cours des quelques prochaines années, nous connaîtrons des augmentations de productivité de l'ordre de 2 p. 100, une croissance de la population active de l'ordre de 1 p. 100, et une croissance de l'emploi de l'ordre de 1 p. 100 par an si bien que notre potentiel croît au rythme d'environ 3 p. 100.
Ce n'est pas ce qui va nous permettre de rattraper les pays qui affichent la meilleure productivité au monde et comme plusieurs analystes l'ont fait remarquer—en particulier le Conference Board of Canada dans son dernier rapport—c'est à nous tous qu'il incombe de travailler fort dans ce domaine si nous voulons connaître une augmentation du niveau de vie.
º (1650)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
Je me demande, monsieur le président, si nous souhaitons, avant la fin de notre réunion, donner à M. Dodge la possibilité de répondre aux questions relatives aux télécopies envoyées à minuit et aux changements à la Loi canadienne sur la santé. Accepteriez-vous, monsieur le président, qu'une question soit posée à M. Dodge afin de déterminer s'il y a du vrai dans les allégations que l'on retrouve dans le livre de Sheila Copps selon lesquelles, en fait, M. Dodge lui aurait envoyé le discours du budget modifié, indiquant les changements apportés à la Loi canadienne sur la santé, comme l'avait demandé le premier ministre de l'époque?
Le président: Monsieur Dodge, je vais autoriser cette question à laquelle vous n'êtes pas tenu de répondre. C'est à vous de le décider. Je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez et je peux vous aider, mais c'est à vous de le décider.
M. David Dodge: Il me semble, monsieur le président, qu'il est important pour moi de saisir l'occasion dans votre comité de faire part, aux fins du compte rendu, des souvenirs que j'ai de certains événements. Je vais simplement commencer par une mise en contexte.
Il y a dix ans, comme nous venons juste de le dire, le Canada se trouvait dans une situation financière très difficile, fait largement reconnu tant par le gouvernement que par les Canadiens. La crise du peso mexicain, en décembre 1994, a mis en lumière la fragilité de notre situation financière, en faisant grimper les taux d'intérêt au Canada et en amplifiant l'incertitude. C'est dans ce climat qu'a été préparé le budget de 1995 et, au ministère des Finances, nous avons exploré de nombreuses façons de restaurer l'équilibre des finances publiques canadiennes. Je peux affirmer catégoriquement qu'il n'a jamais été question de modifier la Loi canadienne sur la santé dans le cadre de ces efforts.
Comme vous le savez, membres du comité, nous examinions alors certains changements aux ententes financières avec les provinces.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Puis-je vous interrompre? J'ai posé une question au sujet de la Loi canadienne sur la santé.
Le président: C'est une distinction subtile.
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord.
Le président: Je suis prêt à entendre une déclaration de M. Dodge, un point c'est tout. Nous tentons ici d'accélérer le moteur de l'économie en vendant plus de livres, mais je vais fixer une limite.
Mme Judy Wasylycia-Leis: D'accord, permettez-moi de poser une question sur...
Le président: J'aimerais que M. Dodge puisse terminer.
M. David Dodge: Quant au montant des transferts dont le paiement ne sera pas effectué aux provinces qui ont enfreint la Loi canadienne sur la santé, il a fallu préciser la nature exacte des règles applicables au moment de la rédaction de la loi d'exécution du budget. Mais je ne me souviens pas que quelqu'un ait suggéré l'abolition ou la modification de la Loi canadienne sur la santé au cours du processus budgétaire; je ne me souviens donc pas d'une intervention particulière à ce sujet par l'ancien premier ministre, comme le laisse entendre Mme Copps.
Comme toujours, le cabinet du premier ministre était bien évidemment tenu au courant de la teneur du budget en cours de préparation. Mais comme il n'était pas question de modifications à la Loi canadienne sur la santé, je ne me souviens d'aucune intervention visant la suppression de termes particuliers faisant référence à l'abolition ou à la modification de cette loi. Et je ne me souviens certainement pas d'avoir téléphoné à Mme Copps ou de lui avoir fait parvenir par télécopieur chez elle quelque document que ce soit avant l'impression et le dépôt du budget, contrairement à ce qu'elle prétend dans son livre. En fait, comme d'autres l'ont souligné avant moi, une telle façon de procéder aurait été à l'encontre des pratiques applicables à la sécurité des documents prébudgétaires au ministère des Finances, dont j'étais le sous-ministre à l'époque.
Je me souviens bien toutefois, monsieur le président, avoir eu des discussions avec Mme Copps dans les jours qui ont suivi la présentation du budget. Nous avons alors parlé du libellé du projet de loi d'exécution du budget. Mme Copps tenait absolument à ce que nous incluions le mot « santé » dans le titre de la nouvelle disposition sur le transfert de fonds aux provinces. Vous vous souviendrez peut-être que dans les documents budgétaires, on parlait du transfert social canadien, mais les ministres Copps et Marleau ont fortement insisté pour que l'on ajoute le terme « santé ». C'est ce qui a été fait par la suite, ce qui a donné le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux lorsque le projet de loi a été déposé.
La ministre a également examiné le libellé de différentes dispositions de ce projet de loi visant la mise en oeuvre du TCSPS. Je me rappelle qu'elle nous a alors fait des suggestions très utiles quant au libellé de certaines dispositions. Je ne me souviens pas précisément avoir télécopié à Mme Copps des ébauches reformulées de certaines dispositions, mais il est bien certain que je lui ai fait communiquer ces modifications au moment où nous préparions la version définitive du projet de loi en vue de son dépôt en Chambre. Ce projet de loi, comme vous le savez, permettait l'application à long terme de la Loi canadienne sur la santé en autorisant le gouvernement fédéral à retenir au besoin certaines sommes au titre du nouveau TCSPS.
º (1655)
Le président: Merci, monsieur Dodge.
Madame Wasylycia-Leis, vous avez 30 secondes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. J'ai posé une question très simple et directe. Je ne voulais pas qu'on y réponde par une longue déclaration préparée à l'avance. J'espère que vous me laisserez un peu de latitude, parce qu'il ne s'agit pas ici de suivre un ensemble de règles ou un décorum quelconque.
Le président: Je ne vais certes pas interrompre quelqu'un qui répond à une question que vous lui avez posée. Je crois que tous les membres ici présents avaient la possibilité de poser cette question. Vous avez décidé de le faire et il a choisi de répondre.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais nous aurions pu avoir droit à une réponse plus succincte.
Le président: Vous aviez 30 secondes, et si nous les utilisons pour discuter tous les deux, il faudra passer à quelqu'un d'autre.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien. J'ai une question au sujet d'un autre aspect qui a également été abordé par Sheila Copps cette semaine—et cela n'a rien à voir avec son livre—, soit la question des pensions. Vous affirmiez en avril dernier qu'il était stupide de forcer les gens à prendre leur retraite et que les Canadiens devraient être encouragés à travailler après l'âge de 65 ans. Je me demandais si vous croyiez que le gouvernement devrait envisager la possibilité de porter à plus de 65 ans l'âge pour les droits maximums à pension et pour la pension complète du RPC.
M. David Dodge: Comme je l'ai dit le printemps dernier, je ne crois tout simplement pas que la retraite obligatoire a encore sa place de nos jours. J'estime que cela n'est pas très bon pour les personnes qui souhaitent continuer à travailler après l'âge de 65 ans.
Pour ce qui est du RPC, la loi et les dispositions en vigueur concernant l'âge de la retraite sont telles qu'elles n'offrent pas un juste équilibre entre les personnes qui se retirent entre 60 et 65 ans, pour ce qui est des dispositions de retraite anticipée, et celles qui veulent continuer à travailler. J'estime qu'il faudra éventuellement revoir ces dispositions de telle sorte que les personnes qui souhaitent continuer à travailler après 65 ans puissent accumuler des crédits additionnels car, comme vous le savez, elles ne peuvent actuellement que différer leur pension du RPC, laquelle s'accroît de 5 p. 100 par année, mais il leur est impossible d'accumuler des droits additionnels après 65 ans. C'est ce dont je parlais le printemps dernier.
Je ne vous apprends rien : les modifications apportées aux modalités de financement du RPC en 1996 font en sorte que sa stabilité financière semble assurée dans un avenir rapproché.
Le président: Merci, monsieur Dodge.
Monsieur Loubier, monsieur Côté, monsieur McKay, madame Ambrose et monsieur Bell.
[Français]
Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur le gouverneur, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Je suis arrivé un petit peu en retard, mais je vous ai regardé à la télévision. D'ailleurs, vous passez très bien à la télévision. Vous avez une belle image.
Blague à part, il m'a semblé qu'il manquait une petite partie de la réponse à la question que M. Côté vous a posée sur la gestion de la dette. Je suis sûr qu'en tant qu'ancien sous-ministre des Finances et, a fortiori, en tant que gouverneur de la Banque du Canada, vous détestez comme moi la mauvaise gestion des ressources, par exemple une mauvaise allocation des ressources rares pour des besoins illimités, pour reprendre la définition de l'économie moderne.
Nous nous retrouvons à l'heure actuelle face au même contribuable qui paie des taxes et des impôts à son gouvernement provincial et à son gouvernement fédéral. Ici, on accumule des surplus année après année, des surplus « imprévus ». Je mets des guillemets car il ne faut pas avoir la tête à Papineau pour faire des erreurs de prévision de 400 ou 500 p. 100 par année. Vous savez ce dont je parle.
Ces surplus imprévus sont consacrés en bonne partie au remboursement de la dette, mais il reste un fait: il y a toujours un seul contribuable qui paie trop de taxes et d'impôts à Ottawa, puisqu'on a des surplus faramineux comme les 9,1 milliards de dollars du dernier exercice, et probablement les 11 milliards de dollars du prochain exercice.
On consacre cet argent à la dette fédérale. C'est une dette qui coûte moins cher à gérer que les dettes des provinces, à cause des taux d'intérêt préférentiels de tout gouvernement national et de la cote de crédit du gouvernement fédéral. Je vois cette évolution depuis une dizaine d'années: on rembourse le plus rapidement la dette qui coûte le moins cher à maintenir. Par ailleurs, les dettes des gouvernements provinciaux augmentent, et les taux d'intérêt imposés sur ces dettes sont supérieurs à ceux du gouvernement fédéral.
Alors, je fais appel à votre formation, à votre expérience et à votre sagesse comme gouverneur de la Banque du Canada. Est-ce que ce ne serait pas plus logique de permettre un système où on rembourserait de façon équilibrée la dette fédérale, en tenant compte des autres priorités bien sûr, mais où on transférerait une partie des ressources fiscales pour rembourser les dettes qui coûtent le plus cher à gérer en matière de service de la dette? Il me semble qu'il y aurait ainsi une meilleure allocation des ressources que celle qui existe à l'heure actuelle.
Il n'y a qu'un seul contribuable.
» (1700)
M. David Dodge: Bon retour au comité, monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Dodge. C'est toujours un party ici.
M. David Dodge: Comme je l'ai déjà dit, il importe avant tout qu'au cours des dix prochaines années, les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, réduisent le ratio de leur dette par rapport à leur PIB respectif, et ce, afin d'être en mesure de réduire, pour tous les contribuables, la fraction des taxes qui devra dans l'avenir être consacrée au service de la dette. Cela permettrait entre autres aux gouvernements de maintenir les services à la population plus âgée sans accroître les taxes.
M. Yvan Loubier: On est d'accord là-dessus.
M. David Dodge: Cette mesure est d'une importance cruciale. Toutefois, les provinces et le fédéral n'ont pas exactement les mêmes pouvoirs de taxation. Certaines taxes, par exemple les douanes, relèvent du fédéral. Quant aux redevances sur les ressources naturelles, elles relèvent des provinces. Les uns comme les autres ont néanmoins accès aux revenus provenant de la taxe de vente et des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés.
Par conséquent, c'est à chaque gouvernement d'agir afin de maintenir un équilibre--pour ma part, comme je l'ai dit déjà, je préfère un petit surplus--qui, dans l'avenir, aura comme effet de réduire le fardeau de la dette.
De plus, comme je l'ai dit dans le cadre de ma première réponse, d'après ce que je sais, les provinces qui ont profité l'année passée d'un meilleur rendement au chapitre des revenus, soit en réduisant le déficit, soit en accroissant les surplus, sont maintenant au nombre de cinq.
M. Yvan Loubier: Monsieur le gouverneur, l'Ontario se retrouvant en déficit et le Québec étant placé devant une perspective de déficit pour le prochain exercice de même que pour les suivants--l'étude du Conference Board confirme d'ailleurs l'orientation que prendra l'équilibre budgétaire du gouvernement fédéral et des provinces--, il faut admettre que cette situation qui prévaut dans les deux plus grandes provinces du Canada a un effet assez dévastateur.
N'êtes vous pas d'accord pour dire qu'il serait plus avantageux pour le gouvernement fédéral de dégager un espace fiscal, d'autant plus qu'à l'heure actuelle, il en a trop? On parle de 9,1 milliards de dollars. Au cours des dernières années, les surplus surprises ont été très élevés. N'y aurait-il pas moyen de rééquilibrer certaines choses pour permettre de réduire les dettes qui coûtent le plus cher?
Nous nous entendons tous, de façon générale, sur la nécessité de réduire les dettes. Or, au moment même où le gouvernement fédéral nage dans les surplus, il s'agit de réduire les dettes qui coûtent le plus cher, c'est-à-dire celles du Québec, de l'Ontario et des provinces maritimes, plutôt que de continuer à faire ce que l'on fait.
Vous parliez plus tôt de la possibilité qu'a chaque ordre de gouvernement de prélever des taxes et des impôts. Êtes-vous en train de nous conseiller, comme l'ont fait MM. Martin et Goodale à l'égard du Québec et de l'Ontario, de prélever des impôts supplémentaires si nous voulons plus d'argent? Il vient un temps où des mesures semblables ne peuvent plus fonctionner. Notre niveau de taxation des contribuables est à la limite de ce que nous pouvons nous permettre en termes de compétitivité.
Encore une fois, je vous répète qu'en bout de ligne, il s'agit toujours du même contribuable. Il reste qu'on rembourse le plus rapidement possible une dette qui coûte moins cher avec les surplus provenant de ce contribuable et, en n'attribuant pas suffisamment de fonds aux provinces, on laisse grossir leur dette, qui coûte plus cher. Le champ fiscal est en effet occupé par le gouvernement fédéral.
» (1705)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Côté.
M. Guy Côté: J'ai de la difficulté à imaginer que notre économie est un petit peu à la limite de ses capacités. Je me vois mal expliquer cela aux gens de ma circonscription qui vivent un certain nombre de problèmes relativement au bois d'oeuvre et à la crise de la vache folle. Compte tenu qu'on est à la limite de nos capacités, quels ont été les effets de ces deux conflits sur l'économie?
Deuxièmement, on a mentionné un peu plus tôt qu'au moment où on se parle, l'inflation n'est pas vraiment dans la mire; il n'y a pas de crise inflationniste. La Banque du Canada n'aurait-elle donc pas avantage à revoir ses politiques afin non seulement de tenter de contrôler l'inflation, mais d'assurer une croissance économique stable et un peu plus accélérée?
M. David Dodge: Je vais répondre rapidement à votre première question. Ensuite, je passerai la parole à M. Jenkins pour qu'il réponde à la seconde, qui est extrêmement importante.
D'abord, quel que soit le taux national de croissance, quel que soit le niveau national de fonctionnement de l'économie, il y aura toujours des régions, des circonscriptions et même des provinces qui seront beaucoup plus faibles que la moyenne et d'autres qui seront plus fortes. Ces disparités augmentent toujours pendant les périodes d'ajustement, comme c'est le cas en ce moment.
Dans les régions où l'élevage bovin est extrêmement important--je connais très bien le problème étant donné que je possède moi-même une petite ferme--, il y a de réelles difficultés. Malheureusement, c'est toujours comme ça et c'est la raison pour laquelle il y a des systèmes, provinciaux ou nationaux, pour la redistribution d'un appui financier à ceux qui éprouvent des difficultés. Cependant, les régions ou les circonscriptions qui vivent de tels problèmes varient au fil des ans.
Je demanderais maintenant à M. Jenkins de répondre à votre deuxième question.
M. Paul Jenkins: Comme nous l'avons indiqué cet après-midi, l'objectif de la politique monétaire centrée sur un taux d'inflation limité et stable est de permettre à l'économie de tourner à un rythme près des limites de sa capacité. En d'autres mots, le but est de soutenir un niveau d'activités près de la capacité de l'économie. Les années 1970, 1980 ainsi que le début des années 1990 ont été à mon avis des périodes très difficiles à cause du taux d'inflation très élevé et, surtout, variable. La contribution que la politique monétaire peut apporter consiste à soutenir une économie très proche de sa capacité.
En matière d'inflation, oui, nous visons un taux de 2 p. 100. Il s'agit de la contribution de cet objectif à l'économie globale, qui est aussi très importante. Il n'est pas seulement question d'avoir un niveau d'activité proche de la capacité de l'économie, mais de soutenir ce niveau à moyen terme.
» (1710)
Le président: Merci, monsieur Côté.
Monsieur McKay.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Je voudrais poursuivre sur la question de la réduction de la dette. À peu près tout le monde sait qu'au cours des sept dernières années...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement.
Le président: Monsieur Loubier, pouviez-vous attendre deux minutes et 30 secondes? Il restait 10 secondes.
M. Yvan Loubier: Je fais un rappel au Règlement, monsieur le président. Vous êtes obligé de répondre à ce rappel. Je ne veux pas retarder les travaux avec le gouverneur de la Banque du Canada, mais il va falloir à l'avenir penser à un système plus équitable pour les partis politiques.
Depuis tout à l'heure, toutes proportions gardées, beaucoup plus de libéraux ont parlé que de députés des partis de l'opposition. Ce n'est pas normal.
Le président: Après la réunion, on va compter pour savoir si c'est vrai.
M. Yvan Loubier: Avant la réunion de demain, il va falloir clarifier les choses, car on n'acceptera pas cela.
Le président: À la dernière réunion, on a établi clairement que les tours de questions, lors des réunions, dureraient cinq minutes, tant d'un côté que de l'autre.
M. Yvan Loubier: Nous allons proposer un système beaucoup plus équitable que celui-là.
Le président: J'en suis sûr.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Au cours des sept dernières années, le gouvernement fédéral a remboursé quelque 61 milliards de dollars au titre de sa dette, ce qui s'est traduit par des économies nettes d'intérêt d'environ 3 milliards à 3,5 milliards de dollars. Cela a eu directement pour conséquence favorable de nous permettre d'emprunter à des taux de 3 p. 100 plutôt que 6 p. 100 à court terme, et de 5 p. 100 plutôt que 9 p. 100 à long terme.
Mais l'autre conséquence indirecte, c'est que ces 61 milliards de dollars sont réinjectés dans l'économie où les Canadiens peuvent en faire ce que bon leur semble, qu'il s'agisse d'acheter des biens de consommation, de payer un logement ou d'emprunter pour une entreprise, notamment.
Ma circonscription compte 130 immeubles d'habitation, dont deux pourraient probablement être classés dans la catégorie de luxe. Les autres s'adressent aux gens à revenu moyen quand il ne s'agit pas de logements sociaux. On constate dans ma circonscription une tendance très manifeste : les locataires quittent ces immeubles pour accéder à la propriété, ce qui est devenu abordable au cours des dernières années grâce aux excédents enregistrés par le gouvernement et au remboursement de sa dette.
Je me demandais si vous aviez réfléchi à quelques-unes des conséquences non gouvernementales, si l'on peut dire, de cette politique fiscale du gouvernement qui réinjecte des fonds dans l'économie et permet aux Canadiens d'utiliser ces sommes comme bon leur semble.
M. David Dodge: Oui, la situation est certes favorable, en raison de la confiance accrue—et je crois qu'il est important de signaler que ce n'est pas uniquement le gouvernement fédéral qui réduit sa dette; la dette du secteur public dans son ensemble a diminué. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB a baissé. On peut aussi dire que le secteur gouvernemental dans son ensemble réalise des économies depuis quelques années. Cela nous permet d'avoir une politique monétaire un peu plus favorable en raison de la structure financière saine. Il s'ensuit que la prime de risque, qu'il s'agisse d'obligations de sociétés ou d'obligations gouvernementales, est plus faible au Canada, ce qui nous permet de profiter d'un niveau de vie plus élevé, parce que le service de la dette n'est, après tout, pas le principal service qu'un gouvernement doit offrir à ses citoyens.
Nous avons ainsi pu conserver des taux très élevés d'activité dans le secteur de la construction résidentielle, tant pour les locataires que pour les propriétaires occupants, au cours des trois dernières années. Ces taux d'activité élevés dans la construction se traduisent maintenant dans bien des villes, mais certainement pas dans toutes, par des pressions à la baisse sur les loyers, ce qui est très bénéfique. Ces pressions ont été, bien sûr, contrebalancées par une hausse du prix des maisons. Nous estimons cependant que ces pressions vont s'atténuer en 2005 et 2006. Bien que la construction résidentielle demeurera soutenue, nous n'aurons plus droit à la croissance enregistrée au cours des trois dernières années. C'est pourquoi le tableau de la page 30 indique que ce secteur ne contribuera pas à la croissance globale en 2005 et 2006.
» (1715)
L'hon. John McKay: Vos commentaires me laissent un peu perplexe par rapport à ce qui se passe dans l'économie de ma région. Nous enregistrons à Toronto des taux d'inoccupation sans précédent de 3 p. 100. Je crois que le taux réel d'inoccupation se rapproche davantage de 5 p. 100. Je constate que les gens se lancent dans des grands travaux et la rénovation à un rythme accéléré, mais vous dites que vous ne croyez pas que cela va durer.
M. David Dodge: C'est une question très importante qui ne se limite pas à ce seul aspect. J'estime qu'il est primordial de bien comprendre la situation. Nous ne disons pas que le niveau d'activité va diminuer au cours des deux prochaines années; il va seulement cesser de croître. Mais le niveau d'activité demeurera très élevé. Cette distinction entre taux de croissance et niveau d'activité est vraiment très importante. Cela est d'autant plus important que nos projections pour 2005, pour ce qui est du niveau d'activité économique, sont exactement les mêmes qu'en avril dernier. Le taux de croissance ne sera pas aussi haut, parce que nous partons d'un niveau de référence plus élevé, compte tenu de la forte croissance enregistrée en 2004. Le niveau d'activité sera exactement celui que nous avions prévu en avril dernier. Ce n'est pas que les perspectives sont moins bonnes, c'est seulement que la croissance a été plus forte que prévu cette année. Ainsi, pour atteindre ce niveau l'an prochain, nous n'avons pas besoin d'une croissance aussi soutenue. C'est la même chose pour le logement. Le niveau est actuellement très élevé, mais il va cesser d'augmenter.
Le président: Merci, monsieur Dodge.
Madame Ambrose.
Mme Rona Ambrose: Monsieur Dodge, si vous permettez, j'aimerais reprendre où j'en étais rendue. Je regarde le tableau dont vous parliez tout à l'heure à la page 34, « Projection concernant l'inflation mesurée par l'indice de référence et l'IPC global », relativement à l'évolution des marchés pour le pétrole brut. Si je me souviens bien, le prix du pétrole se situait il y a environ un an à quelques 31 $US le baril, alors qu'il se transige actuellement à 55 $US. C'est une augmentation d'environ 75 p. 100. Si on considère les hypothèses formulées dans le paragraphe suivant ce tableau, conviendrez-vous avec moi que le risque d'inflation est de toute évidence plus élevé actuellement?
M. David Dodge: Nous estimons que les impacts sur l'inflation de base seront très minimes, voire inexistants. Le niveau prévu pour l'inflation de base sera donc à peu près identique à celui indiqué dans le rapport d'avril dernier. Les chiffres entre parenthèses correspondent aux données de la mise à jour de juillet dernier. L'inflation de base a donc évolué à peu près exactement comme nous l'avions prévu. Mais cela fait certes une différence au chapitre de l'IPC total et comme celui-ci nous sert de mesure annuelle, il est possible de constater d'importants écarts à ce niveau, d'un trimestre à l'autre. Vous verrez donc que, pour la première moitié de 2005, nous prévoyons un IPC total qui se situera juste au sommet de notre spectre de 3 p.100. Mais d'ici le premier semestre de 2006, il sera redescendu sous 1,5 p.100 environ. Il y a donc un impact réel sur l'IPC total, car ce n'est pas seulement le prix de l'essence et du carburant qui sont touchés, mais aussi les tarifs pour les vols intérieurs, les frais de camionnage, etc. Donc, c'est tout l'indice des prix à la consommation qui fluctue.
Il est, selon moi, très important de souligner—et c'est ce qui distingue grandement la première partie de la présente décennie de la première moitié des années 70—que les attentes au sujet de l'inflation future sont désormais bien ancrées, de telle sorte que les hausses des prix du pétrole et du gaz naturel n'influent pas comme à cette époque sur l'ensemble des prix et des salaires au sein de l'économie, parce que les gens s'attendent maintenant à ce que nous maintenions l'inflation bien stable à un taux de 2 p.100. C'est là l'avantage véritable de la situation actuelle comparativement à cette époque pénible où je travaillais pour la Commission de lutte contre l'inflation dans les années 70.
» (1720)
Mme Rona Ambrose: Pour poursuivre dans le même sens, je sais que vous vous appuyez sur l'hypothèse d'une réduction à 43 $US le baril au second semestre de 2006. Si jamais, en fonction de ce que vous avez dit, le prix du pétrole demeurait plus longtemps autour de 55 $US le baril, quels seraient, d'après vous, les risques qu'une croissance soudaine de l'inflation nous prenne par surprise? Plus précisément, je me demande si les Canadiens devraient s'attendre à une nouvelle hausse des taux d'intérêt en vue de prévenir ce genre d'inflation découlant des prix du pétrole.
M. David Dodge: C'est exactement pour ces raisons que nous suivons la situation de près; nous voulons déterminer ce que l'avenir nous réserve et planifier notre politique monétaire en conséquence. Si nous cherchons toujours à maintenir le taux d'inflation total à 2 p.100, nous surveillons le niveau de référence beaucoup plus attentivement de manière à pouvoir déterminer ce qui se passe vraiment au sein de l'économie. Comme vous pouvez le constater, nous estimons que le niveau de référence devrait se stabiliser aux environs de 2 p.100, malgré les fluctuations probables du prix du pétrole. La seule chose dont nous pouvons être certains au sujet d'une prédiction, c'est qu'elle sera inexacte—et que nos projections au sujet du prix du pétrole ne vont jamais se réaliser. Les prix réels seront plus élevés ou inférieurs aux prévisions; nous ne savons tout simplement pas dans quel sens.
Le président: Monsieur Bell.
M. Don Bell: Monsieur Jenkins, lorsque vous nous avez présenté les graphiques, j'ai noté que vous n'avez pas fait de commentaires concernant celui traitant de rémunération. J'étais curieux de connaître les différences entre le Canada et les États-Unis au chapitre du salaire horaire. J'ai constaté qu'au début de 2004, il était en baisse au Canada alors qu'il augmentait aux États-Unis.
M. Paul Jenkins: Tout d'abord, ces données apparaissent dans le rapport parce qu'elles fournissent une indication supplémentaire sur la composante du coût de la main-d'oeuvre qui s'inscrit dans la structure globale de coût de l'économie canadienne. C'est simplement une autre façon de mesurer le fait que les prix et les coûts au Canada au cours de cette période—il s'agit d'un tableau cumulatif—augmentaient moins rapidement qu'aux États-Unis. Il ne faut pas accorder trop d'importance aux fluctuations enregistrées au cours d'une année donnée. De toute évidence, la tendance indique que les coûts ont grimpé moins rapidement qu'aux États-Unis, ce qui se traduit par une meilleure capacité concurrentielle à ce niveau. Si vous voulez, c'est une image-miroir de l'indice des prix à la consommation, mais en considérant le salaire, plutôt que le prix des biens.
J'aimerais seulement faire un commentaire rapide en réponse à une question antérieure. Cela découle de l'importance accordée par le gouverneur à la stabilité de l'inflation et des commentaires de M. Côté à l'effet que les taux d'inflation variables et élevés que nous avons connus au cours des années 70 et 80 nous ont entraîné dans des vagues successives de prospérité et de déclin. C'est pour cette raison que la stabilité du taux d'inflation est désormais si importante, parce qu'elle permet d'ancrer les attentes et d'offrir à tous un environnement macroéconomique beaucoup plus stable.
» (1725)
Le président: Merci, monsieur Bell.
Monsieur Loubier, vous avez deux minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le gouverneur, je vous avais posé une deuxième question, mais vous n'avez pas eu le temps d'y répondre.
Vous avez mentionné le pouvoir fiscal des provinces et du gouvernement fédéral. Si les provinces sont dans une situation difficile et qu'elles veulent financer le remboursement de leurs dettes, est-ce que vous les invitez à augmenter leurs taxes et leurs impôts pour le faire, malgré les surplus fédéraux et la situation de déséquilibre fiscal qu'on vit à l'heure actuelle? Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire en affirmant qu'elles ont la capacité d'aller chercher plus d'argent pour leurs priorités?
M. David Dodge: C'est au gouvernement de chaque province de prendre sa propre décision. Ce que je dis à tous les premiers ministres des provinces chaque fois que je les rencontre, c'est qu'il est extrêmement important pour l'avenir du Canada et de chaque province de maintenir un équilibre dans les finances publiques des provinces et des municipalités, tout comme dans le gouvernement fédéral.
M. Yvan Loubier: Mais n'êtes-vous pas offusqué, monsieur Dodge, par le fait qu'il y ait des surplus aussi importants au sein du gouvernement fédéral et qu'on se retrouve en situation de déficit dans les deux plus grandes provinces canadiennes?
M. David Dodge: C'est toujours difficile, parce que chaque province se trouve dans une situation un peu différente. L'Alberta, par exemple, présente un surplus énorme. La Colombie-Britannique, qui avait le pire déficit il y a deux ans, maintient actuellement un équilibre dans ses finances publiques.
M. Yvan Loubier: Monsieur le gouverneur, on a l'impression d'entendre parler le premier ministre. Je sais que vous avez travaillé pour lui pendant des années, mais j'espère que vous n'avez pas développé une communion d'esprit.
M. David Dodge: Il y a aussi des provinces pauvres, comme l'Île-du-Prince-Édouard, qui continuent à maintenir un équilibre malgré des difficultés certaines. Il y a toujours des facteurs. On a mentionné la maladie de la vache folle, qui frappe des régions en particulier. Dans ces cas, il est important d'avoir des programmes qu'on peut qualifier de nationaux, mais qui sont axés sur les régions et les petits coins du pays qui souffrent à cause d'un événement particulier, comme la maladie de la vache folle.
M. Yvan Loubier: Si on vous parlait d'un transfert de points d'impôt du gouvernement fédéral vers les provinces, comme celui qui a été décidé en 1964 lors de la conférence de Québec, y seriez-vous favorable afin d'équilibrer le potentiel fiscal? À l'époque, cela avait permis aux provinces qui le désiraient de se prévaloir de ces points d'impôt supplémentaires.
M. David Dodge: Tout le monde préférerait payer des impôts moins élevés. Ce n'est pas à moi, comme gouverneur de la Banque du Canada, de faire un commentaire sur l'équilibre des impôts et des dépenses. Toutefois, il est essentiel que j'insiste toujours dans le procès-verbal sur l'importance de l'équilibre des budgets. C'est important maintenant, mais ça l'est encore davantage pour l'avenir de tous les contribuables.
» (1730)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Dodge.
J'aurais une brève question. Si je comprends bien, vous prévoyez une croissance de 3 p. 100. Qu'advient-il si vous vous trompez d'un demi-pour cent d'un côté ou de l'autre, au chapitre de l'excédent ou de l'emploi par exemple?
M. David Dodge: Nos projections de base se situent à un peu moins de 3 p. 100 pour 2005 et un peu plus de 3 p. 100 pour 2006.
Encore là, il est toujours utile de se référer au tableau de la page 30. Vous pouvez vous tromper d'un demi-pour cent, mais cela peut être uniquement attribuable à un écart dans l'évolution des stocks, ce qui n'a pas vraiment beaucoup de répercussions à court terme. Cela dépend beaucoup des facteurs qui causent cet écart. En fait, la politique monétaire a surtout une influence sur les résultats à la dernière ligne du tableau, soit la « Demande intérieure finale ».
Lors de notre comparution du printemps dernier, nous estimions, par exemple, que la demande intérieure finale se situerait aux environs de 2,8 p. 100—c'est-à-dire inférieure à un niveau jugé acceptable. C'est pour cette raison que nous privilégiions à ce moment-là une réduction des taux d'intérêt, parce que nous estimions que la demande intérieure finale allait diminuer au cours de cette période et que nous devions contrebalancer ce phénomène en réduisant les taux d'intérêt.
En l'espèce, la situation a été meilleure que prévue, ce qui est une bonne nouvelle, mais cela n'a pas eu un effet entièrement équivalent sur la croissance du PIB, comme vous pouvez le constater au bas du tableau, parce que la situation était en partie attribuable aux stocks.
Alors, il n'est pas vraiment facile de répondre lorsqu'il est question de seulement un demi-pour cent. Lorsqu'on parle d'environ 2 p. 100, les facteurs contributifs deviennent moins importants. Il s'agit alors d'une variation vraiment significative. Mais un demi-pour cent, c'est plutôt le genre d'écart dont tout conjoncturiste se déclarerait satisfait.
Le président: Monsieur Dodge, au nom de tous les membres du comité. je tiens à vous remercier, monsieur Jenkins et vous-même, pour votre visite. Nous avons beaucoup appris aujourd'hui. Bonne fin de journée.
La séance est levée.