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La séance est ouverte. Bienvenue à tous.
Chers collègues, il s'agit d'une réunion ordinaire du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Nous poursuivons notre étude sur les applications d'imagerie à l'échelle de la rue et en particulier sur la situation de Google et de Canpages, entre autres.
Nous aurions aimé recevoir des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada en même temps que des représentants de Google et de Canpages, mais ça n'a pas été possible. Les gens de Google seront ici jeudi prochain. Nous recevrons M. Jacob Glick pour la première heure de la réunion jeudi prochain, le 4 novembre.
Nous avons cependant le grand plaisir de recevoir aujourd'hui trois représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui sont venus discuter avec nous de ce sujet précis. Le comité aimerait d'abord accueillir Patricia Kosseim, avocate générale. Elle est accompagnée de Daniel Caron, conseiller juridique, Direction des services juridiques, des politiques et des affaires parlementaires et, ainsi que d'Andrew Patrick, analyste de recherche en technologie de l'information.
Je crois que c'est Mme Kosseim qui va faire la déclaration préliminaire du commissariat. Je l'invite donc à le faire maintenant.
Encore une fois, bienvenue.
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Merci beaucoup. C'est en effet un privilège d'être ici. Nous vous remercions de nous inviter à comparaître devant le comité au moment où vous concluez, je crois, votre étude sur l'imagerie à l'échelle de la rue. Nous sommes ici pour vous aider du mieux que nous pouvons.
Je m'appelle Patricia Kosseim, et je suis avocate générale. Comme le président l'a déjà mentionné, je suis accompagnée de Dan Caron et d'Andrew Patrick, de nos services de consultation en matière de technologie de l'information. Au nom de la commissaire à la protection de la vie privée, je tiens à exprimer aux membres du comité tous ses regrets de ne pouvoir être ici aujourd'hui étant donné qu'elle se trouve actuellement à l'étranger.
J'aimerais vous donner un bref aperçu de certains des développements dans ce domaine depuis la comparution de l'ancienne commissaire adjointe, Elizabeth Denham, devant ce même comité en octobre 2009.
[Français]
L'année dernière, avant le lancement de Google Street View au Canada le 7 octobre 2009, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, de concert avec ses homologues provinciaux de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Québec, a émis une fiche d'information intitulée « Vous êtes photographiés: La technologie de l’imagerie à l’échelle de la rue, Internet et vous ». Cette fiche a pour but de présenter aux Canadiennes et aux Canadiens de plus amples informations relatives aux incidences sur la vie privée que peut avoir l'utilisation des technologies de l'imagerie à l'échelle de la rue.
Nous soulignons nos attentes générales envers les entreprises qui déploient de telles technologies. Nous demandons qu'elles entreprennent les démarches suivantes.
Elles doivent être proactives et créatives afin de s'assurer que les citoyens sont au courant du fait qu'ils sont susceptibles d'être photographiés.
Ces entreprises doivent, de plus, utiliser des technologies de brouillage efficaces et éprouvées des visages et des plaques d'immatriculation.
En troisième lieu, elles doivent offrir des mécanismes rapides et accessibles permettant à ceux qui le veulent de bloquer ou de retirer les images sur demande.
En dernier lieu, elles doivent avoir une bonne raison pour conserver les images originales et non brouillées et doivent, d'une part, limiter la période durant laquelle elles les gardent et, d'autre part, les protéger par des mesures de sécurité appropriées.
Depuis notre dernière comparution devant ce comité sur ce même sujet en octobre 2009, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'a cessé de souligner l'importance de s'assurer que le respect de la vie privée demeure un facteur primordial dans la conception de nouveaux produits et services. Cependant, les événements récents démontrent que les entreprises doivent intégrer encore de meilleurs mécanismes de protection des renseignements personnels dans leurs produits au moment même où elles les conçoivent. La collecte de données transmises sur des réseaux Wi-Fi par les véhicules d'imagerie à l'échelle de la rue de Google constitue un exemple édifiant à cet égard.
[Traduction]
En mai 2010, Google a découvert que, en recueillant de l'information sur les points d'accès de réseau Wi-Fi afin d'améliorer ses services géodépendants, ses voitures-caméras Street View avaient recueilli par inadvertance des données utiles sur des réseaux sans fil non sécurisés. Essentiellement, ces données utiles sont l'information concernant les communications effectuées sur ces réseaux. Google a promptement immobilisé ses voitures-caméras Street View, arrêté de recueillir des données sur les réseaux Wi-Fi et isolé et stocké toutes les données recueillies.
En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques — la LPRPDE —, comme vous le savez, la commissaire peut déposer une plainte relativement aux pratiques de gestion des renseignements personnels d'une entreprise si elle est d'avis qu'il y a des motifs raisonnables de faire enquête sur la situation. Le 1er juin 2010, le commissariat a envoyé une lettre à Google concernant le fait que la commissaire, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi, avait déposé trois plaintes à l'encontre de la société.
Les plaintes déposées par la commissaire étaient les suivantes: premièrement, Google aurait recueilli, utilisé ou communiqué des données utiles sans que les personnes concernées n'en ait eu connaissance et sans leur consentement; deuxièmement, Google aurait procédé à la collecte de données utiles sans avoir défini au préalable les fins pour lesquelles des renseignements personnels ont été recueillis; et, troisièmement, la collecte de données utiles par Google n'aurait pas été limitée à ce qui était nécessaire pour répondre aux points déterminés.
Au cours de notre enquête, des représentants du commissariat, dont M. Patrick, se sont rendus dans les locaux de Google à Mountain View le 19 juillet 2010 afin d'examiner les échantillons des données recueillies par Google. À la suite de cette enquête, au cours de laquelle nous avons eu plusieurs échanges avec Google, la commissaire a émis sa lettre de conclusions préliminaire le 19 octobre 2010.
Comme l'a indiqué la commissaire lors de sa comparution devant le comité le 19 octobre, son enquête a révélé que Google avait recueilli des renseignements personnels de manière inappropriée à partir de réseaux sans fil non sécurisés. Dans certains cas, ces renseignements personnels étaient de nature très délicate, notamment des courriels au complet, des noms d'utilisateur et mots de passe, ainsi que des renseignements sur les troubles médicaux de personnes particulières. Malheureusement, cette collecte de données par inadvertance est le fruit d'une erreur qui aurait pu être facilement évitée si Google avait respecté ses propres procédures.
Essentiellement, ce qui est arrivé, c'est que l'ingénieur qui a élaboré le code en vue d'échantillonner des catégories de données Wi-Fi diffusées publiquement a inclus également un code permettant la collecte de données utiles, croyant que ce type de renseignements pourrait servir un jour à Google. L'ingénieur a déterminé des préoccupations à son avis « superficielles » en matière de vie privée, mais, contrairement à la procédure de la société, il a omis de porter ses préoccupations à l'attention du conseil juridique en matière de produits, dont la responsabilité aurait été de les traiter et de les résoudre avant le lancement du produit.
L'enquête a révélé qu'un certain nombre de principes de protection de la vie privée compris dans la LPRPDE avaient été violés. En conséquence, dans sa lettre de conclusions préliminaire, la commissaire recommandait que Google réexamine et améliore la formation en matière de protection de la vie privée qu'elle offre à tous ses employés afin de conscientiser davantage le personnel et de mieux faire comprendre les obligations de Google en vertu des lois relatives à la protection des renseignements personnels. Elle a également recommandé que Google s'assure d'avoir un modèle de gouvernance en place qui comprend des mesures de contrôle efficaces visant à garantir que toutes les procédures nécessaires pour protéger la vie privée ont été suivies avant le lancement de tout produit ainsi que les noms de personnes clairement désignées qui participent au processus et sont responsables de la conformité quant aux obligations de Google en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels. Enfin, elle a recommandé que Google supprime les données utiles canadiennes qu'elle a recueillies dans la mesure où elle est autorisée à le faire en vertu des lois canadiennes et américaines. Si les données utiles canadiennes ne peuvent être supprimées immédiatement pour des motifs juridiques ou autres, elles doivent être sauvegardées adéquatement, et l'accès à ces dernières doit être limité.
À l'heure actuelle, la commissaire considère que l'affaire n'est pas encore réglée. L'affaire sera considérée comme réglée sur réception, au plus tard le 1er février 2011, de la confirmation que la société a mis en oeuvre les recommandations ci-dessus. La commissaire émettra alors son rapport et ses conclusions finales en conséquence.
Nous nous attendons à ce que Google mette en oeuvre nos recommandations, et nous espérons qu'elle s'assurera dorénavant, au chapitre de la procédure comme à celui de la pratique, que des mesures efficaces pour la protection des renseignements personnels sont intégrées dans ses nouvelles technologies liées à la conception des produits. Le commissariat continuera de s'assurer que les entreprises tiennent compte de la protection des renseignements personnels avant le lancement de nouveaux produits ou services, afin que les Canadiennes et les Canadiens puissent tirer avantage de produits innovateurs qui ont été conçus dans le respect de leur droit à la vie privée et de leurs droits en tant que consommateurs.
Merci.
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Merci beaucoup. Je comprends ce que vous avez dit, et je comprends que vous attendiez jusqu'en janvier. Dans l'intervalle, dois-je comprendre que Google a nié avoir fait quoi que ce soit intentionnellement? Tout ce que nous avons entendu dire, c'est: Désolés, nous avons fait une erreur, les gens n'ont pas été formés adéquatement, et ainsi de suite.
Dans l'intervalle, pensez-vous pouvoir croire en la parole des gens de Google concernant le fait qu'ils vont agir dans le sens des intentions qu'ils ont exprimées, au moins, s'ils ne font pas tout ce qu'ils ont dit être disposés à faire? Et y a-t-il des préoccupations réelles quant au fait que des employés de Google, s'ils ont accès à cette information, pourraient l'utiliser à des fins personnelles dans certains cas, lorsqu'ils connaissent certaines des personnes concernées, et qu'ils pourraient soit psychologiquement soit d'une autre façon faire du chantage et utiliser cette information pour nuire à une personne qu'ils connaissent personnellement dans le cadre de conversations en privé. Êtes-vous convaincue que ce n'est pas ce qui est en train de se passer? C'est ma première question.
Ensuite, vous savez que, en Europe, on a pris des mesures beaucoup plus strictes que ce que, je crois, la commissaire à la protection de la vie privée propose à Google ici, c'est-à-dire que Google se prenne en mains et fasse ce qu'elle est censée faire. Il semble que ce n'est pas la façon dont on voit les choses en Italie et en Europe en général. Ce qu'ils demandent, c'est que Google appose des autocollants sur ses camions pour indiquer qu'elle recueille des données utiles et qu'elle avise les collectivités qu'elle visite trois jours à l'avance, par une quelconque forme de communiqué, d'affiche ou d'autres choses, et aussi à la radio et dans les journaux, pour que les gens puissent interrompre leurs activités au moment de la visite. Parce qu'il s'agit réellement d'une atteinte à la vie privée. Ça pourrait être sérieux dans bien des cas. Ça pourrait entraîner toutes sortes de conséquences fâcheuses pour les gens, pas seulement parce qu'ils pourraient se retrouver dans une situation embarrassante, mais aussi parce qu'il pourrait y avoir des vols. Des gens pourront très bien savoir quand d'autres seront chez eux, quand ils prennent leurs vacances, et pourraient donc savoir quel moment choisir pour vider leur maison. Il pourrait également y avoir des situations où une personne ne fait que discuter avec quelqu'un, mais où c'est interprété comme étant une activité criminelle, alors que ce n'est pas le cas.
Je pense donc qu'il s'agit d'un enjeu extrêmement important et j'aimerais que vous répondiez à ces deux questions. Un, êtes-vous convaincue? Avez-vous confiance en Google en ce moment? Et deux, que pensez-vous de la réglementation européenne?
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Merci de votre question.
Monsieur le président, je vais y répondre en trois temps.
La première question concernait le fait que nous soyons convaincus ou non que Google va appliquer les recommandations. Nous n'avons pas reçu de réponse officielle de la part de Google. Nous avons lu les journaux, comme vous tous, c'est-à-dire que nous avons lu les déclarations que les gens de Google ont faites dans la presse et selon lesquelles ils se sont engagés à prendre d'importantes mesures pour régler le problème, mais nous attendons toujours la réponse officielle de Google.
La raison pour laquelle la commissaire a envoyé une lettre de conclusions préliminaire, c'est qu'elle ne se contentera pas d'engagements: avant de clore le dossier et de déterminer si tout est bien réglé ou non, elle veut des preuves que les recommandations ont bel et bien été appliquées. Elle attend la mise en oeuvre concrète, et pas de simples engagements. Voilà la première question.
La deuxième question concernait le fait que nous soyons préoccupés ou non par les données qui ont été recueillies de façon inappropriée. Je crois que c'est l'un des éléments qui ont fait l'objet de l'enquête. Les mesures de sécurité que Google a prises pour protéger et isoler les données qui ont été recueillies de façon inappropriée ont été jugées adéquates. Les gens de Google ont placé les données en lieu sûr. Ils ont limité le nombre de copies. Ils ont placé l'information dans un endroit sûr, et je pense que les responsables de l'enquête ont conclu à cet égard que la protection est suffisante en attendant la destruction des données qui aura lieu au bout du compte.
La troisième question concernait les mesures plus strictes qui sont prises en Europe. Je vais y répondre relativement à deux choses. La première, c'est la collecte inappropriée de données à partir de réseaux Wi-Fi, qui est la question qui n'a pas encore été réglée à l'heure actuelle.
Les commissaires à la protection des données n'ont pas les mêmes pouvoirs, comme vous le savez, selon les pays. Il y en a qui ont le pouvoir d'imposer des amendes ou des sanctions pénales. Ils ont tous des pouvoirs différents. Pour ce qui est des différences de réaction, je dirais que, dans une grande mesure, elles ne reflètent pas des différences d'interprétation de la situation sur le plan de la sécurité, mais elles varient plutôt en raison du fait que les pouvoirs des commissaires varient selon le pays.
Notre commissaire a exercé tous les pouvoirs que lui confère la LPRPDE pour mener enquête et pour faire en sorte, dans le cadre de son rôle d'ombudsman, que Google applique ses recommandations avant qu'elle ne puisse clore le dossier et envisager les autres possibilités qui s'offrent à elle dans le cadre de la loi.
Voilà mes commentaires en ce qui a trait aux différentes réactions en Europe et ailleurs dans le monde à l'égard de la question de Google et des réseaux Wi-Fi ainsi que de la collecte inappropriée de données utiles.
En ce qui concerne la technologie d'imagerie à l'échelle de la rue et le déploiement de cette technologie en général, je dirais qu'il y a davantage d'accord et d'harmonie à l'égard des pratiques admises. Vous avez tout à fait raison de dire que nos pratiques exemplaires, établies conjointement avec nos homologues provinciaux, indiquent qu'une pratique exemplaire pour le déploiement de cette technologie consiste à aviser les habitants d'un quartier avant d'y envoyer des voitures Google ou d'autres voitures. L'avis peut se faire soit au moyen d'une annonce publique, soit en marquant les voitures de façon adéquate, et ainsi de suite. Des pratiques exemplaires ont été recommandées et suivies.
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Maître Kosseim, monsieur Caron et monsieur Patrick, je veux vous remercier d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais parler de Google. J'ai un peu de difficulté à accepter ce qui se passe avec cette entreprise internationale. Elle est partout, elle s'installe partout et je dois dire qu'elle agit un peu cavalièrement. En effet, dire que c'était une erreur est une explication, à mon sens, complètement farfelue. Quand on a les pouvoirs, la technologie et la structure de Google, si on est une entreprise socialement responsable, on fait en sorte que la formation ait été donnée et que ce soit sérieux. Google recueille de l'information sur la vie privée des gens de façon... En fait, mes renseignements personnels et les vôtres deviennent des produits sur le marché.
Cette multinationale s'installe dans tous les pays. Un commissaire protège les renseignements personnels en Allemagne, un autre fait la même chose en Australie, il y en a un au Canada et un autre au Québec. Ne pouvez-vous pas vous concerter pour essayer d'uniformiser les demandes faites à Google? Actuellement, c'est David contre Goliath, selon moi. Chaque fois que vous faites un mouvement, Google développe une nouvelle technologie, et il y aura peut-être une erreur. C'est ma première question.
Je voudrais poser la deuxième à M. Patrick. Est-il allé avec Mme Stoddart visiter Google cet été? A-t-il fait le voyage?
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Je vais répondre à la première question, si vous me le permettez, monsieur le président, et ensuite je demanderai à mon collègue de répondre à la deuxième question de Mme la députée.
Premièrement, était-il farfelu de parler d'erreur? Oui. Cette erreur aurait-elle pu être prévenue? Oui. Google avait-elle adopté des procédures permettant de s'assurer qu'une telle erreur ne se produirait pas? Oui. Est-ce que les procédures ont été suivies? Non, et c'est à cet égard que la commissaire a réagi plus fortement, pour le Wi-Fi, comme dans le cas de Google Buzz et de celui de Google Street View. Le message clé de la commissaire a été que quand ces nouvelles technologies sont développées, les procédures pour assurer la protection doivent être mises en place et suivies dès la conception et le développement du produit, et non pas juste quand une erreur se produit. C'est le message clé. Il faut que ces mesures soient suivies immédiatement et qu'il y ait des mécanismes de contrôle pour s'assurer qu'ils ont été suivis dans chaque cas.
Serait-il préférable d'harmoniser les réactions face aux différentes technologies développées par Google? C'est en effet le souhait de beaucoup de commissaires de partout dans le monde ayant des pouvoirs dans le domaine de la protection de la vie privée. De plus en plus, ils veulent travailler ensemble pour faire face à de grandes entreprises mondiales comme Google. Maintenant, la possibilité de le faire varie de commissaire à commissaire étant donné qu'ils n'ont pas tous les mêmes pouvoirs sur le plan de l'échange d'information avec leurs homologues d'ailleurs dans le monde.
Ainsi, en ce qui a trait au projet de loi qui est devant vous, soit la Loi visant l'élimination des pourriels sur les réseaux Internet et sans fil, il apporterait un amendement clé à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui permettrait dorénavant à notre commissaire d'échanger librement les informations qu'elle reçoit dans le cadre de ses enquêtes avec ses homologues d'ailleurs dans le monde, pour pouvoir réagir de façon plus concertée et harmonisée, et faire face à de grandes entreprises comme Google.
Si vous me le permettez, je demanderai au Dr Patrick de répondre à votre prochaine question.
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À ma connaissance, et pour être juste, je ne pense pas qu'ils se sont faits prendre par les Allemands. Je crois que, incités par les questions, ils se sont essentiellement pris eux-mêmes, ont repéré l'infraction et l'ont annoncée immédiatement. Je n'ai aucune connaissance directe de la chose, mais c'est ce que j'ai compris.
Je pense que, si le danger n'avait pas été cerné au moment où il l'a été, il aurait continué d'exister simplement en raison de la complaisance des responsables, parce qu'on pensait qu'il s'agissait, pour reprendre l'expression utilisée par l'ingénieur, de « préoccupations superficielles concernant la vie privée ». Ce qu'on croyait, c'est que les données recueillies seraient de toute façon très embrouillées en raison de la vitesse à laquelle les voitures passaient devant la source, ce qui les rendrait impossibles à interpréter. On pensait que ce ne serait pas des données ayant un sens. Je pense que le danger qu'aurait posé le fait de ne pas cerner et régler immédiatement le problème, ça aurait été la complaisance avec laquelle on aurait continué de ne pas chercher à comprendre les répercussions sur la vie privée, et, bien entendu, plus on recueille de données, plus le risque est grand qu'il y ait une atteinte à la vie privée des citoyens.
Voilà essentiellement quels sont les risques, et, comme nous l'avons constaté dans d'autres cas, plus on recueille de données, plus grand est le risque que ces données soient utilisées à des fins inappropriées. Le risque de fuite ou d'un autre type d'infraction devient plus important. Il ne fait que s'accroître à partir de là.
Plutôt que de continuer dans la même veine que tout le monde, je vais vous poser des questions sur ce que nous devons faire.
Dans le cadre d'une rencontre internationale, il est évident que les gens comme la commissaire se réunissent pour envisager ce qu'il faut faire. Nous avons certainement tiré des leçons de l'affaire Google Street View. J'ai été un peu étonnée d'apprendre qu'un ingénieur peut décider seul qu'il s'agit d'une préoccupation « superficielle » à l'égard de la vie privée et continuer son travail. Il me semble n'y avoir aucune formation sur la vie privée. Ils ont nommé Alma Whitten au poste de directrice de la vie privée; savons-nous qui est cette personne ou si elle a quelconque idée de ce qu'est le respect de la vie privée? Est-ce que les personnes qui occupent le même genre de poste au sein de plein d'autres entreprises qui sont de toute évidence à l'origine de nos progrès sur le plan technologique participeraient à la réunion des commissaires à la protection de la vie privée? Où pouvons-nous trouver les critères de base pour ce qui est de déterminer ce qui constitue une vraie préoccupation concernant la vie privée ou une préoccupation d'importance moyenne, ou encore ce qu'on a appelé une préoccupation « superficielle »? Nous sommes toujours en terrain nouveau, et je pense que, même en médecine, nous avons appris à la dure que les lois suivent vraiment difficilement le rythme de l'évolution technologique.
Avez-vous des observations quant à ce que vous aimeriez nous voir écrire dans un rapport concernant ce qu'il faut faire? Est-ce que ça pourrait être que la commissaire a besoin de pouvoirs s'approchant davantage de ceux de ses homologues étrangers? En même temps, le NHS est en mesure d'indiquer aux gens où se trouve l'endroit le plus proche où ils peuvent suivre un cours pour arrêter de fumer, et c'est probablement une bonne chose, alors où trouvons-nous l'équilibre entre la nécessité d'aider les citoyens à trouver les choses qui sont pertinentes par rapport à leurs besoins et qui répondent à leurs besoins et le respect de leur vie privée?
Je pense que l'exemple était assez flagrant. Tout à coup, Google commençait à recueillir toutes ces données sans aucune autorisation préalable, sans préavis et sans respect. Une personne plus éclairée au sujet du respect de la vie privée qu'une entreprise privée devrait en fait procéder comme nous le ferions, c'est-à-dire au moyen d'une contestation juridique et d'une contestation fondée sur la Charte. Nous chercherions à savoir si ça passerait ou non avant de commencer à recueillir tout ça.
Si vous aviez à rédiger les recommandations du comité quant à ce que nous avons appris et les mesures à prendre de façon plus proactive, quelles seraient ces recommandations? Si vous ne les avez pas devant vous, pourriez-vous les envoyer au comité?
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C'est une très bonne question. Merci.
Nous allons peut-être faire comme vous dites et y réfléchir davantage puis vous envoyer les recommandations plus tard. Je suis certaine que les gens de notre commissariat seraient heureux de le faire, mais permettez-moi de vous donner quelques suggestions dès maintenant.
Je pourrais commencer par répéter le message clé de la commissaire et de ses homologues des autres pays, c'est-à-dire de faire savoir à toutes les organisations — mais surtout aux organisations modèles comme Google, qui donnent le ton à l'échelle internationale — qu'elles doivent prendre des mesures proactives pour éviter les risques avant le déploiement de produits et de services. Il s'agit d'un message clé; si vous pouviez le répéter, je pense que ce serait très utile.
Il y a d'autres choses que le Parlement envisage en ce moment et qui pourraient beaucoup nous aider par rapport à ce que nous devons faire à partir de maintenant. L'une de ces choses, c'est de conférer à la commissaire les pouvoirs et l'autorité nécessaires pour échanger de l'information au sujet des enquêtes en cours avec ses homologues des autres pays, de façon à ce qu'elle puisse comparer les renseignements dont elle dispose avec ses collègues allemands, britanniques, irlandais et australiens et discuter de ce que nous avons constaté, de ce qu'ils ont constaté et de ce que nous devons faire ensemble pour agir avant que ne surviennent les problèmes.
À l'heure actuelle, la commissaire ne peut pas faire cela, mais le projet de loi C-28 lui conférerait les pouvoirs voulus pour échanger l'information et collaborer de façon encore plus étroite qu'à l'heure actuelle avec ses homologues étrangers dans le but de régler ces problèmes qui touchent l'ensemble du monde.
Un autre changement auquel pourrait procéder le Parlement, ce serait de lui accorder le pouvoir de choisir à quelles plaintes elle donne suite. En ce moment, elle est tenue d'enquêter sur toutes les plaintes, ce qui prend vraiment beaucoup de ressources, comme vous le savez. Si elle avait le pouvoir d'établir les priorités et de décider quels sont les vrais risques, de recevoir certaines plaintes et de ne pas mener d'enquêtes sur d'autres, alors elle pourrait affecter les ressources de façon plus stratégique pour cibler les risques les plus importants — comme le cas de Google de notre exemple — et affecter les ressources dont elle dispose en conséquence. Ce pouvoir serait utile.
Enfin, un autre changement qui est proposé au Parlement, c'est le projet de loi C-29, les modifications de la LPRPDE. Comme vous le savez, ces modifications feraient en sorte qu'il serait obligatoire pour les organisations de signaler une infraction. Voilà qui serait très utile pour faire en sorte que les cas d'infraction soient connus et qu'on puisse les régler.
Je ne siège habituellement pas au comité, alors si certaines de mes questions ne sont pas tout à fait pertinentes, c'est peut-être la raison.
Madame Kosseim, je trouve tout cela très inquiétant. Il semble que vous en parliez de façon plutôt subtile, au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Je ne connais pas le contexte. D'après ce que j'ai lu, l'entreprise compte 23 000 employés. La technologie ne fait pas partie de l'information principale pour elle. Je lis ici — corrigez-moi si je me trompe — que Google a dit vendredi que son objectif est de s'assurer que les travailleurs respectent les règles. L'entreprise instaure également des mesures de protection de la vie privée plus strictes, et elle va s'assurer qu'à partir de maintenant, ses employés comprennent ce qu'est le respect de la vie privée. Je trouve cela révoltant
Les gens de Google ont dit ça il y a quelques jours seulement, en octobre, et ça dure depuis un an. Il s'agit d'une entreprise qui s'immisce dans la vie privée des gens. Les gens de Google passent dans votre rue, prennent des photos de votre maison, des photos de votre voiture, des photos des gens qui se trouvent dans votre cour, et ainsi de suite, et ils disent: « Oh, on va rendre tout ça flou ».
Selon la partie concernant la plainte du 1er juin, Google a recueilli et utilisé des données sans en aviser la personne concernée au préalable. Les gens de Google ne se sont bel et bien pas demandé si, avant de s'immiscer dans la vie privée d'une personne, il fallait peut-être la prévenir. Ils ont dit qu'ils l'ont fait sans identifier la personne avant, ce qui veut dire qu'ils n'ont même jamais pensé à identifier les gens et à leur parler.
Le pire, c'est qu'ils recueillaient des données sans aucun but précis. Je sais que vous avez dit tout à l'heure qu'ils ne le savaient pas. Pour eux, ils allaient passer dans les rues, et les images seraient rendues floues, peu importe le mot employé, et ils n'ont pas réfléchi. Je pense que la chose la plus importante, en fait, c'est qu'ils n'ont tout simplement pas réfléchi.
Je ne veux pas être cruel, mais ça me pousserait à croire que ça amènerait vraiment les gens à penser à la corruption. Ça m'amène vraiment à croire que nous sommes maintenant en présence d'une énorme multinationale qui a l'intention de trouver une façon de faire de l'argent. L'un de mes collègues a mentionné que les gens de Google s'intéressent au cinéma et qu'ils font le tour des collectivités pour prendre des photos des propriétés des gens sans que ceux-ci ne le sachent. Ça fait un moment qu'ils le font.
J'ai une question. Pendant combien de temps ont-ils fait ça avant de se faire prendre? Je sais que vous avez dit qu'ils ne se sont pas fait prendre, mais c'était bien le cas. Combien de temps cela a-t-il pris avant que quelqu'un se rende compte que l'entreprise prenait des photos de choses concernant la vie privée des gens et qu'il fallait peut-être arrêter, parce qu'on s'en était rendu compte? Pendant combien de temps est-ce que ça a duré avant que ça ne finisse pour vrai?
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Non, je veux simplement être claire et juste dans les observations que je fais en son nom.
Elle a immédiatement lancé le processus de plainte, elle a mené l'enquête avec diligence pour cerner le noeud du problème et elle a créé un précédent en disant: « Je ne veux pas de simples engagements de votre part à faire quelque chose. Je veux que vous me montriez que ça a été fait avant que je n'accepte de dire que le problème est réglé. » Je crois que que ça aussi, c'est important, pour indiquer la gravité de la situation.
L'autre chose que je tiens à préciser, c'est qu'il s'agit de deux technologies différentes ou de deux déploiements différents. Dans un cas, il s'agit de prendre des photos, ce qui se fait depuis beaucoup plus longtemps et qui a fait l'objet d'une lettre envoyée par la commissaire à l'organisation en 2007 pour lui signaler le fait que cela posait certains problèmes pour elle. Le dialogue visant à faire en sorte que l'entreprise adapte ses pratiques pour qu'elles soient conformes aux lois canadiennes en matière de protection de la vie privée dure donc depuis longtemps. Voilà la première chose.
Ensuite, l'innovation la plus récente, c'est le fait de capter des signaux radio émis par des réseaux Wi-Fi ou des signaux Wi-Fi diffusés publiquement. C'est quelque chose de très récent. Comme je l'ai dit, je sais seulement que le 27 avril, nous avons été informés du fait que Google faisait cela et qu'en mai, il y a eu un problème. La commissaire a réagi le 30 mai.
Je veux reprendre un point que ma collègue, Mme Bennett, a abordé. Elle a parlé du fait que des secteurs de la technologie évoluent très rapidement en parallèle — nous sommes tous les deux médecins — et en médecine, c'est ainsi que ça se passe. Cependant, les gens qui utilisent les outils technologiques en question, par exemple les médecins, ont automatiquement un code d'éthique. Notre code d'éthique, c'est de ne pas causer de préjudice. Ce que je veux dire, c'est que le principe de précaution est inhérent à notre domaine.
Comme la technologie des communications, entre autres, évolue si rapidement — nous parlons de ce que les gens de Google ont fait — nous devrions réfléchir à ce qu'ils pourraient faire. Ce n'est que très récemment qu'ils ont été en mesure d'élaborer les outils technologiques leur permettant de recueillir de l'information personnelle à partir d'un réseau Wi-Fi.
S'il existe des entreprises qui ont les moyens techniques de recueillir des données ou de l'information ou de faire des choses qui pourraient causer préjudice, comment faire pour mettre au point un règlement ou une loi? Il est clair que les entreprises ne le font pas. Je ne veux pas m'apesantir sur le cas de Google, mais le fait que les gens de Google n'aient pas pris le temps de réfléchir et qu'ils jugeaient que c'était quelque chose de superficiel m'indique qu'ils ne croyaient pas que ça valait la peine, que la question du respect de la vie privée est une question superficielle et qu'on s'en balance.
Comment nous y prendre pour mettre au point une loi qui garantisse l'existence de règles éthiques et l'application du principe de précaution visant les entreprises qui ont accès à des outils technologiques préjudiciables? Et Mme Bennett a parlé des avantages de la technologie, et il faut trouver l'équilibre. Comment intégrer cela à une loi ou un règlement qui pourrait prévoir l'obligation de tenir compte des principes de précaution? Lorsque vos outils technologiques évoluent si rapidement, vous devez toujours envisager le mal qu'ils peuvent faire. Je suis ici pour vous dire qu'un médecin ou un radiologiste qui blesserait un patient en utilisant une toute nouvelle technologie et qui serait traîné devant les tribunaux ne pourrait pas dire qu'il ne savait pas ce qui arriverait. Je suis désolée, mais c'est inacceptable. Il faut toujours peser le pour et le contre. Il y a beaucoup d'éléments positifs dans cette technologie, mais il faut tenir compte du mal qu'elle peut faire.
Est-il important d'intégrer ce genre de règle ou ce libellé dans la loi, et pas seulement dans le contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels? Je veux dire: ça touche aussi la loi sur les communications.
Votre conseiller juridique est peut-être mieux placé pour répondre à cette question. Que pouvons-nous faire, comme législateurs, lorsque nous constatons l'existence d'une échappatoire, d'une ouverture que nous n'avions pas remarquée, pour assurer une protection et prévenir tout préjudice dans l'avenir?
Cette technologie évolue trop vite. Nous sommes en train de discuter... et, demain, nous parlerons peut-être de quelque chose de totalement différent. Il faut donc faire intervenir le principe de précaution.
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Merci, monsieur le président.
On remarque qu'il y a un consensus chez les parlementaires. Mme Davidson, Mme Fry, M. Albrecht et M. Siksay l'ont mentionné. Nous sommes vraiment inquiets de la situation, de ce qui se passe avec Google Street View et en raison de toutes les dérogations qu'ils ont eues.
J'ai entre les mains tout un dossier. L'Allemagne et la France songent même à interdire Google parce qu'ils trouvent que cela va vraiment trop loin. Je regarde tous les pays. Nous sommes tous à regarder et à laisser Google continuer à agir. Quel est notre intérêt? Je me pose la question. Pourquoi n'importe quelle technologie peut-elle surgir ainsi sans que nous fassions autre chose que de nous regarder bêtement et de laisser les gens faire les choses à leur manière, cavalièrement?
Ma deuxième question est la suivante. À la suite de tout ce brouhaha, Google a décidé de nommer Mme Alma Whitten au poste de responsable de la politique en matière de vie privée. En fait, cette femme sera, je pense, le bouc émissaire. Elle va tenter de gérer l'espèce de monstre qu'est Google avec toutes ses tentacules. A-t-elle une formation? Travaille-t-elle avec les commissaires des différents pays? Que fait cette dame?
Par après, j'aurais une troisième question. Je ne sais pas si je vais avoir le temps.