FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 16 juin 2005
 | 1215 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Len Farber (directeur général, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances) |
Le président |
M. Len Farber |
 | 1220 |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC) |
M. Brian Ernewein (directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances) |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Len Farber |
 | 1225 |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
M. Brian Pallister |
L'hon. Maria Minna |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
 | 1230 |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
 | 1235 |
Le président |
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ) |
M. Len Farber |
M. Guy Côté |
M. Len Farber |
 | 1240 |
M. Guy Côté |
M. Brian Ernewein |
M. Guy Côté |
M. Brian Ernewein |
M. Guy Côté |
M. Brian Ernewein |
M. Guy Côté |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
M. Brian Ernewein |
 | 1245 |
M. Don Bell |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
 | 1250 |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
M. Len Farber |
M. Brian Ernewein |
M. Don Bell |
M. Len Farber |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
 | 1255 |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
M. Len Farber |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Len Farber |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Len Farber |
· | 1300 |
M. Yvan Loubier |
M. Len Farber |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson (Peace River, PCC)) |
M. Yvan Loubier |
M. Brian Ernewein |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
· | 1305 |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
· | 1310 |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. Len Farber |
M. Charles Hubbard |
M. Len Farber |
M. Charles Hubbard |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Charles Hubbard |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
M. Charles Hubbard |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
M. Charles Hubbard |
M. Brian Ernewein |
· | 1315 |
M. Charles Hubbard |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
· | 1320 |
M. Brian Pallister |
M. Brian Ernewein |
M. Brian Pallister |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Yvan Loubier |
· | 1325 |
M. Len Farber |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Len Farber |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Charles Hubbard |
· | 1330 |
M. Brian Ernewein |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Charles Hubbard |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Charles Hubbard |
M. Charlie Penson |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
M. Yvan Loubier |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
L'hon. Maria Minna |
M. Brian Ernewein |
L'hon. Maria Minna |
Le vice-président (M. Charlie Penson) |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 16 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
 (1215)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour, monsieur Farber et monsieur Ernewein. Nous sommes ici pour étudier les conventions fiscales entre le Canada et la Barbade. Je crois savoir que vous avez un exposé préliminaire à présenter. Nous vous serions reconnaissants de vous limiter à cinq ou dix minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
Je sais que nous avons déjà du retard. Ce n’est pas nécessairement notre faute. Jusqu’à quelle heure pouvons-nous poursuivre? Pouvons-nous aller jusqu’à 13 h 30?
M. Len Farber (directeur général, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Monsieur le président, vous pouvez décider vous-même. Nous prendrons les dispositions nécessaires pour être disponibles.
Le président: Très bien, je vous remercie. Nous irons alors que jusqu’à 13 h 30. J’apprécie votre collaboration.
M. Len Farber: Je suis heureux d’avoir l’occasion de comparaître devant le comité aujourd’hui pour parler de la convention fiscale Canada-Barbade. Même si nous ne savons pas quelles questions précises le comité souhaite aborder, je présenterai quelques observations préliminaires destinées à donner au comité des renseignements de base sur les relations du Canada avec la Barbade et les motifs de la signature d’un traité avec ce pays. Nous serons ensuite heureux de répondre à vos questions. Mon collègue, M. Ernewein, qui est directeur de la Division de la législation de l’impôt et qui dirige aussi le service chargé de la négociation des traités, et quelques-uns des membres de son équipe de négociation sont également ici et seront heureux de répondre à toute question que les membres du comité voudront poser.
Le Canada a depuis longtemps des relations avec la Barbade. En fait, ce pays est l’un de nos plus anciens partenaires en matière de conventions fiscales. La convention Canada-Barbade qui est actuellement en vigueur a été signée en 1980, mais le Canada et le Royaume-Uni avaient convenu depuis 1951 d’étendre les dispositions de leur convention fiscale de 1946 à certaines colonies britanniques, dont la Barbade.
La Barbade a été la première île des Caraïbes orientales à accéder à l’autonomie en 1961 et la première à devenir indépendante en 1966. La Barbade dirige également les efforts du Marché commun des Caraïbes tendant à l’unification du marché et de l’économie de la région. Elle milite énergiquement en faveur des questions intéressant les petits États dans le cadre du processus de l’accord de libre-échange des Amériques ainsi que dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce.
Le Canada et la Barbade ont d’étroites relations aussi bien sur le plan bilatéral que dans le cadre du Commonwealth, des Nations Unies et de l’OEA. De plus, le Canada représente la Barbade au FMI. Au chapitre du commerce, les exportations canadiennes ont totalisé 49 millions de dollars en 2004, tandis que ses importations s’élevaient à 7,8 millions de dollars. La Barbade profite du CARIBCAN, arrangement de commerce préférentiel mis en oeuvre en 1986, en vertu duquel 97 p. 100 des exportations des pays des Caraïbes membres du Commonwealth entrent au Canada en franchise. À part la convention sur la double imposition, la Barbade a également avec le Canada un accord sur la sécurité sociale et un accord sur la protection des investissements étrangers.
Comme les membres du comité le savent, la Barbade est parfois présentée, que ce soit dans la presse ou dans le rapport de la vérificatrice générale, comme ayant les caractéristiques associées aux paradis fiscaux, surtout quand on parle des règles spéciales relatives à ce que les Barbadiens appellent les IBC ou sociétés commerciales internationales. En toute franchise, cette façon de voir les choses est assez injuste dans ce contexte. La Barbade a un régime fiscal complet comprenant des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés, dont les taux sont généralement égaux ou supérieurs à ceux du Canada.
Toutefois, les IBC barbadiennes ont effectivement certains privilèges fiscaux parce que leur taux d’imposition est faible par rapport à celui des autres entreprises de la Barbade. Il ne faut cependant pas perdre de vue qu’à titre d’États souverains, la plupart des pays développés et en développement accordent différents encouragements, dans leur régime fiscal, pour favoriser des objectifs financiers et économiques particuliers. La Barbade n’est pas unique dans cette situation. En fait, le régime fiscal canadien prévoit de nombreux encouragements de ce genre, y compris des taux d’imposition moindres pour les petites entreprises appartenant à des Canadiens ainsi que l’un des régimes les plus généreux du monde en matière de crédits d’impôt pour la recherche et le développement.
Ces régimes d’encouragement font partie intégrante du régime fiscal de la plupart des pays, mais il revêt une importance particulière pour les pays en développement qui cherchent à attirer des investissements étrangers et à moderniser leur économie. L’existence de relations de coopération de longue date entre le Canada et la Barbade, de même que les liens de commerce et d’investissement et le régime fiscal complet de la Barbade ont constitué des facteurs clés dans la décision canadienne de conclure un accord direct avec la Barbade après la modernisation de l’accord de 1946 avec le Royaume-Uni. Le Canada n’a pas été le seul pays à prendre cette décision. D’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Finlande, la Norvège et la Suède, ont également des conventions fiscales avec la Barbade.
Les dispositions de la convention Canada-Barbade ne sont pas très différentes de celles qui figurent dans les traités que ce pays a conclus avec les autres pays. Elles se fondent pour la plupart sur le modèle de convention fiscale de l’OCDE. Ces faits militent en faveur du maintien de la convention fiscale avec la Barbade. Les conventions de ce genre constituent le principal outil utilisé partout dans le monde pour éliminer les obstacles fiscaux au commerce et à l’investissement. Elles permettent de le faire en donnant aux contribuables une plus grande certitude quant aux impôts à payer dans un pays étranger. En effet, elles répartissent les droits d’imposition entre les deux pays de façon à éviter la double imposition des contribuables. Elles réduisent également les risques d’une imposition excessive pouvant découler des retenues d’impôt sur les revenus bruts élevés, et protège les contribuables contre une imposition discriminatoire à l’étranger.
 (1220)
Comme les conventions fiscales ont également pour objet de prévenir l’évasion fiscale, les échanges d’information entre les autorités fiscales des deux pays constituent un élément important de ces conventions. À cet égard, il y a lieu de noter que la Barbade se vante de sa transparence, de son respect de la primauté du droit, de sa réglementation et de ses contrôles financiers stricts ainsi que de ses échanges d’information avec des partenaires internationaux tels que le Canada, dans le cadre des conventions fiscales. Ces éléments jouent tous un rôle essentiel dans nos relations fiscales avec la Barbade.
J’ai déjà noté qu’en dépit de ce qu’on dit souvent, la Barbade n’est pas un paradis fiscal. L’OCDE est du même avis. L’OCDE a explicitement conclu que la Barbade ne compte pas parmi les pays qui suscitent des préoccupations en ce qui concerne la transparence et l’échange de renseignements. L’OCDE a recommandé aux pays membres de ne pas signer de conventions fiscales avec un certain nombre de pays, qui sont des paradis fiscaux notoires, mais n’a soulevé aucune difficulté au sujet des conventions fiscales avec la Barbade ou du fonctionnement des règles relatives à l’échange de renseignements qui figurent dans les conventions avec ce pays. Comme l’OCDE, nous croyons que la Barbade est un bon partenaire pour ce qui est de l’échange de renseignements fiscaux en vertu de la Convention. Nos autorités fiscales ont besoin de ces renseignements pour appliquer les lois canadiennes. L’absence d’une convention fiscale avec la Barbade nous aurait empêché d’avoir accès à ces renseignements.
Une question importante se pose : le recours à la convention fiscale Canada-Barbade a-t-il des incidences sur les impôts que les entreprises canadiennes versent au Canada sur leurs revenus étrangers? Il est évident que la convention a des incidences, mais ce n’est pas une particularité de la convention. Le Canada a plutôt un régime d’imposition des revenus d’affaires étrangers qui relient le traitement fiscal de ces revenus à l’existence d’une convention fiscale avec le pays où ils ont été gagnés. Ce régime de surplus exonéré n’est pas le seul choix que le Canada aurait pu faire lors de l’adoption du régime. Ainsi, beaucoup d’autres pays exonèrent simplement tous les revenus d’affaires étrangers sans égard à l’existence d’une convention fiscale ou d’autres dispositions. L’approche canadienne permet, lorsqu’une exemption est réclamée, d’obtenir en général de l’autre pays en cause des renseignements concernant le contribuable canadien, ce qui nous permet de mieux appliquer notre législation fiscale.
Que dire de l’évitement fiscal flagrant et de ce qu’on appelle le chalandage fiscal? Il n’y a pas de doute que les médias ont attiré l’attention du public sur des tentatives d’utiliser la convention pour éviter de payer des impôts. La vérificatrice générale a également signalé dans le passé que certains ont essayé, par exemple, de profiter de la convention fiscale Canada-Barbade pour réaliser des plans complexes conçus pour échapper à l’impôt canadien sur les gains de capital. L’Agence des douanes et du revenu du Canada a réglé d’une façon décisive le sort de tels plans, comme elle l’aurait fait en cas de recours abusif à n’importe quelle autre convention fiscale. Elle a pu ainsi récupérer des millions de dollars d’impôts.
En conclusion, monsieur le président, la convention fiscale Canada-Barbade sert les intérêts des entreprises canadiennes, aide les autorités fiscales du Canada et constitue un élément clé de nos relations de coopération de longue date avec la Barbade. Comme toutes les autres conventions fiscales signées par le Canada, elle intervient dans le régime que le Parlement a choisi d’appliquer pour le traitement fiscal des revenus d’affaires étrangers. Le Parlement peut toujours revenir sur son choix, mais celui-ci n’a rien de particulier dans le cas de la Barbade. Les recours abusifs à cette convention font l’objet des mêmes mesures que les recours abusifs à n’importe laquelle des 80 autres conventions fiscales que le Canada a signées.
Mon collègue, M. Brian Ernewein, qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, est responsable de ce service, est ici. Nous serons heureux de répondre à toute question que les membres du comité voudront nous poser.
Le président: Merci, monsieur Farber.
Monsieur Pallister, vous pouvez y aller.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Farber, pour votre exposé.
Indépendamment de la définition de paradis fiscal que vous voulez adopter, vous conviendrez, je l’espère, qu’il est tout à fait clair que des affaires douteuses se traitent à la Barbade, comme en témoignent les capitaux que des entreprises canadiennes transfèrent à la Barbade. Quelques chiffres nous ont été communiqués tout à l’heure, d’après lesquels le montant pour la Barbade s’élevait à 3,5 milliards de dollars en 1994 et a atteint l’année dernière... Connaissez-vous ce chiffre, monsieur?
M. Brian Ernewein (directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Je suppose que vous voulez parler de...
M. Brian Pallister: Je parle des investissements étrangers directs.
M. Brian Ernewein: D’accord.
Le total s’élève à... Je regrette, juste un instant, s’il vous plaît.
M. Len Farber: Pendant que M. Ernewein cherche ce chiffre, je voudrais dire, pour vous répondre, qu’il importe de placer la question dans son contexte, si je peux m’exprimer ainsi. Même si les investissements canadiens dans les centres financiers étrangers sont assez élevés—ils représentent environ 21 p. 100 de l’investissement direct total—, il est également intéressant de noter que cette proportion est très proche de ce qu’elle est aux États-Unis et au Royaume-Uni. Aux États-Unis, le chiffre correspondant est de 24 p. 100 de l’investissement direct total. Au Royaume-Uni, il est de 21 p. 100.
 (1225)
M. Brian Pallister: Il est clair que nous avons depuis longtemps d’importantes relations commerciales avec ces deux pays. Je crois cependant savoir que l’investissement étranger direct à destination de la Barbade représente maintenant plus de six fois le PIB du pays. Il est donc parfaitement clair que... Cessons donc de tourner autour du pot. Les gens ne paient pas autant d’impôts à la Barbade. Ils retirent de l’argent de l’économie canadienne pour le placer là-bas. Ce n’est pas vrai? N’est-il pas avantageux pour les sociétés canadiennes de le faire? Il est parfaitement clair, je crois, que les sociétés canadiennes le pensent, de même que les sociétés étrangères qui décident de s’établir là-bas.
Vous avez parlé de plans compliqués. Je vais vous décrire une transaction, et vous me direz s’il s’agit d’un plan et s'il est compliqué. C’est une transaction de financement avec double déduction. Dans mon exemple, une multinationale ayant son siège au Canada, comme CSL ou une autre, peut envoyer de l’argent à l’étranger en l’empruntant et en le transférant à une société américaine. Celle-ci, à son tour, le prête à sa filiale de la Barbade. La société américaine affiliée peut déduire l’intérêt qu’elle verse à la filiale barbadienne. Le transfert canadien étant également déductible d’impôt, il y a double déduction. Ensuite, l’argent va à la Barbade où les taux d’imposition sont presque nuls. Une fois ces transactions faites, l’argent peut être retransféré au Canada sous forme d’un dividende exonéré.
Certains trouvent peut-être cette opération complexe. Pour moi, elle paraît très simple. N’est-ce pas ainsi que ces transactions se font et que les capitaux circulent?
M. Brian Ernewein: Permettez-moi tout d’abord de m’excuser pour mon hésitation de tout à l’heure. J’essaie simplement de confirmer le chiffre de 24,7 milliards de dollars dans le rapport de la Bibliothèque du Parlement. Je connaissais le total cité dans ce rapport, mais pas le chiffre pour la Barbade. Le nombre que vous avez mentionné semble concorder avec ce que...
M. Brian Pallister: Le chiffre a augmenté de 16 fois en 14 ans.
M. Brian Ernewein: Oui, comme M. Farber l’a dit, cela concorde avec ce que nous savons de l’expérience des États-Unis et du Royaume-Uni...
M. Brian Pallister: Mais cela ne concorde pas du tout avec les chiffres des autres pays que vous connaissez.
M. Brian Ernewein: Je ne sais pas pour les autres pays, mais en ce qui concerne les États-Unis et le Royaume-Uni, le nombre total...
M. Brian Pallister: C’est beaucoup plus élevé que n’importe quel autre pays que vous connaissez. N’est-ce pas vrai?
M. Brian Ernewein: Non. Cela concorde tout à fait avec ce que les autres pays...
M. Brian Pallister: Vous avez parlé des États-Unis et du Royaume-Uni. Vous n'avez parlé d’aucun autre.
Le président: Monsieur Pallister, veuillez le laisser terminer.
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Laissez-le donc vous répondre.
M. Brian Pallister: Maria, si vous voulez diriger, vous devriez assumer la présidence.
L'hon. Maria Minna: Vous l’avez interrompu. Je pense donc que vous devez...
M. Brian Ernewein: Je m’excuse, ce n’était qu’un point de détail. Je disais simplement que, parmi les pays que je connais, les États-Unis et le Royaume-Uni, que j’ai mentionnés, représentent des exemples assez importants. La part canadienne des investissements étrangers à la Barbade et dans les autres centres financiers semble concorder avec celle de ces deux pays.
M. Brian Pallister: Soyons clairs. Dites-vous que l’investissement étranger direct du Canada à la Barbade n’a pas augmenté d’une façon exponentielle, beaucoup plus rapidement que les investissements directs faits par le Canada aux États-Unis et au Royaume-Uni? Est-ce bien ce que vous dites?
M. Brian Ernewein: Les investissements étrangers ont augmenté partout. Je ne crois pas que l’augmentation soit exponentielle, mais ils ont augmenté à un rythme plus rapide qu’à la Barbade et dans les autres pays.
M. Brian Pallister: Je viens de vous décrire un mécanisme permettant de déduire l’intérêt sur un revenu canadien et de transférer l’argent aux États-Unis. De toute évidence, votre argument appuie le mien.
Vous parlez des augmentations de l’investissement étranger direct qui seraient statistiquement nécessaires pour réaliser la double déduction que j’ai mentionnée. Est-ce exact?
M. Brian Ernewein: Je serais heureux d’en discuter. Je voulais répondre à votre première question.
M. Brian Pallister: Bien sûr, mais je ne veux pas laisser une fausse impression. Je ne voudrais pas qu’on puisse croire que parce que l’investissement va aux États-Unis et au Royaume-Uni, il n’y a pas d’avantage fiscal. C’est l’impression que pourraient avoir laissé vos observations.
M. Brian Ernewein: Non. Je voulais juste faire état des faits.
En ce qui concerne la transaction que vous avez décrite, je crois qu’elle est possible et qu’elle se fait à l’occasion. Une société canadienne chercherait à investir aux États-Unis par l’entremise de la Barbade, par exemple. Dans cet exemple, une société financée à la Barbade, qui prêterait l’argent à une entreprise américaine, pourrait réduire les impôts à verser aux États-Unis en réclamant une déduction pour l'intérêt sur le montant remboursé par les États-Unis à la Barbade. Il y a donc là une économie sur les impôts américains.
Ce revenu pourrait être réacheminé vers le Canada sans être imposé, à condition que l’entreprise américaine ait des liens avec les entreprises de la Barbade et du Canada.
 (1230)
M. Brian Pallister: Bien entendu, le comité s’intéresse au moins autant aux effets que cela peut avoir sur les impôts à payer au Canada. N’est-il pas vrai qu’au départ, l’argent retiré de la société qui a son siège au Canada serait également déductible aux fins de l’impôt?
M. Brian Ernewein: Si de l’argent emprunté a été utilisé pour donner du capital à la société intermédiaire, qui se trouve à la Barbade dans notre exemple, une déduction serait généralement possible au Canada.
M. Brian Pallister: Le comité technique sur la fiscalité des entreprises, qui a produit le rapport Mintz en 1994, avait estimé que le manque à gagner pour le Canada s’élevait à 3,5 milliards de dollars. Acceptez-vous cette estimation? Disposez-vous de chiffres très différents à ce sujet?
M. Brian Ernewein: Je ne saurais pas le dire. Je ne sais pas si je l’accepte ou non. Je n’ai pas examiné cela depuis assez longtemps.
M. Brian Pallister: Vous avez lu le rapport du comité technique, le rapport Mintz. Vous êtes au courant de ces assertions.
M. Brian Ernewein: Oui, mais je l’ai lu il y a bien des années.
M. Brian Pallister: Peu importe. Si le comité Mintz est à peu près exact, il y a de quoi s’inquiéter. Le rapport a été produit à un moment où les investissements étrangers directs n’atteignaient peut-être qu’un dixième de ce qu’ils sont aujourd’hui. En 1994, d’après les chiffres du comité, cette situation a réduit les recettes fiscales du Canada de 3,5 milliards de dollars. Votre ministère ne s’inquiète-t-il pas de la perte de recettes fiscales par suite de la déductibilité de l’intérêt et de l’utilisation de combines ou de règles qui existent aujourd’hui? Avez-vous fait des études pour déterminer à quel point cette situation réduit l’assiette fiscale au Canada? Cela peut imposer une charge fiscale plus lourde aux autres membres de la société, par rapport aux entreprises qui profitent de ces règles.
M. Brian Ernewein: Je ne suis pas en mesure de répondre à la question relative aux recettes estimatives. Je tiens à dire très clairement que je ne peux ni confirmer ni infirmer cela.
Quant à la décomposition de la transaction dont nous avons parlé, la déduction de l’intérêt serait possible au Canada si des fonds étrangers ont servi à constituer le capital de la société intermédiaire. Dans notre exemple, il y a une déduction des intérêts aux États-Unis.
La première question était de savoir s’il y a lieu de s’inquiéter de la déduction des intérêts aux États-Unis. Beaucoup diraient que nous ne devrions pas nous soucier de cela.
M. Brian Pallister: Ce n’était pas ma question.
M. Brian Ernewein: Non, mais je voudrais donner une réponse complète. Quant à l’intérêt déduit au Canada, la question est de savoir ce qui se produirait en l’absence d’une structure de ce genre. La société aurait-elle emprunté au Canada de toute façon pour prêter l’argent aux États-Unis ou pour constituer le capital de la société américaine? Si elle empruntait au Canada rien que pour constituer le capital de la société américaine, au lieu de procéder à la transaction dont nous avons parlé, il y aurait quand même déduction d’intérêts au Canada, et les États-Unis auraient des recettes fiscales plus importantes. Sur le plan de la politique, la question est de savoir si cela est dans notre intérêt.
Enfin, si l’argent avait été emprunté au Canada et que nous sommes opposés à la déduction de l’intérêt pour fins d’investissement dans des filiales étrangères, il y aurait une question de politique liée à la compétitivité des entreprises canadiennes. Il est raisonnable de chercher à déterminer s’il est avantageux d’imposer des limites sur la déductibilité des intérêts dans de telles circonstances. Il y a aussi la question de la façon de procéder.
Le comité Mintz, si je m’en souviens, avait abordé la question et exprimé l’opinion qu’on pourrait envisager de telles limites. Il faudrait à cette fin établir un mécanisme de suivi pour empêcher l’intérêt sur des fonds ayant servi à constituer le capital de filiales étrangères d’être déductible au Canada. Une telle approche aurait des avantages et des inconvénients. L’inconvénient technique, à part la question de la compétitivité, est qu'une approche de suivi peut mener à des problèmes de mise en oeuvre. Nous pourrions aboutir à une situation dans laquelle les sociétés garderaient tout le comptant tiré de leurs opérations au Canada afin d’utiliser des fonds gratuits pour constituer du capital à l’étranger. Ensuite, elles emprunteraient de l’argent pour les transactions directes au Canada. Les sociétés n’auraient donc qu'à mettre de côté leur comptant pour éviter de dépasser les limites de l’intérêt déductible.
Pour contrer de telles opérations, certains ont proposé la méthode de consolidation. Je crois que les États-Unis recourent dans une certaine mesure à cette approche. Dans cette méthode, on ne s’occupe pas des diverses destinations de l’argent. On considère plutôt l’ensemble des opérations, on en prend une partie dans laquelle on compare la dette à l’actif total et on rejette les déductions d'intérêts pour les éléments d’actifs investis dans une filiale étrangère. On empêche ainsi les sociétés de mettre de côté leur comptant, mais on crée d’autres problèmes.
Supposons qu’une société canadienne ait un milliard de dollars investis au Canada et un milliard de dollars investis à l’étranger. Pour simplifier l’exemple, nous supposerons qu’il n’y a pas de dette. La société canadienne décide de consacrer un autre milliard de dollars à l’augmentation de ses investissements au Canada. Elle emprunte donc ce montant pour le faire. L’un des effets de la consolidation est que la société n’obtient pas la pleine déduction de l’intérêt sur l’emprunt, même si celui-ci doit servir exclusivement au Canada. Dans l’approche fondée sur une formule, un tiers de l’actif, c’est-à-dire un milliard de dollars sur un total de 3 milliards, serait considéré comme étranger. Ce système empêcherait donc de déduire l’intérêt sur un tiers de l’emprunt en dépit du fait que celui-ci sert strictement au Canada.
Je m’excuse de la longueur de ma réponse, mais il est raisonnable d’examiner de près l’opportunité d’imposer ou de ne pas imposer de limites sur la déductibilité de l’intérêt. Il y a aussi une question de niveau supérieur qui se pose dans ce cas, celle de la compétitivité des sociétés canadiennes, sans compter le problème technique à résoudre si l’on décide d’aller de l’avant indépendamment des questions de compétitivité.
 (1235)
Le président: Merci, monsieur Ernewein.
Monsieur Côté, puis monsieur Bell.
[Français]
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci pour vos présentations.
On a beaucoup parlé du niveau d'investissement des entreprises canadiennes à la Barbade. Au moment où on se parle, combien d'entreprises ont une filiale à la Barbade?
[Traduction]
M. Len Farber: Je regrette, monsieur le président, nous ne connaissons pas le nombre exact des multinationales canadiennes qui ont des filiales à la Barbade.
[Français]
M. Guy Côté: Cela ne pose pas de problème, c'est une question que je me posais, en fait.
Si je comprends bien, jusqu'au milieu des années 1990, la Loi de l'impôt sur le revenu faisait mention d'un certain nombre de pays où les entreprises pouvaient avoir une filiale et rapatrier des profits sans qu'ils ne soient soumis au fisc. À la suite de critiques du vérificateur général de l'époque, ces dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été abolies, et la convention fiscale entre le Canada et la Barbade a pris une importance qu'elle n'avait peut-être pas eue jusque-là.
Mon analyse est-elle exacte?
[Traduction]
M. Len Farber: Monsieur le président, je ne saurais pas dire si le député a tort ou raison de penser ainsi. À ce moment-là, nous avions un système différent à l’égard des pays qui pouvaient rapatrier un surplus exonéré ou des dividendes sans avoir à payer de l’impôt.
Auparavant, nous avions une liste, comprenant les pays avec lesquels nous avions une convention fiscale, les pays avec qui nous avions signé une telle convention, sans qu'elle soit encore ratifiée, et les pays inscrits sur la liste pour des impératifs politiques, afin de les amener à discuter avec nous.
Au moment dont vous parlez, la réglementation a été modifiée, de sorte que la liste a disparu et que nous n’avons plus eu affaire qu’aux pays avec lesquels nous avions une convention fiscale. Il y a eu certaines modifications relatives à ces pays. Nous avons introduit un critère de résidence pour déterminer si les personnes en cause sont résidentes aux fins tant de la convention que des lois canadiennes. La question de savoir si cela en soi a créé un environnement qui favorise la Barbade relève de la conjecture. Bien sûr, en ce qui concerne les pays qui figuraient auparavant sur la liste—il y a en effet une liste que j’ai ici—, comme le Libéria... Mais dans ce contexte, il est très possible que certains pays aient cherché d’autres endroits pour y établir des opérations.
 (1240)
[Français]
M. Guy Côté: En vertu de cette convention fiscale, les conditions afin que des entreprises puissent rapatrier des profits tout en bénéficiant d'exemptions d'impôt sont quand même encadrées. Quelles sont les conditions qu'une entreprise doit remplir afin de pouvoir profiter de cet avantage fiscal?
[Traduction]
M. Brian Ernewein: Les conditions sont principalement que les bénéfices doivent provenir d’une entreprise active, cette expression étant définie dans les règles relatives aux filiales étrangères. De plus, le revenu doit être produit par une société établie en un lieu où s’applique la convention. Si ces conditions sont remplies, le revenu est assujetti non à l’impôt canadien, mais à celui de l’autre pays. La part des revenus répartis qui vient au Canada est exemptée d’impôt ou exonérée. Il s’agit alors de ce qu’on appelle le surplus exonéré.
[Français]
M. Guy Côté: D'accord.
Est-il exact de dire qu'en vertu de cette convention, les entreprises bénéficiant déjà d'un statut bonifié à la Barbade sont exclues de cette possibilité de rapatrier leurs profits sans devoir payer des impôts, qu'elles ne doivent pas déjà bénéficier d'un traitement particulier dans le cadre du système fiscal de la Barbade? Est-ce exact?
[Traduction]
M. Brian Ernewein: Non, je ne crois pas. Pour bénéficier du surplus exonéré, il suffit, aux termes de la convention fiscale conclue avec la Barbade et de nos autres conventions, que l’entreprise soit résidente du pays en cause. Je crois que vous parlez des IBC ou sociétés commerciales internationales. La convention n’accorde pas d’avantages aux IBC résidentes, mais si celles-ci rapatrient des bénéfices au Canada. Les bénéfices font l’objet du même traitement que les profits distribués par une société barbadienne, ou par n’importe quelle autre société d’un pays couvert par une convention fiscale, à sa société mère canadienne.
[Français]
M. Guy Côté: Mais n'est-il pas exact de dire que ce dont vous venez de parler n'est pas dans la Convention fiscale entre le Canada et la Barbade, mais plutôt dans le Règlement de l'impôt sur le revenu? Ce n'est pas dans la convention fiscale.
[Traduction]
M. Brian Ernewein: Comme la plupart des conventions conclues avant les cinq ou six dernières années, la convention fiscale avec la Barbade—mais ce n’est pas le cas de toutes nos conventions—comprend une garantie du régime de surplus exonéré. C’est donc la convention elle-même qui garantit aux sociétés résidentes de la Barbade la possibilité de rapatrier leurs bénéfices au Canada sans avoir à payer d’impôts.
Je crois que vous parlez d’une disposition du Règlement de l’impôt sur le revenu, paragraphe 5907(11.2), qui préserve le même traitement. Toutefois, avec ou sans cette disposition, les bénéfices rapatriés sont exonérés.
[Français]
M. Guy Côté: Je vous cède le temps qu'il me reste.
Le président: Monsieur Loubier, votre temps est déjà écoulé
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'aimerais seulement poser une dernière question, monsieur le président.
Le président: Non.
M. Yvan Loubier: Avez-vous déjà eu des pressions d'entreprises pour accepter une réglementation...
[Traduction]
Le président: Monsieur Bell.
[Français]
Nous aurons un deuxième tour, monsieur Loubier.
[Traduction]
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Je vous remercie.
J’ai une question qui fait suite à cette affaire de garanties et d’exonération ainsi qu’à l’alinéa 5907(11.2)c), la disposition de continuité, qui établit une interprétation antérieure au critère de résidence introduit en 1995. Cela s’applique-t-il seulement aux sociétés qui avaient des ententes antérieures ou à toutes les sociétés, le pays lui-même étant exempté? En d’autres termes, est-ce une disposition de droits acquis pour les sociétés ou pour les relations?
M. Brian Ernewein: Cette disposition a deux aspects. D’abord, comme l’a dit M. Farber, la disposition générale accorde le régime de surplus exonéré si une convention fiscale est déjà en place. Il ne suffit pas qu’une convention soit envisagée ou attendue dans un certain temps. Il faut qu’elle soit déjà en vigueur. Ensuite, la société qui rapatrie des bénéfices doit être résidente du pays avec lequel le traité a été signé.
De plus, d’après le Règlement, si une entreprise perd son statut par suite de l’application de ce critère, aux termes d’une exclusion prévue dans une convention particulière, ce statut est préservé tant que le traité demeure en vigueur—je crois que c’est à partir de 1994—et ne fait pas l’objet de modifications. Par conséquent, l’alinéa 5907(11.2)c) définit les conditions dans lesquelles une entreprise peut se prévaloir du surplus exonéré et confirme les droits acquis en vertu de traités antérieurs.
 (1245)
M. Don Bell: Ainsi, cela ne s’applique pas aux nouveaux arrangements, qu’il s’agisse de nouvelles conventions ou de modification à des conventions existantes. Nous ne garantissons donc pas le surplus exonéré? C’est seulement dans les traités antérieurs?
M. Brian Ernewein: C’est exact. Depuis plusieurs années, nous avons cessé de garantir le surplus exonéré dans les conventions elles-mêmes. Nous avions l’habitude de le faire auparavant. La garantie était considérée comme un encouragement à signer une convention avec le Canada et assurait aux entreprises une plus grande certitude, mais nous avons jugé qu’il n’était pas nécessaire de nous engager dans le cadre du processus de négociation des conventions.
Le fait de ne pas inscrire la garantie dans les conventions ne change rien directement parce que le surplus exonéré est garanti par la Loi et le Règlement de l’impôt sur le revenu lorsqu’une convention fiscale est en vigueur. Toutefois, comme la garantie ne figure plus dans les nouvelles conventions, une fois que nous aurons retiré la garantie des conventions existantes, le gouvernement et le Parlement pourront envisager de modifier le régime du surplus exonéré s’ils le souhaitent. Nous ne signalons pas vraiment l’intention d’apporter des changements. Nous modifions simplement le contexte ou l’environnement dans lequel des changements peuvent être envisagés.
M. Don Bell: Monsieur Farber, vous avez dit que la Barbade n’est pas un paradis fiscal. Le rapport 2000 de l’OCDE dit le contraire. Je crois qu’il en énumérait trois : la Barbade, Chypre et Malte. Dans un rapport ultérieur, l’OCDE définissait, je pense, deux genres de paradis fiscaux, ceux qui ne coopéraient pas et ceux qui coopéraient. Comme vous l’avez mentionné, la Barbade est passée du premier groupe au second en faisant preuve d’une plus grande transparence. Il reste quand même cinq endroits qui n’ont pas cette transparence : l’Andorre, la Libye, le Liechtenstein, les îles Marshall et Monaco.
J’ai une question à vous poser. On suppose, je crois, que le Canada perd un certain montant parce que des sociétés investissent à la Barbade ou y délocalisent leurs opérations. Est-il raisonnable de dire que cet argent est perdu pour le Canada? Si la société n’avait pas trouvé avantageux de s’établir à la Barbade, n’aurait-elle pas tout simplement choisi de s’installer dans l’un des cinq pays qui ne coopèrent pas ou même dans l’un des pays qui coopèrent, mais qui n’en sont pas moins des paradis fiscaux à cause de l’écart entre les taux d’imposition? N’est-ce pas là le but recherché en s’établissant dans ces pays?
M. Brian Ernewein: C’est le principe même de ce que vous appelez un paradis fiscal. Dans la mesure où les sociétés canadiennes investissent à l’étranger ou investissent à la Barbade, d’après les statistiques que vous venez de mentionner, si elles ne pouvaient plus le faire, elles iraient probablement investir ailleurs. Tout ce qu’on pourrait faire dans ce contexte nuirait à la Barbade, comme pays. Mais, en soi, les mesures prises ne garantiraient pas une augmentation des recettes fiscales du Canada.
M. Don Bell: C’est exactement ce que j’essayais de démontrer.
M. Brian Ernewein: Elles pourraient fort bien aller dans l'un des cinq pays que vous avez énumérés ou encore dans un autre pays, selon l’endroit où elles veulent exercer leur influence économique et faire des affaires.
M. Don Bell: On a parlé dans le passé d’un autre pays dans ce contexte, l’Irlande, n’est-ce pas? Il y avait des avantages fiscaux en Irlande. Je sais qu’une foule de sociétés voulaient s’y établir à cause de ces avantages.
M. Brian Ernewein: C’est exact. Je crois que l’Irlande a établi un régime fiscal qui assure aux sociétés des taux d’imposition très bas, mais c’était un régime convergent, en ce sens qu’il traitait les sociétés nationales et étrangères sur un pied d’égalité, les deux catégories bénéficiant de taux d’imposition très faibles.
M. Don Bell: Pour ce qui est des investissements canadiens à l’étranger, je crois que la Barbade a un total de 24,7 milliards de dollars. L’Irlande en a environ 18 milliards. Par conséquent, beaucoup de capitaux canadiens vont également en Irlande.
 (1250)
M. Brian Ernewein: Je n’ai pas ces chiffres, mais, oui, il y a des sociétés canadiennes qui investissent en Irlande aussi.
Encore une fois, cela dépend de l’endroit où elles veulent s’établir pour faire des affaires dans un certain environnement. Les entreprises qui veulent desservir le marché européen vont naturellement s’établir en Irlande. Pour celles qui veulent desservir la région des Antilles, ce serait plus difficile à partir de l’Irlande. La Barbade ou un autre pays des Caraïbes serait nettement préférable. On trouve même dans la région des pays qui ne perçoivent aucun impôt.
M. Don Bell: Nous avons entendu parler des banques canadiennes. D’après ce que j’ai vu, les deux tiers d’entre elles ont placé leurs investissements étrangers et directs dans ces centres financiers internationaux. Je savais que même si elles pouvaient obtenir des avantages fiscaux, c’était en quelque sorte limité. Il y a bien des exceptions... mais ordinairement, elles réalisent des bénéfices. Est-ce la Banque de la Nouvelle-Écosse qui a perdu beaucoup d’argent en Argentine, par exemple? Ces pertes ne peuvent pas être rapatriées, si elles ont été réalisées dans le pays, n’est-ce pas?
M. Len Farber: Si les bénéfices sont exonérés, les pertes le sont aussi.
M. Brian Ernewein: Oui, si les bénéfices sont exonérés, les pertes le sont aussi.
M. Don Bell: Ainsi, le risque ou l’avantage se situe dans le pays en cause.
M. Len Farber: C’est exact.
Le président: Merci, monsieur Bell.
Monsieur Pallister.
M. Brian Pallister: Bien sûr, si vous n’avez pas à payer d’impôts, vos chances de réaliser un bénéfice augmentent d’un cran.
En décembre 2002, la vérificatrice générale a dit que l’économie canadienne perd chaque année 1,5 milliard de dollars d’impôts à cause de la convention fiscale signée avec la Barbade. Elle a demandé une modification des règles applicables pour protéger l’intégrité de l’assiette fiscale. Le premier ministre a promis de resserrer le Règlement pour endiguer le flux de dividendes exonérés rapatriés au Canada par les filiales étrangères, mais il a maintenu l’échappatoire barbadienne et, comme nous le savons bien, sa propre société est allée s’établir à la Barbade.
Le rapport Mintz dit à peu près la même chose : l’intégrité de l’assiette fiscale est en jeu. Cette situation provoque une érosion de l’assiette fiscale, qui peut imposer d’augmenter les impôts des autres contribuables ou de réduire les dépenses publiques.
Je suis curieux de savoir si le ministère a fait des travaux à ce sujet. A-t-il réalisé des études depuis que le comité Mintz a examiné la fiscalité étrangère—pas seulement les paradis fiscaux—dans les domaines dont nous avons parlé aujourd’hui, et notamment le rapatriement des dividendes et la déductibilité aux fins de l’impôt? Le ministère a-t-il étudié ces questions depuis la publication du rapport Mintz?
M. Len Farber: Monsieur le président, depuis le rapport Mintz et le rapport de la vérificatrice générale que le député a mentionné, tout ce domaine fait constamment l’objet d’examens. Nous révisons et modifions constamment la Loi de l’impôt sur le revenu.
Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui s’est fait depuis ce moment. Depuis 1995, de nombreuses modifications ont été apportées aux règles relatives au revenu étranger accumulé tiré de biens, de façon à protéger l’assiette fiscale canadienne contre l’érosion causée par le transfert à l’étranger de revenus hors exploitation par des résidents canadiens.
M. Brian Pallister: Monsieur, en vérité, je ne vous ai pas posé de question à ce sujet. Je vous ai cependant demandé de me parler de la déductibilité aux fins de l’impôt et du rapatriement des dividendes. Je vous ai posé une question précise. Le ministère a-t-il réalisé des études sur ces questions depuis la parution du rapport Mintz? Je voudrais juste avoir une réponse précise. Vous savez que nous avons des contraintes de temps dans les comités.
M. Len Farber: Je croyais, monsieur le président, que le député s’intéresserait aux différentes modifications apportées pour consolider l’assiette fiscale et éviter qu’elle ne soit atteinte par des opérations douteuses.
M. Brian Pallister: Je m’intéresse aux questions que je vous ai posées, monsieur Farber.
M. Len Farber: Si vous voulez bien me donner la possibilité de répondre, je dirai que nous n’avons pas fait de vraies études à publier. C’est un domaine qui fait l’objet d’examens constants. Si je me souviens bien, presque chacun des budgets déposés au Parlement depuis 1992 prévoyait des modifications aux règles concernant les filiales étrangères et les biens détenus à l’étranger afin de consolider et de protéger l’assiette fiscale canadienne.
M. Brian Pallister: Merci, monsieur Farber. C’était bien l’objet de ma question.
Vous avez dit qu’aucune étude n’a été publiée. Le ministère a-t-il cependant réalisé des études internes que le comité pourrait trouver utiles? Y a-t-il des raisons pour lesquelles ces études ne doivent pas être rendues publiques?
 (1255)
M. Len Farber: Cela dépend de la façon de définir une étude. Nous étudions constamment les différentes dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Nous avons constamment des discussions avec nos collègues de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et du ministère de la Justice au sujet de questions précises qu’ils ont soumises à une vérification ou que la Justice défend devant les tribunaux. Dans ce contexte, nous faisons une étude interne de ces questions pour déterminer les amendements à proposer afin de protéger l’assiette fiscale canadienne et de la consolider dans la mesure du possible. Comme je l’ai mentionné, de nombreuses modifications ont été proposées dans chacun des budgets déposés depuis 1992.
M. Brian Pallister: Monsieur Farber, puisque vous avez eu de nombreuses discussions avec d’autres ministères et organismes, pouvez-vous répondre maintenant à ma première question? Vous n’y avez répondu que d’une façon générale. Avez-vous eu des discussions précisément sur les questions de la déductibilité de l’intérêt et du rapatriement exonéré des dividendes?
M. Len Farber: Oui, nous avons des discussions constantes à ce sujet. De toute évidence, comme dans l’exemple que M. Ernewein vous a donné, il n’y a pas de solution évidente qui soit sensiblement meilleure que ce qui figure actuellement dans la Loi de l’impôt sur le revenu.
M. Brian Pallister: Vous dites donc que, par suite de vos discussions, vous avez abouti à la conclusion qu’il n’y a pas de solution qui soit préférable au statu quo en ce qui a trait à ces deux questions.
Par ailleurs, si je peux vous le demander...
M. Len Farber: Vous ne pouvez pas vraiment dire que nous avons abouti à des conclusions. Je n’ai pas dit cela.
M. Brian Pallister: Oui, vous l’avez bien dit, monsieur...
Le président: Très bien, monsieur Pallister...
M. Len Farber: Je regrette, mais je n’ai pas dit que nous avons abouti à des conclusions. J’ai dit qu’il y avait des discussions constantes.
Le président: Très bien, je vous remercie, monsieur Pallister.
À vous, monsieur Loubier. Ce sera ensuite au tour de Mme Wasylycia-Leis et de M. Hubbard.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
J'aimerais aussi obtenir des réponses courtes, parce que je m'interroge au sujet de la séquence de certains événements qui sont survenus depuis 1992. Je pense qu'on en a souvent parlé, monsieur Farber, mais on n'a jamais tout à fait vidé cette question. J'aimerais obtenir des réponses courtes et vraies aujourd'hui.
L'histoire est la suivante. À partir de 1992, des pressions viennent de part et d'autre pour que le gouvernement bouche les trous de sa fiscalité, en particulier en ce qui a trait à ses relations avec les paradis fiscaux. Le vérificateur général de l'époque avait écrit dans son rapport de 1992, si ma mémoire est bonne, que le gouvernement subissait des pertes fiscales énormes à cause des dispositions de certaines conventions fiscales, mais surtout à cause d'une liste de pays privilégiés où les entreprises étaient protégées d'une double imposition. Si un pays considéré comme un paradis fiscal avait un impôt minime, lorsque les profits se trouvant dans ce pays étaient rapatriés au Canada, un impôt était chargé.
À ce moment-là, M. Martin était pressenti pour être ministre des Finances. Il avait pris l'engagement, en campagne électorale, d'éliminer les relations avec les paradis fiscaux et de protéger l'assiette fiscale fédérale. Il a annoncé, dès son premier discours sur le budget en 1994, qu'il éliminait justement la liste des pays avec lesquels on entretenait des liens privilégiés et qui étaient considérés comme des paradis fiscaux. Dorénavant, les entreprises seraient protégées en vertu de conventions fiscales. On en avait une avec la Barbade; on l'a gardée. Cependant, des gens et des entreprises qui avaient des filiales dans des pays considérés comme des paradis fiscaux ont commencé à s'inquiéter, en particulier ceux et celles qui avaient des filiales à la Barbade, puisque c'est là que se retrouvent la plupart des capitaux sortis pas des Canadiens pour les mettre dans des pays considérés comme des paradis fiscaux.
Je vous pose ma première question. Avez-vous subi des pressions d'entreprises lorsque M. Martin, en 1994, a éliminé cette liste de pays considérés comme des paradis fiscaux et qu'il s'est rabattu sur des traités pour voir les conditions de taxation des entreprises? Votre ministère et le ministre en poste à cette époque ont-ils subi des pressions d'entreprises qui s'inquiétaient de l'élimination de cette liste?
[Traduction]
M. Len Farber: M. Loubier nous a demandé de donner des réponses courtes. La seule réponse courte que je puisse lui donner, c’est non. Conformément à ce que j’ai dit plus tôt, nous avons examiné à ce moment les pays de la liste pour essayer de réviser la politique. Ces pays comprenaient alors ceux avec qui nous avions signé une convention fiscale, ceux avec qui nous n’avions pas signé une convention ainsi que les pays avec lesquels nous espérions signer une convention.
· (1300)
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Farber, avez-vous subi des pressions d'entreprises canadiennes ayant des filiales à l'étranger, en particulier à la Barbade, pour que vous les protégiez parce que l'élimination de cette liste entraînait une espèce de flou sur le plan de la fiscalité les concernant? Avez-vous subi des pressions ou eu des représentations, oui ou non, à la suite de l'élimination de cette liste?
[Traduction]
M. Len Farber: Je crois qu’il est raisonnable de dire qu’une fois la liste détruite, il y avait une ambiguïté, comme l’a dit M. Loubier. La question était donc que savoir comment lever cette ambiguïté. Les spécialistes de la fiscalité ne savaient pas vraiment si le surplus exonéré en provenance d’un pays comme la Barbade pouvait être maintenu parce que, d’une part, le règlement dont vous avez parlé disait qu’on ne pouvait pas le faire...
Si vous voulez bien me laisser finir...
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Farber, vous avez donc eu des pressions d'entreprises.
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson (Peace River, PCC)): Monsieur Loubier, je crois que M. Ernewein voulait aussi intervenir.
[Français]
M. Yvan Loubier: D'accord, mais je n'ai pas vidé la première question.
Avez-vous eu des pressions d'entreprises pour faire en sorte que des entreprises qui avaient des filiales à la Barbade, notamment, et qui anciennement ne payaient pas leurs impôts au Canada puissent continuer à bénéficier d'un régime favorable comme celui-là?
[Traduction]
M. Brian Ernewein: Je crois que je peux vous répondre d’une façon assez précise. La proposition faite dans le budget 1994 avait pour objet de nettoyer les règles relatives aux filiales étrangères et de s’assurer que la liste des pays bénéficiant du régime du surplus exonéré correspondait à la liste des pays avec lesquels nous avions signé des conventions fiscales. De plus, nous voulions êtres certains que les sociétés en cause étaient bien résidentes de l’autre pays, aussi bien pour nous que pour l’autre pays. La façon dont cela a été exprimé dans le projet de règlement a été interprétée par certains comme une ingérence dans les affaires de ces autres pays.
Si je pouvais juste terminer...
[Français]
M. Yvan Loubier: Je comprends tout cela, monsieur, mais ce n'est pas ce que je veux savoir.
Est-ce que votre réponse a été d'adopter...
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson): Monsieur Loubier, vous allez devoir attendre le prochain tour de table. Votre temps de parole est écoulé.
Madame Wasylycia-Leis.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'ai seulement une dernière petite question, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson): Au prochain tour de table, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Est-ce que votre réponse est le règlement relatif à l'article XXX de la Convention fiscale entre le Canada et la Barbade? Est-ce que c'est la réponse que vous avez donnée aux entreprises qui s'inquiétaient de pouvoir, oui ou non, continuer à bénéficier d'un régime fiscal préférentiel, c'est-à-dire ne pas payer d'impôts au gouvernement fédéral et continuer à payer un impôt minime au gouvernement de la Barbade? La Convention fiscale entre le Canada et le Barbade....
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson): Monsieur Loubier, nous allons demander au témoin de répondre brièvement, puis nous passerons à Mme Wasylycia-Leis.
M. Brian Ernewein: Non, j’allais dire que l’intention du règlement de 1994 n’était pas d’intervenir dans les affaires des pays avec lesquels nous avions signé une convention fiscale. Le règlement révisé a clairement établi que ce n’était pas notre intention.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Je vous remercie.
Madame Wasylycia-Leis, vous avez cinq minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Comme je n’ai pas fait le premier tour de table, je pourrais peut-être avoir sept minutes. Non? Tant pis.
Merci, monsieur le président. Je remercie également nos témoins.
Je voudrais d’abord revenir aux questions posées plus tôt sur les rapports de la vérificatrice générale. À ma connaissance, il y a eu un rapport en 2001 et un autre en 2002. Le premier disait qu’il était nécessaire d’enquêter sur la situation créée par la convention fiscale Canada-Barbade. Je crois qu’à l’époque, le ministère avait répondu qu’il continuerait à se montrer vigilant. En 2002, la vérificatrice générale a dit que les avantages fiscaux accordés aux filiales étrangères avaient affaibli l’assiette fiscale canadienne, privant le Canada de centaines de millions de dollars de recettes fiscales. Cette fois, le ministère a dit que le système était constamment revu.
Je me pose donc la même question que les autres. Nous avons reçu beaucoup de renseignements de la vérificatrice générale et on a fait beaucoup de publicité au sujet de l’argent qui aurait pu être investi au Canada. Vous avez dit que des mesures ont été prises, mais au lieu de constater un ralentissement des investissements qui partent à destination des paradis fiscaux, nous sommes témoins d’une accélération de la tendance. Nous nous attendions au moins à un certain ralentissement ou à d’autres effets attribuables aux modifications apportées. D’après le dernier rapport de Statistique Canada, entre 1990, date à laquelle nous avons commencé à introduire ces modifications, et 2003, les montants envoyés dans les paradis fiscaux sont passés de 1,1 milliard de dollars à 88 milliards, et rien n’indique que le mouvement se ralentit.
Nous aimerions donc savoir quelles modifications précises étaient censées être efficaces, mais ne l’ont pas été ou encore quelles modifications utiles vous envisagez d’apporter. Nous avons beaucoup de difficulté à garder les investissements au Canada et à attirer de nouveaux investissements. Je ne crois pas que la solution réside dans de nouvelles concessions fiscales aux sociétés. Même les conservateurs et les bloquistes en conviendront avec moi. Pendant que les concessions fiscales augmentaient dans la dernière décennie et que les bénéfices des sociétés s’accroissaient, les investissements diminuaient. Il y a d’autres facteurs en jeu auxquels il faudrait s’attaquer. Je crois que nous avons tous hâte de savoir ce que le ministère envisage pour garder l’argent au Canada.
· (1305)
M. Brian Ernewein: Tout d’abord, il faut reconnaître que nous avons réagi aux préoccupations exprimées par la vérificatrice générale et d’autres. Par exemple, une importante série de modifications des règles relatives aux filiales étrangères a été proposée en 1994. Ces modifications étaient comprises dans le règlement dont nous avons parlé avec M. Loubier. Pour ce qui est du régime des filiales étrangères en particulier, des changements de l’article 17 de la Loi ont été inclus dans le budget de 1998, au sujet des investissements des sociétés canadiennes acheminés par leurs filiales étrangères à l’extérieur du groupe de contrôle canadien.
Nous avons également publié en 2002 des projets de changements au régime des filiales étrangères, qui devaient resserrer le système pour empêcher la production de surplus exonérés sur des transactions internes. Nous travaillons continuellement pour développer ce système.
J’ai déjà parlé des observations de la vérificatrice générale relatives à la déductibilité de l’intérêt. Les arguments à cet égard vont dans les deux sens. La question la plus fondamentale que la vérificatrice générale soulève a trait au régime du surplus exonéré : faut-il respecter le régime fiscal de l’autre pays et nous abstenir de percevoir d’autres impôts ou bien faut-il imposer le revenu en accordant un crédit correspondant à l’impôt étranger prélevé une fois que ce revenu est rapatrié au Canada?
Chacune des deux formules a des avantages et des inconvénients. L’avantage est qu’on neutralise l’impôt payable du point de vue canadien en imposant les bénéfices rapatriés. L’inconvénient est qu’on réduit la compétitivité de nos entreprises. Il y a aussi un inconvénient accessoire dont les États-Unis ont commencé à se rendre compte dernièrement : si on se propose d’imposer les bénéfices rapatriés, les gens cessent de rapatrier les bénéfices.
Reconnaissant cette situation, les États-Unis ont décidé, dans leur récent U.S.A. Jobs Protection Act, de réduire le taux d’imposition du revenu rapatrié, afin d’encourager le rapatriement de ce revenu pour qu’il soit réinvesti dans le pays et peut-être distribué aux actionnaires pour engendrer des impôts à ce niveau.
Sur ce point particulier, je ne suis pas sûr qu’il y ait entente sur l’approche fondamentale de la vérificatrice générale, qui recommande de remplacer l’exonération par un système de crédit, mais je crois que cette décision devrait être laissée au gouvernement et au Parlement.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Vous pouvez poser une seule autre question, madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais plutôt poser deux brèves questions.
Indépendamment de ce que vous venez de dire, nous avons certainement l’impression que le ministère des Finances a tendance à se soucier des intérêts des grandes sociétés qui sont à la recherche d’échappatoires. L’expérience de l’affaire dite Project Loophole et des 2 milliards de dollars qu’une famille bien connue a emportés à l’étranger et qui ont fait l’objet d’une décision de la Cour suprême témoignent du fait qu’il a fallu que l’affaire aille jusque-là pour que le ministère en prenne note et change son fusil d’épaule. Même si George Harris n’a pas gagné devant la Cour suprême, celle-ci a transmis un message énergique au ministère. C’est l’une des questions.
La seconde est la suivante : pourquoi ne mettez-vous simplement pas fin à cet arrangement spécial avec la Barbade? Nous parlons de relations entre deux pays qui ne sont pas égaux. Nous parlons du recours à la Barbade à des fins d’évasion fiscale. Pourquoi ne pas mettre fin à cet arrangement?
Le vice-président (M. Charlie Penson): Il est temps que les témoins répondent.
M. Brian Ernewein: Sans aborder la question de l’identité du contribuable ou de la fiducie en cause, le gouvernement a en fait agi en 1996, avant le déclenchement du litige, pour resserrer les règles relatives à la migration et s’assurer que les personnes et les fiducies qui s’apprêtent à quitter le Canada sont assujetties à l’impôt de départ. Je crois que le gouvernement est assez réceptif.
En ce qui concerne cette question particulière, il est vrai que le ministère a cherché, dans sa réponse au Bureau du vérificateur général, aussi bien en 1992 qu’en 2002, à expliquer—pas à défendre ou à critiquer—les facteurs qui militent en faveur d’un régime de surplus exonéré pour les bénéfices d’affaires réalisés à l’étranger. Cela fait partie de mon rôle de fonctionnaire. Si le Parlement choisit d’emprunter une voie différente, nous chercherions à l’informer des effets possibles de ce choix. C’est ce que j’ai essayé d’expliquer plus tôt.
· (1310)
Le vice-président (M. Charlie Penson): Merci, monsieur Ernewein. Nous aurons peut-être l’occasion de revenir là-dessus plus tard.
Monsieur Hubbard, vous avez cinq minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.
J’ai l’impression que les choses restent pour nous aussi confuses ce matin qu’elles le sont pour la plupart des Canadiens parce qu’il y a beaucoup de frustration et d’anxiété. Beaucoup de gens croient que les grandes sociétés peuvent échapper au fisc et que dans le pays, la plus grande partie des impôts perçus vient des salariés qui reçoivent un chèque hebdomadaire ou mensuel.
Pour en revenir à ce que M. Pallister a demandé tout à l’heure, est-ce qu’une société canadienne ayant son siège de Toronto peut établir un bureau à Boston et envoyer là de l’argent emprunté au Canada, puis déduire cet argent de son revenu d’affaires au Canada? Oui ou non?
M. Len Farber: Si vous voulez une réponse en un mot, c’est non. La société pourrait être en mesure de déduire l’intérêt sur l’argent emprunté et investi, mais non l’emprunt lui-même.
M. Charles Hubbard: Ainsi, l’intérêt serait déductible. La société pourrait emprunter 10 millions de dollars au Canada et, à 5 p. 100, amortir un demi-million de dollars d’intérêts. Est-ce exact?
M. Len Farber: Non, monsieur le président. L’exemple est trop simpliste pour qu’il soit possible à quiconque de donner une réponse ferme. Cela dépend de l’usage fait des 10 millions de dollars. Sont-ils investis dans une entreprise active? L’entreprise réalise-t-elle des opérations quelconques? L’argent sera-t-il investi sans qu’on puisse espérer recevoir des dividendes en retour? Cela dépend donc d’une foule de conditions.
M. Charles Hubbard: Si vous permettez, je n’ai que cinq minutes.
L’argent peut aller à Boston et l’intérêt sur l’emprunt serait déduit du revenu canadien de l’entreprise. Ensuite, cet argent peut aller à la Barbade pour servir dans une entreprise et rapporter des bénéfices. Le revenu étant canadien, il serait imposé à moins de 5 p. 100 dans le paradis fiscal de la Barbade. Cela peut-il se produire ainsi, oui ou non?
Le vice-président (M. Charlie Penson): Monsieur Ernewein.
M. Charles Hubbard: Je voudrais juste que cela soit précisé.
Le vice-président (M. Charlie Penson): M. Ernewein souhaite répondre à la question.
M. Brian Ernewein: Encore une fois, s’il faut répondre en un mot, c’est non. Je crois cependant que la transaction pourrait être structurée différemment pour en arriver aux effets que vous décrivez.
M. Charles Hubbard: Cela peut donc se produire.
M. Brian Ernewein: Pas dans la transaction que vous avez décrite. En effet, dans votre exemple, les bénéfices passeraient par les États-Unis et seraient imposés selon les règles fiscales américaines applicables. Dans la transaction dont nous avions parlé plus tôt, le Canada empruntait pour investir dans un pays intermédiaire. Nous avions pris l’exemple de la Barbade. Ensuite, l’argent était investi aux États-Unis. En procédant de cette façon...
Le vice-président (M. Charlie Penson): La transaction donnée en exemple par M. Pallister serait plus appropriée?
M. Brian Ernewein: Eh bien, appropriée ou non, ce serait probablement une transaction plus efficace du point de vue de l’impôt.
M. Charles Hubbard: Le ministère doit être très inquiet si cela peut se passer ainsi.
J’ai toujours pensé que l’impôt était perçu à l’endroit où les affaires sont faites. M. Loubier parle constamment d’expédition. Nous ne faisons pas seulement de l’expédition, nous avons au Canada des entreprises de camionnage qui envoient leurs camions jusqu’en Amérique centrale, en principe pour gagner de l’argent. Nous avons des compagnies aériennes basées à Montréal qui desservent la région du Pacifique. Comment traiter le revenu déclaré par les entreprises au Canada? Déclarent-elles le revenu gagné au Canada? Cela semble être l’approche réaliste, mais si elles peuvent transférer une partie des bénéfices dans un paradis fiscal, on se demande si les Canadiens, si nos électeurs obtiennent leur juste part dans le fonctionnement du régime fiscal.
M. Brian Ernewein: Les sociétés canadiennes et tous les résidents du Canada doivent payer l’impôt sur le revenu qu’ils gagnent n’importe où dans le monde, mais ce n’est pas le cas si l’on parle d’une filiale étrangère. La filiale constitue un contribuable distinct qui, étant résident de l’endroit où se trouve la filiale, est imposé selon les règles de cet endroit, probablement pour tout le revenu qu’il gagne n’importe où dans le monde. Lorsqu’on parle de bénéfices d’une entreprise active, l’argent versé par l’entreprise étrangère aux propriétaires canadiens peut alors être assujetti à l’impôt. Encore une fois, cela dépend, d’après nos règles, de la question de savoir si une convention fiscale est en vigueur. Si c’est le cas, cet argent n’est pas imposé aux termes de ce que nous appelons le régime du surplus exonéré. Si aucune convention fiscale n'est en vigueur, les dividendes distribués sont assujettis à l’impôt canadien, avec un crédit pour l’impôt acquitté à l’étranger.
· (1315)
M. Charles Hubbard: Ainsi, une entreprise canadienne de camionnage dont les camions vont jusqu’en Amérique centrale pourrait avoir son siège là-bas, ou bien laisser son siège ici et créer une filiale au Guatemala ou ailleurs pour détourner tous ses bénéfices vers la filiale. Par conséquent, nous, Canadiens, ne tirerions aucun avantage du travail fait par la société canadienne en Amérique du Nord et en Amérique centrale. Est-ce bien cela? J’arrive difficilement à croire que cela se arrive vraiment.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Voyons si nous pouvons obtenir une réponse.
M. Brian Ernewein: Je crois que oui, une société canadienne peut établir une filiale à l’étranger, qui serait alors assujettie aux règles fiscales locales. L’avantage pour l’entreprise canadienne résiderait dans les dividendes que lui verserait la filiale étrangère.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Merci, monsieur Ernewein.
Monsieur Pallister, vous avez cinq minutes.
M. Brian Pallister: Je vous remercie.
Je vous remercie aussi pour vos réponses très complètes, monsieur Ernewein.
Est-il juste de dire que les investissements directs canadiens à l’étranger ne produisent pas beaucoup de recettes fiscales chez nous? En d’autres termes, nous ne faisons pas beaucoup d’argent sur l’argent qui est expédié à la Barbade. Est-ce vrai, oui ou non?
Au Canada, nous ne gagnons pas grand-chose sur l’argent expédié à la Barbade. Ce n’est pas vrai?
M. Brian Ernewein: Quand vous parlez d’investissements directs, s’agit-il d’investissements faits par des multinationales?
M. Brian Pallister: Oui.
M. Brian Ernewein: Souvent, si elles sont constituées en société dans un pays étranger, elles ne sont pas imposées au Canada, pourvu que nous ayons une convention fiscale avec le pays étranger en cause.
M. Brian Pallister: D’accord. Par conséquent, nous ne faisons pas beaucoup d’argent ici.
Mais la Barbade ne perçoit pas beaucoup d’impôts. Je veux aller à l’essentiel. La Barbade fait une bonne affaire, non? Soyons clairs, l’affaire est bonne.
M. Brian Ernewein: Elle a un régime spécial d’investissement. Elle a...
M. Brian Pallister: Combien aurais-je à payer? Combien d’impôt faudrait-il que j’acquitte ou que ma société acquitte si j’expédiais un peu d’argent à la Barbade? Quel est le taux?
M. Brian Ernewein: Je crois que le taux...
M. Brian Pallister: Moins de 5 p. 100? Est-ce à peu près cela?
M. Brian Ernewein: Le taux d’imposition général de la Barbade est de 40 p. 100, mais je crois qu’il doit baisser à 25 p. 100. Aux termes des régimes spéciaux d’investissement, je crois que le taux est de 2,5 p. 100 au départ.
M. Brian Pallister: Cela me semble être une bonne affaire.
Nous pourrions être plus directs et dire que c’est probablement ce qui met en colère un grand nombre de contribuables canadiens : l’idée que quelqu’un d’autre peut faire cela, mais pas eux. La première réaction des gens, quand je leur parle de circonstances de ce genre, c’est : comment puis-je en profiter moi aussi? Les gens se disent que s’il y en a d’autres qui peuvent s’en tirer sans rien payer ou presque, qui peuvent même déduire les frais du transfert de leur argent à l’étranger, il n’y a pas de raison pour qu’eux-mêmes paient autant d’impôts.
J’ai donc cette préoccupation générale. Vous ne représentez pas le fisc, mais je me demande si les responsables de l’impôt se soucient de la perception générale des Canadiens et de ce qui s’est passé dans les derniers mois, mettant en lumière le fait que le gouvernement n’en a pas pour son argent lorsqu’il dépense ici, sans parler de tous ceux profitent des règles permettant de s’en tirer presque sans payer d’impôts.
Avez-vous tenu des discussions ou réalisé des études au sujet des répercussions sur les recettes prévues du manque de confiance des gens par suite de choses comme celle-ci? Avez-vous tenu des discussions à ce sujet?
M. Brian Ernewein: Je ne suis pas économiste, mais je crois qu’il serait impossible de calculer les effets d’une telle chose sur les recettes. Si j’ai bien compris ce qu’on vous avez dit, vous êtes d’avis que la seule façon de résoudre le problème serait d’imposer au taux actuel les bénéfices que les sociétés canadiennes réalisent à l’étranger. Si vous faisiez cela, je crois bien que nous...
M. Brian Pallister: Non, ce n’est pas cela que je proposais.
M. Brian Ernewein: Eh bien, si nous le faisions, nous serions probablement le seul pays du monde à le faire.
M. Brian Pallister: Bien sûr, et c’est pour cela que je ne le proposais pas. Vous n’avez pas besoin de répondre à des questions que je n’ai pas posées.
Cela étant dit, je voudrais citer un passage du rapport Mintz pour vous demander vos observations :
[...] lorsque le revenu gagné dans des pays signataires de conventions fiscales est assujetti à de bas taux d’imposition effectifs, aux termes de règles spéciales applicables à ce revenu. Le comité est d’avis que le fait de permettre que ce revenu soit considéré comme un surplus exonéré tend à encourager des mécanismes de planification fiscale qui érodent l’assiette fiscale canadienne. |
Partagez-vous ce point de vue? Qu’en pensez-vous?
M. Brian Ernewein: Je crois que j’aimerais en parler parce que le ministre des Finances a abordé cette question devant le comité, il y a quelques mois.
La politique actuelle consiste à établir un lien entre les conventions fiscales et le régime du surplus exonéré. Si une convention fiscale est en vigueur et si une société est résidente dans le pays signataire de la convention, le régime du surplus exonéré s’applique. Il y a quelques mois, le ministre avait mentionné l’opportunité de faire une distinction entre le taux d’imposition général et le taux applicable aux régimes spéciaux d’investissement ainsi que l’opportunité d’accorder le régime du surplus exonéré dans le cas d’un régime spécial d’investissement.
Si vous le souhaitez, je pourrais vous parler des facteurs qui entrent en jeu si on choisit l’une ou l’autre de ces deux voies.
· (1320)
M. Brian Pallister: Vous savez déjà que j’aime les réponses brèves.
M. Brian Ernewein: C’est comme vous voulez.
M. Brian Pallister: Nous aurons recours à d’autres moyens pour obtenir de longues réponses.
J’ai un autre extrait du rapport Mintz :
Nous sommes d’avis que les règles actuelles ont entraîné une érosion sensible de l’assiette fiscale intérieure canadienne et que d’autres contribuables canadiens paient plus d’impôts pour compenser le manque à gagner. |
C’était l’avis du comité technique en 1996.
Encore une fois, au sujet du rapatriement des dividendes hors impôt, l’intention initiale n’était-elle pas de réaliser une certaine neutralité fiscale en évitant la double imposition? Si des gens paient de l’impôt dans un autre pays, pourquoi leur imposer de le payer une autre fois? Je sais que c’est la politique et qu’il sera donc difficile de répondre à la question, mais je crois qu’il est injuste d’accorder l’exonération si le revenu gagné dans un pays étranger n’est imposé qu’à 2 p. 100.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Il nous faudrait maintenant une réponse. Ensuite, nous passerons à M. Loubier.
M. Brian Ernewein: Évidemment, la situation est beaucoup plus simple quand les taux d’imposition sont identiques dans les deux pays, parce qu’il n’y a alors aucune différence entre l’exonération et le système de crédit. La situation est plus difficile quand il y a une différence. Toutefois, si nous ne signons des conventions fiscales avec les pays dont le taux d’imposition est égal ou supérieur au nôtre, nous n’aurions probablement qu’un tiers des conventions que nous avons aujourd’hui. Il faut donc se demander si nous voulons vraiment écarter de notre système de conventions fiscales beaucoup de pays d’Europe et d’ailleurs.
Je regrette de répondre à une question par une autre question, mais je crois que la situation se résume à cela.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Je vous remercie.
Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. J'espère que vous m'accorderez aussi trois minutes de plus, puisque M. Pallister a pris trois minutes de plus que le temps qui lui était alloué.
J'aimerais revenir à ma question de départ. Il est arrivé, en 1994, dans le discours du budget, que le ministre des Finances du temps, M. Martin, ait annoncé la disparition de la liste de pays avec lesquels on avait des relations privilégiées sur le plan fiscal et en vertu de laquelle il y avait des entreprises protégées, c'est-à-dire des entreprises qui évitaient la double imposition, qui payaient des impôts peu élevés dans des paradis fiscaux et rapatriaient leurs profits ici sans payer leur dû à Revenu Canada.
M. Martin a dit, à ce moment-là, en 1994, que dorénavant ces entreprises seraient protégées en vertu de conventions. Or, nous avons une telle convention avec la Barbade, mais lorsqu'on y regarde bien, on constate qu'elle est très bien rédigée, sauf qu'à l'article XXX — et c'était le sens de ma question de tout à l'heure —, on dit que les entreprises qui peuvent bénéficier d'un régime en vertu duquel elles paieraient 1,5 p.100 d'impôt à la Barbade et rapatrieraient leurs profits au Canada sans payer un deuxième impôt doivent être de vraies entreprises actives, c'est-à-dire des entreprises qui ont des activités économiques, etc.
Or, tout ce qui est couverture, soit les entreprises inactives qui sont des coquilles, avec un prétendu siège social qui n'en est pas un et un bureau qui n'est n'en est pas vraiment un, ne pouvaient pas bénéficier, en vertu de la convention fiscale, de ce traitement préférentiel prévu avant l'élimination de la liste par le ministre Martin.
Or, en 1997, le Conseil des ministres a décrété ce qu'il avait annoncé en 1994. Il a adopté un règlement, l'alinéa 5907(11.2) c), qui faisait en sorte que dorénavant, par règlement, on faisait une exception à l'article XXX contenu dans la Convention entre le Canada et la Barbade et que dorénavant, les entreprises seraient protégées, c'est-à-dire qu'elles payeraient un impôt de 1,5 p. 100 environ à la Barbade et qu'elles pourraient revenir ici sans payer leur dû à Revenu Canada. Et c'est sur la base de cet article du Règlement de l'impôt sur le revenu qu'on se trouve à se soustraire à l'article XXX de la Convention fiscale entre le Canada et la Barbade, qui stipule que les entreprises qui n'ont pas réellement d'assises ni d'activités économiques réelles ne devraient pas bénéficier d'une exemption quant à la double imposition.
Ensuite, après le décret de l'alinéa 5907(11.2) c), est venu, en 1998, le projet de loi C-28, déposé par M. Martin. Cette loi a fait en sorte que les entreprises inactives sont traitées de la même façon, c'est-à-dire qu'un holding peut être traité de la même façon qu'une entreprise active, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Est-ce que j'ai raison d'avoir cette interprétation? C'est un drôle de hasard sur mesure.
· (1325)
[Traduction]
M. Len Farber: Si je dois encore une fois répondre en un mot, c’est non. Votre interprétation est inexacte. Toute la question du règlement et de l’article XXX de la convention fiscale se rapportait au manque de clarté quant à la façon d’appliquer cette disposition. L’article XXX de la convention accorde le régime de surplus exonéré. Comment, dans ce cas, une autre disposition qui traite exactement de la même question peut-elle abroger ce régime?
Comme il y avait ambiguïté, les professionnels de la fiscalité ont voulu savoir quelle était l’intention de la disposition. Eh bien, l’intention n’était pas de passer outre à la convention fiscale parce que nous ne pouvons pas, de toute façon, modifier les dispositions des traités au moyen de règles intérieures. Nous avons dit que ce n’était pas l’intention et que l’article XXX de la convention traitant du surplus exonéré avait la priorité. C’est ce qui est arrivé au sujet de cette interprétation. C’est une précision qui a été donnée presque immédiatement après la publication du projet de règlement.
Quant au projet de loi C-28...
[Français]
M. Yvan Loubier: Mais ce n'est pas une clarification, monsieur le président, c'est tout simplement un renversement des dispositions prévues à l'article XXX de la Convention fiscale entre le Canada et la Barbade. C'est une action sur mesure pour faire en sorte que les entreprises qui bénéficiaient d'une exemption d'impôt auprès de Revenu Canada et des ministères provinciaux des Finances continuent à bénéficier des largesses, continuent à pouvoir rapatrier leurs profits ici sans payer d'impôt. C'est une action sur mesure pour contrecarrer l'article XXX de la Convention fiscale entre le Canada et la Barbade et c'est le résultat des pressions que vous avez subies de la part des entreprises canadiennes qui disposaient de filiales à la Barbade. C'est ainsi que les choses se sont passées. Cela n'a pas été fait pour clarifier la situation, mais pour renverser l'interprétation de l'article XXX de la convention.
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson): Très bien, monsieur Loubier.
Vous pouvez répondre. Ensuite, nous poursuivrons notre tour de table.
M. Len Farber: Je vais laisser mon collègue présenter une réponse détaillée, mais je voudrais dire encore une fois qu'à notre avis, il s’agissait d’éclaircissements. Nous n’avons pas subi de pressions de la part des entreprises canadiennes. La question s’est posée de savoir si c’était ou non notre intention. Même si cela n’avait pas changé, nous croyons que l’article XXX de la convention aurait prévalu parce qu’il accordait expressément le régime de surplus exonéré. Il s’agissait d’une convention de double imposition entre le Canada et la Barbade. Les conventions de ce genre comprenaient alors une série de dispositions normales—qui ont changé, comme nous l’avons indiqué tout à l’heure—dont le régime de surplus exonéré. Ainsi, comme il y avait des dispositions contraires, il s’agissait d’un éclaircissement. Nous avons précisé les choses immédiatement.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Monsieur Ernewein, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
M. Brian Ernewein: Non.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Très bien. Je vais moi-même poser quelques brèves questions, après quoi nous passerons rapidement à M. Hubbard puis à Mme Minna.
Messieurs, voici mes questions. Avec combien de pays offrant des conditions de fiscalité avantageuses, comme la Barbade qui a un taux d’imposition de 1,25 à 2,5 p. 100, avons-nous signé des conventions fiscales? Si vous n’avez pas ce chiffre, vous pouvez le transmettre au comité par écrit plus tard.
Je vais vous poser mon autre question, et vous nous direz si vous pouvez répondre.
Pouvons-nous avoir une idée du nombre de sociétés canadiennes qui ont des opérations à la Barbade et qui profitent du faible taux d’imposition? Vous avez dit tout à l’heure que vous ne connaissiez pas ce nombre, mais pouvez-vous nous donner une grossière approximation du nombre des sociétés canadiennes qui bénéficient de ce taux avantageux?
Allez-y, monsieur Ernewein, je vous en prie.
M. Brian Ernewein: Je voulais juste dire que si le chiffre est public, nous allons certainement le trouver et le fournir au comité.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Vous ne disposez pas actuellement de ce renseignement, mais vous allez nous le fournir si vous y avez accès. C’est bien cela?
M. Brian Ernewein: C’est exact.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Je vous remercie d’avoir pris cet engagement.
Monsieur Hubbard, une brève question.
M. Charles Hubbard: Très brièvement, je suis troublé par la première question de M. Pallister selon laquelle une société canadienne peut emprunter de l’argent pour investir dans un autre pays où elle a établi une filiale ou un bureau. Ensuite, la société peut déduire les frais de l’emprunt, les intérêts, etc. des bénéfices qu’elle a réalisés au Canada. Quelle logique y a-t-il à permettre à une société d’emprunter dans notre pays, d’amortir cette dépense sur ses déclarations annuelles de revenus, puis de transférer l’argent pour l’investir ailleurs, à un endroit où elle peut réaliser des bénéfices dans le cadre d’un régime fiscal différent n’ayant qu’un très faible taux d’imposition? Il doit y avoir une raison à cela. Comment pouvons-nous justifier une transaction de ce genre? Il y a sûrement une raison.
· (1330)
M. Brian Ernewein: Comme je l’ai dit tout à l’heure, il faudrait que l’opération ait pour but de gagner un revenu, afin de justifier la déduction des frais d’intérêt. Je crois que c’est vrai, et cela peut aller au-delà de nos frontières nationales. Si vous ou moi empruntions de l’argent pour investir dans une société étrangère, nous aurions probablement pensé à déduire l’intérêt, même si l’argent est utilisé par cette société pour produire des bénéfices à l’étranger. Nous espérons obtenir une forme ou une autre de rendement sur notre investissement. Des considérations semblables peuvent s’appliquer à une multinationale qui emprunte au Canada pour investir à l’étranger.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Je vous remercie, monsieur Hubbard. Comme nous sommes déjà en retard, je voudrais céder tout de suite la parole à Mme Minna.
M. Charles Hubbard: À combien de temps avais-je droit?
Le vice-président (M. Charlie Penson): Non, nous étions déjà en retard. Nous allons simplement permettre à Mme Minna de poser une seule question.
M. Charles Hubbard: Pourquoi permettons-nous cela?
M. Charlie Penson: À vous, madame Minna.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J’invoque le Règlement. Ne pouvons-nous pas prolonger quelque peu la séance?
Le vice-président (M. Charlie Penson): Il appartient au comité d’en décider. Nous avions déjà prolongé jusqu’à 13 h 30. Nous allons donc permettre une brève question à Mme Minna. Monsieur Hubbard, nous aurons l’occasion d’en reparler à l’avenir. Vous aurez la possibilité de poser d’autres questions
Madame Minna, une brève question, s’il vous plaît.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, comme nous prévoyons qu'il y aura une autre session à notre retour, nous pourrions inviter les témoins à revenir en octobre et les confronter à la vérificatrice générale ou faire quelque chose du genre.
[Traduction]
Le vice-président (M. Charlie Penson): Je suis bien d’accord, monsieur Loubier. Je crois qu’il serait vraiment utile d’approfondir cette question.
Madame Minna, votre question, s’il vous plaît.
L'hon. Maria Minna: Comme M. Hubbard, je ne suis pas vraiment persuadée que c’est la bonne chose à faire. J’ai une seule question à poser.
Pourquoi ne pas imposer tout le revenu gagné à l’étranger et accorder un crédit pour les impôts versés à l’étranger, au lieu de permettre toutes ces déductions sur l’argent emprunté, les investissements, les bénéfices réalisés ailleurs? N’y a-t-il pas un moyen plus rapide de procéder pour que ce soit plus transparent qu’à l’heure actuelle?
M. Brian Ernewein: Du point de vue technique, il serait probablement un peu plus difficile d’établir un régime fiscal fondé sur des crédits plutôt que sur une exemption générale, mais il est probable que cela ne devrait pas constituer une considération primordiale.
Nous devons tenir compte de ce que les autres pays font afin de préserver la compétitivité de nos entreprises et considérer les effets comparatifs de l’imposition et de l’exonération. Si vous voulez que des sociétés canadiennes investissent à l’étranger, préférez-vous qu’elles conservent leurs bénéfices à l’étranger ou qu’elles les rapatrient? Si vous imposez les bénéfices rapatriés, il est évident que les sociétés n’ont pas intérêt à les rapatrier. Il faut y penser.
L'hon. Maria Minna: Je vous remercie.
Le vice-président (M. Charlie Penson): Monsieur Ernewein, en attendant de vous inviter à nouveau l’automne prochain, je voudrais peut-être vous demander de réfléchir à la façon dont procèdent les autres pays qui ont des dispositions anti-évitement dans leur convention fiscale avec la Barbade, comme la Finlande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède. Nous serions intéressés à en discuter à l’avenir.
Je vais maintenant lever la séance. Nous poursuivrons ces discussions à un autre moment.