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Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de la possibilité qui m'est donnée de vous faire une mise à jour de l'examen des six demandes en attente de permis de matériels médicaux pour les implants mammaires au gel de silicone.
Comme vous le savez, les matériels médicaux sont régis par le Règlement sur les instruments médicaux et la Loi sur les aliments et drogues, qui relèvent de la responsabilité de la Direction générale des produits de santé et des aliments dont je suis le sous-ministre adjoint.
Ma collègue, la Dre Supriya Sharma, directrice générale associée de la Direction des produits thérapeutiques, est avec moi aujourd'hui.
Nous sommes heureux de comparaître devant le comité pour discuter des questions soulevées au cours des dernières semaines et répondre à vos questions.
Pour traiter des deux questions fondamentales soulevées récemment, je commencerai par vous donner une brève explication de la façon dont Santé Canada réglemente et examine les matériels médicaux, en deuxième lieu je vous parlerai du rôle que jouent les organismes consultatifs externes dans le processus d'examen réglementaire, et pour terminer je ferai le point sur les six demandes en attente pour des implants mammaires au gel de silicone.
Comme vous le savez, les implants mammaires, y compris les implants à solution saline et au gel de silicone destinés à la reconstruction après une mastectomie, à l'augmentation primaire ou au remplacement, sont réglementés en tant que matériels médicaux au Canada. L'importation, la vente et la publicité des matériels médicaux au Canada sont réglementées par la Loi sur les aliments et drogues et par le Règlement sur les instruments médicaux. Le Parlement, en promulguant la Loi, a créé un cadre législatif régissant l'approbation des matériels médicaux mis en vente au Canada. Le Règlement sur les instruments médicaux, créé en vertu de la Loi, confère à ce cadre les pleins pouvoirs exécutoires.
Dans ce contexte, le ministre est légalement habilité à approuver les permis de vente de ces matériels médicaux au Canada. En retour, le ministre se fie à l'expertise et aux processus scientifiques et réglementaires de Santé Canada pour s'acquitter de ses responsabilités. Les décisions sont prises à la suite d'une analyse indépendante, impartiale et objective des preuves scientifiques liées à la sûreté, à la qualité et à l'efficacité du matériel médical pour lequel une demande de permis est présentée. Ces décisions sont prises en tenant compte d'avis et de conseils scientifiques experts dans un environnement qui favorise la collaboration entre les membres d'une équipe de spécialistes dans divers domaines et disciplines.
Ce processus est conforme aux principes clés sous-jacents à l'intégrité et à la qualité du cadre décisionnel réglementaire de Santé Canada et à la confiance du public dans la capacité de Santé Canada de s'acquitter de son mandat et de prendre des décisions objectives et réglementaires fondées sur des données probantes. Le cadre décisionnel de Santé Canada est établi sur les principes clés qui inspirent ses décisions fondées sur des données probantes, dont la reconnaissance de l'importance de disposer de renseignements complets; de la valeur du travail d'équipe et des conseils experts, étant donné que les décisions fondées sur les données probantes sont tributaires d'un processus de collaboration dans le cadre duquel les divers points de vue sont recherchés et examinés à toutes les étapes de l'évaluation; et de la valeur des multiples disciplines des experts consultés et des employés de Santé Canada qui contribuent à nos équipes de prise de décisions, comme la microbiologie, les sciences des matériaux, la chimie, la physiologie, la toxicologie, le génie et l'éthique.
Le Règlement sur les instruments médicaux est établi en fonction d'une approche moderne et internationalement reconnue axée sur les risques. Je souligne ce point car il vient s'ajouter à la reconnaissance de l'importance de disposer de renseignements complets pour soutenir le processus décisionnel. Ensemble, ces deux points constituent les déterminants fondamentaux de l'approche réglementaire de Santé Canada en ce qui a trait aux matériels médicaux à hauts risques, ou de classe IV, comme les implants mammaires. Conformément au Règlement sur les instruments médicaux et aux documents d'orientation de Santé Canada disponibles au grand public, les fabricants de matériels médicaux de classe IV doivent présenter certains renseignements précis avec chaque demande de permis d'un matériel médical. Ces renseignements, doublés de ceux obtenus des experts externes et du grand public, constituent un bloc considérable de données scientifiques, manufacturières et qualitatives qu'analyse Santé Canada pour prendre une décision réglementaire.
J'ajouterai que ces groupes conseillent Santé Canada sur des questions très précises liées à la sûreté et à l'efficacité des implants mammaires au gel de silicone décrits dans les demandes de permis. Santé Canada tient compte des conseils des groupes consultatifs dans son évaluation des demandes de permis pour des types précis de matériels médicaux.
On n'a pas demandé au groupe consultatif de prendre des décisions au nom du ministre de la Santé ni de recommander d'autoriser ou non la vente d'un des produits précis au Canada. Seul Santé Canada est autorisé à prendre une telle décision au nom du ministre. Comme le savent très bien les membres de ce comité, les conseils résultant des délibérations du groupe consultatif d'experts ont été présentés dans le rapport final de ce groupe consultatif à Santé Canada, le 2 décembre 2005. Ce rapport, après avoir été examiné et traduit, a été rendu public par l'ancien ministre de la Santé le 12 janvier 2006.
Les travaux de ce groupe consultatif sont maintenant terminés et le rapport fait état des différents points de vue de ses membres. Santé Canada examine présentement ce rapport ainsi que d'autres documents importants dans le cadre de l'examen réglementaire des six demandes de permis en attente pour des implants mammaires au gel de silicone.
Santé Canada prendra sa décision après avoir effectué une évaluation structurée, fondée sur des données probantes et scientifiques de tous les renseignements obtenus. Il est de notoriété publique que les sociétés Mentor Corporation et Inamed Corporation ont chacune présenté une demande de permis pour des matériels médicaux et que ces demandes sont présentement examinées par Santé Canada. Les six premières demandes ont été reçues voilà bientôt cinq ans. L'équipe d'examen de Santé Canada est dirigée par deux scientifiques, un chimiste et un spécialiste des sciences des matériaux, qui consultent des médecins et des ingénieurs en biomédecine, le cas échéant. À eux deux, ces scientifiques comptent plus de 20 années d'expérience dans l'examen des matériels médicaux.
Santé Canada a examiné plus de 65 000 pages de preuves soumises par les fabricants. Santé Canada a passé en revue la documentation scientifique, le rapport du groupe consultatif d'experts sur les implants mammaires, la documentation de la Food and Drug Administration des États-Unis et les présentations des personnes et des groupes intéressés. La documentation scientifique uniquement comporte plus de 2 500 articles, dont plus de 300 rapports de synthèse rédigés dans les années 60. Afin d'obtenir des renseignements complets pour documenter l'examen de chacune de ces demandes de permis, en janvier 2006, soit tout récemment, au cours de l'examen de chacune de ces demandes et conformément aux conseils reçus de la part du Groupe consultatif d'experts sur les implants mammaires, Santé Canada a demandé à chacun des fabricants de préciser les renseignements présentés ou de fournir des renseignements supplémentaires. Santé Canada continue l'examen de ces demandes et, une fois les évaluations terminées, prendra les décisions réglementaires qui s'imposent, conformément aux responsabilités qui lui ont été conférées par le ministre habilité en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les instruments médicaux.
Santé Canada peut prendre les décisions suivantes: délivrer un permis de vente au Canada; délivrer un permis assorti de conditions applicables après l'approbation, ou refuser le permis. Une fois que la décision réglementaire a été prise, Santé Canada informe la population canadienne en publiant un résumé des motifs de décision pour chacune des demandes qui porte sur la nature des preuves examinées et les conclusions pertinentes.
En terminant, permettez-moi de mentionner à nouveau à quel point le cadre créé par le Parlement est solide, car il est doté des pouvoirs exécutoires que lui confère le Règlement sur les instruments médicaux pour régir l'approbation des matériels médicaux pouvant être vendus au Canada et exécuter les responsabilités que le Parlement a confiées au ministre de la Santé dont les décisions sont fondées sur l'expertise et les processus scientifiques et réglementaires de Santé Canada. Ce cadre repose sur l'analyse indépendante, impartiale et objective de preuves justifiables et sur des principes clés qui favorisent le recours à un processus de collaboration requérant l'obtention de renseignements complets, l'examen des opinions émises par des experts multidisciplinaires et la prise en compte des meilleurs conseils scientifiques disponibles permettant de prendre des décisions réglementaires.
Je vous remercie, monsieur le président. Ceci conclut nos remarques préliminaires. Je dois préciser au comité que je devrai malheureusement partir après la première partie de cette audience, mais que ma collègue, la Dre Sharma, sera là pendant toute la séance.
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Monsieur le président, membres du comité, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de discuter avec vous des résultats de l'étude de cohorte sur les implants mammaires. Je suis le docteur Stachenko. Je suis administratrice en chef adjointe de la santé publique et responsable de la direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques de l'Agence de la santé publique du Canada. Je suis heureuse que le docteur Yang Mao puisse se joindre à nous. Il est directeur de la division de surveillance des maladies chroniques au Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques. Il participe également à l'étude de cohorte à titre de chercheur.
L'étude de cohorte sur les implants mammaires est la plus vaste étude conçue à ce jour pour enquêter sur le risque de cancer et d'autres effets sur la santé chez les femmes ayant reçu un implant mammaire à des fins esthétiques. Les premiers résultats scientifiques de cette étude sont maintenant disponibles. Comme vous le savez, un article sur l'incidence du cancer a été publié en anglais en décembre 2005 par l'International Journal of Cancer. En réponse à la demande de la greffière, datée du 11 mai 2005, l'Agence de la santé publique du Canada a demandé à l'éditeur de la revue la permission de traduire l'article et d'en faire parvenir une version française au comité. J'ai cru comprendre que celle-ci avait été remise hier à la greffière.
En outre, un deuxième article fondé sur l'étude a été rédigé. Il porte sur le risque relatif de mortalité lié au cancer du sein et à d'autres causes. Cet article a été accepté récemment par l'American Journal of Epidemiology, et il devrait être publié d'ici la fin du mois.
L'étude de cohorte sur les implants mammaires a requis l'identification, en Ontario et au Québec, des femmes qui avaient eu recours à une chirurgie d'augmentation mammaire à des fins esthétiques au cours de la période allant de 1974 à 1989 inclusivement, ainsi que l'accès à leurs dossiers médicaux. L'étude comporte des renseignements sur plus de 40 000 femmes âgées de 18 ans et plus. Elle a permis de réunir les dossiers de patientes ayant eu recours à une chirurgie plastique en Ontario et au Québec, et d'établir des liens entre ces dossiers et la base de données du Registre national du cancer, tenu par Statistique Canada.
Les femmes et les médecins qui ont participé à l'étude ont reçu l'assurance que l'étude avait été soumise à des examens scientifiques et éthiques rigoureux.
[Traduction]
Depuis le moment où l'étude a été annoncée, les cadres de respect de la vie privée, de protection des renseignements personnels et d'accès à l'information ont beaucoup évolué, tant au gouvernement du Canada que dans les provinces de l'Ontario et du Québec, d'où provenaient les cohortes, ce qui a considérablement allongé le temps prévu au départ pour obtenir l'accès aux dossiers des patientes et établir des liens entre ces dossiers et les données sur le cancer. La collecte des données s'est terminée en juin 2003.
À partir de 2003, nos épidémiologistes et leurs collègues du Québec et de l'Ontario ainsi que les universitaires ont pu réaliser les analyses épidémiologiques et rédiger les articles scientifiques en moins de temps que prévu.
Le premier article sur l'incidence du cancer a révélé que les femmes ayant reçu des prothèses mammaires à des fins esthétiques ne semblent pas présenter un risque accru de développer un cancer à long terme. Pour l'ensemble des sièges de cancer, les taux d'incidence étaient similaires chez les patientes ayant reçu des prothèses et celles ayant eu recours à une autre chirurgie plastique. En fait, les femmes ayant reçu des prothèses présentaient un taux d'incidence plus faible du cancer du sein que les patientes ayant eu recours à une autre chirurgie plastique. En outre, il ne semble pas y avoir de risque accru chez les femmes ayant reçu un implant mammaire quant aux autres sièges de cancer examinés.
De plus, je peux aujourd'hui présenter certains des principaux résultats du deuxième article sur la mortalité, qui sera bientôt publié. En règle générale, les taux de mortalité étaient moindres chez les femmes qui avaient reçu un implant mammaire que dans l'ensemble de la population. Un taux plus bas de décès dû au cancer et à des maladies circulatoires explique ces résultats. Les auteurs suggèrent que l'autosélection peut expliquer ces taux de mortalité moindres: les femmes qui décident d'avoir recours à une chirurgie esthétique invasive ont en effet tendance, en moyenne, à être en meilleure santé que l'ensemble de la population.
Toutefois, on remarque que, conformément aux travaux précédents, des taux accrus de suicide ont été observés chez les femmes qui avaient reçu un implant mammaire par rapport à l'ensemble de la population, mais il n'existe pas de différence statistique par rapport aux autres patientes ayant eu recours à une chirurgie plastique. Les auteurs laissent entendre qu'il faudrait procéder à des études plus approfondies pour recueillir des données détaillées sur les facteurs de risque de suicide tant chez les patientes ayant reçu un implant mammaire que dans d'autres populations ayant eu recours à une autre chirurgie esthétique.
En conclusion, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de ces résultats. L'Agence de la santé publique du Canada les communiquera dans une circulaire d'information aux associations de médecins et aux groupes de femmes qui ont participé à la réalisation de cette étude.
J'aimerais aussi remercier le comité de l'intérêt qu'il porte aux initiatives courantes d'analyse des risques de l'Agence en ce qui concerne le cancer et d'autres maladies chroniques.
Merci.
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Merci beaucoup de m'accueillir et de me permettre de participer à la réunion de votre comité depuis mon hôpital à Toronto.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la santé, je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous et à répondre à vos questions.
Permettez-moi de me présenter. Je suis spécialiste de la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique et membre du personnel actif du Women's College Hospital. Je suis chirurgien universitaire à plein temps et professeur agrégé du Département de chirurgie de l'Université de Toronto.
Ma pratique clinique est axée essentiellement sur la chirurgie esthétique et reconstructive du sein. J'ai eu l'honneur et le privilège de traiter des milliers de femmes pour des problèmes allant d'un développement congénital anormal du sein à la reconstruction consécutive à une opération du sein en raison d'un cancer en passant par des modifications esthétiques.
L'an dernier, Santé Canada m'a invité à participer bénévolement au groupe consultatif scientifique et au groupe consultatif d'experts sur les implants mammaires au gel de silicone. J'ai été honoré de constater que Santé Canada estimait que mon expérience clinique de l'utilisation des implants mammaires au gel de silicone et à solution saline pourrait être utile pour trouver des réponses à des questions précises concernant les applications des matériels à base de gel de silicone proposés par les fabriquants.
Je tiens à féliciter Santé Canada d'avoir rassemblé ces chercheurs scientifiques et ces experts et d'avoir organisé la tribune publique ouverte. Je crois que tous les Canadiens doivent être fiers de toutes les personnes qui ont été invitées à participer à ces groupes et leur faire confiance.
Contrairement à ce qu'on a pu voir ailleurs dans le monde, ces groupes étaient composés d'un vaste éventail de personnes hautement qualifiées et respectées dans leurs domaines d'excellence respectifs. Pratiquement tous les intervenants étaient bien représentés et le groupe comportait une représentation équilibrée des domaines d'expertise, des sexes, des catégories d'âge et des régions géographiques.
Le rapport du groupe d'experts a été élaboré dans le cadre d'un débat intense et ouvert, après un examen approfondi de tous les documents présentés, des exposés des fabricants et des interventions lors de tribunes publiques. On a demandé au groupe d'experts de répondre à des questions précises en fonction des informations dont nous disposions et de notre expérience clinique.
Je crois fermement que le rapport présenté au ministre de la Santé constitue une réponse équilibrée, réfléchie et complète aux questions posées. Ce rapport est une synthèse des points de vue de tous les membres présents, et là où il y a eu des opinions dissidentes, le rapport précise clairement le nombre de membres du groupe qui étaient pour ou contre les affirmations présentées. Je suis fier d'avoir participé à ce processus, et en tant que consommateur canadien, je suis réconforté de savoir qu'un tel mécanisme existe pour l'approbation des instruments au Canada.
Monsieur le président, je suis venu ici pour appuyer mes patientes et leur droit de prendre des décisions informées en matière d'implants mammaires à des fins esthétiques ou reconstructives.
Aucun matériel n'a fait l'objet de plus d'études, d'analyses et de recherche que la silicone. La silicone est actuellement l'un des produits les plus communément utilisés dans des implants en médecine. C'est une composante des lentilles pour la cataracte, des dérivations ventriculopéritonéales utilisées en neurochirurgie, des articulations artificielles des doigts et des poignets, des prothèses des testicules et du pénis, des endoprothèses et des implants mammaires à solution saline, pour n'en nommer que quelques-uns. Chaque jour au Canada, on insère des centaines d'implants qui contiennent de la silicone sous une forme ou une autre. La silicone est utilisée pour le traitement des fournitures médicales, les sacs intraveineux, et comme revêtement des aiguilles médicales. On estime que le diabétique moyen se fait injecter directement 200 milligrammes de silicone par an à l'occasion de ses piqûres d'insuline. La silicone est aussi utilisée dans le traitement des bouteilles, des articles de verre et du caoutchouc, et on en trouve dans de nombreux produits alimentaires en vente dans les magasins. Saviez-vous par exemple qu'on relève des niveaux de silicone élémentaire nettement plus élevés dans les aliments pour bébés en vente dans les magasins que dans le lait maternel de femmes qui ont reçu des implants mammaires au gel de silicone?
De nombreuses recherches rigoureuses ont été effectuées pour évaluer les risques potentiels pour la santé présentés par les implants remplis de gel de silicone, et dans la très grande majorité des cas, on n'a pas pu établir de lien entre l'utilisation de ces implants et une détérioration de la santé chez les femmes.
Aucun dispositif n'est parfait; tous les implants ont tôt ou tard des défaillances. Si vous me demandiez aujourd'hui si je souhaiterais en savoir plus sur la durée de vie, les taux de défaillance et les risques à long terme de tous les instruments que j'utilise actuellement, je vous répondrais certes par un oui catégorique. L'information est une bonne chose, et plus on en a, mieux c'est. Mais si vous me demandez quand on peut dire que cela suffit, parce qu'on a suffisamment d'information pour permettre à une personne raisonnable de prendre une décision correctement informée sur les avantages et les risques liés aux implants mammaires remplis de gel de silicone, je vous répondrai que c'est maintenant.
Les implants mammaires au gel de silicone sont massivement utilisés à travers le monde entier. Dans presque tous les pays en dehors de l'Amérique du Nord, ils représentent 99 p. 100 de tous les implants utilisés. Aux États-Unis, la FDA a remis des lettres d'approbation conditionnelle aux deux fabricants. Une fois les conditions en question remplies, ces implants devraient pouvoir être utilisés couramment.
Les femmes ne sont pas toutes de bonnes candidates pour les implants remplis de gel de silicone. Les implants à solution saline présentent certains avantages et donnent d'excellents résultats chez de nombreuses femmes. Toutefois, dans bien des cas, les implants remplis de gel présentent des avantages importants. Ils sont souples, au contact ils ressemblent plus au tissu mammaire naturel, et ils se déplacent plus naturellement sous le sein: ce sont là des considérations importantes pour les femmes qui se font greffer des implants mammaires. En outre, ils risquent moins de provoquer une froissure, problème fréquent avec les implants à solution saline qui se traduit par un pli palpable d'apparence non naturelle à la périphérie du contour du sein.
J'utilise des implants mammaires cohésifs à la silicone dans ma pratique depuis 2001 et je peux affirmer catégoriquement qu'aucun nouveau dispositif ni aucune nouvelle technologie n'a eu des retombées aussi positives sur mes patientes. Ces implants sont idéaux pour traiter de jeunes femmes présentant un développement congénital anormal du sein, et les choix de consistance et de formes donnent d'excellents résultats chez les femmes qui s'inquiètent de l'apparence de leurs seins après une grossesse et un allaitement au sein. Les résultats sont bien supérieurs à ceux que l'on constate avec les implants à solution saline et la satisfaction des patientes est systématiquement élevée.
Dans le domaine de la chirurgie reconstructive, les nouveaux implants au gel cohésif ont complètement transformé ce que nous pouvions offrir à nos patientes. Entre 1995 et 2000, 70 p. 100 des reconstructions de seins que j'ai effectuées à la suite d'une mastectomie ont été de grosses interventions chirurgicales à l'aide des propres tissus naturels de la patiente, en général prélevés sur le ventre. Bien que ces procédures donnent d'excellents résultats, ce sont des opérations importantes qui entraînent des cicatrices à d'autres endroits du corps et une convalescence prolongée. C'est souvent une option inacceptable, notamment pour de jeunes femmes qui ont de petits enfants ou des femmes qui ne sont pas prêtes à accepter une interruption d'activité aussi longue.
Les implants à solution saline disponibles à cette époque donnaient des résultats très décevants, car on constatait chez la quasi-totalité des patientes des plissements, une sensation artificielle du sein au toucher et une forme exagérément ronde du sein qui semblait souvent très différent de l'autre sein naturel non opéré.
Ces femmes n'avaient alors guère d'autre choix que de subir des reconstructions plus importantes. Depuis 2001, 75 p. 100 des reconstructions s'effectuent au moyen de nouveaux implants remplis de gel cohésif, c'est-à-dire le contraire de ce que je faisais auparavant. Ces nouveaux implants au gel, ceux dont nous parlons aujourd'hui, sont très différents des précédents. Ils sont fait d'un gel beaucoup plus visqueux et plus épais; si vous en entaillez un, c'est un peu comme si vous coupiez un ourson de gélatine.
Ces implants sont disponibles dans un vaste choix de tailles et de formes et permettent aux chirurgiens que nous sommes d'obtenir des résultats qui se rapprochent beaucoup plus de la forme du sein naturel et de réaliser des seins au contact beaucoup plus naturel. Par ailleurs, en cas de rupture de l'implant, le gel risque beaucoup moins de s'échapper de son enveloppe que ce n'était le cas avec les anciens implants des années 1970 et 1980.
Depuis 2001, j'ai utilisé ces implants chez plus de 100 patientes chez lesquelles j'ai fait de la reconstruction à la suite de mastectomie. Les résultats ont été excellents, le niveau de satisfaction élevé, les taux de complications et de réopération faibles, et les patientes ont pu bénéficier d'une option de rechange viable à des interventions de reconstruction plus envahissantes.
Je suis préoccupé par l'orientation que votre comité a choisi de suivre. Un groupe d'experts parfaitement qualifié pour répondre aux questions qui lui étaient posées a soumis un rapport détaillé et complet au ministre de la Santé. Les Canadiens ont été invités à participer à une tribune pour communiquer directement leurs points de vue au groupe d'experts. Les exposés, aussi bien favorables qu'opposés aux implants, étaient réfléchis et approfondis.
En fait, la Dre Zuckerman qui est là en tant que témoin aujourd'hui, était inscrite comme 40e oratrice ce jour-là, mais elle n'a pas participé au colloque et n'a pas non plus présenté son point de vue au groupe consultatif. Pourtant, vous lui donnez aujourd'hui l'occasion d'intervenir à votre comité en l'absence du groupe d'experts, et je vois mal comment on peut justifier une telle position auprès des nombreuses canadiennes qui sont favorables à l'utilisation de ces implants. Où sont-elles? Pourquoi n'ont-elles pas été invitées à témoigner à votre comité aujourd'hui? Quels sont les éléments nouveaux intervenus depuis cette tribune publique qui justifient l'invitation qui a été faite à la Dre Zuckerman de s'adresser à votre comité aujourd'hui?
J'aimerais vous lire une lettre d'une femme que je connais personnellement. Il s'agit en fait de l'épouse d'un membre du clergé de ma synagogue. Ce n'est pas une de mes patientes, mais quand elle a entendu parler de l'orientation que prenait ce comité, elle m'a demandé de trouver un moyen de vous communiquer son avis.
Je suis une femme de 35 ans chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein il y a deux ans alors que j'attendais des jumeaux. J'ai dû prendre plusieurs décisions très vite, mais j'estime que je les ai prises en toute connaissance de cause. En tant qu'experte en psychologie technique, j'ai une bonne formation en recherche scientifique. Pour moi, l'enjeu est de taille: il s'agit de mes jumelles de deux ans et de leur frère de trois ans. En tant que porteuse du gène BRCA1, j'ai estimé que je n'avais pas d'autre choix que d'avoir une double mastectomie. J'ai parlé à plusieurs autres porteuses du gène BRCA1 pour connaître leurs décisions en matière d'implants. Après avoir consulté des chirurgiens plasticiens, des médecins spécialisés dans le lupus, des chirurgiens généralistes, des experts-conseils médicaux, des chercheurs et des oncologues dans plusieurs hôpitaux d'enseignement de haut niveau au Canada et aux États-Unis, j'ai opté pour la reconstruction avec expansion des tissus et mise en place d'implants mammaires remplis d'un gel de silicone. J'ai été bien informée des risques que présentent les implants à la silicone, mais j'estimais que les avantages l'emportaient largement sur ces risques. Après toutes ces consultations, mes propres lectures et les témoignages que j'ai recueillis, j'estime que j'ai pris la bonne décision.
En tant que jeune femme professionnelle, je veux avoir la meilleure apparenceet me sentir aussi bien que possible dans ma peau. Tout d'abord, je tiens à ce que mes filles acquièrent une image saine du corps humain; et deuxièmement, c'est important pour ma propre image et mon estime personnel. J'ai une vie très active et je voulais la poursuivre de façon aussi normale que possible. Je trouve que les implants que j'ai choisis sont très réaliste et confortables, et ils ne m'ont posé aucun problème jusqu'à présent. Je suis très heureuse de ma décision, et je referais exactement la même chose si c'était à refaire. Je conseille souvent à d'autres femmes dans ma situation d'envisager les implants au gel cohésif pour une reconstruction du sein. Il est réconfortant de savoir qu'en tant que femme j'ai le droit de décider de ce qui entre dans mon corps.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui et j'ai hâte de pouvoir répondre aux questions des membres du comité.
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Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter quelques brèves remarques sur le processus auquel j'ai assisté et participé en tant que membre du groupe consultatif; sur le rôle que j'ai joué en tant qu'éthicienne; et sur certaines considérations d'éthique concernant les implants mammaires.
Je faisais partie à la fois du groupe consultatif scientifique et du groupe consultatif d'experts sur les implants mammaires organisés par Santé Canada. C'était la première fois qu'on me demandait de participer à un groupe pour examiner un tel sujet, et je n'avais donc pas d'idée préconçue sur le résultat de ces consultations.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire quelques mots sur le processus. Je cite: « Les participants ne doivent pas forcément être d'accord sur les réponses à toutes les questions d'ordre moral, mais tous doivent s'entendre sur la procédure à utiliser pour se prononcer sur les questions morales ». Cette citation montre bien l'importance du processus suivi pour élaborer les réponses.
Je peux vous dire sans hésiter que le processus auquel j'ai participé a été ouvert, transparent et rigoureux. Les participants du groupe venaient d'horizons divers, et avaient des expériences et des connaissances variées. La plupart d'entre nous ne nous connaissions pas au début, et nous avons passé des heures à discuter rigoureusement des problèmes et des faits. Tous les points de vue présentés lors que ces discussions ont été reçus avec respect et également respectés; autrement dit, d'après mon expérience, le débat n'a été guidé ou dominé par aucune perspective préconçue. J'ai assisté à ce que j'appelle l'unité dans la diversité, c'est-à-dire que les membres du groupe proposaient tout un éventail de points de vue à partir desquels s'est dégagé progressivement un consensus.
Santé Canada avait clairement défini notre tâche ou notre rôle qui figure sur son site Web. On nous demandait de donner des réponses à des questions précises. Santé Canada avait bien précisé que nous n'étions pas là pour recommander l'approbation des implants mammaires ni pour décider de ce qui était bon pour les Canadiennes.
Le président, le Dr Wells, a su remarquablement orchestrer la présentation des divers points de vue et créer une ambiance de discussion franche et honnête sur les faits et valeurs pertinents. Je me suis sentie libre d'exprimer toutes mes opinions sur la question et de poser toutes les questions je voulais sur toutes sortes de détails scientifiques. De même, lors de la consultation publique, nous avons entendu des points de vue divers allant de l'appui sans réserve et l'enthousiasme à l'inquiétude en passant par les réserves et les mises en garde. Tous ces points de vue ont été écoutés, respectés et intégrés aux discussions qui ont suivi.
Je vais maintenant vous dire quelques mots de mon rôle. Le domaine dans lequel je travaille s'appelle la bioéthique. La bioéthique consiste globalement à avoir une réflexion critique sur les problèmes moraux et éthiques qui se présentent dans le contexte de la santé en vue de déterminer les voies à suivre, en expliquant pourquoi et en décrivant la procédure à suivre. Les éthiciens s'intéressent donc à la question morale de savoir ce qu'il faudrait faire par opposition à la question de savoir ce qu'on peut faire. Nous appuyons nos réponses sur des raisonnements d'ordre moral et nous invoquons des principes moraux dont beaucoup vous sont certainement familiers, tels que l'autonomie, la valorisation et la justice.
De nombreux mythes courent au sujet de l'action des éthiciens, et il est donc bon de préciser que nous ne sommes ni des experts en moralité, ni des arbitres du bien et du mal, ni même des experts juridiques ou des gestionnaires du risque, une police morale ou des décideurs ou encore des experts omniscients. Les éthiciens sont simplement des ressources auxquelles peuvent faire appel les professionnels de la santé, les patients, le public et d'autres personnes pour faciliter des échanges, négocier à l'occasion de conflits, obtenir des opinions sur des cas, élaborer des politiques, faire de la recherche et enseigner l'éthique.
Les considérations d'éthique fondamentales. Parmi les paramètres des questions posées par Santé Canada figurait une considération d'éthique fondamentale, celle du consentement éclairé. Il y avait par exemple la question de savoir qui devait prendre les décisions concernant les implants mammaires et s'il s'agissait de décisions que les patientes pouvaient prendre elles-mêmes, et qui devait définir le risque, les avantages et les inconvénients.
On admet généralement que ce qui est bon pour une personne ne l'est pas nécessairement pour une autre. Les cas dans lesquels on peut imposer à une autre personne des choses qu'on considère comme avantageuses sont très rares.
Si nous partons du principe que nous devons apporter des soins axés sur le patient, c'est-à-dire suivre « une démarche qui se place délibérément dans la perspective du patient ou de la patiente sur ce qui est important », l'opinion du patient ou de la patiente va influer sur la coordination et l'intégration des soins. Autrement, nous devons nous laisser guider par le patient et par l'importance qu'il accorde aux préjudices, aux avantages et aux risques. Il s'agit donc de déterminer ce que les patients doivent savoir pour avoir une opinion éclairée.
En résumé, voici quelques-unes des considérations éthiques fondamentales:
Premièrement, la personne doit déterminer ce qui constitue un risque, un avantage ou un préjudice, et ceci dans le contexte de l'utilisation de matériels sûrs et efficaces.
Deuxièmement, le consentement éclairé est un processus et non un événement. Il se dégage progressivement et les gens peuvent changer d'avis.
Troisièmement, toute décision concernant un traitement comporte des risques, des avantages et des préjudices, et il importe que les personnes concernées s'assurent que les traitements sont aussi sûrs et efficaces que possible et que les patients reçoivent toutes les informations pertinentes.
Quatrièmement, il y a toujours des inconnues que nous connaissons. Ce sont des données qui pourront par exemple être révélées à l'avenir mais qu'on n'a pas maintenant. Il y a aussi toujours des inconnues que nous ne connaissons pas, par exemple des résultats imprévus qui pourraient être négatifs aussi bien que positifs. Il faut faire part de ces deux types d'inconnues au patient ou à la patiente. Cette information doit leur être présentée.
Cinquièmement, et pour terminer, il est important de poursuivre continuellement l'examen de cette question. Pour pouvoir améliorer le processus à l'avenir, il est essentiel d'avoir une rétroaction.
En conclusion, je crois savoir que c'est la première fois que Santé Canada s'est lancé dans une telle démarche à propos des implants mammaires. Je crois que le processus a été mené de façon ouverte, transparente et rigoureuse et qu'on peut aborder avec confiance les résultats auxquels il a abouti.
Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de vous fournir des informations complémentaires et de répondre à vos questions.
(présidente, National Research Center for Women & Families):
Très bien, merci.
Je suis la Dre Diana Zuckerman, et je suis honorée d'être ici. Notre centre de recherche utilise l'information scientifique en vue d'améliorer la santé et la sécurité des femmes, des enfants et des familles. Je vous parle du point de vue d'une personne formée en psychologie et en épidémiologie, qui a été membre du corps professoral et chercheuse aux Universités de Havard et Yale, et a enseigné les méthodes de recherche avant de déménager à Washington, D.C., pour travailler à des dossiers traitant de santé au Congrès américain, à la Chambre des représentants et au Sénat américains, au Département américain de la santé et des services humanitaires, à la Maison-Blanche et dans des organismes sans but lucratif. Je suis aussi actuellement membre du Centre de bioéthique de l'Université de Pennsylvanie.
Mes travaux actuels sont axés sur le cancer du sein. J'ai lu toutes les études épidémiologiques publiées sur les implants mammaires et j'aimerais discuter brièvement des questions connues et inconnues à la lumière de ces études. Je vous parlerai également d'une enquête criminelle lancée par la FDA américaine sur un des fabricants d'implants, et des nombreux appels et courriels que nous avons reçus de femmes au Canada qui ne peuvent faire enlever rapidement leurs implants mammaires de silicone non étanches.
Je préciserai tout d'abord que nous avons commis de nombreuses erreurs à l'égard des implants mammaires aux États-Unis, et que j'espère que le Canada fera preuve de plus de sagesse que nous.
Les essais cliniques constituent une source d'information importante sur les risques à court terme des implants mammaires de silicone. Bien que les implants de silicone soient sur le marché depuis plus de 40 ans, on ne procède à des essais cliniques sur les femmes que depuis deux ou trois ans. C'est une grave lacune. Les essais cliniques ont été exécutés par les compagnies d'implants mammaires dans le cadre de leurs démarches pour obtenir l'autorisation de commercialiser les implants aux États-Unis et au Canada, et ils comportent donc un élément de partialité.
En revanche, les études épidémiologiques sont la source principale d'information sur ce qui arrive réellement aux femmes qui ont des implants mammaires depuis au moins cinq ans, mais pratiquement toutes les études épidémiologiques sur les implants mammaires ont été financées par les compagnies qui fabriquent des implants ou des matériels de silicone. En fait, Dow Corning a versé des millions de dollars à une entreprise des États-Unis qui a publié la quasi-totalité des études épidémiologiques sur les implants mammaires. Ce n'est donc peut-être pas par hasard que toutes ces études financées par Dow Corning ont conclu que les implants mammaires étaient sécuritaires.
Toutefois, quand on examine de près ces études en se reportant à la section consacrée aux résultats et non pas simplement aux conclusions, on constate la présence manifeste de problèmes même dans les études financées par Dow. Par exemple, une étude a montré que les femmes qui ont des implants mammaires pendant une période prolongée sont nettement plus susceptibles de signaler des douleurs chroniques aux seins. Leurs seins sont constamment douloureux. Elles ont aussi plus tendance à prendre des antidépresseurs, mais malgré cela, l'étude a conclu que les implants étaient sécuritaires.
Heureusement, un certain nombre de petites études ont été menées par des chercheurs indépendants financés par le gouvernement canadien et le gouvernement américain, et c'est sur ces études que je vais me concentrer aujourd'hui.
La première étude dont je veux parler était menée par des chercheurs de la FDA qui ont examiné le phénomène de la rupture et des fuites des implants. Les chercheurs de la FDA ont constaté que, chez la plupart des femmes qui avaient des implants mammaires depuis au moins sept ans, au moins un de ces implants fuyait, était déchiré, même si elles ne le savaient pas. Il s'agissait de femmes qui étaient heureuses et qui n'avaient pas recherché d'aide médicale. À l'occasion d'un examen IRM, on s'est aperçu qu'au moins un de leurs implants était brisé, et que dans 21 p. 100 des cas l'implant fuyait du tissu cicatriciel pour se répondre dans leur corps.
Les femmes dont les implants fuyaient étaient nettement plus susceptibles de signaler de la fibromyalgie ou d'autres maladies douloureuses et débilitantes. Cette étude montre donc que la durée pendant laquelle les femmes ont eu des implants est importante. Il faut vraiment se concentrer sur les femmes qui ont des implants depuis assez longtemps, et pour savoir si un implant fuit, il faut faire un examen IRM. Les examens cliniques ne le montrent pas.
Ce qui est arrivé à ces femmes, et ce que nous avons constaté en leur parlant, c'est que la plupart d'entre elles étaient très heureuses de leurs implants pendant plusieurs années, parfois pendant de nombreuses années, mais que lentement mais sûrement, les implants se sont mis à fuir. Ils fuient. Les femmes ne s'en rendent pas compte, et en général, après plus de sept ou 10 ans, elles finissent par apprendre trop tard que les implants ont fui dans les ganglions lymphatiques de l'aisselle et que le produit peut à partir de là passer dans les poumons et dans le foie.
Je voudrais commencer par vous parler des problèmes d'esthétique liés aux implants mammaires, puisque les informations concernant la rupture et les fuites sont importantes mais ne sont pas concluantes. Voici une femme de 29 ans dont les implants ont été retirés après sept ans. La contracture capsulaire était si douloureuse qu'elle a préféré faire retirer ses implants plutôt que de les garder. Je signale au passage que cette photo provient du site Web de la FDA.
Ce n'est évidemment pas un résultat intéressant, et ce n'est pas à cela qu'une jeune femme a envie de ressembler, mais voici une femme qui n'a pas été chanceuse. Elle s'appelle Sharyn Noakes. Ses implants ont fui dans ses seins en bon état. Quand on les a enlevés, avec une partie du tissu mammaire, les seins se sont trouvés complètement déformés. Vous voyez qu'ils sont tout plissés, et qu'ils ne ressemblent nullement à des seins normaux.
Voici Kathy Nye, une survivante du cancer du sein qui a souffert de nécrose. Vous devez savoir que quand la peau ou le tissu meurt, il ne repousse pas. Dans ce cas, l'implant sort du sein, et c'est la masse rouge galbée que vous voyez ici. C'est l'implant, et le sang qui l'entoure s'écoule par la déchirure du sein. Inamed, l'un des fabricants d'implants, a constaté un taux de nécrose de 6 p. 100 chez les patientes ayant subi une reconstruction à la suite d'un cancer du sein. C'est un problème grave.
Je vais maintenant vous parler un peu de ce qu'on appelle les symptômes de maladie auto-immune. Ces données ont été présentées à la réunion de la FDA, mais elles n'ont pas été publiées et elles ne sont pas largement diffusées, donc je tiens à vous en faire part. On a demandé aux fabricants d'implants d'interroger les femmes sur leurs symptômes, et ils ont constaté une augmentation statistiquement importante des douleurs et d'autres symptômes auto-immuns après seulement deux ans. Je n'en présente ici que deux. Je n'ai pas voulu vous montrer quelque chose de trop compliqué. Mais vous voyez le pourcentage de femmes qui ont eu ces problèmes au début, et au bout d'un an, et à partir de deux ans il y a une augmentation statistique significative.
La question était donc la suivante. Elles ont deux ans de plus, et elles n'avaient que 30 ans environ au début, donc il n'est pas normal que ces femmes souffrent de douleurs articulaires ou de fatigue chronique, mais que se passe-t-il si l'on tient compte du vieillissement? On a donc demandé à un statisticien de faire cette étude, et comme vous le voyez, même si les symptômes ne progressaient pas aussi rapidement dans le temps, il y avait quand même une hausse significative. Ces symptômes s'accentuent au fil du temps. Ce que ne disent pas ces diapositives, c'est qu'on a effectué une étude qui a montré que quand on a retiré les implants chez ces femmes qui présentaient ces symptômes rhumatologiques, dans plus de 90 p. 100 leur état s'est amélioré.
Aleina Tweed, épidémiologiste du British Columbia Centre of Excellence for Womens' Health, a mené une étude sur des patientes ayant subi une chirurgie d'augmentation mammaire au Canada, et dont la plupart avaient des implants depuis 10 ans ou plus. Elle a conclu que les femmes ayant des implants avaient consulté leurs médecins et spécialistes plus souvent et avaient été hospitalisées quatre fois plus souvent que les autres. Alors, pourquoi ne cite-t-on pas plus souvent cette très importante étude canadienne? Pour une simple raison: parce que personne n'a été payé pour s'occuper des relations publiques afin de la faire connaître. En revanche, quand ce sont les études de Dow Corning qu'on publie pour montrer que les implants sont sans danger, c'est toute une entreprise de relations publiques et toute une vaste machine publicitaire qui se charge faire connaître ces études. On en entend parler. On présente des rapports à leur sujet. Je suis sûr qu'on en a parlé à la réunion de Santé Canada. On en a certainement parlé à la réunion de la FDA.
Le problème des études de Dow Corning, c'est qu'elles ont tendance à inclure des femmes qui ont des implants depuis très peu de temps, un mois, parfois même un jour seulement. Or, tous les épidémiologistes vous diront que les maladies qu'ils examinent, qu'il s'agisse de maladies auto-immunes ou de cancer, prennent du temps pour évoluer. Si l'on veut examiner les maladies auto-immunes, on ne peut pas prendre des femmes qui n'ont un implant que depuis un mois ou même un an. Les études de Dow Corning n'ont donc qu'une valeur statistique réduite puisqu'elles ont porté sur des femmes qui n'avaient des implants que depuis très peu de temps au lieu d'examiner celles qui en avaient depuis plus longtemps. Voilà pourquoi ces études financées par Dow semblent toujours aboutir à des résultats très différents de ceux des études financées par des chercheurs indépendants et notamment gouvernementaux.
Par conséquent, bien qu'on ne puisse pas conclure catégoriquement, d'après les études réalisées, que les implants mammaires provoquent des maladies auto-immunes, on ne peut pas non plus conclure le contraire. Il me semble que la norme au Canada, comme aux États-Unis, est qu'on doit prouver qu'un produit est sécuritaire, et non pas prouver qu'il ne l'est pas.
Je vais vous dire quelques mots de l'étude réalisée par le National Cancer Institute, qui est semblable à l'étude de mortalité dont on vous a parlé aujourd'hui. Je n'avais pas entendu parler de cette étude canadienne sur la mortalité parce qu'elle n'a pas été publiée, mais elle est analogue. Les résultats sont toutefois légèrement différents.
L'étude du National Cancer Institute a porté sur des femmes qui avaient des implants mammaires depuis au moins 12 ans, c'est-à-dire une période plus longue que celle visée par l'étude canadienne, où l'on parlait je crois de 9 ou 10 ans. De plus, les femmes examinées dans l'étude du National Cancer Institute avaient en moyenne des implants depuis 20 ans. C'est très important du point de vue du cancer, puisque le cancer évolue généralement sur 15 ou 20 ans. Ces études sont très difficiles à réaliser, car il faut suivre les femmes pendant longtemps.
L'étude du National Cancer Institute a montré que ces femmes risquaient deux fois plus d'avoir un cancer du cerveau ou du poumon, ou de se suicider. Les données concernant le suicide étaient donc semblables à celles de l'étude canadienne. Celles concernant le cancer du cerveau et le cancer du poumon étaient apparemment différentes.
Comme dans le cas de l'étude canadienne -- une étude remarquablement conçue -- on a fait la comparaison avec des femmes qui avaient subi d'autres chirurgies esthétiques. C'est très important. Je ne sais pas vraiment s'il y a une différence entre l'étude canadienne et l'étude américaine, parce que je n'ai pas vu cette étude canadienne, mais d'après ce que j'en ai entendu dire, les femmes visées par cette étude avaient des implants depuis nettement moins longtemps.
Enfin, j'aimerais vous parler de la qualité et de l'intégrité des données. Les compagnies Inamed et Mentor ont commencé à fabriquer des implants mammaires il y a des années et ont commencé à étudier les femmes qui en avaient en 1990. Si elles avaient poursuivi ces études lancées en 1990, nous disposerions de plus de 15 ans de données et nous pourrions vraiment nous prononcer sur les risques à long terme présentés par ces implants. Malheureusement, après avoir entamé ces recherches, les compagnies ont perdu la trace de leurs patientes et nous n'avons aucune idée de ce qu'elles sont devenues.
L'an dernier, plusieurs employés de Mentor m'ont appelée personnellement, en raison du travail que nous accomplissions sur cette question, pour me dire qu'ils étaient préoccupés par l'inexactitude des données présentées par leur compagnie à la FDA. Ces données étaient reprises dans les journaux américains où ils avaient pu les voir. Après avoir parlé à ces employés de Mentor, je les ai mis en contact avec la FDA, qui a lancé en décembre une enquête qui se poursuit actuellement. Je crois savoir que si la FDA ne s'est pas encore prononcée sur les implants mammaires -- cela fait un an, et c'est très long pour cet organisme -- c'est à cause de cette enquête criminelle en cours. L'un des ingénieurs de Mentor, par exemple, a dit que les fuites d'implants étaient plus fréquentes que ne voulait bien le dire la compagnie.
Enfin, j'aimerais vous signaler qu'une étude de chimie analytique qui vient de sortir a démontré la présence d'un taux très élevé de platine toxique dans le lait maternel de femmes ayant reçu des implants mammaires, ainsi que dans leur sang et leur urine. C'est très important car le platine peut entraîner des dommages neurologiques. C'est une substance très toxique.
Les fabricants d'implants ont prétendu que le platine utilisé dans les implants mammaires n'était pas toxique, mais les chercheurs ont constaté que bien que ce platine ne soit pas toxique quand il est intégré dans l'implant, une fois que l'implant est dans le corps, les choses peuvent changer. C'est aussi très important dans le contexte du cancer du sein. Comme vous le savez peut-être, il y a souvent du platine dans les agents utilisés en chimiothérapie, et par conséquent si une femme reçoit un traitement de chimiothérapie au platine pour un cancer du sein et se fait ensuite greffer des implants mammaires, elle est exposée à des doses particulièrement élevées de platine, ce qui peut être dangereux.
Enfin, j'aimerais vous dire que de nombreuses femmes du Canada se sont adressées à nous. Elles nous ont notamment dit que lorsqu'elles avaient constaté que leurs implants fuyaient et souhaité se les faire enlever, elles avaient eu beaucoup de difficulté à trouver de chirurgiens esthétiques disposés à le faire.
Je pense que le Dr Brown peut vous en parler aussi, puisque c'est un chirurgien esthétique de renom. Plusieurs femmes nous ont dit qu'elles s'étaient adressées à lui et que son personnel leur avait répondu que si elles voulaient se faire enlever des implants mammaires au silicone qui fuyaient dans le cadre du système de soins de santé du Canada, elles allaient devoir attendre au moins un an et demi. Nous trouvons que c'est vraiment un délai très long.
En conclusion, si Santé Canada décide d'autoriser les implants au gel de silicone, nous pensons qu'il y aura plus de femmes à s'en faire greffer, et plus de femmes à devoir se les faire enlever. Je ne suis pas certaine qu'il y ait suffisamment de chirurgiens esthétiques au Canada disposant d'une grande expérience du retrait d'implants mammaires au silicone qui fuient, pour que cette intervention puisse être effectuée dans des délais raisonnables.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.