Je veux commencer par remercier les membres de notre table ronde d'avoir accepté de participer à l'étude de la question importante des produits pharmaceutiques.
Nous avons hâte d'entendre vos exposés; le comité doit décider s'il veut examiner, peut-être cet automne, cette question dans le cadre d'une étude plus vaste pour voir s'il y a quelque chose que nous pouvons faire et qui serait productif compte tenu du temps de comité.
Encore une fois, je veux vous remercier d'être venus. Nous allons suivre l'ordre que j'ai ici.
Pour l'information des membres du comité, nous allons prendre une heure et demie. Cela comprendra les questions et les exposés. Nous aurons ensuite une séance à huis clos concernant le rapport du comité sur l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale. Nous allons également traiter d'une motion qui a été présentée au comité durant la séance publique et, peut-être, allons-nous également traiter en même temps d'une nomination. Voilà pour l'information destinée au comité.
Nous allons maintenant donner la parole à nos témoins.
Nous accueillons M. Brett Skinner de l'Institut Fraser, M. Ken Fraser du Fraser Group, Mme Barbara Mintzes de l'Université de la Colombie-Britannique et Mme Ingrid Sketris de l'Université Dalhousie.
Merci à toutes et à tous d'être venus.
Nous allons commencer par M. Skinner. Vous avez 10 minutes
:
Merci. Et merci aux membres du comité de m'avoir invité ici aujourd'hui. C'est un véritable plaisir que de prendre la parole devant le comité. C'est la première fois que je m'adresse à un comité parlementaire, alors c'est un honneur. Évidemment, je serai heureux de répondre à vos questions après mon exposé.
Il y a trois question dont j'aimerais parler et qui sont liées directement à la recherche effectuée par l'Institut Fraser. La première, c'est le prix des médicaments brevetés et le fait que je crois qu'ils ne sont pas la cause des coûts insoutenables des soins de santé au Canada. Deuxièmement, j'aimerais parler des questions liées au commerce transfrontalier de médicaments et dire pourquoi je crois que cette situation demeure une menace pour l'approvisionnement du Canada en médicaments et pour nos relations commerciales. Et troisièmement, j'aimerais parler des questions liées au fait que les gouvernements limitent l'accès aux nouveaux médicaments au Canada, et tenter d'offrir certaines explications à cette situation.
Laissez-moi commencer par le prix des médicaments brevetés. Les données indiquent que les prix moyens des médicaments brevetés au Canada ont augmenté à un rythme plus lent que le taux d'inflation global pour tous les autres biens et services que l'on retrouve dans l'économie. Par conséquent, ils augmentent plus lentement que ne le permet les mesures fédérales de contrôle des prix.
D'autres données indiquent qu'au Canada, les prix des médicaments brevetés sont également plus bas que dans la majorité des pays sur lesquels le gouvernement fédéral, par le biais du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, se base pour établir des comparaisons internationales. Ils sont inférieurs en moyenne de 43 p. 100 par rapport aux prix américains pour des médicaments identiques d'après des travaux de recherches effectuées par l'Institut Fraser et qui portaient sur un vaste échantillon des 100 produits les plus vendus au Canada en 2003.
Deux raisons majeures expliquent pourquoi les médicaments représentent une part croissante des dépenses de santé: l'arrivée de nouveaux médicaments coûteux pour des traitements qui n'existaient tout simplement pas auparavant et le recours de plus en plus fréquent à des médicaments pour remplacer d'autres formes de traitements médicaux.
Les données indiquent que les nouveaux médicaments et le remplacement de traitements médicaux par des médicaments constituent un net progrès; les recherches montrent qu'ils se traduisent par des économies nettes lorsque toutes les dépenses de santé sont prises en compte, et par une amélioration appréciable de la santé humaine.
J'aimerais poursuivre en disant que si les prix des médicaments sont perçus comme un problème au Canada, c'est vraiment à cause des prix des médicaments génériques. Au Canada, les prix des médicaments génériques sont supérieurs aux prix internationaux pour les mêmes médicaments, d'après les travaux de recherche du CEPMB. Selon une étude réalisée par l'Institut Fraser, ils sont plus élevés de 78 p. 100, en moyenne, que les prix américains pour les mêmes produits, d'après un échantillon des 100 produits génériques les plus vendus au Canada en 2003.
Il s'agit de quelque chose d'important pour les Canadiens en termes d'économies de coûts perdues. Si les prix des médicaments génériques canadiens étaient fixés en fonction du prix international médian pour les mêmes produits, les consommateurs canadiens économiseraient annuellement 800 millions de dollars. Si ces prix équivalaient aux prix américains pour les mêmes médicaments -- les plus bas au monde et une approximation des prix sur le marché libre -- et si des prix moindres forçaient aussi nos taux de substitution de produits génériques à atteindre les taux plus élevés observés aux États-Unis, les consommateurs canadiens réaliseraient des économies annuelles directes de près de 2 milliards de dollars et des économies annuelles totales d'environ 5 milliards de dollars.
J'aimerais maintenant parler de la question du commerce transfrontalier des médicaments. Ce commerce demeure une menace pour l'approvisionnement du Canada en médicaments et pour les relations commerciales, et cela est attribuable au fait que si la valeur du commerce transfrontalier des médicaments sur ordonnance s'est stabilisée à environ 500 millions de dollars annuellement, d'après les données les plus récentes d'IMS Health Canada, cette situation est attribuable en grande partie au fait que les médicaments génériques représentent une part croissante des médicaments vendus sur ordonnance. Ainsi, le volume total du commerce demeure vraisemblablement très élevé. Ce qui est plus inquiétant, je crois, c'est que les pressions politiques pour la légalisation du commerce transfrontalier des médicaments augmentent de manière spectaculaire aux États-Unis. Les données indiquent que le nombre de tentatives annuelles de légalisation de ce type de commerce dans les États et au niveau fédéral a bondi, passant de trois en 2002 à 84 en septembre 2005.
Fait intéressant, la plupart des propositions présentées légaliseraient les achats en vrac effectués dans des pharmacies canadiennes pour approvisionner les fonctionnaires locaux, des États ou fédéraux des États-Unis, et les bénéficiaires de programmes sociaux comme Medicaid et Medicare, un groupe de consommateurs presque quatre fois plus important que la population entière du Canada. Comme l'a dit un ancien ministre de la Santé, le Canada ne peut se permettre d'être la pharmacie des États-Unis.
Les données indiquent également que le commerce transfrontalier des médicaments ne repose pas non plus sur les principes du libre-échange, comme certains l'ont prétendu. Ce commerce dépend de l'ingérence du gouvernement canadien dans le marché grâce à des mesures de contrôle des prix qui établissent de façon permanente l'écart entre les prix canadiens et américains. Fait plus intéressant encore, et peut-être encore plus menaçant pour nos relations commerciales, les échanges commerciaux des pharmacies transfrontalières constituent également un vol de propriété intellectuelle.
Des données d'IMS Health Canada montrent que les médicaments qui sont toujours protégés par un brevet aux États-Unis représentent près de la moitié de la valeur des médicaments génériques canadiens vendus de l'autre côté de la frontière par des pharmacies en ligne. Les données montrent que près de la moitié de la valeur des médicaments génériques vendus de l'autre côté de la frontière par des pharmacies en ligne porte sur des produits qui sont protégés par un brevet aux États-Unis.
La troisième question que j'aimerais aborder, c'est le fait que les gouvernements limitent l'accès aux nouveaux médicaments au Canada. Comparativement aux citoyens d'autres pays, les Canadiens n'ont pas rapidement accès aux nouveaux médicaments. Des recherches montrent que Santé Canada approuve moins de médicaments que d'autres pays et l'approbation des médicaments prend beaucoup plus de temps ici qu'ailleurs dans le monde. Les données laissent également entendre que le processus de Programme commun d'évaluation des médicaments sert également à limiter l'accès aux nouveaux médicaments pour les prestataires des régimes publics d'assurance médicaments. Le PCEM recommande le remboursement de moins de la moitié des médicaments qu'il évalue et les provinces en approuvent encore moins, même si ces médicaments ont déjà été jugés sûrs par Santé Canada et qu'ils sont en vente dans d'autres pays.
Partout au Canada, les gouvernements limitent l'accès aux nouveaux médicaments cruciaux et très coûteux dont ont besoin certains groupes restreints, mais fournissent des services de santé abordables à tous. Un bon exemple de cela, c'est le médicament Herceptine. L'automne dernier, j'ai fait des recherches sur cette question et j'ai publié un article voisin de la page éditoriale qui montrait que 8 des 10 provinces refusaient de rembourser ce médicament. Il s'agit d'un traitement très efficace pour le cancer du sein, traitement si efficace que la FDA a interrompu ses essais et l'a rapidement admis sur le marché pour éviter de condamner des milliers de femmes à une mort prématurée en leur refusant l'accès à ce traitement. Pourtant, 8 des 10 provinces refusaient de rembourser ce médicament l'automne dernier, en dépit du fait que les dépenses additionnelles liées au remboursement de ce médicament n'auraient augmenté le budget annuel de médicaments de l'Ontario, par exemple, que de 1,6 p. 100.
Qu'est-ce qui explique cette situation?
Les gouvernements rationnent l'accès à de nouveaux médicaments sûrs et efficaces parce que les dépenses de santé publique sont insoutenables et qu'aucune nouvelle dépense, même minime, n'est envisageable. Dans 7 des 10 provinces, les dépenses de santé publique absorberont bientôt plus de la moitié des revenus totaux provenant de toutes les sources disponibles. Lorsque je dis « toutes les sources », cela comprend les transferts fédéraux. Cela se fera d'ici l'an 2022. Et cela continuera à ce rythme si rien ne change.
Les gouvernements font face à des contraintes extrêmes en matière de dépenses et c'est pourquoi toute dépense additionnelle liée aux médicaments constitue un problème. Le problème n'est pas lié au prix des médicaments, il est lié à l'utilisation croissante des médicaments et à l'incapacité des gouvernements de payer la facture parce que le financement des soins de santé est insoutenable.
Je pense que la seule raison pour laquelle les gouvernements peuvent continuer de limiter l'accès aux médicaments, plutôt que de procéder à des réformes des soins de santé, c'est parce que les personnes malades ne représentent pas beaucoup de votes. Les données du service de recherche sur la santé de la population de l'Université Dalhousie auxquelles j'ai eu accès et qui portent sur les dossiers du régime d'assurance-maladie de tous les habitants de la Nouvelle-Écosse sur une base anonyme indiquent qu'environ 21 p. 100 de la population ne dépense absolument rien au chapitre des services de médecin dans une année donnée. En fait, 96 p. 100 de la population dépense moins de 1 500 $ pour les services d'un médecin dans une année donnée; seulement 4 p. 100 de la population dépense d'avantage. Ce que ces données indiquent, c'est que la distribution de la maladie dans la population n'est pas étendue. Très peu de gens sont malades. Cela signifie que les personnes malades ne représentent pas beaucoup de votes et qu'il n'y a pas grand-chose là pour inciter, je pense, nos décideurs politiques à résister au rationnement de l'accès aux nouvelles technologies. Au contraire, le rationnement est une façon de continuer de faire croire que l'on peut continuer de soutenir le coût des soins de santé.
Voilà qui met fin à mes observations et je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Merci de m'avoir invité à participer à cette discussion sur les médicaments sur ordonnance. Je m'appelle Ken Fraser et je suis président du Fraser Group, une firme qui fournit des services d'études techniques et de marché dans le domaine des avantages sociaux et des assurances collectives.
Juste pour clarifier les choses, nous ne sommes pas liés à l'Institut Fraser.
Aujourd'hui, je vais faire part au comité de certaines constatations de recherche concernant le financement des médicaments sur ordonnance par le biais des programmes d'assurance médicaments publics et privés. Mes collègues -- y compris M. Richard Shillington, qui est présent dans la salle aujourd'hui -- et moi étudions les questions de la couverture d'assurance et de la répartition des coûts financiers depuis 1996. Espérons que les observations suivantes qui sont le fruit de nos recherches seront utiles au comité.
Le Canada n'a pas de programme national complet et détaillé ou d'infrastructure de politique concernant l'assurance du coût des traitements pharmaceutiques. Malgré cela, un système assez substantiel d'assurance médicaments a vu le jour qui, en fait, garantit à une grande majorité de Canadiens une sécurité financière raisonnable face aux dépenses liées aux médicaments.
Toutefois, il y a des variations et des disparités régionales importantes dans ce système de couverture. La lacune la plus importante se trouve dans le Canada Atlantique. Nous estimons qu'environ 25 p. 100 de la population de cette région éprouveraient des difficultés financières si ces personnes devaient avoir besoin de médicaments coûteux. Dans l'éventualité de besoins de santé véritablement onéreux, ces Canadiens pourraient probablement perdre leur foyer et tomber dans l'indigence. De tels cas ont été rapportés dans les médias.
La plus grande partie des variations régionales est attribuable aux différences dans les programmes d'assurance médicaments financés publiquement. Les régimes d'assurance médicaments privés, parrainés principalement par les employeurs et les syndicats, couvrent environ 58 p. 100 de la population, malgré de légères variations provinciales.
Les dépenses liées aux médicaments représentent un enjeu financier pour toutes les familles canadiennes. Il n'est pas rare que les dépenses liées aux médicaments dépassent 10 000 $ ou 20 000 $. Bien qu'il s'agisse d'une situation très rare, nous avons vu des dépenses excédant 250 000 $.
De nombreux programmes sociaux et le régime d'impôt fédéral utilisent le seuil de 3 p. 100 ou de 4 p. 100 comme mesure du stress financier en ce qui a trait aux coûts des soins de santé. Si on utilise ce seuil de 3 p. 100, 4 millions de Canadiens ont besoin de médicaments qui coûtent plus de 3 p. 100 du revenu familial. Cela comprend 51 p. 100 des personnes âgées de plus de 65 ans et 8 p. 100 des personnes âgées de moins de 65 ans. Dans tous ces cas, il s'agit de chiffres avant remboursement par les régimes d'assurance médicaments. Ce groupe de personnes, dont les dépenses liées aux médicaments sont élevées par rapport à leur revenu, intervient pour 66 p. 100 de toutes les dépenses liées aux médicaments en dehors des hôpitaux.
Si nous définissons des dépenses en matière de médicaments onéreux comme la partie des dépenses en médicaments qui dépasse 3 p. 100 du revenu, alors, 42 p. 100 de toutes les dépenses liées aux médicaments feraient partie de cette catégorie. Nos recherches montrent que 89 p. 100 des Canadiens sont protégés face à des dépenses liées à des médicaments onéreux par des programmes d'assurance publics et privés. Une autre tranche de 9 p. 100 de la population a une couverture importante, mais incomplète. Il reste donc 2 p. 100 de la population qui ne bénéficie d'aucune couverture. Ces personnes seraient ruinées financièrement si elles devaient faire face à des dépenses élevés en matière de médicaments.
En conclusion, je demanderai au comité de comprendre que l'accès à des prestations de santé qui peuvent être dérivées des médicaments sur ordonnance repose en grande partie sur l'accès au mécanisme financier des programmes d'assurance médicaments publics et privés, particulièrement dans le cas des personnes qui ont des besoins élevés par rapport à leur revenu. Conserver et améliorer ce régime d'assurance médicaments est un élément indispensable pour s'assurer que tous les Canadiens -- peu importe leur lieu de résidence, leur revenu ou leur état de santé -- ont accès à un traitement médical approprié et en temps opportun.
Merci.
:
Je vous remercie de m'avoir invitée à parler aujourd'hui.
Je compte vous parler de la publicité de médicaments sur ordonnance s'adressant directement aux consommateurs. Dans son rapport d'avril 2004 intitulé « Dans l'armoire à pharmacie », le Comité permanent de la santé abordait trois questions, dont celle de la publicité des médicaments sur ordonnance.
Le comité a dit souscrire à l'interdiction de la publicité de médicaments sur ordonnance s'adressant directement aux consommateurs et a enjoint Santé Canada d'affecter des ressources supplémentaires à l'exécution de la loi, la surveillance active, la prise de mesures correctives et l'imposition de sanctions à l'encontre des compagnies qui font illégalement de la publicité des médicaments, ainsi qu'à la publication d'un rapport annuel. Le comité a aussi demandé que les Canadiens disposent de renseignements indépendants et financés par l'État.
Le comité avait aussi abordé la question de la publicité et de rappel de marque. il s'agit d'annonces publicitaires de marques telles la publicité sur le Viagra diffusée à la télévision qui donne le nom de la marque sans en mentionner l'utilité.
Le rapport -- auquel je souscris -- indique que la publicité de rappel de marque n'a pas de justification du point de vue de la santé publique. Le rapport suggère que la disposition de 1978 sur la publicité des prix interprétée depuis novembre 2000 pour permettre ce genre de publicité soit annulée puisque de toute façon les prix ne sont pas mentionnés -- je résume le rapport.
Donc, que s'est-il passé depuis avril 2004? Je pense que les changements recommandés par le comité sont beaucoup plus pressants aujourd'hui, pour trois grandes raisons.
Premièrement, avec le retrait du marché mondial du médicament pour arthritiques Vioxx, une crise de santé publique ayant pour origine un médicament qui faisait l'objet d'un gros battage publicitaire n'est plus une supposition, c'est arrivé.
Deuxièmement, nous avons assisté à la multiplication de la publicité de rappel de marque et à la fausse représentation des risques de maladies dans la publicité en l'absence de toute réaction visible des organes de réglementation.
Et troisièmement, le dépôt d'une contestation judiciaire invoquant la Charte par Can West Media Works qui affirme que l'interdiction de la publicité de rappel de marque aux termes de la Loi sur les aliments et drogues porte atteinte à la liberté d'expression de l'entreprise.
Voici quelques exemples d'utilisation de médicaments inutile et dangereuse. Quand le médicament pour arthritiques Vioxx a été retiré du marché mondial en septembre 2004, Merck avait dépensé plus de 500 millions de dollars américains pour faire la publicité de ce produit aux États-Unis. Le Vioxx n'est pas plus efficace que les autres anti-inflammatoires dans le traitement de l'arthrite. Il est plus coûteux. En Colombie Britannique, nous avons probablement évité très efficacement le danger grâce à un rationnement plus rigoureux que dans les autres provinces.
La première étude qui a montré des risques accrus de crise cardiaque a été publiée vers la fin de 2000 et Merck a continué à faire une grande publicité de Vioxx auprès de la population des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande, où la publicité s'adressant directement aux consommateurs est légale, et ailleurs à des professionnels de la santé jusque vers la fin 2004.
Le Dr David Graham qui est un haut fonctionnaire de la FDA des États-Unis, à déterminé à partir de données de la consommation du médicament et de résultats d'essais cliniques aux États-Unis le nombre de personnes ayant subi une crise cardiaque. Il a estimé à environ 40 000 le nombre de décès suite à l'utilisation de Vioxx. Je me demande combien de ces personnes ont consommé du Vioxx après avoir vu une annonce publicitaire. J'ai fait une petite analyse en tenant compte de l'argent dépensé dans la publicité, des ventes totales et des données de recherche sur le marché sur ce que rapporte la publicité s'adressant directement aux consommateurs. Pour un médicament qui se vend très bien, comme c'était le cas de Vioxx, des 40 000 décès environ 16 000 auraient résulté des ventes excessives stimulées par la publicité. Cette estimation est approximative, mais elle laisse certainement à penser que l'accélération de l'emploi de médicaments nouveaux est un sujet de préoccupation.
Un autre sujet de préoccupation avec la publicité s'adressant directement aux consommateurs est la consommation inutile de médicaments pour les problèmes quotidiens, une sorte de médicalisation de la vie.
En 2005, la consommation de somnifères à augmenter de 60 pour 100 aux États-Unis. Pourquoi? Est-ce qu'une épidémie d'insomnie a soudainement frappé les États-Unis? Le phénomène tient sans doute davantage à la lutte féroce que se livrent les fabricants de deux somnifères concurrents. Sepracor a dépensé 270 millions de dollars américains en publicité pour Lunesta. Et 90 millions de dollars américains ont été dépensés pour la publicité d'Ambien.
À long terme, la consommation de somnifères est associée à un risque de dépendance, à des chutes et des fractures chez les personnes âgées et à des accidents de la route. Des examens systématiques d'essais cliniques de ces médicaments ont aussi été faits. Des études portant sur des médicaments de nouvelles générations montrent des résultats similaires à ceux observés avec les médicaments de l'ancienne génération. Une personne de plus de 60 ans qui prend des somnifères pendant plus de cinq jours à plus de chances d'en souffrir que d'en tirer un bénéfice.
Deux ou trois exemples vous donneraient une vue d'ensemble. Je pourrais en parlez, mais je ne le ferai pas.
Aux États-Unis, l'industrie a publié des directives d'application facultatives après le désastre du Vioxx. Leur décision de ne plus faire de publicité de rappel de marque à la télévision américaine est le changement le plus concret.
Quelle est la situation au Canada? Il y a eu une augmentation de la publicité et les mêmes compagnies font de la publicité de rappel de marque au Canada sans réaction de la part des organismes de réglementation. Il n'y a pas de diminution de la quantité d'annonces publicitaires fait au Canada, aucun changement n'a été apporté suite aux recommandations du comité, aucun changement après ce qui s'est passé avec le Vioxx, aucun changement après les directives d'application facultative américaines et aucun changement des mesures d'exécution.
Pour vous donner un exemple, je suis partie à une plainte avec une organisation sur la santé des femmes, Action pour la protection de la santé des femmes, au sujet d'annonces télévisées sur le Celebrex, un médicament qui ressemble beaucoup au Vioxx et qui est dans la même catégorie. Des études ont montré que le Celebrex augmente aussi le risque de crise cardiaque. Santé Canada a mis une mise en garde, en demandant aux médecins de le prescrire avec prudence, à petites doses et pour une période limitée.
Nous avons envoyé une lettre de plainte au ministère de la Santé et à Santé Canada le 14 mars. Nous n'avons constaté aucune réaction de la part des organismes de réglementation et nous n'avons même pas reçu de réponse à notre plainte.
Qu'en pensent les organismes de réglementation?
Une plainte a été déposée en 2005 au sujet d'une campagne publicitaire pour le Xenical, un médicament conçu pour le traitement de l'obésité. Ce n'était pas une publicité de marque, mais elle ciblait les femmes qui voulaient perdre quelques livres, or ce médicament jamais été approuvé pour cela, à des fins esthétiques. Nous avons reçu une réponse de Santé Canada qui a jugé l'annonce légale parce que le nom du médicament et le nom du fabricant n'étaient pas mentionnés. Du point de vue de la santé publique, nous avons certainement pas remarqué de changement dans la réaction des organismes de réglementation à ce genre de publicité.
Nous avons remarqué autre chose, c'est que des publicités, par exemple celle à la télévision pour le Celebrex serait illégale aux États-Unis pour des motifs de santé publique car ce produit porte un « encadré de noir », une mise en garde de risques graves pour la santé. La publicité de rappel de marque est pas autorisée pour les médicaments portant des encadrés de noirs aux États-Unis en raison des risques à la santé. Bien que notre loi soit plus rigoureuse, il y a un relâchement au niveau des mesures d'exécution et des choses sont permises au Canada et qu'elles ne le sont pas aux États-Unis.
L'autre important changement, c'est la contestation de l'interdiction aux termes de la Loi sur les aliments et drogues par Can West, dont j'aimerais parler brièvement. C'est une contestation par la plus importante entreprise médiatique du Canada affirmant que l'interdiction compromet la liberté d'expression de l'entreprise. Je comprends que cela fasse sourire.
Si on y réfléchit, en tant qu'entreprise médiatique, elle peut diffuser n'importe quel contenu rédactionnel ou n'importe quelle émission sur des médicaments sur ordonnance. Ce qui lui est interdit de faire, c'est de vendre des espaces publicitaires aux fabricants de médicaments sur ordonnance. Cette poursuite concerne le commerce, la concurrence et l'accès à des contrats de publicité lucratifs.
Compte tenu de ma préoccupation concernant le changement dans la réponse à l'application de la loi, je voudrais demander si des ressources adéquates sont mises à disposition pour défendre la loi dans cette poursuite. C'est une question que je pose au comité.
Je conclurais en disant que les recommandations du comité sont toujours aussi valides, mais la bonne question, c'est de savoir comment les mettre en application?
Merci.
Je vous remercie de m'avoir invitée. Il y a 25 ans que je suis professeure à la faculté de pharmacie à la chaire de la FCRSS/IRSC en gestion de la consommation des médicaments à l'Université Dalhousie.
Je vais parler des objectifs de la politique pharmaceutique et je vous citerai deux cas, l'un sur l'usage inapproprié de médicaments et l'autre sur un usage de médicaments où le système pourrait être plus efficace. Finalement, je parlerai du choix des stratégies de gestion des médicaments.
Pour Jacobzone de l'OCDE, les objectifs de la politique pharmaceutique sont: améliorer la santé, favoriser l'efficacité, améliorer le rapport avantages/coûts, optimiser les ressources, préserver l'équité et autre -- politique industrielle. Au fur et à mesure que les juridictions canadiennes établissent et affinent leurs objectifs en matière de politique pharmaceutique, nous devons déterminer leurs performances et établir des systèmes pour mesurer ces performances.
Mon premier cas identifie un médicament dangereux pour la population. Dans les années 1980, il a été prouvé que le Chlorpropamide, un médicament pour le diabète, était plus dangereux que d'autres médicaments de traitement du diabète. Il peut causer de l'hypoglycémie et mener parfois à un coma et à une hospitalisation.
La Drug Evaluation Alliance of Nova Scotia à financer un programme visant à diminuer la consommation du Chlorpropamide et toutes les personnes âgées ont reçu un traitement plus approprié. Mais cela a pris beaucoup de temps. Les preuves ont été établies dans les années 1980, mais en 1995 en Nouvelle-Écosse, 1500 personnes âgées consommaient encore ce médicament. Nous avons fait une intervention pour arrêter la consommation de médicaments chez ces personnes. En 2003, huit des dix régimes d'assurance- médicaments provinciaux couvraient encore le médicament. En 2004, le rapport de la vérificatrice générale a traité des critères de Beers et suggéré que ce médicament ne devrait jamais être consommé par des personnes âgées. En 2005, la SRC a diffusé une émission radiophonique sur les critères de Beers.
On en conclut qu'il faut beaucoup de temps pour changer les habitudes et adopter de meilleures pratiques. Le contrôle des médicaments commercialisés au Canada devrait être systématique, surtout pour les populations vulnérables comme les enfants et les personnes âgées. Des systèmes électroniques en temps réel d'aide à la décision clinique devraient être élaborés pour avertir les médecins des maladies et de l'interaction médicamenteuses et d'autres problèmes.
La diapositive suivante montre des masques utilisées contre l'asthme et des inhalateurs portables. Environ trois millions de Canadiens ont de l'asthme et la bronchite, il s'agit donc de deux domaines thérapeutiques importants. Les masques ou la nébulisation sont plus chers, moins efficaces, moins portables, ont plus de contamination bactérienne et sont moins pratiques. Les inhalateurs portables qui s'appuient sur les directives canadiennes et internationales, sont tout aussi efficaces et coûtent dix fois moins cher.
En Nouvelle-Écosse, les masques nous coûtaient environ 2 millions de dollars jusqu'à ce que la Drug Evaluation Alliance of Nova-Scotia fasse une intervention qui a considérablement diminuer l'usage des masques. En seulement deux ans, grâce au groupe Deans, les malades sont passés des masques aux inhalateurs, ce qui a permis au gouvernement d'économiser environ un million de dollars par an et offert aux malades un moyen plus simple et plus pratique. C'était mieux pour les malades, plus facile à fournir et plus économique.
Ces deux exemples visent à montrer que l'on peut améliorer la qualité et des médicaments consommés et la rentabilité des régimes d'assurance-médicaments.
Je passe maintenant aux stratégies qui pourraient être utilisées pour améliorer la consommation des médicaments. La politique pharmaceutique compte beaucoup d'intervenants et il devrait y avoir plus d'occasions de regrouper les intervenants au Canada.
L'Australie a une stratégie nationale sur la qualité de l'utilisation des médicaments. Le comité consultatif des produits pharmaceutiques australien est un conseil représentatif d'environ 30 membres issus de divers groupes. Il comprend donc des fabricants de produits pharmaceutiques de marque et de médicaments génériques, des docteurs, des assistants sociaux, des médecins, des infirmiers et des journalistes. Le comité essaie de fixer des objectifs pour la qualité de l'utilisation de médicaments au pays et la façon dont les différents intervenants peuvent aider à atteindre ces objectifs.
Cette diapositive montre les stratégies du gouvernement. Le Canada a 19 régimes d'assurance-médicaments fédéral, provinciaux et territoriaux. Les critères d'admissibilité, les médicaments qu'ils offrent, la participation aux coûts et les méthodes de gestion sont différents. Ces régimes doivent continuer à oeuvrer ensemble afin d'apprendre l'un de l'autre et d'autres pays ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et pourquoi et les compromis à faire.
Il faut aussi des stratégies pour offrir au docteur, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé des outils qui leur permettront de faire les bons choix. Près de deux 400 millions d'ordonnances sont délivrées annuellement par les 60 000 médecins et traitées par les 29 000 pharmaciens au Canada, donc une stratégie établie par Ottawa ne peut pas aider toutes ces interactions entre médecins et malades. Nous devons aussi donner des outils à ces personnes.
Nous avons aussi besoin de stratégies qui ciblent les organismes de santé: le secteur des prestations de soins, la technologie de l'information, l'utilisation des médicaments et la surveillance après la mise en marché. Il y a plus de 22 000 médicaments dans le marché canadien et environ 7000 interactions médicamenteuses. Les médecins qui sont très occupés ne peuvent pas se souvenir de toutes ces informations. Ils se fient à une petite série de médicaments qu'ils connaissent bien. Les dossiers électroniques de santé et les systèmes de soutien aux décisions cliniques peuvent les aider à prendre soin des malades, surtout s'ils ne connaissent pas des médicaments ou de nouveaux médicaments.
Finalement, je ne serais pas une chercheuse si je ne mentionnais pas l'importance de la recherche. Le système pharmaceutique canadien a besoin d'un solide fondement pour la recherche. Il est important de comprendre la façon dont les médecins prescrivent les médicaments. La synthèse des données provenant de l'étranger est utile pour le Canada. Les nouvelles connaissances sur les effets des médicaments et leur utilisation sont nécessaires et doivent être communiquées aux décideurs et aux praticiens. Un solide réseau de surveillance après la mise en marché est nécessaire pour déterminer la sécurité et l'efficacité dans des conditions réelles.
En résumé, ne nous attendons pas à ce qu'une politique permette à elle seule de limiter considérablement les coûts. Il est essentiel que des améliorations soient apportées de façon permanente pour obtenir de meilleurs résultats chez les patients et au niveau de la rentabilité. Avec le vieillissement des baby-boomers, il est encore plus important de mettre en place des systèmes durables de gestion du système pharmaceutique.
Je vous remercie de votre attention.
:
J'aimerais en parler en premier. Le modèle québécois est, à de nombreux égards, très semblable au modèle d'assurance-santé suisse, puisqu'il assure une couverture universelle grâce un régime d'achat obligatoire semblable, disons, à l'assurance-automobile de l'Ontario. Si vous voulez conduire une voiture, vous devez acheter une assurance-automobile. Si vous voulez vivre en Suisse, vous devez acheter une assurance-santé. Au Québec, vous devez acheter une assurance-médicaments.
Pour ceux qui n'ont pas le revenu nécessaire pour participer à un régime privé, il y a une subvention ou encore un assureur public auprès duquel ils sont inscrits.
C'est une façon d'offrir une assurance-santé ou une assurance-médicaments universelle tout en gardant les avantages de la concurrence et de la vente privée des produits d'assurance, et je crois que c'est un modèle bien supérieur à celui des autres provinces.
En fait, il est intéressant de noter que, parmi toutes les provinces, le Québec a approuvé beaucoup plus de médicaments qui ont été soumis à l'examen du PCEM que le PCEM lui-même, et que toutes les autres provinces également. En fait, par rapport à l'ensemble des dépenses de santé publique, le Québec a consacré plus d'argent aux médicaments que toute autre province, et pourtant, dans l'ensemble, les dépenses en santé augmentent plus lentement au Québec que partout ailleurs au Canada.
Ce constat concorde avec les travaux de recherche de Frank Lichtenberg, de la Columbia University, qui montrent que les médicaments ont une valeur de substitution technologique positive, si bien que l'argent dépensé en médicaments peut se traduire par des économies nettes dans d'autres postes de dépenses liés à la santé. Ces chiffres montrent qu'un dollar dépensé sur un nouveau médicament, par exemple, peut faire économiser jusqu'à sept dollars dans les soins de santé non pharmaceutiques.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Skinner, bonjour.
Vous m'avez étonnée lorsque vous avez parlé de la différence entre les prix des médicaments génériques et des médicaments de recherche aux États-Unis et au Canada. Je ne comprends pas.
Les entreprises pharmaceutiques qui font de la recherche produisent des médicaments qui sont moins chers au Canada qu'aux États-Unis, alors que les médicaments génériques, pour lesquels les entreprises n'ont qu'à faire des tests de bioéquivalence, sont beaucoup plus chers au Canada qu'aux États-Unis. Ils sont 78 p. 100 plus chers. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi.
Croyez-vous qu'on devrait implanter des normes minimales d'accès pour des médicaments qui seraient requis par des clientèles desservies par le gouvernement fédéral?
Comme vous l'avez dit, nous avons au Québec un très bon programme d'assurance-médicaments.
Il existe des médicaments qui sont reconnus comme ayant un effet vraiment très positif sur différentes pathologies, comme par exemple le Lantus pour le diabète juvénile ou le diabète de type 2, qui est accepté en Ontario et au Québec, et qui est disponible par le biais d'assurances privées. Comment se fait-il que de tels médicaments ne soient pas disponibles dans toutes les provinces dans le cadre de programmes semblables? Comme vous le disiez, on peut payer plus cher afin d'obtenir un médicament, mais celui-ci peut être plus efficace. Je ne comprends pas. Pouvez-vous m'expliquer cela?
:
La recherche montre, par exemple, que parmi tous les postes de dépenses en santé, les médicaments ou les produits pharmaceutiques ont le plus contribué à améliorer l'état de santé des êtres humains, à accroître l'espérance de vie, etc.
Outre les médicaments, les autres segments du système médical ont des retombées certes importantes, mais moindres sur les statistiques portant sur la santé de la population, comme l'espérance de vie, qui dépendent de divers facteurs comme les programmes de vaccination générale, le traitement des eaux domestiques, les niveaux de développement économique, etc. Les médicaments constituent donc un élément très important qu'il ne faut pas négliger.
En fait, si vous regardez en arrière, les gouvernements ont, à un moment donné, commencé à considérer les médecins comme faisant partie d'un problème de coût, puis à la lumière d'un rapport de recherche publié par Barer et Stoddart, ils ont contingenté l'arrivée de nouveaux médecins et ont créé ce que tout le monde croit être maintenant la pénurie de médecins. Les hôpitaux ont aussi été considérés comme un problème de coût; alors on a forcé des fusions et on a réduit le nombre de lits dans les hôpitaux. Nous avons maintenant des problèmes de temps d'attente.
Aujourd'hui, les médicaments sont devenus le troisième empire du mal dans le bilan des dépenses en soins de santé et nous essayons d'agir de la même façon, en limitant l'accès. Je crois que c'est une erreur.
Je pense que je vais à l'inverse ici, en répondant à votre deuxième question d'abord.
Concernant votre première question sur le prix des médicaments au Canada par rapport à celui aux États-Unis ou plutôt par rapport aux prix internationaux, les preuves et les travaux de recherche produits par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés du Canada et par la Food and Drug Administration des États-Unis ont montré que les prix des médicaments de marque déposée au Canada correspondent à la moyenne internationale des prix pour les mêmes médicaments, mais sont bien inférieurs à ceux pratiqués aux États-Unis, alors les médicaments sont beaucoup plus abordables au Canada qu'aux États-Unis.
Pour les médicaments génériques, les prix sont beaucoup plus élevés au Canada qu'ils ne le sont dans d'autres pays. En fait, ils sont beaucoup plus élevés que les prix les plus bas au monde, qui se trouvent aux États-Unis. Même en ajustant ces prix en fonction du taux de change, vous constaterez encore que pour les 100 produits génériques les plus vendus en 2003 — des données que j'ai trouvées pour moi-même — le prix moyen est plus élevé au Canada de 78 p. 100, et les trois quarts des médicaments qui se trouvent dans les deux pays coûtent plus cher au Canada qu'aux États-Unis.
Il s'agit d'une importante inflation du prix des médicaments génériques, un prix qui se situe bien au-dessus de ce qu'un marché libre devrait produire, si l'on tient compte du fait que le marché des médicaments est beaucoup plus concurrentiel aux États-Unis. À mon avis, c'est sur cet aspect que nous devrions nous pencher.
:
La seule raison pour exiger une évaluation des médicaments c'est que c'est un exercice de planification centrale. Il y a d'autres façons de structurer les programmes d'assurance pour en assurer la viabilité, protéger la préférence du patient et protéger les droits de prescription des médecins. Il suffit de rendre les patients responsables d'une partie des coûts aux points de service, par un déductible, selon la formule d'assurance normale, ou par des primes calculées en fonction de l'utilisation, par exemple. On pourrait même opter pour une prime collective, fixe, de sorte que tout le monde paie le même taux. Ce serait une structure de programme très différente de la redistribution du financement par l'impôt pour l'assurance-médicaments. La seule raison pour laquelle nous devons nous livrer à des exercices de planification centrale pour l'évaluation des médicaments, c'est la nature de nos programmes d'assurance-médicament.
Ensuite, je dirais que les gouvernements qui ont commencé à restreindre l'accès aux médicaments ne réalisent pas beaucoup de gains sur le plan des contraintes de coûts. En fait, la Colombie-Britannique a établi des déductibles assez importants, elle les a changés à deux reprises de l'ordre de 200 dollars et a radicalement réduit l'admissibilité aux prestations de son programme en cours de route. C'est là où elle a réalisé des économies. En fait, certains prix de médicaments compris ont changé pendant cette période et même aux États-Unis, ils ont baissé. Bref, toutes les présumées économies de coûts du modèle de la Colombie-Britannique sont illusoires. En fait, c'est également ce que nous constatons ailleurs aussi, comme en Nouvelle-Zélande, où l'on fait l'essai d'un modèle semblable.
Mon troisième point, et probablement le plus important, c'est que la diminution de l'accès se répercute sur la santé des patients. Regardons les choses en face, nous ne sommes pas tous faits de la même façon génétiquement; nous n'avons pas tous besoin des mêmes médicaments. Nous faisons confiance à nos médecins pour s'occuper de notre santé, et j'aimerais que mon droit de prendre de telles décisions pour moi-même en collaboration avec mon médecin soit protégé.
Je pense simplement que si nous abordions le problème sous un autre angle et que nous cherchions une bonne façon de structurer nos programmes d'assurance, nous obtiendrions de meilleurs résultats.
:
En juillet 2004, les premiers ministres ont publié un communiqué, dans lequel ils reconnaissaient la valeur des produits pharmaceutiques parce que leur utilisation...
...réduira les hospitalisations, aidera à réduire les périodes d'attente, préviendra les maladies, permettra aux personnes atteintes de maladie mentale de mener une vie plus productive et aux personnes atteintes de maladies chroniques de retrouver le sens de la santé et l'indépendance et d'améliorer les soins au terme de la vie au moyen d'un plan solide relatif aux médicaments pour les soins palliatifs.
Malgré le fait que de nombreuses études appuient cette position, les activités de la SNPP ne semblent pas en tenir compte. On dirait un exercice de bilan.
Je dirais également que les médicaments brevetés novateurs représentent moins de 8 p. 100 du budget total pour les soins de santé au Canada, selon les chiffres de 2004.
C'est ma dernière question, monsieur le président.
Monsieur Skinner, j'aimerais vous demander si vous croyez que la prescription de produits pharmaceutiques représente un coût net ou une économie nette dans notre système de soins de santé. Je pense pouvoir deviner ce que vous allez me répondre d'après ce que vous avez dit sur le modèle du Québec.
Compte tenu des médicaments dont nous disposons, comme les inhibiteurs ECA et les statines, nous avons toutes les raisons de nous attendre à des réductions des hospitalisations, de la durée des hospitalisations, des procédures de diagnostic et des opérations. Ainsi, la prescription de médicaments représente-t-elle un coût ou une économie nette? Bien sûr, nous ne parlons même pas des coûts humains...
:
Merci de cette observation.
Je dirais que le nombre de personnes directement touchées par les temps d'attente — pour les services hospitaliers, les visites chez le médecin, l'accès aux médicaments — est très petit dans les faits. Les preuves sont claires. Ainsi, la population générale, la majorité de la population ne voit pas directement les lacunes de notre politique en matière de santé ni les lacunes de notre système de soins de santé. Par conséquent, il n'y a pas de grand élan politique en faveur d'un changement.
En fait, lorsqu'on sonde les gens pour savoir ce qu'ils pensent du système de soins de santé, ils pensent en général qu'il est assez bon. Demandez-leur toutefois à quel point ils utilisent le système de soins de santé : très peu en général. Donc si l'on sondait seulement les personnes très malades, je présume qu'elles auraient une opinion très différente sur la qualité du système de soins de santé, y compris sur l'accès aux médicaments.
À mon avis, cela explique qu'il n'y a pas d'élan politique en faveur d'un changement pour améliorer la situation. Ce n'est pas que nous n'avons pas de haute technologie, ni d'hôpitaux avancés, ni de médecins et d'infirmières bien formés. Regardez, notre personnel médical peut aller partout dans le monde et ses compétences se traduisent très bien. Le problème, c'est que notre système ne permet pas un accès rapide ou adéquat à un niveau de ressources approprié, et cela découle de sa structure de planification centrale.