FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 1 novembre 2005
¾ | 0840 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Philippe-Olivier Giroux (président, Fédération étudiante universitaire du Québec, Conseil national des cycles supérieurs) |
¾ | 0845 |
Le président |
M. Philippe-Olivier Giroux |
Le président |
M. Philippe-Olivier Giroux |
Le président |
M. Gilles Vaillancourt (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec; maire, Ville de Laval) |
¾ | 0850 |
¾ | 0855 |
Le président |
M. Louis Roquet (président et chef de l'exploitation, Desjardins Capital de risque, Mouvement des caisses Desjardins) |
¿ | 0900 |
¿ | 0905 |
Le président |
M. Laurent Pellerin (président général, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec) |
¿ | 0910 |
M. Serge Lebeau (conseiller principal en commerce international, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec) |
M. Serge Lebeau |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Luc Vinet (recteur, Université de Montréal) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC) |
M. Gilles Vaillancourt |
M. Jim Prentice |
M. Gilles Vaillancourt |
¿ | 0930 |
M. Jim Prentice |
M. Gilles Vaillancourt |
M. Jim Prentice |
M. Gilles Vaillancourt |
M. Jim Prentice |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
M. Louis Roquet |
M. Yvan Loubier |
M. Louis Roquet |
M. Yvan Loubier |
M. Louis Roquet |
M. Yvan Loubier |
M. Laurent Pellerin |
¿ | 0935 |
M. Yvan Loubier |
M. Laurent Pellerin |
M. Yvan Loubier |
M. Philippe-Olivier Giroux |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Luc Vinet |
Le président |
M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.) |
M. Luc Vinet |
M. Mark Holland |
M. Philippe-Olivier Giroux |
¿ | 0945 |
M. Mark Holland |
M. Luc Vinet |
M. Mark Holland |
Le président |
M. Mark Holland |
M. Gilles Vaillancourt |
M. Mark Holland |
Le président |
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC) |
M. Laurent Pellerin |
¿ | 0950 |
M. Monte Solberg |
M. Philippe-Olivier Giroux |
M. Luc Vinet |
¿ | 0955 |
M. Monte Solberg |
M. Luc Vinet |
M. Monte Solberg |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Luc Vinet |
M. Yvan Loubier |
M. Luc Vinet |
M. Yvan Loubier |
M. Luc Vinet |
À | 1000 |
Le président |
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ) |
M. Philippe-Olivier Giroux |
Le président |
M. Gilles Vaillancourt |
Le président |
M. Gilles Vaillancourt |
Le président |
M. Gilles Vaillancourt |
Le président |
M. Gilles Vaillancourt |
Le président |
À | 1005 |
M. Philippe-Olivier Giroux |
Le président |
M. Philippe-Olivier Giroux |
Le président |
M. Luc Vinet |
Le président |
M. Louis Roquet |
Le président |
M. Louis Roquet |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¾ (0840)
[Français]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour. Veuillez excuser ce retard. C'est ma faute. Je viens de la ville de Montréal, mais j'avais oublié le temps qu'il fallait pour se rendre au centre-ville. J'ai perdu l'habitude. Je suis habitué de faire un trajet de deux heures pour me rendre à Ottawa.
Je vous remercie de nous recevoir et d'avoir pris le temps de venir faire votre présentation. Je voudrais souhaiter la bienvenue à mes collègues qui ne sont pas de la région, soit MM. Solberg, Prentice et Holland, ainsi que M. Bouchard, qui est de Chicoutimi. C'est passablement éloigné de Montréal.
Nous nous réunissons aujourd'hui conformément à l'article 83.1 du Règlement, dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2005. Je vais vous allouer entre sept et huit minutes. Je ne souhaite pas interrompre votre présentation, mais je le ferai tout de même si j'y suis obligé. Vous êtes assez nombreux, et les membres du comité voudraient poser des questions après vos présentations.
Nous allons commencer par le Conseil national des cycles supérieurs.
Monsieur Giroux.
M. Philippe-Olivier Giroux (président, Fédération étudiante universitaire du Québec, Conseil national des cycles supérieurs): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous souhaitons d'abord vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui à présenter notre mémoire.
Le CNCS-FEUQ est un organisme qui a pour mandat de défendre et de promouvoir les droits et intérêts des étudiants des cycles supérieurs des établissements universitaires du Québec. Nous les représentons auprès de la population et des principaux acteurs du réseau de l'éducation et de la recherche. Pour cette raison, nous participons aux consultations gouvernementales, entre autres aux consultations prébudgétaires, depuis trois ans environ, de même qu'à des présentations plus ponctuelles qui touchent spécifiquement les questions de la recherche universitaire, par exemple les consultations sur la Stratégie d'innovation du Canada qui ont eu lieu il y a quelques d'années. Nous sommes très contents de vous faire part aujourd'hui de nos recommandations concernant le budget de 2006-2007 du gouvernement du Canada.
Celles-ci comportent quatre points: hausser les transferts fédéraux en éducation postsecondaire; miser sur la formation des compétences et sur une relève de qualité; renforcer l'environnement de recherche des institutions universitaires et réorienter les sommes investies dans la Fondation canadienne pour l'innovation.
Pour ce qui est de hausser les transferts fédéraux en éducation postsecondaire, il s'agit de faire en sorte que le Canada se situe parmi les cinq premiers pays en matière d'investissement à l'égard du rendement en recherche et développement. Pour ce faire, il nous semble essentiel que des sommes supplémentaires soient investies dans nos universités. Nous croyons qu'une augmentation de quatre milliards de dollars sur trois ans des transferts fédéraux en matière d'éducation postsecondaire serait ici le levier indiqué. Cela nous permettrait de compenser pour les compressions qui ont eu lieu en 1992. Nous recommandons d'étaler cet investissement, en l'occurrence un total de quatre milliards de dollars sur trois ans, de la manière suivante: dès 2006-2007, 900 millions de dollars; en 2007-2008, 1,3 milliard de dollars et en 2008-2009, 1,8 milliard de dollars.
Pour ce qui est de miser sur la formation des compétences et sur une relève de qualité, le CNCS-FEUQ soutient que pour assurer la relève de notre corps professoral, augmenter le nombre et la qualité des recherches que nous menons et répondre à nos besoins croissants en main-d'oeuvre hautement qualifiée, le gouvernement du Canada doit améliorer son soutien financier aux étudiants chercheurs de la façon suivante: en augmentant les budgets de ses organismes subventionnaires, soit le CRSNG, le CRSH et les IRSC; en instaurant l'exonération fiscale complète des bourses aux étudiants et en rendant le Programme de travail hors campus accessible aux étudiants internationaux dans l'ensemble du Canada.
En ce qui concerne les organismes subventionnaires, nous estimons que les budgets devraient atteindre les montants suivants en 2006-2007: le Conseil de recherches en sciences humaines ou CRSH, 263 millions de dollars; le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie ou CRSNG, 1 milliard de dollars; et les Instituts de recherche en santé du Canada ou IRSC, 1 milliard de dollars.
Concernant l'exonération fiscale des bourses, le CNCS recommande que le gouvernement fédéral exonère d'impôt toutes les bourses d'étude et de recherche versées aux étudiants canadiens. Cette mesure existe déjà au Québec. Elle permet d'éviter la situation paradoxale voulant que le gouvernement verse de l'argent aux étudiants sous forme de bourse, mais en récupère une partie sous forme d'impôt. La mise en vigueur de cette mesure équivaudrait à augmenter les montants accordés aux étudiants par les conseils subventionnaires. Nous estimons qu'il s'agit d'un bon moyen d'améliorer la puissance de financement de ces organismes et que cette mesure ne serait pas exagérément coûteuse. D'après nos estimations, 60 millions de dollars permettraient de le faire d'un bout à l'autre du Canada.
Enfin, pour ce qui est de rendre le Programme de travail hors campus accessible aux étudiants internationaux, nous considérons que ces derniers, particulièrement les étudiants des cycles supérieurs, sont des acteurs importants dans le contexte de l'économie du savoir. Il s'agit ici de hausser le nombre de personnes hautement qualifiées au Canada. À cet égard, le projet-pilote permettant aux étudiants internationaux de travailler hors des campus universitaires qui a été mis sur pied récemment par le gouvernement fédéral est un pas dans la bonne direction. C'est une façon de s'assurer que ces gens viendront étudier au Canada. Il a été proposé l'été dernier, si ma mémoire est bonne, que l'ensemble des étudiants canadiens ait accès à ce programme. Or, nous voudrions que cela se fasse dès le début de l'année 2006.
Pour ce qui est de renforcer l'environnement de recherche des institutions universitaires, nous considérons que pour favoriser une meilleure efficacité de ces institutions et compte tenu qu'on reconnaît aux universités un rôle fondamental à l'égard de la création des connaissances, le gouvernement fédéral se doit d'agir à deux niveaux bien précis. Il doit assumer le financement des frais indirects de la recherche universitaire en fonction de leur valeur réelle et mettre sur pied un programme spécifique de financement pour les universités de petite taille. En ce qui a trait aux frais indirects de la recherche, je précise que le gouvernement en finance actuellement 25 p. 100 environ, alors que le niveau généralement reconnu est de 65 p. 100.
Nous estimons que pour atteindre cet objectif de 65 p. 100, il faudrait un investissement supplémentaire de 420 millions de dollars. C'est ce que nous demandons dans le cadre du budget de 2006-2007.
¾ (0845)
De plus, le CNCS recommande que le gouvernement fédéral mette sur pied un programme spécifique de financement pour les universités de petite taille qui leur permette de contribuer pleinement au développement de leur milieu. Ce programme a comme objectif la mise en place dans les universités de petite taille d'une capacité de recherche durable par un programme qui leur rendrait accessibles les fonds nécessaires au lancement de nouvelles activités de recherche. L'AUCC estime le coût d'un tel programme à environ 30 millions de dollars. Nous recommandons sa mise en place dans le budget de 2006-2007.
Le quatrième et dernier point consiste à réorienter les sommes investies dans la Fondation canadienne pour l'innovation. En considérant que cette fondation, en tant qu'entité privée, n'est pas politiquement responsable et dans la mesure où les organismes subventionnaires ont déjà des comités de sélection des projets de recherche qu'ils financent, le CNCS estime que le gouvernement fédéral devrait cesser d'investir dans la Fondation canadienne pour l'innovation et verser plutôt ces sommes dans les organismes subventionnaires.
C'étaient donc là nos recommandations pour l'année budgétaire 2006-2007. Pour vous faire un bref rappel de ces recommandations, je vais résumer: la hausse des transferts fédéraux en éducation postsecondaire de 4 milliards de dollars pour les trois prochaines années; l'augmentation des budgets des trois conseils subventionnaires; l'exonération fiscale des bourses d'étude et de recherche versées aux étudiants à la grandeur du Canada; l'élargissement du Programme de travail hors-campus pour les étudiants internationaux à l'ensemble du Canada dès le début de 2006; le financement des frais indirects de la recherche à hauteur de 65 p. 100; la mise en place d'un programme spécifique de financement pour les universités de petite taille; et ne plus investir dans la Fondation canadienne pour l'innovation, mais verser la totalité de ces sommes dans les organismes subventionnaires.
Nous vous remercions de votre attention.
Le président: Merci.
Monsieur Giroux, qu'entendez-vous par « universités de petite taille »?
M. Philippe-Olivier Giroux: Ce sont principalement les universités qui sont en région. Par exemple, au Québec...
Le président: Est-ce déterminé par le nombre d'étudiants qui fréquentent ces établissements?
M. Philippe-Olivier Giroux: Effectivement. Dans les documents de l'Association des universités et collèges du Canada, il y a une définition assez claire des universités de petite taille.
Le président: Merci.
Nous accueillons maintenant M. Vaillancourt, de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec.
M. Gilles Vaillancourt (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec; maire, Ville de Laval):
Merci, monsieur le président. Je suis accompagné ce matin de M. Marc Couture, qui est le président du Comité technique à la coalition et associé chez BPR, firme de génie-conseil.
Je voudrais vous remercier pour l'occasion que vous nous donnez de contribuer aux réflexions du gouvernement fédéral en ce qui concerne les décisions budgétaires à prendre pour assurer le meilleur développement possible de la société canadienne, tant sur le plan régional que national.
La Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Québec a été créée en août 1999 et regroupe 21 organisations représentant les principaux acteurs de la scène québécoise concernée, directement ou indirectement, par le renouvellement et la mise à niveau des infrastructures municipales — la majorité étant souterraines — et routières, qui sont des facteurs importants de notre qualité de vie et de notre productivité.
Notre présence ici intervient alors que la nouvelle stratégie urbaine du gouvernement fédéral vient appuyer substantiellement les villes canadiennes dans leurs efforts visant à résoudre le problème de la détérioration de leurs infrastructures existantes.
Cette difficulté découle du sous-investissement des municipalités dans leurs infrastructures au cours de la dernière génération, créant ainsi un important déficit d'investissement. Il s'agit d'un déficit qui reste — et je le dis sans jeu de mots facile — souterrain puisqu'il n'est pas inclus dans une quelconque comptabilité ou système de mesure. En effet, les besoins d'entretien et de renouvellement à la fois de toutes nos infrastructures et des parcs, tant pour les gouvernements que pour les municipalités, ne paraissent ni aux comptes publics ni aux états financiers des municipalités.
Je tiens donc à exprimer notre sincère reconnaissance au gouvernement fédéral pour la suite qu'il a donnée à nos demandes répétées en vue de mettre un terme à ce véritable déficit caché qui, depuis une génération, menace directement notre productivité, notre niveau de vie. Grâce aux mesures qu'il a prises, seul ou avec d'autres, l'élimination de ce déficit est bien engagée.
Nous souhaitons aujourd'hui saisir votre comité de mesures qui représenteraient des jalons supplémentaires importants pour contribuer à combler ce déficit caché au terme des 15 prochaines années. Les membres du Comité permanent des finances pourraient, en les retenant, compléter le travail si bien entrepris sur la question des infrastructures.
Ces mesures que nous vous proposons aujourd'hui sont de deux ordres: premièrement, l'introduction d'un mécanisme d'indexation automatique des montants transférés par le palier fédéral aux municipalités, afin de protéger la valeur du capital nécessaire pour corriger ce déficit; et deuxièmement, l'affectation immédiate d'une portion du surplus budgétaire pour l'accélération du transfert financier graduel relié à la taxe fédérale sur l'essence.
Avant de développer plus à fond ces deux recommandations, je fais un bref rappel de la situation. La détérioration des infrastructures publiques remonte au début des années 1980, époque où les municipalités ont eu à absorber plusieurs transferts de responsabilités sans compensation financière de la part des deux ordres de gouvernement. Celles-ci ont ainsi été amenées à restreindre leurs activités d'entretien des infrastructures afin d'atténuer l'effet négatif des hausses de taxes foncières, déjà passablement élevées pour les contribuables.
Avec le temps, cet état de chose a eu des conséquences dramatiques sur les infrastructures locales, tant sur les montants à y investir que sur les coûts occasionnés directement à la population, sans compter les pertes d'opportunités, comme l'ont démontré de nombreuses études citées dans notre mémoire et dont les conclusions clés sont les suivantes.
Il y a d'abord des coûts prohibitifs pour les seules municipalités. L'étude de 2003 du Conference Board estime à près de 18 milliards de dollars constants le coût de la mise à niveau des infrastructures au cours des 15 prochaines années, étant entendu que plus on tarde à investir, plus le coût va en s'accroissant. Ajusté pour l'évolution des coûts, le montant annuel nécessaire pour régler le problème atteint aujourd'hui 1,25 milliard de dollars. Ce sont donc des coûts appréciables pour la population.
Deux études indépendantes de 2004 démontrent que le niveau des coûts privés est déjà, au Québec, du même ordre de grandeur que celui du financement public nécessaire pour corriger ce problème.
Bref, les contribuables ne versent pas d'un côté ce qu'ils paient déjà de l'autre. Il suffit ici de penser à l'achat d'eau embouteillée générée par la non-confiance en des installations publiques, aux bris causés aux voitures par l'état des routes, aux dépenses supplémentaires pour l'entretien des autobus et des autres équipements roulants. C'est une perte réelle d'opportunités!
Selon une étude de Statistique Canada, à la marge, un dollar d'investissement dans les infrastructures publiques permet de réduire le coût des entreprises de 17 ¢ par année. De plus, le non-investissement dans les infrastructures a des répercussions importantes sur la compétitivité des entreprises ainsi que sur la productivité.
¾ (0850)
Évidemment, les gouvernements, à la suite de représentations faites par divers intervenants, notamment par notre coalition, se sont rendus compte de la situation inextricable dans laquelle les municipalités avaient été plongées. Ils ont mis sur pied, à compter du milieu des années 1990, des programmes de divers ordres. Avec le temps, l'implication fédérale s'est confirmée, pour devenir aujourd'hui incontournable.
Les mesures vigoureuses prises par le gouvernement fédéral au cours des deux dernières années ont considérablement amélioré la situation. Parmi ces mesures, mentionnons le remboursement intégral aux municipalités des sommes de TPS versées et l'accélération du versement sur cinq ans des fonds sur l'infrastructure municipale, dont le premier volet s'attaque plus spécifiquement aux infrastructures reliées à l'eau potable et aux eaux usées.
Il y a aussi l'entente récente avec le gouvernement du Québec sur le versement aux municipalités d'une partie des recettes tirées de la taxe fédérale sur l'essence. Évalués à 138 millions de dollars cette année, ces transferts croîtront graduellement pour atteindre finalement 460 millions de dollars à compter de 2010.
Notre coalition tient à exprimer sa reconnaissance au Comité permanent des finances pour avoir recommandé au gouvernement de pousser plus loin et plus vite son engagement dans le dossier des infrastructures municipales. Même s'il y a tout lieu d'être satisfait de ce qui a été accompli jusqu'à présent, il est important de souligner quelques préoccupations qui subsistent encore. Il y a d'abord la protection du niveau d'investissement consenti. Un examen de la conjoncture actuelle laisse entrevoir une forte majoration à moyen termes des coûts des matières premières, des matériaux et des équipements, comme le démontrent les hausses récentes du pétrole, de l'acier et du béton, pour n'en nommer que quelques-unes.
Sans l'ajout d'un mécanisme d'ajustement ou d'indexation, la coalition croit que la croissance des coûts des travaux se traduira, à moyen terme, par un manque à gagner qui retardera l'effacement du déficit caché. Nous avons étudié comment pourrait se faire cet ajustement et nous croyons que celui-ci pourrait prendre la forme d'une formule d'indexation globale des sommes consenties à la question des infrastructures. Cette indexation pourrait être établie en fonction du taux de croissance des revenus fédéraux, ceux-ci étant directement dépendants de la performance économique de l'ensemble des régions du pays.
L'utilisation d'une partie des surplus budgétaires fédéraux pour éponger le déficit au titre des infrastructures pourrait aussi être envisagée. Le gouvernement fédéral a des surplus budgétaires. Ces surplus ont prioritairement été consacrés au remboursement de la dette et à d'autres usages, notamment en santé et en éducation.
À la coalition, nous croyons qu'il y aurait également lieu de consacrer dorénavant une portion des surplus fédéraux à l'accélération du transfert financier relié à la taxe fédérale sur l'essence. Ce déficit pèse désormais davantage sur le potentiel économique du pays que le poids de la dette, qui a diminué considérablement par rapport à la taille de l'économie canadienne, passant de plus de 70 p. 100, au milieu des années 1990, à près de 40 p. 100 aujourd'hui.
En conclusion, nous souhaitons vivement que ces quelques considérations et propositions viendront contribuer aux réflexions de votre comité, en prévision du prochain exercice budgétaire du gouvernement fédéral. La coalition rappelle que, si sur papier la situation semble en voie de s'améliorer, grâce surtout à l'injection de nouveaux fonds fédéraux, il en va autrement en pratique, car les résultats tardent à se concrétiser. Nous avons déjà eu l'occasion de le préciser, mais nous insistons sur le fait que chaque année qui passe alourdit toujours la facture globale. À l'heure actuelle, le déficit au titre des infrastructures grossit encore et s'alourdit. C'est l'objet de l'inquiétude des membres de la coalition. Nous souhaitons et nous espérons que cet aspect de notre message sera entendu par les députés.
En mon nom personnel, au nom de mon collègue ainsi que des 21 membres de notre conseil, je vous remercie de l'accueil que vous nous avez réservé aujourd'hui et des suites que vous voudrez bien donner à nos recommandations.
¾ (0855)
Le président: Merci, monsieur Vaillancourt.
Nous passons maintenant à M. Roquet, du Mouvement des caisses Desjardins.
M. Louis Roquet (président et chef de l'exploitation, Desjardins Capital de risque, Mouvement des caisses Desjardins): Monsieur le président, membres du Comité permanent des finances, au nom du Mouvement Desjardins, le Desjardins Group, je vous remercie d'accueillir notre présentation et nos recommandations. Si vous me le permettez, je ferai une mise en situation plutôt brève afin de concentrer mon intervention sur les recommandations.
Le Mouvement Desjardins est une institution coopérative, la plus importante institution financière du Québec et la sixième au Canada. Il a un actif de 106 milliards de dollars. Desjardins Capital de risque, une de ses filiales, gère pour le compte du Mouvement Desjardins 10 fonds de capital de risque. Quarante-cinq pour cent de tous les investissements de ces fonds de capital de risque sont réalisés dans des entreprises technologiques et innovatrices canadiennes. C'est donc dire l'intérêt et l'implication du mouvement et de son gestionnaire de fonds dans le secteur de l'innovation et dans le renouvellement de la structure industrielle du Canada.
On a souvent dit que le capital de risque est insuffisant en termes de quantité. Au contraire, on estime qu'au cours des mois qui viennent, au Québec seulement, un montant de 500 millions de dollars de capital sera rendu disponible dans différents fonds à des entreprises innovatrices. Le problème n'est pas la disponibilité du capital mais son efficacité et sa rentabilité. Il est vrai que l'industrie du capital de risque au Canada est très jeune par rapport à l'industrie américaine, qui compte environ 40 ans d'expérience alors que l'industrie canadienne en compte environ 15. La rentabilité du capital de risque n'est pas là, et ce, pour trois raisons que j'aimerais évoquer pour les membres du comité.
La première raison est que l'évaluation du potentiel technico-commercial des innovations est inadéquate et insuffisante. L'arrimage entre la stratégie de recherche et développement des entreprises et le potentiel commercial des innovations est mal fait. Cela empêche les entreprises d'avoir accès à des marchés rentables et ne leur permet pas de survivre.
Le second problème réside dans la capacité des équipes de gestion. L'industrie américaine dispose d'une troisième ou d'une quatrième génération d'entrepreneurs technologiques qui ont connu des succès et qui ont développé des entreprises à partir de la recherche et développement. Au Canada, nous en sommes encore à notre première, peut-être notre deuxième génération d'entrepreneurs technologiques. Nous manquons de gestionnaires compétents capables de développer des entreprises fondées sur la recherche et développement.
Le troisième problème que nous connaissons est celui de l'accès aux grands marchés de consommateurs et d'acheteurs, bien sûr, mais aussi au marché des capitaux et aux marchés publics, comme le NASDAQ.
Étant donné ces problèmes, nous formulons au comité quatre recommandations qui, d'après nous, seraient en mesure, à relativement peu de frais, de solutionner ces trois problèmes.
La première mesure est l'élargissement des programmes de financement destinés aux activités de précommercialisation et de commercialisation. Le gouvernement fédéral, par l'entremise de Développement économique Canada et du Conseil national de recherche du Canada, gère déjà des programmes qui soutiennent les entreprises dans leurs activités de précommercialisation et de commercialisation. Nous suggérons l'élargissement de ces programmes, l'élimination d'un certain nombre de normes contraignantes, de façon à ce que dès leur fondation, les entreprises technologiques puissent être accompagnées dans leurs démarches de précommercialisation et de commercialisation.
Pour le second problème, celui de la faiblesse des équipes de direction des entreprises technologiques, nous recommandons que des mesures fiscales incitatives soient offertes à des entrepreneurs technologiques, qu'ils soient étrangers ou canadiens, de façon à ce qu'après avoir connu un premier succès, ils aient une incitation réelle, par exemple par l'impôt sur le gain de capital, à reprendre du service et à remonter des entreprises.
¿ (0900)
Développer une entreprise nécessite un talent fort particulier, surtout une entreprise technologique. Les gens qui ont connu un premier succès peuvent, en général, le répéter avec beaucoup de chances de réussir.
Ma troisième recommandation concerne l'assouplissement au niveau des investissements et de la capitalisation des fonds de capital de risque transfrontaliers. Dans le domaine des technologies, et en particulier dans le domaine des biotechnologies, une des façons les plus importantes de valoriser un investissement est de pouvoir fusionner une entreprise qui dispose d'une technologie avec une autre entreprise qui en dispose d'une compatible ou complémentaire.
Si on se fie au flux de projets, ce qu'on appelle en anglais le deal flow, qui est issu d'une seule région, la probabilité de créer ces mariages qui sont sources de richesse est très limitée. Le concept d'un fonds transfrontalier qui s'approvisionne dans des centres de recherche américains et canadiens, qui met à profit les capitaux d'origine canadienne et américaine ainsi que l'expertise des gestionnaires de fonds américains, qui est beaucoup plus développée que celle des gestionnaires de fonds canadiens tout simplement parce qu'ils pratiquent ce métier depuis beaucoup plus longtemps que nous, permet de garantir une probabilité de succès beaucoup plus élevée.
Actuellement, il y a des obstacles de type fiscal à la mise en place de ces fonds. Nous sommes personnellement impliqués dans le montage d'un premier fonds transfrontalier à Montréal et nous souhaitons que ces obstacles soient non seulement enlevés, mais qu'il y ait des incitatifs. Cela nous donnerait aussi accès à des gestionnaires ayant des réseaux auprès des grandes entreprises qui peuvent représenter des acheteurs potentiels pour des entreprises canadiennes et aussi à des gens qui ont accès aux marchés des capitaux, en particulier au marché de NASDAQ, qui est un des véhicules de sortie les plus intéressants pour les entreprises technologiques innovantes.
Enfin, comme dernière recommandation, il y a l'incitation aux grands donneurs d'ordres à utiliser davantage les technologies des jeunes entreprises canadiennes. Vous savez que le gouvernement canadien est un acheteur important. Le gouvernement américain a mis en place des mesures qui obligent les entreprises importantes qui reçoivent des contrats du gouvernement à retenir les services — dans certains cas pour un montant correspondant à 15 p. 100 du montant global du marché — de petites entreprises ou d'entreprises qui sont gérées par des membres des communautés minoritaires, selon le cas.
Nous recommandons qu'une politique soit instaurée par laquelle le gouvernement, dans ses grands marchés, obligerait les grandes entreprises, par exemple CGI dans le domaine des technologies de l'information, à utiliser des technologies de petites entreprises émergentes. Ceci éviterait la situation un peu loufoque dans laquelle nos entreprises canadiennes émergentes sur le plan de la technologie doivent vendre celle-ci aux Américains avant de pouvoir la vendre au Canada. Cela doterait également ces entreprises d'un site de démonstration qui leur faciliterait grandement l'accès à une clientèle internationale.
Voici en résumé les mesures qui pourraient, d'après nous, soutenir les PME technologiques au moment où l'offre de capital de démarrage devrait augmenter de façon significative au Canada. Cela permettrait de rendre ce capital, qui sera mis à la disposition des entreprises, infiniment plus efficace et donnerait accès aux entreprises technologiques à des marchés qui soutiendront leur croissance.
Je vous remercie de votre attention et je suis disponible pour répondre à vos questions.
¿ (0905)
Le président: Merci, monsieur Roquet. J'en ai plusieurs, mais on va passer à la prochaine présentation, soit celle de l'Union des producteurs agricoles du Québec.
Monsieur Pellerin, vous avez la parole.
M. Laurent Pellerin (président général, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec): Bonjour, monsieur le président. Bonjour également aux membres du comité.
Je suis accompagné de Marc Saint-Roch, qui est fiscaliste et coordonnateur du réseau de comptabilité et de fiscalité de l'UPA, et de Serge Lebeau, qui est responsable des dossiers relatifs au commerce international ainsi que des autres dossiers économiques. M. Lebeau fera la présentation. Pour ma part, je répondrai plus tard aux questions.
Monsieur Lebeau.
¿ (0910)
M. Serge Lebeau (conseiller principal en commerce international, Agriculture, Union des producteurs agricoles du Québec): Merci, monsieur Pellerin.
Monsieur le président, messieurs les membres du Comité permanent des finances, nous tenons d'abord à vous remercier de nous avoir invités à participer à ces audiences.
Aujourd'hui, nous souhaitons essentiellement aborder avec vous quatre sujets qui préoccupent particulièrement l'Union des producteurs agricoles. Tout d'abord, nous traiterons de la crise des revenus nets et des impacts négatifs anticipés des négociations commerciales en cours à l'Organisation mondiale du commerce. Nous reviendrons dire quelques mots sur le déséquilibre fiscal et sur nos demandes en matière de fiscalité.
Ces problèmes auxquels doit faire face notre secteur font en sorte que nous nous trouvons aujourd'hui à la croisée des chemins. Il va sans dire que nous souhaitons prendre la bonne direction, et pour ce faire, le ministère des Finances peut nous aider.
Toutefois, avant d'aborder nos préoccupations et sans entrer dans les détails, je tiens à souligner l'importance du secteur agricole pour ce qui est de sa contribution à l'essor économique et social du Québec et du Canada. Notre mémoire fait largement état de données qui en témoignent.
Au sujet de la détérioration du revenu, je vous invite à consulter les notes complémentaires. Il s'agit de graphiques provenant du mémoire. Ces derniers, qui ont été agrandis, vous aideront à y voir un peu plus clair. Il est indéniable que la crise des revenus nets que traversent actuellement les agriculteurs est bien plus structurelle que conjoncturelle. En effet, le premier graphique, qui porte sur l'évolution du revenu net total au Canada, révèle une tendance lourde pour ce qui est de la baisse du revenu net en agriculture. Cette baisse s'est accélérée au cours des 10 dernières années.
Consultons maintenant le deuxième graphique. Cette situation a été analysée dans le cadre de différentes études, notamment dans une recherche de l'Institut canadien de recherches stratégiques en agriculture et dans une étude réalisée par le secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Wayne Easter. Toutes ces études arrivent aux mêmes conclusions: la diminution des revenus s'est traduite par un accroissement de l'endettement des fermes au Canada, et ce dernier a provoqué une dégradation de leurs structures financières. D'ailleurs, les données présentées dans ce graphique en témoignent. Il est clair que la crise de l'ESB ainsi que la déprime des prix, notamment dans le secteur céréalier, amplifient cette tendance.
M. Serge Lebeau: Pour renverser la tendance, il est impératif que la politique agricole canadienne soit plus énergique et qu'elle ait un impact réel sur le prix que les producteurs retirent du marché. Elle doit être davantage centrée sur l'entreprise agricole. Pour ce faire, deux axes d'intervention apparaissent incontournables. À cet effet, nous demandons l'appui politique du ministre des Finances. Il s'agit ici de faire en sorte que le rapport de force entre les producteurs et les autres maillons de la chaîne soit équilibré. En outre, nous souhaitons que le ministère des Finances libère les sommes nécessaires afin d'inclure dans le Cadre stratégique pour l'agriculture un volet portant sur la rentabilité à long terme des entreprises agricoles. L'objectif ici est de contrebalancer les disparités du marché.
L'application d'une telle mesure protégerait nos producteurs contre d'éventuels conflits commerciaux ou variations de marché ayant des répercussions à long terme sur leur revenu. Pour donner au cadre stratégique toute la flexibilité dont il a besoin, ces appuis doivent être cloisonnés, de façon à répondre aux besoins spécifiques de chaque région et de chaque production. Nous vous demandons par ailleurs d'augmenter votre contribution visant à appuyer le secteur céréalier et de soutenir la formation immédiate d'un comité chargé d'examiner la problématique céréalière.
En ce qui concerne la crise de l'ESB, nous vous demandons de soutenir les investissements de la Fédération des producteurs de bovins du Québec dans le secteur de la transformation, incluant ceux déjà réalisés pour consolider la capacité d'abattage au Québec. Il faut insister pour que les autorités canadiennes poursuivent leurs efforts en vue d'obtenir l'ouverture complète des frontières et pour qu'elles continuent entre temps à appuyer les secteurs frappés par l'embargo.
Au sujet des négociations en matière d'agriculture à l'OMC, l'UPA demande votre soutien politique afin que le Canada défende avec fermeté le maintien et le développement de la mise en marché collective et de la gestion de l'offre. Cela n'aurait aucune incidence sur le Trésor public. De plus, nous vous demandons d'appuyer la mise en vigueur d'une réglementation adéquate permettant de contrôler les importations qui défient trop souvent les règles de l'OMC.
Nous vous demandons d'exercer des pressions afin que le nouveau mandat de négociation en matière d'agriculture, qui fera prochainement l'objet de discussions au sein des cabinets de ministre, ait l'étoffe nécessaire pour préserver nos systèmes de gestion de l'offre de même que nos programmes de sécurité du revenu. En tout état de cause, le Canada ne doit pas signer une mauvaise entente. Or, les propositions qui sont actuellement sur la table nous semblent très peu avantageuses pour l'agriculture canadienne. On prévoit une baisse des tarifs, la disparition de la Commission canadienne du blé, la fermeture des marchés européens et la possibilité que les Américains et les Européens puissent continuer à financer massivement leur agriculture.
Par ailleurs, nous considérons nécessaire que le ministère des Finances rétablisse l'équilibre fiscal. En effet, la diminution du soutien de l'État en matière d'agriculture, liée en partie au déséquilibre fiscal, réside dans le fait que le gouvernement fédéral, malgré ses moyens financiers, n'assume pas pleinement son rôle, notamment pour ce qui est d'aider les producteurs canadiens à concurrencer sur un pied d'égalité les autres pays. Comme nous l'avons mentionné en avril dernier, nous observons, d'une part, que le budget fédéral consacré à l'agriculture et à l'agroalimentaire est passé de 4 p. 100 en 1991-1992 à 2,5 p. 100 en 2004-2005.
¿ (0915)
Vous avez à cet égard un tableau qui résume ce que je suis en train de dire.
D'autre part, comme le montre le tableau, il y a eu une diminution globale des dépenses publiques au cours de la décennie de 1994-1995 à 2003-2004 comparativement à la décennie de 1984-1985 à 1993-1994. Le fléchissement des dépenses s'est fait sentir plus fortement du côté fédéral. En fait, elles ont décru de 43 p. 100, alors que les dépenses provinciales chutaient de 30 p. 100 pour les périodes observées.
Cette situation se reflète en effet dans la part provinciale des dépenses totales, laquelle passait de 38 p. 100 à 43 p. 100, les provinces ayant dû compenser le désengagement fédéral et continuer à offrir des services de première ligne. Le déséquilibre fiscal n'est certes pas étranger à cette tendance.
Enfin, au sujet de la fiscalité agricole et forestière, comme vous le verrez de façon plus détaillée dans le mémoire, plusieurs mesures fiscales agricoles et forestières doivent être instaurées ou modifiées par votre ministère.
Pour n'en nommer que quelques-unes, il y a d'abord le régime d'épargne-transfert, semblable à certains égards au Régime enregistré d'épargne-études, qui devrait être mis en place avec le soutien de l'État. Dans le cas d'un transfert admissible par lequel l'entreprise vendue reste en exploitation, la déduction pour gain en capital devrait être majorée de 500 000 $, pour atteindre 1 million de dollars. Afin de soutenir la recherche et le développement dans le secteur agricole et pour tenir compte de la particularité des fermes à dimension humaine, une mesure incitative qui s'apparenterait au crédit d'impôt pour la recherche et le développement doit être instaurée.
Le gouvernement doit reconnaître les investissements effectués par les exploitants de boisés privés pour aménager la forêt de façon durable selon les pratiques reconnues. Pour cela, il devra permettre de déduire, dans le calcul de leurs revenus, toutes les dépenses d'aménagement engagées au cours d'une année, cela dans le respect d'un plan d'aménagement forestier admissible, peu importe les gains générés par la vente de bois au cours de cette même année.
De plus, l'État doit établir une mesure d'étalement sur plusieurs années des revenus tirés de la vente des coupes de bois ponctuelles, afin de répartir de façon équitable le fardeau fiscal en résultant. Cette façon de faire correspond mieux au cycle d'exploitation du domaine forestier.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Lebeau.
On passe à M. Vinet, de l'Université de Montréal.
M. Luc Vinet (recteur, Université de Montréal): Monsieur le président, membres du comité, je vous souhaite une bonne journée et je vous remercie de nous accueillir. En huit minutes, on peut difficilement faire le tour de la situation. D'abord, je vais vous livrer le message principal que je veux vous communiquer.
En fonction des défis de la mondialisation et des économies en développement très rapide auxquels on doit faire face et, par ailleurs, au déclin démographique auquel nous sommes confrontés, il me semble que les clés — un certain consensus se développe à ce sujet — du développement de notre société sont l'innovation et le développement du capital humain. Notre plan à cet égard doit se fonder sur la qualité.
Le développement de l'enseignement supérieur devient critique et il est par conséquent essentiel que nos universités aient les ressources nécessaires pour être les meilleures. Il s'agit donc, à ce moment-là, de bâtir sur cette stratégie inspirée de l'innovation qui a prévalu pour développer à ce moment-ci un plan national ambitieux sur l'enseignement postsecondaire qui devrait comprendre, à mon avis, à la fois des programmes de soutien direct de la part du fédéral et des transferts pour accroître la capacité et la performance de nos universités au premier cycle. Voilà pour l'essentiel. Je vais maintenant suivre la présentation que nous vous avons communiquée.
Un mot sur l'Université de Montréal, dont l'importance n'est parfois pas bien mesurée sur l'échiquier canadien. Elle est le deuxième pôle universitaire en importance au Canada. Vous avez un certain nombre de chiffres qui illustrent cela, en particulier le fait que cette université compte 55 000 étudiants, en plus de 2 400 professeurs, et qu'on y retrouve la plus grande concentration en santé et en sciences de la vie au pays. En fait, c'est la seule université qui offre tous les programmes dans ce secteur. Elle a la plus grande faculté de médecine au Canada. Il est important de souligner, par exemple, que depuis les six dernières années, aux examens du Collège canadien des médecins, ce sont les étudiants en médecine de l'Université de Montréal qui sont arrivés les premiers. C'est également l'université qui a la seule faculté de médecine vétérinaire au Québec.
Sur le plan des investissements en recherche, ce qui a été réalisé par le gouvernement fédéral depuis 1998 a permis d'amorcer un rattrapage important. Les fonds alloués à la recherche à l'Université de Montréal ont presque doublé. Vous le voyez sur le graphique. Ils étaient d'environ 110 millions de dollars en 1999-2000 et ils sont maintenant rendus à 210 millions de dollars. C'est dire, d'une part, l'importance des contributions fédérales et le taux de performance puisque, pour l'essentiel, c'est par la voie de concours que ces fonds ont été alloués. Ces fonds ont également eu un effet de levier et ont influé sur les contributions qui sont venues d'autres sources. Il faut se féliciter de ces choix.
Cependant, il faut poursuivre les efforts, puisque les objectifs que s'était fixé le Canada en 2000 ne sont pas encore atteints. Nous ne sommes pas encore parmi les leaders mondiaux en recherche et développement. Pour atteindre la cible qui était fixée pour 2010, il va falloir augmenter de 53 p. 100 les investissements en recherche.
Il faut célébrer les résultats, mais il ne faut pas se laisser éblouir par ce qui a été accompli. Les autres pays ont également poursuivi dans la même direction. Nos compétiteurs investissent davantage en recherche et développement. Malgré des investissements importants, les dépenses brutes canadiennes traînent toujours par rapport aux autres pays de l'OCDE. Vous le verrez rapidement. Si l'enseignement postsecondaire est vraiment la clé pour le développement de la société canadienne, si on veut avoir les meilleures universités, il faut pouvoir exercer un rattrapage important, en particulier par rapport aux universités américaines.
Si vous regardez la compétition internationale et où se situe le Canada, vous voyez que pour ce qui est des dépenses totales en R et D, les autres pays ont continué de progresser. La barre en jaune est ce qui se passait en 1997. Vous voyez la mesure, à partir de la barre en bleu, de ce qui a été réalisé dans les autres pays. Le Canada est toujours assez loin des pays en tête. En particulier, vous voyez quel progrès a été réalisé en Suède.
¿ (0920)
Le tableau suivant fait état de cet écart qui se creuse entre les universités canadiennes, prises dans leur ensemble, et les universités publiques — je souligne bien « publiques » — aux États-Unis. Si vous regardez ce tableau, vous verrez que depuis 1980, le financement des gouvernements, donc des États et du gouvernement fédéral aux États-Unis, a augmenté de 25 p. 100, alors qu'au Canada, pendant la même période, il a baissé de 20 p. 100. Cela signifie que les investissements gouvernementaux, dans les universités américaines publiques, sont de 5 000 $ de plus, en moyenne, par étudiant. Si vous ajoutez à cela les droits de scolarité, il y a un écart de 8 000 $ par étudiant, en moyenne, par rapport aux universités canadiennes. Donc, pour l'Université de Montréal, cela représenterait 240 millions de dollars par année au budget de fonctionnement.
Il est important pour le gouvernement fédéral de cibler son action à quelques mesures. Il faut investir là où l'impact va être le plus grand. Il nous semble qu'il y ait un consensus à cet égard, à savoir qu'il est important d'augmenter le financement des frais indirects liés à la recherche. L'absence de ce financement que l'on a pallié récemment, mais qui n'est pas encore suffisant, a laissé les universités canadiennes dans une situation très, très difficile. On est maintenant au niveau de 25 p. 100 — et c'est heureux —, mais il faut pouvoir atteindre le niveau reconnu, soit à tout le moins 40 p. 100.
La compétitivité de nos universités et aussi le développement du capital humain qu'elles réalisent passent par les étudiants au cycle supérieur. À cet égard, il faut relever notre niveau concurrentiel. On n'est pas en mesure d'attirer plus d'étudiants canadiens au niveau des cycles supérieurs ni d'attirer des étudiants internationaux, essentiellement parce que le niveau de nos bourses et la capacité des universités à offrir de telles bourses n'est pas au rendez-vous. Je vous soulignerais qu'au niveau du marché international de l'enseignement supérieur, l'OCDE considère que ce marché va connaître un essor absolument fulgurant. Il s'agit donc aussi de se positionner à cet égard, d'où l'importance d'augmenter le niveau d'appui aux étudiants au cycle supérieur et de permettre aux universités d'aller dans le même sens.
Finalement, les infrastructures devront continuer d'être renouvelées et créées. À notre avis, il est important de maintenir des efforts à cet égard et de le faire par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation. Le financement qui s'est fait par le truchement de cet organisme a été mis à contribution et a suscité plusieurs partenariats. À notre sens, il est important de poursuivre dans cette direction.
En conclusion, je vous réitérerais à quel point l'enseignement supérieur est critique pour l'avenir du Canada, d'où l'importance de poursuivre et d'accroître de manière substantielle le financement de ce secteur. Pour avoir un effet cohérent à cet égard, il est aussi important, en sus de mesures directes, de permettre aux universités d'accroître leur capacité et leur performance dans ce qui représente 70 p. 100 de leurs activités, c'est-à-dire l'enseignement au premier cycle. Donc, à mon sens, il y a d'autres façons pour réaliser cela que de passer par la voie des transferts.
¿ (0925)
Le président: Merci, monsieur Vinet.
D'abord, je veux rappeler aux témoins que les membres du comité ont six minutes pour les questions et réponses. Alors, je vous demanderais d'être brefs dans vos réponses, afin qu'ils aient l'occasion de poser d'autres questions.
Monsieur Prentice, vous avez six minutes.
M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Vaillancourt.
J'ai lu votre mémoire et je constate votre proposition au sujet du déficit caché. À la page 10, vous avez exprimé que le déficit caché au chapitre des infrastructures continue de grossir. À la page 6 de votre mémoire, vous indiquez l'étendue du problème. Selon vous, il est à plus d'un milliard de dollars par année pendant 15 ans et il est nécessaire de l'éliminer.
M. Gilles Vaillancourt: Quand on a commencé à faire les évaluations, en 1997, monsieur le député, notre rapport démontrait que si on investissait dans les travaux un milliard de dollars par année pendant 15 ans, on permettait aux municipalités québécoises d'atteindre les niveaux ontarien et américain. Déjà plus de sept ans se sont écoulés. Les fonds, bien qu'il y ait eu certains programmes, n'ont jamais atteint le niveau requis pour créer des travaux d'un milliard de dollars. Huit ans plus tard, on a tout simplement modéré la courbe de ce déficit, qui augmentait. Maintenant, ce n'est plus un milliard de dollars qu'il faudrait, mais 1,25 milliard de dollars par année.
M. Jim Prentice: Quelle est la priorité, selon vous?
M. Gilles Vaillancourt: Évidemment, ce sont tous les systèmes de production et de traitement d'eau, mais aussi les routes. Il est extrêmement difficile de séparer ces éléments. Une route inclut un équipement souterrain qui comprend la distribution de l'eau potable comme le traitement des eaux usées. On ne peut intervenir sur l'un sans qu'il y ait des conséquences sur l'autre. Les routes ne sont pas faites comme un bureau ayant des tiroirs. On ne peut pas décider d'ouvrir le tiroir de l'aqueduc et d'y mettre une bonne conduite cette année, d'ouvrir celui de l'égout l'année suivante et de refaire un jour l'asphalte. Tout cela doit être fait simultanément. Si les sommes ne sont pas suffisantes, on n'y arrivera jamais. Bien que le gouvernement fédéral ait été un joueur déterminant, ses efforts ne sont pas suffisants pour corriger cette courbe.
¿ (0930)
M. Jim Prentice: Avez-vous demandé des modifications et des mesures fiscales?
M. Gilles Vaillancourt: Oui, nous en avons demandé. Nous sommes ici pour vous en suggérer deux et nous avons aussi demandé au gouvernement du Québec de nous aider. Sa réponse, semble-t-il, viendra avant le prochain budget, sous forme d'un programme à long terme.
Les municipalités du Québec ont une autre difficulté. Sur l'ensemble des dettes municipales au Canada — qui totalisent plus de 12 milliards de dollars —, les dettes des municipalités québécoises représentent un peu plus de 10 milliards de dollars. Ces dernières ne pourraient plus emprunter pour la remise en état de leurs infrastructures sans risquer une probable décote financière et des frais supplémentaires extrêmement importants et lourds.
M. Jim Prentice: D'après vous, c'est une indication de déséquilibre fiscal?
M. Gilles Vaillancourt: Quand les transferts des gouvernements ont commencé, les municipalités ont perdu la faible capacité qu'elles avaient d'entretenir leurs infrastructures. Au Québec, comme le taux d'endettement des municipalités est extrêmement élevé — 80 p. 100 des dettes municipales au Canada se trouvent au Québec —, nous sommes dans l'incapacité de remettre les choses au niveau souhaitable sans l'aide des deux gouvernements.
M. Jim Prentice: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Prentice.
Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
J'ai plusieurs questions à poser. Comme je sais que le temps est très limité, je ferai vite et j'éviterai un plus long préambule.
Ma question s'adresse à M. Roquet. Dans votre exposé, vous avez parlé de deux mesures particulières: l'une pour aider la création d'un fonds transfrontalier, et l'autre pour aider les petites entreprises émergentes du secteur des technologies. J'aimerais que vous me disiez quels sont les obstacles fiscaux s'opposant à la création d'un fonds transfrontalier qui nous donnerait une capacité supérieure sur le plan du capital de risque.
M. Louis Roquet: Je n'ai pas tous les détails techniques, mais pour les investisseurs américains, il est pénalisant de créer un fonds comme celui-là et d'investir dans des projets canadiens. Je pourrai, si vous me le permettez, vous faire parvenir des détails à ce sujet.
M. Yvan Loubier: J'ai encore une question à vous poser. Vous parlez de mesures pour inciter les grosses entreprises à traiter avec les petites entreprises émergentes du secteur des technologies. Mais ne croyez-vous pas qu'une telle incitation de nature gouvernementale, dans le cadre d'une loi, pourrait être contraire aux principes qui guident l'ALENA et l'OMC quant à la non-discrimination et au traitement national, par exemple?
M. Louis Roquet: Non, pas du tout, parce que la transaction serait une exigence de l'appel d'offres. Ce serait à la grande entreprise qui obtient le marché d'évaluer les technologies disponibles — elle est qualifiée pour le faire — et d'identifier des entreprises de plus petite taille en mesure de fournir des technologies qui pourraient s'intégrer au projet soumis.
M. Yvan Loubier: Ce sont des entreprises américaines de petite taille. Des règles de commerce international nous obligent à avoir un traitement national pour ces petites entreprises.
Est-ce que vous excluez cela? Sinon, est-ce strictement pour les entreprises québécoises et canadiennes?
M. Louis Roquet: Cela se pratique aux États-Unis et cela respecte l'ALENA.
M. Yvan Loubier: Parfait.
Monsieur le président de l'UPA, vous avez comparu à plusieurs occasions au cours des dernières années, mais disons que les trois dernières années ont été finalement dramatiques. Je m'aperçois, lorsque je regarde les graphiques sur l'évolution du revenu net, que la situation ne s'est pas rétablie.
Or, lorsqu'on est à Ottawa, je ne sais pas si l'air du temps est différent, mais on nous dit qu'avec les milliards de dollars qui ont été investis dans le secteur agricole, les producteurs sont biens et la crise de l'ESB est dernière nous. Les producteurs céréaliers s'en tirent quand même assez bien, même si les Américains subventionnent à tour de bras la production et la commercialisation de leurs céréales.
J'aimerais que vous commentiez ces observations, que nous entendons pratiquement tous les jours à Ottawa.
M. Laurent Pellerin: Qu'on s'entende bien sur la situation de l'agriculture. Les producteurs canadiens sont parmi les plus compétitifs au monde en ce qui concerne les rendements, que ce soit pour les kilos de viande produits, les kilos de lait par vache ou tout autre critère. Nous sommes extrêmement performants.
Là où cela ne va pas du tout, c'est à l'égard de l'appui du gouvernement canadien à l'agriculture canadienne, qui ne fait pas le poids du tout si on le compare à celui du gouvernement américain à l'agriculture américaine et à celui de 15 des 25 gouvernements européens à leurs agricultures respectives.
Dans notre cour, nous sommes pouvons être compétitifs, mais nous ne pouvons l'être avec les trésors publics des autres pays. C'est le travail du gouvernement fédéral, et je pense qu'il ne le fait pas. Le tableau illustre le manque de revenu net des producteurs agricoles canadiens. Le secteur des céréales est particulièrement dramatique. Si c'est difficile au Québec, imaginez que dans l'Ouest canadien, c'est catastrophique, car les producteurs ne s'appuient que sur les céréales.
¿ (0935)
M. Yvan Loubier: On a dégagé un milliard de dollars il y a quelques mois pour corriger la crise engendrée par l'ESB en particulier. Qu'est-ce qu'il faudrait comme investissement?
M. Laurent Pellerin: Quand nous avons rencontré le ministre des Finances, au printemps dernier, avec la Fédération canadienne de l'agriculture et chacune des organisations provinciales, nous avons demandé un investissement de deux milliards de dollars par année pour chacune des prochaines années. C'est ce qui manquait pour combler l'écart.
Dans le fond, il s'agissait de revenir au budget qui était consacré à l'agriculture au Canada au cours des années 1990-1995, un budget annuel à la même hauteur qu'il était à cette époque. Nous avons subi les rationalisations budgétaires de 1995, ce qui a eu un effet négatif extrêmement important.
Dans le deuxième tableau que nous vous avons présenté, vous voyez que rien ne se perd, rien ne se crée. Les producteurs ont continué à investir et à vivre de l'agriculture. Ils se sont donc endettés, parce que les revenus du marché n'étaient pas là. Vous voyez la courbe d'endettement.
Si les taux d'intérêt variaient de 1 p. 100 à la hausse demain matin, ce serait catastrophique dans plusieurs secteurs agricoles québécois et canadiens.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Pellerin.
J'aimerais simplement dire à la Fédération étudiante universitaire du Québec que mon parti appuie ses demandes sur l'exonération et sur l'investissement de quatre milliards de dollars en réponse à un sous-investissement chronique. C'est d'ailleurs une de vos revendications, et vous êtes d'accord, du moins sur ce sujet.
Ce sur quoi vous n'êtes pas d'accord, ce sont les frais de scolarité. Il est assez étonnant de voir le débat que l'on crée ici au sujet des frais de scolarité, alors qu'hier, nous étions justement à Moncton, au Nouveau-Brunswick. On entend souvent parler de cela dans le reste du Canada, et le Québec est cité en exemple en ce qui a trait à l'accessibilité à l'éducation postsecondaire et aux frais de scolarité. On mise beaucoup sur les transferts fédéraux, qui ont été coupés depuis 1995. On ne remet jamais en cause la question des frais de scolarité au Québec.
Au contraire, hier à Moncton, on disait qu'il fallait rejoindre le seuil des frais de scolarité du Québec, mais que le gouvernement fédéral devait rétablir les transferts qu'il a coupés depuis 1995. Nous sommes donc cités en exemple dans le reste du Canada, mais ici, il y a un débat assez houleux entre les administrateurs universitaires et les étudiants. On a un peu de difficulté à s'y retrouver.
Hier, j'ai même demandé aux étudiants d'entreprendre des démarches au Québec pour éclairer le débat. Ils pensent que c'est nous qui avons raison. Le taux d'endettement moyen par étudiant est trois fois plus élevé ailleurs que chez nous, et le taux d'accessibilité à l'éducation postsecondaire est réduit à sa plus simple expression. Les étudiants abandonnent les collèges et les universités, dans l'est du Canada. Que pensez-vous de cette situation?
M. Philippe-Olivier Giroux: En ce qui concerne le problème du renouvellement du corps professoral, la chose primordiale pour le CNCS est de s'assurer que le plus grand nombre possible d'étudiants terminent leurs études au baccalauréat. Donc, ceux qui ont la capacité ou le désir de poursuivre des études supérieures, d'obtenir une maîtrise ou un doctorat, et qui ont les compétences nécessaires pour devenir professeur au niveau universitaire ou encore pour aller travailler comme chercheur en entreprise, devraient pouvoir le faire. Il ne faut pas qu'ils aient des contraintes financières.
Donc, il faut qu'ils terminent leur baccalauréat avec un endettement le moins élevé possible. La raison en est bien simple: si vous donnez le choix à un étudiant de terminer son baccalauréat, travailler, rembourser ses dettes, fonder une famille pour être en mesure de s'acheter une maison etc. ou de poursuivre ses études supérieures et continuer à s'endetter, c'est évident que le deuxième choix, celui de continuer des études de maîtrise ou de doctorat, n'est pas très attrayant.
Pour cette raison, nous croyons que le gel des frais de scolarité est une mesure nécessaire. Ce n'est pas le bon moment de dégeler les frais de scolarité lorsqu'on veut s'assurer que le plus d'étudiants possible puissent compléter des études supérieures. C'est pour cette raison, entre autres, que l'on voit cette mesure comme un investissement en termes d'accessibilité aux études.
¿ (0940)
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Monsieur Vinet.
M. Luc Vinet: Nous sommes ici pour parler du budget fédéral. Alors, j'aimerais essayer de trouver des consensus. Je voudrais juste souligner — pour moi, il est essentiel qu'on ait un consensus à cet égard — que les universités, particulièrement les universités québécoises, font face à deux défis, soit la compétitivité au niveau national et la compétitivité par rapport au reste du Canada.
Il ne faut pas perdre de vue qu'on s'était entendus pour dire que les universités québécoises souffraient d'un sous-financement relatif, par rapport au reste du Canada, de 375 millions de dollars. Même si je plaide en faveur d'un transfert fédéral en matière d'enseignement postsecondaire, cela ne va pas rétablir ce déséquilibre du financement des universités québécoises par rapport au reste du Canada, puisque les transferts seront une mesure à l'échelle nationale.
Alors, il est très important qu'il y ait un consensus quant à l'urgence de corriger le financement des universités québécoises.
Le président: Merci.
[Traduction]
M. Holland, et ensuite M. Solberg et M. Bouchard.
[Français]
M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser ma question en anglais.
[Traduction]
C'est beaucoup plus facile pour moi. Alors, j'espère que cela vous convient.
Je voudrais poursuivre la discussion sur le dernier point soulevé par M. Loubier, à savoir la question des universités, de l'éducation postsecondaire et des études supérieures. Ce sont évidemment des secteurs clés pour la productivité, et ce seront aussi des moteurs essentiels pour l'innovation et pour notre compétitivité future. Ce qui me préoccupe en particulier — et c'est la question par laquelle je voudrais commencer, en fait...
Nous reconnaissons que nous avons fait des gains importants dans ce domaine; le financement et la recherche se sont améliorés considérablement. Nous constatons que l'exode des cerveaux — ou la perte de gens de talent — est en train de s'inverser, mais nous sommes conscients du fait qu'il y a encore beaucoup à faire. Je pense que ce sera la clé de nos délibérations pour cette ronde de consultations budgétaires.
Un des éléments que M. Giroux, du Conseil national des cycles supérieurs, vient de mentionner dans le cours de la discussion, c'est la question du gel des frais de scolarité.
Monsieur Vinet et Monsieur Giroux, j'aimerais que vous nous parliez tous les deux de ce qui devrait être la priorité de notre gouvernement et de notre comité si l'accessibilité est effectivement un problème important. Je sais que nous avons beaucoup parlé du gel des frais de scolarité et de la possibilité de viser cet objectif, mais en définitive, qu'est-ce que cela changerait à la grande question de l'accessibilité? Devrions-nous chercher d'abord à rendre les études plus accessibles, pour que les étudiants puissent être plus nombreux à faire des études supérieures ou des études universitaires, ou plutôt envisager une mesure générale comme le gel des frais de scolarité?
Pouvez-vous répondre tous les deux à cette question?
M. Luc Vinet: Je peux répondre.
Je pense que le gouvernement devrait se préoccuper... L'important, c'est d'offrir une éducation de la meilleure qualité possible et de la rendre accessible. Notre objectif est d'améliorer la qualité et la formation de notre capital humain. Nous devons donc insister sur la qualité, et aussi augmenter les chiffres pour obtenir un taux de participation optimal. Pour ce qui est de la question soulevée par M. Loubier, nous avons encore un taux de participation très faible dans tout le pays, et en particulier au Québec, où il est de l'ordre de 16 ou 17 p. 100.
J'ai l'impression que ce ne serait pas très constructif si le gouvernement s'inquiétait outre mesure des frais de scolarité dans les universités canadiennes. Il devrait plutôt se préoccuper du niveau de soutien accordé à nos étudiants pour leur permettre d'entrer à l'université. À mon sens, c'est la question essentielle qu'il faut se poser.
M. Mark Holland: Monsieur Giroux.
[Français]
M. Philippe-Olivier Giroux: Je vais répondre en français.
À ce sujet, je pense qu'il ne faut pas se pencher uniquement sur les frais de scolarité. Comme le disait M. Vinet, il faut tenir compte de la question de l'accessibilité en général.
Je vous donne un autre exemple. Dans notre mémoire, nous parlions d'un réinvestissement dans des conseils subventionnaires fédéraux, soit le CRSNG, le CRSH et l'IRSC. Ce sont des organismes qui donnent des bourses d'étude destinées en bonne partie aux étudiants ou qui financent les chercheurs, lesquels engageront des étudiants.
C'est un autre excellent moyen d'améliorer l'accessibilité à l'université que d'investir dans des conseils subventionnaires. Cela permet à beaucoup d'étudiants qui ont accès à ces bourses d'avoir des contraintes financières beaucoup moindres et de pouvoir continuer au cycle supérieur. Si on pouvait proposer un moyen qui ferait consensus, cela fonctionnerait.
¿ (0945)
[Traduction]
M. Mark Holland: Merci de vos commentaires. Je pense qu'il est important de souligner cela parce que je ne suis pas certain que le gel des frais de scolarité permettrait nécessairement de régler l'ensemble du problème. C'est une des possibilités évoquées, mais nous devons vraiment nous attaquer à la question de l'accessibilité. Je suis heureux d'entendre parler aussi de qualité. Ces deux éléments-là vont de pair, et c'est surtout là-dessus que nous devrions nous concentrer à l'avenir.
Monsieur Vinet, vous avez parlé de mesures précises dans votre déclaration, et en particulier de la nécessité de porter à 40 p. 100 le financement des frais indirects. Vous n'avez pas mentionné les coûts que cela pourrait entraîner. Avez-vous calculé combien pourraient coûter vos recommandations?
M. Luc Vinet: Pour porter le financement des frais indirects à 40 p. 100, nous estimons qu'il faudrait 158 millions de dollars.
M. Mark Holland: Je vais poursuivre sur les autres points parce que je sais que mon temps est limité et que j'ai encore des questions à poser.
Est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Vous avez une minute.
M. Mark Holland: Je m'adresse à M. Vaillancourt. En tant qu'ancien élu municipal, je m'intéresse de près à la question de l'infrastructure. Évidemment, nous avons conclu une nouvelle entente, nous avons poursuivi les programmes d'infrastructure et nous faisons notre possible pour travailler avec les municipalités.
Une des choses qui me préoccupent — et je suis sûr que cela vous intéresse aussi —, c'est la question du financement durable et permanent pour les municipalités et du partage des responsabilités à cet égard. Je tiens à ce que nous fassions ce que nous avons à faire, au gouvernement fédéral, sans en arriver à devenir entièrement responsables de tout ce qui concerne l'infrastructure et à intervenir massivement dans ce domaine, parce que nous reconnaissons qu'il y a là des besoins énormes, mais aussi que c'est une responsabilité supplémentaire.
Vous pourriez peut-être nous parler de notre rôle par rapport au rôle que vous entrevoyez pour les provinces et à la capacité, pour les municipalités, d'avoir accès à des fonds supplémentaires.
M. Gilles Vaillancourt: Je pense que vous avez joué un rôle essentiel — un rôle de leadership — en reconnaissant les problèmes des municipalités. C'est magnifique que vous nous ayez accordé le crédit de TPS et que vous ayez décidé de verser une partie de la taxe sur l'essence. Mais dans ce débat, quand on regarde combien d'argent il faut investir pour corriger le problème du déficit, il faudra certainement envisager d'indexer le financement que vous versez aux villes. C'est un programme à long terme, et il faudra 15 ans pour le réaliser. Donc, si vous ne nous accordez pas une certaine forme d'indexation quelque part... Je dirais que vous devriez surtout accélérer le programme les premières années; autrement dit, si vous avez des surplus — si vous avez quelques centaines de millions de dollars —, ce serait le temps d'agir. Nous avons besoin d'un coup de pouce. Nous devons nous mettre à l'oeuvre rapidement pour éviter que le déficit ne grossisse encore, pour pouvoir enfin régler la question une fois pour toutes et mettre tout cela derrière nous.
M. Mark Holland: Merci.
Le président: Merci, monsieur Holland.
C'est maintenant au tour de M. Solberg, pour six minutes.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous de vos déclarations.
Je voudrais commencer par poser une question à MM. Lebeau et Pellerin au sujet de ce que nous devrions chercher à faire, à leur avis, dans le domaine du commerce mondial des produits agricoles. Vous semblez en être arrivés à la conclusion que nous avions peu de chances de faire des progrès vers un commerce véritablement libre et équitable en agriculture, alors vous dites que, pour le moment, il serait préférable de maintenir de statu quo. D'après ce que je peux comprendre, le gouvernement dit de son côté que nous pourrions invoquer par exemple les dispositions de l'OMC sur les secteurs sensibles pour nos produits soumis à la gestion de l'offre et que cela devrait permettre de les protéger.
Êtes-vous de cet avis? Est-ce qu'il ne serait pas préférable, en définitive, d'avoir des échanges commerciaux complètement libres et équitables en agriculture? Le problème, évidemment, c'est que, quand ce n'est pas le cas, on se retrouve avec d'énormes distorsions qui n'aident vraiment pas les consommateurs en bout de ligne. Elles n'aident même pas les producteurs — du moins, ce ne sont pas toujours les meilleurs producteurs qui s'en tirent le mieux.
M. Laurent Pellerin: En théorie, si nous nous avions vraiment un marché libre et si les échanges commerciaux étaient véritablement équitables, cela réglerait probablement bien des problèmes. Mais si vous regardez la proposition que l'Union européenne a mise sur la table la semaine dernière, cela ne se fera pas du jour au lendemain, et ni vous, ni moi n'allons voir des échanges équitables en agriculture, et probablement dans aucun autre secteur non plus, avant bien des années.
Dans le cas de l'agriculture, la chose vraiment intéressante qu'il ne faut pas oublier, c'est que 94 p. 100 des produits agricoles ne sont pas envoyés à l'étranger; ils sont destinés à la consommation au pays même. Donc, 6 p. 100 seulement des produits agro-alimentaires sont échangés à l'échelle mondiale. À l'intérieur de ces 6 p. 100, plus de 90 p. 100 des produits ne posent aucun problème. Donc, il y a un problème pour environ 10 p. 100 des 6 p. 100 de produits vendus sur les marchés mondiaux, alors que nous envisageons de modifier les règles, ou de les resserrer, pour 100 p. 100 de la production. C'est un gros problème.
À court terme, en prévision de la rencontre qui doit avoir lieu à Hong Kong à la mi-décembre, et compte tenu des propositions des Américains et des Européens, le statu quo est probablement la meilleure solution pendant un certain temps. Le Canada s'attendait à de nouvelles règles équitables au sujet des céréales et des produits d'exportation, mais il est impensable que les choses s'améliorent étant donné ce que les Américains et les Européens ont mis sur la table. Donc, nous sommes très nerveux au sujet des discussions qui vont avoir lieu à Hong Kong.
¿ (0950)
M. Monte Solberg: Monsieur Giroux, vous réclamez que les bourses soient exonérées d'impôt. Je vous signale que le Parti conservateur a inclus cette politique dans son programme il y a un an, à Montréal.
Mais j'aimerais que nous parlions de la question de l'accessibilité en général, que M. Vinet a soulevée lui aussi. Il ne semble pas y avoir de modèle unique universellement acceptable. Certains pays n'imposent pas de frais de scolarité, alors que d'autres en imposent de très élevés. Par exemple, quand on compare les États-Unis à certains des pays où il n'y a pas de frais de scolarité, on constate que les taux d'inscription sont plus élevés aux États-Unis. C'est un peu étonnant, mais cela semble être le cas. Il est donc clair que les frais de scolarité ne sont pas un facteur décisif. Est-ce que ce n'est pas lié davantage aux chances d'obtenir un bon emploi bien rémunéré à la sortie de l'université? Est-ce que ce n'est pas la véritable raison pour laquelle les gens décident d'aller à l'université?
[Français]
M. Philippe-Olivier Giroux: Il est certain que c'est un facteur qui entre en ligne de compte. Vous savez que je suis tout à fait d'accord sur votre analyse à l'effet qu'il y a deux modèles différents.
Je reprendrai l'exemple mentionné par M. Vinet tout à l'heure, à savoir celui de la Suède, qui est un pays très performant en termes de recherche. Il s'agit d'un pays où les frais de scolarité sont très bas. C'est la preuve qu'un modèle semblable est très fonctionnel et qu'il ne faut pas nécessairement remettre en question le gel des frais de scolarité comme étant la cause des problèmes du réseau d'éducation.
Le sous-financement dans les universités québécoises se chiffre à 375 millions de dollars. Si on prend la mesure proposée par le CNCS, soit celle voulant que les transferts fédéraux soient augmentés à quatre milliards de dollars, la part spécifique du Québec serait d'environ un milliard de dollars. Avec cela, il y aurait amplement matière à corriger le sous-financement du réseau universitaire.
Pour répondre plus spécifiquement à votre question en ce qui concerne les facteurs, il est certain que cela en est un. Par contre, d'après les études que nous avons faites au CNCS en ce qui concerne les étudiants du cycle supérieur, un étudiant sur deux ou sur trois abandonne ses études pour des questions de financement. Beaucoup d'autres vont prolonger leurs études, mais compte du fait qu'ils n'ont pas accès à un bon financement, ils sont obligés de travailler énormément d'heures en dehors de leurs études. Ils vont donc prendre moins de cours par session ou étaler leurs études sur une plus longue période. C'est désavantageux pour l'État puisque l'étudiant met plus de temps à entrer dans le marché du travail et à avoir un salaire plus élevé qui rapportera, sur lequel il paiera de l'impôt.
[Traduction]
M. Luc Vinet: Je vais vous donner un exemple. Il y a une université publique dont l'administration s'est déjà plainte de perdre ses étudiants venant de milieux modestes au profit de l'USC, la University of Southern California, qui est une université privée. Tout cela pour dire, encore une fois, que les politiciens — et le gouvernement — ne devraient pas s'inquiéter des frais de scolarité dans les universités; ils devraient plutôt se préoccuper de l'accès aux universités. Il est important de donner aux universités les moyens de gérer, de développer et de favoriser l'accès pour les étudiants qui viennent de toutes les couches de la société. C'est l'essentiel.
Il me semble aussi y avoir un malentendu que j'aimerais dissiper. Si nous avons un programme national de soutien aux universités, les fonds seront distribués au prorata entre les provinces. Cela favorisera la compétitivité des universités canadiennes par rapport aux universités étrangères, mais il nous restera quand même un problème interne à régler. Le problème demeurera entier si rien n'est fait au sujet du Québec.
¿ (0955)
M. Monte Solberg: Quel est le pourcentage des candidats admis en première année à l'Université de Montréal, parmi ceux qui ont obtenu les notes exigées? En avez-vous une idée?
M. Luc Vinet: C'est une question complexe, parce que nous avons des programmes — la médecine, par exemple — où l'accès est limité.
M. Monte Solberg: Je veux parler des études de premier cycle.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Solberg.
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je veux intervenir pendant seulement une minute. Je vais ensuite laisser la parole à mon collègue de Chicoutimi—Le Fjord. J'aimerais continuer là où mon collègue Solberg a laissé et où moi-même j'avais laissé tout à l'heure.
J'aime beaucoup votre prédécesseur, Robert Lacroix. Il a été mon directeur de thèse. D'ailleurs, l'Université de Montréal est mon alma mater. Alors, j'aime bien l'Université de Montréal.
Vous désirez faire preuve de lucidité — c'est un terme à la mode ces temps-ci — et faire front commun avec les étudiants pour aller chercher annuellement un milliard de dollars supplémentaire pour financer les études postsecondaires au Québec. Vous avez un sous-financement chronique de 375 millions de dollars. Avec une hausse des frais de scolarité à peu près au niveau de la moyenne canadienne, vous auriez 400 millions de dollars de plus. Cela fait donc 775 millions de dollars. Si on allait chercher un milliard de dollars, il resterait 225 millions de dollars, probablement pour le secteur collégial, qui est aussi sous-financé.
Comme cela est votre désir et que vous êtes un homme de consensus, monsieur Vinet, si vous voulez élargir le consensus en faisant front commun avec les étudiants pour aller chercher ce milliard de dollars, vous réglez votre problème sur le plan du financement. Les frais de scolarité n'ont pas besoin d'être augmentés afin de correspondre à la moyenne canadienne alors que dans le reste du Canada, on cherche à les réduire au niveau du Québec.
Quel est le problème à cet égard? Pourquoi fait-on ce débat, alors qu'on a fait des choix, il y a environ 25 ou 30 ans, quant à une accessibilité vraiment ouverte aux études universitaires et collégiales?
M. Luc Vinet: Premièrement, on n'a pas le temps, mais aussi, je souhaiterais que ce débat n'ait pas lieu. Il ne s'agit pas d'être idéologue au sujet des droits de scolarité. Là où il est important de s'entendre, c'est à l'effet que les transferts ne vont pas à eux seuls régler le problème du sous-financement ou du manque de compétitivité.
M. Yvan Loubier: Avec un montant d'un milliard de dollars par année, vous le réglez. Il y a 375 millions de dollars...
M. Luc Vinet: Oui, mais cela est en mode statique, monsieur Loubier, parce que lorsqu'on effectue le transfert, il est de 25 p. 100. La demande des premiers ministres provinciaux pour l'enseignement postsecondaire est d'environ 4 milliards de dollars. Pour le Québec, il s'agit donc d'un milliard de dollars, mais cela veut dire qu'une partie ira en Ontario.
Par exemple, si on augmente également les moyens en Ontario, pour prendre cette base de comparaison, cela signifie que tout le système sera poussé par ces moyens accentués. Par exemple, pour faire face au marché du recrutement des professeurs, les salaires risquent d'augmenter. Alors, encore une fois, les universités québécoises ne seront pas capables de suivre, parce qu'elles n'en auront pas les moyens. On aura peut-être réglé la question des 375 millions de dollars, mais on sera toujours en situation de sous-financement relatif par rapport aux universités des autres provinces. Il y aura donc une incapacité de compétitionner sur un marché qui est vraiment international.
M. Yvan Loubier: Par contre, les universités des autres provinces indiquent qu'elles vont réduire les frais de scolarité advenant des transferts supplémentaires. Elles trouvent que leurs frais de scolarité sont beaucoup trop élevés et que cela diminue l'accessibilité à l'éducation postsecondaire.
M. Luc Vinet: Il faudrait voir, mais déjà en Ontario, des investissements de l'ordre de 8 ou 9 milliards de dollars faits par le gouvernement McGuinty sont échelonnés sur les cinq prochaines années. Alors, pour ce qui est du montant de 375 millions de dollars, on peut penser qu'il a été établi il y a deux ou trois ans et que ce chiffre n'est plus valable. Les autres provinces sont aussi en train de se dire qu'il faut augmenter la compétitivité de leurs universités, et ce, à l'échelle internationale.
C'est donc à ce sujet qu'il est important d'avoir un consensus. Ce n'est pas la fin de nos défis et la solution à tous les enjeux. À partir du moment où on reconnaît cette situation, on peut chercher ensemble des solutions.
À (1000)
Le président: Monsieur Bouchard, il vous reste deux minutes.
M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ): Merci, monsieur le président. Je remercie également chacun et chacune d'entre vous d'avoir fait d'excellentes présentations.
Ma première question s'adresse aux représentants du Conseil national des cycles supérieurs. Vous demandez que des sommes additionnelles soient versées pour venir en aide au système d'éducation. Par contre, je ne vous ai pas entendu parler de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.
J'ai assisté à plusieurs séances portant sur les consultations budgétaires. Plusieurs associations d'étudiants et même des associations de professeurs nous ont dit que la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire n'avait pas atteint ses objectifs et que, par conséquent, il fallait l'abolir. Elles nous ont demandé de ne pas renouveler son mandat, parce que les étudiants sont aussi pauvres sinon plus pauvres qu'au début de sa création.
Le gouvernement du Québec s'est opposé pendant plusieurs années — à tout le moins quelques années — à la création de cette fondation.
Êtes-vous d'avis, comme vos collègues des autres provinces, que la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire devrait être abolie ou, à tout le moins, qu'on ne devrait pas renouveler son mandat, qui doit prendre fin d'ici quelque temps?
M. Philippe-Olivier Giroux: Le Québec possède déjà un système d'aide financière aux étudiants. Il est donc tout à fait compétent pour gérer cette question. Il faudrait que les sommes qui sont allouées à la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire soient transférées directement au Québec, pour qu'il puisse les injecter dans son système d'aide financière aux étudiants. Ce serait une très bonne solution, d'autant plus que la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire est une fondation privée qui n'a pas l'obligation de rendre des comptes à la Chambre des communes.
Si le mandat de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire n'était pas renouvelé, la solution idéale serait que l'argent soit transféré au Québec pour qu'il puisse l'injecter directement dans son système d'aide financière aux étudiants. Pour le moment, il y a consensus pour que les sommes soient transférées. Il serait préférable que l'argent aille directement au système d'aide financière aux étudiants.
Le président: Merci, monsieur Bouchard.
J'aimerais poser deux ou trois petites questions.
Monsieur Vaillancourt, pourriez-vous nous expliquer un peu plus votre recommandation d'une croissance annuelle des montants déjà versés ou des montants futurs?
M. Gilles Vaillancourt: Je parlais notamment de la taxe sur l'essence. Le montant pour le Québec sera, la cinquième année, de 460 millions de dollars. Or, sa croissance est très faible. Le prix du pétrole a beaucoup augmenté et par conséquent les coûts des travaux vont connaître une très grande augmentation.
Le président: D'autres fonds existent pour financer les infrastructures. Il y a le fonds rural...
M. Gilles Vaillancourt: Il y a le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale, qui est un petit fonds et qui consacre 200 millions de dollars au Québec sur cinq ans. Si on considère cela et que l'on considère que les droits sur l'essence vont rapporter 1,15 milliard de dollars, on voit qu'on n'atteindra même pas la moitié des sommes qui auraient été nécessaires. Il faut 1,25 milliard de dollars par année.
Le président: Il y a aussi d'autres fonds, notamment le Programme d'infrastructures Canada-Québec.
M. Gilles Vaillancourt: En fait, il n'y a plus d'argent dans ce fonds.
Le président: Voulez-vous dire que parce qu'il est vide, il ne compte pas?
M. Gilles Vaillancourt: Le niveau d'investissement n'a pas été suffisamment élevé pour corriger la courbe de détérioration. Telle est la difficulté. Pour cette raison, si vous avez des surplus, il faut en utiliser une partie pour accélérer l'arrivée du montant de 460 millions de dollars et tenir compte d'un mécanisme d'indexation éventuel... Il s'agit d'un programme de 15 ans. S'il n'y a pas une formule d'indexation, un jour viendra où on ne pourra pas faire les travaux.
Le président: Je m'adresse à M. Giroux et à M. Vinet. Il y a un consensus chez les étudiants à l'effet qu'on doit geler les frais de scolarité, mais contrairement à ce que mon collègue a dit, il n'y a pas encore de consensus chez les autres groupes. Nous avons fait une tournée dans l'Ouest. Il y a eu un peu de controverse.
Monsieur Giroux, vous avez dit que vous vouliez tout investir dans la Fondation canadienne pour l'innovation, alors que M. Vinet a dit qu'on devrait continuer.
À (1005)
M. Philippe-Olivier Giroux: On trouve que les programmes sont très pertinents, tout comme le fait d'investir de l'argent dans la Fondation canadienne pour l'innovation et le fait d'avoir des programmes pour des infrastructures...
Le président: Très pertinents?
M. Philippe-Olivier Giroux: Les investissements dans les infrastructures de recherche sont pertinents.
Selon nous, ce programme, donc la machine qui attribue les subventions, pourrait très bien être intégré aux fonds subventionnaires. Par conséquent, il faudrait que les fonds subventionnaires aient des programmes pour les infrastructures du même type. Plutôt que de conserver la Fondation canadienne pour l'innovation sous forme de fondation privée, il suffirait simplement de la transférer sous l'égide des conseils subventionnaires, de manière à ce qu'elle soit imputable à la Chambre des communes.
Le président: D'accord.
Monsieur Vinet.
M. Luc Vinet: Il y a un dicton anglais qui dit:
[Traduction]
... si une chose n'est pas brisée, pourquoi la réparer?
[Français]
Le président: En ce qui a trait à l'imputabilité, je crois que vous avez l'appui de tous les partis à la Chambre des communes.
Monsieur Roquet, j'ai plusieurs questions à vous poser. Sur le plan de la fiscalité en rapport avec les États-Unis, comment peut-on établir un fonds avec le pays voisin quand nos lois fiscales sont bien loin d'être les mêmes?
En effet, nous avons fait des recommandations l'année dernière. J'ai rencontré à Washington quelques sénateurs et quelques membres du Congrès. Ils n'en sont pas là. C'étaient des membres du Congrès américain, des sénateurs des États du Nord, entre autres du Massachusetts, des gens qui connaissent le Canada. Cependant ils n'en sont pas là.
Alors, si vous pouvez nous aider, moi je peux vous aider.
Ce n'est que l'une de mes questions. J'en ai plusieurs, mais le temps s'écoule.
M. Louis Roquet: On pourrait faire trois choses.
Le président: Seulement trois choses? D'accord.
M. Louis Roquet: En ce moment, chaque fois qu'un investisseur américain fait un gain en capital, il est obligé d'obtenir une dispense de la retenue à la source. Ça pourrait être éliminé.
Deuxièmement, souvent les fonds de capital de risque se structurent en sociétés à responsabilité limitée, soit en une espèce d'hybride entre une société en commandite et une entreprise. Malheureusement, au Canada on ne reconnaît pas le statut de non-résident, ce qui veut dire que les investisseurs étrangers sont imposés et que cet impôt n'est pas récupérable.
Troisièmement, la source de revenu la plus importante pour un investisseur en capital de risque est l'intérêt passif ou, si vous préférez, la portion de gain de capital qui revient au gestionnaire du fonds. À l'heure actuelle, si un fonds américain gère des actifs canadiens, il ne peut pas rapatrier l'intérêt passif exempté d'impôt aux États-Unis; il est donc imposé deux fois.
Il ne faut pas perdre de vue que les Américains n'ont pas besoin du capital canadien ni de l'expertise canadienne en gestion de capital de risque. C'est plutôt l'inverse.
Je pense que si, en plus du capital américain, nous voulons attirer l'expertise américaine, les réseaux américains, l'accès au marché public, comme le NASDAQ, et le flux d'affaires américain, il va falloir faire certaines concessions. Ces concessions seraient extrêmement avantageuses pour soutenir l'émergence d'entreprises technologiques canadiennes.
Le président: Merci. C'est très intéressant.
Je remercie tous les témoins.
C'est difficile. Comme vous le voyez, il y a des intérêts de chaque côté. Le manque de temps est toujours un problème que je dois gérer.
Merci encore de nous avoir consacré du temps aujourd'hui.
La séance est levée.