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Désolé. C'est toujours le problème dans mon cas.
J'aimerais d'abord vous parler des termes « transparence gouvernementale » et « données ouvertes », parce qu'il y a une certaine confusion qui règne à ce sujet. J'ai noté que les deux termes ont été utilisés de façon presqu'interchangeable au sein même de votre comité, et j'estime qu'il s'agit là d'une erreur. Je crois que ce sont deux choses différentes et j'aimerais vous aider à faire la distinction.
La notion de transparence gouvernementale est un concept d'application générale. Je ne veux pas trop m'y attarder, car le terme a bien des acceptions différentes selon les gens qui l'utilisent, mais j'estime qu'un gouvernement transparent est constitué de trois éléments distincts, tout au moins pour les questions qui nous intéressent, et j'aimerais vous parler de chacun d'eux.
Les données ouvertes constituent le premier élément. Il s'agit de faits, d'éléments concrets représentés souvent sous forme de chiffres, parfois au moyen d'une carte. Pour les gens qui sont peu familiers avec les concepts de données ouvertes et de transparence gouvernementale, j'aimerais qu'on considère que les données ouvertes sont celles auxquelles on aurait généralement accès en ouvrant un tableur Excel, par exemple. Plus souvent qu'autrement, il n'y a pas beaucoup de texte. On dit qu'il s'agit de données « lisibles par machine » c'est-à-dire qu'il suffit d'ouvrir Excel pour les consulter. Un budget serait donc un excellent exemple de données ouvertes. Même chose pour une carte.
Je tiens à établir une distinction très nette avec le deuxième élément, à savoir l'information ouverte. On pourrait parler ici d'un rapport rédigé à partir de données ou d'un compte rendu de la situation du pays. On pourrait imaginer à peu près n'importe quoi. C'est généralement l'information ouverte qui est visée par les demandes d'accès à l'information, car il s'agit de documents dont on souhaite prendre connaissance, comme les rapports rédigés par le gouvernement. L'information ouverte et les données ouvertes sont deux choses bien différentes. L'information ouverte est constituée de ce qu'on appelle des données non structurées. Il s'agit de mots, de textes. Les données ouvertes sont des ensembles structurés. On y donne beaucoup de chiffres et la plupart d'entre nous arrivons difficilement à nous y retrouver.
Le troisième et dernier élément est ce qu'on appelle les processus ouverts. Ce sont les outils dont se sert le gouvernement pour éclairer sa prise de décisions. Il peut s'agir aussi bien d'un référendum ou d'une consultation que de travaux d'un comité comme le vôtre, et cela témoigne de la mesure dans laquelle le processus décisionnel est ouvert au sein du gouvernement.
Si j'ai voulu établir la distinction entre ces trois éléments, c'est parce que la gamme d'options possibles est très différente pour chacun d'eux. Ainsi, je ne voudrais surtout pas que votre comité confonde « information ouverte » et « données ouvertes » en formulant des recommandations qui s'appliqueraient uniquement à l'information ouverte, un cadre beaucoup plus limité. Lorsqu'il est question de données ouvertes, les possibilités sont infinies et c'est sur cet aspect que je vais concentrer mes observations.
Depuis quatre ou cinq ans, on a vu exploser la quantité de données que les gouvernements sont disposés à partager avec leurs citoyens. C'est ainsi qu'on a lancé aux États-Unis le site data.gov qui permet aux citoyens américains d'avoir accès gratuitement à plus de 200 000 ensembles de données du gouvernement. Le site est accessible à tous. N'importe qui peut y télécharger des données. Le gouvernement britannique a lancé pour sa part le site data.gov.uk ou plusieurs milliers, voire plusieurs centaines de milliers d'ensembles de données gouvernementales sont désormais accessibles pour téléchargement.
J'ai agi comme conseiller pour le maire de Vancouver... Il y a deux ans, nous avons adopté une motion et lancé un portail de données ouvertes pour la ville de Vancouver. La ville met désormais quelque 160 ensembles de données à la disposition de ses citoyens qui peuvent s'en servir pour rédiger des rapports, concevoir des logiciels ou simplement contribuer à l'amélioration des services municipaux.
La question est importante parce que nous semblons actuellement coincés dans un monde où il faut absolument soumettre une demande d'accès à l'information pour obtenir des données. Il faut comprendre que les gens de ma génération ont grandi avec Google et que la durée moyenne d'une recherche sur Google est d'environ 30 millisecondes. La durée moyenne du traitement d'une demande d'accès à l'information est d'environ quatre mois. Si vous demandez à n'importe quel citoyen de moins de 30 ans ce qu'il pense de l'accès à son gouvernement, il vous dira simplement que rien ne fonctionne. Nous avons un système en place depuis 20, 30 ou 40 ans, qui semblait peut-être bien fonctionner au départ, mais qui apparaît aujourd'hui carrément désuet pour quiconque a toujours vécu à l'ère numérique.
Si j'ai voulu présenter la problématique en trois éléments distincts, c'est que je me rends bien compte que les concepts de processus ouverts et d'information ouverte sont fort délicats, étant donné les nombreux intérêts qui entrent en concurrence, alors qu'en ce qui concerne les données ouvertes, je crois que nous pouvons réaliser des gains importants en faisant évoluer les choses très rapidement.
Nous pouvons concevoir un système qui produit des résultats pour absolument tous les citoyens, et non seulement pour un petit groupe de journalistes ou de gens suffisamment intéressés pour être prêts à attendre pendant des mois afin d'obtenir un document gouvernemental. Je crois que nous pouvons faire beaucoup mieux.
J'aimerais vous parler brièvement du principe fondamental qui devrait sous-tendre les améliorations à apporter à ce chapitre. J'estime que c'est un principe que l'on perd de vue dans tout le débat entourant l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et le secret gouvernemental. L'information que le gouvernement recueille au sujet de la vie au pays, à propos des citoyens; toutes ces données brutes constituent un bien public. Sans avoir l'apparence d'une route, d'un pont ou d'un immeuble abritant des fonctionnaires, il s'agit d'un bien public au même titre que l'édifice du Parlement où nous nous trouvons actuellement. Pour à peu près tous les biens publics dont dispose notre gouvernement, nous mettons tout en oeuvre pour que les Canadiens puissent en faire usage et y avoir accès dans toute la mesure du possible, car nous savons que ces biens contribuent à nous donner une économie plus forte et un pays qui se porte mieux.
Mais voilà que lorsqu'il s'agit de données, on fait tout ce qu'on peut pour que ce bien public ne soit pas mis en commun. On choisit de ne pas permettre aux Canadiens de comprendre comment fonctionne leur gouvernement et on décide de ne pas leur permettre d'avoir accès aux données qu'ils pourraient utiliser pour consolider leur entreprise, faciliter leur vie familiale et faire du Canada un pays meilleur. Je ne comprends pas pourquoi on agit de la sorte.
Les rares fois où l'on décide de permettre l'accès à des données, des frais sont exigés plus souvent qu'autrement. Tous les concepts de saine gestion économique sont ainsi renversés, car il est illogique de faire payer pour des données tant du point économique que dans une perspective morale. Il est en effet immoral de donner uniquement aux plus fortunés l'accès à de l'information produite à partir d'activités qui sont financées par l'ensemble des contribuables. Cela pourrait s'expliquer s'il s'agissait d'un bien d'utilisation limitée, comme une route par exemple. Seul un nombre limité d'entre nous pouvons emprunter une route, et chaque fois que nous le faisons, elle se détériore. Je peux donc comprendre que l'on veuille installer un péage sur cette route, car on souhaite s'assurer une certaine source de revenu auprès des utilisateurs de ce bien afin d'en financer l'entretien.
La situation est différente avec les données. Si Mme Freeman utilise certaines données, celles-ci ne deviendront pas par le fait même moins utiles pour moi. M. Murphy pourrait également les utiliser, et elles demeuraient tout aussi valables. Leur utilité resterait la même. On peut donc s'interroger sur la logique économique du gouvernement qui impose très rarement des péages pour tous ces actifs soumis à l'usure, comme les routes que les gens peuvent emprunter gratuitement, alors qu'on impose des frais pour des actifs dont la valeur demeurera à jamais échangée et qui peuvent être réutilisés à l'infini.
Parmi les crimes les plus graves qui ont cours au pays en ce moment, je crois qu'il faut noter les sommes astronomiques demandées pour l'accès aux données de Statistique Canada. Il s'agit de renseignements sur le fonctionnement des collectivités, la santé et l'identité des Canadiens, et on fait tout ce qu'on peut pour les gens n'y aient pas accès.
Par ailleurs, nous faisons également obstacle à l'émergence de nouvelles entreprises dynamiques qui pourraient faire bouger les choses. Les informations qu'on commence à rendre accessibles ailleurs dans le monde produisent déjà quelques résultats fort intéressants. On n'en est encore qu'aux premiers balbutiements, mais la plupart des entreprises issues de l'économie numérique doivent leur essor à une grande efficacité dans la mise en forme, l'utilisation et l'exploitation des données. Il suffit de penser à l'exemple de Google. Cette entreprise se sert simplement des données disponibles pour les structurer afin que nous puissions les consulter. Qui sait quelles entreprises pourraient voir le jour au Canada si notre gouvernement rendait toute cette information accessible, quels nouveaux services les gens pourraient imaginer et quels gains d'efficience pourraient être réalisés. Je vais d'ailleurs vous en glisser un mot.
Quelles sont les possibilités qui s'offrent à nous? Pour quelles raisons devrions-nous songer à rendre les données gouvernementales accessibles à la population? Pour le gouvernement, il y a quatre ou cinq motivations qui me viennent à l'esprit.
Premièrement, on pourrait réduire le nombre de demandes d'accès à l'information. Des coûts considérables doivent être engagés pour que des gens passent en revue les documents visés afin de déterminer ce qui peut être communiqué ou non. Je pense qu'il y a bien des données que nous pourrions simplement rendre accessibles, ce qui éviterait les coûts associés à ce travail. Je crois même que cela serait bénéfique pour les députés.
Si je ne m'abuse, la plupart des députés ont en quelque sorte une demande d'accès à l'information en continu pour savoir comment le gouvernement fédéral dépense chaque trimestre, chaque année ou chaque mois dans leur circonscription. Si le gouvernement rendait simplement ces chiffres accessibles sur un site Web, vous pourriez les télécharger sans avoir à répéter sans cesse la même demande. Plutôt que d'attendre des jours, voire des semaines ou même des mois, pour obtenir l'information, vous y auriez accès aussi rapidement que votre connexion Internet le permet. Non seulement pourriez-vous consulter ces chiffres, mais tous les citoyens de votre circonscription pourraient en faire autant. Tous les entrepreneurs actifs dans votre circonscription y auraient accès. Tous les citoyens du pays pourraient consulter ces chiffres.
La deuxième raison pouvant justifier un virage vers les données ouvertes est la possibilité de réduire les coûts pour le gouvernement. Si on regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde, il n'est pas rare que les fonctionnaires soient les principaux utilisateurs des portails de données ouvertes de leur gouvernement. Il y a actuellement un peu partout à Ottawa des fonctionnaires qui gardent pour eux des informations qu'ils aimeraient bien pouvoir partager avec leurs collègues, ce qui permettrait la mise en oeuvre de politiques plus efficaces. Il n'existe pourtant aucun mécanisme leur permettant de le faire facilement.
Toutes les fois qu'on crée un portail pour rendre les données gouvernementales accessibles à la population, on crée en même temps un portail pour la mise en commun des données par les fonctionnaires. J'ai demandé par exemple au responsable du portail de données ouvertes de la ville de Washington qui étaient les principaux utilisateurs. Il m'a répondu que c'était les fonctionnaires, car il y a longtemps qu'ils souhaitaient connaître différents détails comme les taux de criminalité dans une région donnée, le budget pour un certain service, ou le degré de pollution dans un secteur, sans devoir s'adresser à cinq personnes différentes pour obtenir ces renseignements. Il leur suffit maintenant de télécharger les données.
La recherche d'éventuelles économies est l'une des possibilités les plus intéressantes. Les Tories s'en sont bien rendu compte au Royaume-Uni. Le gouvernement conservateur de ce pays rend désormais publiques les données sur les dépenses effectivement engagées jusqu'à hauteur de 25 000 livres. Dans certains ministères, on descend même jusqu'à 500 livres. On a carrément invité les citoyens à examiner les comptes publics pour aider le gouvernement à repérer les gaspillages.
Si vous pensez que cela n'est pas vraiment applicable au Canada, il y a une situation que j'aimerais vous exposer brièvement. Il y a quelques années, un de mes amis a dû aider un collègue à évaluer les organisations caritatives de la grande région de Toronto. Ils se sont adressés à l'Agence du revenu du Canada qui a fini par leur remettre un chiffrier renfermant toutes les données sur les organismes en question. En travaillant sur ces données, ils ont eu l'idée de classer les organismes en fonction du montant des reçus fiscaux qu'ils émettent. C'est alors qu'ils ont fait une constatation surprenante. Centraide, l'organisme caritatif le plus important à Toronto, qui recueille généralement quelque 100 millions de dollars par année, ne figurait qu'en troisième place sur cette liste. On retrouvait devant Centraide, deux organisations qui avaient émis des reçus d'impôt à hauteur de 160 et 230 millions de dollars, respectivement. De fait, 6 des 15 premiers organismes sur cette liste leur étaient totalement inconnus.
En creusant un peu les chiffres et en examinant la situation de plus près, on s'est rendu compte qu'il ne s'agissait pas vraiment d'organisations caritatives. On avait affaire dans certains cas à des stratagèmes d'évasion fiscale quand ce n'était pas carrément des activités frauduleuses. En considérant les fonds accumulés par ces prétendues organisations caritatives sur une période de cinq ans, on peut chiffrer à 3,2 milliards de dollars le manque à gagner en revenus fiscaux pour le gouvernement canadien et les coûts pour les contribuables de notre pays. C'est une somme astronomique.
Si les données de l'ARC avaient été ouvertes et facilement accessibles, deux choses auraient pu arriver. Premièrement, il est probable que quelqu'un quelque part aurait produit un graphique des différentes organisations caritatives de la région de Toronto où l'on aurait pu constater que l'une d'elles avait émis pour 60 000 $ de reçus d'impôt la première année pour passer à 20 millions de dollars l'année suivante, 60 millions de dollars l'année d'après, puis 120 et enfin 240 millions de dollars. Et quelqu'un se serait sans doute dit: « De deux choses l'une, ou bien il faut que j'embauche ce directeur à la tête de l'organisme caritatif le plus efficace au Canada, ou bien il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire ». Je crois pour ma part que si ces données avaient été publiques et si un site semblable avait été créé, l'organisme en question n'aurait peut-être jamais vu le jour, car on aurait hésité à mettre en place un tel stratagème en sachant que l'on était ainsi exposé à la surveillance du public.
À mon avis, il est possible pour le gouvernement de réaliser de cette manière d'importantes économies et d'exercer en quelque sorte un contrôle des activités qui ont cours de manière à détecter les problèmes dès qu'ils se manifestent. Le gouvernement pourrait également bonifier la gamme de services qu'il offre.
Quelqu'un a tenté de le faire avec les travaux de la Chambre des communes. Je crois savoir que vous avez fait comparaître Michael Mulley, qui est un de mes amis de Montréal. Il a lancé le site openparliament.ca. Il recueille les données que vous créez au Parlement et les affiche sur un site Web qui est beaucoup plus accessible que le site Web du Parlement. En fait, je connais des fonctionnaires à Ottawa qui le consultent pour savoir ce que disent leurs ministres et ainsi se tenir informés du programme du gouvernement et des débats qui ont cours.
Voilà donc les types de services qui pourraient être bonifiés.
Par ailleurs, à mon avis, nous devrions aussi miser sur la transparence des données pour renforcer notre économie. Quand je pense aux milliards de dollars qu'on a dépensés pour sortir le Canada de la récession, je trouve dommage qu'on ait si peu investi dans les infrastructures puissantes du XXIe siècle, c'est-à-dire les données ouvertes. Pourquoi au juste ne rendons-nous pas publiques toutes les données de Statistique Canada?
Je peux vous donner quelques exemples qui démontrent à quel point les données ont transformé l'économie canadienne. Tout d'abord, il y a la météorologie. Le gouvernement canadien recueille des données météorologiques et les partage. Les États-Unis en font autant. On estime qu'aux États-Unis, les données météorologiques ouvertes ont généré des retombées économiques de l'ordre de 2 milliards de dollars.
Pensez-y. Pensez à toutes les sociétés de logistique qui conseillent dorénavant les gens sur leurs déplacements en fonction de l'information météorologique que leur fournit le gouvernement. Pensez à toute l'influence que ces données ont sur les décisions que prennent les banlieusards, de même qu'aux économies de carburant et aux gains de temps qu'ils réalisent, que ce soit parce qu'ils privilégient le vélo ou l'autobus plutôt que la voiture ou parce qu'ils choisissent de ne pas apporter de parapluie ou de s'habiller plus convenablement.
Il est presque impossible de savoir la richesse qui découle des données météorologiques. Il s'agit d'un seul ensemble de données que le gouvernement recueille et transmet à la population. Si je pense à tout le potentiel des centaines de milliers d'ensembles de données qui se trouvent à votre disposition, je vois tout de suite une économie beaucoup plus vigoureuse et solide que ce que l'on voit à l'heure actuelle.
Un autre exemple est le GPS. Je pense qu'il ne faut pas se le cacher, les systèmes GPS ont été conçus au départ pour lancer, avec une extrême précision, des ogives nucléaires sur des cibles ennemies. Tim O'Reilly a affirmé que personne n'a conçu les données GPS en se disant que ça intéresserait les gens qui, au moyen de leurs cellulaires, pourraient donner leur situation géographique exacte ou se connecter à Google maps pour éviter de se perdre. Pensez aux milliards de barils de pétrole qui sont épargnés chaque jour parce que les gens ne se perdent plus. Et tout ça, grâce à un système GPS. C'est là le pouvoir des données ouvertes.
Afin que vous puissiez formuler des recommandations éclairées quant à l'avenir du gouvernement, il est important que vous sachiez qu'il y a un énorme potentiel inexploité de données au sein du gouvernement. Si vous les partagez, il y a toute une société qui en bénéficiera et qui pourra mieux comprendre le fonctionnement du gouvernement, le tenir responsable — je vais être honnête — et bâtir l'économie du prochain siècle.
N'empêche que pour avoir une économie du savoir, nous aurons besoin d'un gouvernement axé sur le savoir qui voudra collaborer avec une population tout aussi axée sur le savoir. Les gens sont prêts. Ils sont déjà formés et compétents. Ils sont déjà en train d'y réfléchir et n'attendent qu'on leur donne les outils pour faire de cette économie une réalité.
J'ai assez parlé; je vais m'arrêter ici. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions du mieux que je peux.
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J'ai quelques idées là-dessus. Tout d'abord, en ce qui concerne l'information ouverte et la distinction entre les deux concepts, je considère que les Britanniques ont accompli quelque chose de très intéressant. Ils songent maintenant à mettre sur pied une société de données publiques qui stockera les données que le gouvernement recueille et utilise régulièrement. Il s'agit d'un modèle extrêmement intéressant. Au fond, ils vont créer un dépôt central de leurs données actuelles. Je pense que le gouvernement devrait s'en inspirer. Chose certaine, c'est le modèle qu'on utilise à Washington, D. C., et c'est la raison pour laquelle on a été en mesure d'agir aussi rapidement.
Voilà comment je définirais les « données ». Il s'agit de l'information que le gouvernement choisit de recueillir régulièrement sur le pays. Il se peut, à l'occasion, qu'une personne demande un rapport, par exemple, pour obtenir certains renseignements. Je pense que nous devrions également mettre ces données à la disposition de tous. Cependant, au bout du compte, je pense qu'il y a un ensemble fondamental de données que nous recueillons régulièrement. C'est un bien public. Honnêtement, les impôts que nous payons nous donnent droit à ces données.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'information, je tiens à ce que les choses soient bien claires. Je suis conscient que le gouvernement a besoin d'un certain degré de confidentialité lorsqu'il élabore de nouvelles idées et de nouvelles politiques. Je ne dis pas que le public doit avoir accès à absolument tout, dans toutes les circonstances. Certaines idées sont controversées ou doivent être explorées ou développées davantage; c'est pourquoi elles doivent être protégées par le gouvernement. Si j'avais des recommandations à faire, je dirais qu'il faut avant toute chose réduire radicalement le temps écoulé entre la rédaction du document et sa publication. Ensuite, dans la mesure du possible, je recommanderais de rendre publics tous les documents sous forme numérique. Lorsqu'un document est en format Word, par exemple, pourquoi ne pas le publier ainsi au lieu de l'imprimer et de l'envoyer?
Le plus grand avantage des médias numériques, c'est qu'ils permettent de rechercher l'information qu'on veut. Lorsque vous transmettez 3 000 documents imprimés, vous ne communiquez pas l'information. Pensez-vous que nous allons parcourir les 3 000 documents pour y trouver l'information pertinente? Lorsqu'un citoyen demande un renseignement et que vous lui transmettez sur support papier, c'est comme si vous lui refusiez l'accès à l'information. Je pense qu'il s'agit là d'un grand manque de respect envers la population. Voilà une autre recommandation.
J'aimerais aussi que le comité revoie les règles qui régissent la publication de l'information, et même le privilège parlementaire. Par exemple, personne ne pourra utiliser la vidéo de cette séance comme il l'entend. Les gens peuvent la rediffuser, mais ils ne peuvent pas la modifier, notamment en ajoutant une chanson, pour s'en moquer. À ma connaissance, à l'heure actuelle, les droits des citoyens à cet égard sont assez limités, et ce n'est certainement pas possible de faire ça avec vous. Aux États-Unis, le Daily Show montre régulièrement des extraits amusants de la Chambre des représentants et du Sénat, mais c'est un moyen d'informer les gens. C'est la satire qui est importante. On ne verrait jamais ça au Canada. Ce sont donc les restrictions sur l'utilisation des données.
Enfin, en ce qui concerne les processus, je serai beaucoup plus bref. Je pense qu'une grande part des réflexions sur les processus ouverts repose aujourd'hui sur la façon dont l'information est communiquée. Si nous avions partagé beaucoup plus d'information et de données avec le public, les types de processus que nous voudrions seraient aussi très différents.
Par exemple, si le gouvernement avait choisi de rendre son budget ouvert en publiant seulement le tableau Excel, de façon à ce que n'importe qui dans le monde puisse l'analyser et relever les problèmes, à mon avis, vous pourriez faire comparaître des témoins beaucoup mieux informés. Le comité travaillerait ainsi différemment. Plutôt que de donner à nouveau l'information aux témoins qui s'adressent à vous ou d'entendre des choses inexactes parce qu'ils n'ont pas compris les 3 000 documents qu'ils ont dû lire, le système serait beaucoup plus rapide et votre façon de collaborer avec les gens commencerait à changer.
Je suis donc hésitant sur cet aspect, car je pense que le monde évoluera, en fonction de ce que nous faisons à l'égard des deux autres aspects.
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Simplement pour montrer l'importance de la question des données, tant pour les pouvoirs publics que pour toute autre organisation, je me trouvais, il y a deux ou trois semaines, au siège de Linkedln, à San Francisco, pour un exposé. Son représentant a produit un gigantesque graphique qui montrait, en fonction du temps, le nombre de personnes dont le titre comporte le mot « analytique ». Au début, leur nombre est minime, mais maintenant, il est en croissance exponentielle. Il décolle.
Il faut comprendre que toute notre économie se numérise. Dès qu'on le dit... Comment cela se passera-t-il? Eh bien par une transformation en données. Ce qui m'amène à observer autour de moi et à me demander quelles sociétés utiliseront les données? Quelles sociétés cherchent à devenir plus efficaces, à augmenter leurs performances?
Cela comprend les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada, qui utilisent les données fédérales sur la localisation de nos ressources nationales pour trouver la manière d'être plus efficaces tout en respectant davantage l'environnement, jusqu'aux stratèges de Research In Motion, RIM, qui essaient de trouver des applications pour donner plus d'utilité à nos vies... Je prévois la naissance d'un certain nombre de sociétés et d'applications intéressantes.
Chaque collectivité aura la sienne. À Vancouver, il existe un groupe avec lequel je suis en rapport, et nous en tirerons peut-être quelque chose de plus intéressant. Le jour de la collecte des ordures change chaque fois qu'il y a un jour férié, parce que personne ne veut être privé de ce service deux semaines de suite. Cela signifie que ce pourrait être le lundi, pendant un mois donné, puis sauter au mercredi, le mois suivant, ce qui, évidemment, provoque d'énormes problèmes de mémoire chez certaines gens.
Les autorités se contentent de distribuer, au début de l'année, un feuillet montrant les divers arrondissements de la ville et le calendrier du ramassage des ordures. Comme il s'agit de données librement accessibles, nous les avons intégrées à des cartes Google, de sorte qu'il suffit de visiter un site web appelé VanTrash et de cliquer sur l'arrondissement pour obtenir le calendrier des ramassages. On peut également télécharger ce calendrier dans son iPhone ou son BlackBerry, ce que, actuellement, les autorités ne peuvent pas faire, ou, encore, si le citoyen nous donne son adresse électronique, nous lui ferons parvenir un courriel la veille pour lui rappeler que c'est le lendemain que les éboueurs passent. C'est un exemple très modeste... Cela pourrait être une société comme celles dont je parlais, n'est-ce pas?
C'est un exemple très modeste, mais je tiens à ce que vous commenciez à y songer. Quels services offrons-nous? Quels renseignements possédons-nous? Comment les rendre utiles? Ils seront intégrés à notre économie pour nous rendre plus efficaces, augmenter notre rendement et je pense que les occasions à saisir ne sont pas négligeables.
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En fait, je ne suis pas allé sur le site Web; donc, si cela a été fait, je ne voudrais pas froisser nos bons amis qui, je le sais, s'efforcent de concrétiser ce projet.
Y aura-t-il un coût? Je ne veux pas vous dire que cette mesure ne coûtera rien, car ce serait faux. Mais voici deux autres perspectives que vous devriez adopter pour aborder la question. L'une d'elles m'amènera à développer un peu plus, alors je m'arrêterai si ça devient trop ennuyeux.
Premièrement, à un moment donné, on devra de toute façon moderniser les systèmes de cueillette des données. Mais si on n'enregistre pas celles-ci dans un format qui permet de les partager, on restreint leur usage au seul gouvernement.
L'une des choses qui me plaisent, dans les portails de données ouvertes, c'est qu'une fois qu'on aura rendu les données accessibles pour moi, on les aura rendues fonctionnellement disponibles pour chacun, peu importe où on est: au gouvernement, dans le secteur sans but lucratif ou dans le secteur à but lucratif. Donc, en soi, cela devrait entraîner des gains d'efficacité et contribuer au recouvrement des coûts éventuels de cette transition. Mais on devra de toute manière faire cette dépense un jour ou l'autre. À un moment donné, il faudra remplacer le système et débourser cet argent.
Donc, peut-être n'obtiendrons-nous pas toutes les données demain, mais nous disposerons d'un plan pour veiller à ce que, tandis que nous effectuerons la transition d'un système à l'autre, il soit toujours possible de convertir les données dans un format lisible par machine que le public pourra utiliser.
Mais le deuxième aspect de la question — et celui qui me paraît le plus intéressant du point de vue des dépenses gouvernementales —, c'est qu'une fois qu'on dispose de données dans des formats ouverts, on change véritablement la dynamique de la relation qu'on entretient avec nombre de fournisseurs de TI. Bien des fournisseurs de TI génèrent délibérément des données dans des formats très, très fermés — à tel point que leur entreprise est la seule à savoir comment utiliser ces données et à pouvoir concevoir des logiciels à cette fin. Le gouvernement du Canada est donc obligé de faire appel à un tel fournisseur jusqu'à ce que celui-ci ferme ses portes ou décide d'effectuer une très pénible transition pour abandonner ce genre de format et de structure de données.
L'une des formidables possibilités des données ouvertes, c'est qu'elles ouvriront à la concurrence le marché des TI du gouvernement. D'autres intervenants pourront maintenant dire: « Nous pouvons recueillir ces données pour vous au moyen d'un système qui coûterait moins cher, puis les communiquer au public de ces façons beaucoup plus intéressantes. »
Donc, je pense que nous pouvons commencer à changer notre relation avec les fournisseurs et essayer de réduire certains de ces énormes contrats que nous accordons dans le secteur des TI.