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La séance est ouverte. Merci.
Je déclare ouverte la treizième séance du Comité permanent des finances.
Collègues, nous recevons cet après-midi un invité très spécial, soit le gouverneur de la Banque du Canada, M. Mark Carney. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire. Comme vous le savez tous, il comparaît deux fois par an devant le comité des finances et nous sommes impatients d'entendre son exposé et d'avoir une discussion approfondie sur quelques sujets brûlants.
Monsieur le gouverneur, monsieur Carney, soyez le bienvenu au comité. Merci infiniment de votre présence. Nous sommes impatients d'entendre votre déclaration liminaire, après quoi les membres auront des questions pour vous.
Vous avez la parole.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Je suis ravi de me présenter devant votre comité aujourd'hui pour discuter du point de vue de la Banque du Canada au sujet de l'économie et de l'orientation de la politique monétaire.
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de vous donner un aperçu de la plus récente livraison du rapport sur la politique monétaire qui a été publié la semaine dernière.
[Français]
La croissance économique mondiale a été un peu plus forte que prévu, l'activité s'accélérant de façon notable dans les économies de marché émergentes et la plupart des économies avancées affichant une reprise modérée. La Banque du Canada prévoit maintenant que la croissance mondiale devrait s'établir en moyenne à un peu plus de 4 p. 100 par année jusqu'à la fin de 2012.
Au Canada, la reprise se révèle un peu plus rapide que la Banque du Canada ne l'entrevoyait en janvier. Elle est soutenue par le maintien de la détente monétaire budgétaire, l'amélioration des conditions financières, l'accélération de l'activité économique à l'échelle mondiale, la bonification des termes de l'échange et le regain de confiance de la part des entreprises et des consommateurs.
L'année 2010 devrait voir la demande du secteur privé prendre le relais du secteur public comme principale source de croissance. La Banque du Canada estime maintenant que le rythme de progression du PIB atteindra 3,7 p. 100 en 2010 avant de ralentir progressivement et de s'établir à 3,1 p. 100 en 2011 et à 1,9 p. 100, en 2012.
[Traduction]
Ce profil reflète la croissance plus forte à court terme à l'échelle mondiale, le très grand dynamisme du marché de l'habitation au Canada et l'opinion de la Banque selon laquelle les mesures de relance ont donné lieu à un devancement à la fin de 2009 et au début de 2010 d'un plus grand volume de dépenses que prévu.
Parallèlement, la vigueur persistante du dollar canadien, la piètre tenue du pays au chapitre de la productivité relative et le bas niveau de la demande américaine, en chiffres absolus, continueront de freiner considérablement l'activité économique au Canada.
La Banque estime que le niveau du PIB au premier trimestre de 2010 était d'environ 1 p. 100 inférieur à son sommet du troisième trimestre de 2008, et de quelque 2 p. 100 en deçà de son potentiel. L'économie devrait retrouver sa pleine capacité au deuxième trimestre de 2011, soit un trimestre plus tôt que la Banque ne l'estimait en janvier.
The outlook for inflation reflects the combined influences of stronger domesticdemand, slowing wage growth, and overall excess supply.
L'inflation mesurée par l'indice de référence, qui est légèrement supérieure aux prévisions de janvier, devrait reculer quelque peu au deuxième trimestre de 2010, à mesure que l'effet des facteurs temporaires se dissipera et continuer à avoisiner 2 p. 100 jusqu'à la fin de la période de projection. L'inflation mesurée par l'IPC global devrait se situer légèrement au-dessus de 2 p. 100 au cours de la prochaine année, avant de regagner la cible au second semestre de 2011.
[Français]
Malgré le raffermissement de la reprise à l'échelle du globe et au Canada, des risques considérables pèsent sur les prévisions de la banque. Deux principaux risques à la hausse entourent l'inflation. Il se pourrait que l'élan des dépenses des ménages et de l'investissement résidentiel dépasse les attentes actuelles. Sur la scène mondiale, une reprise plus rapide qu'escomptée pourrait stimuler la demande d'exportations canadiennes et améliorer les termes de l'échange.
Du côté des risques à la baisse, la vigueur persistante du dollar canadien conjugué au piètre bilan du pays au chapitre de la productivité relative bride la croissance d'une façon plus marquée que prévue et ajoute aux pressions à la baisse sur l'inflation.
[Traduction]
Un deuxième risque à la baisse est que la reprise économique mondiale soit plus lente que projetée en ce moment. À cet égard, il se peut que les inquiétudes liées au crédit souverain s'intensifient, ce qui provoquerait une hausse des coûts d'emprunt et un resserrement plus rapide des politiques budgétaires dans certains pays. L'un ou l'autre de ces facteurs entraînerait une baisse de la demande privée mondiale par rapport à la projection établie par la Banque dans son scénario de référence.
À moyen terme, les déséquilibres macroéconomiques mondiaux continuent de présenter des risques importants pour les perspectives. Bien que ces déséquilibres se soient amenuisés durant la récession, une amélioration soutenue à moyenne échéance suppose non seulement l'assainissement des finances publiques dans les pays avancés, mais aussi un renforcement de la croissance de la demande intérieure et le rajustement des taux de change réels dans les pays affichant de forts excédents du compte courant. En l'absence de telles mesures, les conséquences pour l'économie mondiale pourraient être considérables.
Le cadre du G20 vise à aider l'économie mondiale à progresser dans la bonne direction. La fin de semaine dernière, les pays membres du G20 ont réitéré leur engagement envers cette initiative importante.
Au Canada, en réaction à la récession brutale et simultanée à l'échelle du globe, la Banque a abaissé rapidement son taux cible en 2008 et au début de 2009 pour l'amener au plus bas niveau possible. En outre, en avril 2009, elle s'est engagée à le maintenir à ce niveau, sous réserve des perspectives d'inflation. Cette politique non traditionnelle a fourni une impulsion traditionnelle considérable pendant une période marquée par une conjoncture économique très défavorable et des risques importants à la baisse pesant sur l'économie mondiale et l'économie canadienne.
À la faveur de l'amélioration récente des perspectives économiques, ces politiques exceptionnelles deviennent moins nécessaires et il convient de commencer à atténuer la détente monétaire en place. C'est pourquoi, le mardi 20 avril 2010, la Banque a mis fin à son engagement conditionnel. Cela représente en soi un resserrement de la politique monétaire.
À partir de maintenant, rien n'est réglé à l'avance. L'ampleur et le moment de nouvelles réductions du degré de détente monétaire seront fonction des prévisions concernant l'activité économique et l'inflation et seront compatibles avec la réalisation de la cible d'inflation de 2 p. 100.
Sur ce, je me ferais un plaisir de répondre aux questions des membres.
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Merci, monsieur le président.
Merci de votre présence, gouverneur.
Je ne vais pas qualifier votre prévision d'optimiste, ce qu'il m'est déjà arrivé de faire, mais je persiste à penser qu'une prévision de croissance de 3,7 p. 100 pour cette année est supérieure au consensus des économistes du secteur privé et d'autres — mais, bien sûr, elle pourrait s'avérer juste.
Mais je voudrais aborder la question de l'endettement. Dans votre rapport, vous dites qu'il est possible que les dépenses des ménages soient plus dynamiques qu'on ne l'escompte aujourd'hui. J'aurais pensé le contraire, car beaucoup citent le niveau sans précédent de l'endettement des ménages — 145 p. 100, selon une autorité.
Le BSIF a déclaré, et je cite: « La capacité des ménages de servir leur dette dans le contexte d'une croissance continue du crédit et de taux d'intérêt en hausse représente une source nouvelle de risque pour le moyen terme ».
La Banque Royale, Standard and Poor's, l'Association des comptables généraux accrédités — divers groupes — tous se sont exprimés sur ce problème de l'endettement croissant. Au lieu de dire que les dépenses des consommateurs pourraient augmenter plus rapidement que prévu, j'aurais pensé, surtout si les taux d'intérêt augmentent, que l'endettement serait un facteur négatif qui freinerait les dépenses intérieures.
Vous avez omis de la liste de ceux qui sonnent l'alarme concernant le niveau d'endettement des ménages une institution, la Banque du Canada. Nous avons commencé à donner l'alerte à ce sujet l'automne dernier...
L'hon. John McCallum: Exact.
M. Mark Carney: ... une inquiétude clairement justifiée par des simulations très détaillées. Je dirais que nous partageons la crainte que des cohortes de Canadiens, ou des catégories de Canadiens, courent le risque d'un surendettement personnel.
Nous avons utilisé chaque occasion, et je saisirai également celle-ci, d'encourager les particuliers, lorsqu'ils envisagent de contracter des emprunts supplémentaires, de considérer cette obligation sur la longue durée, autrement dit sur le long terme, dans l'optique de circonstances plus normales. Nous sommes toujours dans des circonstances plutôt extraordinaires pour ce qui est de l'emprunt.
Cela m'amène à votre question, qui est importante et que je salue. Pour que les choses soient absolument claires, une grande portion de cette dette qui a été récemment accumulée — pas toutes, mais une grande portion — est liée au marché de l'habitation. Il ne s'agit pas uniquement d'achat de logement, mais elle est liée au marché de l'habitation de deux façons: premièrement, les hypothèques conventionnelles, et deuxièmement, les lignes de crédit personnelles garanties par un bien immobilier, ce que l'on appelle les marges de crédit hypothécaires. De fait, ces dernières années la grande masse de la dette à la consommation a pris la forme de marges de crédit hypothécaire.
Nous prévoyons un tassement marqué de l'activité de construction résidentielle sur la durée de notre projection, commençant à partir du deuxième trimestre de cette année et s'étendant sur le restant de l'année. De fait, vous remarquerez dans la ventilation détaillée à la page 21 du rapport, où nous indiquons la croissance du PIB par composante, que le logement aura une contribution négative à la croissance en 2011. Ce n'est pas la même chose que de parler de niveau des prix, mais pour ce qui est du niveau de cette activité, nous la voyons ralentir et nous escomptons ainsi une modération de l'endettement.
Cela dit, la croissance du crédit dans le pays reste très forte. Dans ces situations, le risque existe que cette dynamique persiste plus longtemps que prévu. Nous nous attendons à un ralentissement du rythme de la croissance du crédit. S'il n'y a pas ralentissement et que cette augmentation persiste, alors on court le risque d'une dynamique haussière. Cela dit, divers facteurs — et je ne vais pas accaparer tout votre temps mais je suis sûr que nous pourrons en reparler — expliquer pourquoi nous escomptons voir cette décélération.
Un dernier point est que notre prévision de croissance pour cette année par une reprise forte dans la phase initiale, c'est-à-dire un premier et un deuxième trimestre beaucoup plus rapide, suivi d'un ralentissement graduel.
J'aimerais changer complètement de sujet et vous demander ce que vous pensez être la plus grosse menace ou le plus gros risque sur le moyen terme à l'échelle mondiale. Avant que vous répondiez, j'aimerais vous soumettre un candidat pour voir si vous êtes d'accord.
L'une de mes préoccupations — et je crois que beaucoup la nourrissent — est l'ampleur du déficit américain, dépassant nettement 10 p. 100 du PIB. Cela en soi n'est pas nécessairement un problème énorme, sauf que beaucoup de gens se demandent si le mécanisme politique aux États-Unis — le Sénat, le Congrès — est capable de faire face à ce genre de choses; nous voyons les problèmes rencontrés avec la sécurité sociale au fil des décennies. Étant donné que le Canada est si proche des États-Unis, je pense que c'est là un problème non seulement pour eux mais aussi pour nous.
Pensez-vous que le président et le Congrès américain pourront s'attaquer effectivement à ce déficit dans les années qui viennent?
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Merci, monsieur le président. Bienvenue, monsieur Carney.
C'est évident, et vous l'avez bien indiqué, que même votre présence ici et les réponses que vous nous donnez peuvent avoir un effet de resserrement ou de non-resserrement au chapitre de la politique monétaire. On en est bien conscients.
Toute la politique monétaire du Canada, de votre banque, s'appuie sur un taux cible d'inflation de 2 p. 100. C'est vraiment depuis très longtemps — ce l'était aussi pour votre prédécesseur — devenu une religion que de vouloir contrôler à tout prix cet objectif de 2 p. 100 avec une fourchette inférieure. Le problème, c'est que déjà, dans le secteur privé, on peut avoir des craintes à l'effet que de s'appuyer de façon obtuse sur un taux d'inflation entraîne, par exemple, un taux de change très élevé, des fluctuations du taux de change très rapides et la parité du dollar.
Vous dites que la productivité au Canada est assez faible, que l'on n'utilise pas la pleine capacité canadienne et que la demande américaine est faible. N'y a-t-il pas un danger de resserrement trop rapide? D'ailleurs, M. McCallum aime mentionner sa Banque Royale. Cette dernière a augmenté les taux d'hypothèque très rapidement. Une espèce d'escalade se produit et il semble que ça roule plus rapidement que vous l'espériez.
Évidemment, on ne peut jamais corriger ce qu'on a dit mais vous avez indiqué, la semaine dernière, qu'à la fin du deuxième trimestre, le taux remonterait. N'y a-t-il pas un danger d'agir trop rapidement dans le resserrement de la politique monétaire? Évidemment, je pense au Québec, aux PME et aux entreprises manufacturières de ma province.
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Monsieur Paillé, il n'y a pas de danger que la Banque du Canada fasse des changements trop rapidement ou trop lentement. Notre objectif est très clair, comme vous venez de le mentionner. Il s'agit d'un taux d'inflation mesuré par l'IPC global de 2 p. 100. Ce n'est pas une religion, mais un mandat de la population du Canada représentée par le gouvernement du Canada. Un accord est en cours entre la Banque du Canada et le gouvernement du Canada jusqu'à la fin de 2011. Ce sera alors l'occasion pour la Banque du Canada et pour le gouvernement de faire des changements, s'ils le désirent. C'est un choix et non une religion.
À notre avis et selon le gouvernement du Canada, la meilleure contribution de la politique monétaire au bien-être des Canadiens est un taux d'inflation bas, stable et prévisible. L'inflation a des impacts pénibles sur les Canadiens pauvres et désavantagés. Vous avez énuméré plusieurs facteurs qui influent sur le taux d'activité économique au Canada et, par conséquent, sur les perspectives inflationnistes au Canada.
À la Banque du Canada, nous pouvons réagir à ces différents facteurs. Dans mes commentaires, j'ai mentionné que rien n'est réglé à l'avance. L'activité mondiale peut changer plusieurs facteurs, incluant notre devise, qui pourraient avoir une influence sur les perspectives d'inflation au Canada. Si c'est le cas, la Banque va réagir.
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Merci, monsieur le président.
Merci, gouverneur Carney, de votre présence aujourd'hui.
J'ai plusieurs questions et je vais essayer de les poser assez rapidement.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de la piètre productivité relative de notre économie. Juste pour votre gouverne, la Chambre est saisie d'un projet de loi auquel je suis totalement opposé: il paierait les étudiants diplômés, par le biais du régime fiscal, à rentrer chez eux, qu'il y ait là ou non des emplois. Je pense que cela va complètement à l'encontre de la mobilité de la main-d'oeuvre.
Voici ma question. Sur le plan de la productivité, est-ce que la mobilité de la main-d'oeuvre influe sur la productivité de l'économie canadienne?
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C'est tout à fait juste. La reprise va dépendre de la réaction du secteur privé. Nous assistons, comme je l'ai dit, à assez forte activité dans le secteur du logement et la consommation est restée ferme. Ce qui a davantage décliné que lors des autres récessions, c'est l'investissement des entreprises.
Notre prévision — et c'est un élément important de notre prévision pour plusieurs raisons — est que nous allons voir l'investissement des entreprises redémarrer à partir de maintenant et aller en accélérant sur l'horizon de la prévision. C'est important, manifestement, non seulement comme contribution directe à la croissance mais plus particulièrement comme contribution à la productivité, le sujet que vous évoquez.
Du côté de l'offre de l'économie, soit la capacité de l'économie, nous anticipons une hausse de la productivité, partant de niveaux très bas, tout au long de la période de notre prévision, jusqu'à la fin de 2012, cette hausse étant manifestement très dépendante de l'ampleur de l'investissement des entreprises.
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Merci, monsieur Carney.
J'ai une question sur un sujet qui m'intéresse plus personnellement. À la page 16 vous avez un diagramme sur l'IPC qui compare « l'IPC global » à « l'indice de référence ». Je vous ai probablement posé cette question chaque fois. Un certain nombre de nos programmes, particulièrement ceux destinés aux personnes âgées, tels que la PSV et ainsi de suite, sont indexés sur l'IPC, lequel va donc déterminer si les prestations augmentent ou non.
J'ai préconisé l'instauration d'un IPC des personnes âgées, qui mesurerait les choses différemment et privilégierait les éléments qui comptent le plus pour les personnes âgées. Le transport entre le domicile et le travail compte pour les personnes âgées, si bien que le coût du carburant, de l'essence, devrait jouer un moindre rôle. L'indice de référence, la ligne bleue du diagramme, est beaucoup plus plate; ces variations sont beaucoup moins amples que celles de l'IPC global.
Pourriez-vous m'expliquer brièvement quelle est la différence entre les deux, sur le plan des pondérations et des articles de consommation qui jouent un rôle plus grand et moins grand?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Carney. Je vous remercie d'être parmi nous. C'est toujours un plaisir d'entendre vos explications. Chaque fois, elles sont vraiment à point. Depuis maintenant des années, on a l'occasion de s'asseoir ici avec vous et, chaque fois, on apprécie la justesse de votre vision des choses. C'est la troisième fois — le troisième printemps consécutif, en fait — qu'on a le plaisir de travailler avec vous dans un cadre officiel. Cela nous permet de mettre en rapport les choses qui ont été dites par le passé et ce qui se passe maintenant. On voit à quel point les choses évoluent. Le porte-parole libéral est même prêt à admettre que vous pouvez avoir raison. Ça évolue toujours.
Cela étant dit, je vais vous poser une question très spécifique sur un sujet qui nous préoccupe. Il s'agit de l'internalisation des coûts reliés aux sables bitumineux. Vous et moi avons eu l'occasion d'aborder ce sujet par le passé. Je vais vous servir la version de 30 secondes.
Comme vous le savez, nous sommes préoccupés par le fait qu'une quantité artificiellement élevée de valeurs américaines est en train d'affluer dans le marché canadien parce qu'on n'a jamais appliqué certains principes de base du développement durable comme l'internalisation des coûts ou encore les principes de l'utilisateur-payeur ou du pollueur-payeur. Nous laissons le problème aux générations futures et, de plus, cela a un effet sur le huard.
L'année dernière, quand on a parlé de cela, vous m'avez dit que vous compreniez, mais que ce n'était pas de votre ressort parce qu'il s'agissait de choix du gouvernement. C'est la façon dont j'ai interprété vos propos. Or, tout récemment, j'ai eu l'occasion de vous voir donner raison au du Canada alors qu'il affirmait ne rien vouloir savoir de ce qu'il appelait une taxe sur les banques. En fait, deux choses sont en jeu: ce qu'on appelle parfois la taxe Tobin, qui est plutôt une taxe sur les transactions financières, et la taxe sur les banques. Au sujet de cette dernière, je me permettrais de dire que c'est un peu comme un homme de paille qu'il est en train d'ériger. Quoi qu'il en soit, c'est en effet un débat politique.
J'aimerais que vous m'expliquiez la nuance qui entre votre refus de l'année dernière d'émettre une opinion sur l'internalisation des coûts environnementaux reliés aux sables bitumineux et la joie avec laquelle vous avez adhéré à l'analyse du lorsque ça faisait son affaire. Pour un oeil non averti, ça pourrait ressembler à deux poids, deux mesures. En d'autres mots, lorsque c'est pour donner raison au ministre des Finances, vous êtes partant, mais lorsque c'est pour donner raison à l'opposition, même quand vous êtes d'accord avec elle, vous hésitez. J'aimerais que vous me rassuriez à ce sujet.
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Ma troisième question porte justement sur les pressions inflationnistes, mais j'aimerais en poser une autre auparavant. Vous et moi avons déjà eu l'occasion, par le passé, de parler d'inflation. Vous m'avez parlé de vos cibles. En ce moment, vous m'avez parlé de resserrement, sans doute pour atteindre vos objectifs en termes d'inflation. Il faudra que l'on s'en reparle.
L'autre question que j'aimerais vous poser est d'ordre purement technique. Elle porte sur les structures de réglementation du marché. Lors d'un colloque qui a eu lieu à Londres à la fin novembre, auquel a assisté le porte-parole du Parti libéral, j'ai été fort étonné d'entendre ce qu'a dit une des participantes. C'était une Américaine qui occupe un important rôle de réglementation en Angleterre. Ce qu'elle a dit était étonnant. Il fallait que ce soit quelqu'un issu du milieu financier et qui occupe un poste étatique. Selon elle, le classement des titres et des obligations dans le marché, fait par le Dominion Bond Rating Service et d'autres, devrait être une fonction de réglementation de l'État.
Lors d'une conférence à laquelle j'ai participé en tant que conférencier, à Paris, au mois de janvier, j'ai été étonné d'entendre Joseph Stiglitz dire, lors d'une discussion, qu'il partageait ce point de vue. Il y a des aspects de ce que l'on a subi au cours des deux dernières années qui sont directement liés aux failles de ce système d'évaluation. Si vous, un ancien de Goldman Sachs, êtes aujourd'hui en train de sourire et de badiner avec des élus de la Chambre des communes plutôt que de subir les affres d'un inquisitoire en bonne et due forme devant le Sénat américain, c'est que vous avez fait un bon choix de carrière. Je veux surtout savoir si vous convenez que cette façon d'évaluer les titres et les valeurs sur le marché pourrait éventuellement constituer une fonction de réglementation de l'État.
:
Selon moi, ce n'est pas une bonne idée. C'était une erreur de donner un mandat à une agence de notation. Plusieurs mandats officiels ont été donnés à des agences de notation.
[Traduction]
Pour aller vite, dans diverses réglementations, notamment celles des capitaux, il existe la possibilité d'utiliser des cotes, ce qui renforce dans la pratique l'influence des agences de notation, et il existe donc un désir, et cela s'applique également à la réglementation des investissements et à d'autres choses... il serait donc avantageux de supprimer, dans toute la mesure du possible, ces mandats faisant référence aux cotes...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Mark Carney: Oui, afin de... Mais l'utilisation obligatoire des notations financières, afin d'avoir... si cela va être une agence privée, qu'elle soit vraiment privée et ne survive pas de par la volonté du secteur public, mais uniquement grâce à la qualité de leurs opinions, qui renforcent le modèle d'affaires originel de ces entités.
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Merci, monsieur président.
Merci de comparaître, monsieur Carney.
Je veux m'en tenir un peu à ce domaine et au fait que l'économie mondiale semble se porter bien. Nous sortons d'une récession mondiale.
La dernière fois que vous avez comparu ici, nous avons parlé un peu des mesures pouvant être prises pour réformer le système financier. Vous avez fait des déclarations citées ici et là disant que vous souhaitez une meilleure collaboration, peut-être avec le BSIF qui assumerait certaines des responsabilités.
La seule chose que j'ai lue concerne cette taxe sur les banques. Cette idée semble maintenant être abandonnée. Que se passe-t-il à l'échelle mondiale en vue de la réforme? Va-t-elle maintenant simplement être mise au placard ou bien y a-t-il un mouvement? Lorsque je parle d'une taxe sur les banques, n'existe-t-il pas au Canada une forme de taxe sur les banques — on pourrait même appeler cela une assurance — que les banques doivent verser, que ce soit au BSIF ou à la SADC?
Pourquoi tant de pression s'exerce-t-elle pour que nos banques contribuent à un fonds mondial? Pouvez-vous m'expliquer cela?
Très rapidement, nous collaborons très étroitement avec le BSIF, le ministère des Finances fédéral, la SADC et d'autres agences fédérales. Il n'existe nul désir de modifier l'une ou l'autre de ces relations. Je peux donner l'assurance au comité que nous collaborons très efficacement et, je pense, avec de bons résultats.
Pour ce qui est de votre dernière question, oui, les banques paient une prime d'assurance-dépôt que la SADC recueille et investit. Cela protège les petits déposants, en gros jusqu'à un montant de 100 000 $ par compte. Je laisse de côté certains détails.
En ce qui concerne la taxe sur les banques, si je puis expliquer les raisons — et cela nous ramène à la question antérieure — deux justifications sont avancées.
Au sujet de la première, et là je reprends l'argument de la partie adverse, en quelque sorte, il s'agit de compenser les pertes essuyées par l'État dans divers pays, par exemple aux États-Unis, obligés de recapitaliser leurs banques — les pertes directes. L'État récupérerait donc cet argent au fil du temps. Manifestement, cela n'a pas été un problème au Canada, comme on l'a dit.
La deuxième raison serait — et je cite — « d'internaliser l'externalité » qui accompagne l'emprunt de gros — donc pas les dépôts de détail, mais les emprunts de gros. En prélevant une taxe sur les transactions, vous en réduiriez le montant, et vous accumuleriez un fonds qui pourrait servir...
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Exactement — eh bien, dans les versions les plus extrêmes de la proposition. Cela dit, nos réserves à cet égard sont multiples.
Premièrement, arrêtons-nous tous pour réfléchir à la perspective d'un tel fonds et de pouvoir en disposer le moment venu, à l'échelle nationale ou internationale. Voilà le premier point.
Deuxièmement, quels seraient les effets sur le comportement des institutions individuelles et des autres participants au marché, sachant que l'État est derrière ces institutions avec un fonds?
Troisièmement, il existe de meilleures façons de régler cette externalité. Nous convenons que la taille des bilans pose problème. Comment le régler?
On le règle en instaurant un simple critère de levier financier qui restreint la taille d'ensemble des bilans, ce que nous avons au Canada. Il faut faire la même chose à l'échelle mondiale. C'est l'une de nos grandes priorités. Il s'agit d'augmenter le capital propre des entreprises. Pour cela on applique des contraintes de capitalisation différentes selon les types d'activités. En particulier, si vous voulez négocier des dérivés dans l'obscurité, très bien, mais cela va vous coûter beaucoup plus, sous forme de capitaux propres à conserver, que si vous le faites sur une place boursière centrale.
Enfin, le dernier aspect est que, encore une fois, au lieu d'avoir quelque part un fonds mondial ou national qui ne sera probablement pas disponible lorsqu'on en a besoin — et je ne veux pas insulter les membres du comité des finances, mais parfois les recettes fiscales sont détournées à d'autres fins — vous auriez le fonds enchâssé au sein de l'institution elle-même par le biais du capital de réserve. C'est un exemple, pour en revenir au premier point sur le BSIF et la collaboration, d'une idée sur laquelle nous avons travaillé en collaboration extrêmement étroite avec le BSIF en vue d'élaborer une proposition concrète, qui rencontre une certaine faveur internationale mais dont beaucoup de détails restent encore à mettre au point.
:
Malheureusement, le document que nous avons reçu du Fonds monétaire international, le FMI, est en anglais seulement. C'est leur faute et non celle de la Banque du Canada.
Concernant la taxe Tobin, je dois dire que le FMI conseille de ne pas l'adopter.
[Traduction]
Je vais juste vous donner une citation rapide, qui dit que la taxe sur les transactions financières, c'est-à-dire une taxe Tobin, n'est pas le meilleur instrument pour les fins recherchées. Ce n'est « pas le meilleur moyen de financer un mécanisme de règlement ». Elle « ne cible pas les causes fondamentales de l'instabilité financière », et elle est « un fardeau réel » qui « va peser principalement sur les consommateurs ultimes plutôt que sur les bénéfices du secteur financier ».
Le conseil donné par le fonds à l'égard d'une taxe sur les transactions financières, une taxe Tobin, était très clairement: « Ne le faites pas ». Il n'était pas sérieusement question de la mettre en oeuvre.
[Français]
Comme vous le savez sûrement, il sera impossible de mettre en place une taxe Tobin sans l'accord de tous les grands pays.
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Merci de votre question. C'est un point important.
Premièrement, pour ce qui est du taux de croissance au Canada, les chiffres de la Banque du Canada et ceux du FMI sont un peu différents. Toutefois, l'interprétation qui en est faite est la même.
Cette année, nous prévoyons que le Canada aura le taux de croissance le plus élevé de tous les pays du G7. Par contre, après cela, comme vous l'avez mentionné, le taux de croissance au Canada commencera à diminuer progressivement. Ainsi, selon la Banque du Canada, notre rythme de croissance en 2012 sera le même que notre taux de croissance potentiel. Voilà une réponse à votre question.
Pour faire des comparaisons, par exemple, le taux de croissance potentiel de l'économie canadienne sera, selon nous, de 1,9 p. 100, par rapport à un taux de croissance potentiel d'environ 2,4 ou 2,5 p. 100 aux États-Unis, toujours selon nous. Deux types de facteurs sont en cause. Il y a des facteurs démographiques et des facteurs de productivité.
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Merci, monsieur Carney, de votre présence parmi nous.
En parcourant votre rapport le plus récent, j'ai remarqué à la page 17, au tableau 2, le différentiel qui est apparu entre le taux du financement à un jour de la Banque du Canada et le taux préférentiel. Cela fait pas mal de temps que l'écart historique de 1,75 p. 100 entre les deux est dépassé.
Je pense que nous pouvons tous admettre... La majorité des Canadiens, ceux qui ont des taux variables, peuvent admettre la majoration intervenue en décembre 2008 de 1,75 à 2 p. 100. Je serais intéressé de connaître votre point de vue sur les répercussions de ce changement dans le différentiel historique. Quelle en est la raison? Je peux me livrer à des spéculations.
Ma vraie question est de savoir s'il faudrait ou non encourager les institutions financières à retourner à ce différentiel de 1,75 p. 100 et quelles en seraient les répercussions pour les Canadiens.
Je dois dire d'abord que, pour ce qui est des répercussions pour les Canadiens et la politique monétaire, nous prenons cela en compte; nous prenons en compte l'écart entre nos taux et les taux que payent les Canadiens, que ce soit sur leurs emprunts au taux préférentiel ou sur leurs emprunts hypothécaires — non pas seulement les taux affichés, qui sont les taux déclarés, mais les taux réels.
Si vous regardez le tableau — comme vous l'avez fait — vous verrez, par exemple, que sur les hypothèques à taux variables, les taux hypothécaires variables effectifs continuent de baisser. Les rabais par rapport aux taux hypothécaires affichés à cinq ans et aux taux préférentiels affichés sont réapparus, si bien que les taux effectifs que les Canadiens ont payés au cours de la période ont baissé.
Cela ne s'applique pas à tous les Canadiens. La probabilité que quelqu'un vous écrive une lettre — ou à moi car j'en reçois quantité — est fonction de sa présence ou son absence dans ce camp.
Votre question est de savoir ce que nous faisons pour y remédier. Nous en tenons compte. Nous nous soucions du taux que les Canadiens paient effectivement et de ce que cela entraîne pour l'activité économique et, en fin de compte, pour l'inflation.
Je m'en tiendrai là, à moins que vous ayez une question complémentaire.
:
Eh bien, je pense qu'il y a deux choses...
M. Russ Hiebert: [Note de la rédaction: Inaudible]... les banques.
M. Mark Carney: ... si je puis. L'une est le coût de financement des banques et l'autre l'élargissement de l'écart. En fin de compte, c'est un produit de la récession mais lorsque les coûts de financement de banque est les écarts de taux bancaires sur le court terme...
Je vais parler de choses techniques, mais vous êtes le comité des finances. Si vous prenez, par exemple, l'écart entre les taux CDOR et OIS — c'est-à-dire la prévision des taux d'intérêts du marché et les taux auxquels les banques empruntent sur le marché interbancaire — ces taux ne sont pas revenus à leurs normes historiques. Ce marché a retrouvé sa stabilité, ce qui est bon, et cela signifie qu'il y a moins besoin de liquidités pour un niveau donné, mais ces taux n'ont pas retrouvé leurs normes historiques.
Finalement, ce sont là des marchés, et je pense qu'il faut être très prudent avant de dicter les prix sur ces marchés. Selon notre perspective, le prix du marché que nous fixons est le taux du financement à un jour, et pour déterminer ce niveau nous prenons en considération ce que les marchés en font ensuite.
Je souscris certainement à ce que je crois que vous avez dit: une taxe sur les banques créant un fonds pour les crises financières futures représenterait un risque moral et il vaudrait mieux des fonds constitués par les banques elles-mêmes avec leur propre capital. Je crois que c'est ce que vous avez dit.
Mais j'ai une question sur la notion « trop grosse pour couler ». Dans le dernier numéro du magazine Economist, on dit qu'une justification pour une taxe sur les banques était que les grosses banques jouissent de taux d'intérêt plus bas parce qu'elles sont perçues comme étant trop grosses pour couler, et que cela pourrait justifier la taxe. J'aimerais donc savoir d'abord si vous êtes d'accord avec ce point de vue.
Mais surtout, l'Economist ajoute qu'une meilleure solution serait de remédier à cette impossibilité de faillite; je sais que c'est un problème et je sais que l'on cherche à le résoudre. Ma question est donc de savoir si vous pensez qu'une solution est en vue et s'il existe des moyens pour faire en sorte que les grosses banques ne soient plus perçues comme trop grosses pour faire faillite?
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Oui, absolument. Vous avez mis le doigt précisément sur le vrai problème.
Très brièvement, la raison pour laquelle la taxe, à notre sens, ne règle pas la question de l'externalité, c'est qu'en créant ce fonds... ou l'une des raisons, car il y en a beaucoup... Vous créez un fonds et donc, comme prêteur, comme acheteur des obligations émises par l'institution financière qui est la bénéficiaire ultime du fonds... pourquoi cela n'est-il pas une obligation quasi souveraine, étant donné...? C'est cela qui crée un risque moral, de toute évidence, et certainement pour les contreparties et d'autres participants à la transaction.
Alors comment y remédier? Je dirais que c'est là le critère à la lumière duquel j'encourage les membres et d'autres à juger les réformes financières: dans quelle mesure règlent-elles ce problème de manière efficiente? Construisons-nous un système tel que les grosses banques peuvent faire faillite sans entraîner avec elles d'autres institutions et sans vraiment nuire à l'économie réelle? La question est là.
Alors que faire? Un élément de solution est de modifier l'infrastructure du marché de façon à pouvoir en retrancher un élément, pour que le marché continue à fonctionner si une institution fait banqueroute. C'est ce que nous faisons au Canada avec le rachat des titres, de concert avec l'industrie et par l'intermédiaire d'une contrepartie centrale.
Il existe une initiative majeure du G20 qui intéresse le Canada concernant les dérivés non cotés en bourse qui ferait passer les dérivés standardisés par une chambre de compensation centrale. C'est incroyablement important pour précisément cette raison.
Ensuite, il faut donner aux autorités de surveillance — le BSIF et la SADC — tous les pouvoirs appropriés d'intervention si une institution est en difficulté. C'était l'une des défaillances aux États-Unis. Il n'y avait pas de pouvoir efficace d'intervention auprès d'une grosse partie de son secteur financier, notamment les banques d'affaires et les sociétés d'assurance — et vous voyez bien de qui je parle.
L'autre chose à faire, disons-nous, pour que ce soit clair, c'est d'avoir un capital contingent ou des attributs de capital contingent — nous et d'autres, le BSFI particulièrement — et pour bien expliquer ce que nous entendons par-là, il ne s'agit pas de fonds propres. Ce sont des éléments du financement de l'institution, des créances conditionnelles et peut-être même prioritaires, qui sont ensuite convertis en fonds propres si l'institution est en difficulté. Dans ce cas, ces titres sont convertis en actions. Cela dilue le capital-actions et recapitalise l'institution de l'intérieur.
Il y a différentes façons de s'y prendre, mais je pense que c'est très prometteur car cela fait porter le coût au secteur et fait en sorte que toute banque restant en activité, ou qui est sur le point de faillir, si vous voulez, peut continuer à fonctionner parce qu'elle est recapitalisée au moyen de son stock de crédits.
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Merci de la question. C'est un point très important.
Si vous me permettez, monsieur, de remonter à la même époque de l'an dernier, lorsque nous avons atteint le taux plancher de zéro, ou le taux zéro effectif — 25 points de base — pour des raisons techniques nous ne pouvions envisager que les taux d'intérêt tombent plus bas que cela. Nous pensions que, vu le niveau d'activité à l'étranger et au Canada et les perspectives d'inflation, afin d'atteindre notre cible d'inflation, il nous fallait plus de stimulation monétaire.
À ce stade, nous étions confrontés à un choix. D'autres banques centrales ont été dans le même cas. La première mesure a été une « détente quantitative » — imprimer de l'argent, en langue courante — ou bien « desserrer le crédit », soit acheter des créances.
Nous avons établi une politique. Premièrement, nous voulions une politique qui soit fondée sur des principes et transparente. Nous avons eu la chance de la faire connaître et de comparaître à votre comité immédiatement après pour nous expliquer. Et nous avons perçu une troisième option. Nous avions ces deux options, et nous continuons à en disposer si elles deviennent nécessaires, mais la troisième option a été un encadrement extraordinaire de l'évolution des taux d'intérêt. C'est pourquoi nous avons donné l'engagement conditionnel.
Donc, si vous demandez quelle détente monétaire en a résulté, nous avons obtenu un mouvement sur le court terme de la courbe de rendement sur la base du taux à un jour jusqu'à la fin juin 2010, un mouvement à la baisse. Dans le courant de l'année, ayant répété cet engagement, cette partie de la courbe de rendement s'est ancrée. Ces rendements déterminent largement divers prix, ce qui a occasionné une détente des conditions financières au Canada, notamment du taux d'emprunt au taux préférentiel, comme on l'a vu précédemment.
Donc, en levant cet engagement, même s'il ne restait plus que peu de temps dans sa durée, il en a résulté un ajustement correspondant de ces attentes, ce qui a retranché une partie de cette stimulation monétaire. C'était une politique originale, pour une période extraordinaire. Notre message est que cette période extraordinaire — pas difficile, mais extraordinaire — est révolue ou en voie de l'être, il était donc approprié de retrancher cela et c'était donc là l'atténuation de la détente monétaire.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de votre présence aujourd'hui, ici, monsieur Carney.
On ne cesse de dire que le Canada doit devenir compétitif, et nous avons vu que le Canada a fait un grand pas dans cette direction, notamment sur le plan de la fiscalité des entreprises.
L'étude comparative récente de la compétitivité effectuée par KPMG montre que nous avons maintenant un avantage sur les États-Unis sur le plan des coûts de production. Mais l'étude dit également que le Canada ne doit pas se reposer sur ses lauriers sur le plan de la fiscalité des entreprises.
De fait, je vais citer l'étude. Elle dit que le Canada « doit continuer à offrir aux entreprises une proposition de valeur claire dans d'autres domaines pour continuer d'attirer des sociétés étrangères ». Elle fait également valoir que « les grands rivaux du Canada ne sont plus des pays développés comme les États-Unis mais des économies émergentes à faibles coûts comme le Mexique ».
Il semble que vous soyez d'accord. D'ailleurs, j'aimerais juste citer un discours que vous avez prononcé en mars dernier:
Quelles que soient les raisons expliquant la piètre tenue du Canada au chapitre de la productivité, plusieurs avenues s'offrent aux décideurs publics afin de favoriser une croissance soutenue à long terme.
Il importe de reconnaître que les gouvernements qui se sont succédé ont réalisé de nombreux progrès encourageants dans cette voie... La compétitivité du régime fiscal des entreprises — particulièrement pour les nouveaux investissements — s'est accrue de façon notable au cours de la dernière décennie et ce régime est maintenant l'un des plus attrayants des pays industrialisés. Le Canada a aussi affiché un degré élevé d'ouverture aux échanges en concluant de nouveaux accords et en abaissant unilatéralement ses tarifs douaniers. La contribution la plus importante du secteur public serait de maintenir le cap à cet égard.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est si important de maintenir le cap sur le plan de la compétitivité des entreprises au Canada?
Merci d'avoir lu mon discours. Cela vous place en compagnie très restreinte.
Des voix: Oh, oh!
M. Mark Carney: Il y a plusieurs facteurs. Je voulais faire ressortir dans mon discours que diverses mesures ont été prises par divers gouvernements sur un certain nombre d'années, mesures qui ont considérablement amélioré le climat des affaires au Canada.
Ces mesures couvrent tout un éventail, depuis les investissements dans la recherche fondamentale et des améliorations du marché du travail et d'autres flexibilités, jusqu'à l'investissement dans l'infrastructure et, une mesure prépondérante dont vous faites état dans votre question, un renversement assez spectaculaire de la fiscalité des entreprises dans notre pays et aussi — et là quelques mesures finales vont intervenir au niveau provincial — l'effet marginal des taux d'imposition sur l'investissement dans le pays.
Nous avons donc assisté à de gros changements au niveau de la compétitivité de l'impôt sur le revenu des sociétés et de la compétitivité des nouveaux investissements, avec la pleine prise d'effet de ces mesures, et donc oui, ce sont là des facteurs importants.
L'un des autres messages du discours est la nécessité pour les pouvoirs publics de maintenir ces investissements à l'avenir. Mais fondamentalement, le secteur privé est appelé à tirer pleinement parti de ce climat des affaires et c'est ce que nous escomptons et reflétons dans notre prévision d'une majoration de l'investissement et il ne s'agit pas seulement de tirer parti du climat d'affaires, mais peut-être aussi, profitant de l'amélioration de la compétitivité face aux marchés émergents, de développer ces débouchés, ce qui se traduirait par un transfert de la part relative de croissance provenant des économies avancées et des économies émergentes.
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Merci, monsieur le président. J'avais avisé M. Carney que je voulais lui parler d'inflation.
Je vous avoue, monsieur Carney, que vous m'impressionnez. Votre don de pédagogue vous sert bien quand vous expliquez que ce que les anglophones aiment appeler
[Traduction]
quantitative easing
[Français]
n'est ni plus ni moins que l'impression de billets de banque à travers le monde. C'est à peu près la meilleure explication et la plus franche que j'ai entendue jusqu'à maintenant.
Cela étant dit, il existe un lieu commun en économie. L'inflation est causée parce qu'on a trop d'argent et pas suffisamment de biens. On va donc avoir beaucoup d'argent et une dette monstre à absorber. Je ne veux pas parler de la guerre en Irak, mais même avant la crise actuelle, la guerre avait déjà coûté au Trésor américain plus de 1 500 milliards de dollars américains. Il va donc falloir éponger cette dette d'une manière ou d'une autre, tout comme on a l'a fait à la fin de la guerre du Vietnam. L'inflation que l'on a connue au cours des quelques années qui ont suivi la guerre du Vietnam n'était pas étrangère au fait qu'il fallait rembourser. Quoi de mieux pour un gouvernement que de rembourser avec des billets de banque qui ont moins de valeur. C'est plus simple ainsi.
Je prends bonne note de votre cible de 2 p. 100 qui ne change pas. Je prends également note de ce que vous nous avez dit tout à l'heure. Les mesures de stimulation vont aller en diminuant bien que, selon vous, il n'y ait rien de décidé d'avance. Comme vous le dites, ce n'est pas prévu d'avance. Quand même, pouvez-vous partager avec nous ce que vous voyez comme possibilités réelles d'inflation? Seront-elles de l'ordre de celles que nous avons connue à la fin des années 1970 et au début des années 1980? J'aimerais, si vous le voulez bien, mettre cela en lien avec une excellente démarche entreprise par le gouvernement conservateur — vous m'avez bien entendu — , lorsque le ministre des Finances a averti les gens qui achetaient leur première maison de ne pas trop s'aventurer parce que les très bas taux d'intérêts constituent une sorte de leurre. Y a-t-il un réel danger que plusieurs jeunes qui sont en train d'acheter leur première maison risquent de se faire prendre comme on l'a vu au début des années 1980, avec des taux d'intérêt qui dépassent les 20 p. 100?
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Je vous remercie de votre question. Elle est complexe, mais très pertinente compte tenu de la conjoncture actuelle. En ce qui a trait au Canada, permettez-moi de répondre en anglais.
[Traduction]
Le problème que vous mettez en lumière — et j'apprécie que vous approuviez notre cible d'inflation — et la discipline qu'elle nous impose au niveau de la gestion de notre politique monétaire est telle que cette solution de facilité, en quelque sorte, sur le plan financier ou plus généralement, est peu susceptible d'être utilisée. Nous devons réagir de façon appropriée, en anticipant les pressions inflationnistes dans l'économie, afin de ne pas se retrouver avec une hausse brutale des taux d'intérêt — une majoration excessive, si vous voulez — du fait d'une trop grande timidité initiale de la réponse monétaire.
Les principales autorités monétaires dans le monde ont l'intention de suivre des politiques similaires. C'est leur intention, et je ne doute pas qu'elles le fassent. Cependant, en tout état de cause, nous avons la faculté de contrôler le taux d'inflation au Canada.
[Français]
Nous sommes maîtres chez nous, notamment en ce qui a trait au taux d'inflation au Canada.
[Traduction]
Nous prendrons les mesures qui s'imposent.
Je dirais enfin que la solution à ce problème — et c'est là un commentaire un peu gratuit mais c'est une possibilité envisagée — la solution à ces problèmes d'endettement dans les autres pays ne réside pas, à notre sens, dans une majoration du taux d'inflation cible de façon à amenuiser de façon plus ou moins ordonnée la dette par la dépréciation de la monnaie. Il est extrêmement difficile de passer d'un taux d'inflation faible à un taux plus élevé. Je crois que ce point de vue est largement partagé.
Merci.
:
Eh bien, nous nous soucions de la dette des gens, et cela pour deux raisons. Nous sommes ici pour parler du rapport sur la politique monétaire, et je vais donc me concentrer sur cet aspect, mais il y a aussi un souci de stabilité financière.
Du point de vue de la politique monétaire, notre souci tient au fait que les taux d'intérêt sur les emprunts, le recours au crédit, sont l'un des facteurs qui influencent manifestement, dans le cas des ménages, l'investissement résidentiel, l'achat de maisons, les rénovations et la consommation. C'est donc un déterminant du niveau de l'activité et de la facilité de cette activité.
Nous pouvons observer, et ce n'est pas surprenant — et cela nous ramène à une question antérieure de M. Hiebert — l'impact de cela sur l'activité économique et la manière dont notre taux directeur se reflète sur les taux d'emprunt effectifs des ménages et des entreprises. Quelles en sont les répercussions sur l'activité? Quelles sont les répercussions sur l'inflation, le crédit étant l'un des nombreux facteurs qui la déterminent?
Nous avons observé en ce qui concerne la dette des ménages — plus précisément au niveau des coûts du crédit — une augmentation ces dernières semaines du coût des hypothèques à taux fixe. C'est le résultat d'augmentations des coûts de financement sous-jacents à terme fixe des banques, c'est-à-dire sur une durée de cinq ans. C'est en gros ce que nous avons vu: une augmentation des rendements des obligations d'État depuis notre dernier rapport — ce qui est généralement conforme avec une amélioration de l'économie mondiale — et une légère majoration des coûts de financement des banques au-delà de ces rendements des obligations d'État. La combinaison des deux a donc augmenté le coût du crédit...
Merci beaucoup.
Je vais m'accorder le tour suivant, à titre de président.
Monsieur Carney, je voulais vous parler du dollar. Vous en faites état dans votre rapport, aux pages 19, 20 et 21.
La perception commune, surtout lorsque le dollar grimpait rapidement ces derniers temps, était que la hausse était alimentée par les prix du pétrole — principalement le prix du brut — mais vous citez les prix de l'énergie en général et les prix des produits de base non énergétiques. Vous parlez ensuite des taux d'intérêt à l'échelle mondiale. De toute évidence, je suppose que le niveau du dollar américain aura lui aussi un impact.
Considérez-vous que le prix du pétrole ou le prix du brut n'exerce pas une influence aussi grande sur le cours du dollar que précédemment, mettons qu'il y a un an ou deux?
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Eh bien, c'est vrai, un capital plus important, un meilleur capital, une meilleure gestion des liquidités, et davantage de liquidités effectivement disponibles sont tous des facteurs qui vont réduire la probabilité de la défaillance d'institutions individuelles et vont collectivement renforcer la résilience du système.
L'autre facteur qu'il importe de considérer est l'interconnexion des institutions. Détiennent-elles des obligations émises par les autres? Sont-elles de grosses contreparties l'une pour l'autre? Dans quelle mesure sont-elles liées entre elles? Car l'effet de contagion si une institution s'écoule...
Je fais remarquer — vous le savez, mais il est bon de le rappeler — que Bear Stearns était la sixième plus grosse banque d'affaires aux États-Unis, donc pas une grosse banque d'affaires, mais la sixième. Les autorités américaines ont décidé qu'elle était trop grosse, ou plutôt trop interconnectée, pour qu'on la laisse couler, et c'est pourquoi elle a organisé un sauvetage ordonné de cette banque. Je dois dire, selon ce que je sais et connais de la situation — et savais à l'époque — que c'était la bonne décision.
Donc, dans le cadre de la réforme financière, il faut s'attaquer aussi à ces interconnexions, afin qu'une institution individuelle puisse être séparée, en quelque sorte,du système si elle devient insolvable.
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Permettez-moi de revenir un instant sur la taxe sur les banques ou à la taxe sur les transactions. Je pense avoir donné ma position. J'ai entendu citer des chiffres, tels que plusieurs centaines de milliards de dollars par an, comme recettes provenant d'une petite taxe sur les transactions, que ce soit les opérations de change ou un jeu plus large d'opérations. J'ai réfléchi et le sous-entendu semble être que ce serait sans douleur.
Ma question porte sur deux aspects: premièrement, la réaction des institutions financières; et deuxièmement, les répercussions.
Pour ce qui est de la réaction, ayant travaillé pour une banque, et vous pour une institution similaire...
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John McCallum: J'ai l'impression qu'il y aurait un énorme changement dans le volume des opérations boursières, si bien qu'au lieu d'avoir une réduction de volume de 40 p. 100, pour autant que je sache ce pourrait bien être de 90 p. 100. Je ne sais pas de combien serait la réduction, mais il me semble que l'on ne peut pas simplement calculer les recettes d'une telle taxe sur la base des volumes des opérations boursières avant taxe. Voilà la première question.
Deuxièmement, lorsqu'il est question de centaines de milliards de dollars, quelqu'un doit payer. Je peux imaginer que ceux qui vont se rendre aux États-Unis en vacances, ou acheter une hypothèque, ou emprunter... Ou bien cela va-t-il se limiter aux opérations spéculatives?
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux répercussions possibles et de la réaction des institutions financières, qui influencerait les recettes.
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Je pense que vous avez absolument raison sur les deux points — et vous vous êtes dit d'accord avec moi plus tôt, nous sommes donc à égalité — mais l'une des réactions particulièrement importantes ne tient peut-être pas seulement au niveau de l'activité. Ces calculs supposent que le niveau d'activité reste inchangé et que vous prélevez simplement un coût. Mais il y aura une réaction, ce qui à bien des égards devrait être le but recherché. J'entends par là que le problème devrait être l'externalité résultant de cette activité.
Mais l'autre réaction qui nous préoccupe tient à la faible probabilité que tout le monde adopte la même taxe sur les transactions. Car la réaction que l'on doit escompter, c'est que l'activité migre vers les pays qui ne recensent pas les transactions, si bien que les recettes de la taxe seront grandement réduites.
Pour ce qui est de l'incidence, il est probable qu'en bout de chaîne c'est l'emprunteur qui va payer, très clairement, et pas seulement ceux qui font des opérations de change pour leurs activités normales, telles que traverser la frontière pour rendre visite à des amis et la famille, mais des emprunteurs commerciaux et des ménages. Elle serait donc répercutée directement, et par comparaison à une taxe Tobin ou une taxe sur les flux financiers du FMI, c'est là la conclusion; aussi, c'est la taxe qui n'a pas été recommandée au G20 la fin de semaine dernière.
Mais il existe une considération plus générale, à savoir que si nous sommes en faveur d'une plus haute capitalisation du système — car globalement le système était sous-capitalisé — il est vrai que ce capital doit également produire un rendement, comme vous le savez bien, et l'effet de normes de capitalisation et de liquidité plus strictes sera une certaine augmentation du coût du capital, non seulement pour l'institution elle-même, mais pour les emprunteurs ultimes auprès de ces institutions. On peut voir que les énormes fluctuations du niveau du capital ont infligé à nous tous d'énormes coûts financiers lorsqu'il a fallu surmonter ces situations de crise et parvenir à une plus grande stabilité.
Enfin, d'aucuns estiment qu'au cours des années juste avant la crise, le coût du capital ou de l'emprunt, sachant que nous avions une bulle...
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Oui, certainement. Nous avons fait valoir un certain nombre d'arguments et le consensus était assez fort.
Mais le programme fondamental, celui dont nous avons parlé un peu, c'est la capitalisation, la liquidité et l'interconnexion, et nous devons avancer dans ces domaines fondamentaux. Vous devez exiger de nous que nous réalisions des progrès sur ce programme fondamental d'ici novembre. Alors, une fois que vous verrez quelles sont ces mesures, quel en est l'impact escompté, la question sera de savoir s'il faut faire plus.
De même, pour le FMI, si vous envisagez d'ajouter une taxe en sus — et c'est le cas de peu de gens — vous avez intérêt à calculer l'impact net du capital supplémentaire, de la liquidité supplémentaire et d'autres mesures imposées au secteur financier, le coût d'ensemble étant forcément répercuté sur l'économie réelle.
L'hon. John McCallum: Merci.
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Merci, monsieur le président.
J'apprécie la présence aujourd'hui du gouverneur Carney.
Nous apprécions vos éloquentes réponses. Habituellement, lorsque vous venez ici, on vous passe sur le gril, et je vais donc changer de chaîne. Je vais vous demander de remonter à la situation d'il y a 12 ou 18 mois. Il nous faut reconnaître le rôle que vous et vos collaborateurs ont joué, ainsi que le , et ce qu'il aurait pu advenir.
Je ne saisis toujours pas complètement le rôle joué par la Banque. Je comprends assez bien le rôle joué par notre qui a su préserver la stabilité du Canada et prendre les bonnes décisions. Je sais que vous avez eu votre mot à dire. Je ne sais pas dans quelle mesure vous pouvez nous en parler. La plupart des Canadiens ne comprennent pas le rôle que nous avons joué et je pense qu'il a été mis en lumière la fin de semaine dernière lorsque, avec votre aide, le ministre des Finances a réussi lors des pourparlers du G8 et du G20 à contrer certaines propositions qui auraient fait énormément de tort aux contribuables canadiens. Nous savons tous qu'il n'y a qu'un seul contribuable dans ce pays — vous et moi — et toute taxe frappant une institution financière nous aurait été rapidement transmise. Juste un petit commentaire à ce sujet, s'il vous plaît.
Ensuite je vous demanderais une brève explication, si vous voulez bien. Un membre de ce comité s'est levé à la période des questions pour parler du crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et demander pourquoi ceux qui ne paient pas d'impôt n'ont rien touché. Pourriez-vous nous expliquer très brièvement comment fonctionne un crédit d'impôt?
Des voix: Oh, oh!
Le président: À l'ordre. Monsieur Carney a la parole.
Allez-y, monsieur Carney.
:
D'accord. Eh bien, merci d'abord de ces aimables paroles.
Au plus profond de la crise, il a fallu prendre quelques décisions très difficiles, à l'échelle internationale et au Canada. L'histoire en sera écrite un jour, mais vu que nous étions dans une situation relativement meilleure, nous avons pu aider d'autres à prendre les bonnes décisions, en quelque sorte, à l'échelle internationale, et surtout en octobre 2008 pour conclure l'accord au niveau du G7 — qui a réellement renversé la situation — pour prendre quelques décisions difficiles consistant à donner un plus grand soutien aux institutions, sous forme de liquidités et de garanties, afin d'enrayer la crise.
Je pense qu'il était utile dans cette situation que le , avec mon soutien, dise que même si nous n'y étions pas obligés, nous allions agir et aider d'autres... Nous n'en avions clairement pas besoin, mais cela a aidé d'autres à dire qu'ils n'en avaient pas besoin nécessairement non plus, mais que, collectivement, il fallait agir; il fallait absolument intervenir et le faire immédiatement, à ce stade. Cela a donc été utile.
Les crises aident à nouer des relations et les relations que nous avons construites au sein du G8 et du G20 nous ont aidés à faire avancer la réforme, et la performance du secteur canadien a certainement fait avancer les choses.
Enfin, je dirais qu'il nous incombe d'offrir un certain leadership intellectuel relativement à certains enjeux au G20 pour faire avancer les choses, car le système requiert manifestement des changements profonds.
En ce qui concerne le crédit d'impôt pour rénovation domiciliaire, je crois que c'était une sorte d'incident de type Les hommes en noir lorsque je suis passé du ministère des Finances à la Banque et ai été reprogrammé. Je crains d'avoir oublié comment fonctionne précisément un crédit d'impôt, et je ne vais donc pas pouvoir vous aider.
Des voix: Oh, oh!
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Merci, monsieur Carney, d'avoir terminé ce choeur d'alléluia sur cette note très positive.
J'aimerais, moi aussi, féliciter la Banque pour la façon dont elle s'est occupée du côté monétaire de l'équation. Il est dommage que vous n'ayez pas joui de l'appui du gouvernement du côté financier de l'équation.
Mais j'aimerais souligner, sur une note personnelle, et cela a déjà été mentionné par d'autres, que M. Jenkins vous accompagne habituellement. C'est sans doute la première fois depuis de nombreuses années qu'il n'a pas été ici aux côtés du gouverneur, et je tenais simplement à déclarer publiquement quelle joie cela a été de travailler avec lui au fil des ans. Lorsque j'étais de l'autre côté, il m'a été d'une aide extraordinaire, comme il l'a été pour moi de ce côté-ci — un merveilleux fonctionnaire.
Vous avez manifestement établi une fenêtre pour la hausse des taux, et vos propos ont été soigneusement épluchés par un très grand nombre de personnes. Le souci que j'ai relativement à l'augmentation par vous des taux, comme prévu, est que la fenêtre semble coïncider avec la mise en oeuvre par les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique de la TVH, qui viendra vraisemblablement freiner l'économie. Il se pourrait fort bien que le 1er juillet, si telle est la fenêtre, l'économie encaisse un double coup: votre augmentation des taux d'intérêt et la TVH.
Avez-vous réfléchi à la question? Dans l'affirmative, comment réagissez-vous?
J'aimerais ajouter ma voix à celle des autres qui ont louangé Paul Jenkins. Il a eu une carrière remarquable au service de notre pays et m'a été d'une aide incroyable personnellement, tout comme il a aidé l'institution dans son ensemble, pendant ces dernières années difficiles. Il me manque, surtout à de tels moments.
J'envisage avec plaisir d'être accompagné par M. Macklem la prochaine fois que nous nous rencontrerons. Il entrera en fonction le jour de la fête du Canada, une fois exécutées ses dernières obligations en tant que représentant du Canada, du côté financier, au G20 et au G8. Bien évidemment, avec les sommets qui s'en viennent, il est important qu'il appuie notre et notre dans ce contexte.
En ce qui concerne... quelle était votre question, déjà?
Des voix: Oh, oh!
Et Tiff Macklem, oui. Nous n'anticipons aucun effet immédiat avec l'arrivée de M. Macklem.
Mais, oui, bien sûr, nous en avons tenu compte. L'une des choses que nous avons essayé de faire ressortir dans le rapport est que nous croyons qu'il y a eu une reprise de certaines activités économiques, notamment dans le secteur de la construction résidentielle et pour d'autres activités de consommation, et ce, pour plusieurs raisons: premièrement, l'expiration du crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et les dépenses connexes; deuxièmement, l'anticipation de changements du côté des taux d'intérêt; et, troisièmement, la TVH, applicable à l'achat de maisons neuves, mais également d'autres achats.
Nous prévoyons donc qu'il y aura un fléchissement d'une partie de cette activité au deuxième trimestre, mais surtout au troisième. Voilà ce que nous prévoyons. La question est de savoir si ce recul sera inférieur ou supérieur à nos prédictions. Nous verrons bien.
J'aimerais cependant répéter ce que j'ai dit au début, soit que rien n'est décidé d'avance. Ce que nous avons fait c'est retirer les consignes extraordinaires, les consignes exceptionnelles, les consignes non conventionnelles concernant l'évolution des taux d'intérêt, ce qui était nécessaire à l'époque. Ce temps sera bientôt révolu. Nous avons supprimé cela. Nous n'allons pas donner de consignes quant à l'évolution des taux d'intérêt.
L'envergure et l'échéancier de tout retrait futur de mesures de stimulation monétaire seront fonction de l'activité économique et des perspectives en matière d'inflation au Canada. Ceux qui s'efforcent donc de deviner ce que nous pourrions faire devraient plutôt consacrer leur temps non pas à décortiquer des paroles prononcées, mais à réfléchir au niveau d'activité économique, aux perspectives en matière d'inflation dans notre économie, et au niveau auquel les taux devraient se situer.
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Je vais apporter un éclaircissement: les rajustements de taux n'ont pas visé le taux préférentiel, mais les taux hypothécaires fixes des banques, et ce qui détermine les taux hypothécaires fixes des banques ce sont leurs coûts de financement fixes.
Bien sûr, au cours des dernières semaines, ces coûts de financement ont augmenté, pour deux raisons.
Premièrement, les taux des obligations d'État sur cinq ans, tout comme ceux du marché hypothécaire, ont augmenté d'environ 40 points de base sur cet horizon. Ils ont diminué ces derniers jours du fait d'une certaine activité sur le marché, mais, de manière générale, c'est ce qui s'est passé. D'autre part, les coûts de financement — la prime que les banques payent en sus — ont augmenté d'environ 15 à 20 points de base par rapport à cela, et il y a donc eu une hausse des coûts de financement, ce qui se répercute et s'exprime dans le taux hypothécaire. Nous n'avons pas vu ce même rajustement du côté du taux préférentiel.
Notre responsabilité, bien sûr, est de regarder ce que paient véritablement les gens et de déterminer quelle incidence cela va avoir sur leur activité — et, bien sûr, sur l'inflation —, pour ensuite rajuster notre taux en conséquence.
Un dernier point: nous surveillons bien sûr toute tension — et nous n'avons pas décelé — dans les marchés de liquidités, comme j'en ai discuté il y a quelques instants avec , ou dans les marchés interbancaires, et devons décider si la Banque devrait jouer un rôle pour alléger ces tensions et avoir une incidence à ce niveau-là également. Mais, comme je l'ai dit, ce n'est pas ce que nous voyons.
:
Je vous remercie de la question, et je suis ravi que vous la posiez, en partie parce que je pense qu'il est important pour les Canadiens de comprendre qu'il y a, entre le gouvernement du Canada et la Banque du Canada, une entente établissant le mandat de l'institution.
Nous sommes responsables de l'exécution de ce mandat, mais il s'agit d'un pouvoir qui nous est délégué par la population canadienne par l'intermédiaire du gouvernement du Canada, et, vous avez raison: le régime de ciblage du taux d'inflation est en place, en vertu d'ententes successives, depuis le début des années 1990, et il doit bel et bien être renouvelé à la fin de l'année 2011.
Pourquoi la cible est-elle de 2 p. 100 en vertu du mandat?
Premièrement, il y a une reconnaissance commune du coût de l'inflation, et une reconnaissance du fait que ces coûts de l'inflation sont subis de manière disproportionnée par les Canadiens pauvres et par ceux et celles qui ont moins accès à des produits de couverture sophistiqués. Ces coûts amènent des distorsions — des distorsions au niveau de l'investissement et d'autres activités — et transfèrent la richesse entre les épargnants et les emprunteurs de manière quelque peu erratique, selon la situation dans laquelle vous vous retrouvez en bout de ligne.
Notre définition d'un taux d'inflation faible, stable et prévisible correspond à un taux de 2 p. 100. C'est notre objectif.
L'une des raisons pour lesquelles cette cible a été choisie par le passé — et nous sommes en train de revoir la chose et avons lancé un vaste programme de recherche pour déterminer si c'est le bon niveau — est qu'il est suffisamment faible pour ne pas intervenir dans la réflexion des gens lorsqu'ils prennent des décisions financières. Il y a quantité de façons de montrer que lorsque les gens font des prévisions et entreprennent des activités, ils estiment qu'un taux d'inflation de 2 p. 100 est relativement bas, et ils peuvent faire une distinction entre les augmentations du prix relatif d'un bien et des augmentations de prix généralisées.
La deuxième raison est que ce taux est suffisamment loin de zéro pour que, compte tenu de la volatilité de l'inflation, l'on ne s'attendrait pas à en arriver à la situation que nous connaissons à l'heure actuelle, c'est-à-dire dire un niveau zéro descendant, sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Lorsqu'on arrive au niveau zéro descendant du côté des intérêts, les options deviennent non conventionnelles. C'est alors qu'il est question de consignes extraordinaires, de détente quantitative, et cela devient une détente du crédit.
L'une des décisions collectives qu'il faudra prendre sera celle de savoir si cela est toujours approprié. Avons-nous tiré quelque leçon que ce soit de l'application de la politique, au Canada et ailleurs, de l'inflation négative, et qui permettrait que la cible soit inférieure ou alors qu'un régime différent soit instauré? Nous disposerons de données qui nous permettront de prendre une décision plus éclairée et de réfléchir à ce que nous pourrions gagner à avoir un taux d'inflation inférieur au lieu de maintenir le taux actuel.
Excusez-moi, madame Block, mais...
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Très rapidement, étant donné que vous avez lu le discours que j'ai prononcé devant l'OAE, il y a, à la fin de ce discours, des références concernant des analyses plutôt sophistiquées qu'a faites la Banque — et que je serais heureux de fournir au comité — sur ce qui se passe si les gouvernements n'établissent pas le bon équilibre.
S'ils ne resserrent pas comme il se doit la politique budgétaire et si les taux d'intérêt mondiaux montent en flèche et si la croissance potentielle est frappée, cela finira en bout de ligne par frapper également le Canada. D'autre part, s'ils agissent trop rapidement ou trop abruptement, du fait de pressions du marché, alors le résultat en bout de ligne sera le même. Il sera en fait pire.
Ce qu'il faut, donc, c'est un programme complet pour que le tir soit juste. Voilà en gros quelle est la discussion en matière de déséquilibres telle qu'elle existe à l'heure actuelle, et c'est pourquoi le cadre du G20 est si important.
Pour ce qui est du relais au Canada, ce qu'il faut c'est une confiance à l'égard de la politique macro. Cela suppose avoir un plan financier et le mettre en oeuvre. Cela suppose que la Banque fasse son travail, ni plus ni moins, afin que nous puissions être confiants que l'inflation va être faible, stable et prévisible. Cela suppose veiller à ce que le secteur financier fonctionne, à ce que les réformes soient appropriées et à ce qu'il n'y ait pas trop d'exigences de capitalisation. Et cela exige bien sûr également un degré de confiance dans le secteur privé à l'égard de l'économie mondiale, ce qui échappe malheureusement à notre contrôle. Mais, certes, notre devoir est d'informer les Canadiens de notre mieux en ce qui concerne l'évolution future de l'économie mondiale.