FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 28 septembre 2005
¹ | 1540 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Gary Goodyear (Cambridge, PCC) |
Le président |
M. Gary Goodyear |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
¹ | 1545 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. Peter Bleyer (président, Conseil canadien de développement social) |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Glen Hodgson (vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
Mme Ellen Russell (économiste, Centre canadien de politiques alternatives) |
Le président |
Mme Ellen Russell |
º | 1605 |
º | 1610 |
Le président |
M. Niels Veldhuis (analyste principal, L'Institut Fraser) |
º | 1615 |
Le président |
M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec) |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
Le président |
M. Charlie Penson |
M. Niels Veldhuis |
M. Charlie Penson |
M. Glen Hodgson |
º | 1630 |
M. Charlie Penson |
M. Gilles Taillon |
Le président |
Mme Ellen Russell |
M. Charlie Penson |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
M. Gilles Taillon |
º | 1635 |
M. Yvan Loubier |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
Le président |
M. Glen Hodgson |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
M. Glen Hodgson |
º | 1640 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Glen Hodgson |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
M. Niels Veldhuis |
º | 1645 |
L'hon. Maria Minna |
M. Niels Veldhuis |
L'hon. Maria Minna |
M. Niels Veldhuis |
L'hon. Maria Minna |
M. Peter Bleyer |
L'hon. Maria Minna |
M. Niels Veldhuis |
L'hon. Maria Minna |
M. Niels Veldhuis |
L'hon. Maria Minna |
M. Gilles Taillon |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
º | 1650 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
º | 1655 |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
Le président |
M. Glen Hodgson |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Peter Bleyer |
Le président |
Mme Ellen Russell |
Le président |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC) |
» | 1700 |
Le président |
Mme Ellen Russell |
M. Niels Veldhuis |
Le président |
M. Peter Bleyer |
M. Monte Solberg |
Le président |
M. Monte Solberg |
Le président |
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ) |
» | 1705 |
M. Glen Hodgson |
M. Yvan Loubier |
M. Glen Hodgson |
M. Yvan Loubier |
M. Glen Hodgson |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. Niels Veldhuis |
M. Charles Hubbard |
M. Peter Bleyer |
Le président |
M. Glen Hodgson |
» | 1710 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
M. Gary Goodyear |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
Le président |
Mme Ellen Russell |
M. Gary Goodyear |
Mme Ellen Russell |
» | 1715 |
M. Gary Goodyear |
Mme Ellen Russell |
M. Gary Goodyear |
Mme Ellen Russell |
M. Niels Veldhuis |
M. Gary Goodyear |
Mme Ellen Russell |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.) |
M. Glen Hodgson |
» | 1720 |
Le président |
M. Niels Veldhuis |
Le président |
M. Gilles Taillon |
L'hon. John McKay |
M. Niels Veldhuis |
L'hon. John McKay |
M. Peter Bleyer |
Le président |
M. Glen Hodgson |
» | 1725 |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Peter Bleyer |
M. Glen Hodgson |
M. Niels Veldhuis |
Mme Ellen Russell |
» | 1730 |
Le président |
M. Gilles Taillon |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 septembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour, tout le monde.
[Français]
Je veux souhaiter la bienvenue à tout le monde, après les vacances d'été.
[Traduction]
J'espère que tout le monde a passé de bonnes vacances et est prêt à travailler. Nous allons avoir un ordre du jour très chargé au cours des 15 prochains jours, donc j'espère que tout le monde s'est bien reposé pendant les vacances et est prêt à travailler.
Avant de commencer, si je comprends bien, monsieur Goodyear, vous avez une motion à proposer.
M. Gary Goodyear (Cambridge, PCC): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité, de me permettre de prendre quelques minutes...
Le président: Deux minutes.
M. Gary Goodyear: Bien sûr. Monsieur le président, je souhaiterais lire au comité les deux motions sur lesquelles j'aimerais que le comité vote, 48 heures après l'avis de motion.
Mesdames et messieurs, étant donné un geste sans précédent du gouvernement du Canada qui a apporté, de façon rétroactive, une modification à une loi qui porte grandement atteinte au financement des commissions scolaires dans l'ensemble de l'Ontario et du Québec et qui pourrait avoir des répercussions sur toutes les commissions scolaires du Canada, j'aimerais proposer que les deux motions suivantes soient adoptées par notre comité, puis que nous procédions à un vote, comme je l'ai mentionné plus tôt.
La première porte que le comité demande au ministre du Revenu national de révoquer l'avis de cotisation refusant de rembourser la TPS aux commissions scolaires du Québec et de l'Ontario et que le ministre du Revenu national verse le remboursement complet de la TPS aux commissions scolaires, tel qu'accordé par décision finale de la Cour canadienne de l'impôt et tel que consenti par la Couronne, ce qui représente environ 8 millions de dollars dans un cas et 10 millions dans l'autre.
La seconde, monsieur le président, porte que le comité demande au ministre fédéral des Finances de révoquer l'amendement rétroactif de la Loi sur la taxe d'accise qui autorise le ministre du Revenu national à établir une nouvelle cotisation pour les commissions scolaires et à réclamer le remboursement de toute somme versée conformément à une décision judiciaire rendue après le 21 décembre 2001, telles que les décisions finales rendues par la Cour canadienne de l'impôt le 29 janvier 2003.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Goodyear.
Je crois que nous avons une autre motion, émanant de Mme Wasylycia-Leis. Je ne sais pas exactement quand nous pourrons examiner ces motions. Nous devons trouver le calendrier; ce sera donc probablement demain matin tôt.
Si nous pouvions retourner à l'ordre du jour, nous sommes ici pour commencer nos consultations...
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Comme rappel au Règlement, la motion que j'ai déposée lundi consiste à assurer que notre comité s'occupe dès que possible de la question dont nous sommes saisis sur les prévisions financières. Je ne souhaite pas, maintenant, accaparer le temps alloué aux présentations, mais je tenais simplement à dire qu'il s'agit d'une affaire importante pour nous. Je voudrais que nous organisions une réunion du comité de direction dès que possible, pour traiter de toutes les affaires en instance du comité. Je suggérerais que nous nous rencontrions, en fait, demain, si possible.
¹ (1545)
Le président: Quant à votre motion, je ne l'ai reçue qu'il y a une demi-heure ou une heure. Le greffier n'a reçu la motion que ce matin. Et quant à l'ordre du jour, nous ne disposons pas de beaucoup de flexibilité. Nous en avons déjà discuté la session dernière, lors de notre dernière réunion, en ce qui concernait l'échéancier des consultations prébudgétaires. Dès qu'il en aura la possibilité, Richard va vous envoyer les points qui sont déjà à l'ordre du jour et les sujets que nous devrons aborder par la suite. Je crois que tout le monde a déjà reçu les avis pour les consultations prébudgétaires, parce que nous avons dû créer les groupes. Nous n'avons que cinq semaines d'ici à la mi-novembre et au cours de deux de ces cinq semaines, nous serons en déplacement, et l'une de ces semaines est cette semaine. Ce qui nous laisse deux semaines.
Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est pour cela que je demande une réunion du comité de direction, afin que nous puissions résoudre les problèmes en instance à temps.
Le président: Nous le ferons probablement un matin très tôt. D'accord?
J'aimerais commencer. Il s'agit de la première séance de consultations prébudgétaires pour 2005.
[Français]
Conformément à l'article 83.1, nous allons commencer par entendre les témoins. Vous aurez un maximum de cinq à dix minutes pour faire votre présentation. Par la suite, les membres du comité vous poseront des questions.
[Traduction]
Il va falloir quitter cette salle à 17 h 30, voire à 17 h 15, à cause des votes. Et je suis désolé d'être arrivé en retard, mais je me suis trompé de salle. Nous pouvons donc maintenant commencer.
Nous avons aujourd'hui, dans l'ordre qui est sur la liste, le Conseil canadien de développement social, représenté par M. Bleyer.
M. Peter Bleyer (président, Conseil canadien de développement social): Merci.
Je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion de participer à cet important processus annuel. J'allais dire « ce rituel », mais je me suis corrigé juste à temps.
Le Conseil canadien de développement social est le plus vieil organisme de recherche national canadien à but non lucratif; la sécurité sociale et économique des Canadiens est au coeur de son mandat. Nous travaillons avec des partenaires dans l'ensemble du pays et dans l'ensemble des secteurs sur différents problèmes : le bien-être de l'enfant et de la famille, la sécurité économique, l'emploi, la pauvreté et tout un éventail de questions de politique sociale. Cela signifie que nous travaillons en fait avec les gens qui se trouvent aux premières lignes de la politique sociale et de la programmation sociale dans les collectivités. Les gens avec lesquels nous travaillons cherchent également ce lien qui fera de leurs villes l'endroit productif, viable et dynamique que tous les Canadiens aimeraient voir.
Le budget fédéral, dans une grande mesure, représente la feuille de route de la politique publique au niveau fédéral. Ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine de la politique sociale l'ont appris, parfois à leur avantage, parfois à leurs dépens. Cela impute une responsabilité importante au ministre des Finances et, manifestement, à vous. La possibilité qu'a ce comité de conseiller et de tenir le ministre des Finances responsable est essentielle.
Aujourd'hui, j'ai quelques observations à faire pour établir le lien entre les préoccupations de nos membres et notre recherche avec le thème de la productivité.
Essentiellement, la productivité est la relation entre les intrants et les extrants. La productivité augmente lorsque les facteurs de production sont utilisés de façon plus efficace. La productivité est importante certes, mais elle est également—et c'est important de le dire clairement—un concept contesté. Dans ce cas, on pourrait dire que la marée montante ne fait pas flotter tous les bateaux. Une augmentation de la productivité ne garantit pas une augmentation de la sécurité ou du bien-être économique et social.
Aujourd'hui, notre pays fait face à un déficit social important : 250 000 Canadiens, je crois, n'ont pas d'endroit où loger et trois millions de Canadiens au cours de l'année prochaine, à un moment ou à un autre, auront des difficultés à se nourrir. Le rapport que nous allons publier sur la pauvreté urbaine brosse un tableau très sombre de la façon dont ces facteurs touchent notre population. À l'heure actuelle, nous avons une équipe de recherche qui recueille des données sur les progrès des enfants et des adolescents au Canada, ce sera sa septième édition. Certains des chiffres obtenus ne reflètent pas des familles saines et productives : 1,2 million d'enfants vivent dans la pauvreté au milieu d'une mosaïque de programmes de la sécurité du revenu qui ne comblent pas le besoin. Ce sont simplement quelques éléments importants du déficit social.
Une approche simpliste consistant à stimuler la productivité ne réglera pas le déficit social. En fait, elle pourrait l'empirer. La productivité pourrait être un ingrédient de la solution, mais uniquement si nous tenons compte de certaines conditions très importantes. La croissance de la productivité doit être comprise comme un moyen vers une fin et non comme une fin en soi. Ce sont les choix politiques et sociaux qui déterminent les fins auxquelles on peut appliquer les gains de productivité, mais il est également important de noter que c'est la façon dont nous définissons la productivité qui va prédéterminer les objectifs et les buts que nous pourrons atteindre.
J'ai bien aimé lorsque le ministre des Finances, il y a à peu près un mois je crois, a exprimé sa position sur la productivité, en disant que la productivité ne devrait pas être un nivellement par le bas. La productivité doit être reliée à des concepts plus larges, comme le niveau de vie et la qualité de vie. Dans ce contexte, il serait en réalité possible d'imaginer un dividende double de la productivité qui pourrait être utilisé pour résorber le déficit social.
Voici quelques priorités, en ce qui concerne les politiques, qui conviendraient.
L'une consisterait à augmenter les salaires des travailleurs les moins payés. Cela peut sembler peu de chose, mais établir un salaire minimum fédéral de 10 $ de l'heure aurait une répercussion directe et positive sur un secteur peu important, mais établirait un précédent pour les autres compétences. D'autres pays ont relevé le salaire minimum. Récemment, le Royaume-Uni a relevé son salaire minimum jusqu'à l'équivalent d'un peu plus de 11 $ l'heure et la Low Pay Commission du Royaume-Uni a trouvé que cela avait un effet ponctuel positif sur la productivité.
Une autre priorité serait de réduire le temps de travail. Cela aurait des répercussions positives semblables sur le rendement par heure travaillée, ainsi que toute une série d'autres avantages sociaux. Il semblerait que nombre de ces avantages aient été oubliés au cours des dernières années.
Bien sûr, redonner au programme d'assurance-emploi son ancien rôle, celui de fournir une aide convenable au nombre important de travailleurs sans emploi, plutôt que de représenter quelque chose comme une poule aux oeufs d'or pour le revenu national, pourrait aider également. Faire du plein emploi un but serait également un pas dans la bonne direction. Ainsi, quand on parle d'améliorer la productivité, il nous faut véritablement considérer que tous les outils ne sont pas créés égaux.
En revanche, et avec d'autres outils qui ne sont pas équivalentes à ces mesures positives pour le marché du travail, nous alléguons qu'il n'a pas été prouvé que les allégements fiscaux des sociétés sont un moyen d'accroître la productivité; ils peuvent être, au contraire, terriblement destructeurs.
¹ (1550)
Pour dire les choses simplement, il n'existe pas de lien automatique entre les dépenses fiscales ou l'allégement fiscal des sociétés et l'investissement dans l'emploi. Il s'agit probablement de l'un des thèmes sur lequel il y aura le plus de participation ici aujourd'hui. Je n'irai pas plus loin là-dessus pour l'instant.
En fait, pour ajouter juste encore une chose à ce sujet, une autre série d'allégements fiscaux des sociétés sans condition et sans cible précise serait extrêmement coûteuse parce qu'elle compromettrait notre capacité à nous attaquer au déficit social que j'ai commencé à décrire et à investir dans l'infrastructure sociale et le capital humain qui pourraient s'avérer la pierre angulaire de toute approche progressiste à la productivité.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'un budget qui ressemble au budget d'un pays qui veut investir— investir dans l'éducation depuis le début, de la petite enfance jusqu'à l'éducation postsecondaire. Nous devons considérer le faible niveau d'alphabétisation de millions de Canadiens : 15 p. 100 des adultes sont des analphabètes fonctionnels, plus de trois millions ont une alphabétisation faible et limitée. Un programme d'amélioration de la productivité qui ne considère pas ce problème est impossible à imaginer. Les investissements dans l'éducation de la petite enfance et dans la garde d'enfants, en tant que suivi du bon travail qui a été fait jusqu'à présent, paieront des dividendes maintenant et demain.
Dans presque chaque collectivité de ce pays, on trouve un secteur bénévole—dans chaque collectivité de ce pays, vraiment. Il s'agit d'un pilier important de l'infrastructure sociale. Nous avons effectué des recherches qui indiquent que ce secteur est malheureusement négligé et a besoin d'un soutien tant direct qu'indirect, pour le travail important qu'il effectue.
Il nous faut également nous attaquer au problème de l'exclusion sociale. Cela signifie la pauvreté des enfants, la racialisation de la pauvreté, la pauvreté des Autochtones, les inégalités croissantes. Les chiffres sont clairs. Dans ce pays, les inégalités entre les pauvres et les riches s'accroissent. Tout cela représente des obstacles qu'il faut franchir pour pénétrer sur le marché du travail, et qui compromettent toute aspiration à un programme visant une société productive. Pire encore, ils nuisent à notre qualité de vie collective et sont contraires à nos valeurs les plus profondes.
Il s'agit d'une longue liste qui a besoin qu'on y réfléchisse de façon stratégique et à long terme.
J'ai une dernière chose à dire. Où commencer?
Je suggérerais qu'une partie d'une stratégie horizontale concertée du gouvernement du Canada pour effacer le déficit social et reconstruire notre capital humain serait de considérer le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Revenez à son niveau indexé de 1995, considérez un financement prévisible à l'avenir, élaborez une vision et des principes communs et travaillez avec tous les partenaires afin d'y arriver.
Merci.
Le président: Merci.
Du Conference Board du Canada, nous avons M. Hodgson.
M. Glen Hodgson (vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis venu aujourd'hui pour dire une chose et c'est que la productivité devrait être le point de référence pour chaque mesure budgétaire future du prochain budget et des nombreux budgets à venir. Je dis cela pour deux raisons.
Selon moi, il existe deux forces fondamentales à l'heure actuelle qui agissent sur la place du Canada dans le monde. La première est que nous vieillissons. Notre main-d'oeuvre va être touchée par le vieillissement de la population. Si nous projetons cela jusqu'en 2025, nous pouvons faire une prévision à long terme de l'économie canadienne et nous attendre à ce que le taux de croissance potentiel du Canada dans 20 ans soit aussi faible que 2,2 ou 2,3 p. 100, alors qu'aujourd'hui il est à 3 p. 100. Bien sûr, une croissance inférieure signifie des revenus inférieurs pour le gouvernement, une capacité diminuée pour fournir les biens sociaux, le système d'éducation, le système de soins de santé que nous désirons tous et au bout du compte cela signifie une qualité de vie inférieure. Ainsi, c'est la réalité : c'est la raison pour laquelle nous devons penser aujourd'hui à la façon dont nous pouvons stimuler la productivité à venir.
Le deuxième facteur est que la place du Canada dans le monde change très rapidement. Nous rédigeons notre rapport annuel sur le Canada qui s'intitule Rendement et potentiel. Il sera publié le 19 octobre. Ce que ce rapport démontre, c'est que la place du Canada dans le monde a déjà beaucoup reculé. Nous sommes désormais la 11eéconomie dans le monde en termes de PIB. Nous ne sommes pas la 7e, nous ne sommes pas la 8e, nous sommes la 11e, derrière la Chine, derrière l'Inde, derrière le Brésil et derrière la Russie. Si nous désirons avoir une influence et un statut dans le monde, et disposer au bout du compte d'une certaine force dans l'économie mondiale, nous avons besoin de changer les choses.
Je dirais que les économistes s'accordent à peu près tous sur le fait que la productivité est un moyen réel de trouver une solution à ces deux facteurs, à la fois le vieillissement de la population et le changement fondamental dans la gravité économique qui se produit maintenant au niveau international.
Par conséquent, je suis venu parler de l'allure que prendrait un programme d'amélioration de la productivité nationale au sein de ce budget et dans l'ensemble du pays. Il me semble qu'il y a essentiellement trois éléments.
Tout d'abord, et c'est ce dont on parle le plus souvent, il faut s'occuper des facteurs économiques fondamentaux, des véritables variables fondamentales : les compétences, les niveaux d'investissement et l'innovation. Ces variables peuvent toutes stimuler la tenue de la productivité de chacune des firmes et de l'économie en général. Nous avons manifestement effectué des recherches exhaustives dans tous ces domaines, notre site Web en est rempli, et nous pourrons en parler plus en détail.
Ensuite, et c'est quelque chose qui est souvent oublié, vient l'engagement à améliorer le commerce et l'investissement international. Plus de libre-échange, plus d'ouverture aux investissements pourrait stimuler la productivité en permettant à nos entreprises de faire face à plus de concurrence internationale, mais aussi en créant de nouvelles occasions d'affaires pour nous dans les marchés étrangers. Le Canada a, dans une grande mesure, oublié le programme commercial des cinq dernières années. Nous venons d'avoir près de cinq ans d'une croissance économique nulle ou légèrement positive et nous devons composer de nouveau avec l'appréciation du dollar à l'heure actuelle. Cela touche le secteur manufacturier très sévèrement, ainsi que l'ensemble de notre économie. Par conséquent, cette appréciation est aussi un élément important de la stratégie.
Troisièmement, je pense que le contexte opérationnel national est également essentiel pour le programme touchant la productivité, le fait que nous ayons des milliers de règlements, des incohérences entre les provinces, et parfois différentes instances de réglementation. Tout cela freine le rendement national de la productivité.
Le budget fédéral peut trouver des solutions à certaines de ces choses, mais pas à toutes. Rapidement, voici quelques-uns des problèmes que le budget ne peut pas régler. Il ne peut pas réduire les obstacles qui nuisent à la concurrence au sein de notre propre économie, mais il peut certainement créer une tribune permettant de les examiner. Ce n'est pas l'outil permettant d'ouvrir notre économie au commerce et à l'investissement à l'échelle internationale. Le budget à lui seul ne va pas rendre notre économie plus attrayante aux investisseurs étrangers et, à ce propos, notre place dans le monde a beaucoup régressé à ce niveau-là, passant d'à peu près 8 p. 100 de l'IDE international à à peu près 3 p. 100 aujourd'hui. Le budget ne peut probablement pas contribuer à sensibiliser les Canadiens à l'importance d'investir à l'étranger comme façon de pénétrer de nouveaux marchés, un sujet sur lequel j'ai beaucoup écrit, et qui sera dans notre nouveau rapport sur le rendement et le potentiel. Le budget ne peut pas non plus trouver une solution à l'ensemble de biens et de services que nous produisons. Mais je pense que le budget peut influer sur ces trois variables fondamentales. Nous pouvons les prendre de face. Et j'ai quelques idées là-dessus.
Tout d'abord, un investissement dans les compétences est nécessaire dans tous les domaines. Investir dans des chaires universitaires et dans des transferts aux provinces ne suffit pas. Ce sont des conditions nécessaires. Mais je suis d'accord avec Peter, nous devons penser aux 15 p. 100 de Canadiens qui n'ont pas terminé l'école secondaire, aux 40 p. 100 qui n'ont pas les capacités de lecture et d'écriture voulues pour fonctionner réellement dans un marché moderne. Ainsi, si nous investissons dans les compétences, il faut le faire dans tous les secteurs de la main-d'oeuvre. Il nous faut en faire un engagement national permanent : le développement des compétences, le recyclage, remettre à niveau ceux qui ont besoin de compétences supérieures, mais également investir au niveau le plus élevé, de sorte que nous puissions faire une recherche originale et de la recherche appliquée autour de la commercialisation, que nous puissions prendre de bonnes idées à l'université et en faire des produits commerciaux.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'investissement en capital, je pense qu'il existe une solution facile. C'est de se débarrasser de certains des obstacles à l'investissement qui existent à l'heure actuelle, comme l'impôt sur le capital qu'avait le gouvernement fédéral et qu'ont toujours les gouvernements provinciaux, comme pour ce que l'on a fait aux impôts sur le revenu des sociétés, mais de façon beaucoup plus directe, et non comme un allègement fiscal de masse et penser réellement à une réforme fiscale afin d'obtenir le juste équilibre entre l'investissement et les impôts dans les autres domaines de notre économie.
Troisièmement, en ce qui concerne l'innovation, nous avons fait énormément de travail récemment. Nous avons créé une table ronde des chefs de file sur la commercialisation au sein du Conference Board. Ils ont publié un rapport en avril de cette année, où ils ont déterminé un certain nombre de ce qu'ils ont appelé des solutions rapides, afin de stimuler la productivité et l'innovation. J'en mentionnerai trois maintenant.
¹ (1555)
Le premier est un crédit d'impôt pour les anges financiers qui investissent dans de petites entreprises. Cela remplirait ce créneau au sein de l'éventail de financement des petites entreprises, qui essayent d'innover. Le second serait de mettre sur pied un programme pilote pour utiliser à meilleur escient les crédits d'impôt pour la recherche et le développement. Tout cela est décrit dans notre rapport, mais une fois encore, c'est une façon plus ciblée d'utiliser l'espace fiscal que nous avons, afin d'essayer de stimuler l'innovation. Troisièmement, nous avons besoin de trouver un moyen d'utiliser de façon encore plus efficace le capital de démarrage qui est géré par la BDC et d'autres parties du gouvernement, de nouveau afin d'essayer de mobiliser le capital privé et les capitaux provenant du secteur public pour véritablement stimuler l'innovation au Canada.
Comme dernière idée, monsieur le président, je parlerai des villes. Le Conference Board a fait beaucoup de travail sur les villes. Nous sommes tout à fait conscients au niveau national de l'écart en termes d'infrastructure qui existe entre les différentes villes et en fait, je pense que nous avons besoin d'aller au-delà du seul transfert de points d'impôt pour les villes ou de 0,02 $ sur chaque litre d'essence et que nous avons besoin de penser à une manière plus structurelle de trouver une solution à la capacité fiscale de nos villes, parce qu'au bout du compte ce sont elles qui devront composer avec les problèmes d'infrastructure auxquels nous faisons face. Les villes sont une source d'innovation. Il ressort clairement de la documentation économique actuelle que les villes novatrices, les villes qui attirent les travailleurs du savoir, seront les pierres angulaires de l'innovation dans notre économie.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Merci.
º (1600)
Le président: Merci.
Le Centre canadien de politiques alternatives, Mme Russell.
Mme Ellen Russell (économiste, Centre canadien de politiques alternatives): Merci.
Bonjour. Je suis vraiment ravie d'avoir la possibilité de parler avec votre comité et j'aime beaucoup interagir avec chaque député de ce comité, ainsi, la critique que je vais faire ne sera pas faite à la légère. J'ai été réellement choquée de voir les questions que vous avez posées pour cette consultation prébudgétaire cette année.
Pourquoi? Tout d'abord, ces questions ne touchaient que la productivité. Pour moi, ces consultations étaient un exercice de participation démocratique. Mais la nature démocratique de cette consultation est compromise, si nous sommes invités pour parler sur un sujet seulement. La productivité, après tout, n'est pas le seul problème économique auquel ont à faire face les Canadiens et il ne devrait pas être le problème économique unique dont on parle dans le prochain budget.
En deuxième lieu, j'ai été troublée par ce que ces questions suggèrent sur le centre de préoccupation du gouvernement. Je croyais que les objectifs économiques de notre gouvernement tournaient autour de l'idée de promouvoir le bien-être de tous les Canadiens. Mais les questions que vous avez posées semblent indiquer que l'augmentation de la productivité équivaut ou est égale à la promotion du bien-être de tous les Canadiens. En réalité, il n'y a pas de garantie absolue que la croissance de la productivité se traduit nécessairement par des avantages pour tous. Selon la façon dont cela est fait, une augmentation de la productivité peut amener des avantages qui se répercutent sur tous ou elle peut simplement concentrer ces avantages dans des mains de moins en moins nombreuses.
Ce dont je parle, dans la langue des économistes, s'appelle la distribution. Les questions que vous nous posez ne demandent pas qui tirera profit d'une meilleure productivité. Toute discussion autour de la productivité qui ne pose pas la question de savoir comment les gains de cette productivité vont être partagés relève au mieux, à mon avis, de la pensée magique. Elle suppose que tout ce que nous ayons à faire est de stimuler la croissance de la productivité et tout d'un coup, tout le monde s'en trouvera mieux.
Le président: Veuillez m'excuser, madame Russell, je souhaiterais vous aider un petit peu. C'est le comité qui a choisi le thème de la productivité et non le gouvernement. Le gouvernement peut faire ce qu'il désire en ce qui concerne le budget. Nous allons essayer d'aider le gouvernement à décider des éléments qui se retrouveront dans le budget. Le comité a décidé que le thème serait la productivité. C'est à vous de décider si vous voulez en parler ou non, puis les députés décideront ce qu'ils veulent faire de votre exposé.
Ainsi, c'était à nous de décider si nous voulions aller dans la direction de la productivité. Je ne vais pas vous empêcher de parler, mais c'était la base de discussion. Si vous voulez parler de ce sujet en particulier, très bien. Si vous ne voulez pas, vous êtes toujours la bienvenue, mais nous vous demandons de parler de la productivité, parce que nous voulons nous concentrer sur cet aspect précis.
C'était juste pour vous aider un peu avec votre exposé. Vous pouvez continuer, mais c'est juste que...
Mme Ellen Russell: Je vais poursuivre.
Pour revenir à ce que je disais au sujet de l'impossibilité d'établir un lien inattaquable entre la productivité et la dette que tous partagent, entre 1990 et 2000, la croissance de la productivité s'est élevée à 14 p. 100 s'il faut en croire le Canadian Centre for the Study of Living Standards. Or, cette augmentation de la productivité ne s'est pas traduite par une augmentation du niveau de vie des Canadiens à faible revenu. Un rapport de Statistique Canada révèle que seuls les Canadiens les plus nantis ont vu leur niveau de vie augmenter au cours de cette décennie. Le revenu réel des familles faisant partie du groupe des 20 p. 100 des familles les plus riches a augmenté de 20 p. 100. Le revenu réel des familles appartenant aux 20 p. 100 des familles les moins riches est demeuré le même. On ne peut donc pas présumer que toutes les familles bénéficient d'une croissance de la productivité.
Le CCPA réclame des mesures menant à une productivité progressive. Il s'agit de faire en sorte que les avantages d'une augmentation de la productivité soient également répartis de sorte que les groupes marginalisés comme les peuples autochtones et d'autres membres de notre société qui n'ont pas profité des avantages de l'augmentation de la productivité au cours de la dernière décennie profitent désormais des avantages découlant de toute augmentation future de la productivité. Ces questions ne sont évidemment jamais abordées si le débat sur la productivité ne traite pas de la question de la distribution de ces avantages.
Le débat sur la productivité tel qu'il se présente actuellement... Les facteurs qui favorisent la productivité sont très complexes. Les questions controversées abondent de sorte que même les spécialistes du domaine débattront la question de savoir quel ensemble de facteurs favoriseront le mieux la croissance de la productivité tant à l'échelle nationale que régionale.
Pour comprendre la question de la croissance de la productivité, il faut tenir compte de tout un ensemble de facteurs : les conditions visant la compétitivité sur les marchés national et international; les conditions visant la demande à l'échelle nationale et internationale; les conditions visant la main-d'oeuvre, y compris le capital humain dont nous avons parlé; les conditions visant le capital physique et évidemment le climat dans lequel sont élaborées les politiques dans de nombreuses administrations. La liste de facteurs que je dresse n'est pas complète.
Il est très difficile de stimuler la productivité. Il faut donc faire une mise en garde à l'égard des solutions magiques qui sont proposées. À l'heure actuelle, les réductions d'impôt sont présentées comme une solution magique permettant de régler tous les problèmes de productivité. Si vous croyez au pouvoir magique des réductions d'impôt, il vous faudra expliquer une anomalie en ce qui touche les impôts des entreprises. Depuis 2000, le gouvernement fédéral a proposé de nombreuses réductions d'impôt. KPMG conclut que les taux d'impôt des entreprises étaient inférieurs de plus de cinq points de pourcentage par rapport au taux d'imposition des entreprises aux États-Unis en 2004. Vous verrez cependant dans les graphiques établis par Jim Stanford qui figurent dans mon mémoire que la diminution des taux d'impôt réels des entreprises a coïncidé avec une diminution des investissements dans les entreprises en tant que pourcentage du PIB.
Et ce n'est pas tout. Pendant cette période, les entreprises ont fait des profits élevés. Malgré des réductions dans le taux d'impôt des entreprises et malgré une période de profits très élevés, les entreprises n'ont pas investi autant qu'on l'aurait souhaité malgré qu'elles aient eu les moyens de le faire. Les entreprises ne consentent pas le type d'investissements propices à la croissance de la productivité. Pourquoi voudrions-nous donc réduire encore davantage les impôts des entreprises puisque cela ne donne pas les résultats escomptés?
Que devrions-nous faire? Comme je l'ai dit, il s'agit d'une question complexe et il n'y a pas de solution magique. J'ai aussi dit que je n'étais pas favorable à une augmentation de la productivité qui ne s'accompagnerait pas d'une répartition plus large des avantages qui en découlent. Le CCPA a proposé plusieurs mesures dans son mémoire pour stimuler la croissance de la productivité et favoriser une distribution raisonnable des produits de cette croissance.
Je vous conseille d'abord de prêter attention aux conditions macroéconomiques. Nous devons prendre des mesures visant à faire baisser le taux de chômage, qui favorisent les économies d'échelle et l'apprentissage sur le tas. Cela suppose notamment une politique monétaire d'accommodation.
L'objectif visé est de favoriser un cercle vertueux, c'est-à-dire une situation où un taux de chômage élevé mène à une demande globale élevée, ce qui stimulera les ventes et ce qui poussera les entreprises à augmenter leurs investissements. On peut consentir toutes les réductions d'impôt aux entreprises qu'on voudra, les entreprises n'investiront pas davantage si elles n'ont pas de clients prêts à acheter leurs produits.
L'avantage de cette approche, c'est qu'elle est conforme à une meilleure distribution des revenus et à une augmentation des salaires réels. Nous traitons de divers aspects de la question dans notre mémoire.
º (1605)
Ensuite, comme Peter et les autres le diront certainement, nous avons besoin de nous pencher sur le capital humain. Cela signifie investir davantage dans les gens, l'éducation postsecondaire et les différentes formes de formation, jusqu'à l'éducation de la petite enfance et la garde des enfants. Nous devons investir dans un capital physique afin d'avoir les infrastructures nécessaires pour soutenir la croissance de la productivité.
En ce qui concerne les incitatifs aux entreprises, nous sommes contre des allègements fiscaux non ciblés, car c'est un gaspillage immense de nos ressources et ne garantit pas que ces allègements atteindront les buts escomptés. Pire encore, les allégements fiscaux non ciblés sont très coûteux. Nous devons en accorder à toutes les entreprises, que cela fasse une différence ou non dans leur décision d'investissement. Chaque dollar qui passe en allègement fiscal est un dollar qui n'est pas dépensé pour les nombreux investissements que pourrait faire le gouvernement, de la construction de routes au financement de la formation, qui, nous le savons, touchent la productivité.
J'ai bien peur que les différents facteurs sur lesquels nous devons nous pencher soigneusement, si nous voulons réellement améliorer la productivité de manière progressive et nous soucier de la redistribution, soient oubliés, si le gouvernement est persuadé que les allégements fiscaux sont la solution magique, et nous aurons de plus utilisé à mauvais escient les circonstances actuelles qui permettent d'investir dans un programme d'amélioration de la productivité qui aide réellement les Canadiens.
Merci.
º (1610)
Le président: Merci.
De l'Institut Fraser, M. Veldhuis.
M. Niels Veldhuis (analyste principal, L'Institut Fraser): J'aimerais d'abord vous remercier de me permettre de présenter un exposé aujourd'hui devant les membres de votre comité. Je témoigne à titre de représentant de l'Institut Fraser, mais les opinions exprimées sont les miennes propres.
Je tiens également à vous féliciter de la tenue de cette discussion spéciale sur la productivité. Nous savons tous que la productivité est l'un des principaux déterminants des niveaux de vie. Si nous voulons améliorer notre productivité, il va de soi que nous devons régler nos problèmes de productivité.
Je pense que la plupart des économistes seraient d'accord avec moi pour dire que la croissance de la productivité, c'est-à-dire la croissance de l'efficacité avec laquelle notre économie transforme ses intrants en extrants, est l'un des facteurs les plus importants pour accroître les niveaux de vie. Une économie plus productive peut produire davantage de biens et services avec une quantité donnée de ressources. Les travailleurs qui produisent plus par heure peuvent exiger des salaires plus élevés. Les entreprises canadiennes qui accroissent leur productivité sont plus rentables et plus concurrentielles. Une main-d'oeuvre plus productive et une industrie plus concurrentielle créent un environnement propice aux nouveaux investissements d'affaires. Lorsque des entreprises investissent dans la machinerie, l'équipement et la technologie, la productivité des travailleurs augmente encore plus. Il s'agit d'un cercle vertueux.
Enfin, permettez-moi de souligner aussi que la croissance de la productivité augmente la taille de notre économie. Ceux qui pourraient s'inquiéter de trouver les ressources nécessaires pour certaines des mesures mentionnées ici aujourd'hui devraient songer en premier lieu à la croissance de la productivité. Les économies très productives sont capables de générer davantage de recettes à un taux d'imposition plus faible que des économies non productives à des taux d'imposition très élevés.
L'indice de productivité le plus souvent utilisé et le mieux compris est la productivité de la main-d'oeuvre. Celle-ci se calcule en additionnant tous les produits et services, ou la valeur de ces produits et services, que produit une économie et en divisant cette somme par le nombre d'heures totales de travail des travailleurs salariés et des travailleurs autonomes. Lorsque l'on compare la productivité de la main-d'oeuvre canadienne à celle des États-Unis, on constate qu'au cours des 20 dernières années, celle-ci a diminué, passant de 90 p. 100 en 1985 à 82 p. 100 de la productivité américaine en 2004. Cependant, notre rendement au cours des quatre dernières années est encore plus préoccupant. Au cours de cette période, nous sommes passés de 88 p. 100 à 82 p. 100 de la productivité américaine. Nous avons perdu 6 p. 100 comparativement aux États-Unis.
Élargissons notre perspective et comparons le Canada à d'autres pays. De 1995 à 2004, le Canada s'est placé au 18e rang parmi 24 pays industrialisés. La croissance de notre productivité s'est élevée à 1,6 p. 100 par année en moyenne au cours de ces 10 ans. L'Irlande, au premier rang, a enregistré une croissance moyenne de 5,1 p. 100. À ce rythme, les employeurs et les travailleurs irlandais peuvent doubler leur productivité en 14 ans. Il en faudra 45 au Canada pour atteindre le même résultat.
Comme je l'ai déjà mentionné, la croissance de la productivité entraîne une amélioration des niveaux de vie. Qu'arrive-t-il aux niveaux de vie au Canada? D'après la mesure la plus souvent utilisée—le PIB par habitant—nous sommes passés de 88 p. 100 du niveau de vie américain en 1995 à 84 p. 100 en 2000. Lorsqu'on utilise une définition plus étroite du revenu, soit le revenu personnel disponible, le résultat est encore plus troublant. En 1985, notre revenu personnel disponible représentait 80 p. 100 de celui des États-Unis. Aujourd'hui il n'est plus qu'à 67 p. 100.
Tous ces chiffres et ces graphiques se trouvent dans mon mémoire, auquel vous aurez accès.
L'un des déterminants clés de la productivité du travail est le montant des capitaux disponibles par travailleur. Plus le taux d'augmentation des investissements commerciaux est élevé, plus les travailleurs sont productifs. L'un des facteurs les plus importants pour attirer des investissements commerciaux reste le niveau et la structure d'imposition. Les pays où les niveaux d'impôt sur les investissements commerciaux sont élevés réduisent le taux de rendement après imposition et incitent moins les entreprises à investir. L'impôt des entreprises réduit la somme d'argent que des entreprises peuvent réinvestir dans les nouveaux appareils et équipements et les nouvelles technologies qui font augmenter la productivité des travailleurs. La recherche économique, tout comme le ministère des Finances du Canada, a toujours montré que le fardeau fiscal des entreprises représente des coûts beaucoup plus élevés que les taxes sur la vente, que les charges sociales et que les impôts des particuliers. Permettez-moi de vous donner un exemple.
Il en coûte pour l'économie 1,55 $ en extrants perdus pour lever un dollar supplémentaire d'impôt sur le revenu des sociétés tandis qu'il n'en coûte à l'économie que 0,17 $ pour lever un dollar supplémentaire de taxes de vente. Malheureusement, le Canada recourt fortement aux types d'imposition les plus coûteux, contrairement à d'autres pays, comme le démontre une analyse des pays industrialisés.
º (1615)
Plus précisément, les gouvernements canadiens perçoivent 46,2 p. 100 du revenu total à partir des impôts sur le revenu et les profits, qui sont les types d'impôt qui causent le plus de dommages. Par conséquent, nous avons l'un des taux marginaux d'imposition les plus élevés au monde sur les dépenses en capital. Il n'est tout simplement pas suffisant d'examiner l'impôt des sociétés. Il faut inclure tous les types d'impôt des sociétés, notamment l'impôt sur le capital, l'impôt sur le revenu, les taux d'amortissement, et les taxes de vente sur les intrants d'entreprise. Si on additionne toutes ces taxes, on obtient le taux réel. Notre taux réel est de 39 p. 100. Seule la Chine a un taux d'imposition réel plus élevé que le Canada.
Si les gouvernements veulent améliorer le niveau de vie, il faut faire quelque chose au sujet de l'absence de gains de productivité. Cela est possible en réduisant le fardeau fiscal sur les dépenses d'investissement et en imposant la consommation plutôt que le capital. C'est quelque chose que notre organisation demande, et que le Conference Board évidemment demande également, et c'est quelque chose que demande également l'organisation de M. Russell.
J'ai quelques recommandations à faire sur la façon dont nous pouvons réduire le taux d'imposition réel sur le capital.
Tout d'abord, il faut éliminer immédiatement l'impôt sur le capital social. C'est l'un des impôts les plus dommageables. Si l'on veut créer un impôt qui a un impact négatif important sur l'investissement, alors il serait bien de commencer par l'impôt sur le capital social.
Nous devrions par ailleurs réduire les taux d'imposition sur le revenu des sociétés et augmenter le seuil d'imposition des petites entreprises. Les taux d'imposition des sociétés doivent être réduits pour stimuler les dépenses d'investissement. Par ailleurs, il y a des conséquences négatives pour la croissance des entreprises. Nous avons un traitement fiscal préférentiel pour les petites entreprises qui limitent leur croissance. Cette pénalité crée une désincitation, et il faut faire quelque chose pour y remédier. Notre recommandation est de faire passer à 12 p. 100 l'impôt fédéral sur le capital des sociétés.
Ensuite, nous devrions éliminer immédiatement la surtaxe sur le revenu des sociétés, qui se situe actuellement à 4 p. 100.
Nous devrions ajuster les déductions pour amortissement afin de mieux refléter le coût réel du remplacement des actifs.
Nous devrions encourager les provinces à harmoniser la taxe de vente avec la TPS, évitant ainsi une taxe de vente sur les intrants d'entreprises.
Nous devrions réduire l'impôt sur le revenu des particuliers pour ceux qui ont un revenu moyen et supérieur, et augmenter le seuil d'imposition. La réduction de ces taux d'imposition permettra d'accroître la productivité du Canada, nous aidera à garder les travailleurs qualifiés et encouragera davantage l'activité, les économies et l'investissement des entreprises.
Je remercie le comité de m'avoir permis de vous présenter cet exposé, et je suis impatient de répondre à vos questions.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Taillon, du Conseil du patronat du Québec.
M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de me permettre de faire connaître le point de vue du Conseil du patronat sur la productivité. Cela constitue la pierre angulaire de notre travail des dernières années. Lors du dépôt au Comité permanent des finances de notre mémoire sur les choix budgétaires, vous constaterez que cela constitue l'ensemble de notre présentation.
Le Conseil du Patronat du Québec est une association à but non lucratif qui regroupe la plupart des associations sectorielles patronales présentes au Québec. Il représente ainsi les employeurs de la vaste majorité de la main-d'oeuvre québécoise, soit plus de 70 p. 100.
Voici, de notre point de vue, un bref état de situation concernant la productivité au Canada aujourd'hui. La performance canadienne en matière de productivité s'est détériorée au cours des cinq dernières années comparativement à notre principal partenaire commercial, les États-Unis.
Entre 2000 et 2004, les gains de productivité dans le secteur des affaires ont affiché une moyenne annuelle de 0,92 p. 100, ce qui contraste avec nos voisins américains qui ont connu des gains de productivité de 3,74 p. 100 pendant la même période.
Selon les experts du Centre canadien de recherche sur les niveaux de vie, toutes les provinces, à l'exception du Manitoba et de la Saskatchewan, auraient expérimenté une baisse dans la croissance de la productivité au cours des dernières années. La productivité par heure étant un important déterminant du niveau de vie des Canadiens, la situation est fort préoccupante, d'autant que ce qui a constitué pendant de nombreuses années un avantage devient aujourd'hui un facteur de risque additionnel, à savoir l'allure de notre courbe démographique qui laisse entrevoir une baisse de la population en âge de travailler autour de 2012, une situation qui est encore plus pénible au Québec que dans le reste du Canada.
En raison de cette situation, nous croyons au CPQ qu'il y a urgence pour les entreprises de bonifier leur performance au chapitre de la productivité. Pour les gouvernements, il est impératif de créer un environnement et les conditions nécessaires pour aider les entreprises à y arriver. Car même si la progression future de la productivité au Canada dépend essentiellement du secteur privé, les gouvernements peuvent faciliter les investissements nécessaires à la croissance en stimulant un climat économique axé sur la compétitivité.
Voici les actions que nous suggérons de prendre pour créer cet environnement souhaité. Il y a deux types d'actions. D'abord, investir dans le capital physique. Ensuite, nous parlerons de l'investissement dans le capital humain.
Investir dans le capital physique, cela veut dire que l'investissement en machinerie et en équipement ainsi que celui dans les technologies de l'information et des communications sont susceptibles d'améliorer grandement la productivité dans les entreprises. L'investissement des entreprises déjà établies au Canada, comme celui des entreprises étrangères, est motivé par le rendement. La fiscalité des entreprises joue un rôle significatif dans la rentabilité des investissements. Un fardeau fiscal plus élevé qu'ailleurs fait fuir l'investissement étranger et incite les entreprises canadiennes à investir ailleurs. D'autre part, la structure de la fiscalité joue aussi un rôle incitatif ou non, selon le contexte.
Nos propositions du côté de l'investissement dans le capital physique sont: abolir dès maintenant la taxe sur le capital; réduire l'impôt sur les profits des corporations pour que le taux atteigne 17 p. 100, et non 19 p. 100, en 2008; harmoniser la politique de protection de brevets avec ce qui se fait de mieux dans les pays les plus performants à ce chapitre, soit le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Union Européenne; renforcer les mesures fiscales d'amortissement accéléré, donc des mesures fiscales ciblées, pour les nouveaux investissements, particulièrement les investissements au niveau des technologies de l'information et des communications.
Il est important, outre le niveau de taxation, d'interroger et de remettre en question la structure de notre régime fiscal. Niels a fait état tout à l'heure de la lourdeur du taux effectif de taxation. Nous nous plaçons juste devant la Chine, qui est au dernier rang. Des pays qui ont une bonne performance, notamment la Suède, ont choisi d' imposer davantage leurs citoyens, mais avec une structure fiscale très différente de celles du Canada et des États-Unis, notamment un système fiscal qui avantage les entreprises et favorise l'investissement. Le niveau de productivité en Suède surpasse désormais celui du Canada.
Il est important, parallèlement à ces baisses d'impôt ou révisions de la structure fiscale, de revoir la réglementation pour éliminer les chevauchements, simplifier les processus et faire appel aux technologies pour rendre le système plus accessible aux entreprises et aux citoyens.
º (1620)
Nous réclamons donc une réglementation intelligente. Je sais qu'il y a actuellement, au Conseil privé, un comité ayant des consultations sur ce point. Il nous paraît être d'une importance capitale de simplifier la réglementation et de l'harmoniser.
Comme dernière proposition du côté du capital physique, nous pensons également qu'il est important de poursuivre les stratégies d'investissement dans le renouvellement et la modernisation des infrastructures du pays. Bien sûr, nous pensons aux infrastructures routières, mais également aux infrastructures de télécommunications.
Un autre secteur d'action nécessaire est celui du capital humain. Nous sommes d'avis au CPQ que l’éducation, la formation et le développement des compétences constituent des conditions essentielles à l’implantation des nouvelles technologies, à l’innovation et à l’amélioration de la productivité.
En matière de formation, nous savons très bien, et particulièrement au Québec, que l'intervention du gouvernement fédéral crée souvent des problèmes de juridiction. Dans le respect des pouvoirs des provinces, nous pensons que le gouvernement fédéral peut soutenir de manière efficace le développement des compétences de la main-d'oeuvre, s'il s'attache à deux priorités principales. La première sera d'investir dans la reconnaissance des compétences. Il y a là une grave lacune: on parle de reconnaissance des compétences, de la reconnaissance des acquits depuis plusieurs années, et rien n'est fait. Le gouvernement fédéral pourrait s'investir dans ce domaine, ce qui permettrait de favoriser la mobilité interprovinciale des ressources humaines et l'intégration des nouveaux arrivants.
Les comités sectoriels du travail, qui sont composés de représentants syndicaux et patronaux, pourraient être de précieux partenaires dans cet effort, et le gouvernement fédéral pourrait aussi donner le mandat au nouvel organisme créé pour faire la promotion de l’apprentissage de veiller à coordonner et harmoniser le travail de ces comités sur la certification des compétences.
La deuxième mesure, du côté des compétences, serait d'amender la Loi sur l’assurance-emploi, compte tenu qu'il y a des surplus, de manière à favoriser la reconnaissance des compétences et le droit à la formation pour les cotisants du régime, et non seulement pour ceux qui sont victimes de chômage, comme cela existe dans plusieurs pays. Donc, l'assurance-emploi ne serait pas que pour les sans-emploi, mais également pour ceux qui ont un emploi et qui ont besoin de rattrapage et de recyclage.
En conclusion, nous pensons que si le Comité permanent des finances recommande plusieurs de ces mesures, la productivité canadienne pourrait retrouver le chemin de la santé.
º (1625)
Le président: Merci, monsieur Taillon.
C'est intéressant. On voit, après toutes ces présentations, qu'il y a un consensus. Je crois donc qu'il n'y aura pas beaucoup de questions.
[Traduction]
Monsieur Penson, vous êtes prêt.
Nous allons faire un premier tour de table—de sept minutes, pour ceux qui ne peuvent s'en souvenir. M. Penson, suivi de M. Loubier.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, mesdames et messieurs, d'être venus lancer nos consultations prébudgétaires de cette année avec un sujet très important, je pense.
Une chose pour laquelle nous semblons être très productifs consiste à rédiger des rapports sur la nécessité des gains de productivité au Canada. Je me rappelle avoir fait partie de trois comités de l'industrie différents qui ont produit le même rapport, année après année, demandant des gains accrus de productivité. Deux comités des finances ont dit la même chose, et je suis sûr que d'autres l'ont dit également.
Je voudrais demander à M. Hodgson, à M. Veldhuis et à M. Taillon, qui semblent tous faire valoir cet argument, pourquoi il faut accroître les gains de productivité au Canada pour réduire l'écart que nous avons avec nos principaux partenaires commerciaux. Je voudrais savoir pourquoi il est urgent de faire de tels gains de productivité si nous voulons éliminer cet écart. Plus précisément, j'aimerais que vous nous disiez qu'il ne s'agit pas là d'un processus théorique, mais que les gains de productivité doivent être en rapport avec quelque chose de très concret pour les Canadiens.
Je vous ai entendu dire que cela permettrait d'améliorer notre niveau de vie, mais monsieur Veldhuis, d'aucuns semblent douter que les économistes s'entendent ou que les Canadiens s'entendent pour dire que les gains de productivité se traduisent réellement par un meilleur niveau de vie. Vous dites que la plupart des économistes acceptent cette théorie, mais est-ce vrai? Est-ce un phénomène mondial et non pas seulement quelque chose qui nous concerne ici à Ottawa?
Le président: Avant que vous ne répondiez, je voudrais prendre trois secondes pour dire quelque chose aux témoins.
Les députés n'ont que sept minutes pour les questions et les réponses, alors je vous demanderais de donner des réponses brèves.
Je vais demander aux députés de poser des questions à plus d'un témoin. Les députés peuvent décider à qui ils veulent poser des questions, mais il faut le faire en s'adressant au président—ou au député, peu importe. Même s'il y a une certaine interaction, je le tolérerai, mais je veux que l'on respecte le temps qui est alloué à chaque membre du comité.
M. Charlie Penson: Monsieur Veldhuis, la définition est généralement acceptée, et il s'agit ici de savoir si c'est une question urgente.
M. Niels Veldhuis: Permettez-moi de modifier ce que j'ai dit. Plutôt que de parler de la plupart des économistes, je dirais que tout économiste qui se respecte serait d'accord avec moi pour dire que la productivité est essentielle.
Il y a certainement plus d'une façon d'améliorer le niveau de vie. On peut accroître le ratio démographique—le pourcentage de la population qui travaille—ou on peut travailler beaucoup plus longtemps, et je ne pense pas que ce soit là quelque chose que de nombreux Canadiens voudraient faire. Étant donné que le nombre d'heures que nous travaillons déjà et que notre taux d'emploi sont sans doute au maximum à l'heure actuelle, parce que la démographie change, l'une des seules façons pour nous d'améliorer notre niveau de vie est la productivité.
Pour ce qui est du sentiment d'urgence, je dirais que cela est très urgent. Notre productivité a diminué par rapport à celle des États-Unis et d'autres pays, notre niveau de vie diminue par rapport aux États-Unis et à d'autres pays, et nous perdons des revenus que nous pourrions gagner si nous avions un gain de productivité. Cela est donc absolument urgent.
M. Charlie Penson: Monsieur Hodgson, voulez-vous tenter de répondre à la question?
M. Glen Hodgson: Monsieur Penson, je dirais que l'urgence est attribuable à un certain nombre de choses. Tout d'abord, les études que nous avons faites démontrent que c'est la mort à petit feu. Nous avons un certain nombre d'études qui révèlent que les obstacles à la concurrence, tant externes qu'internes, à nos frontières externes mais aussi à l'intérieur du pays, réduisent considérablement notre potentiel. Le fait que le dollar se situe à 0,84 ou 0,85 $ nuit clairement au secteur des exportations à l'heure actuelle. Ils doivent donc désespérément devenir plus productifs s'ils veulent tout simplement rester sur le marché, maintenir la part du marché aux États-Unis et pouvoir faire concurrence à d'autres marchés.
D'un point de vue purement fiscal, l'urgence n'est pas si grande, franchement, car nous avons terminé maintenant le cycle vertueux et les gouvernements fédéral et provinciaux ont équilibré leurs budgets ou ont un budget légèrement excédentaire. Cependant, avec le vieillissement de la population et les pressions évidentes que subiront le système de soins de santé et d'autres services sociaux, nous nous retrouverons sans doute dans une position déficitaire au cours des cinq prochaines années. Certainement avec le temps, le trou deviendra de plus en plus profond. Donc lorsqu'on a un trou, il faut arrêter de creuser et commencer à le remplir. Il faut donc s'attaquer au problème dès maintenant.
Je dirais que c'est la mort à petit feu. Ce sont par exemple des choses comme le fait de ne pas avoir un organisme de réglementation national pour les titres, qui nuit à notre capacité de trouver du capital à l'heure actuelle. Donc, n'attendez pas en 2011 pour régler ce problème; réglez-le maintenant.
º (1630)
M. Charlie Penson: Monsieur Taillon.
[Français]
M. Gilles Taillon: Je ne suis pas économiste, donc, mes collègues ne me posent pas de problèmes. Il me semble extrêmement important de comprendre que le rattrapage est nécessaire si nous voulons maintenir notre niveau de vie. Je pense que la productivité est un élément majeur dans l'équation du niveau de vie, avec l'emploi, bien sûr, et la population active. Il est donc extrêmement important de faire cela, et je pense que si nous voulons mieux redistribuer la richesse, il faut d'abord la créer. La productivité est essentielle à cet effet.
[Traduction]
Le président: Madame Russell, rapidement.
Mme Ellen Russell: Mettez tous les économistes... eh bien, tous les économistes moins un, car je ne fais pas partie de ce consensus.
Pour un économiste, traditionnellement le niveau de vie se définit comme le PIB par habitant, de sorte que si on accroît la productivité et si l'on produit une croissance économique, mathématiquement, le niveau de vie s'améliore. Mais si on demande à tous les Canadiens ce que signifie pour eux le niveau de vie, ils pensent à d'autres choses, comme la qualité de vie et d'autres sortes de mesures, plutôt qu'à ce chiffre.
M. Charlie Penson: Madame Russell, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les termes et les titres peuvent être trompeurs. Je dirais même que la productivité, lorsque nous en parlons... Lorsque nous disons que les Canadiens ne sont pas aussi productifs que les Américains, automatiquement les gens répondent en disant qu'ils travaillent plus fort que jamais. Il y a donc beaucoup de malentendus. J'aimerais que nous puissions trouver un meilleur terme pour décrire le problème qui existe.
D'après les études les plus récentes que nous avons faites, une famille canadienne de quatre gagnait environ 24 000 $ canadiens de moins par année qu'une famille moyenne de quatre aux États-Unis. Cela signifie qu'il serait possible de faire 2 000 $ de plus par mois sur son hypothèque si nous avions le même genre de productivité. Or, nous ne pourrons peut-être jamais revenir à la productivité que nous avons déjà eue, mais nous en avons perdu considérablement.
J'aimerais poser ma dernière question à M. Taillon.
Je constate que vous avez vraiment sonné l'alarme. Depuis 2004, le taux de croissance de notre productivité a considérablement diminué par rapport à celui de notre principal partenaire commercial. Est-ce que cela vous inquiète?
[Français]
M. Gilles Taillon: Je pense que ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est que la situation était inverse avant 2000. Nous avions une productivité qui croissait à un niveau supérieur à nos compétiteurs, mais nous avons pris du retard. Il est donc important de mettre en place rapidement des moyens pour corriger cette situation, parce que l'écart de productivité aura des impacts sur un écart de niveau de vie. C'est là une situation qui va se déprécier pour l'ensemble des Canadiens.
Le président: Merci.
Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. Je vous remercie pour vos excellentes présentations. J'aurais trois questions à poser; la première s'adresse à M. Taillon.
La suggestion que vous faites dans votre mémoire n'est pas une demande au gouvernement fédéral de s'ingérer dans des domaines de compétence provinciale. Il ne s'agit pas de se mêler d'éducation, de formation alors qu'on a transféré, depuis déjà quelques années, la partie du budget de la formation qui était dans le fonds de l'assurance-emploi.
Ma première question est la suivante. Pour éliminer toutes sortes d'ambiguïtés en ce qui concerne les ingérences dans les champs de compétence du Québec et des provinces, ne serait-il pas préférable que les comités sectoriels travaillent, par exemple, dans le cadre d'une caisse autonome d'assurance-emploi régionalisée, afin de tenir compte des besoins en formation qui peuvent différer d'une région à l'autre au Canada, des réalités différentes, d'une province à l'autre, en ce qui a trait au marché du travail et aux structures industrielles? Ne serait-il pas préférable d'être un peu plus micro-économique dans notre approche, pour avoir un effet sur la productivité et, par conséquent, sur le niveau de vie?
M. Gilles Taillon: D'entrée de jeu, nous pensons qu'une caisse d'assurance-emploi autonome gérée de façon paritaire est une excellente idée. La façon dont on pourra organiser le travail par la suite dépendrait de cette caisse.
Maintenant, s'il y avait des investissements dans notre deuxième proposition afin qu'il y ait davantage de ressources en matière de formation pour les gens qui ont un emploi au Québec, compte-tenu qu'il y a une décentralisation des ressources, ce serait, à ce moment-là, une gestion québécoise. Toutefois, cela n'empêche pas le reste du Canada de fonctionner avec un système plus centralisé.
º (1635)
M. Yvan Loubier: Absolument. J'ai une deuxième question relativement à ce qu'a mentionné Mme Russell tout à l'heure. Au cours des dernières années, il y a eu des baisses d'impôt continuelles pour les entreprises. Celles-ci ont tardé à répondre positivement aux investissements en capital pour améliorer et rehausser la productivité.
La productivité peut se mesurer en fonction du travail et du capital ou de la jonction entre les deux. Si vous avez du capital humain qui n'est pas outillé en équipement de haute technologie de dernier cri pour affronter les concurrents, la productivité du travail va certainement diminuer, puisque la capitalisation est insuffisante ou pas suffisamment moderne.
Peut-on expliquer cette diminution dans la croissance de la productivité? On a connu une diminution des taux de taxation des entreprises alors qu'elles auraient dû, normalement, avoir le réflexe d'investir davantage dans le capital.
M. Gilles Taillon: Je vais tenter de répondre. Il est assez clair qu'il y a eu une baisse de l'impôt corporatif au Canada. Toutefois, les pays qui sont actuellement les tigres ont pris les devants et ont réduit de façon beaucoup plus radicale l'impôt des corporations. Ce sont donc eux qui ont attiré les investissements.
C'est un peu pour cela que l'on dit que la taxation effective n'est pas que de baisser le niveau de taxation sur les profits; il faut s'attaquer à la taxe sur le capital, etc., et se placer dans une position où l'on devient à l'avant-garde. C'est là qu'on va attirer un maximum d'investissements. L'inverse, c'est qu'on tient le temps et on se situe dans une position où l'on est à l'avant-dernier rang par rapport à l'ensemble des 42 pays les plus industrialisés. Ce n'est pas bon signe. Cela explique pourquoi nous avons des difficultés.
Le président: Monsieur Loubier, M. Veldhuis aimerait ajouter un commentaire.
[Traduction]
M. Niels Veldhuis: Oui, mes observations étaient dans le même ordre d'idée.
Si on regarde les réductions d'impôt sur les sociétés tant au fédéral qu'au provincial dans les années 90 et en 2000, elles étaient très petites. D'autres pays ont réduit les impôts dans une beaucoup plus grande mesure que le Canada et d'autres pays s'apprêtent à le faire. L'Allemagne s'apprête à réduire les impôts sur les sociétés; aux États-Unis, un groupe de travail important examine la réforme fiscale qui pourrait avoir des conséquences sérieuses, d'autres conséquences, pour notre productivité qui est déjà peu élevée.
Le président: Rapidement, monsieur Hodgson.
Allez-y.
M. Glen Hodgson: Monsieur le président, j'aurais une autre chose à ajouter, pour M. Loubier.
Il est très vrai que j'ai manifestement dit qu'il fallait éliminer l'impôt sur le capital et rééquilibrer les impôts sur les sociétés. Mais il est vrai également que lorsque nous faisons des enquêtes auprès des PDG de sociétés étrangères installées ici au Canada qui pourraient investir davantage ici au Canada, ils ne répondent pas automatiquement que ce sont surtout les impôts qui limitent leurs investissements au Canada. Souvent, ils parlent de la qualité de notre main-d'oeuvre et de l'intégration de notre économie, des obstacles qu'ils rencontrent entre les provinces.
C'est l'une des raisons pour lesquelles nous préconisons une approche très équilibrée, pas simplement une approche qui met l'accent sur les réductions d'impôt, mais qui investit également dans le capital humain, dans l'amélioration des compétences des travailleurs au bas de l'échelle et qui tend à trouver de nouvelles formes d'innovation et de progrès dans la technologie, donc en réalité, une approche équilibrée.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Personne n'a mentionné la problématique de la valeur du dollar canadien, dans les exposés concernant la productivité. Il y a quelques années, la valeur du dollar canadien, par rapport à la devise américaine, était inférieure à 70 ¢. Or, elle est de 85 ¢ ou 87 ¢ aujourd'hui. Donc, la volatilité et ce taux de change peuvent avoir une influence sur la productivité. J'aimerais que vous fassiez des commentaires sur ce sujet, s'il vous plaît.
[Traduction]
Le président: Monsieur Veldhuis.
M. Niels Veldhuis: Si on regarde les études qui ont été faites au sujet de l'impact des taux de change sur la productivité...il faut tenir compte du fait qu'il y a des facteurs qui se font contrepoids. Il y a des entreprises d'exportation qui manifestement voient leurs ventes diminuer, et elles ne peuvent pas accroître leur capital comme elles pourraient autrement. Il faut également se rappeler que le Canada importe une bonne partie de sa technologie, et avec un dollar plus fort, nous pouvons importer beaucoup plus de choses, de types de machinerie, qui rendront nos travailleurs plus productifs. D'après les études que j'ai vues tout au moins, les deux semblent se faire contrepoids.
M. Glen Hodgson: Je vais vous donner une tout autre réponse. Industrie Canada et Statistique Canada ont fait certaines études et les sources que je cite sont donc fédérales. Il y a à Statistique Canada un excellent économiste qui s'appelle John Baldwin et qui a examiné la variation de la productivité tout au long du cycle de notre monnaie.
Ses travaux révèlent clairement qu'un dollar fort dope la productivité parce que les entreprises doivent courir d'autant plus vite pour maintenir leur compétitivité et parce que, comme l'a dit mon collègue, elles peuvent importer de la technologie à meilleur prix. Or, ce qui ressort tout aussi clairement, c'est que quand le dollar fléchit, en raison du ralentissement de l'économie, cela freine la croissance de la productivité au Canada.
Les économistes ont un nom péjoratif pour ce phénomène; ils l'appellent l'hypothèse de l'exportateur paresseux puisqu'ils peuvent accroître leurs revenus avec un minimum d'efforts et utilisent les revenus additionnels pour payer les factures, réduire l'endettement, mais pas nécessairement pour accroître leur efficience grâce à l'utilisation de la technologie de pointe.
À maints égards, j'estime qu'un dollar fort est un préalable à la croissance de la productivité au Canada même si la situation actuelle est extrêmement douloureuse pour l'industrie. Nous en prenons pour preuve la stagnation des exportations dans le secteur de la fabrication et la perte de 100 000 emplois dans ce secteur au Canada au cours des deux dernières années. La vigueur du dollar est une expérience nécessaire, bien que douloureuse, qui contribuera à terme à accroître la productivité.
º (1640)
[Français]
Le président: Soyez bref, monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Je ne parle pas seulement du taux de change, mais de la volatilité du dollar canadien. Étant donné que c'est une devise secondaire sur les marchés d'échange, n'est-ce pas là un problème qui, s'il n'est pas résolu à long terme, va faire en sorte que tous les efforts concernant la productivité, de même que nos offensives à l'exportation, vont être un peu annihilés par cette volatilité?
[Traduction]
M. Glen Hodgson: Soit, la volatilité est un facteur mais je suis de la même école que le gouverneur de la banque centrale puisque je crois comme lui qu'un taux de change flottant sert d'amortisseur pour notre économie. C'est une condition plutôt essentielle dans une économie ouverte. Je préférerais trouver d'autres moyens pour contrôler la volatilité que de recourir à un taux de change fixe.
[Français]
Le président: Monsieur Taillon, soyez bref, s'il vous plaît.
M. Gilles Taillon: J'aimerais donner deux réponses très pratiques. Effectivement, à part dans certains secteurs très particuliers, la hausse du dollar a été une occasion d'améliorer la productivité. Les entreprises se sont prises en main et ont décidé de cesser de dormir, et de produire davantage. Il y a donc eu un effet d'hésitation, mais je crois que c'est positif maintenant. C'est ce que disent les sondages.
Nous avons également fait des sondages pour savoir s'il était préférable pour nous d'avoir un dollar fixe ou un dollar qui fluctue. Je vous dirais que la très grande majorité des entreprises souhaitent un dollar dont la valeur fluctue.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Minna.
[Français]
M. Yvan Loubier: Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
Le président: Non.
[Traduction]
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il me semble que les solutions proposées varient énormément, certains réclamant des réductions importantes tandis que M. Taillon préconise plutôt une approche holistique. Les deux autres proposent autre chose. Cela m'inspire quelques réflexions.
D'abord, ma formation m'a toujours amenée à tenir compte à la fois de la main-d'oeuvre et du capital mais aussi des enjeux sociétaux dans leur ensemble. J'ai lu récemment quelques articles selon lesquels l'Ontario avait un taux d'abandon scolaire de 40 ou de 45 p. 100, si ma mémoire est bonne. Il me semble que ce facteur—et il y a de nombreuses autres preuves de déficit social—expliquerait en grande partie notre faible productivité, sans parler du taux d'analphabétisme. En outre, nous comptons un grand nombre d'immigrants qui n'exercent pas la profession de leur choix, celle pour laquelle ils ont été formés. Nous parlons d'exode de cerveaux, mais je crois qu'il y a dans ce pays plutôt un gaspillage de cerveaux.
Ce ne sont là que quelques exemples du déficit social dans nos collectivités. Je crois bien que j'appuierais l'idée de hausser le salaire minimum et d'autres mesures dont on a déjà parlé et qu'a notamment mentionnées M. Bleyer. J'aimerais poser des questions précises sur d'autres sujets. Il me semble évident que nous devons faire des investissements sociaux. J'ai fait carrière dans ce domaine, apprentissage et soins de la petite enfance. Cela rapporte des dividendes mais c'est aussi un impératif social. Ce n'est qu'un exemple.
J'aimerais aussi parler de... Nous accordons d'importantes réductions d'impôt aux sociétés de ce pays. M. Veldhuis fait non de la tête, mais j'estime que c'est le cas.
Étant donné la conjoncture actuelle, est-il plus souhaitable d'accorder des réductions d'impôt ou d'adopter une approche plus exhaustive, comme d'autres le réclament? J'entends deux voix, l'une qui dit réduisons les impôts puisque cela réglera tous les problèmes. Je n'en suis pas convaincue mais j'aimerais bien que quelqu'un tente de me convaincre que c'est là la solution qu'il faut privilégier.
M. Niels Veldhuis: Je vais commencer. Je ne préconise certainement pas des réductions d'impôt de grande ampleur. Nous ne disposons pas de fonds illimités. Je préconise plutôt des réductions d'impôt très ciblées, et plus particulièrement d'imposer davantage la consommation et de réduire les impôts sur le capital. Même si vous souhaitez maintenir le niveau des revenus, vous devez déplacer le fardeau fiscal qui pénalise actuellement le capital...
º (1645)
L'hon. Maria Minna: Vous augmenteriez le taux de la TPS, alors?
M. Niels Veldhuis: Ce serait une solution, absolument. La TPS est l'une des taxes les plus efficientes, les moins dommageables. Abstraction faite de la dimension politique, c'est l'une des taxes les moins dommageables pour...
L'hon. Maria Minna: Je ne parle pas des conséquences politiques; je pense aux particuliers. C'est une taxe qui est plutôt régressive.
M. Niels Veldhuis: L'impôt sur le revenu est régressif. Ce sont les travailleurs qui en réalité paient l'impôt sur le capital qui en sont pénalisés. C'est la famille qui rentre à la maison à la fin de la journée dans sa mini-fourgonnette qui est pénalisée du fait qu'elle n'a pas suffisamment de capital pour générer davantage de revenus. C'est donc une taxe très régressive. D'ailleurs, ces impôts élevés sur le capital ne permettent pas aux travailleurs d'accroître leur productivité et d'augmenter du coup leurs revenus.
L'hon. Maria Minna: Monsieur Bleyer.
M. Peter Bleyer: J'essaie d'imaginer cette mini-fourgonnette.
Vous dites que l'impôt sur le capital a un effet direct supérieur à l'effet négatif incroyable qu'ont la TPS et les taxes à la consommation sur notre système? Nous parlons ici de l'incidence sur le Canadien moyen. L'augmentation des taxes à la consommation est la pire de toutes les solutions possibles au plan de la progressivité.
Je n'en reviens pas que certains puissent qualifier de négligeables des dizaines de milliards de dollars de réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés. Que l'on croie que c'est suffisant ou non, on ne peut en tout cas pas dire qu'elles sont négligeables.
Je pense qu'il est injustifiable d'envisager d'accorder des réductions générales d'impôt, les seules réductions devant, à mon avis, être extrêmement ciblées et viser certains objectifs précis. Je pense qu'il serait injustifiable, dans la conjoncture actuelle, d'accorder de telles réductions et qu'en plus ce serait tout à fait contre-indiqué.
L'hon. Maria Minna: Voici une question supplémentaire. Vous pouvez y répondre vous aussi, monsieur Taillon.
Le gouvernement Harris, en Ontario, a réduit massivement l'impôt. La province a toujours de la difficulté à retrouver l'équilibre financier en raison de ces réductions. Quelqu'un a t-il fait une étude pour mesurer l'incidence de ces réductions sur la productivité en Ontario?
M. Niels Veldhuis: Cela a été très avantageux pour l'Ontario. Si vous prenez la croissance de l'Ontario de 1996 à 2001, vous verrez qu'elle était la plus élevée au pays. Si vous prenez les diminutions...
L'hon. Maria Minna: Pourquoi certains disent-ils maintenant que la productivité a diminué?
M. Niels Veldhuis: L'Ontario a renversé la vapeur, elle a en réalité augmenté l'impôt sur le capital et rendu son économie moins compétitive.
Par contraste, la Colombie-Britannique a fait tout le contraire. Elle a réduit l'impôt sur le capital, ce qui a donné une amélioration considérable des dépenses d'investissement, des activités des sièges sociaux et une productivité accrue pour les travailleurs.
L'hon. Maria Minna: Monsieur Veldhuis, pendant environ dix ans, l'Ontario a accordé d'importantes réductions d'impôt. On ne peut pas continuer de réduire l'impôt et les services quand 40 p. 100 des enfants de l'Ontario abandonnent les études. C'est honteux que 40 à 45 p. 100 des enfants ne terminent leurs études secondaires. En réalité, c'est une véritable honte. C'est l'un des déterminants de la productivité.
Monsieur Taillon, voulez-vous ajouter autre chose?
[Français]
M. Gilles Taillon: Je prendrais l'exemple du gouvernement fédéral et des baisses d'impôt importantes consenties par le ministre des Finances et Paul Martin. Ils ont réduit les impôts de façon globale, et cela est devenu un accélérateur pour augmenter les recettes fiscales du gouvernement. Malgré des baisses d'impôt importantes, les recettes fiscales ont augmenté de 20 p. cent.
Alors, si on veut améliorer certains programmes, comme l'éducation, si l'on veut s'occuper davantage des enfants, la baisse des impôts n'est pas nécessairement une mauvaise stratégie, à condition qu'elle soit bien ciblée, qu'elle soit bien faite et que l'on soit conséquent, en faisant en sorte que l'accroissement des recettes fiscales soit dépensé dans les secteurs qui sont productifs. C'est ce qu'il est important de faire.
Je crois que nous avons un bel exemple de l'effet que produirait une baisse d'impôt si le gouvernement dépensait davantage dans des programmes utiles. Vous avez cet exemple devant vos yeux, chez vous.
[Traduction]
L'hon. Maria Minna: Merci.
Me reste-t-il du temps?
Le président: Merci. Il vous reste 30 secondes.
L'hon. Maria Minna: En fait, il est presque impossible de faire quoi que ce soit en 30 secondes. Je vais me reprendre au prochain tour. Inutile de poser une question s'il n'y a pas de temps pour la réponse.
Le président: Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Je vais poursuivre dans la même veine que Maria parce qu'il me semble que c'est le clou de la question dont nous discutons aujourd'hui : qu'est-ce que la productivité et quelles recommandations le comité peut-il formuler en prévision du prochain budget afin d'accroître la productivité de l'économie et d'être en mesure d'atteindre les nombreux objectifs des Canadiens — une société de plein emploi où tous ont accès aux services essentiels et où les Canadiens peuvent faire une contribution maximale? Il me semble que le secteur des entreprises a décidé de façon autoritaire que la seule option c'est de réduire l'impôt. C'est ce qui revient sans cesse dans les quotidiens. Un Canadien moyen qui lit les journaux aurait l'impression que pour accroître la productivité il faut absolument réduire les impôts et qu'il faut pour cela alléger le fardeau fiscal des sociétés plutôt que d'agir sur les déterminants de la productivité. Je ne nie pas l'importance de la productivité et je ne nie pas que les impôts aient une incidence, mais j'estime que nous devons reprendre le contrôle du débat afin de proposer des solutions raisonnables et d'obtenir que l'on investisse afin de nous doter d'une population active productive.
Ma question comporte deux volets. J'adresse ma question à l'Institut Fraser et à tous ceux qui partagent cet avis : comment pouvons-nous continuer de réclamer toujours davantage de réductions de l'impôt des sociétés quand la Banque TD et d'autres sources nous révèlent que les sociétés ont réalisé des bénéfices record, qu'elles disposent de liquidités sans précédent et qu'elles ne s'en servent pas pour faire des investissements qui accroîtraient l'activité économique dans ce pays? Comment des réductions d'impôts additionnelles contribueraient-elles à améliorer la situation?
Ensuite, d'après ce qu'ont dit Ellen, Peter et Glen, nous devons adopter une approche plus équilibrée. Ils nous disent, il me semble que si l'on ne tient pas compte de l'éducation, de la formation et d'une stratégie de plein emploi lorsque l'on cherche à accroître la productivité, les résultats sont décevants. En outre, nous avons omis de parler aujourd'hui de ceux qui travaillent actuellement, qui tentent de faire de leur mieux et qui ne sont peut-être pas aussi productifs qu'ils pourraient l'être parce qu'ils s'inquiètent de leurs enfants, parce que nous n'avons pas de réseau de garderie universel; qui ont des problèmes de santé mentale et de stress parce qu'ils n'arrivent pas à tout faire sans soutien gouvernemental; qui s'inquiètent de leur accès aux soins de santé en raison des listes d'attente, qui s'inquiètent de leur sécurité au travail ou qui sont victimes de harcèlement sexuel. Il me semble qu'il y a toute une foule de facteurs qui influent sur la productivité dont doit tenir compte notre comité. J'aimerais entendre la réaction de nos panellistes.
N'hésitez pas à intervenir. Il s'agit de trouver des solutions plus équilibrées. Sinon, le secteur des entreprises nous imposera à tous sa volonté et nous empêchera d'examiner toutes les options possibles.
º (1650)
Le président: Permettez-moi de faire de l'aiguillage.
M. Taillon, M. Veldhuis puis M. Hodgson, et ensuite s'il nous reste du temps...
[Français]
M. Gilles Taillon: Vous avez raison de dire qu'il n'y a pas seulement la composante « investissement » dans l'équipement et le matériel pour améliorer la productivité.
Quand on s'attaque à la fiscalité, au fond, c'est pour donner aux entreprises une plus grande capacité d'investir dans le matériel et l'équipement, dans les nouvelles technologies, pour qu'elles soient plus productives. Cependant, il y a deux autres composantes, soit la formation de la main-d'oeuvre, tout aussi importante que l'investissement — nous en avons parlé —, et toute la question concernant la croissance démographique, notamment avoir une démographie saine et une population active.
Nous n'en avons pas parlé parce que nous ne pensions pas que c'était dans l'ordre des préoccupations du Comité permanent des finances. Toutefois, les deux premiers volets nous paraissent extrêmement importants, c'est-à-dire la formation et l'investissement dans ce domaine, ainsi que la possibilité pour les entreprises de dégager des ressources pour améliorer leur équipement, leur matériel, etc.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis: Ellen? Voulez-vous continuer de perdre du terrain?
Le président: Monsieur Veldhuis, monsieur Hodgson puis madame Russell, si vous voulez intervenir.
M. Niels Veldhuis: Merci.
Je ne dirai certainement pas que réduire l'impôt sur le capital est le seul moyen d'accroître la productivité, mais vous m'excuserez, car j'ai limité mon analyse aux consultations prébudgétaires, pas au-delà. Il est clair que l'éducation joue un rôle important dans la productivité, et que notre système d'éducation connaît de graves problèmes, tant aux niveaux primaire et secondaire qu'au niveau universitaire, qui n'ont absolument rien à voir avec ce que nous dépensons. En effet, le Canada est l'un des pays qui dépense le plus au titre de l'enseignement postsecondaire au monde. Nous avons aussi un des pourcentages les plus élevés de la population active ayant fait des études postsecondaires. Le problème n'est donc pas un problème de ressources, mais plutôt de la manière dont l'éducation est structurée. Mais c'est une autre paire de manches.
S'agissant de l'impôt sur le capital, laisser plus d'argent dans les mains des entrepreneurs permet à ceux-ci d'investir dans leurs employés. Pour investir dans les compétences, les entreprises et les entrepreneurs ont besoin d'argent pour investir dans leurs effectifs, et un des moyens de le faire, c'est d'arrêter de les pénaliser quand ils veulent le faire.
º (1655)
Le président: De combien pourrions-nous éventuellement réduire les impôts des sociétés, de 1 ou de 2 p. 100? Comment escomptons-nous que les propriétaires réinvestissent ce 1 ou 2 p. 100? Je pense que ce serait la question par excellence.
M. Niels Veldhuis: Personnellement, je recommande que l'on abaisse l'impôt général sur le revenu des sociétés à 12 p. 100. Autrement dit, que le taux soit le même que celui des petites entreprises de sorte que l'on ne décourage pas les entreprises à prendre de l'expansion. Cela étant, je pense qu'une des solutions clés est de donner l'exemple au reste du monde en offrant le taux d'imposition sur le capital le plus faible du monde. Prenons l'exemple d'un pays comme la Suède, qui a un des taux les plus faibles du monde, le cinquième du monde; qu'on suive l'exemple de la Suède et qu'on fasse de notre pays un endroit où les gens veulent investir.
Le président: Monsieur Hodgson.
M. Glen Hodgson: La complexité du sujet tient en partie au fait qu'il n'existe pas de solution rapide. Il n'y a pas de solution universelle non plus. Je travaillais en fait au ministère des Finances dans les années 80 quand ces impôts ont été instaurés pour faire face à un problème financier très grave. Or, la conjoncture ayant changé, le problème ne se pose plus du tout.
En ce qui concerne le taux général d'imposition des sociétés, je pense que nous devons garder à l'esprit l'échiquier international et les régimes de nos principaux partenaires commerciaux et d'autres acteurs. Toutefois, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte, notamment l'éducation globale, les compétences des travailleurs et l'innovation. Nous avons consacré énormément de temps et d'énergie à regrouper des dirigeants des secteurs public et privé pour essayer de trouver un moyen de capitaliser les grandes idées émanant des universités et de les mettre en marché. Il s'agit également de réfléchir aux règles sous-tendant le commerce et de penser à un régime réglementaire qui se fait priver de bien des acteurs.
Vous avez donc raison : nous ne pensons pas qu'il existe de solutions miracles. La fiscalité n'est qu'un élément parmi d'autres.
[Français]
Le président: Monsieur Taillon.
M. Gilles Taillon: S'il y avait des priorités à mettre dans l'ordre des moyens, il faudrait d'abord abolir rapidement, le plus tôt possible, la taxe sur le capital, celle qui frappe le plus directement les investissements, si on veut les favoriser. Ensuite, il faut s'attaquer aux autres types d'imposition, les profits, etc.
[Traduction]
Le président: Très brièvement, monsieur Bleyer. Madame Russell, vouliez-vous intervenir?
M. Peter Bleyer: Oui, très brièvement.
Il me semble que parfois—et j'aime à voir certains de mes collègues ici présents obligés de prendre acte du côté social des enjeux—nous ne pouvons simplement pas faire fi de toutes ces questions sociales dans une conversation sur la productivité. C'est certainement ce qui arrive avec une offensive verbale comme celle du véritable économiste : « Eh bien, nous ne remarquons même pas ce genre de choses ». Voilà qu'on les ramène malgré eux à la table. Heureusement, ça se produit le premier jour de vos audiences, et j'espère que la discussion continuera de progresser au point où nous aurons un large éventail d'opinions.
Dans ce large éventail d'opinions, il y a notamment la question mentionnée par ma collègue Mme Russell, à savoir la distribution. Il est essentiel quand nous étudions la productivité que nous ne pensions pas à la productivité uniquement comme étant un moyen de rehausser le niveau de vie et que ce sera profitable pour la plupart des Canadiens. En effet, nous savons que ces 10 dernières années n'ont pas été bénéfiques pour la vaste majorité des Canadiens; pire encore elles leur ont été néfastes. Les Canadiens ont perdu en faveur de tout gain minimal de productivité. Êtes-vous en train de me dire que lorsque le gain de productivité est plus important, la dynamique change d'une façon ou d'une autre? Tout serait exponentiellement plus marqué. On ne résout pas le problème de la distribution simplement en mettant l'accent sur la productivité à moins de comprendre ce qui sous-tend celle-ci. On doit effectivement façonner les éléments sous-jacents de la productivité : équité, égalité, soit les valeurs que les Canadiens recherchent et qu'ils s'attendent à ce que leurs représentants élus les protègent et les renforcent.
Le président: Je vous remercie.
Très vite, madame Russell, car le temps presse.
Mme Ellen Russell: Un des points qui n'a pas été affirmé avec force est que bien des choses liées au capital humain et au capital physique sont l'apanage de l'État. Peu importe la nature des allègements qu'on accorde aux entreprises, celles-ci ne seront pas en mesure de fonder une université. Nous devons donc comprendre que le rôle de l'État consiste en partie à assurer les conditions préalables à la croissance de la productivité, dont l'État est le seul garant, et si les impôts des sociétés sont utilisés pour diminuer les ressources de l'État, il ne pourra pas s'acquitter de ses responsabilités.
Le président: Merci, madame Russell.
Monsieur Solberg, vous avez cinq minutes, et ce sera le tour de M. Bouchard.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il me semble que ce dont il s'agit vraiment, c'est de donner aux gens les moyens dont ils ont besoin pour être aussi productifs que possible. J'ai utilisé le mot que je tentais de définir, mais il s'agit essentiellement de donner aux gens les outils dont ils ont besoin pour faire le nécessaire, et cela peut prendre diverses formes. Dans certains cas, les gens ont besoin d'éducation. Le dénominateur commun dans pratiquement tous les cas, c'est l'accès au capital d'une façon qui permet aux gens de réaliser leurs objectifs. Somme toute, le but est de faire en sorte que les gens disposent des outils qui leur permettent de faire le nécessaire. Cela appelle la contribution de tous les secteurs, privé comme public. Il me semble aussi qu'un des objectifs doit être d'agrandir la cagnotte de sorte que nous puissions redistribuer la richesse, encore faut-il la produire.
À ce propos, je crois que le panel reflète bien la situation. Si j'ai bien compris, les différents membres du panel ont bien des choses qu'ils aimeraient réaliser. Qu'il n'existe donc pas une solution universelle. Il est clair que nous devons réduire des impôts qui limitent notre capacité d'attirer des capitaux, lesquels nous aident notamment à fournir à nos citoyens un système éducatif. C'est manifestement une partie de la solution. Si nous accusons des retards à ce chapitre, nous devons par conséquent prendre les mesures qui s'imposent.
Cela étant, il est également vrai que si M. Veldhuis a raison, ou si Maria Minna a raison, l'éducation est un problème, par exemple en Ontario, si vous avez un taux de décrochage de 45 p. 100, ce que j'ignorais, je ne suis pas sûr que l'on puisse dire que tous les problèmes sont attribuables à un manque d'argent. C'est un problème qui devra être réglé en parallèle.
Je suppose que ce à quoi je veux en venir, d'une manière très alambiquée, c'est que le problème est très complexe. Ses nombreuses causes sont très différentes. Au bout du compte, notre groupe devra déterminer par ordre de priorité les secteurs où le Canada accuse le plus de retard, puis proposer des idées, des solutions pour que nous puissions commencer à rattraper le temps perdu. Cela dit, cela ne règle pas la question soulevée par Mme Russell, c'est-à-dire que nous devrions peut-être définir le niveau de vie d'une autre façon, mais je laisserai la question de côté pour le moment. Je vous invite à intervenir quand vous le voulez. Supposons pour un instant que nous cherchons à hausser la production par habitant, ce qui, d'une certaine façon, permet aux gens de choisir le type de vie qu'ils veulent mener, et il se peut que les choix ne soient pas les mêmes pour tous.
Voilà, c'est ce que j'avais à dire pour commencer. Je vous demanderais de bien vouloir réagir à ce que je viens de dire.
» (1700)
Le président: Madame Russell.
Mme Ellen Russell: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que si on élargit la cagnotte, la redistribution devient alors possible. C'est vrai, mais à condition d'avoir un plan de redistribution. Une distribution meilleure n'en est pas forcément le corollaire. Ainsi, si vous deviez me dire que nous avons un excellent plan pour accroître la productivité et qui aura pour effet de stimuler la croissance économique, que nous avons aussi ce merveilleux plan pour redistribuer la richesse, je serai alors plus persuadée que le but final est d'assurer une bonne distribution. Or, tout ce que je vois, c'est un plan d'action qui semble privilégier l'accroissement de la productivité et qui m'amène à croire que les avantages ne seront pas bien distribués; comme je ne vois pas de solution à cela, je commence alors à douter du véritable but final.
M. Niels Veldhuis: Mme Russell n'a manifestement pas examiné ce qui s'est passé au chapitre des dépenses fédérales depuis que le gouvernement a assaini ses finances en 1997. En effet, les dépenses au chapitre des programmes fédéraux ont augmenté de 52 p. 100 depuis 1997-1998. Force est de constater qu'une économie plus productive génère plus de recettes, voire a plus de dépenses de programmes.
Le président: Monsieur Bleyer.
M. Peter Bleyer: Je veux aussi préciser que le problème est complexe et qu'il nécessite une approche polyvalente. Mais là encore, les solutions stratégiques choisies pour générer la richesse déterminent à l'avance si on sera en mesure de redistribuer cette richesse ou non. C'est même pire que de savoir si on va le faire ou non. Les solutions que nous retenons pour accroître notre productivité nous diront si oui ou non nous avons même des chances de réaliser l'objectif de redistribution.
Un autre point que je voulais aborder est celui des secteurs où le Canada accuse le plus de retard. J'ai devant moi des statistiques du PNUD de 2005 sur la proportion de la population vivant sous le seuil de la pauvreté entre 1990 et 2000. Le Canada occupe le 24e rang du classement du PNUD. Je vous laisse donc cette information sur la table pour que vous sachiez à quel chapitre le Canada accuse le plus de retard.
M. Monte Solberg: D'accord.
Le président: Merci, monsieur Solberg. Vous avez amplement dépassé votre temps.
M. Monte Solberg: Mais je suis tellement fascinant que j'ai l'impression que je devrais poursuivre.
[Français]
Le président: Je voudrais donner la chance à tout le monde d'intervenir.
Monsieur Bouchard.
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ): Ma question s'adresse à M. Hodgson, du Conference Board du Canada.
Vous avez mentionné que la productivité doit être soutenue par le gouvernement. Également, dans votre exposé vous proposez que l'on investisse dans les études supérieures et que l'on retire la taxe sur les investissements, l'aide aux petites entreprises, l'aide à l'innovation ainsi que l'aide aux villes.
Le gouvernement fédéral aurait-il les moyens d'appliquer vos propositions?
» (1705)
M. Glen Hodgson: Vous avez posé une très bonne question. En effet, nous avons le privilège de faire des prévisions fiscales.
J'ai la capacité de répondre en français. Ce n'est pas parfait, mais j'ai l'avantage d'avoir été fonctionnaire au gouvernement fédéral pendant des années.
M. Yvan Loubier: Très bien. Vous parlez un bon français, monsieur Hodgson.
M. Glen Hodgson: Merci.
Nous sommes en train de faire nos prévisions pour cette année et en général, nous croyons qu'il y aura un surplus d'environ 10 milliards de dollars. Cela dépendra, bien sûr, des autres changements.
M. Yvan Loubier: Vous faites les mêmes prévisions que nous.
M. Glen Hodgson: Oui.
Ce n'est pas le chiffre final, car mon collègue Matthew Stewart est en train de faire son travail. Néanmoins, il y aura un espace fiscal pour des actions bénéfiques à la productivité ou portant sur n'importe quelle priorité établie par le gouvernement. Il y a donc un peu d'espace de travail.
M. Gilles Taillon: Il y a certainement assez d'argent pour commencer à faire quelque chose, peut-être pas tout, mais on peut faire un bout de chemin avec les surplus du fédéral.
En outre, j'aimerais répondre à M. Peter Bleyer par une boutade: le rang du Canada quant à la pauvreté est à peu près équivalent à son rang sur le plan de la productivité. Il y a donc une corrélation entre les deux.
Le président: Merci, monsieur Bouchard.
Monsieur Hubbard.
[Traduction]
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous avons entendu beaucoup d'informations et nous allons devoir mettre tout cela en commun. Quoi qu'il en soit, je trouve choquant que les Canadiens à faible revenu soient en train de devenir le segment de la population le plus important année après année. Nous devons l'admettre. En tant que membres du gouvernement et de la société, nous devons trouver un moyen de corriger cette situation.
Deuxièmement, pour ce qui est des exposés, monsieur le président, nous avons parlé d'éducation et de formation. Peut-être la question n'a-t-elle pas été abordée, mais pour ce qui est de la formation offerte par les entreprises et par les employeurs, le Canada affiche les taux les plus faibles à ce chapitre par rapport à la plupart des autres pays qui réussissent bien.
Monsieur le président, il y a d'autres sujets dont nous n'avons pas beaucoup entendu parler. Mentionnons, par exemple, la corrélation entre l'infrastructure et la productivité, le transport et la productivité, et le fait que le Canada compte une des populations actives les plus syndicalisées, notamment en comparaison avec les États-Unis et d'autres pays dont nous n'avons pas entendu parler. Peut-être certains des témoins voudraient-ils dire un mot au sujet de ces facteurs qui sont tellement importants pour la productivité. Je connais bien les questions de la formation et de l'éducation, mais pas tellement les autres.
Niels, êtes-vous prêt à intervenir sur ce point?
M. Niels Veldhuis: Encore une fois, je m'excuse de ne pas avoir inclus la syndicalisation dans ma discussion. J'ai limité ma discussion à différentes questions. Mais vous avez tout à fait raison, étude après étude démontrent que les entreprises syndiquées sont moins productives que les entreprises non syndiquées.
Pour ce qui est de ce que le gouvernement fédéral peut faire, seulement environ 9 p. 100 de la main-d'oeuvre est visée par législation fédérale, mais le gouvernement fédéral peut donner l'exemple aux provinces. Malheureusement, le ministre du Travail a fait le contraire et a encouragé une législation du travail plus rigide et plus biaisée. Nous disons certainement qu'il faudrait plutôt adopter une législation du travail plus flexible.
M. Charles Hubbard: Qui veut parler de transport? Est-ce que quelqu'un veut faire des observations à ce sujet? Est-ce un facteur important sur le plan de notre commerce avec les États-Unis? Quelqu'un peut-il nous parler des problèmes que nous avons pour ce qui est de transporter non seulement les gens, mais ce qui est encore plus important, nos produits, et est-ce que cela devrait être une priorité du gouvernement en ce qui a trait à la productivité?
M. Peter Bleyer: Je voudrais faire une petite observation sur ce que cela signifie au niveau communautaire et sur l'importance du transport public dans le cadre de l'infrastructure sociale, franchement. C'est physique, mais cela a aussi une incidence sur la capacité des gens d'entrer sur le marché du travail, de faire partie de la population active. Je sais qu'il y a des questions plus générales concernant le transport, mais il est clair que cela est extrêmement important sur le plan de l'infrastructure physique qu'il continue... Il y a eu un important réinvestissement dans le transport. Il faut que cela continue.
Le président: Oui, monsieur Hodgson.
M. Glen Hodgson: Nous avons examiné de très près les écarts qui existent entre les villes au niveau de l'infrastructure. Il est clair que cela s'applique au transport des marchandises jusqu'à la frontière pour l'exportation.
Je voulais parler brièvement de la productivité dans un autre secteur, qui est celui des soins de santé. Très peu d'analyses ont été faites au niveau de l'efficacité de la productivité des services de soins de santé. Nous venons tout juste de commencer à examiner ce secteur. En fait, nous sommes en train de préparer une proposition en vue de mettre en place un programme qui permettrait de mieux comprendre la productivité dans le domaine des soins de santé, car ultimement c'est la population vieillissante qui fera des pressions sur le système de soins de santé, ce qui justifie réellement la productivité au bout du compte : payer pour ces services publics. Nous devrions avoir une meilleure idée de la façon de rendre notre système de soins de santé beaucoup plus efficace et novateur, et en bout de ligne plus productif, mais il y a très peu d'études qui ont été faites à ce sujet. Il y a très peu d'études sur le concept de la productivité des soins de santé, et c'est quelque chose que nous voulons examiner sérieusement.
» (1710)
Le président: Monsieur Taillon.
[Français]
M. Gilles Taillon: J'aimerais formuler deux commentaires. D'abord, au chapitre de la formation, ce qu'on appelle en anglais le training on the job est quelque chose, pensons-nous, qui n'est pas développé au Canada. Vous avez raison.
Également, la question des infrastructures est extrêmement importante. En effet, si nous voulons accroître notre productivité, nous devons avoir des infrastructures de haute qualité, non seulement des infrastructures physiques, mais des infrastructures de communication aussi, compte tenu de la mondialisation.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
J'ai M. Goodyear suivi de M. McKay.
M. Gary Goodyear: Merci, monsieur le président.
Je me demande si je pourrais poser aux témoins une question concernant la productivité et la définition à multiples facettes de Mme Russell. Étant donné que les Canadiens ont tendance à se plaindre au sujet des impôts et de la météo, et que tout le monde sait que les deux seules choses qui sont sûres sont la mort et les impôts, et, si je peux me permettre d'ajouter à cela, puisque je suis de l'Ontario, les promesses que le gouvernement n'a pas tenues, à maintes reprises—soit parce qu'il a utilisé les impôts comme la nouvelle taxe sur la santé en Ontario pour le revenu général et l'infrastructure, etc.—et le fait que la population manque de plus en plus de confiance dans les représentants du gouvernement, ce qui est démoralisant, je me demande si les témoins pourraient nous parler des conséquences pour une population qui, je dirais, a l'impression d'être surtaxée. Je pense que tout indique que les Canadiens sont surtaxés et mal desservis par leur gouvernement. Quel serait l'effet de ce genre de démoralisation, d'apathie croissante chez la population, sur la productivité?
Le président: Monsieur Veldhuis.
M. Niels Veldhuis: Je vais laisser quelqu'un d'autre essayer de répondre à la question également.
Pour ce qui est d'être démoralisant, j'aime regarder le côté incitatif. Toutes les études qui ont été faites révèlent que ces impôts ont un impact important sur le comportement des gens. Si les gens sont surtaxés, ils ne travailleront pas aussi fort, ils ne prendront pas autant de risques, ils n'épargneront pas autant, et ils n'auront pas autant l'esprit d'entreprise. Donc, pour ce qui est de démoraliser, je dirais que cela a un impact au niveau de l'encouragement à travailler fort, à investir, à prendre des risques.
Le président: Madame Russell.
Mme Ellen Russell: Ça dépend du revenu de la personne en question. Pour quelqu'un dont le revenu est plus élevé, la structure fiscale n'est peut-être pas la première chose qui vient à l'esprit lorsqu'il faut choisir son dirigeant syndical, comme les économistes le diraient. Il faut travailler pour manger, donc il ne me semble pas que ce soit là peut-être la principale cause d'aliénation pour la personne dont vous parlez dans votre exemple.
Deuxièmement, pour ce qui est d'être surtaxé, je ne comprends tout simplement pas le terme, car on est taxé, et on obtient certainement des choses en retour, notamment des soins de santé. Pour une personne à faible revenu, il est peut-être extrêmement important que les soins de santé soient fournis par l'État au Canada, beaucoup plus important que la très petite différence, dans un sens ou dans l'autre, que certaines des propositions qu'on a entendues pourraient faire au niveau de leurs impôts.
M. Gary Goodyear: Ne convenez-vous pas, cependant, que les Canadiens n'ont pas l'impression d'avoir un bon rendement pour leur investissement, particulièrement lorsqu'on parle des soins de santé?
Manifestement, les soins de santé sont le principal problème au pays depuis une décennie. Comment pouvez-vous supposer qu'un contribuable, peu importe son revenu, estime que pour chaque dollar qu'il verse en impôts, il reçoit un dollar en retour? Je ne suis pas d'accord avec cela. À mon avis, il pense plutôt qu'il obtient 30 cents en retour.
Mme Ellen Russell: Je ne dis pas que ce qui se passe à l'heure actuelle soit parfait, mais je pense qu'une solution selon laquelle on devrait réduire les impôts parce que les gens se plaignent des services qu'ils reçoivent n'est pas la bonne puisqu'ils recevraient alors encore moins de services publics.
En outre, il faut mettre les choses dans leur contexte. Pendant les années 90, on luttait contre le déficit, de nombreux programmes étaient sous-financés et on constate maintenant les résultats de toute cette négligence. On est tout juste en train de remettre ce financement en place. Je pense qu'il serait préférable de réparer ce qui ne va pas plutôt que de réduire les impôts et de réduire nos possibilités de pouvoir réparer ce qui ne va pas.
» (1715)
M. Gary Goodyear: Puis-je avoir un éclaircissement, et ensuite je voudrais poser une autre question si j'en ai le temps, monsieur le président.
Seriez-vous d'accord pour dire que le fait qu'une population ait l'impression d'être surtaxée, d'être grevée d'impôt, et qu'une personne sur deux dans une famille doive travailler tout simplement pour payer les impôts de cette famille contribue en soi à réduire la productivité?
Mme Ellen Russell: Je pense que c'est une question un peu tendancieuse. Les gens qui...
M. Gary Goodyear: Je pense que la réponse est évidente. Je tente tout simplement de faire en sorte que vous y répondiez.
Mme Ellen Russell: Les gens se préoccupent de leur revenu. Si on pouvait accroître leurs gains réels, je ne pense pas que la question des impôts serait aussi importante. Mais voilà maintenant 15 ans que leurs gains n'ont pratiquement pas augmenté, alors les gens sont désespérés. On leur demande ensuite s'ils ne sont pas en colère parce qu'ils doivent payer des impôts. Eh bien, oui, ils sont en colère au sujet de quelque chose, mais si on augmentait leur salaire réel, je ne pense pas que les impôts seraient leur principal problème.
M. Niels Veldhuis: Qui va augmenter le salaire réel?
M. Gary Goodyear: Je trouve intéressant, pour quelqu'un qui préconise une définition de la productivité englobant de nombreux aspects, que vous ne soyez pas disposé à admettre que les impôts ont une influence négative sur la productivité.
Ai-je le temps de poser une autre question?
J'ai lu votre document et le trouve intéressant. À la fin de l'article, à la page 11, vous laissez entendre que certains changements dans le prochain budget fédéral pourraient renforcer le rôle de Partenariat technologique Canada. Je ne prétends pas être un expert du programme PTC, mais je crois savoir qu'il fait l'objet d'un examen parce qu'on soupçonne qu'il y aurait eu une mauvaise gestion et que le taux de rendement pourrait n'être que de 5 p. 100. C'est-à-dire que le contribuable investit un dollar et n'en retire que 5 cents.
Puis-je vous demander si vous êtes au courant des problèmes de Partenariat technologique Canada? Dans l'affirmative, êtes-vous quand même en faveur d'un renforcement de ce programme?
Mme Ellen Russell: Je comprends votre position. Pour ma part, je dis qu'il est possible de recourir à l'État pour jouer un tel rôle. Je ne dis pas qu'il faut fermer les yeux sur les problèmes qui existent dans les outils qui sont actuellement utilisés, mais si nous pouvions régler ces problèmes, nous pourrions utiliser les outils et en tirer parti.
Le président: Merci.
Les suivants sont M. McKay et Mme Wasylycia-Leis, après quoi j'espère que nous pourrons...
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions. La première porte sur la performance des États-Unis. À l'heure actuelle, l'économie des États-Unis semble défier les lois de la gravité. Ce pays enregistre un triple déficit : budgétaire, balance des paiements et balance des pensions. Pourtant, l'économie continue de prospérer et d'enregistrer une croissance assez intéressante; en fait, tout semble aller passablement bien, selon n'importe quel critère.
Quand le président Clinton a accédé à la présidence, il s'est attaqué à deux dossiers : la réforme des services financiers et la productivité. Avec l'arrivée du président Bush et de son équipe, je me demande si ce sont les efforts consentis dans ces deux dossiers qui ont permis aux États-Unis de défier les lois de la gravité sur le plan économique? Cela se situe au plan de la macroéconomie.
M. Glen Hodgson: Je pense que personne ne peut défier la gravité éternellement. En fait, j'ai écrit deux articles cette année, dont l'un dans le magazine Canadian Business en août, au sujet du double déficit.
En passant, j'aime bien votre troisième déficit, parce que vous avez absolument raison, on voit venir aux États-Unis un énorme déficit au chapitre des pensions qui deviendra à un moment donnée un passif encore plus lourd pour le gouvernement des États-Unis.
Mais je ne pense pas que quiconque puisse défier la gravité. La solide performance des États-Unis sur le plan de la productivité est le résultat de très nombreux facteurs : le fait que ce pays puisse compter sur un marché intérieur de 280 millions de consommateurs; le fait que son économie soit très souple et qu'il y ait des perdants aussi bien que des gagnants; le fait que l'on puisse trouver facilement des capitaux aux États-Unis. Mais on ne peut défier la gravité éternellement. Oui, ils enregistrent des gains spectaculaires en fait de productivité et cela peut même se traduire par une diminution des déficits. Je crains que cela finira par plomber la performance des États-Unis et que l'on verra une baisse de la valeur du dollar américain et des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt aux États-Unis, ce qui est à vrai dire tout à fait distinct de la performance des entreprises au plan de la productivité.
C'est paradoxal, mais il arrive parfois que le tableau soit sombre sur le plan macroéconomique alors même que la performance est très solide sur le plan microéconomique. Le Canada a la bonne fortune d'avoir actuellement une macroéconomie très solide et nous avons donc des bases solides sur lesquelles bâtir un véritable programme national de la productivité .
» (1720)
Le président: M. Veldhuis et ensuite M. Taillon.
M. Niels Veldhuis: Je suis un petit peu plus optimiste que mon collègue sur les États-Unis, surtout à cause de la productivité. La productivité ne permettra pas aux États-Unis de résorber leur déficit grâce à la croissance, il ne faut pas perdre cela de vue. Si l'on augmente la taille de l'économie, on peut engranger davantage de revenus. De cette manière, on peut évidemment éliminer le déficit. Si les Américains ont été tellement productifs, c'est en partie grâce aux efforts déployés sur ce front par le gouvernement précédent, mais aussi parce que George Bush insiste beaucoup sur la productivité. Il a procédé à deux baisses d'impôt importantes et l'on envisage d'en faire encore plus en allégeant les impôts les plus visibles pour adopter plutôt des impôts plus favorables à la croissance économique.
[Français]
Le président: Monsieur Taillon.
M. Gilles Taillon: En fait, au-delà des paramètres économiques favorables qui peuvent affecter les États-Unis, plusieurs chercheurs expliquent l'extraordinaire habilité des Américains à retomber sur leurs pattes, en termes de productivité, par leur capacité à se remettre en question. En effet, les entreprises possèdent de la souplesse et peuvent se réorganiser rapidement, ce qui n'est pas aussi présent dans nos entreprises canadiennes. C'est peut-être un élément explicatif, au-delà des facteurs économiques.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Je voudrais savoir s'il y a consensus autour de la table entre ceux qui sont économistes et ceux qui se prétendent économistes. De la façon dont je vois les choses, le taux d'amortissement du capital, le taux d'amortissement des immobilisations est probablement ce qui permet d'agir le plus puissamment sur la productivité. D'après les chiffres que j'ai ici, pour chaque dollar consacré à la réduction du taux d'amortissement, on obtient des avantages économiques à hauteur de 1,40 $. Pour la taxe de vente sur les biens, les avantages économiques du même dollar se chiffrent à 1,30 $; pour l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est 1,30 $; et pour l'impôt sur le capital, 0,90 $.
Je me demande s'il y a consensus parmi vous pour dire que ce serait une manière d'établir les priorités, étant donné que le gouvernement ne peut pas tout faire et qu'en fin de compte, les gains de productivité sont fonction des entreprises au Canada, mais que le gouvernement peut donner un coup de pouce. Ces quatre éléments—je pourrais allonger la liste—sont-ils les plus puissants leviers pour obtenir des gains de productivité dans le domaine de l'amortissement et des baisses d'impôt?
M. Niels Veldhuis: Si l'on part du point de vue du ministère fédéral des Finances au chapitre du renforcement du bien-être économique, si l'on examine de nombreuses études sur la question, on constate que les impôts sur le capital viennent en premier, les impôts sur le revenu des sociétés en deuxième et les impôts sur le revenu des particuliers en troisième place. Certaines études n'englobent pas les taux d'amortissement, mais pour ma part, j'inclurais certainement cet élément. Ce serait donc l'amortissement, le capital, et ensuite le revenu; voilà les impôts des entreprises sur lesquels il faut agir en premier. Je suis d'accord avec votre évaluation.
L'hon. John McKay: Y a-t-il consensus?
M. Peter Bleyer: Je suppose que si vous me demandez de choisir le moindre mal, j'aborderais la question sous un autre angle et je dirais que j'attends de voir les chiffres que les prévisionnistes obtiendront pour le comité. Ensuite, nous aurons grosso modo 10 milliards de dollars, plus les déficits sociaux que j'ai énumérés, et un problème de productivité qui reste à définir; la solution réside-t-elle dans l'un ou l'autre de ces facteurs? Il faut espérer qu'à la fin du processus, vous obtiendrez une réponse qui correspondra à la réalité que vivent les gens avec qui je travaille.
Le président: Monsieur Hodgson, vouliez-vous répondre?
M. Glen Hodgson: Nous n'avons pas fait d'analyse indépendante et je n'ai pas l'avantage d'avoir les chiffres sous les yeux, mais je dirais que notre méthodologie consiste à adopter des positions fondées sur une analyse serrée des faits. Si les chiffres en question correspondent bien aux constatations du ministère, je pense qu'ils sont crédibles. J'ajouterais toutefois que même si j'ai évoqué un chiffre de 10 milliards de dollars—nous n'avons pas encore obtenu les chiffres définitifs—, je suis convaincu qu'il est trop tôt pour déclarer victoire sur le front de la dette. Tant que nous n'aurons pas ramené le ratio-dette PIB autour de 25 p. 100, nous devons continuer d'intégrer dans nos prévisions financières un élément prudence suffisant pour éviter de retomber dans le déficit. Je sais que Tim O'Neill a fait des travaux très solides sur cette question.
Nous sommes économistes et nous savons donc qu'en chiffres absolus, le service de la dette et le déficit peuvent baisser, mais je crois que nous sommes loin d'avoir atteint le point à partir duquel nous pourrions intégrer une marge de manoeuvre intéressante dans nos prévisions financières.
» (1725)
Le président: Merci.
Je veux seulement donner à Mme Wasylycia-Leis la chance d'intervenir une dernière fois avant de lever la séance.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Je voudrais revenir à ce que vous recommanderiez au gouvernement de faire au moment où nous amorçons ce processus en vue d'un budget qui, si nos prévisionnistes indépendants ont raison, devraient déboucher sur un excédent d'environ huit milliards de dollars. Nous n'avons donc pas affaire à un puissant fonds. Comme Ellen l'a dit, nous devons opérer des choix.
C'est pourquoi je suis perplexe, monsieur Hodgson, au sujet de votre recommandation selon laquelle nous devons sans faute nous attaquer au dossier des impôts des sociétés. À mes yeux, ce n'est pas nécessairement prioritaire dans l'ensemble.
Voici donc ce que je voudrais savoir. Quelle est votre priorité, étant donné que nous escomptons un excédent? Que conseilleriez-vous au gouvernement de faire avec son excédent pour s'attaquer aux problèmes de productivité que nous avons aujourd'hui?
Peut-être pourrions-nous commencer par Peter.
M. Peter Bleyer: Si nous devions choisir un seul élément, alors il est clair que le Conseil canadien de développement social préconiserait de réinvestir dans l'enveloppe sociale. Plus précisément, n'oublions pas que ce dont il est ici question, c'est du transfert social découlant du TCSPS, grâce auquel on a réinvesti massivement dans les soins de santé—ce qui donne d'ailleurs lieu à un débat—, mais nous n'avons pas encore apporté les correctifs et les réinvestissements nécessaires du côté social. Il faut donc réinvestir de l'argent dans l'aspect social.
En plus de cela, je pense qu'il faut établir un processus. Il faut amener tous les Canadiens, les gouvernements provinciaux, en fait tous les paliers de gouvernement, à réfléchir à la manière d'établir des objectifs clairs qu'on pourra atteindre avec l'argent disponible. Il ne s'agit pas simplement de déplacer des montants d'argent; il faut s'assurer d'avoir des cibles précises en fait de résultats et des objectifs clairs, de mettre en place des mécanismes, afin d'investir dans des mécanismes.
Par exemple, que pourrait-on faire avec l'argent déjà prévu l'année prochaine pour l'apprentissage précoce et la garde des enfants, en vue d'établir des mécanismes transparents servant l'intérêt supérieur de tous, le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les Canadiens qui ont besoin de ces services? Je pense que la priorité doit se situer dans ce domaine.
M. Glen Hodgson: Je ne voudrais pas répondre à côté de la question, mais comme je l'ai dit au début, c'est une question complexe qui exige vraiment une approche globale. Malheureusement, ce qu'il faut éviter par-dessus tout, c'est de choisir entre l'éducation, les baisses d'impôts ou l'innovation; il faut s'engager à adopter une approche globale, l'intervention fiscale n'étant qu'un élément et l'ouverture au commerce et aux investissements étant une autre pièce du casse-tête.
Le troisième élément serait d'éviter cet éparpillement qui nous a saignés à blanc depuis 50 ans. Il faut vraiment intervenir sur tous les fronts pour faire débloquer la productivité nationale, sans oublier les villes et tous les autres éléments.
Je ne pense donc pas qu'il y ait une solution toute faite.
M. Niels Veldhuis: Puisque nous discutons du budget, nous devons choisir, comme M. Solberg l'a dit, le domaine dans lequel nous avons le plus grand retard. Il est clair que c'est du côté des impôts sur le capital que nous avons le plus de rattrapage à faire. Il nous faut un plan énergique sur cinq ans pour nous amener au moins dans le groupe des dix premiers, parmi les dix qui taxent le moins lourdement les utilisateurs de capitaux. Une manière de le faire serait de maintenir les dépenses fédérales par habitant à un niveau constant. Que l'augmentation soit limitée à l'inflation et à la croissance démographique, et utilisons l'argent ainsi économisé pour réduire les impôts sur le capital.
Mme Ellen Russell: Je pense que ce sera tout un défi de choisir parmi une foule de bonnes idées et un grand nombre de besoins criants. Je dirais que nous devons encore à beaucoup de secteurs de la population canadienne de rebâtir ce qui a été démoli dans les années 90. Je pense que cela a aussi beaucoup de répercussions à long terme sur la productivité et c'est par ailleurs impératif, étant donné que l'on avait implicitement promis dans les années 90 que les mesures pénibles disparaîtraient quand nous en aurions les moyens. Nous avons les moyens aujourd'hui.
Nous pouvons faire tout cela tout en investissant simultanément dans beaucoup d'éléments d'infrastructures, dans des programmes sociaux qui, pourvu qu'ils soient habilement conçus, peuvent contribuer à produire une main-d'oeuvre productive pour l'avenir.
» (1730)
Le président: Monsieur Taillon.
[Français]
M. Gilles Taillon: Je vais me risquer à vous donner une réponse très simple. Concernant l'utilisation du surplus, 50 p. 100 est destiné à la baisse des impôts — je vous ai donné mes priorités tout à l'heure quant au type d'imposition à toucher —, 25 p. 100 à la dette et 25 p. 100 aux investissements pour l'éducation et les infrastructures.
[Traduction]
Le président: Merci.
Nous devons aller voter et je vais donc lever la séance. Je veux seulement remercier tous les témoins d'avoir comparu. Cela nous donne énormément de matière à réflexion. Merci pour votre temps.
J'espère que les membres du comité se rappelleront de tout cela quand les consultations prébudgétaires seront terminées. Merci beaucoup.
La séance est levée.