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Bonjour, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité.
[Français]
Il me fait plaisir de revenir vous rencontrer aujourdhui pour discuter du processus d'enquête que nous utilisons. J'aimerais aussi discuter brièvement du tout prochain examen législatif, et c'est avec plaisir que je répondrai à toute question supplémentaire que vous pourrez poser concernant les récentes modifications au Règlement désignant certains postes comme postes de titulaire d'une charge publique désignée.
Je suis accompagnée de M. René Leblanc, commissaire adjoint, et de M. Bruce Bergen, avocat-conseil principal.
J'ai un exposé en PowerPoint pour résumer les principaux points que je vais aborder aujourd'hui concernant le processus d'enquête. Je crois que vous avez déjà reçu une copie de cet exposé.
[Traduction]
La Loi sur le lobbying est entrée en vigueur en juillet 2008 afin de renforcer la transparence des activités de lobbying et aider à relever le niveau de confiance des Canadiens concernant l'intégrité du processus de prise de décisions au gouvernement.
Mon mandat comporte trois grands volets: établir et tenir à jour un registre des lobbyistes, lequel constitue notre principal outil pour accroître la divulgation et la transparence; rejoindre les lobbyistes, leurs clients et les titulaires d'une charge publique en vue de les sensibiliser à la loi; et assurer la conformité à la loi.
Aujourd’hui, je mettrai l’accent principalement sur la façon dont j’assure la conformité à la Loi sur le lobbying et au Code de déontologie des lobbyistes. Mon équipe d’enquête comprend un directeur, quatre enquêteurs principaux et un agent de la conformité. Chaque année, je fais rapport au Parlement et au présent comité concernant mes activités en la matière et sur d’autres points. L’équipe d’enquête est responsable de mener les examens administratifs et les enquêtes. L’équipe vérifie les rapports mensuels de communications et mène des examens suite aux demandes d’exemption. Elle fait aussi le suivi des renseignements disponibles au grand public, notamment les articles parus dans les médias, les média sociaux et le registre des lobbyistes, afin de repérer d’éventuelles infractions à la loi ou au code.
En plus de repérer d’éventuelles infractions au moyen de nos propres observations dans les médias et autres sources d’information publiquement disponibles, nous pouvons recevoir des allégations de n’importe quelle personne désirant informer le commissariat d’une infraction soupçonnée à la Loi sur le lobbying ou au Code de déontologie des lobbyistes. Je prends au sérieux toute allégation et j’évalue chacune d’elles avant de décider s’il y a lieu d’intervenir. Toutefois, si j’ai des raisons de croire qu’une affaire fait déjà l’objet d’une enquête par un agent de la paix, notamment par la Gendarmerie royale du Canada, je communique avec cet agent pour déterminer si je dois ou non poursuivre mon examen de l’affaire.
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le lobbying en juillet 2008, j’ai suspendu l’examen de deux dossiers. Si personne d’autre ne mène une enquête dans l’affaire et que je soupçonne une infraction à la loi ou au code, j’entamerai un examen administratif. Les infractions à la Loi sur le lobbying ont principalement trait à l’enregistrement. Par exemple, omettre de s’enregistrer comme lobbyiste, omettre de s’enregistrer dans le délai prescrit, omettre des renseignements requis lors de son enregistrement, omettre de se conformer à une demande de renseignements et omettre de préciser ou de corriger des renseignements dans le registre des lobbyistes.
La communication de renseignements faux ou trompeurs dans un enregistrement ou dans tout autre document constitue aussi une infraction à la loi. En ce qui concerne le Code de déontologie des lobbyistes, il est important de remarquer qu’il ne s’agit pas d’un texte réglementaire. Les infractions au code ne comportent pas d’amende ni de peine d’emprisonnement. La loi m’oblige à déposer un rapport d’enquête devant les deux chambres lorsque je termine une enquête relativement à une infraction au code.
J’aimerais porter à votre attention l’examen administratif, qui est le volet de collecte des faits dans notre processus d’enquête. Ce processus a pour objet de me fournir suffisamment d’information pour déterminer s’il y a matière à entamer une enquête en bonne et due forme ou si une autre mesure est préférable. Durant un examen administratif, mes enquêteurs essaient de déterminer s’il y a eu infraction aux termes de la loi, ce qu’ils font en cherchant la réponse aux questions comme: est-ce que l’activité est un genre de communication qui doit être rapporté dans le registre? La personne a-t-elle exercé contre rémunération des activités de lobbying? S’il s’agit de lobbyistes salariés, ont-ils franchi la règle « d’une partie importante des fonctions »? La rencontre a-t-elle été prévue à l’avance?
En ce qui a trait aux infractions du code, telles que de la règle 8 par exemple, ils tenteront de déterminer jusqu’à quel point le lobbyiste a pu faire avancer l’intérêt privé d’un titulaire d’une charge publique.
Le processus d’examen administratif est exhaustif car il pourrait donner lieu à une enquête de la GRC. De plus, toutes mes décisions peuvent faire l’objet d’une requête d’examen judiciaire devant la Cour fédérale. La durée d’un examen administratif variera dans chaque affaire, selon la complexité du dossier, la disponibilité de témoins et d’autres facteurs encore.
Un examen administratif peut donner lieu à l’un de quatre résultats.
L’examen est abandonné parce que l’allégation est dénuée de fondement. Les motifs selon lesquels une allégation est dénuée de fondement peuvent être qu’il ne s’agissait pas d’une activité devant être rapportée, que l’activité n’a pas été entreprise contre rémunération, et que le sujet ne rencontrait pas le seuil d’une « partie importante des fonctions ». Dans ces cas, j’avise alors la personne concernée et le plaignant par écrit de ce résultat. Depuis juillet 2008, j’ai abandonné neuf dossiers parce que les allégations étaient dénuées de fondement.
Il est possible aussi que je mette fin à l’examen administratif même si l’allégation est bien fondée. Lorsque je considère que l’infraction n’est pas assez grave pour être renvoyée à la GRC, je peux décider de prendre d’autres mesures que je considère plus appropriées pour assurer la conformité à la loi. Ces mesures peuvent prendre la forme d’éducation de la personne concernée ou d’une demande de rectification des renseignements consignés dans le registre des lobbyistes. Ces affaires font également l’objet d’un suivi subséquent, ce qui est important pour être en mesure de démontrer l’intention ou la négligence si je décide de renvoyer l’affaire à la GRC. Depuis juillet 2008, j’ai mis fin à l’examen de 16 dossiers pour lesquels l’allégation était bien fondée et j’ai eu recours à des mesures autres que judiciaires.
Lorsque je détermine qu’une allégation est grave et qu’elle semble bien fondée, je peux entamer une enquête en bonne et due forme si j’ai des raisons de croire qu’une enquête est nécessaire pour assurer la conformité à la Loi sur le lobbying et au Code de déontologie des lobbyistes. Par contre, si j’ai des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise aux termes de la Loi sur le lobbying ou de toute autre loi adoptée par le Parlement, je dois renvoyer l’affaire à un agent de la paix.
[Français]
Depuis juillet 2008, j'ai mis en marche huit enquêtes. Le processus d'enquête est similaire à un examen administratif. Une des principales différences est qu'une fois l'enquête commencée, je peux assigner à comparaître des personnes et je peux exiger la production de documents. Jusqu'à maintenant, mon expérience est que les témoins coopèrent et répondent à nos demandes, et je n'ai pas eu recours à ces pouvoirs.
Au terme d'une enquête, l'équipe d'enquête me présente un rapport résumant le dossier. La loi prévoit que je donne à la personne concernée l'occasion de présenter son point de vue. Afin d'assurer l'application régulière de la loi, la politique est de partager le rapport que je reçois de mon équipe d'enquête avec la personne et de lui donner 30 jours pour y répondre.
[Traduction]
Depuis juillet 2008, j’ai renvoyé six dossiers à la GRC. Je leur fournis un dossier complet et bien documenté, ainsi que tous les documents à l’appui. Lorsque je renvoie un dossier à la GRC, la loi m’oblige à suspendre mon enquête jusqu’à ce que les procédures policières ou judiciaires soient terminées. Une fois que la GRC ou le procureur fédéral a terminé son travail, je peux reprendre l’enquête comme une enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes si j’ai des motifs suffisants de le faire.
La Loi sur le lobbying prévoit des peines qui peuvent être imposées sur déclaration de culpabilité. Une amende pouvant atteindre 50 000 $ et l’emprisonnement pour une durée ne dépassant pas six mois pour une déclaration intentionnellement fausse ou trompeuse ou pour l’omission de produire une déclaration, et ce, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. L’amende maximale peut atteindre 200 000 $, et la peine d’emprisonnement jusqu’à deux ans, si la condamnation fait suite à une mise en accusation.
Si une personne est condamnée pour une infraction aux termes de la Loi sur le lobbying, je peux également lui interdire d’exercer des activités de lobbying pendant une période allant jusqu’à deux ans. Toutefois, à ce jour, aucune accusation n’a été portée en application de la Loi sur le lobbying.
Comme je l’ai déjà mentionné, le Code de déontologie des lobbyistes n’est pas un texte réglementaire et aucune amende ou peine d’emprisonnement n’est prévue si on enfreint le code. Je dois, toutefois, présenter un rapport d’enquête aux deux chambres pour exposer mes constatations, mes conclusions et les motifs à l’appui lorsque prend fin une enquête visant à examiner une infraction alléguée au code.
Lorsque je prépare un rapport d’enquête que j’ai l’intention de déposer devant le Parlement pour exposer mes constatations et mon raisonnement, je prends en considération toute l’information qui m’est présentée pour en venir à mes propres conclusions dans le dossier. Je prends en considération le rapport que m’a remis mon équipe d’enquête de même que le point de vue de la personne concernée.
Je m’attends à déposer devant les chambres un certain nombre de rapports d’enquête durant le présent exercice financier. Mes rapports d’enquête ont principalement pour objet d’exposer les fautes et les infractions à la loi et au code, et de dissuader le lobbyiste de commettre à nouveau cette infraction. Mon prédécesseur a déposé quatre rapports au Parlement en 2007, dans lesquels il indiquait que des allégations de lobbying non-enregistré était bien fondées et, en conséquence, que le lobbyiste sous enquête avait enfreint le Code de déontologie des lobbyistes. En outre, les rapports au Parlement incitent tous les lobbyistes à se conformer à la loi et au code.
En terminant, j’aimerais vous faire part de mon point de vue concernant certains points que vous pourriez vouloir considérer dans le contexte du prochain examen législatif. Quelque 5 000 sont enregistrés pour faire du lobbying auprès de titulaires d’une charge publique fédérale et, chaque mois, des centaines de communications auprès de titulaires d’une charge publique désignée sont divulguées par des lobbyistes.
Les questions que j’aimerais soulever résultent de mon expérience avec la loi. Plusieurs lobbyistes ont volontairement déclaré avoir fait un enregistrement tardif. Il est encourageant de constater qu’un nombre croissant de lobbyistes déclarent volontairement des contraventions à la loi. Durant le présent exercice financier, neuf des 23 examens administratifs entamés par mon commissariat résultent de telles déclarations volontaires.
Toutefois, mon expérience de l’application de la loi m’a permis d’identifier des améliorations possibles qui pourraient être considérées dans le cadre de l’examen législatif. Par exemple, les mesures de conformité qui sont accordées à la commissaire aux termes de la loi sont-elles appropriées aux différents types d’infraction? La seule option d’exécution à ma disposition pour les infractions à la loi, c’est le renvoi à la GRC.
Les peines sont plus sévères depuis la mise en œuvre de la Loi sur le lobbying, mais à ce jour personne n’a été accusé. Il semble que la GRC et le procureur fédéral déposent les accusations à partir d’un seuil assez élevé. Par conséquent, des accusations n’ont pas été portées dans dix des 11 dossiers renvoyés à la GRC depuis 2005. Un dossier demeure auprès de la GRC pour son examen.
Dans le seul cas de lobbying qui ait résulté en une sanction, le Procureur général a préféré comme redressement pour cette infraction à la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes fédérale un mode alternatif de règlement de conflit. Aux termes de cette affaire, la personne en cause devait écrire un texte décrivant son expérience et les leçons que peuvent apprendre les anciens fonctionnaires dont les activités subséquentes nécessitent de s’enregistrer aux termes de la loi.
Pour les transgressions moins graves, par exemple la production tardive d’une déclaration mensuelle de communication, je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt public de renvoyer le dossier à la GRC. D’après moi, une telle infraction ne justifie pas une enquête judiciaire. Cependant, les déclarations tardives ont effectivement des répercussions néfastes sur la transparence, et ceux qui ont l’habitude de produire des déclarations tardives peuvent mériter une nouvelle forme de sanction ou de peine, par exemple une sanction administrative pécuniaire, ce qui n’est pas possible actuellement aux termes de la loi. De telles sanctions sont en vigueur dans certaines législations provinciales sur le lobbying et dans d’autres législations fédérales.
Actuellement, la loi ne nécessite pas l’enregistrement d’organismes ou de sociétés dont les employés ne consacrent pas collectivement « une partie importante [de leurs] fonctions » au lobbying auprès de titulaires d’une charge publique désignée fédérale, ou qui ne sont pas rémunérés pour ce faire. En considérant ces questions, il demeure important de se rappeler du fardeau que de tels changements pourraient possiblement créer pour certains. Il est important de garder en tête, à cet égard, les principes sur lesquels la loi repose, en particulier l’intérêt public présenté par la liberté d’accès aux institutions de l’État.
Il pourrait également valoir la peine de revoir les renseignements divulgués dans les déclarations mensuelles de communications. Actuellement, les déclarations mensuelles de communications n’indiquent pas toujours qui a réellement assisté à la rencontre. Dans le cas des enregistrements de lobbyistes-salariés, par exemple, seul l’agent responsable des déclarations est énuméré sur la déclaration mensuelle, plutôt que les lobbyistes qui assistent réellement à la rencontre. Bien qu’on puisse observer que les principaux preneurs de décisions dans les sociétés et organismes doivent être responsables des déclarations mensuelles de communications de leur entreprise, je crois que la transparence serait accrue si les noms des personnes qui exercent réellement les activités de lobbying et qui rencontrent les titulaires d’une charge publique désignée y étaient inclus.
J’aimerais également suggérer que la détermination de ce qu’est une communication orale et arrangée n’est pas toujours aussi simple qu’on pourrait imaginer, et la question mérite une certaine attention.
J’aimerais terminer mes remarques par quelques commentaires concernant le nouveau règlement, qui est entré en vigueur le 20 septembre de cette année. Comme j’ai déjà soulevé cette question de façon assez détaillée lors de ma dernière comparution devant votre comité, je serai brève.
Les députés et les sénateurs ont toujours été considérés comme des titulaires d’une charge publique aux termes de la Loi sur le lobbying. Avant le 20 septembre, les lobbyistes devaient produire une déclaration initiale d’enregistrement lorsqu’ils étaient payés pour communiquer avec vous concernant certains domaines d’activités. Depuis le 20 septembre, ils doivent également divulguer les communications orales et arrangées qu’ils tiennent avec vous dans les déclarations de communications mensuelles.
[Français]
Vous serez probablement intéressés de savoir que pendant le seul mois d'octobre, le nombre de déclarations mensuelles de communication a grimpé à 1 600 alors qu'auparavant, il était d'environ 600 par mois en moyenne. Le Registre des lobbyistes a facilement pu absorber la croissance du nombre de déclarations.
À titre de titulaires d'une charge publique désignée, l'interdiction quinquennale s'applique maintenant à vous. Par conséquent, vous ne pourrez pas travailler comme lobbyistes conseils ni être lobbyistes salariés pour le compte d'un organisme sans but lucratif, lorsque vous quitterez vos fonctions. Toutefois, la loi vous permet de travailler à titre de lobbyistes salariés au sein d'une société, mais seulement si le lobbying ne constitue pas une partie importante de vos fonctions.
La Loi sur le lobbying me confie le pouvoir d'accorder des exemptions à l'interdiction quinquennale, pourvu que cette exemption ne soit pas contraire à l'esprit de la Loi sur le lobbying. À ce jour, j'ai reçu 16 demandes d'exemption et j'ai donné mon consentement dans seulement quatre cas, chaque fois sur la base de circonstances exceptionnelles.
[Traduction]
Lorsque le nouveau règlement est entré en vigueur, j’ai fait parvenir une trousse d’information aux députés et aux sénateurs, ainsi qu’aux présidents des deux chambres du Parlement. J’ai aussi communiqué avec le caucus de chaque parti au Sénat et à la Chambre des Communes pour leur offrir d’aller expliquer le règlement modifié et de répondre aux questions.
Enfin, depuis le 20 septembre, le commissariat a reçu environ 100 demandes de renseignements provenant de lobbyistes, de députés et de sénateurs, à l’égard du nouveau règlement.
[Français]
Je tiens à vous remercier de votre attention et je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.