CHER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 4 février 1998
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.
[Français]
Ceci est la seconde d'une série de deux réunions par rapport au commerce et à la culture. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous effectuons une étude sur la culture canadienne.
Nous sommes très heureux d'accueillir M. le professeur Ivan Bernier, de la Faculté de droit de l'Université Laval, qui est bien connu de tous.
[Traduction]
Nous avons aussi les représentants de la Conférence canadienne des arts, M. Keith Kelly, directeur général, et son associé, M. Paul Spurgeon.
Il y a u problème.
[Français]
Je voudrais que les membres du comité me le signalent parce que
[Traduction]
nous sommes censés avoir un vote.
[Français]
Il y aura un un vote vers 14 heures, je pense. J'en ai discuté avec M. Kelly et M. Bernier. C'est bien malheureux, mais ils seront sans doute interrompus au beau milieu de leur présentation. Préféreriez-vous qu'on ouvre la séance par des questions, dès le départ, ou bien qu'ils vous adressent d'abord la parole? Nous avons en effet à peine une vingtaine de minutes avant l'appel pour le vote.
[Traduction]
Que voulez-vous faire? Voulez-vous commencer tout de suite à poser des questions?
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je pense que ce qui est important, c'est que nos invités soient à l'aise parce que c'est la deuxième fois qu'on leur fait le coup. Je me sens un peu mal à l'aise...
Le président: Moi aussi.
Mme Suzanne Tremblay: ...qu'on ait à le faire une deuxième fois. Je suis prête à fonctionner dans le cadre qui leur convient le mieux.
Le président: Merci beaucoup, madame Tremblay.
[Traduction]
Monsieur Obhrai, vous demandiez la parole.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Je pense qu'il serait préférable qu'ils nous présentent un bref exposé afin que nous puissions nous remettre dans le sujet.
Le président: Pourquoi? Pourquoi ne pas simplement commencer par un bref exposé?
Monsieur Bernier, monsieur Kelly.
[Français]
M. Ivan Bernier (professeur, Faculté de droit, Université Laval): Merci, monsieur le président. Je vais faire quelques brèves remarques sur ce que je considère être la stratégie que le gouvernement canadien pourrait adopter en ce qui concerne la dimension internationale des interventions du pays dans le domaine culturel.
• 1540
Dans le contexte actuel, où se tient un débat
important qui n'est pas terminé, qui est toujours
ouvert, il est important que le Canada maintienne une
attitude ferme en ce qui concerne la question
culturelle.
La chose est d'autant plus importante que, dans ce contexte, il faut que l'argument en faveur d'une exception culturelle soit poussé jusqu'à l'ultime limite de sa logique; c'est-à-dire qu'il faut aller au fond de cet argument. Il faut saisir et comprendre ce qu'il en est exactement et voir quels sont les appuis que le Canada peut aller chercher à l'étranger. Si le Canada et les autres pays favorables à cette exception culturelle ou à d'autres mécanismes équivalents pour protéger les produits culturels dans le secteur du commerce ne font pas cet exercice, il ne sera jamais fait et on ne saura jamais véritablement ce qui aurait pu en résulter.
Donc, c'est important, au départ, de conserver cette idée-là à l'esprit. Il y a un argument à construire et une logique à développer.
Deuxièmement, il est aussi nécessaire de prendre en considération les intérêts globaux du Canada dans le domaine culturel. Cela veut dire, entre autres, aller au-delà des seules mesures visant à protéger les produits culturels canadiens. La protection des produits culturels canadiens est une chose, mais il y en a une autre, soit la diversité culturelle.
La diversité culturelle doit aussi constituer un objectif important de la politique canadienne au plan international dans le domaine culturel. Cela implique, par exemple, une ouverture accrue à des importations culturelles diversifiées et des mesures de nature à favoriser ces importations culturelles diversifiées.
Il faut aussi tenir compte de la nécessité de faire circuler les produits culturels canadiens à l'étranger, ce qui veut dire à la fois les faire connaître et offrir un marché plus grand aux producteurs culturels canadiens. Je pense qu'il y a là une dimension importante dont il faut tenir compte.
Il faut encore et surtout comprendre que le protectionnisme culturel, s'il se fonde uniquement sur des arguments économiques, risque d'entraîner à l'étranger des réactions qui pourraient avoir un impact considérable. C'est dire que si on ne prend en compte que la dimension économique de la production culturelle, on se trouve rapidement dans un cul-de-sac parce que cette logique amène les autres États à répondre par des arguments économiques, donc à demander des mesures compensatoires lorsqu'on applique des mesures de protection ou, éventuellement, à prendre des mesures qui pourraient aller aussi loin, par exemple, que de refuser d'exporter vers le Canada des produits culturels.
L'expérience a déjà été faite, il y a plusieurs années, lorsque les États-Unis ont menacé de ne pas envoyer de vidéos en Ontario si le gouvernement ontarien maintenait sa volonté d'établir des normes et des critères en ce qui concerne la classification des vidéos. De la même façon, si les États-Unis décidaient de poursuivre leur objectif de restreindre la circulation des créateurs culturels, il y aurait une série de problèmes également de ce côté-là.
Je pense qu'il faut avoir une vision globale lorsqu'on songe à cela.
Troisièmement, il est nécessaire de développer une argumentation convaincante sur la place que doivent occuper les produits culturels dans les accords commerciaux internationaux. Si on est pour défendre une position logique et cohérente au plan international, il est absolument essentiel que notre argumentation soit convaincante.
Finalement, je pense que cela nous ramène, au niveau interne, à la nécessité de coordonner l'action des ministères canadiens. Là, il y a encore beaucoup de travail à faire. J'ai pu comparaître devant deux comités, ceux des affaires étrangères et du patrimoine canadien, et je pense qu'on peut parfois constater qu'il y a des divergences. Il serait important de coordonner l'action canadienne dans ce secteur. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le professeur.
[Traduction]
Monsieur Kelly.
M. Keith Kelly (directeur général, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Paul Spurgeon, spécialiste de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur ainsi que du secteur de la musique canadienne. M. Spurgeon a été membre du groupe consultatif sectoriel sur le commerce international au ministère du Commerce international et il connaît à fond la question du commerce international et de la culture. Il dira quelques mots lorsque j'aurai terminé.
Comme nous manquons de temps, je ne répéterai pas en entier l'exposé que nous avons commencé en décembre, mais je tiens à signaler quelques éléments clés afin de bien centrer la discussion. Premièrement, le Canada s'est engagé à promouvoir l'instauration d'un régime de commerce mondial exempt de barrières depuis la Conférence de Bretton Woods en 1944. Tous les gouvernements élus depuis ont ensuite réaffirmé cet objectif.
• 1545
Au début, l'objectif des accords sur le commerce international
concernait les tarifs sur les biens importés, car on les
considérait comme des barrières importantes à la libéralisation du
commerce mondial. Mais comme on les a maîtrisées assez rapidement,
on a commencé à s'attaquer à ce qu'on appelle les barrières non
tarifaires. Des questions comme le contenu national, les
subventions et d'autres politiques élaborées par un pays ont alors
fait l'objet d'un examen minutieux dans le cadre des négociations
commerciales internationales.
Le Canada a profité d'une libéralisation du commerce. Toutefois, comme des événements récents le montrent, le compromis sur le plan de la souveraineté en échange de la promesse d'avantages économiques découlant de ces accords nécessitent un examen plus minutieux afin d'assurer non seulement l'intégrité de la souveraineté politique, économique et culturelle, mais aussi l'intégrité des valeurs humaines fondamentales que ces accords doivent refléter.
Le cadre actuel des accords commerciaux internationaux auxquels participe le Canada, offre peu de garanties ou de dispositions spécifiques qui confirment le droit de nos gouvernements de façonner et de mettre en oeuvre des mesures nationales sur le plan culturel sans attirer la menace d'une contestation ou de représailles.
La Conférence canadienne des arts (CCA) continue de demander une exclusion complète du domaine culturel dans l'Accord multilatéral sur l'investissement et exhorte nos collègues d'autres secteurs de la vie canadienne qui estiment leurs intérêts compromis par l'accord proposé, à agir de façon constructive en proposant des solutions ou des révisions qui permettront de répondre à leurs préoccupations dans le contexte de l'AMI et d'autres négociations commerciales multilatérales.
Nous appuyons les efforts de la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, et du ministre du Commerce international pour élaborer un vaste accord international qui confirme le droit des nations à la souveraineté culturelle.
La CCA estime que tous les députés et tous les Canadiens doivent s'engager dans un débat réfléchi et éclairé sur les valeurs fondamentales qui doivent éclairer notre position de négociation pour tous les accords bilatéraux et multilatéraux sur le commerce et sur l'investissement. Notre défi consiste à fournir à nos négociateurs un ensemble clair d'instructions pour les guider dans leurs efforts à la table de négociations.
Le président: Merci.
Monsieur Spurgeon.
M. Paul Spurgeon (associé, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président.
Je n'étais pas présent lors de la première comparution de M. Kelly, mais lorsqu'il a comparu avec Garry Neil il y a deux mois, l'une des trois questions clés qu'ils ont formulées—et c'est l'essence même du problème—est la façon dont le Canada affirme, dans le cadre du réseau des accords commerciaux existants, notre droit de gérer nos propres affaires culturelles sans aucun empêchement. C'est vraiment le coeur de la question.
Dans un mémoire que nous avons présenté au Sous-comité du commerce international, nous avons souligné les options qui s'offraient, à notre avis, au gouvernement pour négocier l'obtention de ce qu'on appelle l'exclusion pour le domaine culturel.
Je peux vous résumer ces options, si cela peut vous aider.
Les cinq options qui s'offrent pour obtenir une clause d'exemption du domaine culturel sont, premièrement, une exemption culturelle comme celle que prévoit l'ALÉNA, et qui n'est pas particulièrement efficace comme nous avons pu le constater. Nous voyons un deuxième choix, l'option dite du statu quo et du démantèlement, selon le supposé précédent contenu dans l'annexe 1 de l'ALÉNA. Troisièmement, il y a l'option de la réserve sectorielle spécifique à un pays, ou le supposé précédent de l'annexe 2. Quatrièmement, il y a la proposition française que nous connaissons bien, mais que nous trouvons vague, qui a des limites, et n'est pas suffisamment autonome. Enfin, il y a la cinquième option, celle que nous préférons, et qui est exposée dans le document des groupes de travail: l'option des exceptions générales, que nous estimons être la seule exception efficace parce qu'elle est en effet autonome et constitue une exception générale à l'accord.
Fait intéressant, le Wall Street Journal publie aujourd'hui dans la section internationale un article intitulé «Le Canada envisage une nouvelle position contre la culture américaine». On y trouve une citation intéressante de William Merkin, ancien négociateur commercial américain, où il fait allusion à l'exemption, disant que l'exemption demandée permettrait au pays d'adopter de nouvelles mesures de protection tout en maintenant les restrictions existantes. Il dit:
-
Les États-Unis ne sont pas en mesure, sur le plan politique ou
commercial, d'accorder à un pays carte blanche pour restreindre
notre accès dans... le secteur du divertissement, un secteur
d'exportation qui rapporte beaucoup aux États-Unis.
• 1550
Il prévoit aussi que les deux côtés finiront par s'entendre,
en matière d'investissement, sur une mesure de compromis semblable
à celle que contient l'ALÉNA, et qui permettrait aux pays de
maintenir les restrictions existantes, mais qui interdirait toute
nouvelle mesure. À notre avis, il s'agit du statu quo, ce qui nous
entraîne sur la dangereuse pente de l'option du démantèlement.
Il poursuit ainsi:
-
Les Canadiens qui s'opposent à l'AMI disent que les restrictions
existantes (protégées par l'ALÉNA) ne peuvent pas bien tenir compte
des innovations technologiques comme l'Internet et les satellites,
qui ont déjà commencé à éroder l'effet de certaines politiques
canadiennes.
C'est pourquoi il est important que nous ayons l'option de l'exception générale efficace.
De plus, nous présentons six principes directeurs qui devraient servir à analyser le genre d'option qu'est l'exemption. Je ne veux pas vous en parler trop longtemps, parce que nous les avons déjà soumis à un autre comité et je pense qu'ils font également partie du document du groupe de travail. Nous y parlons des divers principes qui sont importants dans une telle exemption: elle doit être technologiquement neutre, elle doit garantir que l'autre partie ne pourra pas prendre de mesures de rétorsion, elle doit être autonome, elle ne doit être assujettie à aucune obligation de statu quo ni de démantèlement. Nous voulons vraiment nous assurer que cela constituera un instrument de rupture de contrat.
Les Américains font valoir un argument très important pour eux en ce qui concerne la sécurité nationale. Ils y voient un instrument de rupture de contrat. C'est un élément important pour eux. Eh bien, pour les Canadiens, la culture est un instrument de rupture de contrat. Tout comme ils veulent s'assurer de pouvoir imposer des mesures pour protéger la sécurité nationale, nous voulons être certains que la culture fera partie intégrante de tout accord que nous conclurons.
Nous proposons donc d'adopter cette stratégie, c'est-à-dire que lors des négociations, nous obtenions une exception générale qui est autonome.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Spurgeon.
Nous passerons maintenant aux questions. Nous commencerons par les partis de l'opposition.
Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup de votre bref exposé.
D'après la politique de mon parti, un accès plus libre favorise un plus grand développement également dans le secteur culturel. Nous estimons que les artistes canadiens ont le potentiel nécessaire pour se retrouver sur la scène internationale.
Dans votre exposé, vous avez parlé des exceptions générales et d'autres questions connexes. Nous éprouvons des craintes quant aux obstacles que rencontreraient les artistes canadiens qui chercheraient à avoir accès au marché international, lorsque nous aurons conclu de tels accords, et il y en aura avec de plus en plus de pays, comme l'a dit Ivan. Les artistes canadiens n'auront pas accès au marché international. Si d'autres pays érigent des barrières à un tel accès, quel sera l'impact sur les artistes canadiens?
M. Paul Spurgeon: Je peux seulement considérer le précédent déjà établi et voir ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. Je ne vois pas quelle mesure prise par le Canada a limité de quelque façon que ce soit les artistes canadiens qui voulaient exporter leurs chansons ou leurs enregistrements. Je n'en trouve vraiment pas. Autrement dit, rien de ce que nous avons fait dans le secteur de la musique ne pousserait un autre pays à refuser de faire jouer notre musique, à cause d'une mesure prise au Canada.
Les produits culturels sont d'une nature très étrange. La propriété intellectuelle est une chose très étrange. Il ne s'agit pas de produits physiques. On doit les envisager différemment. Je pense que les gouvernements devront commencer à considérer ces choses d'une manière différente du passé. Nous entrons dans une ère de l'information où les droits d'auteur sur les données et la propriété intellectuelle sont des éléments qui prendront de plus en plus d'importance. Nous ne sommes plus à l'ère industrielle, où nous fabriquions des machins de toutes sortes. Nous devons penser à ces choses.
En ce qui concerne la culture—et vous avez posé une très bonne question—cela se produirait peut-être dans le cas des produits physiques, mais dans le cas de la culture, je ne pense pas qu'un gouvernement ait nui à un créateur canadien, en l'empêchant, par exemple, d'exporter ses oeuvres à l'étranger.
M. Deepak Obhrai: Je craindrais que si nous avions des exceptions ici et que d'autres pays fassent de même, tout le monde commence à exiger de plus en plus d'exemptions, en fin de compte, les artistes canadiens verraient évidemment limiter leur accès au marché international. Comme vous le savez, les Canadiens ont besoin d'avoir accès au marché international pour bien gagner leur vie.
Ces exemptions commenceraient donc à engendrer des problèmes, en ce sens que tous les autres pays commenceraient à avoir leurs propres exemptions, ce qui limiterait l'accès à leur marché.
M. Paul Spurgeon: Les Canadiens ont accès à la musique du monde, par exemple, et à cause des règlements sur le contenu canadien, ils ont aussi la possibilité d'avoir accès ou d'être exposés à... Ils ont le choix d'entendre de la musique canadienne. Une telle mesure a donné aux Canadiens la possibilité d'entendre leur propre musique et la musique étrangère. Je pense que la même chose existe dans les autres pays du monde. Je ne connais vraiment pas de cas où la musique canadienne est exclue, par mesure de rétorsion, à cause de quelque chose que nous aurions fait ici.
Le président: Professeur Bernier.
M. Ivan Bernier: J'ai un bref commentaire à faire. Je pense qu'il n'y a eu jusqu'ici aucune réaction, parce que dans certains cas nous avons dû renoncer à certaines de nos mesures. Un exemple parfait serait la décision concernant les périodiques. Si nous n'avions pas pris cette décision, d'autre pays auraient peut-être adopté des mesures contre nous. La même chose pourrait se produire dans d'autres domaines. Que se passerait-il si en vertu de l'ALENA ou du GATT...?
Le problème vient du fait qu'il est possible que cela se produise. Je suis en faveur d'une position ferme sur la culture, mais je pense que nous devons envisager d'une façon générale nos intérêts dans le domaine et voir ce qui peut se produire. Je pense que certaines choses peuvent se produire.
Une nouvelle contestation a été logée contre le Canada auprès de l'Organisation mondiale du commerce et il n'est pas certain que nous gagnerons notre cause. Le contraire pourrait fort bien être vrai. Là encore, si nous ne supprimons pas nos mesures, nous pourrions être assujettis à des interventions par d'autres États.
Le président: Merci, monsieur Obhrai.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: En fait, depuis une trentaine d'années, on a pris beaucoup de mesures pour protéger d'une certaine façon le contenu canadien et la culture canadienne. Si on regarde l'environnement dans lequel on vit, on voit que les films sont pour la plupart en anglais et on a de la difficulté avec les quotas de chansons françaises, qui ne passent que la nuit. Si on n'arrive pas vraiment à négocier l'exemption culturelle, avez-vous une idée de ce qui nous attend?
Je reviens d'un pays où on parle le portugais. Il y avait 13 postes de radio disponibles et j'avais de la difficulté à entendre du portugais. Nous sommes allés visiter un musée. Comme la traduction française était de mauvaise qualité, nous avons demandé le document en portugais. On nous a répondu que le stock était épuisé et que le gouvernement, depuis l'entrée du pays dans la Communauté européenne, n'imprimait plus en portugais. On était passé à l'anglais.
Si c'est ce qui arrive dans certains pays où on est habitué de vivre avec des langues différentes et qu'il faille quand même protéger la culture, qu'est-ce qui nous attend? Où s'en va-t-on si on ne fait rien?
M. Ivan Bernier: Ma réaction première est de dire que si on ne fait rien, effectivement, on s'en va... C'est l'option «ne rien faire». J'avais dressé une liste d'options qui comportait une catégorie, celle de ne rien faire. Adopter l'option «ne rien faire», c'est-à-dire laisser aller les perspectives libérales libre-échangistes à leur limite, ce serait effectivement faire planer une menace importante sur bon nombre de cultures nationales. Ce qui serait encore plus dangereux, ce serait de menacer le discours démocratique à l'intérieur des pays, parce que la culture est un élément essentiel du discours démocratique. Pour moi, ce serait donc quelque chose de grave.
• 1600
Je pense qu'il y un réveil vis-à-vis de ces choses-là
à l'heure actuelle. Qu'on aille en Amérique latine....
De plus en plus, il commence à y avoir des mouvements
qui indiquent qu'on porte une attention plus grande à
ces choses-là.
C'est donc pourquoi il faut poursuivre une lutte en faveur de l'exception culturelle, mais aussi examiner les autres options. Ce n'est pas une chose à sens unique. Je ne crois pas qu'on puisse arriver avec une solution unique de l'exception culturelle. Notre stratégie doit être ouverte à plusieurs options. Dans un contexte d'accords bilatéraux, on peut avoir l'exception culturelle. Dans le contexte multilatéral, il faudra miser sur des clauses restrictives ouvertes ou sinon, à chaque fois, toujours chercher à obtenir le maximum de ce qui est possible.
Encore une fois, pour y arriver, il faudra avoir un discours convaincant et aussi avoir pris la peine de discuter avec nos partenaires des États étrangers. Il faudra aussi que les associations culturelles discutent avec les associations culturelles de l'étranger. Il y a un travail à faire, qui à mon sens n'est pas nécessairement fait, pour qu'il y ait une sensibilité qui se manifeste dans ce domaine et que l'on puisse commencer à prendre conscience véritablement de ce qui est en jeu.
À l'heure actuelle, le discours économique l'emporte, mais je pense que le discours culturel et démocratique commence à prendre sa place. On a besoin de temps pour arriver à adopter et à affirmer une position claire.
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur Kelly.
[Traduction]
M. Keith Kelly: Je suis tout à fait d'accord. Je pense qu'un échec aura pour conséquence que l'espace que nous avons créé de façon si délibérée dans notre pays pour l'expression de l'expérience canadienne, tant pour la collectivité de langue anglaise que pour la collectivité francophone du Québec et des autres provinces, sera directement et immédiatement menacé si nous ne parvenons pas à obtenir une exclusion pour la culture dans l'Accord multilatéral sur l'investissement. La portée de la définition du mot «investisseur» dans l'accord est telle qu'elle englobe non seulement les entreprises à but lucratif, mais aussi les entreprises sans but lucratif.
De plus, cela limitera la façon dont le gouvernement se départira de ses biens. Par exemple, si nous avions signé l'AMI et si M. Harris voulait privatiser TV Ontario, il ne pourrait pas exiger que les acheteurs éventuels soient résidants de l'Ontario ou même du Canada. Ils devraient offrir TV Ontario à tous les soumissionnaires admissibles parmi les pays signataires de l'AMI.
J'admets aussi que la raison pour laquelle nous voulons qu'on adopte la stratégie de l'exemption au cours des négociations de l'AMI est vraiment une question de temps. On cherche vraiment à imposer cet accord rapidement. Nous devons trouver une nouvelle façon de procéder, une approche plus durable, plus efficace, qui intégrera ces idées dans d'autres accords internationaux auxquels le Canada participe, afin qu'en l'an 2000, lorsque commencera la prochaine ronde de négociations au sein de l'organisation mondiale du commerce, et qu'en avril, lorsque les négociations d'un accord de libre-échange pour les Amériques commenceront, nous ayons un plan qui ne dépend pas autant de la stratégie des exclusions ou des exemptions, mais qui établit vraiment un accord international supprimant la culture de l'environnement vraiment artificiel des accords commerciaux internationaux, qui porte sur des produits ou des services ou des investissements.
Je pense que nous risquons tellement gros... et j'accepte également l'argument selon lequel nous avons encore des efforts à faire dans le secteur culturel dans le cadre d'autres organisations internationales. C'est certainement un domaine auquel nous allons consacrer nos énergies.
Le président: Merci.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Je suis fascinée par cet article du Wall Street Journal, parce qu'il ne semble pas que nous ayons présenté des arguments très convaincants au sujet de notre souveraineté culturelle. Il semble que nous les irritions considérablement avec ce genre d'exigences que nous présentons actuellement. Cela me préoccupe et j'espère que nos négociateurs présenteront ces arguments très impressionnants à la table de négociations.
• 1605
Je tiens beaucoup à savoir quels termes on utilisera. Je tiens
à savoir vraiment ce qui sera présenté à la table de négociations,
car nous entendons dire que certaines choses seront négociées, mais
j'ignore exactement quoi. Je sais que la CCA et la SOCAN ont
participé à la rédaction du libellé. Pouvons-nous voir le texte?
Pouvons-nous voir ce qui est proposé?
Ce libellé a-t-il été examiné par les deux ministres concernés, Sheila et M. Marchi? L'ont-ils vraiment accepté? Parlons-nous à l'unisson?
M. Keith Kelly: Je répondrai d'abord et je demanderai ensuite à Paul de compléter la réponse.
Si vous regardez par exemple les réserves que le Canada a déjà mises sur la table dans le cadre des négociations de l'accord multilatéral sur l'investissement, vous ne verrez aucune mention d'une réserve pour la culture. Pourquoi? «C'est très simple. Nous voulons obtenir une exclusion. N'est-ce pas ce que vous voulez?»
Si nous tenons à obtenir une exclusion totale pour la culture, pourquoi proposons-nous une réserve pour la culture? Cela montre que nous ne tenons pas vraiment à poursuivre la stratégie de l'exclusion.
La SOCAN, en consultation avec plusieurs autres organismes, a investi beaucoup d'énergie dans l'élaboration d'un libellé qui servirait dans les deux cas. Ainsi, la première partie servirait de disposition d'exclusion générale, et si nous nous retrouvions dans une situation où chaque pays en demandait une, la partie suivante sur l'exemption résoudrait la question.
Je n'étais pas là lorsque les représentants de la SOCAN ont discuté du libellé exact de l'exemption, avec Bill Dymond, et je demande donc à Paul de terminer la réponse.
M. Paul Spurgeon: Je ne fais pas partie de l'équipe et je ne sais donc pas quelles manoeuvres en cours pendant ces négociations, je ne me trouve pas à Paris et à Genève lorsque les négociations ont lieu. Nous avons cependant discuté avec eux de ce que nous souhaitons obtenir et ils doivent évidemment avoir une stratégie lorsqu'ils rencontrent les autres négociateurs.
Nous savons seulement que nous voyons de tels articles dans les journaux et nous voyons des réactions, les gens se demandent s'il s'agit simplement de rumeurs ou de conjectures.
Soit dit en passant, monsieur le président, si le comité le souhaite, nous pourrions déposer cet article du Wall Street Journal, dans la mesure où la chose vous intéresse.
Le président: Certainement. Cela nous intéresse au plus haut point.
M. Paul Spurgeon: Par ailleurs, nous avons exprimé nos inquiétudes aux représentants du ministère, en leur faisant valoir que cette question est d'une grande importance pour nous et que nous la jugeons critique pour l'avenir du Canada à bien des égards.
Mme Wendy Lill: Compte tenu des témoignages que nous recevons, je me demande si notre comité ne pourrait pas revenir à la charge à ce sujet.
Je devrais peut-être proposer que nous nous penchions également sur le libellé et que nous tentions d'en arriver à une sorte de consensus au sujet de l'objectif que nous poursuivons.
Le président: Professeur Bernier.
[Français]
M. Ivan Bernier: Je veux seulement dire que dans un contexte de négociation, de ce que je connais des négociations, ce qui va compter ultimement, ce sera ce que le Canada sera prêt à faire pour maintenir sa position.
[Traduction]
En dernière analyse, c'est ce que va faire le Canada qui compte.
[Français]
Si le Canada accepte de se retirer et considère que c'est un deal breaker, c'est une chose. Mais si la position du Canada est que l'accord est important, il ne faut pas qu'il perde de vue qu'encore une fois, toutes ces discussions mettent en cause, d'une part, la culture et, d'autre part, les autres intérêts canadiens. Donc, les intérêts de ceux qui veulent obtenir un accord sur les investissements vont être confrontés aux intérêts de ceux qui veulent protéger la culture.
Finalement, on n'aura à prendre cette décision fondamentale qu'une fois un langage choisi. Devra-t-on l'accompagner d'une attitude ferme allant dans le sens que, si on n'a pas une exemption culturelle complète, c'est fini?
Si ce n'est pas le cas, c'est clair qu'il faut immédiatement envisager la suite.
[Traduction]
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci.
Le sous-comité qui s'est penché sur l'accord multilatéral sur l'investissement a déposé son rapport juste avant la fin des travaux du Parlement en décembre. Il y aborde le projet de libellé de la SOCAN et formule une recommandation en matière de culture. J'ai deux questions. L'une porte sur l'AMI; ensuite j'aimerais savoir ce que le Canada peut faire pour accroître sa production culturelle.
J'aimerais savoir ce que chacun de vous deux a à dire au sujet de la recommandation. Elle est censée servir, entre autres, à amorcer un débat public. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez.
M. Keith Kelly: J'ai été fort déçu de la position du sous- comité concernant l'exemption. Nous avons tous étudié attentivement l'exemption de la France et nous estimons qu'elle est beaucoup trop restreinte pour répondre aux besoins du Canada.
Par ailleurs, les auteurs de la recommandation semblent supposer, ou c'est tout au moins ce qui ressort du contexte, que, étant donné que les responsables du monde des télécommunications ne souhaitent pas être réglementés, nous ne devrions pas tenter de les englober dans une exemption. Pourtant, aucune décision n'a été prise à cet égard, à savoir si l'Internet et les activités connexes à l'Internet seront assujettis à un régime réglementaire. Ainsi, la recommandation, telle qu'elle a été formulée par le sous-comité, me semble tout aussi prématurée que regrettable. Évidemment, nous avons la Loi sur les télécommunications. Je sais bien que les entreprises de télécommunications sont exemptées des sanctions disciplinaires de la Loi sur la radiodiffusion du fait qu'elles sont des transporteurs publics. Cependant, lorsqu'elles diffusent un contenu, comment sont-elles visées par le cadre réglementaire? Les pouvoirs publics se posent la question à tous les paliers.
Nous estimons également que le libellé mis au point par la SOCAN a l'avantage d'englober non seulement la création mais aussi les aspects liés aux arts d'interprétation en direct et au patrimoine, des questions qui devraient également nous intéresser.
Il est donc vrai de dire que cet aspect du rapport nous déçoit.
J'ai été étonné par la recommandation qui invitait les négociateurs à comparaître à nouveau devant le comité pour obtenir son approbation avant la poursuite des négociations et à faire participer les provinces au processus. J'estime qu'il s'agit d'une mesure très prudente. J'espère que le gouvernement accueillera favorablement cette recommandation.
Le président: Monsieur Spurgeon.
M. Paul Spurgeon: Vous parlez, je crois, de la recommandation 14 selon laquelle le Canada doit obtenir une exemption adéquate et efficace pour la culture avant de signer l'accord. Je crois que nous sommes tous d'accord. Toutefois, comme l'a fait remarquer M. Kelly, la suite de la recommandation étonne quelque peu. Il est proposé que nous demeurions dans la coalition des pays qui appuient le principe de la proposition française.
Il n'est évidemment pas mauvais de continuer à faire partie d'une coalition ou de nous concerter avec d'autres pays pour faire valoir une idée. Cependant, comme nous l'avons expliqué, clairement je l'espère, à la réunion du sous-comité, l'approche française est... L'intention est excellente. Cependant, la proposition n'est pas aussi inclusive qu'elle pourrait l'être, à cause de l'imprécision et des limites du libellé de l'exemption et du fait qu'elle est limitée à la diversité et à la langue, alors qu'elle devrait être d'une portée plus considérable. Elle est de portée assez restreinte. Elle comporte certaines limites.
Ce qui importe encore davantage, c'est que l'exception n'est pas autonome, selon nous. Nous devons être en mesure de décider quels aspects nous pouvons protéger. Tous n'ont pas la même notion—et c'est justement pourquoi nous parlons de diversité—de ce qu'est la culture et de ce qu'elle n'est pas. Nous devons faire en sorte de pouvoir définir en quoi consiste la culture, sinon d'autres pays se chargeront de définir ce qu'elle n'est pas. Par exemple, il se peut que, pour un Américain, un spectacle de ballet au Lincoln Center soit de la culture, mais que l'interprétation par Gordon Lightfoot de la chanson The Wreck of the Edmund Fitzgerald n'en soit pas. Ce qui pour nous est de la culture serait plutôt un bien commercial ou quelque chose d'autre. Pour nous il s'agit d'un oeuvre qui fait partie de notre identité. Elle nous aide à comprendre—je pense également à la merveilleuse Canadian Railroad Trilogy. Il y a toutes sortes de chansons du genre.
• 1615
Je parlais à l'instant du domaine de la musique, mais je
voulais illustrer le genre de considération qui participe à la
définition de ce qu'est la culture. Voilà pourquoi la
recommandation ne va peut-être pas assez loin. Il ne lui manque
cependant pas grand-chose.
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci. Je ne fais normalement pas partie de ce comité, et vous m'excuserez donc...
Le président: Excusez-moi, Alex. Je crois que M. Bernier voulait ajouter quelque chose.
[Français]
Monsieur Bernier.
M. Ivan Bernier: J'aimerais simplement ajouter un mot à ce qui vient d'être dit. La position française a cherché à tenir compte, entre autres, de la position des partenaires européens. Dans le contexte communautaire européen, les restrictions concernant la culture sont abordées d'une certaine façon, et il y a des choses qui ne peuvent pas être faites. Je pense que ce que la France a essayé de faire, c'est de présenter une formulation qui puisse être acceptable aux autres membres de l'Union européenne.
Cela dit, tout en reconnaissant que ce n'est peut-être pas la formulation adéquate, je veux souligner encore une fois jusqu'à quel point cela montre l'importance de discuter avec nos partenaires étrangers. Si on n'arrive pas à s'entendre sur ces choses-là, on va passer carrément à côté. En 1993, à la fin des négociations sur les services, il y a eu un manque de communication. Le Canada a commencé en 1991-1992 à demander une exception culturelle complète, tandis la France ne s'y est pas intéressée jusqu'en 1993 et, lorsqu'elle a commencé à s'y intéresser, elle a demandé autre chose. Finalement, les deux pays sont retournés pour demander une simple réserve, c'est-à-dire ne pas prendre d'engagement dans le secteur culturel pour le Canada et dans le secteur audiovisuel pour l'Europe. Encore une fois, il y avait des divergences. Mais s'il n'y a pas de discussions, c'est clair qu'il n'y aura pas d'entente au niveau du discours. Merci.
Le président: Merci beaucoup. C'est une précision très importante.
Monsieur Shepherd.
[Traduction]
M. Alex Shepherd: Merci.
J'aimerais tout simplement savoir ce que vous pensez de ce qu'a dit au sujet de l'AMI, au moins l'un de nos anciens négociateurs commerciaux. Puisque nous avons déjà l'Accord de libre-échange nord-américain, qui vise à peu près 80 p. 100 de nos échanges, et puisque la plupart de nos autres partenaires commerciaux, d'Europe et d'ailleurs, sont visés par des accords bilatéraux, il n'est pas évident, disait-il, que le Canada ait grand-chose à gagner avec l'AMI. À ma connaissance, personne n'a effectué d'analyse avantage-coût selon laquelle l'AMI ne nous apporterait à peu près rien. Mais tout de même, compte tenu de cette perspective, en quoi serait-il désavantageux pour nous de laisser tomber simplement cet accord?
M. Keith Kelly: Je ne pense pas qu'on aurait beaucoup de mal à laisser tomber l'accord. Évidemment, les événements des dernières semaines en Asie—et je vous prie de croire que ce n'est pas mon boulot de m'en inquiéter—auront fait en sorte que les investisseurs canadiens hésiteront peut-être un peu à investir dans les régions du monde où aucun accord d'investissement n'est en vigueur. Vous vous souvenez sans doute que, le cadre de l'Uruguay Round, lors des négociations relatives aux mesures concernant les investissements et liées au commerce, bon nombre des dispositions qui font actuellement partie de l'Accord multilatéral sur l'investissement avaient été proposées. À la table des négociations, pourtant, elles n'avaient pas été acceptées en fin de compte, surtout parce que les représentants des pays du Tiers monde étaient intervenus, estimant que l'imposition de telles restrictions les reléguerait au rang d'économie coloniale à tout jamais.
• 1620
Puisqu'il n'a pas été possible de faire accepter ce train de
mesures à la table de négociations des TRIM de l'Uruguay Round,
l'OCDE a pris le relais. L'OCDE est une organisation assez fermée
qui regroupe 29 des économies les plus performantes du monde
développé. Leurs représentants estimaient sans doute qu'il leur
serait possible de faire accepter l'AMI, quitte à l'intégrer par la
suite au cadre de l'OMC.
Je ne crois pas que nous perdrions grand-chose. Il me semble même avoir compris hier que le ministre ne croyait pas que l'AMI allait voir le jour. Le président américain a certainement du pain sur la planche, étant donné qu'il ne bénéficie plus de la procédure d'autorisation accélérée.
Il me semble vraisemblable que la question soit réglée à brève échéance. Cependant, pour être prêt à toute éventualité, nous devons avoir une position bien définie. Nous devons tenter de circonscrire les dispositions de l'accord qui risquent d'avoir des effets en profondeur sur les valeurs canadiennes que nous chérissons, et nous devrions être prêts à faire valoir les arguments pertinents à la table de négociation.
Mme Alex Shepherd: Est-ce que nous nous trompons de cible? Ne devrions-nous pas plutôt viser l'accord de libre-échange nord-américain que nous avons déjà négocié? N'est-ce pas là la plus grande menace à l'effritement de notre culture?
[Français]
M. Ivan Bernier: Il y a effectivement dans l'Accord de libre-échange des dispositions concernant l'investissement qui sont sensiblement les mêmes que celles de l'Accord multilatéral sur l'investissement. Il faut bien concéder aussi qu'il y a des mesures de protection concernant la culture. Entre autres, dans l'annexe 1, il y a un renvoi à la Loi sur Investissement Canada. Évidemment, il y a toujours la clause d'exception culturelle, bien qu'elle comporte une dimension qui puisse être critiquée, parce que cette clause d'exception culturelle de l'ALENA permet des mesures de représailles.
Ce n'est pas dans tous les cas que les mesures sont possibles. La clause a malgré tout un certain effet. Si, dans le contexte de l'Accord multilatéral sur l'investissement, on se retrouvait avec un accord ne comportant absolument aucune mesure de protection, je pense que la situation serait différente de celle que l'on retrouve à l'heure actuelle dans l'ALENA.
[Traduction]
Le président: Les membres du comité ont-ils d'autres questions?
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: M. Bernier a parlé d'initiatives que doit prendre le gouvernement pour favoriser la culture par des tournées et des activités d'exportation. Certaines questions me viennent à l'esprit à cet égard. Comment, par exemple, exporter un produit que nous n'avons pas? Le gouvernement canadien ne doit-il pas agir pour favoriser la création de produits artistiques canadiens originaux? Plus nous créons, plus nous avons de produits à vendre et plus nous sommes en mesure de résister à l'envahissement de produits étrangers au Canada. Nous parlons de définir la politique culturelle. Certains témoins ont fait connaître leur avis à ce sujet. Je passe à Bernard Ostry, par exemple. Il me semble que nous devrions commencer à nous pencher sur cet aspect.
J'aimerais savoir comment, selon vous, le gouvernement canadien doit favoriser un climat propice à la création. En effet, sans création, il n'y a ni produit, ni exportation. Il ne suffit pas d'avoir des budgets pour l'exportation. Il faut avoir quelque chose à exporter.
[Français]
M. Ivan Bernier: Je pense qu'effectivement, il est important qu'il y ait une création dynamique; c'est l'essence même de la production culturelle. Tout commence avec le créateur.
Cela dit, il faut aussi un marché. Il faut avoir des consommateurs et il faut parfois également prendre des mesures pour protéger la consommation. Le problème de certaines productions culturelles, c'est qu'elles peuvent occuper l'ensemble du terrain et déplacer la consommation. C'est une situation à laquelle nous sommes fréquemment confrontés au Canada. Vous avez absolument raison de dire que si on veut que notre production culturelle soit acceptée au Canada, il faut s'assurer qu'on ait une production culturelle de qualité. C'est une question qui revient fréquemment dans le discours. À ce point de vue, il y a aussi un examen à faire par rapport à nos mesures existantes. Mme Copps vient d'annoncer qu'elle allait procéder à un examen des mesures existantes dans le domaine du cinéma.
• 1625
Je suis de ceux qui croient
qu'il y a peut-être beaucoup à faire et
que beaucoup de mesures qui ne seraient absolument pas
contestées au plan international pourraient être
fort utiles, mais exigeraient une révision de ce
qu'on fait présentement. Actuellement, tout n'est pas
nécessairement adapté aux conditions du
moment, et ce serait important de le faire.
[Traduction]
Le président: Monsieur Spurgeon.
M. Paul Spurgeon: Merci, monsieur le président.
Vous avez raison. «Ça commence par une chanson». Voilà ce que nous disons dans le domaine de la musique. C'est ce que nous répétons lorsque nous participons à des colloques qui visent à intéresser des gens à composer et à produire de la musique, à créer des enregistrements, à faire des tournées, à participer à des émissions de radio et de télévision. Comme nous le disons toujours ça commence par une chanson, par un compositeur ou un auteur. Puis ça devient tout un incroyable réseau.
Dimanche, j'assistais, à Halifax, au dixième gala annuel des prix de musique de la côte Est. J'y assistais pour la première fois. Quelle expérience incroyable! Quelle abondance de talents. Tout le monde connaît le marché de la musique de la côte Est. Il est en pleine expansion. L'événement aura lieu à St. John, l'an prochain me dit-on. Un nombre incroyable d'enregistrements exceptionnels que l'on doit à un très grand nombre d'auteurs et de compositeurs de grande valeur sont diffusés à la radio—à cause du contenu canadien. Toutes ces personnes ont ainsi la possibilité de se perfectionner et, dans certains cas, d'exporter leur production partout dans le monde, comme nous avons pu le constater.
Et il n'y a pas que de la musique celtique. Dans la région de Halifax, la musique afro-canadienne, comme on l'appelle, a le vent dans les voiles. On lui doit des productions tout à fait exceptionnelles. Mais, tout commence par la chanson, par les créateurs, et les créateurs ont besoin d'autant d'aide que possible pour être en mesure non seulement de disposer des infrastructures qu'il leur faut mais encore des moyens de diffusion qui permettront à tous les Canadiens d'avoir accès à leur création musicale soit, plus particulièrement, dans le cas qui nous intéresse, la possibilité d'être radiodiffusé à Radio-Canada.
Le président: Monsieur Obhrai et ensuite Mme Tremblay.
M. Deepak Obhrai: Puisque vous représentez le monde de la musique, permettez-moi de vous poser la question suivante, inspirée de la réalité d'Internet. L'Internet ne connaît ni frontière ni réglementation et s'ouvre de plus en plus au monde audio. Ainsi, compte tenu de la liberté d'accès à l'Internet—si on tente d'y faire obstacle, en s'expose à brimer la liberté de parole, à devoir effectuer des paiements, etc., comment réagit-on dans votre secteur d'activité et que proposez-vous? Proposez-vous également, dans ce cas, une protection restrictive?
M. Paul Spurgeon: Je tiens tout d'abord à vous dire que nous avons déposé un tarif devant la Commission des droits d'auteur du Canada à cet égard. Évidemment, rien n'est gratuit en ce bas monde. Si on utilise la propriété intellectuelle de quelqu'un d'autre, on doit payer. Dans le cas de l'Internet, nous en sommes au stade embryonnaire, même si la monture est lancée. On peut comparer l'Internet au Far West. Bien des gens estiment que l'accès doit être gratuit, mais nous savons bien que tout cela va évoluer... et que les personnes à qui appartiennent les livres, les écrits, les musiques ou les produits qui sont véhiculés par ce nouveau moyen de communication s'attendent à être rémunérés pour être en mesure de payer leur loyer.
Il importe de le comprendre, étant donné que bien des gens ne se rendent pas compte que les auteurs et compositeurs doivent tirer une rémunération de ce qu'ils produisent. Dans le secteur de la musique, nous nous efforçons de trouver une solution en imposant des droits d'utilisation de la musique.
Une métaphore est pertinente ici: celle du canard. L'Internet commence à ressembler beaucoup à la télévision et ressemble certainement à la radio. Or, on peut supposer que ce qui fait couac et ressemble à un canard est effectivement un canard. Dans le cas de l'Internet, la ressemblance avec la radio et la télévision est grandissante, et puisque la télévision et la radio versent des droits d'auteur aux détenteurs de la propriété intellectuelle, on peut se demander pourquoi ce ne serait pas également le cas pour l'Internet. Par conséquent, les canards devraient payer des redevances comme tout le monde. Voilà ce que nous pensons.
Évidemment, tout cela est nouveau et certains problèmes surgissent, comme dans toute autre situation. Il n'y a pourtant pas lieu de désespérer et de renoncer à toute réglementation. Nous sommes devant un phénomène nouveau, tout simplement. Je suis convaincu qu'on s'arrachait les cheveux lorsque la radio, la télévision, ou la câblodistribution ont fait leur apparition.
• 1630
Nous avons réglementé le secteur de la câblodiffusion.
Il y a donc des secteurs très lucratifs de diffusion de la propriété intellectuelle au Canada et partout dans le monde.
Il faut donc en arriver à établir une infrastructure, un système, qui permettra aux détenteurs de droits et de propriété intellectuelle—qu'il s'agisse de chansons, de livres ou d'autres choses—d'être rémunérés dans la mesure où leurs oeuvres et productions sont exploitées et appréciées.
M. Deepak Obhrai: Lorsque vous négociez et faites des propositions, vous n'englobez pas l'Internet dans vos discussions, n'est-ce pas?
M. Paul Spurgeon: Mais si. C'est même pour nous un cas d'espèce.
Tout d'abord, nous estimons qu'il faut une exception générale dont nous pourrons définir la portée.
Par contre, dans leur proposition, prenons par exemple le cas d'une industrie culturelle comme la radio, le mode de transmission ne devrait pas avoir d'importance. Autrement dit, ce n'est pas la technologie qui doit définir la responsabilité de la personne. Ce ne devrait pas être pertinent. En cas de diffamation, par exemple, on ne devrait pas pouvoir se soustraire à sa responsabilité en disant que la diffamation a eu lieu sur l'Internet.
Voilà donc notre point de vue.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Je me sens un peu en porte-à-faux pour poser la question suivante, mais je voudrais profiter de votre présence pour avoir des éclaircissements. Étant membre du Bloc québécois, j'aurais bien entendu de la difficulté à définir une politique canadienne qui occulterait la politique de la culture québécoise, mais j'aimerais quand même vous entendre répondre à cette question.
Selon vous, quelle devrait être le contenu d'une telle politique? Pourrait-elle avoir des impacts au niveau international? Une telle politique pourrait-elle éventuellement être pour nous un bouclier contre les assauts internationaux? Quelles dispositions devrait-elle renfermer?
[Traduction]
M. Keith Kelly: Au départ, me semble-t-il, il faut comprendre, dans le cadre du présent débat concernant le commerce international et la culture, que nous nous devons d'affirmer le droit d'avoir la maîtrise de nos affaires culturelles. Si nous n'affirmons pas cela au départ, alors il ne sera plus tellement important de savoir si le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial peut proposer des mesures de politique culturelle.
Comme vous le savez, nous comptons de nombreux membres du Québec qui partagent certainement les aspirations souverainistes du Bloc québécois et qui comprennent que la première bataille que nous avons à livrer consiste à établir le principe de la souveraineté culturelle. Nous pouvons par la suite, entre nous, quand bon nous semblera et conformément à nos aspirations et besoins culturels, décider comment administrer cette responsabilité ici au Canada.
Au cours de l'exercice en groupe de travail auquel nous avons participé, nous avons dégagé deux grands thèmes: le créateur et le contenu, d'une part, et l'accès et l'infrastructure d'autre part. Par rapport aux efforts que nous avons déployés au fil des années en matière de culture, voilà la dichotomie, si vous voulez, de toute notre action: stimuler la création, stimuler la création de contenu canadien, faire en sorte que ce contenu, une fois rendu disponible soit accessible aux Canadiens et que nous soyons dotés de l'infrastructure nécessaire.
Il ne faut pas 300 pages pour définir le cadre de la politique culturelle fédérale. Il suffit de dire haut et fort quelle sera la participation du gouvernement fédéral au domaine culturel, et ce non seulement aux Canadiens mais également à nos partenaires internationaux qui, jusqu'à nouvel ordre, peuvent se permettre d'interpréter à leur guise toute mesure que nous proposons.
• 1635
Je pense donc qu'il serait très avantageux pour nous d'énoncer
une déclaration de politique culturelle du Canada qui servirait
d'abord à affirmer notre souveraineté culturelle incontestée. Cela
fait, nous pourrons avoir des négociations manifestement
nécessaires pour conserver la diversité des relations et des
réalités culturelles du pays.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je crois que je suis déçue...
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur Bernier, je parle pour ne rien dire. Excusez-moi.
Le président: Monsieur Bernier, veuillez nous excuser de vous interrompre ainsi ce soir.
M. Ivan Bernier: Je voudrais dire ceci: de façon générale, en ce qui regarde la dimension internationale en particulier, la politique culturelle est à mon avis une chose importante et cruciale. Dans le contexte actuel, on ne peut pas se permettre le luxe de ne pas avoir à la fois une réflexion et des politiques claires en ce qui concerne nos relations avec l'étranger.
Cela dit, ma vision n'est pas nécessairement plus pessimiste, mais un peu plus réaliste. J'ai le sentiment que le discours sur la souveraineté culturelle absolue sera toujours confronté ultimement à une réalité crue. Dans un accord comme celui de l'OMC ou l'Accord multilatéral sur l'investissement, une situation claire se posera si les États-Unis disent non à une exception culturelle complète, comme ils l'ont dit et comme ils vont le faire. Le choix se fera entre un accord sans les États-Unis et un accord avec les États-Unis où ne figureront pas les mesures que l'on demande.
Si on n'a pas, de notre côté, la mesure qu'on demande, on pourra se retirer. Si les États-Unis ont déterminé à l'avance qu'ils n'accepteront pas un accord qui comporte une clause d'exception culturelle, ils vont le rejeter eux aussi. Contrairement à ce qui se passera si le Canada se retire, si les États-Unis ne sont pas partie à un accord comme celui-là, il y a de fortes chances que ça ne fonctionne pas.
Il faut donc être réaliste par rapport à ces choses-là. Ce réalisme n'exige pas que l'on abandonne nos objectifs, mais qu'au plan de la politique culturelle vis-à-vis de l'étranger, on ait une vision un peu plus détaillée et précise des arguments qui pourraient être acceptables pour ces pays et également des autres mesures que l'on pourrait utiliser. Si on se fixait sur une chose unique, je serais un peu plus inquiet que vous pourriez l'être. Je crois qu'on n'a pas développé notre politique jusqu'au point où on aurait dû le faire, entre nous et avec les autres également, et que cela comporte un risque.
[Traduction]
Mme Wendy Lill: Après avoir entendu ce que vous avez dit du rapport du Sous-comité sur la culture, je suis plutôt déçue que nous obtenions des points de vue si différents sans même avoir quitté le Canada—nous sommes toujours dans le même immeuble. Vous avez dit tous les trois qu'il nous fallait une exemption générale réelle et que la proposition française n'était pas suffisamment forte, mais le rapport du sous-comité proposait essentiellement l'exemption. Je me demande ce qu'on pourrait bien faire de cette information. C'est plutôt déroutant. Ici même, dans nos deux comités, nous avons des points de vue différents. Comment cela va-t-il se traduire à la table, à Paris, d'après vous?
M. Keith Kelly: Je pense que cela montre que pour beaucoup d'entre nous, c'est la première occasion que nous avons de discuter de cela en détail. Je ne suis pas tellement étonné que le comité et le sous-comité en soient venus à des conclusions différentes, ni même du fait que des gens du secteur de la culture aient des points de vue différents.
J'ai parlé de la nécessité d'avoir une discussion réfléchie et éclairée. Sans vouloir paraître désinvolte, je dirais que l'AMI est notre exercice de répétition. Comme on l'a déjà dit, on n'a pas beaucoup à perdre en quittant simplement la table de négociations. Les chances d'une conclusion positive dans un proche avenir sont minces mais ça nous donne certainement une bonne idée du travail que nous devrons faire à très court terme. Si nous ne le faisons pas nous-mêmes, nos partenaires commerciaux internationaux nous l'imposeront, en contestant avec succès, ou du moins en essayant de contester chacune de nos principales politiques culturelles.
• 1640
D'une certaine façon, c'était pour nous un exercice
d'incendie. Nous pouvons beaucoup apprendre des sujets de
discussion abordés. On voit ainsi ce qui nous reste à faire et ce
qui nous reste à apprendre. La diversité des opinions exprimées et
la diversité des niveaux de compréhension ne me découragent donc
pas complètement. Je pense que nous avons maintenant la possibilité
de concentrer et de cibler davantage nos efforts, d'une manière
bien plus efficace que nous aurions pu le faire au début de cette
discussion.
Le président: Si vous me le permettez, j'aimerais poser une petite question à nos témoins. Ensuite, avant le vote, nous avons quelques questions administratives à régler entre nous.
Hier, j'étais à un autre comité.
[Français]
Nous avons justement écouté plusieurs experts qui discutaient de l'Accord multilatéral sur l'investissement. Il y avait une dichotomie entre les propos du représentant fédéral du ministère du Commerce international et les avocats qui représentaient divers groupes. Les avocats qui représentaient les groupes environnementaux nous disaient que le problème, c'est que l'accord ne précise pas clairement si les provinces sont incluses.
[Traduction]
Le représentant du ministère a dit très, très clairement—en fait, il l'a dit deux fois—que pour le gouvernement, sa signature n'engageait que le gouvernement fédéral du Canada et non les provinces. Quelqu'un a fait remarquer que les États-Unis négocient pour la totalité du pays, y compris pour les gouvernements sous- régionaux, les gouvernements des États, etc. Je pense que mon collègue Joe Jordan était là lorsque nous lui avons demandé comment on s'occupait, par exemple, des ressources naturelles, qui relèvent exclusivement des provinces. Je me demande quelle est votre opinion.
[Français]
Les provinces sont-elles incluses ou non? Si elles ne le sont pas, que fait-on? On sait que l'apport culturel des provinces est immense, surtout dans le cas du Québec où se retrouve la plus grande partie de la culture française au pays.
M. Ivan Bernier: Il faudra forcément voir le libellé final de l'accord. J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle, une ambiguïté persiste dans la négociation. Il faudra voir ce qui sera acceptable puisque c'est un élément absolument fondamental. Si les États-Unis ou un autre État s'engagent pour l'ensemble de leur territoire et pour l'ensemble des interventions, ils n'accepteront pas facilement qu'un État comme le Canada ne s'engage que pour les interventions fédérales, alors que les provinces sont manifestement extrêmement présentes dans ce domaine-là.
Il y a donc une clarification à faire. Par exemple, à l'heure actuelle, une disposition du GATT stipule que les gouvernements fédéraux doivent prendre toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour s'assurer que les provinces le respectent. Il pourrait possiblement y avoir une clause de cette nature-là. Si le gouvernement fédéral ne peut pas amener les provinces à respecter un accord, les autres États auront le droit d'obtenir des mesures de compensation. D'une façon ou d'une autre, il y a un prix à payer et, forcément, cet aspect devra être clarifié dans le contexte de l'accord. Autrement, il est certain que des problèmes surgiront de ce côté-là.
[Traduction]
Le président: Est-ce là ce que vous pensez, monsieur Kelly?
M. Keith Kelly: Qu'on le veuille ou non, ces négociations ont une incidence sur les provinces, directement ou indirectement. Dans le cadre de l'examen des politiques entrepris par l'Organisation mondiale du commerce en 1996, le Canada avait certainement par son accord sur le commerce intérieur, prouvé qu'il prenait nos responsabilités à coeur et que nous faisions de notre mieux pour nous assurer que les provinces se conformeraient aux mesures de l'Accord. Si le gouvernement du Canada n'avait pas eu cette obligation, je ne pense pas qu'il se serait donné la peine d'en parler dans le contexte de l'examen des politiques commerciales.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup, Professeur Bernier.
[Traduction]
Monsieur Kelly et monsieur Spurgeon, merci de nous avoir fait profiter de votre sagesse, de votre compétence et de vos conseils. Nous apprécions énormément votre présence ici.
M. Ivan Bernier: Merci.
Le président: Nous vous remercions aussi d'avoir bien voulu venir deux fois.
M. Keith Kelly: Merci.
Le président: Avant que vous ne partiez, madame Bulte, rapidement, si nous ne l'avons déjà fait, nous allons vous distribuer une liste de noms, préparée par les attachés de recherche, pour les tables rondes à venir. La prochaine séance du comité aura lieu mardi et nous vous enverrons un avis à ce sujet.
Veuillez prendre note que le 19 février, nous visiterons Radio-Canada, qui met les petits plats dans les grands pour nous accueillir. Le président de la SRC sera là, ainsi que les hauts dirigeants de l'entreprise. J'espère donc que nous y serons nombreux.
Monsieur Jordan.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): J'invoque le Règlement. J'avais demandé qu'on pense à un invité pour les tables rondes.
Le président: Mais bien sûr; donnez simplement son nom aux attachés de recherche.
M. Joe Jordan: Je l'ai fait, avant Noël. C'est même consigné au compte rendu mais je ne vois pas le nom de cette personne ici. Je me demande si les attachés de recherche peuvent expliquer cela.
Le président: La liste n'est pas définitive. C'est une liste préparée par les attachés de recherche. N'hésitez pas à donner de nouveau le nom que vous proposez aux attachés de recherche.
M. Joe Jordan: Bien.
Le président: Merci beaucoup. La séance est levée.