FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 29 septembre 2005
¿ | 0905 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Garth Whyte (premier vice-président, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Andrew Sharpe (directeur exécutif, Centre d'étude des niveaux de vie) |
Le président |
M. Andrew Sharpe |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président |
M. David Stewart-Patterson (vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. William Robson (premier vice-président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
M. William Robson |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC) |
M. David Stewart-Patterson |
M. Monte Solberg |
M. David Stewart-Patterson |
M. Monte Solberg |
M. David Stewart-Patterson |
M. Monte Solberg |
M. Andrew Sharpe |
M. Monte Solberg |
M. Garth Whyte |
À | 1000 |
M. Monte Solberg |
M. Garth Whyte |
M. Monte Solberg |
M. William Robson |
M. Monte Solberg |
M. David Stewart-Patterson |
M. Monte Solberg |
M. Garth Whyte |
À | 1005 |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
M. Andrew Sharpe |
M. Yvan Loubier |
M. William Robson |
À | 1010 |
M. Yvan Loubier |
M. William Robson |
M. Sam Boutziouvis (vice-président, Politiques et directeur des recherches, Conseil canadien des chefs d'entreprise) |
À | 1015 |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.) |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. John McKay |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1020 |
L'hon. John McKay |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. John McKay |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. John McKay |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. John McKay |
M. David Stewart-Patterson |
L'hon. John McKay |
Le président |
L'hon. John McKay |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
À | 1025 |
Le président |
M. Garth Whyte |
M. Andrew Sharpe |
À | 1030 |
Le président |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1035 |
Le président |
M. William Robson |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
M. Garth Whyte |
À | 1040 |
M. William Robson |
M. Charlie Penson |
M. William Robson |
Le président |
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ) |
À | 1045 |
M. Garth Whyte |
Le président |
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.) |
À | 1050 |
M. Andrew Sharpe |
M. Don Bell |
M. Andrew Sharpe |
M. David Stewart-Patterson |
M. Don Bell |
M. David Stewart-Patterson |
À | 1055 |
M. Don Bell |
M. Garth Whyte |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
M. Garth Whyte |
Á | 1100 |
M. Charles Hubbard |
M. David Stewart-Patterson |
M. William Robson |
Le président |
M. Andrew Sharpe |
Á | 1105 |
Le président |
Le président |
M. Hassan Yussuff (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Andrew Jackson (économiste en chef, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada) |
Le président |
M. Pierre Patry (trésorier, Confédération des syndicats nationaux) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
M. Yvan Loubier |
M. Pierre Patry |
Le président |
M. Pierre Patry |
Le président |
M. Pierre Patry |
Le président |
M. Pierre Patry |
Á | 1140 |
Le président |
M. Pierre Patry |
Le président |
M. Monte Solberg |
Á | 1145 |
M. Hassan Yussuff |
M. Andrew Jackson |
M. Monte Solberg |
Le président |
M. Pierre Patry |
Á | 1150 |
M. Hassan Yussuff |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Pierre Patry |
Á | 1155 |
M. Normand Brouillet (adjoint, Comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux) |
M. Yvan Loubier |
M. Pierre Patry |
 | 1200 |
Le président |
L'hon. John McKay |
M. Hassan Yussuff |
M. Andrew Jackson |
 | 1205 |
Mme Teresa Healy (analyste sénior, Congrès du travail du Canada) |
L'hon. John McKay |
M. Hassan Yussuff |
L'hon. John McKay |
M. Hassan Yussuff |
M. Andrew Jackson |
L'hon. John McKay |
M. Pierre Patry |
L'hon. John McKay |
 | 1210 |
M. Normand Brouillet |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
 | 1215 |
M. Hassan Yussuff |
Le président |
Mme Teresa Healy |
 | 1220 |
Le président |
M. Pierre Patry |
Le président |
M. Charlie Penson |
M. Pierre Patry |
M. Charlie Penson |
 | 1225 |
M. Andrew Jackson |
M. Charlie Penson |
M. Hassan Yussuff |
 | 1230 |
M. Charlie Penson |
Le président |
M. Normand Brouillet |
Le président |
M. Robert Bouchard |
M. Pierre Patry |
 | 1235 |
Le président |
M. Don Bell |
M. Pierre Patry |
M. Don Bell |
M. Normand Brouillet |
M. Don Bell |
Mme Teresa Healy |
 | 1240 |
M. Don Bell |
Mme Teresa Healy |
M. Hassan Yussuff |
Le président |
M. Pierre Patry |
M. Normand Brouillet |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 septembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour à tous. Si vous voulez bien, j'aimerais que l'on commence, de façon à respecter notre horaire.
Je tiens à remercier nos témoins de comparaître et d'avoir pris le temps de nous rencontrer.
Nous sommes ici pour amorcer nos consultations prébudgétaires de 2005, conformément à l'article 83.1 du Règlement. Notre façon de procéder est la suivante : je vais accorder 10 minutes à chacun des témoins pour faire une déclaration liminaire, puis les membres du comité pourront poser des questions. Le premier tour se déroulera par tranches de sept minutes, et les tours suivants, par tranches de cinq minutes.
D'après l'ordre du jour, le premier témoin représente la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suppose, monsieur Whyte, que c'est vous qui allez présenter l'exposé.
M. Garth Whyte (premier vice-président, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le comité des Finances de nous avoir invités pour parler aujourd'hui de la situation prébudgétaire et pour vous faire des propositions.
Je voudrais vous présenter notre directeur des affaires nationales, André Piché. Peut-être l'avez-vous déjà rencontré ici ces dernières années et c'est aujourd'hui sa dernière journée à la FCEI. On saura ce qu'il va devenir après l'annonce qui doit être faite dans la journée; je ne peux pas en dire plus. Mais il va nous manquer. Il s'est fait le champion de la petite entreprise et de la FCEI. C'était un collègue extraordinaire. Malheureusement, je ne peux pas vous dire où il s'en va.
Vous avez plusieurs documents par devers vous. Le premier est le Baromètre trimestriel de l'entreprise, que nous avons publié hier. En avez-vous un exemplaire? Il figure dans notre rapport. Il a été publié hier. La Banque du Canada s'en sert. Bloomberg le fait circuler dans le monde entier et c'est un indicateur fondé sur les attentes de nos membres. Les gens l'attendent, particulièrement au lendemain des augmentations du prix du carburant. J'en parlerai tout à l'heure. Il y a aussi un mémoire intitulé : «Miser sur l'esprit d'entreprise canadien », dont vous avez aussi un exemplaire. J'y ferai référence, mais je ne vais pas le présenter intégralement. Je mentionnerai quelques tableaux, car j'aimerais vous décrire la situation. On y trouve plus de vingt recommandations, qu'il est impossible de présenter en cinq à sept minutes. Nous y reviendrons donc certainement pendant les questions.
J'aimerais que le comité se concentre sur ce que l'on peut faire et sur ce que devrait faire ce gouvernement minoritaire pour venir en aide aux propriétaires d'entreprises indépendantes, à la création d'emplois et à la croissance économique au Canada. Je me suis entretenu cette semaine avec l'un de nos membres. Il s'appelle Bill. Je ne peux pas vous révéler son nom de famille, parce qu'il s'agit de renseignements personnels. Je me suis entretenu avec Bill cette semaine. Il a une entreprise dans le secteur de la haute technologie énergétique. Il a des antennes en Chine depuis des années. Il en a aussi aux États-Unis. Il emploie environ 80 personnes. Il exporte dans le monde entier. L'un de ses principaux marchés se trouve en Asie. Une grosse société l'a abordé lorsqu'il était dans la région atlantique pour acheter son entreprise. D'après Bill, l'offre était très lucrative. Bill a demandé : « Qu'allez-vous faire si vous l'achetez? » On lui a répondu : « Vous êtes un gros concurrent, et nous allons fermer votre entreprise. » Et Bill a répondu : « Elle n'est pas à vendre. » Il travaille dans ce domaine depuis 20 ans. C'est lui qui a fondé l'entreprise. Il veut qu'elle prenne encore de l'expansion. En outre, il a 80 employés dont il connaît les familles. Il a demandé : « Que leur arrivera-t-il? Qu'arrivera-t-il à la collectivité? Je ne laisserai pas l'entreprise disparaître. » Pourtant, il voudrait prendre sa retraite. Il voudrait transmettre son entreprise à ses employés et il se heurte à de nombreux obstacles. J'aimerais que le comité pense à Bill au cours de mon exposé.
Tout d'abord, que peut-on faire pour lui faciliter les choses? Comment pourrait-on aider d'autres entrepreneurs comme lui à lancer une nouvelle entreprise? À notre avis, il faut, dans cette perspective, mettre l'accent sur trois domaines. Premièrement, quelles mesures pourrait-on mettre en place pour désamorcer le climat d'incertitude créé par différents événements, et notamment, la flambée toute récente des prix du carburant? Quelles mesures pourrait-on mettre en place pour améliorer la productivité de l'entreprise de Bill et de millions de petites entreprises indépendantes? Et quelles mesures peut-on mettre en place pour que Bill réussisse à transmettre son entreprise à la génération suivante?
Je parle de notre baromètre de l'entreprise, qui apparaît au tableau 5 du document. Bien des gens retiennent leur souffle. Nous avons attendu la réaction des petites entreprises. Elles sont toujours optimistes mais prudentes, puisque 20 p. 100 d'entre elles seulement s'attendent à une détérioration de leur situation d'ici 12 mois, tandis que 38 p. 100 s'attendent à une situation identique, et 43 p. 100 prévoient une relance des affaires. Vous remarquerez que notre indicateur, qui suit de très près l'évolution du PIB — nous sommes en avance de deux trimestres par rapport à Statistiques Canada — est retombé aux niveaux de 2001.
On constate donc beaucoup d'incertitude. Les bonnes nouvelles apparaissent au tableau 6 page 4, où l'on voit que 27 p. 100 de nos membres sondés ont toujours l'intention d'augmenter leurs effectifs, alors que 11 p. 100 disent qu'ils vont les diminuer. C'est de l'argent en banque. Ils disent que la création d'emplois va persister, même si l'incertitude demeure.
¿ (0910)
Le tableau suivant apparaît à la page 5. Nous avons demandé à nos répondants sur quoi reposaient leurs attentes concernant les affaires. Si vous regardez le tableau 7, la principale ombre au tableau pour 88 p.100 d'entre eux, c'est l'augmentation des prix de l'énergie. Le prix des intrants est également préoccupant; par ailleurs, les primes d'assurances restent parmi les principaux déterminants. Vous voyez les autres qui sont indiqués sur le tableau.
Voilà le premier problème: il y a un climat d'incertitude bien perceptible. À cela s'ajoute la situation particulière du gouvernement minoritaire.
J'aimerais que l'on passe à la page 8. Je voudrais maintenant parler de productivité. Je sais que c'est ce dont vous voulez entendre parler. Nous avons interrogé nos membres et comme vous le voyez au tableau 10 page 8, ils disent que parmi les mesures à prendre pour améliorer leur productivité, il faudrait alléger l'ensemble du fardeau fiscal par une réduction de l'impôt sur le revenu et des charges sociales—ce sont les deux premiers facteurs—ensuite, il faut rembourser la dette fédérale et alléger le fardeau de la réglementation.
Comme vous le savez, je suis le coprésident, avec Industrie Canada, d'un comité de réduction de la paperasserie. Nous invitons les ministères, en particulier celui des Finances, à penser à la paperasserie lorsqu'ils élaborent leurs politiques. Nous préparons une estimation de ce qu'il en coûte à l'économie. C'est plusieurs milliards de dollars. Nous considérons que cette initiative devrait cibler l'ensemble du gouvernement. Il ne s'agit pas d'éliminer la réglementation, même si c'est pour nous un sujet important, mais il s'agit, dans le cadre de la réglementation, d'éliminer plusieurs étapes réglementaires.
La deuxième chose dont je voudrais parler à propos de la paperasserie, c'est l'appui apporté par tous les partis au sein de ce comité au projet de loi C-212, sur la récupération des coûts. Il a été adopté l'année dernière, mais n'a toujours pas été mis en oeuvre.
Il fait l'objet de l'une de vos recommandations. Il est assorti d'un plan en 10 points sur lequel tous autour de cette même table, nous nous sommes mis d'accord. Vous nous avez invités à trois reprises, et trois fois, il y a eu appui unanime. Nous avons fait passer le projet de loi—et quand je dis « nous », je veux parler du gouvernement minoritaire.
Il faut maintenant le mettre en oeuvre. Personne ne s'en occupe. Voilà ce que je voulais dire à propos de la productivité.
Quant aux préoccupations suscitées par l'incertitude, nous avons fait la semaine dernière un exposé sur les conséquences de l'augmentation du prix du carburant, et nous pouvons en faire part à votre comité.
Nous devons rencontrer prochainement le ministre des Finances et, à notre avis, vous devriez remédier à l'incertitude actuelle, en présenter un autre plan fiscal quinquennal. Comme vous le voyez au tableau 11, page 9, cette mesure bénéficie d'un appui massif. Nous avons déjà fait une campagne de télécopies auprès de tous les parlementaires et nos messages devraient vous parvenir prochainement, si vous ne les avez pas déjà reçus.
La dernière fois, lorsque nous avons fait une campagne sur l'assurance-emploi, dont vous vous souvenez peut-être, certains d'entre vous ont reçu de 600 à 800 messages. Vous allez en recevoir d'autres. Ils commencent déjà à partir, à raison de 300 la première semaine, et nous allons en envoyer dans vos bureaux.
Certains députés m'ont dit que le fardeau fiscal ne pose pas de problème. Nos membres vont vous dire qu'il en pose un. C'est bien simple. Ils disent que vous devriez réduire l'impôt sur le revenu des particuliers pour tous les Canadiens ainsi que le fardeau fiscal des petites et moyennes entreprises afin de favoriser l'esprit d'entreprise; à notre avis, vous devriez accorder la priorité au remboursement de la dette et à l'allègement du fardeau fiscal.
Nous transmettrons le message à votre comité, mais vous allez en recevoir d'autres, je vous le garantis. Chacun d'entre vous en recevra.
Vous voyez nos priorités. Je sais que je n'ai que quelques minutes, mais au tableau 13 de la page 10, nous énonçons les priorités. Ce tableau date d'avant le problème de la taxe sur le carburant, mais ici, l'impôt sur le revenu des particuliers arrive en tête, suivi par les taxes sur les carburants et autres taxes, l'impôt sur le revenu des sociétés arrivant en troisième position; l'assurance-emploi est également mentionnée.
Au tableau 14, il est question de l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est très intéressant: des propriétaires d'entreprises demandent une réduction de l'impôt sur le revenu de leurs employés et de leurs clients. Réfléchissez-y. Ils demandent un abaissement général du taux de l'impôt sur le revenu des particuliers, une augmentation des exemptions personnelles de base et une réduction des taux d'imposition des salariés à faible revenu.
Au tableau 15, page 11, en matière d'impôt des sociétés, nous pensons qu'il faudrait relever à 400 000 $ le seuil de déductions des petites entreprises. Il faudrait aussi réduire leur taux d'imposition. Nous sommes favorables à une réduction du taux d'imposition des sociétés, mais même la surtaxe... Elle a été annoncée; nous en sommes très heureux, mais il faudrait en accélérer la mise en oeuvre.
Nous avons encore bien d'autres recommandations, mais je voudrais maintenant passer au troisième volet de l'exposé. Il y est question de Bill et de la transmission de son entreprise.
Vous allez beaucoup entendre parler de démographie. Nous nous préoccupons des tendances démographiques. Parmi les problèmes auxquels nos membres sont confrontés, le plus pressant est celui de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. C'est ce qu'on entend partout. Mais en êtes-vous conscients? Il y a une pénurie d'entrepreneurs. Cette tendance démographique pénalise nos membres.
¿ (0915)
Nous avons fait une grande étude sur les successions, que nous aimerions soumettre à votre comité. Elle est déjà publiée. Lorsque nous avons sondé nos membres, nous avons obtenu un résultat consternant : plus de 40 p. 100 d'entre eux veulent se départir de leur entreprise d'ici cinq ans. Quarante pour cent, c'est quatre sur dix. Et sept sur dix d'entre eux souhaitent se départir de leur entreprise d'ici dix ans. Mais par ailleurs, les Canadiens veulent acheter des entreprises.
Je vais maintenant passer aux tableaux du début, qui présentent une information recueillie non pas par nous, mais par Léger Marketing. La figure 1 du rapport pose la question suivante : À qui faites-vous le plus confiance pour créer des emplois? Les chiffres sont plus élevés au Québec : 66 p. 100 des répondants au Québec ont mentionné en premier lieu les petites et moyennes entreprises, avant le gouvernement et les autres partenaires, pour créer de l'emploi.
Le tableau suivant, qui présente un véritable renversement de tendance par rapport à la situation d'il y a dix ans, porte sur les parcours professionnels. Nous avons demandé : « Parmi les parcours professionnels suivants, lesquels vous semblent les plus enrichissants? Autrefois, c'était un emploi pour le gouvernement ou pour une grosse société. Quarante-et-un pour cent des répondants—c'est la plus forte proportion—ont dit qu'ils voulaient créer leur propre entreprise ou travailler à leur compte. Ensuite, 28 p. 100 ont dit vouloir exercer plusieurs métiers ou professions au cours de leur carrière—ces deux catégories représentent près de 70 p. 100 de nos membres.
Le défi que je voudrais lancer au comité est le suivant : il y a des gens qui veulent acheter des entreprises, qui souhaitent en devenir propriétaires, et il y a aussi des gens qui vont vendre la leur, mais notre système ne facilite pas ce genre de transaction. Notre système fiscal ne le permet pas.
Nous avons quelques recommandations à soumettre au comité, car c'est là une autre tendance démographique lourde qui se prépare au Canada; ce n'est plus un problème de pénurie de main-d'oeuvre, c'est un problème de pénurie d'entrepreneurs. Nous avons fait quelques recommandations à ce sujet. Je dirais simplement qu'il s'agit tout d'abord d'augmenter le niveau de l'exemption à long terme pour gains en capitaux dans le cas des petites et moyennes entreprises et des agriculteurs. Elle est au même niveau depuis près de 20 ans. Il faudrait au moins la porter au niveau de l'inflation. Vous pourriez le faire progressivement. Nous ne demandons pas une augmentation globale, mais nos membres y sont très favorables.
Nous préconisons également un report des gains en capitaux lorsque le propriétaire d'une entreprise la transmet à ses enfants. Nos études montrent que, toutes proportions gardées, il y a trois ou quatre fois moins de petites et moyennes entreprises au Canada qu'aux États-Unis. Que se passe-t-il? Je sais que ce sujet justifierait à lui seul toute une discussion, mais nos études ont montré que lorsqu'une entreprise est transmise avec succès, elle continue de prendre de l'expansion. Elle continue d'embaucher. Lorsqu'elle n'est pas transmise, elle disparaît ou se fait racheter par un concurrent. Voilà un défi important que j'aimerais voir relever par le comité et par ce gouvernement minoritaire, non pas uniquement pour Bill et ses employés, mais dans l'intérêt du pays. Je crois que c'est très important.
Merci beaucoup.
¿ (0920)
[Français]
Le président: Nous passons maintenant à M. Andrew Sharpe, du Centre d'étude des niveaux de vie.
[Traduction]
M. Andrew Sharpe (directeur exécutif, Centre d'étude des niveaux de vie): Je voudrais remercier sincèrement le comité de nous avoir invités à nous exprimer aujourd'hui, et je tiens à le féliciter d'avoir choisi de faire porter les consultations budgétaires sur le thème de la productivité.
Le Centre d'étude des niveaux de vie est un organisme de recherche économique national, indépendant, à but non lucratif, situé à Ottawa; il se consacre à l'analyse des normes de niveau de vie ainsi qu'aux tendances et aux déterminants de la productivité. Dans ce contexte, nous sommes donc très heureux d'être ici aujourd'hui.
J'étudie les tendances de la productivité dans l'économie canadienne depuis un quart de siècle et j'en ai long à dire sur le sujet aujourd'hui, mais je ne dispose que de 10 minutes pour le faire. J'ai donc pensé que la plus forte valeur ajoutée par minute dans mon exposé...
Le président: Monsieur Sharpe, vous n'avez pas de mémoire pour les membres du comité. Vous nous aviez précédemment adressé un document.
M. Andrew Sharpe: Effectivement, j'ai envoyé ce document plus tôt, si bien qu'il n'y a pas de mémoire proprement dit.
Pour optimiser la valeur ajoutée par minute, la meilleure chose à faire m'a semblé de mettre les questions de productivité en perspective et de présenter au comité ce qui me semble être les points les plus importants pour son travail.
J'ai l'intention d'organiser mes remarques autour de dix messages.mais auparavant je voulais signaler que j'ai distribué un document qui analyse les tendances de productivité au Canada depuis l'an 2000. Je vous signale également mon témoignage lors des audiences sur la productivité tenues par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, en mai dernier, où j'examine en détail les politiques spécifiques susceptibles d'améliorer la productivité. Aujourd'hui, je vais concentrer mon témoignage sur dix points que je voudrais voir le comité prendre en compte lors de ses délibérations.
Mon premier message est qu'il y a plus de choses dans la vie que la productivité. Ce qui devrait tenir au coeur des Canadiens, c'est notre qualité de vie. Or les aspects économiques ne sont qu'une composante dans l'ensemble des facteurs qui déterminent notre bien-être général. Il convient donc de ne pas rechercher la productivité et la création de richesses au détriment des autres aspects de notre existence, d'autant plus que nous sommes un pays très très riche.
Heureusement, j'estime que la recherche d'un niveau de productivité plus élevé et celle d'autres aspects du bien-être ne sont pas fondamentalement incompatibles. J'ai dit que la productivité ne devait pas nous obnubiler, n'empêche qu'elle est importante. C'est d'ailleurs mon second point : que la productivité détermine notre destiné économique.
Notre niveau de vie, définit comme PIB par personne, dépend en bonne part de la croissance de notre taux de productivité. À vrai dire, à long terme, la croissance de la productivité est la seule manière durable d'augmenter notre niveau de vie. La croissance économique est en effet déterminée par la croissance de l'emploi et celle de la productivité. Vu le départ à la retraite de la génération du baby-boom, dans les décennies à venir, la croissance de l'emploi va devenir négative et toute notre croissance économique reposera sur des gains de productivité. Les défis que posera au Canada l'augmentation de la tranche de la population âgée de plus de 65 ans, avec les dépenses en matière de santé et de retraite qu'elle entraîne, sont de taille. Pour y faire face, une forte croissance de la productivité est essentielle. C'est la clé de voûte de notre destin économique.
Mon troisième message est qu'il y a en fait deux concepts de la productivité dont devrait se soucier le comité. Le premier est les niveaux de productivité, le deuxième la croissance du taux de productivité. On a tendance à mélanger les deux. Qui dit niveau de productivité dit valeur ajoutée monétaire par unité de facteur travail. Par exemple, selon cette définition, si vous augmentez les prix, la productivité augmente. C'est un concept utilisé par les entreprises, en particulier. Les économistes, quant à eux, s'intéressent plus au taux de croissance de la productivité, c'est-à-dire à l'évolution au fil du temps des extrants par heure, une fois les prix ajustés en dollars constants. On élimine les changements des prix et on obtient une augmentation des extrants physiques par unité de facteur travail.
Notons au passage que les industries ayant le plus haut niveau de productivité ne sont pas nécessairement celles qui ont connu le plus fort taux de croissance de productivité et vice versa. Je vais vous en donner un exemple assez paradoxal. L'industrie qui a le taux de productivité le plus bas, actuellement, est aussi celle qui a connu la plus forte croissance de productivité au cours des 50 dernières années : l'agriculture. Les extrants monétaires par heure y sont très faibles, mais les gains de productivité depuis 50 ans, ont été absolument phénoménaux. Il se trouve que ces gains de productivité ont profité aux consommateurs, sous la forme de prix réduits pour les denrées agricoles. Bien sûr, le comité devrait s'intéresser aux taux de croissance de la productivité, vu que ce sont eux qui déterminent dans la pratique notre niveau de vie.
Mon quatrième point est qu'il y a toutes sortes d'idées fausses en matière de productivité. C'est un concept que le public comprend mal. Je vais vous en donner trois exemples. Les gens croient que la productivité est liée à une augmentation des heures de travail. Or, travailler dix heures au lieu de huit n'améliore pas la productivité, vu qu'elle se mesure en unité d'extrants par heure de travail. Bien sûr, si on travaille plus longtemps, on produit plus, mais ce n'est pas véritablement un gain de productivité.
Deuxièmement, les gens ont peur de la productivité parce qu'elle entraîne nécessairement, selon eux, une augmentation de la rapidité et de l'intensité du travail. Il est vrai que l'on peut améliorer la productivité si les gens travaillent de façon plus intense, mais l'important est de travailler de façon plus intelligente, plutôt que plus fort. Ce n'est donc pas véritablement la façon de faire progresser la productivité.
¿ (0925)
Il y a une troisième raison pour laquelle les gens se méfient du concept de productivité et c'est sans doute la plus importante. Ils craignent que la productivité n'entraîne automatiquement des pertes d'emplois. Au niveau du secteur industriel, effectivement, c'est vrai. Si certains secteurs réalisent de forts gains de productivité, les emplois y seront réduits. Toutefois, au niveau de l'économie dans son ensemble, ce n'est pas vrai du tout, car des gains de productivité se traduisent par des augmentations du revenu potentiel, augmentations de revenu qui se traduisent, quant à elles, par une augmentation de la demande et par des emplois qui se créent dans d'autres secteurs. Les gains en productivité entraînent donc une redistribution des emplois entre secteurs, mais pas forcément une diminution des emplois. En fait, c'est le contraire : il y aura des gains en matière d'emplois.
J'espère que les consultations sur le budget contribueront, entre autres, à rectifier certaines des idées fausses que se font les Canadiens et les Canadiennes.
Mon cinquième message est une recommandation au comité : se focaliser sur la productivité de la main-d'oeuvre et non sur la productivité plurifactorielle. Ce que prend en compte le Centre d'études des niveaux de vie, c'est la croissance de la productivité de la main- d'oeuvre, soit les extrants par heure.
Vous entendrez souvent parler de productivité totale des facteurs ou de productivité multifactorielle, notamment par les économistes. C'est une mesure de la productivité qui inclut comme intrants à la fois le capital et le travail. Elle reflète effectivement l'emploi du capital et du travail. N'empêche que, du point de vue de la politique gouvernementale, la productivité de la main-d'oeuvre est beaucoup plus importante. Il y a d'ailleurs des différences marquées dans les tendances de ces deux variables. Je vais vous en donner un exemple.
Le 15 juillet de cette année, Statistique Canada a publié ses données sur la productivité plurifactorielle et signalé que, depuis 2000, cette productivité progressait deux fois plus vite que dans les années 90. Or, l'entier débat sur la productivité a porté sur la productivité de la main-d'oeuvre dont le taux d'accroissement, comme le montre Statistique Canada, est beaucoup plus bas depuis l'an 2000 qu'il ne l'avait été dans les années 90, notamment durant la seconde moitié des années 90.
Heureusement, les médias ne se sont pas attardés sur le communiqué de Statistique Canada du 15 juillet. Si nous commencions à penser que tout est mieux dans le meilleur des mondes, avec cette augmentation de la productivité plurifactorielle, nous nous en préoccuperions moins.C'est la productivité de la main-'oeuvre qui doit retenir notre attention.
J'en arrive à mon sixième message. Personne ne peut expliquer l'évolution de la productivité au Canada dans les années 2003 et 2004. Selon Statistique Canada, en 2003 et 2004, la croissance des extrants par heure dans le secteur des affaires s'est essentiellement évanouie. C'est là un phénomène sans précédent durant une période de croissance économique.
Par contraste, les États-Unis ont enregistré une croissance de productivité de 4 p. 100 par an durant ces deux années. Au Canada, la croissance de la productivité depuis l'an 2000 a été de 1 p. 100. Il y a donc un écart de trois points de pourcentage durant ces deux années, ce qui s'est traduit par une augmentation de notre retard en productivité par rapport aux États-Unis, qui est passé d'environ 18 points de pourcentage à 25 points de pourcentage en 2004.
Malgré tous nos efforts d'analyse, nous n'avons pas d'explication exacte du phénomène. Les théories avancées sont peu convaincantes. Les économistes restent perplexes, et reçoivent une bonne leçon d'humilité.
Mon septième point est une mise en garde sur l'importance, pour le comité, d'établir une distinction entre l' intérêt personnel et l'intérêt général, dans l'évaluation de toute proposition visant à stimuler la productivité.
En effet, la productivité est déterminée, directement ou indirectement, par une multitude de facteurs : éducation, innovation, investissement... De ce fait, bien des politiques, voire la plupart, ont un lien quelconque avec la productivité. Ceci étant, un groupe d'intérêt donné peut très bien s'emparer d'une politique qui lui est particulièrement profitable et la présenter comme une politique d'intérêt général en matière de gains de productivité. J'exhorte donc le comité à mesurer à l'aulne de l'intérêt général les nombreux mémoires qu'il recevra concernant leurs politiques destinées à améliorer la productivité.
Mon huitième point est que, en fait, le gouvernement n'a pas de solution miracle pour stimuler la croissance de la productivité au Canada, vu que c'est le secteur privé qui est responsable de la performance en matière de productivité au pays, par le biais, je le rappelle, de l'investissement, de l'innovation et de la formation. Bien sûr, le gouvernement peut jouer un rôle essentiel en établissant le cadre nécessaire aux décisions du secteur privé. N'empêche que, à court et moyen terme, il y a peu de mesures gouvernementales susceptibles d'améliorer la productivité. À long terme, les politiques gouvernementales sont vitales pour créer un cadre favorable à l'éducation, à l'investissement et à l'innovation. N'empêche que les mesures du budget de février 2006, par exemple, n'auront aucun effet sur la productivité en 2006 et en auront sans doute peu sur celle de 2007. Pour améliorer la productivité, il est important d'envisager des politiques à long terme.
D'ailleurs, je parierais que la productivité va se redresser en 2006 et 2007. Vu la faiblesse de notre performance, c'est inévitable. On risque donc d'avoir l'impression que les politiques ont amélioré la productivité, alors que leur effet se fera sentir, en fait, à plus long terme.
Il me reste juste deux éléments. Mon neuvième point porte sur l'importance cruciale d'adopter des technologies de pointe pour faire progresser la productivité. Parmi toutes les mesures susceptibles d'améliorer la productivité, l'emploi de technologies de pointe mérite une mention spéciale. Selon moi, le Canada accuse un retard par rapport aux États-Unis dans deux domaines : la quantité de machinerie et d'équipement par travailleur, ainsi que la quantité de la technologie d'information et de communication par travailleur. D'où l'importance d'augmenter l'investissement dans la machinerie, l'équipement et les TIC.
¿ (0930)
C'est un domaine d'intervention gouvernementale. Je ne m'attarderai pas aux raisons pour lesquelles cela est vrai, vu que mes collègues auront sans doute beaucoup à dire, mais je tenais à souligner l'aspect crucial de cet élément.
Mon dernier point porte sur la concurrence. C'est un élément vital si l'on veut que la productivité progresse. Si le gouvernement souhaite encourager une croissance de la productivité, il doit établir un cadre stratégique qui garantisse un marché concurrentiel. En effet, la concurrence stimule la productivité. Il y va de la survie des entreprises, qui doivent introduire de nouvelles technologies pour préserver leur part de marché. Je recommanderais donc, par exemple, toute politique gouvernementale susceptible d'améliorer la concurrence en changeant le cadre réglementaire.
Sur ce, je voudrais remercier les membres du comité de leur attention. Voila qui conclut mes remarques.
Le président: Merci, monsieur Sharpe.
À présent, M. Stewart-Patterson, du Conseil canadien des chefs d'entreprise.
M. David Stewart-Patterson (vice-président directeur, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner la possibilité de me présenter à nouveau devant votre comité pour parler entre autres des priorités du prochain budget fédéral.
J'aimerais ce matin faire ressortir trois points. Premièrement, les chefs d'entreprise du Canada entretiennent de plus en plus d'inquiétude quant à la capacité du Canada de maintenir sa forte performance économique. Deuxièmement, le gouvernement doit surveiller étroitement ce que nous estimons être la croissance galopante des dépenses fédérales et atteindre un meilleur équilibre entre les nouvelles dépenses touchant les programmes sociaux et le réinvestissement dans la croissance économique. Troisièmement, l'abaissement des impôts constitue un élément essentiel -- et je tiens à insister sur ces deux mots-- d'une stratégie fructueuse en vue d'améliorer la productivité et la compétitivité du Canada.
Comme le premier ministre Paul Martin l'a reconnu dans un discours la semaine dernière, le Canada doit faire face à deux défis en particulier : au plan intérieur, il doit composer avec le vieillissement de la population; à l'échelle mondiale, il doit s'adapter à la manière dont des pays comme la Chine et l'Inde transforment le cadre concurrentiel. Nous avons eu beaucoup de statistiques favorables, ces dernières années; je ne m'attarderai pas à les répéter. Mais je crains que la forte croissance de l'économie, la création d'emplois, les excédents commerciaux et ceux des balances courantes, le bas taux d'inflation et d'intérêt n'aient engendré une autosatisfaction dangereuse. En effet, sous la surface de ces bonnes nouvelles se cachent des faits qui sont de mauvais augure. Par exemple, la concurrence mondiale intense, les prix élevés de l'énergie et la hausse de la valeur du dollar frappent de plein fouet les manufacturiers canadiens, qui ont enregistré une perte de 108 000 emplois simplement au cours des 12 derniers mois.
La croissance de la productivité de la main-d'oeuvre, comme l'a souligné Andrew Sharpe, a été presque nulle au cours des deux dernières années. Par rapport aux États-Unis, notre performance à ce chapitre a connu une chute brutale. Pendant que ses concurrents stimulent l'investissement en réduisant l'impôt des sociétés, le Canada se voit distancé. Comme le précisera nul doute William Robson, le Canada affiche maintenant le deuxième plus haut taux effectif marginal d'imposition du capital au monde. Résultat : l'investissement étranger direct a forcément diminué. L'an dernier, la croissance a été faible et, en 2003, le Canada a enregistré sa pire performance depuis la Dépression des années 30, pour ce qui est de sa capacité à attirer les investissements.
Cette situation a déjà des répercussions sur notre niveau de vie. L'écart entre le Canada et les États-Unis, qui s'était rétréci pas mal au cours des années 90, a recommencé à se creuser au cours des deux dernières années.
Nous sommes convaincus que le Canada doit s'attaquer sérieusement au renforcement de sa compétitivité. La discipline financière constitue à cet égard un fondement essentiel et nous saluons l'engagement ferme du gouvernement d'éviter toute situation de déficit et de continuer à rembourser la dette. Mais, pour assurer sa croissance future, le Canada requiert plus qu'une discipline financière. Cela m'amène à mon point suivant.
La prochaine étape doit consister à mettre un frein à la spirale des dépenses. L'an dernier, les dépenses au niveau des programmes ont augmenté de plus de 15 p. 100, ce qui représente à peu près huit fois le taux d'inflation et plus de trois fois la croissance économique nominale. Ce rythme est tout à fait impossible à maintenir, à moins que les gouvernements ne prévoient en secret d'augmenter le fardeau fiscal des Canadiens ou de renier sa promesse de ne plus créer de déficit. Sans l'un ou l'autre, il est tout à fait impossible pour les dépenses de croître plus rapidement que l'économie.
Il est tout à fait raisonnable, à mon sens, de profiter aujourd'hui d'une partie des dividendes produits par l'exercice de la discipline financière et de s'en servir pour améliorer le mode de vie des Canadiens aujourd'hui. C'est une mesure de politique publique tout à fait légitime. Mais les gouvernements doivent aussi réinvestir dans une croissance future . À cet égard, je ne peux m'empêcher de souligner, comme l'a fait Andrew Sharpe, que n'importe quelle politique peut avoir une influence sur une croissance de la productivité à l'avenir. Par exemple, le gouvernement affirme que ses transferts aux provinces en faveur de la garde d'enfants stimuleront la productivité future du Canada. Il est vrai que les dépenses consacrées à l'éducation, à la recherche et aux infrastructures, ainsi qu'à plusieurs autres domaines, peuvent effectivement avoir des répercussions sur la productivité. Mais il est important d'équilibrer des mesures de ce type avec les autres choses qu'il est possible de faire. En matière de fiscalité, notamment, il ne faut pas perdre de vue quel sera le bénéfice net. Or il dépend en grande partie de la façon dont les fonds sont dépensés, avec plus ou moins de succès, ainsi que des résultats obtenus par les dépenses.
Étant donné qu'une si grande partie des dépenses actuelles consiste en des transferts à d'autres gouvernements, il est presque impossible de déterminer si une politique donnée se traduira effectivement par une croissance de la productivité à l'avenir. En somme, quelle que soit la façon dont on calcule le bénéfice net d'une politique donnée, aucune stratégie économique sensée ne saurait être fondée uniquement sur une accélération des dépenses publiques.
Permettez-moi ici de digresser un peu et de souligner une chose : qu'il existe des mesures ne relevant ni des dépenses ni des dégrèvements fiscaux, celles touchant à la réglementation. C'est un domaine où s'effectue actuellement beaucoup de travail important.
¿ (0935)
Je pense que ce que fait Garth en matière de réduction de la paperasse est très important, mais si cela vous impressionne, vous devriez voir ce qu'on a réussi à faire aux Pays-Bas. Les Hollandais ont réussi à calculer le fardeau administratif de la réglementation, en déterminant le nombre de personnes qui devaient remplir des formulaires, la fréquence des opérations et le coût de chacune d'entre elles. Ils ont mis au point une méthodologie normalisée, qui s'applique uniformément à tous les règlements et chaque ministère doit faire le calcul lorsqu'il présente un nouveau règlement. Les services doivent en rendre compte, et trouver le moyen de compenser le coût du fardeau administratif qu'ils imposent aux administrés, parce que c'est effectivement la même chose qu'une taxe supplémentaire. Lorsqu'un ministère ne parvient pas à compenser le fardeau réglementaire, un montant équivalent est prélevé sur son budget. C'est donc une façon de garder les esprits en alerte.
Les Hollandais misent sur une réduction de 25 p. 100 du fardeau administratif. Je signale, comme on me l'a demandé, que d'après leur calcul, ils vont permettre aux entreprises une économie de 4 milliards d'euros d'ici 2007, occasionnant des augmentations de 1,5 p. 100 du PIG et de 1,7 p. 100 de la productivité de la main-d'oeuvre.
Les mesures de réglementation peuvent donc avoir des conséquences importantes, que ce soit en réduisant la paperasse ou en modifiant la façon de réglementer. On peut évoquer à ce propos la nécessité d'uniformiser le régime canadien disparate de réglementation des marchés des valeurs mobilières.
Quoiqu'il en soit, revenons-en au domaine fiscal; je ne voudrais pas accaparer votre temps; il en faudra pour vos questions.
Nous savons tous que quelle que soit sa forme, l'imposition réduit la croissance. Certaines taxes la réduisent plus que d'autres. Les taxes sur l'investissement, sur les capitaux et sur le revenu des sociétés sont les plus dommageables. Les capitaux circulent plus librement dans le monde entier, et d'autres gouvernements ont constaté qu'il est payant de réduire l'imposition des sociétés. Il en résulte une plus forte croissance, de la création d'emplois et une augmentation des recettes fiscales.
Nous avons parlé auparavant devant ce comité de l'Irlande et de la façon étonnante dont ce pays s'est servi d'une faible imposition des sociétés pour atteindre un taux de croissance remarquable au cours de la dernière décennie. Rendez-vous compte qu'entre 1993 et 2003, l'Irlande est passé d'un PIB et d'un niveau de vie qui étaient situés aux deux tiers de la moyenne de l'Union européenne à un niveau qui est désormais de 25 p. 100 supérieur à la moyenne de l'Europe 15.
Puisqu'il est question de niveau de vie, les résidents de l'Irlande bénéficient aujourd'hui d'un niveau de vie supérieur de 44 p. 100 à celui des Canadiens. Laissons de côté l'écart entre le Canada et les États-Unis; les Irlandais sont beaucoup plus prospères que les Américains. Nous parlons ici d'un écart de 13 770 $ américains par personne et par an. Voilà l'avance actuelle des Irlandais sur les Canadiens, et elle est due dans une large mesure à la stratégie nationale et à la politique fiscale de l'Irlande.
Mais je veux dire aussi que les gouvernements socialisants et dépensiers se sont eux-mêmes rendu compte qu'il n'est pas avantageux de pénaliser l'investissement. Je vous invite à considérer l'exemple de la Suède, où les dépenses gouvernementales représentent plus de la moitié de l'économie; le secteur public y est très important. En Suède, l'impôt sur le revenu des particuliers, les charges sociales et les taxes à la consommation sont bien supérieurs à ce qu'ils sont au Canada, mais les impôts sur les revenus des sociétés et sur les capitaux sont inférieurs. En fait, le taux d'imposition du capital représente moins d'un tiers du taux canadien et à mon avis, si la croissance réelle par habitant a été l'année dernière de 50 p. 100 supérieur en Suède qu'au Canada, ce n'est pas une coïncidence.
Je reconnais que ces dernières années, le Canada a lui aussi diminué l'impôt sur les revenus des sociétés. Et je m'empresse d'en signaler les résultats. En 2003 et 2004, cet impôt a diminué de 4 p. 100, alors qu'au cours des deux derniers exercices financiers, les recettes fédérales provenant de l'imposition des sociétés ont augmenté de 7,7 milliards de dollars, soit 35 p. 100. L'impôt sur le revenu des sociétés rapporte désormais plus d'argent que la TPS.
Je trouve donc dommage que le gouvernement ait décidé une fois de plus de retarder la législation qui devait concrétiser les réductions supplémentaires d'impôt annoncées dans le budget de février 2005. Le ministre des Finances a déclaré sans équivoque aux investisseurs du Canada et du monde entier que ces réductions seraient apportées sans délai, et nous le prenons au mot. Dans l'immédiat, les manufacturiers canadiens, qui subissent actuellement une forte érosion de l'emploi, ont des décisions à prendre, notamment en matière d'investissement.
J'invite instamment tous les partis représentés à la Chambre, en particulier ceux qui sont favorables aux mesures fiscales annoncées dans le budget, à se mettre d'accord sur la façon d'assurer une adoption rapide du projet de loi à la Chambre. Vous êtes tous d'accord—je parle des conservateurs et des libéraux—pour dire qu'il s'agit d'une bonne politique. Le Parlement est minoritaire. Faisons en sorte que ce Parlement minoritaire fonctionne et entendons-nous.
J'ai encore un mot à dire, monsieur le président, sur la politique fiscale, car depuis quelque temps, le débat porte sur le taux d'imposition des sociétés et sur les mesures à prendre en la matière. J'insiste sur le fait que c'est l'impôt réel qui importe; de nombreux facteurs contribuent à la détermination du taux d'imposition réel et du taux de rendement qu'obtiennent les sociétés lorsqu'elles investissent pour améliorer leur productivité. Il ne faudrait pas limiter le débat à l'opportunité d'une réduction supplémentaire de l'imposition des sociétés. Il faut également considérer tous les facteurs qui contribuent à leur taux d'imposition réel, et qui comprennent notamment le taux des déductions pour amortissement et les éventuels crédits d'impôt pour investissement.
¿ (0940)
Prenez le cas des primes d'encouragement à la recherche et au développement, qui sont en grande partie administrées par l'intermédiaire du régime fiscal; j'estime que dans le contexte actuel, il faut considérer aussi l'imposition des dividendes et le crédit d'impôt sur les dividendes, non seulement quant à leur montant, mais en envisageant qu'ils puissent être versés dans un régime de pension ou dans un REER, car la décision aurait une incidence considérable sur toute la question des fiducies de revenu. Si vous le souhaitez, nous pourrons y revenir plus tard.
J'aimerais enfin soulever la question de la retenue fiscale. Le Canada est devenu un pays exportateur de capitaux. La question n'est plus uniquement de savoir combien de capitaux nous pouvons attirer ici et comment il faut le faire. Les Canadiens investissent à l'étranger. En pourcentage, nous sommes parmi les plus gros exportateurs de capitaux au monde. Nous investissons dans le monde entier, et la retenue fiscale est devenue un grave problème quant à l'aptitude des sociétés canadiennes à faire face à la concurrence, notamment américaine. J'invite instamment le comité à approfondir la question.
Monsieur le président, je vais m'arrêter là. Je tenais à vous dire que malgré toutes les bonnes nouvelles, l'économie canadienne est sur la corde raide. Nous avons beaucoup progressé, mais si nous voulons atteindre les objectifs que nous partageons tous, nous devrons disposer d'une stratégie qui nous permette d'améliorer notre compétitivité et de renforcer notre croissance, et cette stratégie devra être équilibrée. Des réductions fiscales ne sont pas suffisantes. J'insiste sur ce point. Mais il en va de même d'une stratégie qui ne reconnaîtrait pas la politique fiscale en tant qu'outil de première valeur pour accentuer l'avantage concurrentiel du Canada. Si nous voulons que les Canadiens bénéficient du plus haut niveau de vie au cours de la prochaine décennie et au-delà, vous devrez veiller, monsieur le président, à ce que le prochain budget comprenne d'importantes réductions fiscales, et non pas uniquement de nouvelles dépenses.
Je vous remercie.
Le président: Merci.
M. Robson, de l'Institut C.D. Howe.
M. William Robson (premier vice-président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe): Je vous remercie. Au nom de mes collègues de l'Institut C.D. Howe, je voudrais vous remercier de votre invitation à témoigner et dire combien je suis heureux de comparaître devant le comité en compagnie d'un groupe aussi bien informé sur la question que celui-ci.
Comme les autres membres du groupe de témoins, mon exposé sera à la fois positif et négatif. Côté positif, je suis ravi de voir le comité s'intéresser à la question de la productivité. Comme mes collègues l'ont déjà dit, malgré le dicton selon lequel on n'a rien pour rien, l'augmentation de la productivité au fil du temps est bien un moyen pour mieux vivre.
Côté négatif, je dois bien convenir que l'on parle depuis longtemps, notamment depuis le début des années 90, tant le gouvernement fédéral et la population en général, de mettre la productivité à l'ordre du jour. Malgré le temps, l'énergie et l'argent, consacrés à la question, les résultats sont minces : peu de mesures concrètes ou d'améliorations mesurables de la productivité ont été enregistrées. C'est pourquoi je commencerai par quelques mises en garde.
Je voudrais signaler tout d'abord la difficulté de mesurer la productivité. Andrew ne s'est pas attardé sur la question, mais son travail illustre -- et il ne s'en cache pas-- que nous sommes tous en faveur de la productivité dont nous constatons les bénéfices incommensurables, au niveau collectif, dans l'écart entre notre niveau de vie et celui de nos ancêtres il y a quatre ou cinq générations ou, au niveau individuel, dans le fruit de nos efforts; mais, quand nous nous penchons sur la productivité au fil de périodes relativement courtes ou encore à un niveau national ou dans différents secteurs, nous avons souvent énormément de peine à chiffrer correctement les changements ou les différences.
Après avoir souligné le contraste saisissant entre notre niveau de vie et celui de nos ancêtres éloignés, j'aimerais préciser que la croissance de la productivité s'effectue en escalier, pas comme dans un ascenseur. Oui, les graphiques à long terme sont extrêmement satisfaisants, avec leurs ascendantes; ils illustrent le rendement à l'heure, le rendement par travailleur et le rendement par heure corrigés selon la qualité des outils utilisés par les travailleurs. N'empêche que, à court terme, certains des changements générateurs de croissance peuvent causer des perturbations, voire se traduire par un fléchissement de la croissance de la productivité.
Je vais vous en donner un exemple spécifique à l'heure où nous parlons. Nous connaissons actuellement au Canada le taux de chômage le plus bas enregistré depuis que je suis adulte. Autrement dit, nous incorporons dans la main-d'oeuvre active des personnes qui, au moins au début, ne seront pas aussi productives que celles qui travaillent déjà. C'est une bonne chose. Nous devrions être heureux de constater que les personnes qui entrent sur le marché du travail le font avec plus de facilité que quand le taux de chômage était élevé. Au fil du temps, les nouveaux arrivants d'aujourd'hui feront leurs armes, leurs niveaux de productivité augmenteront, ainsi que leurs salaires. Toutefois, à court terme, il est possible que cela se traduise par un fléchissement de la croissance de la productivité; cela n'aurait rien d'alarmant.
J'ai une dernière mise en garde. Si la productivité est difficile à mesurer à court terme ou dans des domaines spécifiques, c'est parce qu'elle découle de toute une série de facteurs. Andrew a déjà fait allusion aux tentatives pour raffiner les statistiques et cerner la productivité plurifactorielle—l'augmentation du rendement que ne justifient ni l'augmentation des intrants du travail ni celle de l'équipement dont dispose chaque travailleur dans l'usine.
À vrai dire, à force d'essayer de tenir compte de la qualité du capital humain et de celle du capital physique, on finit, me semble-t-il, par arriver à un stade où il n'y a plus rien à expliquer. En effet, la productivité naît des efforts de personnes intelligentes découvrant comment mieux faire les choses, construisant de nouvelles structures et s'équipant de nouveaux outils qui incorporent la pointe de la technologie grâce à laquelle les choses se font mieux.
J'espère donc, dans ses délibérations sur la productivité, que le comité ne s'attardera pas trop à la notion insaisissable que représente la productivité ne découlant ni des travailleurs ni des outils qu'ils utilisent.
Les commentaires d'Andrew sur le peu d'effets qu'est susceptible d'avoir le budget de février 2006 risquent d'avoir refroidi un peu l'enthousiasme. Tout en convenant de la justesse des raisons motivant ses commentaires, je suis convaincu que nous pouvons prendre des mesures à court terme pour améliorer le milieu de travail. Avec le temps, cela améliorera notre niveau de vie et nous méritera la reconnaissance de nos enfants et de nos petits-enfants, quels que soient les effets à court terme.
Laissez-moi donc dire quelques mots sur le capital humain. Nous nous soucions beaucoup de l'accessibilité à l'éducation et au coût manifeste des études postsecondaires. L'amélioration des compétences à ce niveau est très importante. N'empêche que nous avons tendance à oublier que ces coûts uniques ne constituent qu'un élément des facteurs qui influent sur le rendement d'un investissement dans les compétences et dans l'éducation postsecondaire.
¿ (0945)
Je vais faire la promotion d'une étude de Kirk Collins et Jim Davies de l'Université Western Ontario qui paraîtra bientôt. Les auteurs examinent l'incidence globale de l'investissement sur le plan individuel non seulement au titre des subventions que nous offrons—en matière de recyclage professionnel et d'enseignement postsecondaire—, mais aussi au chapitre de l'impôt que les gens devront payer toute leur vie. Si les coûts initiaux n'arrivent qu'une fois, il en va autrement des impôts que l'on doit payer toute sa vie, bien entendu. Les auteurs ont trouvé que les changements à l'impôt sur le revenu des particuliers que nous avons déjà constatés et qui pourraient éventuellement être entrepris, influencent énormément les décisions que les gens prennent dans leur vie. Vous me direz que les gens ne prennent pas des décisions en faisant des analyses coûts-avantages, mais chaque fois que nous parlons de coûts initiaux, on doit se rappeler qu'il y a de nombreux autres éléments qui entrent en ligne de compte dans la décision, et quand on alourdit le fardeau fiscal de ceux qui ont revenu supérieur, on décourage les initiatives mêmes que nous prétendons appuyer.
Il en va de même pour les personnes cherchant à rehausser leur niveau de compétence, qui sont généralement des diplômés du secondaire ou des gens qui n'ont jamais eu l'occasion de terminer leurs études secondaires. L'aide sociale est récupérée au niveau provincial, et les prestations pour enfants et les crédits pour TPS, au niveau fédéral. Cela s'ajoute à l'impôt sur le revenu des particuliers, et les gens ayant des revenus modestes se heurtent à des difficultés considérables au moment même où ils essaient de trouver un poste de premier échelon. Nous devrions certainement intervenir sur ce point.
La population vieillissant, nous devons faire particulièrement attention aux signaux que nous envoyons aux personnes âgées et aux personnes près de l'âge de la retraite quant à la valeur de rester actifs et de se recycler. Si vous êtes une personne âgée ayant un revenu modeste, la récupération fiscale sur le SRG—qui est de 0,50 $ du dollar—qui s'ajoute à toutes les autres formes d'impôts et de taxes envoie un signal on ne peut plus clair : « À quoi bon travailler! Ça n'en vaut pas la peine! »
Évidemment, bien des gens choisissent de rester actifs et de se recycler pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le marché du travail et au travail rémunéré, mais c'est un sujet qui déborde du cadre du mandat de ce comité. Cela étant, la mesure dans laquelle ces personnes seront actives et la nature de l'investissement du capital humain qu'elles auront peuvent être influencées par ce qui arrive autour du 30 avril de chaque année quand elles voient leur revenu net. Là, le comité peut apporter remède.
Voilà donc la décision que les gens doivent prendre : travailler et se recycler. Qu'en est-il des outils avec lesquels les gens travaillent? Les outils dont les travailleurs ont besoin sont générés par les dépenses d'investissement, et le bilan du Canada à ce chapitre est peu reluisant. Je ne vous ai pas remis de mémoire, mais je vais me reporter à des travaux que j'ai réalisés avec ma collègues Danielle Goldfarb récemment dans lesquels nous nous sommes très simplement penchés sur des mesures comparables des dépenses d'investissement au Canada dans les diverses provinces et dans le monde.
Il n'est pas très encourageant de constater qu'en 2005, selon nos estimations, le travailleur canadien moyen bénéficierait d'environ 9 100 $ en dépenses d'investissement. Certes, ce n'est pas négligeable, mais c'est inférieur aux 10 000 $ dont bénéficiera le travailleur moyen de l'OCDE et c'est presque le quart de ce à quoi pourrait s'attendre le travailleur moyen aux États-Unis.
Qu'est-ce qui explique ce bilan peu reluisant? Comment se fait-il que nos travailleurs doivent composer chaque année avec moins d'équipement pour faire leur travail que leurs concurrents? Comme on l'a déjà dit, nous avons un régime fiscal qui dit aux investisseurs potentiels qu'ils ne sont pas les bienvenus. Nos taux d'imposition effectifs sur le prochain dollar investi dans l'équipement nous placent, comme David l'a déjà dit, en pleine huitième position parmi les 36 pays que nous avons étudiés.
Si vous regardez les tableaux qui classent les pays selon leur taux d'imposition effectif sur le capital, vous constaterez qu'il y a un manque de corrélation flagrant entre l'impôt des sociétés et les taux d'imposition effectifs sur les dépenses d'investissement. Vous apprendrez bien des choses, mais il vous faudra descendre bien en bas de la liste avant de voir y figurer les pays nordiques, l'Irlande ou d'autres pays qui s'en tirent très bien et qui ont des secteurs publics très importants et prospères ainsi que des programmes sociaux généreux. Il y a donc un argument important qui milite en faveur de meilleures structures fiscales.
Qu'en est-il maintenant de cet élément insaisissable, ce supplément de croissance de la productivité qui rehaussera notre niveau de vie même si nous ne travaillons pas plus fort, ni plus intelligemment, et que nous utilisons les mêmes outils qu'auparavant? Il y a beaucoup à dire à ce sujet.
Un récent rapport intéressant du Sénat aborde quelque peu cette question, et j'espère que nous y reviendrons durant la période des questions. Rick Harris a écrit un excellent essai à notre sujet sur nos dépenses en R-D. Faute de temps, je ne vais pas entrer dans les détails, car je pense que le risque tient au fait que, les études et leçons que nous avons apprises depuis les années 90, c'est que, si on commence à s'éparpiller dans tous les sens—et c'est très facile dans ce domaine—on risque alors de ne pas aller très loin.
Je pense qu'un des éléments clés qui ressort de l'examen de la croissance économique dans différents pays avec le temps, c'est que la croissance rapide de la productivité coïncide généralement avec des niveaux élevés de formation du capital humain et d'investissement dans le capital physique. C'est le dilemme de la poule et de l'oeuf. Il est très difficile de dissocier les deux, car on trouve rarement l'un sans l'autre.
Les investissements dans le capital humain profitent à ceux qui les font. Pour ces investisseurs, le rendement est supérieur, ce qui leur convient manifestement, mais l'économie sinon la société dans son ensemble en profitent aussi, puisqu'il est préférable de travailler avec une personne ayant un capital humain élevé. Cette salle illustre très bien cet exemple. Plus vous aimez ce que vous faites, plus vous êtes productif.
¿ (0950)
Les investissements dans le capital physique...
Le président: Il se peut que vous ayez dépassé votre limite de temps, mais vous pouvez poursuivre.
M. William Robson: Il en va de même pour les investissements dans le capital physique: ils profitent aux investisseurs, mais ils profitent aussi à leur entourage. Aux États-Unis, les dépenses au titre de la R-D représentent 40 p. 100 de l'économie canadienne. Nous pouvons stimuler notre propre R-D, mais si on augmente les dépenses d'investissement, on sera en mesure de générer des idées et de les mettre en pratique au moyen des meilleures technologies possibles, et cela produit des avantages pour l'économie et pour la société dans son ensemble. Là encore, la croissance de la productivité sera appréciable.
Si nous misons sur la productivité seule, cet élément infime et éphémère, sans promouvoir le travail et l'investissement, je doute que nous allions bien loin. Cela étant, si vous créez un environnement qui aide les gens à travailler, qui favorise l'investissement dans le capital humain et physique, là, je pense que la productivité sera un corollaire.
Merci.
¿ (0955)
[Français]
Le président: Merci.
Je crois qu'on a pris un peu de retard, alors on va essayer de se rattraper.
Monsieur Solberg, vous disposez de sept minutes.
[Traduction]
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous les témoins qui sont présents aujourd'hui. Je trouve tout cela fascinant. Comme toujours, tous vos mémoires sont très intéressants.
Je veux vous dire d'emblée que notre parti prend cet exercice très au sérieux. Nous avons l'intime conviction que le Canada pourrait être le pays le plus prospère du monde. Je pense que nous devrions viser cet objectif.
M. Stewart Patterson, je comprends ce que vous dites au sujet de la collaboration avec le gouvernement sur ces questions, et j'en prends acte. Rappelez-vous simplement que nous avons lutté sans relâche pour que soit maintenue la réduction de l'impôt des sociétés dans le dernier projet de loi portant exécution du budget, mais en vain.
Il y a tellement de choses à dire. Si l'on devait faire une analyse coûts-avantages rapides, j'ai l'impression que la plupart des gens sont en train de dire—M. Sharpe a peut-être une opinion différente là-dessus—que la plus grande priorité doit être la réduction des impôts qui empêchent l'investissement dans notre pays. Ai-je raison, pour l'essentiel?
M. David Stewart-Patterson: Je dirais que oui.
M. Monte Solberg: Très bien. Plus précisément—et nous sommes en train de parler de ressources limitées—, si on voulait établir des priorités, la première serait-elle la déduction pour amortissement ou les impôts des sociétés? Est-ce la déduction pour amortissement?
M. David Stewart-Patterson: D'autres souhaiteraient peut-être fournir davantage de détails. Pour ma part, si vous me demandez laquelle des deux mesures auraient le plus d'impact sur les industries lourdement tributaires de capital, notamment le secteur manufacturier, à sommes égales, les déductions offrent probablement le moyen le plus immédiat d'améliorer le taux d'imposition effectif et de rendre les investissements plus attrayants.
L'ennui avec les déductions pour amortissement, c'est que, les taux étant déterminés produit par produit, il est plus difficile de savoir comment déployer les ressources.
M. Monte Solberg: D'accord, et je suppose que c'est là que vous dites que de toutes les... Par exemple, s'agissant de logiciels, si vous dites que nous accusons un retard pour ce qui est de notre capacité à concevoir rapidement des logiciels, nous devons donc rattraper ce retard. Par conséquent, si vous devez décider entre...
M. David Stewart-Patterson: Oui, si je puis schématiser le problème, c'est que nos taux de déduction pour amortissement n'ont tout simplement aucune corrélation avec la conjoncture économique réelle, contrairement à la situation aux États-Unis. Que l'on parte de ce principe, c'est-à-dire que l'on fasse en sorte que nos taux de déduction pour amortissement reflètent la vie économique réelle des biens, et que l'on applique la même règle partout. Je pense que le résultat pourrait être notable.
M. Monte Solberg: Je crois que M. White a une question. M. Sharpe peut intervenir aussi.
M. Andrew Sharpe: Je suis d'accord. Je pense que faire en sorte que les déductions pour amortissement reflètent la vie économique réelle des biens est une bonne étape. L'avantage que cela procure par rapport à un changement de la loi sur l'impôt des sociétés est que l'on récompense les entreprises qui investissent. Se contenter de réduire le taux d'imposition des sociétés ne signifie pas pour autant que les bénéfices nets seront investis. Je préfère de loin que l'on récompense l'investissement directement que d'accorder simplement des réductions d'impôt aux sociétés.
Une mise en garde s'impose, cependant: il ne s'agit pas, à mon avis, d'une panacée. Bill Robson a signalé par exemple que notre taux d'imposition effectif des sociétés est très élevé par rapport à celui d'autres pays, ce qui est vrai, bien entendu. Seulement, l'élément de comparaison pour le Canada a toujours été les États-Unis. En effet, nous nous comparons toujours aux Américains. Nous disons que nous avons beaucoup moins de matériel et de machines par travailleur que les Américains. Cet écart est attribuable au taux d'imposition des deux pays et au manque d'investissements au Canada. Or, en réalité, les États-Unis ont un taux d'imposition effectif marginal des sociétés qui n'est que légèrement inférieur à celui du Canada. Il est de 37,7 p. 100 contre 39 p. 100 au Canada. C'est une différence infime. Par conséquent, un taux d'imposition effectif marginal des sociétés plus élevé au Canada n'explique pas notre piètre performance au chapitre de la productivité.
M. Monte Solberg: Monsieur Whyte, vouliez-vous dire quelque chose?
M. Garth Whyte: Je veux simplement signaler au comité que nous avons deux économies. Parfois, nous proposons une solution universelle, certains d'entre nous trouvent que c'est une bonne idée, et elle nous plaît. C'est que 45 p. 100 de notre économie est représenté par des petites et moyennes entreprises, et 60 p. 100 de tous nos emplois sont créés par des PME ou des entreprises indépendantes.
Cette réalité a été mise en exergue après le 11 septembre, quand nombre de ces entreprises nous ont dit—et je me rappelle que j'étais devant ce même comité avec un groupe semblable—que le ciel s'était effondré sur elles. Vous vous souvenez sans doute qu'en mars 2002 nous sommes venus dire à votre comité que nous pensions qu'entre 250 000 et 300 000 emplois allaient devoir être dotés. Nous avions tort. Cinq cents mille emplois ont dû être dotés, et nous avons dépassé la performance des États-Unis cette année-là. C'était grâce à une économie qui n'était pas tributaire du marché boursier. Le même jour, Nortel supprimait 15 000 emplois.
Je reviens à la position de Bill. Il y a deux enjeux: il y a les individus et leur façon de penser, et vous devez accroître leur productivité; ensuite, il y a...
À (1000)
M. Monte Solberg: Monsieur Whyte, je ne veux pas vous interrompre, mais vos membres disent que la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers constitue la plus importante...
M. Garth Whyte: Oui. C'est ce à quoi je veux en venir, mais cela ne signifie pas pour autant les déductions...
M. Monte Solberg: D'accord. Pardon. Puisque le temps presse, je vais donner à Bill l'occasion de répondre. Désolé.
M. William Robson: J'essaierai d'être très bref.
Les réductions des taux d'imposition des sociétés ont ceci de positif qu'elles sont neutres. En effet, quand on baisse le taux, les autres distorsions commencent à perdre de leur importance, car nombre d'entre elles sont provoquées par la majoration des taux. Les déductions pour amortissement sont importantes, j'en conviens. Évidemment, il s'agit de concilier les deux.
Un autre aspect qui mérite d'être mentionné est le fait que les taxes de vente provinciales sur les intrants des entreprises contribuent énormément à la hausse des taux d'imposition effectifs marginaux. Une des raisons pour lesquelles le Québec et les provinces de l'Atlantique s'illustrent à cet égard, c'est que ces mesures n'y existent pas. Si vous avez un important excédent budgétaire à distribuer ça et là durant l'exercice en cours, comme ce fut le cas l'année dernière, peut-être pouvons-nous indemniser quelques-unes des autres grandes provinces pour les persuader d'emboîter le pas dans ce sens.
J'ai un dernier point à faire valoir. On peut s'en tirer avec des taux d'imposition effectifs élevés sur le capital si on offre quelque chose d'autre. La Chine a des taux très élevés, et pourtant, la croissance y est phénoménale. De même, les États-Unis ont un grand marché très dynamique. Je ne pense pas qu'il soit difficile de comprendre pourquoi des petits pays qui n'ont pas ces marchés énormes et dynamiques ont décidé d'opter pour des taux d'imposition effectifs inférieurs sur l'investissement; c'est pour compenser le fait qu'ils ne sont pas aussi attrayants pour les investisseurs pour d'autres raisons.
M. Monte Solberg: Il me semble qu'il y a deux approches à adopter à cet égard. La première consiste à réduire certains taux. La deuxième, c'est la réforme.
Au chapitre de l'éducation, nous dépensons aujourd'hui des sommes faramineuses. Nos dépenses sont en train de croître à un rythme effrayant—15 p. 100 en une année, 52 p. 100 depuis 1999 au titre des dépenses de programmes—, et je constate que la fonction publique a pris de l'expansion à un rythme encore plus rapide, beaucoup plus rapide. Bien entendu, cela ne contribuera probablement pas à réduire la réglementation, ni les lourdeurs administratives.
Si on abordait la réforme sous deux angles: d'une part, en s'attaquant à l'éducation et à la réglementation, et d'autre part, en réduisant certaines taxes punitives, croyez-vous qu'une approche à deux volets est plus ou moins ce qu'il nous faut pour régler ce problème?
M. David Stewart-Patterson: Oui. La réforme réglementaire consiste à trouver un moyen d'améliorer le fonctionnement de l'appareil gouvernemental, c'est-à-dire les services aux citoyens. Cet aspect concerne tous les secteurs, pas seulement les entreprises. Il s'agit aussi de supprimer les aspects les plus punitifs du régime fiscal, c'est-à-dire ceux qui pénalisent des objectifs souhaitables. Il s'agit effectivement de deux approches, mais vous en avez aussi abordé une troisième, soit la nécessité de pérenniser l'exercice d'examen des dépenses comme celui qui a été entrepris l'année dernière, pour en faire, comme le ministre des Finances l'a dit, un processus permanent qui consiste à examiner continuellement ce que fait le gouvernement et comment il le fait, et à déterminer comment le gouvernement s'y prend pour améliorer sa productivité, si je puis m'exprimer ainsi.
M. Monte Solberg: C'est seulement qu'on a l'impression que les gens n'en ont pas pour leur argent avec cette énorme augmentation des dépenses. Cela prend plus de temps que jamais pour obtenir un passeport de nos jours. Malgré qu'on dépense de plus en plus d'argent pour la bureaucratie, il faut en plus payer des frais très élevés pour l'obtenir. Les formalités prennent de plus en plus de temps à l'immigration. Il faut de plus en plus de temps pour obtenir une foule de services, même si l'on injecte des sommes énormes dans l'administration. C'est évident qu'on n'en a pas pour son argent.
En fait, quand on songe aux coûts de renonciation, c'est-à-dire ce qu'on pourrait faire autrement avec cet argent, ce n'est pas productif.
M. Garth Whyte: Il faut dire qu'il faut un plan à long terme dans les deux cas. C'est un message que vous entendez de nous tous. Nous vivons actuellement une époque d'incertitude causée par la réglementation et la paperasse et aussi la fiscalité, et nous ne sommes sûrs de rien. Le dernier budget l'a prouvé. Nous ne sommes pas certains, même quand le budget est annoncé, que ce sera vraiment le budget. C'est pourquoi nous préconisons un plan fiscal quinquennal. Autrefois, cela existait—enfin, si l'on revient en arrière et qu'on examine comment se comportait notre économie quand il y avait une certaine certitude... De même, ce que nous préconisons... Nous mesurons. Nous avons allégé la paperasse, mais nous mesurons tout cela et nous sommes tenus de faire rapport là-dessus. Le ministre sera tenu d'en faire rapport au Parlement chaque année parce que nous voulons systématiser tout cela. Au lieu d'une seule charge ponctuelle et radicale, nous voulons que cela se fasse année après année, pour qu'on puisse suivre la situation et dépolitiser tout cela.
À l'heure actuelle, on se relance la balle de part et d'autre de l'échiquier politique et tout cela crée beaucoup d'incertitude.
À (1005)
Le président: Merci, monsieur Whyte.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Je trouve la discussion de ce matin fascinante, comme j'ai toujours trouvé fascinants tous les débats qu'il y avait autour des mesures de productivité, puisqu'il pourrait y avoir autant de thèses de doctorat sur ce sujet qu'il y en avait dans les années 1970, 1980 et 1990. On n'est pas arrivé à mesurer parfaitement ce qu'est la productivité.
Cela m'incite parfois à me poser des questions, parce que je me dis qu'on utilise la mesure la plus pessimiste, par exemple la productivité du travail, on la compare avec celles des États-Unis et de l'Europe, et quand on arrive avec une nouvelle statistique sur la productivité multifactorielle, qui est beaucoup plus optimiste, on dirait qu'on la met de côté parce qu'elle n'est pas stimulante.
Est-ce qu'on a des mesures comparables à la mesure de Statistique Canada sur la productivité multifactorielle, par exemple du côté américain et du côté européen, qui nous permettraient de voir que l'écart entre le Canada et les autres pays est à peu près le même que lorsqu'on utilise des mesures de productivité du travail? De cette façon, on serait un peu plus certain de l'état et du degré de pessimisme ou d'optimisme qu'on devrait avoir ici.
M. Andrew Sharpe: Je vais répondre à cette question.
D'abord, on n'a pas de données internationales sur la productivité multifactorielle du travail. Cela existe pour les États-Unis et pour le Canada, où ce sont des mesures comparables, mais nous n'en avons pas pour les pays de l'OCDE comme nous avons des mesures de productivité du travail.
En ce qui concerne notre performance, il est vrai que si on utilise la productivité multifactorielle du travail, notre performance par rapport à celle des États-Unis est meilleure, c'est sûr. La raison en est que l'investissement au Canada, depuis quelques années, a été assez faible par rapport aux États-Unis. Donc, si l'investissement est faible, la productivité multifactorielle du travail sera beaucoup plus forte. En effet, quand il y a moins d'investissement en capital, cela a un effet positif sur la productivité multifactorielle, n'est-ce pas? C'est donc bon pour l'efficacité de l'économie, mais ce n'est pas bien pour le niveau de débit de l'économie. C'est pour cette raison que j'ai dit qu'il faut mettre l'accent sur la productivité du travail, et non sur la productivité multifactorielle.
En ce qui concerne l'écart, il y a des écarts de niveaux et l'écart des taux de croissance. Pour les niveaux, c'est sûr que le Canada a un niveau de productivité du travail inférieur aux États-Unis et à la plupart des pays d'Europe. Quant au taux de croissance, tout dépend des périodes. Il y a eu des périodes où le Canada a bien fait. Par exemple, durant la dernière partie des années 1990, le taux de croissance mitoyen du produit au Canada était supérieur à celui de l'Europe. Alors, cela dépend énormément des périodes. Il est donc difficile de généraliser notre situation, parce qu'il y a deux mesures de productivité et deux aspects: le niveau et le taux de croissance.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Yvan Loubier: Absolument. J'en suis très heureux.
Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Robson?
[Traduction]
M. William Robson: Ma productivité sera meilleure si je réponds en anglais et je vous demande donc votre indulgence.
Je suis d'accord avec ce qu'a dit Andrew. Je veux ajouter brièvement qu'il est difficile de faire de telles comparaisons parce qu'il est très difficile de savoir si les prix que nous mesurons d'un pays à l'autre sont comparables. C'est pourquoi je pense qu'il est logique de s'attarder au niveau de vie par heure de travail, parce qu'on peut alors avoir une certaine assurance qu'on mesure la même chose quand on compte le nombre d'heures travaillées, et c'est ce qui compte pour les gens : dans quelle mesure ils travaillent fort et à quel point ils peuvent jouir de ce que le travail leur rapporte. On peut alors comparer les revenus d'un pays à l'autre en tenant compte du pouvoir d'achat, qui est censé être mesuré au niveau de la consommation; c'est-à-dire qu'on mesure ce qu'un ménage peut acheter avec le fruit de son travail. Il y a des mesures beaucoup plus précises, mais si vous me demandez quelle est la meilleure du point de vue purement statistique, je dirais que c'est le revenu par heure de travail, en tenant compte de la parité des pouvoirs d'achat. Et l'on sait que c'est imparfait, mais c'est la meilleure mesure rapide que nous ayons.
À (1010)
[Français]
M. Yvan Loubier: Vous parlez beaucoup du taux d'imposition sur le capital. J'en suis parce que je trouve que cela peut être une aberration à certains égards que d'avoir un taux d'imposition sur le capital aussi élevé. Cela compromet, bien entendu, les investissements des entreprises pour, justement, améliorer la productivité.
Toutefois, vous parlez très peu du dollar canadien. Vous parlez très peu de la volatilité et du niveau ou des bonds prodigieux que l'on peut faire en quelques années. Si l'on se fie à l'expérience européenne d'unification monétaire, il y a eu plusieurs gains de productivité liés à cela. Il y a des gains sur le plan des transactions commerciales également. C'est encore difficile à mesurer, parce qu'il y a à peine quelques années que la monnaie unique a été implantée.
Ne pensez-vous pas qu'une façon de contribuer à l'amélioration de la productivité, non pas à court terme ni à moyen terme mais à long terme, serait d'abord d'avoir un environnement monétaire un peu plus stable que celui qu'on a connu dans les trois Amériques, où des monnaies secondaires sont disparues? Ne serait-il pas préférable d'éviter que les devises soient assujetties à des fluctuations des marchés comme celles que l'on a connues et qui ont conduit à un choc il y a quelques années? Lorsqu'on parle d'avenir et d'un plus grand contrôle sur la productivité canadienne, une intégration monétaire des trois Amériques ne serait-elle pas une solution à envisager?
[Traduction]
M. William Robson: C'est un dossier auquel j'ai travaillé dans le passé. Je crois qu'il y aurait des gains de productivité. Ils ne seraient pas aussi importants qu'en Europe, où il y a un grand nombre de devises et, en conséquence, une plus grande fragmentation des marchés. Quelqu'un a déjà calculé le coût de la conversion des devises pendant un voyage à travers l'Europe, et si l'on compare cela à ce qui se passe en Amérique du Nord, il est certain que les Européens en ont tiré des avantages beaucoup plus grands que ceux que nous pourrions escompter.
Si l'on examine le coût de la conversion monétaire et du commerce des devises en Amérique du Nord, autrement dit ce qu'il en coûte d'avoir un dollar canadien, il y a un coût mesurable, mais c'est certainement un coût inférieur à celui dont les Européens ont réussi à se débarrasser.
Si l'on adoptait un arrangement qui réduisait les fluctuations des taux de change en Amérique du Nord, je pense que le choix devrait se faire entre établir un taux de change fixe, en sachant qu'il faudra un jour laisser les devises fluctuer, ou adopter une union monétaire avec les États-Unis. Quand je réfléchis à ces choix, je n'aime pas les taux de change fixes, parce que ce sont des arrangements temporaires, et quand ils s'effondrent, cela cause une perturbation très dommageable.
Une union monétaire avec les États-Unis serait une pilule très difficile à avaler pour le Canada. Il faudrait adopter la Réserve fédérale des États-Unis, ou quelque chose d'approchant, qui deviendrait notre banque centrale. Il faudrait adopter leur système de réglementation financière ou un système qui s'en rapprocherait beaucoup. En négociant très serré, nous pourrions obtenir un siège à la table, mais je ne suis pas du tout certain, compte tenu de l'état actuel des relations canado-américaines, que ce serait possible. Je perçois donc des avantages réels, mais minimes par rapport au coût et, dans la situation actuelle, je ne suis pas en faveur d'une union monétaire.
M. Sam Boutziouvis (vice-président, Politiques et directeur des recherches, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Je suis entièrement d'accord avec M. Robson.
Je dois seulement signaler deux points. Premièrement, les entreprises canadiennes ont beaucoup épargné. En fait, elles sont dans une situation d'épargne nette, et beaucoup prévoient accroître les investissements au Canada. En particulier, il existe actuellement des plans prévoyant des dépenses de plus de 100 milliards de dollars pour l'infrastructure pétrolière et gazière, les pipelines et le transport, et cela ne comprend même pas ce que l'on prévoit dépenser en Ontario et au Québec pour la mise à niveau et le renforcement de l'infrastructure de l'électricité au cours des prochaines années.
Cependant, dans le secteur de la fabrication en particulier, il faut être parfaitement clair : l'appréciation du dollar canadien a mis un frein aux investissements actuels et prévus. Dans certains cas, des compagnies ont mis de côté leurs plans d'investissement à cause de l'incertitude relativement au dollar, à la fiscalité, à la réglementation, enfin une foule de facteurs. À l'heure actuelle, le dollar commence à se stabiliser dans une fourchette allant de 0,84 à 0,87 $, autour de 0,85 $, et il semble bien que les gens d'affaires recommencent à planifier d'importants investissements.
Par conséquent, dans la mesure où de tels investissements dans le secteur de la fabrication renforcent la productivité et exigent beaucoup de capitaux, pour l'achat de machines et d'équipement, de terrains, etc., il faut conclure, surtout si le dollar se stabilise autour de 0,84 à 0,85 $, que l'on finira par voir, à long terme, puisque ce sont des projets immenses, une certaine reprise de la productivité du travail. C'est inévitable.
À (1015)
Le président: Merci.
Monsieur McKay.
L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci , monsieur le président. Merci à tous les témoins.
Pourquoi voudrions-nous fusionner notre devise avec celle d'un pays qui a un triple déficit? Je n'en vois pas l'intérêt et cela me semble hors de question. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'objet de ma question.
Je veux contester les propos de M. Stewart-Patterson au sujet des dépenses soi-disant hors de contrôle, car je ne suis vraiment pas d'accord avec son point de vue. Durant l'année financière 2004-2005, les revenus budgétaires représentaient 15,4 p. 100 du produit intérieur brut du pays. Les dépenses de programmes ont augmenté d'un point entre 2003-2004 et 2004-2005, vous avez raison là-dessus. Mais une partie de cette augmentation a été compensée par des économies au chapitre de la dette.
Si vous faites une ventilation des dépenses de programmes, vous verrez que l'élément le plus important et de loin, ce sont les transferts aux provinces, qui sont passés de 29 milliards à 41 milliards de dollars—en fait, près de 42 milliards de dollars—en un an. Les dépenses au chapitre de la défense nationale ont augmenté d'un milliard et demi de dollars. Pour toutes les autres dépenses de programmes et tout ce que le gouvernement du Canada fait pour ses citoyens, on constate une augmentation d'environ six milliards de dollars. On ne peut absolument pas dire que les dépenses sont hors de contrôle.
Mais ce n'est pas encore la question que je veux vous poser. Je veux plutôt vous poser une question de fond au sujet du prélèvement libératoire.
Une voix: Je comprends pourquoi vous ne voulez pas qu'on réponde à votre question.
L'hon. John McKay: Eh bien, certaines croyances prennent les proportions de véritables légendes urbaines, alors que ce n'est tout simplement pas vrai.
Premièrement, on discute ces temps-ci de la question des fiducies de revenu. À vrai dire, les fiducies de revenu existent pour deux raisons : premièrement, parce que les provinces ont décidé de créer un régime de responsabilité qui les rend attrayantes; et deuxièmement, parce qu'il y avait un écart entre le traitement fiscal d'un dividende et celui d'une fiducie. Ce sont les raisons qui expliquent cette ruée, si l'on peut dire, vers les fiducies de revenu, et l'on peut soutenir que cela a entraîné une perte de revenu pour les gouvernements.
Par ailleurs, vous avez fait un autre commentaire au sujet du prélèvement libératoire. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi nous devrions supprimer le prélèvement libératoire sans condition—autrement dit, en laissant tout simplement un montant de côté sans le déduire—tout en laissant simultanément les fiducies de revenu en place, de sorte que le mythique investisseur américain qui, à partir de New York, investit un million de dollars dans une fiducie de revenu en Alberta ne paierait absolument aucun impôt au Canada si nous adoptions votre suggestion.
Y a-t-il quelque chose qui m'échappe dans ce scénario?
M. David Stewart-Patterson: Non, vous avez absolument raison. Il y a un lien entre la question du prélèvement libératoire et le dossier des fiducies de revenu, et les deux ne vont pas nécessairement dans le même sens. Le problème des fiducies de revenu, c'est que des revenus sortent du pays en franchise totale d'impôt.
Par ailleurs, comme je le signalais tout à l'heure, le Canada est en train de devenir un exportateur net de capitaux; nous investissons plus à l'étranger que les étrangers n'investissent chez nous. En conséquence, les investisseurs canadiens sont pénalisés quant à leur capacité d'utiliser l'endettement, c'est-à-dire d'emprunter de l'argent pour faire des investissements directs dans d'autres pays. Cela place les compagnies canadiennes dans une situation défavorable dès qu'il est question de consolidation.
Ce sont donc deux questions distinctes et, malheureusement, les orientations politiques vont peut-être dans des directions opposées, mais ce sont deux dossiers séparés : l'un concerne l'investissement à l'étranger, et l'autre a à voir avec...
L'hon. John McKay: Êtes-vous disposé à laisser ce mythique investisseur de New York venir au Canada pour y faire un paquet d'argent sans payer un sou d'impôt chez nous?
M. David Stewart-Patterson: Non, tout ce que je dis—et je ne suis pas expert en fiscalité et je ne prétends donc pas connaître cette question dans les moindres détails—, c'est que je sais que deux questions distinctes relatives à la fiscalité ont été soulevées dans différents milieux de la communauté des gens d'affaires. Dans certains milieux, on se préoccupe des investissements à l'étranger et de la possibilité pour des compagnies canadiennes d'être compétitives sur la scène mondiale, en particulier lorsqu'elles s'efforcent de se renforcer pour rivaliser avec les investisseurs sur le marché des États-Unis. D'autres s'inquiètent du traitement des investisseurs au Canada en comparaison du traitement des investisseurs à l'étranger, qui nuit à la capacité du Canada d'attirer des investissements et de créer des emplois dans les localités canadiennes.
Sur la question des fiducies de revenu, je dois dire encore une fois que nous avons assisté à une flambée de transformation de sociétés en fiducies de revenu et il semble que cela ait beaucoup à voir avec le traitement fiscal. Les compagnies qui sont en activité subissent d'énormes pressions de la part d'investisseurs exonérés d'impôt dans les caisses de retraite, parce que si les sociétés n'ont pas à payer d'impôt avant de verser des dividendes, cela augmente les liquidités destinées aux caisses de retraite. D'autre part, je dois dire—et les membres de notre comité exécutif l'ont dit directement au ministre des Finances la semaine dernière—que l'on s'inquiète beaucoup de l'incidence de cette évolution sur la manière dont les compagnies sont dirigées. Les dirigeants passent une bonne partie de leur temps à répondre aux demandes des investisseurs qui réclament une augmentation du rendement et exigent donc que la société se convertisse, ce qui diminue d'autant le temps et les efforts consacrés à la croissance de l'entreprise.
À (1020)
L'hon. John McKay: Acceptez-vous l'argument de base voulant que si nous maintenons cette structure, la productivité en sera diminuée?
M. David Stewart-Patterson: Je sais que certains craignent que la transformation en fiducies de revenu ne fasse disparaître certains encouragements à investir dans la croissance. Il est certain que nos membres, qui sont des compagnies axées sur la croissance, n'ont pas le sentiment que la structure de fiducies de revenu leur serait avantageuse sur le plan de la croissance prévue, parce que ces compagnies réinvestissent jusqu'au dernier sou de l'argent qui rentre. Il y en a d'autres, notamment dans la communauté des investisseurs, qui soutiennent que c'est en fait très sain pour les compagnies axées sur la croissance de devoir s'adresser au marché à chaque fois qu'elles veulent amasser des capitaux pour faire un nouvel investissement, parce que cela les force à se discipliner davantage. D'autre part, il y a des coûts de transaction. Quand il faut s'adresser au marché à chaque fois qu'on veut faire un investissement...
L'hon. John McKay: Tout ce que je sais, c'est qu'il y a des avocats tapis quelque part.
M. David Stewart-Patterson: Oui.
Je ne prétends nullement qu'il y a des solutions simples, mais j'essaie de me rapprocher le plus possible d'un consensus quant à la meilleure approche en termes d'orientation stratégique, et il s'agit d'égaliser les chances dans le cadre du régime fiscal. Les mesures que j'envisage sont telles que si l'on améliore le traitement des crédits d'impôt pour dividendes, et si l'on examine comment ces crédits d'impôt ont avantagé les investisseurs exonérés d'impôt—les REER et les caisses de retraite—, on pourrait supprimer en grande partie l'encouragement fiscal à se transformer en fiducies de revenu.
L'hon. John McKay: Que dites-vous de l'idée de traiter les fiducies un peu plus comme des sociétés?
M. David Stewart-Patterson: Je pense que si l'objectif est d'encourager l'investissement, il faut envisager le problème de manière à améliorer le traitement fiscal des investisseurs, au lieu de l'empirer.
L'hon. John McKay: Si l'on établit des règles du jeu uniformes...
M. David Stewart-Patterson: Oui, mais si vous commencez à supprimer ce qui existe déjà, vous allez causer une perturbation du marché encore plus grande que si vous égalisez les chances en améliorant la situation des autres.
L'hon. John McKay: Combien de temps me reste-t-il?
Le président: C'est tout.
L'hon. John McKay: Oh, vraiment! Allons, c'est la conversation la plus intéressante depuis le début.
Le président: Je sais. C'est pourquoi il vaut mieux y mettre fin avant qu'on s'éparpille.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de ce matin; la discussion est fort intéressante. J'avais parfois l'impression que nous étions de retour au printemps, en train de discuter du projet de loi C-48 et du budget mieux équilibré du NPD. J'ai pensé que M. Stewart-Patterson voulait peut-être rouvrir tout le débat, et c'est bien ce qu'il fait. Peut-être qu'il y a moyen de le faire, parce qu'en fait, la discussion d'aujourd'hui est dans la droite ligne de celle que nous avons eue hier et porte sur l'obligation de faire des choix et d'en avoir le plus possible pour son argent quand les ressources sont relativement limitées.
Il semble que David, Garth et peut-être William laissent tous entendre que les baisses d'impôt sont la solution magique. Je pense qu'on nous a expliqué hier que c'est beaucoup plus complexe que cela. Si c'était aussi simple, on aurait pu s'attendre—je m'adresse en particulier à Garth—à un changement miraculeux de la productivité après le dernier plan quinquennal comportant des baisses d'impôt de 100 milliards de dollars, mais nous n'avons rien vu de tel. Nous n'avons pas assisté à une ruée des entreprises vers les investissements dans la mise à niveau de l'équipement et la technologie dernier cri. Nous avons encore beaucoup de retard par rapport aux États-Unis sur ce front, comme l'Institut C.D. Howe l'a indiqué. Si c'était aussi simple, les entreprises feraient aujourd'hui des profits records—vérifiés par la Banque Toronto Dominion et non pas par le NPD—dans les secteurs où il y a eu croissance de la productivité, mais ce n'est pas cela qui se passe.
Il me semble donc qu'il faut envisager un ensemble de solutions beaucoup plus complexes. Je ne suis pas certaine qu'Andrew Sharpe les connaisse tous, mais en tout cas, il aborde de front la nécessité d'envisager le plein emploi. C'est sûrement un élément fondamental de la productivité de notre pays. Si les gens n'utilisent pas pleinement leurs talents, comment pouvons-nous espérer accroître la productivité?
Je trouve que la question des lieux de travail et du temps de travail est importante. Je sais que David a fait une observation sur la garde des enfants, laissant entendre que c'est important mais que c'est en fait négligeable du point de vue global. Si l'on examine le nombre d'heures de travail perdues ou la baisse de production au travail causée par le fait que des gens s'inquiètent de la sécurité de leurs enfants... Enfin, je sais que je ne suis pas productive autour de cette table si j'ai un enfant malade et qu'il n'y a personne pour s'en occuper et que j'essaie frénétiquement de téléphoner à Winnipeg. Ce sont des facteurs importants. Quand on se penche sur toute cette problématique ayant trait à la réalisation du potentiel d'une personne au travail, il faut commencer à investir de manière à abattre ces obstacles et à atténuer ces problèmes, pour qu'une personne puisse vraiment être tout à fait productive, et je pense que chacun aspire à se réaliser pleinement.
J'ai donc en fait une triple question à poser à Garth au sujet de la dernière baisse d'impôt de 100 milliards de dollars.
Je m'adresse maintenant à David. Ne reconnaissez-vous pas l'importance de s'attaquer au stress psychologique et à l'absence de politiques sociales aidant les travailleurs à devenir plus productifs?
Et je me tourne maintenant vers Andrew. Comment réfuter cette notion simpliste d'une réduction d'impôt qui entraînerait automatiquement une hausse de la productivité? Quels conseils pouvez-vous nous donner au moment où nous amorçons ce processus? Nous avons encore des heures et des heures et de longues semaines devant nous. Comment pouvez-vous nous aider à faire en sorte que nous ayons l'éventail le plus complet possible de solutions à cette problématique très complexe?
Peut-être pourriez-vous commencer.
À (1025)
Le président: Nous entendrons M. Whyte, puis M. Patterson et ensuite M. Sharpe.
M. Garth Whyte: Je vous remercie pour votre question. Vous n'étiez pas ici pendant mon exposé; vous êtes arrivée après et vous avez fait certaines hypothèses. En fait, nous avons répondu présents. Je me demande même comment vous osez poser la question. Depuis le 11 septembre, l'économie du Canada a fait beaucoup mieux que ce que tout le monde prévoyait. Pourquoi? C'est parce que les petites et moyennes entreprises ont continué de créer des emplois. Pourquoi l'ont-elles fait? Parce qu'elles pouvaient compter sur la certitude d'un plan fiscal sur cinq ans. Elles savaient qu'elles ne se feraient pas prendre par surprise comme beaucoup d'entreprises l'ont été l'année dernière, quand vous avez dit : « Voici notre budget--et puis non, après tout, ça ne l'est pas ». Je recevais des coups de téléphone tous les jours pendant vous étiez en train de négocier le plan fiscal en gribouillant au dos d'une enveloppe. Qu'arrivera-t-il l'année prochaine?
Je vais vous parler de Winnipeg et du Manitoba. Parlons donc d'un secteur que vous connaissez : celui des oeufs. Parlons des agriculteurs; on ne saurait être plus productif qu'eux. Parmi nos membres, un sur quatre nous a dit la semaine dernière que la hausse du coût du carburant pourrait compromettre la survie de leurs entreprises. Il leur faut une certaine certitude. Un plan fiscal sur cinq ans leur donnerait cette certitude. Il leur faut aussi un élément de certitude sur le front de la réglementation. Cela aidera leur productivité; cela les aidera à rester en affaires.
Je voudrais dire par ailleurs qu'il nous faut quelque chose dans le système qui permettra aux entrepreneurs de transmettre leurs entreprises à leurs familles. Pour moi, la question ne se pose même pas. Oui, nous avons réagi positivement. Peut-être que ça ne paraît pas dans les chiffres sur la productivité, mais l'économie du Canada n'a pas trop mal fait ces trois ou quatre dernières années. Je pense que nous pouvons nous attribuer une partie du mérite sur le plan de la création d'emplois, et je suis d'accord avec vous là-dessus, et sur le plan de notre prospérité économique générale. Peut-être que nous n'atteignons pas les cibles en matière de productivité, mais je n'aurais pas voulu vivre aux États-Unis après le 11 septembre.
M. Andrew Sharpe: Je vous remercie beaucoup pour ces propos. Je voudrais ajouter seulement deux ou trois observations.
Je suis entièrement d'accord avec vous sur l'importance du plein emploi comme outil pour renforcer la productivité. Le facteur clé, c'est que dans une économie de plein emploi, l'entreprise doit utiliser plus de capitaux--les capitaux remplacent la main-d'oeuvre— et une hausse du ratio capitaux--main-d'oeuvre est le principal moteur des gains de la productivité du travail.
Le principal atout de l'économie canadienne à l'heure actuelle, c'est son faible taux de chômage. Nous sommes à environ 7 p. 100. C'est excellent et nous devons vraiment maintenir ce taux. Cela devrait être un objectif clé de la politique. En fait, c'est d'une grande importance qui va bien au-delà des gains de productivité. C'est très positif. En fait, depuis disons 2000, notre économie a connu une croissance d'environ 3 p. 100 par année. La croissance de l'emploi a été d'environ 2 p. 100 et celle de la productivité d'environ 1 p. 100. Je préfère une croissance plus forte de l'emploi plutôt que de la productivité pour une croissance donnée de la production, parce que les gains au chapitre de l'emploi se traduisent par un plus grand nombre de personnes qui paient des impôts et cela veut dire qu'il y a moins de chômeurs et tout cela a beaucoup de conséquences sociales positives.
Maintenant, sur la question de savoir comment réfuter cette notion voulant que les baisses d'impôt soient la solution de notre problème de productivité, premièrement, dans certains cas, je ne suis pas nécessairement contre des baisses d'impôt, mais globalement, nous devons adopter une approche beaucoup plus équilibrée.
Il faut faire trois observations. Premièrement, il y a la baisse des impôts personnels. Qui serait contre cela? Mais en fait, une telle baisse d'impôt n'a aucune incidence sur la productivité. Les impôts personnels influent sur l'offre de main-d'oeuvre. Même à cela, l'incidence n'est pas très forte. Cela veut seulement dire que les gens peuvent travailler plus, mais si l'on travaille davantage, cela ne représente pas un gain de productivité par heure de travail. Je ne pense donc pas qu'il y ait tellement de lien entres les impôts personnels et la productivité.
Du côté de l'impôt des sociétés, il faut signaler que les profits sont à des niveaux records. Si les entreprises disent qu'il leur faut des baisses d'impôt sur les sociétés pour investir davantage, eh bien, ce n'est pas vrai, parce que les profits sont très élevés à l'heure actuelle. Les entreprises peuvent donc investir si elles le veulent. En fait, elles font beaucoup d'investissements. Mais il faut dire que des baisses des taux d'imposition n'influent pas directement sur les décisions en matière d'investissement. Elles résultent seulement en des profits après impôt plus élevés, lesquels ne sont pas nécessairement investis. Je pense qu'une meilleure politique consisterait à modifier la DPA et à instaurer un crédit d'impôt supplémentaire à l'investissement qui récompenserait les entreprises qui font des investissements. Voilà la clé. Chacun veut une augmentation des investissements.
À (1030)
Le président: M. Stewart-Patterson et ensuite M. Robson.
M. David Stewart-Patterson: Oui. Tout d'abord, j'aimerais renforcer ce que disait Garth au sujet des avantages d'un plan à long terme. En 2000, le gouvernement a mis la politique fiscale au coeur de sa stratégie économique et voyez ce qui est arrivé à l'économie depuis : nous avons eu cinq ans de très bonne croissance. La croissance de l'emploi a été forte, le taux de chômage est à son plus bas depuis des décennies et les recettes fiscales du gouvernement ont atteint un niveau sans précédent, ce qui lui permet d'entreprendre beaucoup plus de choses. Nous sommes allés jusqu'au bout de cette politique et maintenant nous pataugeons un peu. Je pense qu'il est important de commencer à parler de notre stratégie et je tiens à le souligner. J'ai dit dans ma présentation et je le répète, je pense que la politique fiscale est un élément essentiel d'une stratégie globale. Ce n'est pas la solution miracle qui va tout régler, mais on ne peut laisser de côté la politique fiscale et espérer avoir une stratégie qui fonctionnera.
Permettez-moi de répondre à la question de savoir ce qui arrive aux bénéfices. Cela nous rappelle que l'économie de notre pays n'est pas uniforme. Le secteur de l'énergie de l'Ouest gagne des tas d'argent qu'il réinvestit aussi rapidement qu'il le peut. Son problème n'est pas de trouver de l'argent à investir, c'est de trouver des gens pour faire le travail. Les réinvestissements dans le secteur pétrolier sont limités par la pénurie de travailleurs qualifiés.
Par contre, dans le secteur manufacturier au Québec et en Ontario en particulier, il y a des entreprises qui fonctionnent presque à pleine capacité. Normalement, elles devraient réinvestir et accroître leur capacité en plus de devenir plus efficaces, mais elles ne gagnent pas d'argent à cause de la valeur élevée du dollar, d'une concurrence plus intense sur tous les marchés mondiaux, des coûts d'énergie élevés qui, pour eux, sont un coût d'intrant. Elles disent donc : « Très bien, nous fonctionnons peut-être à pleine capacité, mais nous ne gagnons pas d'argent. Si nous voulons rester compétitives, nous devons investir, mais nous n'avons pas de liquidités ».
C'est pourquoi je pense qu'il faut voir ce qui permettrait à ces entreprises qui ne réalisent pas des bénéfices records de faire les investissements qu'elles ont besoin de faire, et il n'y a que quelques options. N'est-ce pas? Si elles veulent rester compétitives, si elles veulent rester en affaires, ces entreprises doivent investir dans d'autres appareils afin de devenir plus compétitives dans leurs collectivités canadiennes, ou alors elles doivent investir ailleurs. Je le répète, les allégements fiscaux ne sont pas la seule solution. Mais cela répond à votre question. Il faut s'assurer que les gouvernements fournissent des services de valeur en contrepartie de l'argent qu'ils sortent de l'économie.
En réponse à votre question sur les facteurs qui nuisent à la productivité, comme le stress en milieu de travail, étant donné la pénurie de main-d'oeuvre dans notre économie, et c'est ce qui nous attend, les entreprises devront en faire plus, et elles ont déjà commencé—pour attirer et retenir des employés. Cela ne veut pas dire seulement offrir de bons salaires, mais également de bons avantages sociaux. Pourquoi quelqu'un irait-il travailler pour vous plutôt que pour quelqu'un d'autre lorsqu'il a l'embarras du choix?
Mais la vraie question est celle du cadre économique : pourquoi des entreprises déjà installées ici et des entreprises étrangères investiraient-elles au Canada plutôt qu'ailleurs? Qui sont nos concurrents sur le marché des investissements? Eh bien, le Canada n'a pas un marché aussi vaste que celui des États-Unis. Nous n'avons pas cet attrait. Nous n'avons pas une main-d'oeuvre bon marché et nous n'en voulons pas non plus. N'est-ce pas? Alors, nous n'allons pas faire concurrence à la Chine ni aux autres sur le plan des salaires. Alors, qu'est-ce qui va attirer les investissements au Canada?
À (1035)
Le président: Merci.
J'aimerais permettre à M. Robson de répondre. Nous sommes très en retard.
Monsieur Robson.
M. William Robson: Je ne suis pas venu livrer une nouvelle fois la bataille qu'on a eue au sujet du projet de loi C-48 et je n'ai pas les chiffres sous les yeux. Cependant, je vous signale que le dépassement du budget prévu l'an dernier dépasse toute mesure. Je ne suis pas un parlementaire. Si j'en étais un, je verrais cela comme une insulte colossale. Je ne peux pas croire que le budget prévoyait 4 milliards de dollars de nouvelles dépenses et que 17 milliards de dollars supplémentaires ont été dépensé l'an dernier.
Je n'avais jamais vu cela depuis que je suis adulte, et j'espère que ça ne se produira plus jamais. Mais lorsqu'on parle d'établir des priorités, de jongler à la marge et d'assurer la neutralité des recettes, les bras m'en tombent. Je ne peux pas croire qu'on puisse discuter de cela après des dépenses de 17 milliards de dollars qui n'étaient même pas prévues.
Si c'était vraiment une bonne idée, pourquoi n'était-elle pas dans le budget? Cet argent a été dépensé tout simplement parce qu'il était là.
Je voulais dire un mot au sujet du marché du travail et souligner encore une fois la très forte croissance de l'emploi. Comme Andrew le disait, le taux de chômage est très faible. Les États-Unis se sont trouvés dans cette même position il y a quelques années. Puis ils ont commencé à faire bon nombre de choses qu'Andrew estime probables et ils ont enregistré une énorme croissance de la productivité de la main-d'oeuvre.
Je pense que des taux d'impôt sur le revenu des particuliers plus faibles aident réellement le marché du travail à mieux fonctionner. Ce qui est sûr, c'est qu'ils réduisent les obstacles que doit surmonter une personne à revenu modeste qui grimpe l'échelle. Ils encouragent l'investissement dans le perfectionnement, l'éducation postsecondaire, etc. Nous avons vu tout cela. Alors je pense que ça donne de bons résultats.
Le président: Merci.
M. Penson, M. Bouchard, puis M. Bell.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Comme toujours, la discussion est intéressante et animée.
Moi aussi je m'intéresse au plein emploi. C'est certainement une réalité de nos jours en Alberta, où j'habite, où bon nombre d'entreprises ne peuvent pas fonctionner car elles ne peuvent pas recruter ou retenir des employés malgré les salaires élevés qu'elles offrent. C'est pourquoi je crains que nous n'ayons encore des problèmes structurels, comme le programme d'AE, qui décourage les gens de se déplacer pour trouver du travail. C'est malheureux, car le climat d'investissement est excellent là-bas.
Je sais, monsieur Stewart-Patterson, que vous en avez parlé. C'est l'un des principaux facteurs dont tiennent compte les entreprises lorsqu'elles décident où investir. Mais il n'y a pas que la faiblesse des taux d'imposition; la disponibilité de la main-d'oeuvre est un facteur extrêmement important ici. Lorsque j'entends mon collègue parler de plein emploi, je suis entièrement d'accord pour dire que nous devons continuer à chercher des solutions à ce problème. J'aimerais que vous nous disiez comment ces programmes empêchent les entreprises d'attirer les travailleurs.
Je voudrais signaler également, et je pense que cela a déjà été mentionné, que les bénéfices sont certainement élevés, mais les capitaux de placement peuvent aller là où le climat d'affaires est le meilleur. Ce n'est pas nécessairement au Canada, car nos taux d'imposition sont encore assez élevés. Les taux d'imposition réels sont très élevés.
Alors, il n'y a que deux questions : comment améliorer la mobilité de la main-d'oeuvre et l'urgence, monsieur Robson, d'améliorer la productivité au Canada. Nous en parlons depuis dix ans environ, mais nous n'avons pas beaucoup de résultats. J'aimerais que les témoins nous disent s'ils sentent qu'il est vraiment urgent de combler cette lacune.
M. Garth Whyte: Je regarde une déclaration que nous avons faite en juin 2001, dans laquelle nous disions qu'il semblait que le gouvernement fédéral voulait nous entraîner encore une fois sur les montagnes russes de la productivité. C'est ce que nous disions en 2001 après une décennie de ce manège—et c'est reparti pour un autre tour.
Mais bon, laissons cela et parlons plutôt de la pénurie de main-d'oeuvre qui est un immense problème. Dans notre mémoire, nous formulons diverses recommandations, notamment sur l'AE. C'est ironique, mais lorsque nous parlons de productivité et de ce qui la freine, vous adoptez le congé parental... Par chez nous, il y a un vétérinaire qui perd quatre de ses cinq employés qui n'ont pas besoin de lui dire quand ils seront de retour. Alors, il doit recruter de nouveaux employés et les former, mais il ne peut pas leur demander de rester puisqu'ils devront partir lorsque les employés en congé parental reprendront le travail. En quoi est-ce que cela améliore la productivité? En quoi est-ce que cela améliore la stabilité? Or, l'employeur doit en outre payer les cotisations d'AE pour les remplaçants.
À propos, nous sommes une entreprise favorable à la famille et nous reconnaissons l'importance du congé parental, et nous l'avons dit, mais personne n'a songé à l'effet dévastateur qu'il aurait sur les nouvelles entreprises ou les petites et moyennes entreprises.
C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous formulons des recommandations pour compenser certains de ces effets. Vous direz peut-être qu'il s'agit d'un impôt, moi j'appelle ça un programme. Rétablissez le programme pour les nouveaux employés afin qu'une entreprise qui accroît ses coûts salariaux ou le nombre de ses employés ne soit pas tenue de verser les cotisations d'AE pour les nouveaux postes. Est-ce que nous ne pouvons pas compenser l'effet de ces mesures qui nuisent considérablement à la productivité et qui ont été mises en place par le gouvernement qui n'a même pas songé aux effets qu'elles auraient? Ces mesures ont été prises après la réunion de 2001 où nous en avions discuté et il semble que le gouvernement ait adopté une autre voie que celle que nous proposions. Sauf votre respect, cela nous dérange et nous fâche.
Nous ne reparlerons pas de l'excédent de 46 milliards de dollars dans la caisse de l'AE... mais à bien y penser, je vais en parler. Je sais que c'est un excédent théorique, et je suppose que les taux de cotisation à l'AE n'augmenteront pas au cours de la prochaine décennie, puisqu'il y a tout cet argent théorique dans la caisse. C'est une autre chose qu'il faudrait mettre dans le plan, un engagement qui ne vous coûterait rien, il suffirait d'annoncer vos intentions. À l'heure actuelle, nous parlons de plein emploi, mais lorsque la situation se détériorera, le gouvernement voudra augmenter les cotisations à l'AE qui est un impôt avant bénéfice qui nuit à l'emploi et à la productivité.
Nous pourrions faire toute une présentation sur l'AE, mais je vais m'en abstenir, même si ça me plairait.
Des voix : Oh, oh!
À (1040)
M. William Robson: Au sujet de l'AE, c'est une coïncidence curieuse que le dépassement du budget soit égal aux cotisations d'AE perçues par le gouvernement. Je ne voudrais pas en tirer trop de conclusions, mais cela illustre bien la taille de ce dépassement et aussi l'occasion ratée. Le programme d'AE, dont nous nous plaignons de temps en temps, est de plus en plus utilisé à des fins qui n'ont rien à voir avec l'assurance, et entraîne des dépenses dans des domaines où les provinces seraient beaucoup plus efficaces. Je suis convaincu que si les provinces administraient l'AE, le taux de chômage national serait au moins d'un pourcentage plus bas. C'est ce que me dit mon instinct. Je pense qu'il y aurait beaucoup moins de redistribution interrégionale pour aider les employeurs qui ont tendance à souvent faire des mises à pied.
C'est pourquoi je pense qu'un examen du programme d'AE est de plus en plus urgent... Nous sommes en bonne position maintenant, puisque le marché du travail se porte assez bien et que le recul dans les réformes de l'AE n'a pas eu autant d'impact sur le comportement des gens que si nous étions dans une période de dépression. Mais je pense que la nécessité d'une réforme s'impose de plus en plus à mesure que le détournement des cotisations s'aggrave.
M. Charlie Penson: Je me permets de vous interrompre car nous n'avons plus beaucoup de temps.
Dans ma circonscription, le taux de chômage est encore d'environ 6 à 7 p. 100, or il y a... Je ne comprends pas que des gens ne puissent pas se trouver d'emploi dans la région. Comment est-ce que ça fonctionne? Depuis que le Canada a commencé à transformer le programme de l'AE pour qu'il ressemble davantage à un programme social dans les années 1970, notre taux est d'environ 2 p.100 plus élevé que celui des États-Unis, et ce depuis 35 ans. Quelque chose a changé.
M. William Robson: Je ne peux pas parler de la recherche d'emploi. J'imagine que vous avez un taux de participation très élevé, et il se peut que bon nombre de personnes qui... Il faudrait que j'examine la situation, mais il ne fait aucun doute que plus vous subventionnez les gens qui créent le chômage aux dépens des personnes qui réduisent le chômage, les taux de chômage resteront élevés. C'est l'exemple classique du comportement indésirable qu'on récompense plutôt que de punir.
Au sujet de la productivité, et du fait que nous en parlons depuis si longtemps, j'ai un commentaire très rapide à faire. Dans bon nombre des secteurs où vous pourriez être très actifs, il y a les obstacles réglementaires ou les obstacles au commerce interprovincial, ainsi que les problèmes internationaux, où il est difficile de trouver des compromis entre les gagnants et les perdants et où les interventions visant à régler ces problèmes ne sont pas très payantes sur le plan politique. Il est très difficile de réaliser des progrès dans ce secteur. Si je privilégie les mesures fiscales, c'est en partie parce qu'elles ont plus d'impact mais aussi parce qu'elles sont plus faciles à mettre en oeuvre.
Le président: Merci, monsieur Robson.
Je passe maintenant la parole à M. Bouchard, puis ce sera M. Bell.
[Français]
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ): Merci, monsieur le Président. Merci également à vous qui avez fait un très bon témoignage.
Ma question s'adresse à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous parlez dans votre document d'agir rapidement sur l'engagement de réduire la formalité administrative, la réglementation. Depuis plusieurs années, vous revendiquez des améliorations, des réductions au niveau de la réglementation gouvernementale. On sait que par le passé, des actions ont été entreprises, des études ont été faites pour voir si on pouvait réduire toute la réglementation gouvernementale.
Vous parlez également, dans votre document, de l'allégement du fardeau réglementaire administratif comme étant la deuxième priorité concernant les PME au Canada, la première étant l'allégement du fardeau fiscal global.
Est-ce qu'il y a eu vraiment des gains, puisque vous en parlez depuis plusieurs années, au niveau de la réglementation? Est-ce qu'il y a moins de règlements, ou est-ce que la situation est encore la même?
À (1045)
[Traduction]
M. Garth Whyte: Je pense qu'il y aura des gains.
Si vous m'accordez cinq minutes, monsieur le président, il y avait une annonce dans le budget de 2004, que ce comité a appuyée, selon laquelle il y aurait un comité mixte de l'industrie, du secteur privé et du secteur public dont l'unique mandat serait le fardeau administratif. Ce comité a reçu un budget et le mandat de mesurer les impacts, de formuler des stratégies et de présenter un rapport annuel. Je suis coprésident de ce comité et je vais déposer un rapport.
À l'heure actuelle, Statistique Canada mène une enquête pour mesurer l'impact. Pourquoi est-ce que je m'occupe de cela? Parce que je ne voudrais pas qu'on en parle encore dans 10 ans, comme pour la productivité. On craignait d'unir nos efforts pour examiner la réglementation administrative et que tout s'effondre à la fin de notre mandat. Pour empêcher que cela se produise, je veux institutionnaliser le processus administratif, tout comme le processus budgétaire, afin que nous puissions le mesurer.
Statistique Canada enverra un questionnaire à 300 000 entreprises cette année et l'an prochain. Nous nous en servirons pour préparer un rapport, ou c'est le ministre qui le fera, peu importe qui s'en charge, mais il faut qu'il y ait un rapport chaque année tout comme il y a un budget chaque année et ce rapport devra faire l'objet d'une discussion. J'espère que dans cinq ans les gens diront en secouant la tête : « Ah oui, je me rappelle cette journée », car il y aura des rapports.
Je trouve scandaleux qu'il n'y ait pas de rapport sur l'état de la réglementation, sur son impact sur l'économie, à intervalles réguliers, que nous n'ayons pas de liste ou que nous ne puissions pas trouver de moyens de l'améliorer, car cela coûte très cher. Il y a beaucoup d'améliorations possibles. Je pense que c'est un pas important.
Dans le passé, c'était un peu comme sarcler. On arrachait les mauvaises herbes—tout comme on élimine certaines réglementations, on réduit la paperasserie, et pour chaque mauvaise herbe arrachée il y en a trois qui repoussent. Un excellente façon d'assurer des gains de productivité est de s'astreindre à réduire la paperasserie.
David a cité l'exemple néerlandais. Nous pensons que nous allons faire mieux que les Néerlandais qui préparent des rapports ministériels.
Je pense que le meilleur exemple est celui de la Colombie-Britannique. Cette province s'est engagée à réduire d'un tiers les exigences réglementaires et elle a fait mieux que ce qu'elle avait promis. Tout d'abord, ils ont dû mesurer la réglementation, préparer un rapport et mobiliser les gens. Il n'y avait pas que le budget du ministère qui était en jeu; le budget du ministre était réduit de 10 p. 100 s'il n'atteignait pas son objectif.
Le Québec a fait des progrès tout comme le Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick vient d'élaborer une procédure pour mesurer le fardeau administratif. Nous nous en réjouissons, mais je sais que cela prendra du temps.
J'aimerais vous faire une recommandation. Vous pourriez simplifier les dépenses automobiles qui touchent tous les employés indépendants. Si jamais vous avez eu à remplir ce formulaire... Il faut garder tous les reçus d'essence, et franchir plusieurs étapes. Pourquoi ne pas avoir une formule? Cela simplifierait grandement les choses pour les entrepreneurs et ce serait une immense victoire.
Le président: Merci, monsieur Bouchard.
M. Bell, suivi de M. Hubbard.
M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, pour vos exposés.
Monsieur Sharpe, vous avez dit que la compétitivité est l'un des principaux facteurs...
À (1050)
M. Andrew Sharpe: La concurrence.
M. Don Bell: Très bien, concurrence, compétitivité. Vous avez mentionné dix points, dix messages, sur lesquels vous aimeriez que nous concentrions nos efforts. Est-ce qu'il y a une version abrégée de vos recommandations à cet égard?
Monsieur Stewart-Patterson, vous avez commencé à nous dire ce qui, d'après vous, attirerait des investissements au Canada, mais vous avez manqué de temps. J'aimerais que vous terminiez cette réponse rapidement.
Enfin, Garth White, est-ce que nous en faisons assez pour encourager la croissance du commerce électronique pour aider les entreprises indépendantes? Certains de mes commettants m'ont parlé de leurs préoccupations à cet égard.
M. Andrew Sharpe: Au sujet de la concurrence, j'ai fait, je pense, une observation générale. Nous devrions favoriser un marché plus concurrentiel. Je vais vous donner deux exemples.
Premièrement, il y a la réglementation des télécommunications. Le CRTC est responsable de ce secteur et bon nombre de personnes prétendent qu'une réglementation moins lourde encouragerait la concurrence entre les différents genres de fournisseurs de services de télécommunications. En fait, il y a une enquête en cours à l'heure actuelle. Le comité d'examen de la politique en matière de télécommunications examine la question et devrait déposer son rapport à la fin de l'année. Un aspect clé de ce travail est d'encourager la concurrence.
Un autre exemple est la politique générale en matière de concurrence. Nous avons un Bureau de la concurrence qui joue un rôle très important. Il devrait examiner tous les aspects de la concurrence dans l'économie et là où il décèle des faiblesses, il devrait intervenir. Or, il le fait déjà dans une certaine mesure, mais je pense qu'il faudrait insister davantage sur ce concept de la concurrence.
Il y a bien d'autres exemples de secteurs où la politique gouvernementale pourrait encourager la concurrence.
M. David Stewart-Patterson: Ce qui attirera les investissements... Eh bien...
M. Don Bell: Vous aviez commencé à répondre à cette question et vous n'avez pas pu terminer. J'ai pensé que vous pourriez nous donner une réponse rapide.
M. David Stewart-Patterson: Je pense que l'aspect essentiel que j'essayais de souligner, et au sujet duquel nous avons fait un certain nombre d'observations, est que nous avons tendance a nous comparer aux États-Unis. Nous devons reconnaître que nous ne sommes pas les États-Unis, nous sommes différents, et nous devons tirer le maximum de nos différences. Un pays comme les États-Unis peut se permettre d'avoir des taux d'imposition relativement élevés, puisque son marché est si vaste que les gens veulent y être. L'importance du marché à son tour suscite une concurrence beaucoup plus intense. C'est pourquoi certaines entreprises canadiennes qui investissent là-bas se font drôlement malmener. Et elles doivent apprendre à encaisser.
Alors, quel est notre avantage concurrentiel en tant que petit pays qui a un niveau de vie élevé et par conséquent, des salaires relativement élevés? Je pense que l'un des messages que nous essayons de vous transmettre, c'est que nous devons être concurrentiels en matière de fiscalité. À cet égard, la concurrence ne veut pas dire, comme le ministre des Finances a l'habitude de le dire, qu'il faut simplement se maintenir à un niveau comparable à celui des États-Unis. Nous devons annoncer ce que nous allons faire pour que notre pays soit nettement un meilleur endroit où investir, pour compenser le risque de s'installer dans un petit marché, où les salaires sont élevés, pour pouvoir dire néanmoins que c'est un endroit où on peut investir avec confiance et développer une entreprise.
Il y a différentes façon de faire. Comme je le disais, on peut essayer d'attirer des gens. On peut persuader des travailleurs qualifiés que le Canada est un endroit formidable où vivre, en faisant valoir la qualité de la vie dans nos villes et nos collectivités, la diversité de nos collectivités, et les attirer par des taux d'impôt sur le revenu des particuliers intéressants. Ou alors, on peut faire comme l'Irlande et dire qu'ici c'est un endroit formidable pour construire une usine, pour produire des biens et les expédier dans d'autres pays, car nos taux d'impôt sur les sociétés sont extrêmement faibles. Ce ne sont pas tous les impôts irlandais qui sont faibles, mais ce pays a pris les moyens nécessaires pour attirer les investissements qu'il voulait.
Ce que j'essaie de dire, c'est que le Canada ne semble pas avoir de stratégie à l'heure actuelle. Nous pataugeons. Nous voulons être un peu ceci et un peu cela, mais nous n'avons pas encore dit qui nous sommes vraiment. Quel genre de marque sommes-nous en train de nous donner pour que les gens disent : « Voici ce que le Canada fait bien? »
Encore une fois, il n'y a pas de stratégie, pas de solution magique pour attirer les investissements. Si nous voulons des investissements qui soient à forte valeur ajoutée, des activités de recherche au siège social, alors il est évident qu'il est important d'avoir des travailleurs qualifiés et qui ont une bonne productivité. La valeur qu'ils peuvent offrir en contrepartie des salaires qu'ils demandent est importante.
L'infrastructure est importante. Pour l'expédition de produits, il faut des routes, une infrastructure frontalière, des chemins de fer. Pour les activités du siège social, il faut des aéroports, des liaisons aériennes. Est-ce que les gens pourront facilement faire la navette entre la maison et le travail? Beaucoup de travailleurs très qualifiés sont aussi très mobiles.
En outre, bien sûr, il y a l'infrastructure souple. Je ne voudrais pas sous-estimer certains des avantages dont jouit le Canada sur ce plan. Par exemple, vous avez peut-être lu les livres de Richard Florida sur l'évolution de la classe créatrice au sein de l'économie mondiale. Des villes comme Toronto et Vancouver sont très concurrentielles en raison de leur milieu social. Ce sont d'excellents endroits où vivre et travailler, qui attirent un grand nombre de personnes. Il ne faut donc pas non plus négliger l'infrastructure sociale.
C'est pourquoi je dis qu'il n'y a pas que les impôts qui comptent, mais vous ne pouvez pas laisser de côté la politique fiscale lorsque vous essayez d'élaborer une stratégie globale.
À (1055)
M. Don Bell: Garth, pourriez-vous nous donner votre opinion notamment sur les jeunes entrepreneurs, les petits entrepreneurs dans le domaine Internet?
M. Garth Whyte: Je n'ai pas de réponse précise sur les petits entrepreneurs dans le domaine Internet. Je sais que de plus en plus d'entreprises utilisent Internet, pas seulement pour le cybercommerce, le commerce interentreprises, mais surtout pour le marketing électronique, l'information en ligne. C'est un domaine en expansion constante, où de nombreuses mesures d'aide seraient souhaitables.
J'aimerais parler un peu des nouvelles entreprises en général. Je viens de m'entretenir avec la personne qui conseille le président de l'Agence des services frontaliers du Canada, avec qui nous discutions justement de cette question. Les gens veulent s'y prendre de la bonne façon et être sur Internet. Dans ce domaine, il y a beaucoup à faire, si l'on veut aider les gens qui se lancent en affaires.
Pour le lancement d'une entreprise, le gouvernement a pris certaines mesure utiles, comme Gouvernement en direct. Il existe également un programme appelé BizPal qui indique toutes les étapes nécessaires pour lancer une entreprise. D'ailleurs, c'est plutôt drôle, on constate que l'ouverture d'un gîte du passant à Halton nécessite 90 permis à obtenir auprès de trois instances gouvernementales. Nous utilisons donc BizPal pour une autre raison.
Toujours est-il qu'il est possible d'adopter des mesures pour simplifier le processus. Cela augmente considérablement la productivité d'une personne qui débute. Le plus grand obstacle dans ce domaine est celui des étapes et des règlements, pas des impôts. Internet est un outil précieux, mais je crois que le gouvernement a adopté certaines mesures très utiles.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Nous avons entendu d'excellents exposés.
Le sujet que nous examinons s'inscrit évidemment dans le cadre d'un budget plus vaste, et à ce sujet nous avons beaucoup entendu parler de réductions d'impôt. Mais il faut bien que le ministre des Finances équilibre les recettes et les dépenses. Quand on tient compte des deux côtés de la balance, il est facile de dire qu'il faut réduire d'un côté, mais que fait-on de l'autre? C'est un problème très sérieux.
Nous avons abordé beaucoup de sujets qui m'intéressent, mais on dirait que nous n'abordons jamais la question de l'efficacité de notre fonction publique et de notre système de soins de santé. Cela semble toujours problématique. Les soins de santé, c'est le gorille que tous les politiciens ont constamment en face d'eux. Nous y consacrons 10 p. 100 de notre PIB, mais la demande ne cesse d'augmenter. Quel que soit le nombre de milliards de dollars qu'on y consacre une année, l'année suivante les provinces et les services de soins de santé vont demander encore plus d'argent.
Je sais bien que nous pourrions parler aussi du secteur des services, du secteur manufacturier, de l'évolution de notre économie et de la façon dont l'industrie primaire... Je suis heureux d'apprendre que l'agriculture a été superbement récompensée ce matin pour ce qu'elle avait accompli. Mais il y a certains secteurs de notre économie pour lesquels le gouvernement doit prendre des décisions. Quels sont les secteurs qui sont susceptibles d'être les plus productifs, les plus efficaces et les plus créatifs au cours de la prochaine décennie ou de la prochaine génération?
Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je vois que Garth est prêt à répondre au sujet de la santé. Mais que vont faire les politiciens que nous sommes face à une demande sans cesse croissante et à une demande de prestations de l'autre côté? Certaines entreprises disent que les prestations, et pas seulement les prestations de soins de santé mais d'autres choses analogues, représentent 30 ou 40 p. 100 du coût de leurs employés.
Garth, il ne nous reste que quelques minutes si vous voulez dire quelques mots à ce propos.
M. Garth Whyte: Si vous regardez la page 14 de notre mémoire, vous verrez que nous avons fait une importante étude dont s'est servi le Conseil du Trésor. Le premier tableau vient du Secrétariat du Conseil du Trésor et il est tiré du Budget principal des dépenses. Il n'inclut pas l'année dernière, mais il porte sur les variations des dépenses du gouvernement fédéral au cours des cinq années précédentes. Vous voyez que le coût du service de la dette a diminué de 23 p. 100, les dépenses totales ont augmenté de 22 p. 100 et les coûts du personnel ont grimpé de 36 p. 100. Pour l'étude de la page 15, nous nous sommes servis de données du recensement, et il s'agit là de l'écart des salaires et des avantages sociaux pour exactement les mêmes emplois dans les mêmes communautés. Vous voyez qu'il y a un écart de 23 p. 100 dans les salaires et les avantages sociaux pour le gouvernement fédéral.
Donc quand vous dites que de plus en plus d'entreprises... Ce qui nous agace quand on parle de soins de santé ou de n'importe quoi, c'est que la plupart des gens pensent qu'on consacre plus d'argent aux services alors qu'en fait on en consacre plus aux salaires et aux avantages sociaux. C'est inquiétant. Si l'on veut sérieusement augmenter la productivité, il va falloir rectifier le tir. Nous ne disons pas qu'il faut couper dans la rémunération, mais il faudrait au moins enrayer la hausse, parce que dans des villes comme Winnipeg il y a un écart de rémunération de 25 p. 100 pour exactement les mêmes emplois.
Que fait l'employeur qui essaye d'avoir quelqu'un qui souhaite aller travailler pour le gouvernement fédéral? Doit-il payer des impôts plus élevés pour subventionner ce poste? Je crois que c'est une question vraiment importante que tout le monde doit se poser, car si c'est le cas, alors il faut en faire la politique du gouvernement.
On est en train de créer deux sociétés ici. Je ne connais personne dans le secteur privé qui soit en mesure de prendre sa retraite à 55 ans, mais j'en connais beaucoup dans le secteur public. Tôt ou tard, cela va coincer. Il va y avoir un vrai problème, surtout si les gens disent que les impôts ne sont pas le seul problème. C'est quelque chose d'important que je tenais à souligner.
Á (1100)
M. Charles Hubbard: Vous avez des commentaires à propos des secteurs?
M. David Stewart-Patterson: Si vous me permettez d'intervenir, je dirais qu'il est assez dangereux de vouloir choisir des gagnants et des perdants. Nous avons déjà essayé cela, mais sans beaucoup de résultats. Je ne pense pas que ce soit la bonne stratégie à suivre.
Je pense que ce qui est important, encore une fois, c'est de créer le bon cadre pour les entreprises, un cadre qui attire les investisseurs. Il faut créer un environnement qui permette de trouver des gens qui ont les bonnes compétences. Il faut élaborer un cadre stable et prévisible. Il faut avoir des règles claires à long terme, et cela nous ramène encore une fois à l'importance d'une stratégie à long terme au lieu de mesures prises d'une année sur l'autre. Ensuite, c'est aux gens de se débrouiller. À eux de trouver les meilleurs créneaux, de donner libre cours à leur créativité. À eux de construire leurs entreprises et de voir ce qui se passe.
M. William Robson: Je voudrais parler de deux secteurs en m'inspirant de quelque chose que Rick Harris a fait. Il nous a parlé d'un document.
Si nous ne coopérons pas avec les États-Unis sur les questions de défense, il y a peut-être de très bonnes raisons à cela. Nous pensons que ce n'est pas forcément une bonne chose de collaborer avec eux à la défense de l'Amérique du Nord contre des attaques de missiles. Mais si nous refusons de collaborer avec eux sur des questions de défense, nous nous coupons d'une des plus importantes sources de recherche et de développement au monde.
Ce n'est pas nécessairement le facteur décisif. Nous pouvons choisir de ne pas nous protéger contre des attaques de missiles, pour une raison quelconque, mais il faut être bien conscient de cette conséquence si nous faisons ce choix.
Dans le domaine de la santé, j'imagine que tout le monde ici fait appel au système de santé public. Si c'est le cas—et je pense que c'est à peu près certain—comparez le bureau de votre médecin et celui de votre dentiste. La lourde mainmise du gouvernement sur ce secteur est évidente, alors que c'est un secteur immense et tellement dynamique. Il y a énormément d'innovations dans beaucoup d'autres pays, alors que nous restons à la traîne dans bien des cas. Donc, c'est un autre exemple.
Encore une fois, nous avons peut-être de très bonnes raisons de vouloir consolider la Loi canadienne sur la santé et le monopole public à un seul payeur pour les médecins et les hôpitaux. Il y a peut-être de très bonnes raisons à cela, mais en perpétuant ce système nous paralysons un secteur de l'économie qui a énormément besoin d'innovation et de personnes qualifiées, des personnes sur lesquelles j'espère bien pouvoir compter un jour ou l'autre.
Donc la défense et la santé sont deux secteurs délicats en raison des enjeux politiques considérables qu'ils comportent, mais ce sont des secteurs importants pour l'innovation.
Le président: Monsieur Sharpe, très vite.
M. Andrew Sharpe: L'approche sectorielle est très importante quand on parle de productivité, car la croissance de la productivité varie considérablement d'un secteur à l'autre.
Vous parliez du secteur public. Il n'existe pas vraiment de moyens de mesurer la croissance et la productivité dans le secteur public en général, parce que ce secteur n'a pas de produit commercialisé. On ne peut pas y mettre un prix. En fait, on fait comme si cette valeur était nulle, alors que nous savons bien que c'est faux.
Il y a énormément de gains dans le secteur public. Prenez par exemple Statistique Canada : ce ministère produit dix fois plus de séries statistiques aujourd'hui qu'il y a 20 ans avec moins de personnel. Donc, il y a beaucoup de gains dans le secteur public.
Il y a un secteur intéressant, c'est celui des ressources naturelles. Nous avons récemment fait beaucoup de recherches pour Ressources naturelles Canada à ce sujet. Croyez-le ou non, la productivité de ce secteur a été en fait très médiocre ces dernières années. D'ailleurs, ce n'est pas une mauvaise chose pour notre niveau de vie. Cela vous semble paradoxal. Pourquoi? Parce qu'il y a eu un boom des produits de base ces dernières années, et notamment du prix de l'énergie; les ressources énergétiques coûtent beaucoup plus cher maintenant qu'auparavant. Résultat, les producteurs se tournent vers des ressources de qualité inférieure, marginale, par exemple les sables bitumineux.
En fait, il faut beaucoup plus d'heures de travail pour extraire un baril de pétrole des sables bitumineux que pour en extraire un d'un gisement traditionnel. Même si c'est une activité qui reste encore très rentable, c'est tout de même négatif sur le plan de la croissance de la productivité. La médiocrité de notre productivité depuis 2000 est due pour environ un quart à cette hausse du prix des produits de base et au fait que l'on se tourne vers des ressources où la productivité est moindre même si elles sont encore très rentables à cause du prix très élevé de l'énergie. En fait, la rentabilité l'emporte sur la productivité dans les décisions des entreprises.
Á (1105)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Nous allons devoir conclure.
Je remercie les témoins qui sont venus nous rencontrer et nous ont donné amplement matière à réflexion. Je pense que nous avons eu le même problème hier, et c'est un excellent problème. J'espère simplement que nous allons réussir à nous souvenir de tout ce que vous nous avez dit à la fin de nos consultations prébudgétaires. Donc, j'espère que tout le monde a pris de bonnes notes.
Encore une fois, merci.
Nous allons lever la séance quelques instants en attendant que le groupe suivant prenne place.
[Français]
Le président: Bonjour, tout le monde. On peut reprendre nos travaux avec le prochain groupe de témoins. Nous sommes ici pour la deuxième partie des consultations prébudgétaires de 2005, conformément à l'article 83.1 du Règlement de la Chambre.
Comme on a seulement deux groupes, les interventions seront d'une durée de sept à dix minutes. Je ferai preuve de flexibilité, compte tenu qu'on a seulement deux groupes. Par la suite, les membres du comité pourront poser des questions.
On débute avec le premier groupe.
[Traduction]
C'est M. Jackson ou M. Yussuff qui va prendre la parole au nom du Congrès du travail du Canada.
Monsieur Yussuff, vous avez la parole. Merci.
M. Hassan Yussuff (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.
Nous remercions encore le comité de nous avoir donné la parole ce matin. Vous avez notre mémoire complet, que nous avons remis au greffier, et j'imagine donc que vous en aurez tous un exemplaire.
Ce que je voudrais faire aujourd'hui, comme nous l'avons fait dans le passé, c'est résumer l'essentiel des arguments que nous souhaitons formuler concernant certains domaines pour faciliter les questions des membres du comité.
Au nom des 3 millions de membres du Congrès du travail du Canada, je vous remercie de nous donner la parole et je vais donc résumer les principaux arguments que nous souhaitons vous soumettre.
Le CTC, qui rassemble des syndicats nationaux et internationaux ainsi que les fédérations provinciales et territoriales du travail et 137 conseils du travail de district dont les membres travaillent dans presque tous les secteurs de l'économie canadienne, dans tous les métiers et dans toutes les parties du Canada, souhaite vous soumettre son point de vue sur ce en quoi consiste une économie productive.
Nous croyons que le lien entre la productivité et le niveau de vie n'est pas automatique. Il dépend de la promotion active, par le gouvernement, de l'inclusion sociale, de l'égalité et du développement économique. Nous reconnaissons l'importance des investissements des entreprises dans l'économie, et il nous est arrivé dans le passé de recommander des allègements fiscaux pour les entreprises qui investissaient dans la création d'emplois.
Toutefois, nous ne sommes pas d'accord pour une réduction généralisée de la fiscalité des entreprises. Les réductions d'impôt ne se traduisent pas automatiquement par un accroissement des investissements des sociétés. D'ailleurs, ce n'est pas parce que les entreprises payaient peu d'impôts ces dernières années qu'elles ont accru leurs investissements malgré les profits considérables qu'elles réalisaient.
Il faut que le gouvernement mette la main à la pâte. L'investissement social peut être essentiel pour le développement d'une économie productive et d'une société bien portante, et les investissements publics dans l'infrastructure, les services municipaux et les transports servent à consolider les communautés. En même temps, les investissements publics encouragent le développement économique et la durabilité de l'environnement.
Si nous souhaitons avoir une économie reposant sur la connaissance, il faut dépenser plus pour la formation des travailleurs, les stages d'apprentissage et l'éducation postsecondaire. Si nous voulons améliorer la participation des femmes dans la population active, il faut mettre en place un régime public de garderies de qualité. C'est comme cela que nous aiderons les travailleurs à trouver un équilibre entre leur travail et leur vie personnelle et que nous créerons des conditions sociales favorisant l'apprentissage et la créativité des enfants.
Nous recommandons au comité de ne pas faire l'erreur de croire que la nouvelle donne pour les villes a réglé tous les problèmes des villes et des communautés. Il faut s'appuyer sur l'investissement réalisé l'année dernière pour accroître le soutien au transport public et construire ainsi une économie plus productive.
Notre système de santé public est avantageux pour la société et accroît globalement la compétitivité de l'économie canadienne. Aux États-Unis, par exemple, un employeur paie en moyenne des cotisations d'assurance-santé de 3 008 $ par travailleur et 8 051 $ pour la couverture familiale. Les Américains consacrent plus d'argent aux soins de santé que n'importe quel autre pays de l'OCDE. Les dépenses de soins de santé aux États-Unis sont plus élevées de 83 p. 100 qu'au Canada, et pourtant plus de 40 millions de personnes n'ont pas d'assurance-santé aux États-Unis.
En l'absence d'un programme national d'assurance-médicaments, le coût des médicaments draine les caisses provinciales d'assurance-médicaments et impose un fardeau énorme aux particuliers aussi bien qu'aux employeurs. Au Canada, un sixième de l'argent des soins de santé sert à couvrir le coût des médicaments sur ordonnance.
Quand les Canadiens ont accès à des logements publics, à un soutien du revenu et à des prestations d'assurance-chômage généreuses, ils sont plus susceptibles de participer à l'économie officielle.
Quand le Canada reconnaît officiellement les compétences et l'expérience des nouveaux immigrants, c'est toute l'économie du Canada qui profite de leur pleine participation.
À notre avis, l'objectif principal de notre politique économique nationale doit être de créer et de préserver des emplois bien payés et satisfaisants dans une contexte sécuritaire. Cela implique un vaste programme de développement industriel et régional.
Le Congrès du travail du Canada croît qu'il faut employer les politiques publiques sur l'impôt et les dépenses sociales pour égaliser la répartition très inégale des revenus qui découle des jeux des forces du marché. Notre économie doit être fondée sur le plein emploi, une expansion des services publics et un accroissement des bons emplois du secteur privé.
Les travailleurs du Canada veulent contribuer à une économie productive, innovatrice et durable sur le plan de l'environnement. Nous croyons que la productivité élevée se maintient non pas en travaillant plus longtemps et plus fort, mais bien en investissant davantage dans l'infrastructure publique, l'éducation et la formation des travailleurs, la machinerie et l'équipement modernes, les usines et les bâtiments neufs, l'innovation, la recherche et le développement.
Au nom des travailleurs et des travailleuses du Canada, nous incitons vigoureusement le Parlement à profiter de cette occasion de faire du budget de 2006-2007 une audacieuse déclaration en faveur de l'égalité, de l'inclusion sociale et du développement économique. Ce budget doit rembourser à la population canadienne la dette sociale qu'elle paie depuis beaucoup trop longtemps.
Le CTC veut que le gouvernement joue un rôle actif en matière de développement économique en réinvestissant dans les services publics et en encourageant l'activité économique qui accroît les capacités des travailleurs et travailleuses des secteurs privé et public.
Nous espérons sincèrement que tous les partis collaboreront pour créer de meilleurs emplois et mettre en oeuvre un programme progressiste de réinvestissement social. Cela tient à coeur à la population canadienne, et c'est ce que nous vous demandons de rechercher.
Á (1120)
Nous vous remercions de nous avoir invités ce matin et nous avons hâte de répondre à vos questions.
Le président: Merci.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous avons reçu autant de documents? Nous avons les documents no 7 et no 8. Le premier est intitulé « De bons emplois pour créer de la richesse », et l'autre « Partenariat public-privé (PPP) ». Nous avons aussi « Vision syndicale de la formation en milieu de travail et de l'éducation permanente », et un autre document intitulé « Les arguments en faveur de nouvelles baisses d'impôt sur les sociétés ne tiennent pas la route ».
M. Andrew Jackson (économiste en chef, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada): Nous vous avons remis les principaux documents de politique présentés par les délégués à notre récent congrès. Dans notre mémoire, nous avons repris l'essentiel de l'argumentation de ces documents. Nous avons pensé qu'ils pourraient intéresser les membres du comité.
Il y a ici un important document d'orientation sur la formation et la création d'emplois. C'est un simple document de référence si cela peut intéresser les députés.
Le président: Bon. Très bien. Merci.
[Français]
Monsieur Patry, c'est maintenant à vous de faire la présentation pour la Confédération des syndicats nationaux.
M. Pierre Patry (trésorier, Confédération des syndicats nationaux): Merci, monsieur le président.
D'abord, nous voudrions remercier le comité de permettre à la Confédération des syndicats nationaux, la CSN, d'exprimer son opinion concernant les objectifs sociaux et économiques que devrait chercher à promouvoir le prochain budget fédéral. La CSN représente 300 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire québécois et canadien, oeuvrant dans la plupart des secteurs d'activité.
Nous voulons nous excuser d'avoir déposé nos textes seulement ce matin. Toutefois, l'invitation ne nous est parvenue que tardivement, et nous n'avons pas pu faire la traduction de notre mémoire, ce dernier ayant été complété tout dernièrement.
Dans le cadre de ses consultations prébudgétaires, votre comité a convié toutes les parties intéressées à soumettre plus particulièrement leurs analyses et objections sur les gains de productivité au Canada. Plusieurs questions d'ordre économique sont alors posées, ainsi que d'autres questions relatives à la gestion des finances publiques fédérales. Nous traiterons d'abord de la question de la productivité et, dans un deuxième temps, nous nous attarderons aux autres questions en lien avec le budget fédéral.
La CSN se réjouit de l'attention que porte le Comité permanent des finances à la question de la productivité. Pour nous, il ne fait aucun doute que la croissance de la productivité est un élément essentiel de l'amélioration de notre niveau de vie. Une productivité élevée permet aussi de dégager des ressources pour faire progresser notre qualité de vie.
Cela dit, il ne faut pas se bercer d'illusions. Les résultats ne sont pas spontanés, contrairement à ce que laisse trop souvent entendre le monde des affaires et tout particulièrement le Conseil canadien des chef d'entreprises. La croissance de la productivité ne se traduit pas nécessairement par une amélioration de notre qualité de vie ni par un meilleur partage de la richesse. Les exemples inverses sont assez nombreux pour que l'on se méfie de ce genre de causalité.
Depuis les années 1990, la croissance des gains de productivité n'a pas été suivie d'une croissance équivalente des salaires réels ni d'une réduction notable des inégalités de revenus. Cette situation n'est pas unique au Canada, elle est encore plus visible aux États-Unis. D'ailleurs, dans un article récent, deux économistes américains bien connus montrent à quel point les gains de productivité ont été inégalement partagés.
À l'échelle des entreprises — et nous sommes bien placés pour le savoir —, la recherche d'une plus grande productivité n'est pas toujours synonyme d'investissements accrus dans la machinerie et l'équipement ou d'une réorganisation du travail misant sur la participation et le savoir-faire de la main-d'oeuvre. Au contraire, les gains de productivité sont souvent obtenus par une intensification importante du travail, un contrôle accru, des horaires prolongés, voire des mises à pied. Ces stratégies détériorent les conditions de travail et affectent la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses.
La recherche d'une croissance vigoureuse de la productivité peut aussi avoir des effets négatifs sur l'environnement. Il y a là encore des choix collectifs importants à faire entre la croissance de notre niveau de vie et notre bien-être. Nous devons prendre les moyens nécessaires pour favoriser un développement économique compatible avec les principes de développement durable.
Bref, si l'amélioration de la productivité est un objectif souhaitable, elle a aussi ses limites. Tout dépend de la façon que les gains de productivité sont obtenus et partagés. Le gouvernement a une responsabilité importante à cet égard.
Plusieurs analystes s'inquiètent du niveau de la productivité canadienne ainsi que de la faiblesse du taux de croissance depuis 2000. Qu'en est-il exactement?
En 2004, selon les données du Centre d'étude des niveaux de vie, la productivité du secteur des entreprises au Canada représentait 74 p. 100 de la productivité américaine, alors qu'elle atteignait 82 p. 100 quatre ans plus tôt. Par ailleurs, comme le soulignent M. Sharpe et d'autres chercheurs dans une analyse récente, ce n'est pas seulement en regard des États-Unis que le niveau relatif de la productivité s'est détérioré, mais aussi en regard d'autres pays industrialisés.
Ainsi, alors que les États-Unis enregistraient une forte croissance de productivité du travail entre 2000 et 2004, le Canada traînait de la patte avec un maigre 0,9 p. 100 d'augmentation. Pourtant, le Canada avait enregistré une bonne performance entre 1996 et 2000, dépassant même légèrement les taux américains dans le secteur des entreprises. Force est d'admettre que la situation est troublante.
À l'évidence, plusieurs pays ont rattrapé puis dépassé le Canada au cours des 50 dernières années quant à la productivité du travail. En revanche, l'examen d'une période plus récente par le Fonds monétaire international fait bel et bien ressortir que nos problèmes de productivité proviennent d'un écart avec le niveau américain de productivité. La performance du Canada entre 1996 et 2006 se compare tout à fait à celle de l'Europe, elle est supérieure à celle du Japon, mais inférieure à la performance américaine.
Si l'écart historique entre le Canada et les États-Unis est de mieux en mieux expliqué, les raisons derrière le récent ralentissement des taux de croissance de la productivité semblent plus nébuleuses.
Or, au-delà des discussions entourant les performances canadiennes, il nous semble important de retenir que la croissance de la productivité est un phénomène complexe. Comme nous le souligne une étude récente, une foule de facteurs microéconomiques et macroéconomiques influent sur la croissance de la productivité du travail et exercent leur effet de nombreuses façons complexes, interactives et dynamiques. Il est donc extrêmement difficile de connaître avec précision l'influence de chaque facteur.
Certains auteurs proposent de les regrouper en trois grandes catégories: les déterminants économiques, sociaux et institutionnels.
Á (1125)
On le voit, les déterminants de productivité sont nombreux. Certains exercent une influence directe, comme l'investissement, d'autres opèrent de façon plus indirecte, comme la politique sociale.
Évidemment, les déterminants économiques de la productivité qui ont des effets plus directs ont fait l'objet d'un grand nombre d'études, comme l'investissement capitale, la formation de la main-d'oeuvre, ainsi que la capacité d'innovation. Ce sont parmi les plus importants. Nous pensons donc, que le gouvernement doit porter une attention particulière à ces facteurs dans le choix des politiques à privilégier pour accroître la productivité. Nous tenons cependant à souligner du même souffle, comme d'autres l'ont fait, qu'il n'y a pas au Canada d'adéquation, de lien de cause à effet entre la réduction de la fiscalité applicable aux entreprises et les investissements. D'ailleurs, on va y revenir un petit peu plus tard dans notre présentation.
Pour ce qui est du budget 2006-2007, d'entrée de jeu, nous souhaitons rappeler certaines données concernant la conjoncture économique canadienne. Depuis le milieu des années 1990, la performance macroéconomique du Canada est plutôt bonne. De 1995 à 2003, l'économie canadienne a connu la croissance économique moyenne la plus forte des pays du G7. Le PIB réel par habitant a lui aussi augmenté plus rapidement que dans les autres pays du G7. Ce portrait économique d'ensemble plutôt positif peut surprendre, compte tenu des performances canadiennes inégales en ce qui concerne la productivité.
En 2004, le PIB réel a progressé de 2,9 p. 100, une amélioration notable par rapport à 2003, où la croissance du PIB réel n'avait été que de 2 p.100. Cette bonne tenue de la croissance économique est pour une bonne part redevable à la fermeté de la demande domestique finale, qui a augmentée de 3,9 p. 100 en 2004. Par ailleurs, la situation s'est améliorée du côté des exportations nettes en 2004, malgré la force du dollar canadien vis-à-vis la devise américaine. Les exportations à terme réel ont augmenté de 5 p. 100, après le déclin observé en 2003. Ajoutons que les perspectives de croissance économique pour l'avenir immédiat sont bonnes. Le PIB réel devrait croître de 2,9 p. 100 en 2005 et de 3,2 p. 100 en 2006, toujours selon les prévisions du FMI.
Les résultats macroéconomiques qui viennent d'être mentionnés donnent à penser que l'économie et la société canadienne se portent plutôt bien. Cependant, il est important de ne pas surestimer la signification de ces indicateurs macroéconomiques, puisque ces bons résultats dissimulent nombre de défis et d'enjeux. Ainsi, il convient de rappeler que les résultats globaux pour le Canada cachent d'importantes variations de la performance économique et sociale d'une province à l'autre et que certaines régions du pays sont à toutes fins utiles laissées pour le compte. La société canadienne a encore beaucoup à faire en matière de lutte contre la pauvreté; la question de l'atteinte des cibles du Protocole de Kyoto reste entière; malgré les progrès, le taux de chômage demeure trop élevé; l'austérité de la politique fiscale des dernières années a conduit à un important déficit en matière d'infrastructures publiques.
Examinons maintenant le cadre budgétaire du gouvernement fédéral. Il est reconnu que la politique budgétaire du gouvernement canadien est l'une des plus prudente qui soit. Le gouvernement, depuis plusieurs années maintenant, budgétise des réserves qui, si elles ne sont pas requises pour pallier des imprévus, sont utilisées à rembourser la dette publique en fin d'exercice financier. D'ailleurs, la sous-estimation des revenus et la surestimation des dépenses ajoutent, presque chaque année, des sommes importantes à ces réserves, de telle sorte que le gouvernement a pu rembourser pour 63 milliards de dollars de dette depuis le retour à l'équilibre budgétaire en 1997-1998.
Du point de vue de la CSN, la position budgétaire favorable du gouvernement fédérale a été acquise par des moyens discutables: réduction draconienne des transferts aux provinces ainsi que coupures dans le programme d'assurance-emploi.
L'ensemble des points précédents illustre bien le phénomène du déséquilibre fiscal, phénomène qui demeure bien réel malgré les ententes fédérales-provinciales de l'automne 2004, malgré la réalisation d'un surplus budgétaire plus faible pour 2004-2005. En effet, au final, l'exercice budgétaire 2004-2005 se solde par un surplus budgétaire 1,6 milliards de dollars, au lieu des 7 milliards de dollars qui avaient été initialement prévus. Cela résulte essentiellement de l'imputation de 4,5 milliards de dollars de dépenses non récurrentes à la fin de l'exercice 2004-2005, dont 2,7 milliards de dollars pour les ententes sur les ressources extracôtières avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. En l'absence d'une telle stratégie de dernière minute, le surplus aurait été de 6,1 milliards de dollars.
Á (1130)
D'ailleurs, pour les quatre premiers mois de l'exercice budgétaire 2005-2006, le gouvernement fédéral dispose déjà d'un excédent budgétaire de 7,1 milliards de dollars, soit 65 p. 100 de plus que pour la même période l'an dernier. Le déséquilibre fiscal existe donc toujours, comme l'a d'ailleurs reconnu le Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes dans son rapport « L'existence, l'ampleur et l'élimination du déséquilibre fiscal ».
Á (1135)
M. Yvan Loubier: Un excellent rapport.
M. Pierre Patry: Merci.
Puisqu'il est acquis que le gouvernement fédéral dispose toujours d'une marge de manoeuvre importante, la CSN aimerait maintenant donner son avis sur les priorités que devrait mettre de l'avant le gouvernement central dans son prochain budget ou même à l'occasion de la prochaine mise à jour économique et financière, le cas échéant.
Dans les faits, le gouvernement a trois choix: une augmentation des dépenses de programmes, le remboursement de la dette ou une réduction du fardeau fiscal. Voici donc la position de la CSN sur ces trois options.
En ce qui a trait aux dépenses de programmes, la CSN a plusieurs recommandations à formuler, puisqu'elle considère que l'essentiel de la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral devrait y être consacré. L'augmentation des dépenses fédérales doit servir en premier lieu à bonifier les transferts aux provinces et territoires. Quoi qu'en dise le gouvernement fédéral, une situation de déséquilibre fiscal persiste au Canada. Évidemment, il ne s'agit pas de nier que des progrès aient été réalisés, mais un écart substantiel demeure et doit être comblé, comme en témoigne ce qui suit.
L'ensemble des transferts fédéraux aux provinces représentait 19,9 p. 100 des revenus en 2004-2005, alors que cette proportion était de 23 p. 100 en 1993-1994. Pour revenir à ce niveau de financement, le gouvernement fédéral devrait augmenter ses transferts aux provinces de 6,4 milliards de dollars.
Depuis 1995-1996, les transferts fédéraux pour la santé ont augmenté, mais cette augmentation a été en partie financée par une diminution des transferts pour l'éducation postsecondaire et pour l'aide sociale. C'est ainsi qu'en 2004-2005, le manque à gagner des provinces s'établit à 2,2 milliards de dollars par rapport au niveau de financement fédéral en 1994-1995. En fait, les transferts fédéraux pour l'éducation postsecondaire, pour l'aide sociale et pour les programmes sociaux ne représentent actuellement que 11,5 p. 100 des dépenses des provinces, selon les calculs du ministère des Finances du Québec.
Le président: Excusez-moi, allez-vous lire votre document jusqu'à la fin? Douze minutes se sont déjà écoulées.
M. Pierre Patry: Très bien. Je vais tenter de lire le reste en trois ou quatre minutes.
Le président: Non, en deux minutes.
M. Pierre Patry: Deux minutes? Très bien.
Le président: Trente secondes.
M. Pierre Patry: Vous m'avez dit deux minutes.
À propos de l'aide sociale, il faut mentionner un autre élément: la formule de répartition des transferts fédéraux au prorata de la population est inéquitable. En effet, si on compare, la contribution fédérale au Québec est de 2 846 $ par prestataire, alors qu'en Ontario elle est de 9 422 $.
D'autre part, l'enveloppe fermée de 10,9 milliards de dollars pour la péréquation, indexée annuellement de 3,5 p. 100, nous semble insuffisante pour combler les besoins des provinces, surtout si on tient compte du fait qu'avec les modifications au régime de péréquation, le Québec se verra obligé de rembourser 2,4 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, alors que ses besoins en programmes sociaux ne cessent de grandir.
Quant à la proposition fédérale en matière de services de garde à l'enfance — qui s'inspire du modèle québécois des services de garde qui existe depuis 1997-1998 —, la CSN estime que le gouvernement fédéral n'a d'autre choix que de transférer sans condition la part des 5 milliards de dollars sur cinq ans qui revient au Québec. Ce dernier devrait avoir un droit de retrait avec pleine compensation financière de tout programme pancanadien éventuel.
Le fait que plusieurs des services publics et des programmes sociaux les plus importants pour les citoyennes et les citoyens soient gérés par les provinces implique pour nous qu'il est essentiel que chaque ordre de gouvernement dispose des revenus budgétaires nécessaires pour assumer ses responsabilités constitutionnelles en matière de dépenses, cela pour des questions d'imputabilité, de transparence et d'efficacité.
Je compléterai avec deux autres éléments. D'abord, on constate qu'une partie non négligeable de l'assainissement des finances publiques fédérales trouve son origine dans le fait que le gouvernement a accaparé les surplus de la caisse de l'assurance-emploi à hauteur de 43,8 milliards de dollars et qu'en conséquence, le gouvernement dispose selon nous de la marge de manoeuvre nécessaire pour bonifier le régime, en augmentant les bénéfices et, substantiellement, le taux de remplacement et la durée des prestations.
Ensuite, nous considérons que compte tenu de l'accroissement de la richesse collective au Canada, l'objectif de 25 p. 100 du ratio dette-PIB peut facilement être atteint sans remboursement supplémentaire de la dette. Voilà pourquoi nous considérons que le gouvernement doit plutôt utiliser sa marge de manoeuvre pour augmenter les transferts sociaux et bonifier le régime d'assurance-emploi.
Dans le domaine de la fiscalité, la CSN pense que s'il doit y avoir une baisse d'impôts pour les individus, elle doit être accordée aux individus à faible et à moyen revenu; ce ne doit pas être un programme général de diminution d'impôt.
Dans le cas des entreprises, cela devrait se faire à coût nul. Si on veut toucher à la fiscalité des entreprises, on devrait le faire pour s'assurer qu'il y ait création d'emplois, mais à coût nul. D'ailleurs, je vous invite à lire la page 22 de notre mémoire. Il est clair qu'il n'y a pas d'adéquation entre la baisse de la fiscalité pour les entreprises et la productivité ou l'investissement dans les entreprises. Ces chiffres démontrent qu'au cours des années où il y a eu une baisse de fiscalité des entreprises, les investissements n'ont pas suivi en conséquence. Au contraire, ils ont chuté pendant cette période, ce qui montre qu'il n'y a pas d'adéquation véritable sur ce plan.
En conclusion, le prochain budget fédéral, comme toujours, comportera une multitude de choix politiques du gouvernement, influencés à divers degrés par le contexte économique, par les pressions de l'opposition parlementaire et par l'opinion publique. La CSN souhaite que tous ces choix soient véritablement animés par la volonté politique d'établir une plus grande équité fiscale au Canada, un meilleur partage des richesses, un équilibre beaucoup plus marqué dans le système de développement économique des diverses régions du Canada et la correction permanente du déséquilibre fiscal.
En ce qui concerne le Québec, la CSN souhaite vivement que le gouvernement Martin respecte enfin les particularités et sensibilités du Québec, en respectant intégralement ses champs de compétence. Dans cette perspective, tous les budgets fédéraux, à commencer par le budget 2006-2007, devraient reconnaître au Québec le droit de retrait avec pleine compensation et en appliquer les principes sous forme de transferts financiers ou de points d'impôt chaque fois qu'il y a intrusion fédérale dans ses champs de compétence. L'application de ce principe devrait alors permettre de concilier l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser pour les provinces qui le désirent avec le respect des compétences constitutionnelles du Québec.
Á (1140)
Le président: Merci.
M. Pierre Patry: Je vous remercie et vous prie de m'excuser d'avoir pris plus de temps que prévu.
Le président: Monsieur Solberg, vous disposez de sept minutes.
[Traduction]
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.
Il s'agit d'une question très importante. Ce n'est pas la première fois que nous abordons la question et nous pourrions sans doute empiler des rapports sur la productivité jusqu'au plafond—malheureusement ils n'ont pas débouché sur grand-chose—mais c'est tout de même une question intrigante et importante, à laquelle nous devrions nous attaquer avec beaucoup d'énergie. Il est important de souligner que même si tout le monde n'est pas d'accord sur la démarche ou sur les solutions à apporter pour améliorer la productivité, à peu près tout le monde s'entend pour dire que c'est une question complexe et qu'il faudra tout un éventail d'interventions pour améliorer la productivité de notre pays.
En fait, tout en notant que les deux témoins ont souligné qu'une réduction de la fiscalité d'ensemble des sociétés ne se traduisait pas nécessairement par une amélioration de la productivité, je constate aussi qu'ils n'ont pas été catégoriques à ce sujet et que cela dépend naturellement du contexte global à l'échelle mondiale. Si d'autres pays réduisent la fiscalité de leurs entreprises ou procèdent à d'autres changements ou s'il y a d'autres facteurs qui font fuir les investissements dans d'autres directions, on risque de ne pas pouvoir garder une partie de ce capital, et il faut donc peut-être avoir recours à d'autres interventions.
Je constate par exemple que d'autres pays ont pris des mesures très énergiques en matière de déductions pour amortissements ou autres pour devenir encore plus attrayants pour les investissements que ne l'était le Canada. En fait, on a signalé le cas e pays—par exemple la Suède—qui ont décidé très énergiquement et de façon contre-intuitive de mettre en place des déductions pour amortissements. Je constate dans « Les arguments en faveur de nouvelles baisses d'impôt sur les sociétés ne tiennent pas la route », un document du CTC, qu'on parle dans le dernier paragraphe de la nécessité éventuelle de réduire ces taux. Je le comprends, et je ne voudrais pas porter un jugement injuste sur votre document, car vous y parle de toutes sortes de choses, notamment l'amélioration de la formation des travailleurs, l'accroissement du financement du CNRC, et diverses autres choses. Ce qui me frappe, c'est que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut avoir une démarche à grande échelle et intervenir sur divers fronts.
Cela dit, quelqu'un parmi vous souhaite-il parler de la nécessité de réduire la fiscalité ou d'augmenter les déductions pour amortissements? Si vous deviez établir une échelle d'importance—vu ce que viennent de nous dire les groupes précédents—dans quelle mesure cela peut-il globalement contribuer à attirer les investissements au Canada et à accroître la productivité de notre pays?
Á (1145)
M. Hassan Yussuff: Je demanderais à mon collègue Andrew de compléter mon intervention.
Nous avons déjà dit au comité dans le passé qu'à notre avis, en ayant un meilleur taux d'amortissement du matériel et de l'équipement, on apporte de l'eau au moulin de la productivité. Je crois que c'est le meilleur type d'investissement pour créer de meilleurs emplois, à notre avis. En plus, il y a la formation. Nous l'avons déjà dit dans le passé et nous allons le répéter aujourd'hui, c'est plus important que d'avoir des réductions d'impôt généralisées. Quand on regarde nos investissements en matériel et en équipement au Canada comparativement à d'autres pays manufacturiers, on constate que la situation est épouvantable, et je pense qu'il faut vraiment nous remonter les manches pour régler ce problème.
J'aimerais que mes collègues Andrew Jackson et Teresa complètent cette réponse.
M. Andrew Jackson: Je voudrais simplement répéter ce que j'ai dit lors de ma dernière comparution à ce comité. Je crois que nous sommes condamnés à le répéter. Les études que le ministère des Finances lui-même a réalisées montrent clairement qu'une augmentation de la déduction pour amortissement est plus efficace qu'une réduction généralisée des impôts pour accroître les investissements. Si l'on réduit la fiscalité d'ensemble des sociétés... prenez par exemple le secteur de l'énergie : si la rentabilité est très élevée, il y aura de toute façon des investissements. En plus, si l'on réduit la fiscalité d'ensemble des sociétés, on leur donne une prime inespérée pour des investissements qui ont déjà été réalisés. Donc je pense qu'on parle ici d'une mesure plus ciblée et plus efficace.
Je pense qu'on peut dire que les périodes d'amortissement sont trop courtes. Je répéterai simplement ce qu'a dit Hassan; si nos membres investissent dans de nouvelles machines et du nouveau matériel, c'est exactement ce que nous souhaitons, et s'il y a des aspects du système fiscal qu'on peut modifier pour encourager cela, nous sommes tout à fait d'accord.
Le problème quand on accorde une réduction généralisée des impôts des sociétés, c'est la perte de recettes : comment va-t-on la compenser, et est-ce que c'est le meilleur moyen de stimuler les investissements?
M. Monte Solberg: Avant que M. Patry réponde, je voudrais signaler une autre chose—et n'hésitez pas à répondre à ces deux questions ou à l'une d'elles seulement—c'est que les dépenses du gouvernement ont énormément augmenté ces dernières années. Je pense que vous êtes d'accord. C'est une augmentation très importante, mais qui ne s'est pas vraiment traduite par une hausse de la productivité. On se serait attendu à ce que le gouvernement consacre de l'argent à des choses qui apporteraient un changement dans l'existence des gens, qui se traduirait par une augmentation de la productivité, mais ce n'est absolument pas ce que nous constatons. Les dépenses de programmes ont augmenté de 52 p. 100 depuis 1999, je crois, mais on ne voit pas le résultat.
Monsieur Patry, je suis désolé de vous lancer sur une autre piste, mais si vous voulez répondre à cette question-là aussi, n'hésitez pas. M. Jackson, M. Yussuff, Mme Healy, c'est comme vous voulez.
[Français]
Le président: Je vais vous laisser répondre, monsieur Patry.
[Traduction]
Ensuite nous reviendrons à M. Jackson.
[Français]
M. Pierre Patry: Nous sommes tout à fait d'accord avec nos amis du CTC. D'ailleurs, en ce qui a trait à la fiscalité des entreprises, nous constatons que de 2000 à 2005 le taux d'imposition des entreprises a chuté de 28 à 21 p. 100. Pendant cette même période, le profit des entreprises a augmenté et les investissements ont diminué. Quant à lui, le PIB a régressé de 1999 à 2004. Il n'y a donc pas de corrélation parfaite entre la fiscalité des entreprises et les investissements dans les entreprises.
C'est pourquoi nous disons que, s'il doit y avoir des mesures — vous en avez mentionné, et nous sommes tout à fait disposés à les étudier —, elles doivent être ciblées et à coût nul, de sorte que l'on maintiendrait globalement le poids fiscal des entreprises dans l'économie canadienne. De plus, elles doivent être ciblées en fonction de la croissance de l'emploi qui, elle, aura aussi un impact sur l'augmentation des revenus de l'État et une diminution des dépenses, notamment dans les programmes d'assurance-emploi, pour le fédéral, et d'aide sociale, pour les provinces.
Á (1150)
[Traduction]
M. Hassan Yussuff: Très brièvement, si vous regardez dans le dernier budget les investissements dans les garderies d'enfants et aussi les investissements sociaux dans l'infrastructure des villes, vous voyez bien que les retombées sur l'économie ne vont pas se faire sentir du jour au lendemain. Tout cela va prendre du temps.
Une grande partie des transferts ces dernières années a servi à compenser les coupures qui avaient été faites dans le domaine de la santé. Vous savez bien que le système ne fonctionnait plus et encore une fois, il faut rétablir ce financement.
Donc, effectivement nous avons relevé les dépenses sociales depuis quelque temps, et vous dites que nous n'en voyons pas les résultats. Je crois personnellement que globalement, à plus long terme, on verra les retombées de ces dépenses, et qu'ils seront directement proportionnels à l'augmentation des dépenses. Mais ce n'est pas tout de suite que nous en verrons les retombées.
Le président: Merci.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je vous remercie de vos présentations. Ma question peut s'adresser aux deux organismes, mais elle s'adresse plus particulièrement à la CSN, parce qu'il en est question dans son mémoire.
D'abord, merci de rappeler qu'il y a un problème de déséquilibre fiscal au Canada, car les Libéraux ont peine à prononcer ce mot. Je ne sais pas ce qui leur déplaît dans ce concept. C'est pourtant très bien, mais ils n'arrivent pas à comprendre qu'il existe un important déséquilibre fiscal vertical entre le gouvernement fédéral, le Québec et les provinces.
D'ailleurs, une tournée effectuée d'est en ouest du Canada avec mes collègues nous a permis de vérifier les opinions sur l'existence de ce déséquilibre. À ma grande surprise, cela a presque fait l'unanimité d'est en ouest au Canada. Il y a un problème de déséquilibre fiscal.
Ce qui fait un peu moins l'unanimité, c'est le respect des compétences. Encore une fois, je vous remercie de l'avoir souligné, mais depuis la signature de l'union sociale, il règne dans les provinces un esprit permissif face au gouvernement fédéral lorsqu'il investit des champs qui sont inclus dans la Constitution. Le partage des champs de compétence y est assez clair. Il y a des gens avisés au Canada qui croient que le gouvernement fédéral devrait se mêler de ses affaires.
Par exemple, ce matin encore, M. Robson disait que les provinces et le Québec font beaucoup mieux les choses dans leurs champs de compétence que le gouvernement fédéral ne peut le faire lorsqu'il investit ces champs. Le NPD ne croit pas au respect de ces champs de compétence, car il est partisan du Canada unitaire. Cela pose un problème. Nous sommes ici depuis 12 ans et nous tenons toujours le même débat depuis.
Cela dit, je remarque que vous insistez dans votre mémoire sur le fait qu'il y a eu des baisses sur le plan de la taxation et des revenus des corporations, mais qu'il n'y a pas de corrélation entre les deux.
Avez-vous analysé de la même façon les taxes sur le capital? Ça, c'est plus direct. On parle de productivité, de taxation sur le capital et de la capacité ou de la propension des entreprises à investir dans le capital pour améliorer cette productivité. Vous reconnaissez qu'il y a un problème de productivité relative lorsqu'on compare avec les autres. Avez-vous analysé la taxation sur le capital par rapport à la taxation sur le revenu et l'incidence sur l'investissement?
M. Pierre Patry: Je vais d'abord parler du déséquilibre fiscal et de la protection des champs de compétence des provinces.
Pour la CSN, il est clair qu'il y a déséquilibre fiscal au Canada. Il suffit de regarder les surplus engrangés par le gouvernement fédéral depuis le retour à l'équilibre budgétaire. Depuis 1997-1998, il y a eu des surplus de 63 milliards de dollars. Même les évaluations de groupes qui sont assez éloignés de nous idéologiquement prévoient, d'ici cinq ou six ans, des surplus de l'ordre de 90 milliards de dollars.
Or, quand on considère les domaines de compétence des provinces, notamment la santé, l'éducation et l'aide sociale, il y a des besoins grandissants. Les besoins se retrouvent donc dans les champs de compétence des provinces. C'est pour cela que nous réclamons le règlement définitif de ce déséquilibre fiscal.
En conclusion, on le disait également, dans le budget 2006-2007, donc dans tous les budgets fédéraux, on devrait reconnaître au Québec le droit de retrait avec pleine compensation financière. Cela permettrait de concilier les positions entre ceux qui sont peut-être moins chatouilleux quant aux champs de compétence des provinces et le Québec, où il y a un consensus social à ce sujet de la part de l'ensemble des partis politiques et de la société civile.
C'est dans ce sens qu'on dit que le principe devrait être appliqué. Cela permettrait au fédéral de dépenser pour les provinces qui le désirent, mais avec un respect des compétences constitutionnelles du Québec.
Je dirais que l'exemple le plus patent, à l'heure actuelle, est justement celui des services de garde, mentionné par nos amis du CTC. Au Québec, on s'est doté d'une politique de services de garde tout à fait exemplaire depuis 1997. Maintenant, on implante un programme au fédéral. Comme le Québec a déjà agi sur cette question, il n'a pas attendu que le gouvernement fédéral agisse. Enfin, nous réclamons les sommes dévolues au Québec pour ce programme, mais sans aucune condition.
En ce qui concerne la taxe sur le capital, M. Brouillet va compléter.
Á (1155)
M. Normand Brouillet (adjoint, Comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux): Alors, rapidement, en ce qui concerne la taxe sur le capital — je ne dis pas que ça n'existe pas —, on ne s'est pas référé particulièrement à des études récentes sur cette question. Cependant, il est certain que c'est une question d'un grand intérêt, parce que dans les budgets du Québec aussi, il y a actuellement des projets bien précis.
Globalement, nous pouvons dire deux choses. D'abord, il y a certainement lieu d'effectuer des réaménagements en ce qui concerne la taxation sur le capital. En effet, dans le fond, cela équivaut à taxer en quelque sorte l'investissement. Or, il est clair que dans le contexte de la concurrence très forte, particulièrement sur le plan technologique, il y a certainement des difficultés à ce sujet.
Par contre, nous croyons qu'il est important de maintenir une fiscalité extrêmement significative auprès des entreprises. Alors, si on doit procéder à des allègements de la fiscalité en ce qui a trait à la taxe sur le capital, ce doit être compensé autrement. Nous pensons qu'il ne servira à rien d'engager la lutte uniquement sur la question de la concurrence fiscale des entreprises, parce que n'importe qui dans le monde ou n'importe laquelle région peut arriver avec une proposition fiscale qui soit légèrement plus avantageuse que la vôtre pour une entreprise.
En résumé, nous n'avons pas d'étude récente à ce sujet, mais nous sommes certainement ouverts à l'idée de considérer des réaménagements à la baisse de cette question dans le contexte dont on parle. En plus, l'amortissement est forcément beaucoup plus accéléré qu'il y a 25 ans.
M. Yvan Loubier: Je vois dans votre mémoire, qui, soit dit en passant, est d'une excellente qualité — vous faites vraiment le tour de la problématique — que vous seriez ouvert à une approche équilibrée, c'est-à-dire qu'au lieu de réduire bêtement toute la taxation pour les entreprises, on s'attaquerait à la taxe sur le capital tranquillement, sans toucher à l'impôt sur le revenu.
Si on prenait une partie des fonds et des surplus évalués... D'ailleurs, hier, le Conference Board a mentionné le chiffre de 10 milliards de dollars pour le prochain exercice financier. Il était à peu près de 10 milliards de dollars pour le dernier exercice financier. En effet, vous avez oublié 2,3 milliards de dollars provenant d'une entente avec Énergie nucléaire Canada pour essuyer le passif au cours des 75 prochaines années, ce qui équivaut à 2,3 milliards de dollars. On ajoute 2 milliards de dollars de petits « gugusses », ce qui fait donc quelque 10 milliards de dollars de dépenses anticipées pour les prochaines années. Donc, si on avait une approche équilibrée comme cela, si on prenait les 10 milliards de dollars et qu'on en mettait une partie pour la réduction de la taxe sur le capital, une partie pour régler partiellement le déséquilibre fiscal et une partie pour la dette, seriez-vous d'accord pour une telle approche équilibrée?
M. Pierre Patry: C'est vrai que nous touchons aux trois éléments dans ce que nous mentionnons, mais l'essentiel devrait se situer dans les transferts fédéraux aux provinces, parce que c'est le réinvestissement dans les programmes sociaux. On l'a indiqué dans notre mémoire, mais je n'ai pas eu le temps de le mentionner lors de la présentation. Quand on parle de multiples facteurs qui interviennent dans la productivité, les programmes sociaux qui sont accessibles aux individus ont aussi un impact sur la productivité.
Pour nous, il est clair que l'essentiel doit être dans les transferts aux provinces. Pour ce qui est de la fiscalité des entreprises, nous sommes d'accord pour envisager des mesures ciblées, à la condition que cela se fasse à coût nul, pour ne pas dégarnir, par ailleurs, les coffres de l'État. En effet, nous avons besoin de réinvestir dans nos programmes sociaux par le biais des transferts fédéraux aux provinces.
En ce qui concerne le remboursement de la dette, quand on voit la situation au Canada de 1997 à 1998 — il y a des chiffres dans le mémoire; vous pouvez vous y référer —, par le seul maintien de l'équilibre budgétaire, le ratio dette:PIB a fondu d'à peu près 20 p. 100, si je ne me trompe pas, alors que le remboursement de 63 milliards de dollars, lui, a fait diminuer le ratio d'environ 5 p. 100. Donc 80 p. 100 de la diminution du ratio dette-PIB aurait été obtenu au moyen du seul équilibre budgétaire. Donc, à l'égard du remboursement de la dette, nous pensons que c'est suffisant.
De plus, les 63 milliards de dollars auraient été beaucoup mieux utilisés dans le cadre de transferts fédéraux aux provinces ou encore d'une bonification du programme d'assurance-emploi. Ces mesures auraient été beaucoup plus équitables pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens.
 (1200)
Le président: Merci, monsieur Patry.
Monsieur McKay.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
J'aimerais avoir votre avis sur ce que M. Whyte a dit il y a environ une heure au sujet de l'écart entre les salaires dans la fonction publique et le secteur privé. Il indique dans son étude que, toute chose étant égale par ailleurs, la différence entre le salaire d'un employé du secteur privé et d'un fonctionnaire fédéral, après calcul des avantages sociaux, est de presque 25 p. 100. En d'autres termes, les fonctionnaires fédéraux ont un supplément salarial d'environ 25 p. 100, les fonctionnaires provinciaux, d'environ 15 p. 100, et les fonctionnaires municipaux, d'environ 14 p. 100.
Il signale cet écart dans le contexte de la productivité. Il dit également que dans les collectivités qui sont aux prises avec des difficultés économiques comme Winnipeg, le supplément salarial du fonctionnaire fédéral atteint la barre des 25 p. 100 contre 15 p. 100 à l'échelle nationale, ce qui fausse énormément l'équilibre du marché du travail local. Deuxièmement, l'écart de salaire exacerbe pour certains propriétaires de PME la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, car ceux-ci ne peuvent rivaliser avec les administrations fédérales, provinciales ou locales où les salaires n'ont jamais été aussi élevés. Troisièmement, les propriétaires de PME ont moins que quiconque les moyens de faire concurrence à d'autres secteurs pour recruter des employés dans ces conditions et, par conséquent, ils sont considérablement désavantagés sur le plan économique.
Quatrièmement, je suppose, mais il ne le dit pas, c'est que les employeurs du secteur privé, et les employés aussi, contribuent, par l'intermédiaire de la caisse d'assurance emploi, aux recettes de l'état canadien. Autrement dit, vous êtes en train de financer la concurrence pour la main-d'oeuvre.
Les deux organisations représentent des groupes de travailleurs très importants. Je présume que vous représentez des groupes des secteurs public et privé, et j'aimerais savoir de votre part s'il y a des choses que les gouvernements ou les syndicats peuvent ou devraient faire pour corriger une distorsion appréciable, si vous me passez l'expression, peut-être est-ce le mauvais choix de mots, mais c'est certainement un écart dans les taux de rémunération entre les secteurs public et privé. J'aimerais bien connaître vos opinions.
M. Hassan Yussuff: Très brièvement, je ne sais pas si je peux me reporter à une étude pour vous donner une réponse définitive, mais permettez-moi d'aborder deux points très importants. Premièrement, nous ne nous excusons pas du travail que nous faisons en faveur de l'amélioration des salaires de nos membres, que ce soit dans le secteur privé ou public. C'est notre responsabilité, et c'est essentiellement ce que nous faisons.
Si vous examinez certains secteurs de l'administration fédérale qui éprouvent actuellement de la difficulté à maintenir en poste leurs effectifs, surtout les métiers spécialisés, force est de constater qu'on doit hausser les taux de rémunération qui sont tellement faibles qu'on est en train de perdre des fonctionnaires au profit du secteur privé.
Je pense qu'il y a des moyens d'expliquer ce phénomène. L'équité salariale est un exemple évidemment qui se rapporte à la manière dont le travail des femmes est valorisé et, encore une fois, comme chacun le sait, le secteur public fédéral a fait des ajustements substantiels pour corriger la situation.
Mais pour revenir à votre question, oui, il y a peut-être des différences que nous pouvons vous expliquer, mais je ne suis pas en mesure de répondre à son étude, ni de vous donner une réponse définitive. Mon collègue peut peut-être apporter un complément d'information, à tout le moins en ce qui a trait à ce que nous savons sur la distorsion.
M. Andrew Jackson: À la lumière des études que j'ai lues, je crois que le 25 p. 100 ne concorde avec rien. Il est très difficile de comparer des emplois dans le secteur public et le secteur privé, car la structure des postes dans les deux secteurs est très différente. Cela étant, il ressort des études que les femmes travaillant dans le secteur public ont généralement des salaires considérablement supérieurs à celui des femmes occupant des emplois dans le secteur privé, de même qu'il y a un écart salarial entre les femmes et les hommes dans le secteur public qui est moins marqué que celui qui existe dans le secteur privé. C'est en partie grâce à l'équité salariale, de même que c'est probablement parce que les syndicats négocient les conventions dans la perspective de supprimer l'écart de salaire entre les femmes et les hommes. Quand vous posez la question « à qui profite le plus le travail dans la fonction publique? », on vous dira que ce sont principalement les femmes, qui risquent d'être moins bien rémunérées dans le secteur privé. Il y a donc un élément d'égalité très important qui entre en ligne de compte dans le calcul. Vous ne devriez pas penser en termes de meilleur et de pire. Meilleur salaire signifie rémunérer les gens de façon beaucoup plus équitable.
 (1205)
Mme Teresa Healy (analyste sénior, Congrès du travail du Canada): Peut-être pourrais-je ajouter que dans le processus de privatisation survenu ces dernières années, nous avons constaté une chute de 50 p. 100 dans le salaire des mêmes femmes qui faisaient le même travail auparavant. Les employeurs privés cherchant des moyens de réduire leurs coûts, ce sont les femmes qui en font les frais, les immigrantes pour la plupart. Il est clair que si nous examinions certains secteurs, comme les hôpitaux et les soins de santé, le problème est très grave.
L'hon. John McKay: Vous ne contesteriez même pas son argument global, à savoir que l'état verse des salaires de 15 p. 100 supérieurs?
M. Hassan Yussuff: Encore une fois, il m'est difficile de donner une réponse définitive. Il se peut qu'il y ait des variations, il va sans dire, mais pour l'essentiel, à tout le moins dans le secteur public, le gouvernement doit négocier les conventions avec ses syndicats. En revanche, dans le secteur privé, tous les secteurs ne sont pas forcément syndicalisés. Tout dépend de la manière dont on fait la comparaison. Si vous comparez des emplois syndiqués à des emplois non syndiqués dans la même catégorie professionnelle...
L'hon. John McKay: Il est en train de comparer des choses comparables. C'était la prémisse de son argument. Cela dit, il n'a pas fait de ventilation sexospécifique.
M. Hassan Yussuff: Nous avons des réserves sur son étude, mais là encore, je ne veux pas en parler spécifiquement. Je ne l'ai pas lu suffisamment en détail pour vous donner une réponse définitive. Il se peut qu'il y ait des variations.
M. Andrew Jackson: La différence entre les sexes est extrêmement importante, car si vous prenez tous les emplois dans le secteur public, je pense qu'environ 70 p. 100 de ces emplois sont détenus par des femmes, contre environ 40 p. 100 dans le secteur privé, sinon moins. Vous devez vraiment comparer les femmes dans le secteur public aux femmes dans le secteur privé, occupant des emplois similaires et vice versa.
Morley Gunderson a réalisé une étude d'envergure pour le compte des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques il y a trois ou quatre ans. C'est une des sommités canadiennes en matière d'économie du travail. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que contient son étude, mais c'est néanmoins une façon plus équitable d'examiner la question...
L'hon. John McKay: Merci de votre réponse. J'étais simplement curieux, parce qu'il a tenté de faire ressortir un point très important dans le contexte de la productivité.
Ma deuxième question s'adresse à M. Patry. Bien que je ne me souvienne pas qu'il ait abordé la question comme telle, nous avons reçu un témoin hier qui, dans son mémoire, parlait de l'important écart de productivité entre l'Ontario et le Québec. J'essaie de me rappeler des statistiques, mais malheureusement je n'ai pas l'étude sous les yeux. Si ma mémoire est bonne, il disait que l'écart de productivité entre l'Ontario et le Québec se situait autour de 16 p. 100, et qu'il était attribuable en partie à des facteurs démographiques, c'est-à-dire que la population du Québec est légèrement plus vieille que celle de l'Ontario. Encore une fois je serais curieux de savoir ce que vous en pensez : a) est-ce vrai? Et b) le cas échéant, quelles en sont les raisons?
[Français]
M. Pierre Patry: Il y a un écart de productivité entre le Québec et l'Ontario, mais la principale raison, à notre avis, est qu'on n'a pas la même structure industrielle au Québec qu'en Ontario. On n'a pas la même structure de l'emploi.
D'ailleurs, quand on regarde à l'intérieur même du Québec, ou du Canada, et quand on compare la grande entreprise avec les petites et moyennes entreprises, la productivité est beaucoup plus grande dans la grande entreprise que dans les PME. Par conséquent, quand on compare le Québec avec l'Ontario, le Québec est un territoire où il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises et beaucoup moins de grandes entreprises qu'en Ontario. Ne serait-ce qu'en vertu de cet élément, cela entraîne une distanciation de la productivité entre les deux provinces. Cela nous semble la principale raison.
Quand on isole cette variable, on constate, dans la grande entreprise, une productivité accrue par rapport aux petites et moyennes entreprises. Ce n'est donc pas le même marché du travail, ni la même structure industrielle. Cela expliquerait les écarts de productivité entre le Québec et l'Ontario.
[Traduction]
L'hon. John McKay: Pour réfuter son argument principal, vous dites que c'est la taille de l'entreprise, que les PME sont de par leur nature moins productives que les grandes entreprises. Est-ce que je résume bien votre argument?
 (1210)
[Français]
M. Normand Brouillet: Oui, il n'y a aucun doute à ce propos. Il y a un certain nombre d'études, dont certaines menées par le ministère des Finances du Québec, qui concluent à des écarts assez substantiels de productivité entre les petites et les grandes entreprises.
En outre, je voudrais ajouter que la situation tend quand même à se résorber. En effet, au cours des 15 dernières années, par exemple entre 1987 et 2003, la croissance de la productivité a été de 1,36 p. 100 par année au Québec, alors qu'elle a été de 1,37 p. 100 en Ontario. Cependant, il est clair qu'il subsiste des problèmes fondamentaux importants découlant entre autres de notre structure industrielle.
Il reste que c'est très clair que le taux d'investissement au Québec est inférieur à celui de l'Ontario et du reste du Canada. Il y aussi des écarts de niveau de scolarité. Ce sont donc deux facteurs importants qui conditionnent toute la problématique de la productivité.
Par contre, il y a certains avantages, notamment en ce qui concerne la recherche et développement, où les activités sont plus intenses présentement au Québec qu'en Ontario, et ce, depuis plusieurs années maintenant. Les programmes gouvernementaux d'aide sur ce plan ne sont pas sans lien avec cette réalité.
Le président: Merci, monsieur McKay.
[Traduction]
Mme Wasylycia-Leis puis MM. Penson et Bouchard.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président et merci aux représentants qui sont ici, tant du CTC que de la CSN.
J'ai trois questions, ou plutôt trois sujets dont je voudrais parler. D'abord, avec les deux groupes de témoins précédents, on avait une forte représentation du secteur des entreprises, du monde des affaires qui nous disait que les allègements fiscaux étaient l'une des solutions clés pour augmenter la productivité. On a beaucoup insisté là-dessus, malgré le fait que, comme on le sait aujourd'hui, les profits ont augmenté en flèche pour les grandes entreprises alors que les investissements ont baissé. Voilà pourquoi je vous demande s'il est possible à votre avis que, s'il y avait d'autres allègements fiscaux pour les entreprises, l'argent serait vraiment réinvesti dans ce qui pourrait faire augmenter la productivité?
Andrew Sharpe nous a fait part d'une idée connexe, à la dernière réunion. Si on fait quoi que ce soit dans ce domaine, ce serait peut-être d'accorder un crédit d'impôt en fonction des résultats. Autrement dit, si une société améliorait la technologie ou les conditions de travail dans un milieu de travail donné, on accorderait un crédit d'impôt.
Passons à ma deuxième question. Je suis ravie de voir dans le mémoire du CTC l'importance accordée à des choses comme les services de garde ou les autres types de soutien destinés aux travailleurs. Beaucoup ont rejeté du revers de la main cette idée, particulièrement dans le secteur des entreprises. On y voit quelque chose de frivole, de stupide, qui ne doit pas être sur la table lorsqu'on parle de productivité et cela m'enrage. Je ne pense pas qu'on puisse parler de productivité sans comprendre comment font les parents pour concilier le travail et les responsabilités familiales et le stress que cela représente ainsi que l'effet sur leur production, quand ils ne sont pas certains que quelqu'un s'occupe bien de leurs enfants et que tout va bien pour leurs familles.
Les témoins de ce matin nous ont dit que lorsque les entreprises seraient en concurrence pour combler la pénurie de travailleurs, on commencera à y songer et à se servir de ce genre de services pour attirer les travailleurs. Il me semble qu'il faut y travailler à une bien plus grande échelle. Et c'est là qu'interviennent les investissements du gouvernement et le budget fédéral. J'aimerais connaître vos idées là-dessus.
Enfin, il y a la question des dépenses excessives pour les programmes et les politiques sociales. Je ne sais pas d'où sont venus ces chiffres. Je ne les ai pas vus. En fait, d'après la dernière analyse du budget, les dépenses per capita sont stables ou inférieures à ce qu'elles étaient il y a dix ans. Je crois qu'il s'agit de 11 p. 100. Il y a certainement eu des baisses considérables dans les domaines se rapportant à la productivité. L'éducation et la formation ont perdu 30 p. 100 au cours des dix ou vingt dernières années. Pour moi, l'éducation et la formation sont un facteur clé de la productivité et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
[Français]
À cet égard, je sais que les chefs des syndicats reconnaissent que les augmentations sur le plan de la formation sont très importantes pour les gains de productivité. Je me souviens que Québec est la seule province à avoir un impôt pour la formation. J'aimerais connaître l'importance de cela sur le plan de la productivité.
Il y a donc les trois questions.
 (1215)
[Traduction]
M. Hassan Yussuff: Je vais essayer de vous répondre et mes collègues continueront.
Comme nous le disons au début de notre mémoire, nous estimons qu'il y a un problème de productivité au Canada et que nous devons trouver les moyens d'y remédier concrètement pour obtenir les résultats souhaités. Nous ne pensons pas qu'une réduction de l'impôt des sociétés appliquée uniformément réglera le problème d'une manière qui donne les résultats que nous voulons. Nous insistons sur le fait que les sociétés qui veulent réinvestir et acheter du nouveau matériel doivent être reconnues pour cela. Bien entendu, nous devons le faire de manière à ce qu'elles puissent amortir ces dépenses plus rapidement qu'elles ne le font maintenant.
Il y avait dans le journal de ce matin un article sur des pays comme la Suède, la Finlande et d'autres, où les taxes sur les sociétés sont élevées. Leur productivité est supérieure à celle du Canada. Cet argument ne tient donc pas. Je pense qu'il faut défendre cette idée et que de solides arguments doivent être donnés.
Sans aucun doute, au sujet de la participation des femmes à l'économie, pour la question des services de garde, il y a des lacunes importantes qui ne se rapportent qu'aux femmes. Sans un bon programme national de garderie qui reconnaît la participation des femmes... Il faut un bon programme de services de garde où elles puissent inscrire leurs enfants, si l'on veut bâtir la prochaine génération avec des enfants qui ont un bon potentiel. C'est important, et je pense que le petit investissement prévu pour les soins de santé doit être bonifié dans un prochain budget. Il faut l'élargir et vraiment fixer des normes nationales relatives au programme de services de garde pour l'ensemble du pays.
Au sujet des dépenses sociales, dans les années 90, on a vu des coupes sombres dans les transferts sociaux, partout au pays. Cela a eu un effet dans divers domaines. Nous revenons lentement au niveau adéquat, et lorsqu'on dit que les dépenses sociales sont exagérées, particulièrement dans les domaines de l'éducation et de la formation... L'une des grandes lacunes, c'est la formation. Comment revenir dans le domaine de la formation, au gouvernement fédéral, alors qu'on a perdu tout pouvoir en raison des transferts de compétences aux provinces, assortis des fonds qui y étaient associés? Je pense que nous avons beaucoup insisté sur l'idée que l'argent de l'assurance-emploi devait en partie servir à la formation pour aider les travailleurs à développer les compétences nécessaires à l'obtention d'un emploi intéressant. Il faut continuer de promouvoir cette idée.
Vous avez parlé du Québec; la province n'a pas seulement pris le paiement de transfert, elle a adopté une loi en vertu de laquelle l'employeur doit consacrer 1 p. 100 de sa masse salariale à la formation. À l'époque, tout le monde disait que c'était une hérésie et que cela ne fonctionnerait pas. On constate que la majorité des employeurs du Québec consacrent maintenant 1 p. 100 de la masse salariale à la formation, qui s'ajoute au soutien gouvernemental. Je crois donc qu'il faut être particulièrement astucieux dans le choix des mesures incitatives destinées aux employeurs. Mais l'employeur a aussi le droit et l'obligation d'investir dans la formation. Or, ce n'est pas perçu comme un investissement légitime, dans une grande mesure. Les bons employeurs reconnaissent que c'est un facteur de risque, mais d'autres s'imaginent qu'ils pourront continuer d'enlever des travailleurs à d'autres employeurs, pour répondre aux besoins de leur entreprise.
Il faut trouver une façon de renforcer l'engagement du gouvernement fédéral dans le domaine de la formation, et disposer d'outils qui tiennent les employeurs responsables de leur investissement dans ce secteur. Je sais qu'il y a de bons employeurs qui investissent beaucoup dans la formation et je crois qu'il faut les indemniser et les récompenser. En revanche, ceux qui ne font rien devraient être pénalisés.
Le président: Madame Healy, vous avez la parole.
Mme Teresa Healy: Au cours des dernières années, on a vu un réinvestissement public important. Mais je vous signale que depuis 1946, les dépenses de programme étaient en moyenne de 15,3 p. 100 du PIB, et que même avec les récents réinvestissements, ce pourcentage n'a grimpé qu'à 12 p. 100. C'est donc bien inférieur à la moyenne historique au Canada.
L'un des problèmes, c'est que le gouvernement peut présenter un programme et dire que c'est sa façon de combler le grave besoin d'espaces en garderie au Canada, qu'il s'agit d'un réinvestissement dans des programmes de service de garde, mais il faut bien comprendre que le problème n'est pas réglé. En fait, le gouvernement a investi dans les services de garde, mais nous devons nous assurer que ce programme a suffisamment d'argent pour être durable et répondre aux besoins des enfants et des familles du Canada. Nous pensons, tout comme le milieu des services de garde, que cela représente 5 milliards de dollars par an et non 5 milliards de dollars au total, pour le programme.
Nous craignons que cette augmentation dans les dépenses de programme signifie qu'il s'agira d'un fonds de démarrage en vue d'une privatisation. On veut commencer par investir dans les villes, mais si les villes et les collectivités ne reçoivent pas suffisamment d'argent, elles envisageront des partenariats public et privé. Nous savons tous que les PPP sont plus coûteux pour les finances publiques qu'une infrastructure publique. Les PPP seront financés à des coûts bien plus élevés que des institutions financées par le public.
 (1220)
[Français]
Le président: Monsieur Patry.
M. Pierre Patry: Il y a deux éléments. Il y a d'abord la formation de la main-d'oeuvre qui, c'est clair pour nous, est capitale, et la hausse de productivité.
Au Québec, on a adopté une loi qui oblige les employeurs à investir 1 p. 100 dans la formation de la main-d'oeuvre, à partir d'une certaine masse salariale. Pendant ces années-là, on a vu une augmentation des dépenses de formation pour la main-d'oeuvre. Le gouvernement actuel a diminué cette obligation pour les employeurs, et en l'espace de un an ou deux, en termes de signal, des entreprises ont moins investi dans la formation de la main-d'oeuvre qu'elles ne le faisaient antérieurement alors que la loi était plus restrictive. Il s'agit donc d'une question cruciale.
De la même façon, on constate que sur le plan de la productivité, plus une population est scolarisée, plus elle sera productive, d'où l'importance de l'éducation supérieure. C'est pourquoi nous avons abordé cette question en lien avec les transferts fédéraux, mais aussi avec d'éventuelles hausses de productivité pour le Québec et pour l'ensemble du Canada.
En ce qui a trait à la fiscalité, nous le mentionnons dans notre mémoire, il n'y a pas d'adéquation directe entre la baisse de fiscalité, notamment pour les entreprises, et les investissements. Il y a beaucoup d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte.
Par ailleurs, il faut faire attention pour ne pas se priver de revenus pour l'État. Nous avons fait faire des études qui démontrent très clairement le fait qu'au Québec, il y a des programmes sociaux de qualité, notamment le programme des services de garde, les frais de scolarité moins élevés qu'ailleurs et le programme de santé et services sociaux qui, comme partout au Canada, prévoit un accès universel et gratuit. Tout cela a pour effet que pour les mêmes revenus, lorsqu'on compare avec des villes américaines, les ménages québécois ont un meilleur niveau de vie. Cette situation dépend essentiellement des programmes sociaux et, donc, d'une fiscalité forte. Cet écart est d'autant plus grand que les revenus sont faibles.
Ainsi, le fait d'avoir une fiscalité forte, particulièrement en termes d'exigences pour les entreprises, est un élément redistributeur de la richesse, ce qui fait que notre société est plus égalitaire et, en bout de course, cela a un impact sur la productivité.
Le président: Merci, monsieur Patry.
Monsieur Penson.
[Traduction]
M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président. Je veux moi aussi souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Monsieur Patry, j'aimerais avoir une précision. On écrit ici que vous représentez la Confédération des syndicats nationaux. Est-ce une organisation nationale du Canada, ou du Québec seulement?
[Français]
M. Pierre Patry: La CSN compte 300 000 membres dans l'ensemble du territoire canadien, mais principalement au Québec. Il faut plutôt interpréter le sens national de la Confédération des syndicats nationaux en termes québécois, disons.
[Traduction]
M. Charlie Penson: Merci pour cette précision. Nous avons eu ici ce matin de bonnes discussions, tant avec les autres témoins qu'avec votre groupe. Je vois qu'on reconnaît la nécessité de parler de productivité. C'est du moins certainement ce que pense le comité. Il peut y avoir des points de vue différents sur la façon de faire, mais je crois que les gens comprennent que notre niveau de vie pourrait être supérieur à ce qu'il l'est, compte tenu de ce qui se fait chez nos principaux partenaires commerciaux.
Monsieur Yussuff, je sais que vous et M. Jackson avez dit plus tôt que la déduction pour amortissement devait être ciblée comme étant le meilleur outil pour encourager l'investissement dans le matériel et l'équipement qui serait avantageux pour tous les Canadiens au travail. Avez-vous songé aussi au crédit d'impôt à l'investissement? On en a parlé quelque fois. Cela existait autrefois au Canada. C'est un moyen ciblé d'encourager l'investissement. Ne diriez-vous pas qu'avec le dollar élevé et la nécessité d'importer beaucoup du matériel dont ont besoin nos usines, c'est l'occasion rêvée d'investir pour les entreprises? Si on leur donne en plus un encouragement sous forme de crédit d'impôt à l'investissement, j'aimerais savoir si vous pensez que cela pourrait donner des résultats.
 (1225)
M. Andrew Jackson: Je pense que vous avez absolument raison, pour ce qui est du contexte. Avec le niveau actuel du dollar, beaucoup d'entreprises, particulièrement des petites entreprises du secteur de la fabrication, examinent leur situation actuelle et se demandent si elles vont investir pour survivre ou fermer leurs portes. Vous savez bien ce que nous en pensons.
Si on pense aux mesures fiscales ciblées, j'envisagerais bien un crédit d'impôt à l'investissement. S'il s'agit d'investissements dans le matériel et la machinerie, il est clair qu'on encourage ceux qui vont de l'avant et agissent. Je pense donc que ce serait pour nous envisageable. Une mise en garde, toutefois : nous avons eu des expériences désastreuses en matière de crédit d'impôt. Pour le crédit d'impôt à la recherche scientifique et au développement, je me souviens vaguement d'un crédit d'impôt accordé au Cap Breton. Il faut une administration rigoureuse. Il faut aussi un programme bien conçu et si c'est le cas, je pense que nous serions en faveur d'un tel programme.
S'il s'agissait d'une réduction générale, on a un grave problème compte tenu de la situation actuelle au Canada. Pensons à tous les investissements qui sont font actuellement dans le secteur de l'énergie. Sans aucun doute, étant donné ce que coûte actuellement l'énergie, ces investissements seront certainement très rentables. Tous les Canadiens profitent de ces développements grâce à l'impôt sur le revenu des sociétés, ou alors, c'est au moins un facteur important. Nous ne profiterons plus de ces investissements, dans ce secteur, s'il y a une réduction générale.
M. Charlie Penson: Vous l'avez dit plus tôt, et je suis d'accord avec vous : il faut faire l'investissement avant d'obtenir la récompense. Il me semble qu'un crédit d'impôt à l'investissement, qui serait un autre encouragement, les sociétés seraient poussées à investir, ce qui se traduirait par des modernisations d'usines et la construction de nouvelles usines aussi, au Canada.
Mon secteur, celui que je connais bien, c'est l'agriculture. Cet outil a déjà servi à la modernisation de l'équipement, les entreprises sont mieux en mesure de rester en affaire et d'être concurrentielles. Si j'ai bien compris, vous êtes pour cette idée, si elle est bien ciblée.
M. Hassan Yussuff: Brièvement, au sujet de ce débat, il faut reconnaître une chose si l'on veut vraiment régler le problème et je m'adresse à l'ensemble du comité : il faut qu'il y ait une discussion sérieuse entre le gouvernement, les entreprises et les travailleurs, c'est-à-dire leurs syndicats. Il faut que les gens participent à une discussion plus large : reconnaissons-nous qu'il y a des problèmes réels et, plus important encore, comment pouvons-nous les régler? Il faut trouver un consensus, plutôt que d'en parler au moment du budget, sans rien faire d'un budget à l'autre.
Il est inquiétant de voir comment notre pays réagit devant des problèmes concrets, non seulement dans l'économie en tant que telle mais aussi du côté industriel. On perd constamment des emplois dans le secteur industriel parce que nous n'arrivons pas à garder ici la fabrication. Au lieu de voir que c'est une question de grande importance et de reconnaître qu'il y a un problème de productivité, mais c'est une question bien plus grande que le simple problème de l'investissement. Ce qui compte plus encore, c'est de savoir comment garder ici ces emplois qui s'en vont chez des manufacturiers étrangers. Ce qui est plus important, c'est de trouver comment maintenir l'économie industrielle, étant donné son importante contribution non seulement dans les collectivités mais pour l'ensemble du pays.
Je vais vous donner des exemples. Qu'il s'agisse de l'aéronautique ou de l'automobile, on parle de très nombreux emplois. Chaque fois qu'un de ces emplois est perdu, la communauté perd aussi cinq ou six emplois indirects. Je pense qu'il faut un grand débat sur les façons de faciliter ces investissements et de les conserver au Canada et sur l'établissement d'un consensus quant à la marche à suivre. Trop souvent, nous en discutons en comité, comme ici, puis nous attendons le budget pour voir si le problème a été réglé ou pas, puis nous attendons une autre année, et nous revenons, pour un débat semblable.
 (1230)
M. Charlie Penson: Monsieur Yussuff, je pense comme vous. On ne peut pas théoriser sur la nécessité d'accroître la productivité. Il faut que le Canadien moyen y trouve son compte. Ce qu'il faut, je pense, c'est un meilleur niveau de vie.
On a dit plus tôt que les réductions des impôts sur les sociétés effectuées par le passé n'avaient pas donné lieu aux investissements dont on avait besoin. Les entreprises n'ont pas réinvesti.
Il faut un environnement concurrentiel. C'est l'un des facteurs, puisque l'investissement peut se faire n'importe où. On a parlé de toutes sortes d'autres choses aujourd'hui, notamment de l'amélioration des compétences, mais il y a une chose dont on a beaucoup parlé dernièrement, c'est notre recul majeur par rapport à notre principal partenaire commercial.
Je vois qu'en Suède, le revenu moyen est d'environ 20 000 dollars par personne, ce qui est supérieur au nôtre. Il y a eu un changement important au cours des 25 dernières années au Canada. Je pense que c'est une préoccupation très concrète.
Monsieur Brouillet, vouliez-vous ajouter quelque chose?
Le président: Monsieur Brouillet.
[Français]
M. Normand Brouillet: Je voudrais revenir à votre question concernant le crédit d'impôt à l'investissement. Nous sommes tout à fait disposés à examiner cette question, mais il est clair que cela ne pourrait être général et universel; cela doit s'inscrire dans une stratégie industrielle ou être en lien avec une conjoncture spécifique. Par exemple, certains secteurs — l'aéronautique, l'aérospatial et le secteur du textile — devraient déjà recevoir de l'aide.
Il n'y a pas de solution unique à ce problème, parce que lorsqu'on parle d'améliorer la productivité, et éventuellement le niveau de vie général, plusieurs autres facteurs sont à prendre en considération. Si le coût de l'argent devait augmenter substantiellement au cours des 12 prochains mois comme certains commencent à le prédire, cela aurait un impact très important sur l'investissement. À la CSN, on croit important de ne pas se limiter à la seule question de la productivité lorsqu'on étudie les façons d'améliorer le niveau de vie général au Canada ou au Québec. Il y a d'autres facteurs qui influencent le niveau de vie général: le taux d'emploi, la réduction du taux de chômage, le volume de population. Ces éléments sont tous déterminants.
Le président: Merci.
Monsieur Bouchard.
M. Robert Bouchard: Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question s'adresse aux gens de la CSN. D'abord, comme mon collègue, je vous félicite de la présentation de votre mémoire. Vous campez très bien le problème du déséquilibre fiscal au Québec et vous situez bien ses revendications quant au respect des compétences.
Vous avez parlé brièvement de l'assurance-emploi où, comme on le sait, il y a un surplus de 46 milliards de dollars. Les travailleurs et les entreprises ne s'impliquent à peu près pas dans la gestion de toutes ces cotisations — on peut dire que leur participation est nulle —, et le gouvernement a pigé dans la caisse d'assurance-emploi abondamment. Cet argent revient aux travailleurs qui y ont contribué.
Êtes-vous favorable à une caisse d'assurance-emploi autonome et à une répartition régionale canadienne?
M. Pierre Patry: Pour ce qui est de la répartition régionale, je dirai que nous avons moins réfléchi à cet aspect des choses. La situation peut varier selon les taux en vigueur dans chaque province. Par exemple, ceux des Maritimes sont certainement plus élevés que ceux de l'Alberta. On parle ici d'un programme pancanadien. La répartition régionale est une question qu'il faut traiter avec beaucoup de précaution.
Par ailleurs, on parle ici d'une assurance, soit la caisse d'assurance-emploi, anciennement la caisse de l'assurance-chômage. Ce sont les travailleurs, travailleuses et employeurs qui la financent. Le gouvernement fédéral n'y participe plus financièrement. Nous croyons qu'il devrait s'agir d'une caisse autonome gérée par les employeurs, les travailleuses et travailleurs.
En termes de revendications immédiates, compte tenu de la marge de manoeuvre engendrée par les surplus réalisés au niveau de l'assurance-emploi, nous croyons que le programme pourrait être bonifié dès le prochain budget. Cela impliquerait qu'on réduise à 360 heures le seuil d'admissibilité de tous les bénéfices assurables et qu'on augmente substantiellement le taux de remplacement, lequel a été diminué lors des réformes successives qu'on a connues pendant les années 1990. La durée des prestations a elle aussi été diminuée au cours des dernières années.
Pour notre part, nous sommes persuadés que le gouvernement a la marge de manoeuvre nécessaire pour agir en ce sens dès maintenant.
 (1235)
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Bell.
M. Don Bell: Merci.
J'aimerais donner suite à vos observations, monsieur Patry. En fait, vous parlez d'une caisse autonome de l'assurance-emploi pour le Québec. Est-ce que cette caisse serait basée sur les revenus en provenance du Québec, et sur les dépenses qui sortent du Québec? Dites-vous que les revenus et les dépenses devraient être limités à la province?
[Français]
M. Pierre Patry: Ce n'est pas ce que nous avons dit. Nous avons même affirmé qu'il fallait faire attention à la question de répartition régionale, justement parce qu'au Canada, la structure industrielle varie d'une province à l'autre. Par exemple, les taux de chômage dans les Maritimes sont beaucoup plus élevés qu'en Alberta. Une répartition régionale de l'assurance-emploi pourrait accroître les iniquités. Donc, tant et aussi longtemps que le Québec fera partie du Canada, il y aura une caisse d'assurance-emploi unique. De la même façon, il existe un programme de péréquation visant à atténuer les écarts entre les provinces. C'est à cela que servent ces programmes et c'est ce que nous avons mentionné.
D'autre part, nous croyons qu'au niveau fédéral, il devrait y avoir une caisse autonome d'assurance-emploi. Celle-ci devrait à notre avis être soustraite de la comptabilité générale du gouvernement, puisqu'il s'agit d'une caisse destinée à aider les travailleuses et travailleurs en situation de non-emploi. Ce sont ces travailleurs ainsi que les employeurs qui cotisent à cette caisse, et cela milite en faveur d'une caisse autonome.
[Traduction]
M. Don Bell: Si je comprends bien, pour ce qui est du revenu, ce serait une caisse nationale. Mais lorsqu'on parle des prestations, il s'agirait plutôt d'une caisse autonome provinciale.
[Français]
M. Normand Brouillet: La régionalisation du fonctionnement de l'assurance-emploi est une question qui peut être examinée. Cependant, en réponse aux questions qui ont été soulevées à ce sujet, je dirai qu'à notre avis, il devrait y avoir une caisse d'assurance-emploi autonome à l'échelle canadienne, et que celle-ci devrait être administrée par les employeurs et les associations de travailleurs. En outre, l'administration devrait être assumée par les gens du conseil d'administration, comme c'est le cas dans d'autres grandes institutions d'État. En fait, ceux qui financent actuellement ce fonds sont les employeurs, les travailleurs et les travailleuses.
[Traduction]
M. Don Bell: Oui. D'accord. Merci.
Je ne sais pas si c'était Hassan ou Teresa qui parlait du programme de garderie.
Vous parliez de sommes d'argent en général. Dans votre mémoire, vous avez noté que le CTC appuie la mise en oeuvre rapide d'un système de garde et d'aide à l'apprentissage national qui soit de très bonne qualité et qui aide au développement des enfants. Vous appuyez les principes inhérents de ce système.
Dois-je comprendre alors que vous croyez qu'il faudrait certaines conditions qui soient assorties au financement fédéral pour que certains objectifs soient réalisés en vertu du principe? Si je comprends bien ce que nous dit M. Patry, il estime que les sommes d'argent devraient être versées sans qu'il y ait d'imputabilité pour que les provinces—dans ce cas, nous parlons du Québec—dépensent cette somme d'argent dans le cadre de leurs priorités. Je reconnais, certes, que le programme de garde d'enfants est tout à fait admirable au Québec. Mais n'oublions pas que nous parlons d'un principe général.
Mme Teresa Healy: En tant que principe général, ce qui nous inquiète, c'est que le gouvernement fédéral affecte des sommes à des programmes, sans indiquer clairement comment l'argent devrait être distribué. Je crois qu'il faudrait qu'il y ait une forme d'imputabilité, pour que nous puissions savoir comment on distribue l'argent pour les soins de santé, pour la garde d'enfants, ou encore pour d'autres programmes.
De plus, nous avons peur que ces sommes finissent par appuyer la privatisation au lieu d'appuyer le développement des services publics au Canada. Nous voulons donc voir de l'imputabilité dans les accords qui sont signés avec les provinces. Nous voulons qu'il y ait des conditions assorties aux accords. Nous souhaitons que cela se fasse également dans les accords de soins de santé. Nous voulons savoir ce qu'on fait de l'argent attribué aux soins de santé. Nous voulons savoir quelle somme d'argent est utilisée pour renforcer et développer les services publics. Nous aimerions trouver cela dans une loi.
 (1240)
M. Don Bell: Vous croyez donc qu'il faudrait cibler la répartition des fonds fédéraux dans les cas où le gouvernement fédéral contribuerait à des domaines qui étaient traditionnellement de compétences provinciales.
Mme Teresa Healy: C'est toujours des questions politiques, des questions de négociation. Nous savons que le gouvernement fédéral est toujours très préoccupé par les questions d'imputabilité. Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait se soucier de l'imputabilité de la distribution de l'argent, afin qu'elle appuie les services publics.
M. Hassan Yussuff: Rapidement, il ne faudrait pas négliger ce que vous avez dit à propos du Québec. Le Québec a mis en oeuvre un programme bien avant qu'il ait reçu des subventions fédérales. Il faut absolument reconnaître ce fait. Je crois que le Québec devrait recevoir une compensation. En revanche, n'oublions pas qu'il y a des normes. Je crois qu'on devrait conclure en disant que le gouvernement fédéral s'engage à indiquer qu'il faudrait se mettre d'accord sur certains principes de base.
Il faudrait qu'il y ait une indemnité. C'est le cas au Québec en ce moment.
[Français]
Le président: Monsieur Patry.
M. Pierre Patry: À ce sujet, nous cherchons à réconcilier l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser avec le respect des compétences constitutionnelles des provinces. On ne peut pas empêcher le fédéral de dépenser dans un domaine. Cependant, s'agissant de champs de compétence des provinces, à notre avis, le Québec, pour sa part, devrait avoir un droit de retrait avec pleine compensation.
Prenons l'exemple des services de garde. Le Québec est clairement en avance dans ce domaine. Il a mis en place un programme universel en 1997. Depuis, des centaines de milliers d'enfants fréquentent les établissements offrant ce programme à un coût qui a été largement diminué par sa mise en place.
Le Québec a agi dans ce domaine. Il devrait donc avoir le droit de recevoir une pleine compensation financière sans condition.
Dans ce cas, la reddition de comptes se fait auprès du gouvernement du Québec, puisque c'est son champ de compétence et qu'il dessert les électeurs et les électrices du Québec. C'est ainsi que se crée la reddition de comptes. Elle ne doit pas se faire auprès du gouvernement fédéral, parce qu'il s'agit d'un champ de compétence des provinces.
M. Normand Brouillet: Je voudrais ajouter quelque chose très rapidement. Le réseau québécois des services de garde est constitué, à 85 p. 100 ou 90 p.100, de ce qu'on appelle des centres de la petite enfance. Ce sont essentiellement des organismes sans but lucratif où l'administration est assumée par les parents, les utilisateurs. On ne se trouve donc pas en présence d'un système qui fonctionne essentiellement de façon privée, mais bien de façon communautaire et collective. Cela fonctionne ainsi depuis les tout débuts du réseau, il y a 25 ans, même à l'époque où il était embryonnaire et avant que les grands investissements de la fin des années 1990 soient faits.
Cela dresse donc un portrait assez clair. Ce système continue de se développer à l'heure actuelle, même s'il génère toujours des débats au Québec.
Le président: Je remercie les témoins et les groupes de témoins.
[Traduction]
Merci d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos observations. C'était fort intéressant. Merci.
La séance est levée.