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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 mars 1998

• 0842

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je voudrais tout d'abord ouvrir la séance du Comité du patrimoine canadien. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, je voudrais

[Traduction]

ouvrir le colloque parlementaire sur la politique culturelle, le commerce international et la technologie pour le nouveau millénaire.

[Français]

Je voudrais accueillir et remercier chaleureusement tous nos invités. C'est un honneur que d'avoir pu vous réunir ce matin, et je voudrais vous souhaiter la bienvenue à ce colloque.

D'habitude, nous écoutons les invités qui soumettent des mémoires, mais cette fois-ci, nous avons décidé de faire une table ronde où les députés et les invités seront mélangés afin de produire un échange beaucoup plus fructueux.

Comme vous le savez, l'objectif de ces travaux est une étude sur la culture face aux défis qui se pointent à l'horizon à l'aube du prochain siècle, à savoir la mondialisation du commerce, de l'économie, les nouvelles technologies de pointe, l'Internet et autres, et leur impact sur notre culture et nos instruments de culture, et les changements démographiques qui feront du Canada du XXIe siècle un pays tout à fait différent du Canada actuel.

Le comité qui a précédé celui-ci a commencé cette étude avant la dernière élection. Heureusement, ce comité-ci a décidé de la continuer.

Nous voulons d'abord examiner quels types de soutien le gouvernement fédéral a déjà mis en place et comment ces types de soutien, comme les règles qui protègent la propriété et le contenu culturel, les subventions que le gouvernement fédéral donne aux institutions culturelles ou les incitatifs fiscaux, vont nous permettre de faire face aux défis du prochain millénaire. C'est la question qui nous occupe aujourd'hui.

• 0845

[Traduction]

Comme je l'ai dit, les trois grands défis que nous devons relever dans notre étude sont l'avènement des nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et des échanges mondiaux ainsi que l'évolution démographique de notre pays.

Les membres du comité ont tout d'abord voulu bien se renseigner sur le sujet. Nous avons eu des séances d'information avec des fonctionnaires de divers ministères. Nous avons eu des séances d'information avec des experts en matière d'évolution de la technologie, de commerce international et de démographie. Cette semaine, pour cette deuxième phase de notre étude, nous voulons, grâce aux tables rondes que nous avons organisées, nous intéresser à certains secteurs de façon plus particulière et obtenir vos vues à vous en tant que travailleurs culturels des premières lignes, si vous voulez.

Nous avons organisé les tables rondes selon les divers secteurs: ce matin, les arts, puis les établissements chargés du patrimoine, ensuite l'industrie de l'édition, le cinéma et la vidéo, puis la radiodiffusion, et enfin l'enregistrement sonore. Dans les semaines à venir, nous entendrons des représentants des diverses institutions culturelles fédérales, après quoi, pour conclure nos travaux, nous nous rendrons dans les différentes régions du Canada, en mettant l'accent sur les petites localités, afin de savoir comment la population de ces localités réussit à survivre dans son milieu culturel, comment elle réussit à mettre sur pied des institutions culturelles et des instruments culturels viables et comment elle pourra relever les défis du prochain siècle.

Il est bien sûr impossible dans un colloque comme celui-ci, avec le peu de temps que nous avons, de faire un examen exhaustif, mais nous tenons à ce que notre examen soit aussi exhaustif que possible. À la fin du programme qui vous a été remis, vous avez les cinq questions auxquelles nous voulons obtenir des réponses. Vous n'êtes toutefois pas tous tenus de répondre aux cinq questions. Il me semble que, pour la séance de ce matin, il y a peut-être deux questions qui retiendront plus particulièrement l'attention des participants à cette table ronde. La première serait la suivante: dans l'éventail des mesures fédérales de soutien de la culture actuellement en place ou utilisées par le passé, quelles sont celles qui, d'après vous, ont été efficaces dans votre secteur et quelles sont celles qui ne l'ont pas été? La seconde question serait peut-être la dernière des cinq: quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à l'avenir pour soutenir le secteur et les industries culturels? Par exemple, le gouvernement fédéral devrait-il jouer les rôles suivants, ou d'autres dans ce secteur, et si tel est le cas, comment devrait-il les jouer: législateur, instance de réglementation, propriétaire et exploitant d'institutions nationales, partenaire de financement, mécène pour les arts, promoteur d'entreprises? Bien entendu, vous pouvez répondre à n'importe laquelle des autres questions.

Il va sans dire que chacun peut parler dans l'une ou l'autre des deux langues. Nous espérons ne pas entendre de discours, mais bien de très brèves interventions, de façon qu'il y ait un échange continu d'idées.

Pour commencer, j'inviterais les participants à se présenter très brièvement—ne nous donnez pas une notice biographique complète, mais dites-nous simplement votre nom et ce que vous faites à l'heure actuelle—en commençant par M. Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Je suis le député de West Nova, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

M. Martin Bragg (directeur général et producteur, The Canadian Stage Company): Je m'appelle Martin Bragg. Je suis directeur général et producteur de la troupe de théâtre The Canadian Stage Company, à Toronto.

M. Eddy Bayens (musicien): Je suis Eddy Bayens, musicien.

M. Richard Bradshaw (directeur général, Compagnie d'opéra canadienne): Je suis Richard Bradshaw, directeur général de la Compagnie d'opéra canadienne.

[Français]

M. Jean-Michel Sivry (directeur du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec): Je m'appelle Jean-Michel Sivry. Je suis directeur du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, une association professionnelle qui unit un millier de peintres, sculpteurs, artistes, vidéastes, photographes, etc.

• 0850

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Je suis Jim Abbott, député de Kootenay—Columbia. Je suis le porte-parole du Parti réformiste en matière de patrimoine.

Mme Valerie Wilder (directrice exécutive, Ballet national du Canada): Je suis Valerie Wilder, directrice exécutive du Ballet national du Canada.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Je suis Sam Bulte. Je suis députée de Parkdale—High Park, ancienne présidente du conseil d'administration de la Canadian Stage Company et ardente mécène et militante pour les arts dans ma vie tant privée que publique.

Mme Myrna Kostash (présidente, Conférence canadienne des arts): Je suis Myrna Kostash, d'Edmonton. Je suis écrivaine, à plein temps.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Je suis Paul Bonwick, député de Simcoe—Grey.

Mme Carol Shields (auteure): Carol Shields, de Winnipeg. Je suis écrivaine et dramaturge.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je m'appelle Mauril Bélanger. Je suis député d'Ottawa—Vanier.

[Traduction]

Les seuls poèmes que j'aie jamais écrits n'étaient pas destinés à être publiés. La seule pièce dans laquelle j'aie jamais joué était The Ecstasy of Rita Joe. Le seul film que j'aie produit, c'était en neuvième année, un spécial d'une demi-heure sur la Deuxième Guerre mondiale, en super 8. Et chaque fois que j'ai essayé de chanter, les gens m'ont dit que j'avais intérêt à avoir un autre gagne-pain. Mais je suis un lecteur assidu, j'aime la musique—la musique m'émeut—et une soirée en ville qui ne se termine pas par le théâtre n'est pas une soirée. Enfin, je trouve que les films canadiens ne sont pas si mauvais.

Merci.

Le président: Vous avez la parole; qui veut commencer?

Mme Myrna Kostash: J'ai préparé une déclaration.

Le président: Madame Kostash.

Mme Myrna Kostash: En montant sur la colline ce matin, je me demandais comment j'allais commencer, et je me suis dit qu'il fallait commencer par l'élément le plus important relativement à ma présence ici: le fait que c'est du travail non payé.

Étant écrivaine à plein temps, évidemment je ne touche pas de salaire. Tous ceux qui dans cette salle touchent un salaire sont payés pour assister à cette séance et m'écouter. Pour ma part, je ne le suis pas.

C'est une réalité de la vie. Les bureaucraties culturelles et politiques ne cessent de faire appel aux artistes autonomes pour qu'ils assistent à des colloques comme celui-ci pour profiter de ce qu'ils peuvent contribuer. Invariablement, nous acceptons cet état de choses, bien que ce soit en fait du bénévolat. Si nous refusions, on conclurait que nous n'avons rien à dire, que nous sommes trop occupés ou que nous refusons systématiquement de communiquer.

D'une certaine façon, c'est un dilemme lorsqu'on nous invite à donner de notre temps. Je demande toujours si on va me payer, et on me répond toujours la même chose en riant: «C'est une très bonne plaisanterie.»

Je profite donc de cette occasion pour suggérer à tous ceux qui sont salariés de donner une contribution équivalente à quatre heures de leur salaire à la Conférence canadienne des arts.

Deuxièmement, j'ai réfléchi à ce qui m'a permis de survivre pendant 28 ans comme écrivaine à plein temps. Je bénéficiais d'une décision prise par le public canadien et par les hommes politiques il y a plusieurs générations, à l'époque où on avait décidé qu'un investissement dans la culture était un investissement en faveur du bien public. Si je considère toutes les mesures qui ont été adoptées au cours des 25 ou 30 dernières années, je vois que dans tous ces cas on a décidé d'investir des fonds publics dans un programme ou une autre forme d'initiative qui m'a permis, directement ou indirectement, de continuer à écrire.

Parmi ces mesures, il y a tout d'abord, bien sûr, les subventions du Conseil des arts; le financement des lectures dans la communauté; le Programme du droit du prêt public; l'aide aux voyages pour des conférences internationales; le soutien pour les écrivains en résidence dans les bibliothèques et l'argent pour payer les auteurs de Radio-Canada, de l'Office national du film, etc.

Je vous avouerai que sans ces investissements une personne dans ma situation serait une chose impossible. Si je pense à l'avenir des écrivains au Canada, je ne sais pas comment la génération suivante de Kostash pourra exister dans cet environnement de budget culturel et d'investissement culturel terriblement réduits. Nous nous faisons des idées si nous pensons que le secteur privé est prêt à faire d'importantes contributions. Et même lorsque ces contributions existeront, elles risquent de poser d'énormes problèmes, comme on le voit actuellement avec la guerre que se livrent actuellement Pepsi et Coca-Cola dans les universités.

Récemment, à l'Université de l'Alberta, les gens ont voté en masse en faveur de... Je ne m'exprime pas comme il faut. Les étudiants, ou du moins ceux qui ont voté, ont voté pour qu'on accorde un monopole à Coca-Cola sur le campus de l'Université de l'Alberta, et cela, en échange de 5 millions de dollars étalés sur les trois prochaines années pour 30 000 étudiants. Quelqu'un a calculé que cela représentait environ 57 $ par étudiant, et cela, au prix d'une intrusion commerciale dans un espace qui jusque-là était considéré comme un espace public.

• 0855

Je ne veux pas m'en tenir à cela, je veux seulement relancer le débat et m'arrêter sur cette note. J'aurai probablement des choses à ajouter plus tard.

Quand je songe au milieu qui existait lorsque j'ai commencé à écrire, au début des années 70, il y avait alors cet esprit du temps, ou vision du monde, ou quelque chose de ce genre, qui était idéologique ou éthique, moral, politique, et qu'on appelait le nationalisme culturel canadien. C'était une sorte de vision du monde à laquelle le public adhérait, et où les Canadiens, collectivement et comme société civile, étaient d'accord avec le soutien public, l'investissement public, en matière d'art et de culture, que l'on considérait comme des biens publics. Mais on ne considère plus que le public a le droit d'intervenir pour s'approprier cet espace et ce bien public, on a privatisé cette notion de bien public, et c'est ce qui m'inquiète terriblement quant à l'avenir des investissements culturels au Canada aujourd'hui. Nous croyons que l'État est l'un des secteurs qui peuvent restaurer cette notion de bien public.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Kostash. Voilà un début excellent et stimulant.

Allez-y, monsieur Bayens.

M. Eddy Bayens: Merci.

Je suis heureux du fait que la CCA, la Conférence canadienne des arts, émet des reçus pour déductions d'impôt, et je le dis pour ceux qui veulent faire un don à la CCA, comme Myrna vient de vous y inviter. D'ailleurs, j'aimerais dire ce que j'ai appris à cette rencontre.

Plus précisément, quelqu'un a dit à M. Bélanger, le jour où il a commencé à chanter, qu'il ferait mieux de prendre sa retraite. Eh bien, je chante dans ce pays depuis 1953—«chanter» dans le sens le plus vaste, car je suis musicien—et pourtant on me pose encore la question: «Je sais que vous êtes musicien, mais que faites-vous pour gagner votre vie?» Je pensais qu'après 20 ou 30 ans de métier, on cesserait de me poser la question, mais celle-ci revient toujours.

C'est triste. C'est triste quand on songe à toute la préparation qu'il faut pour devenir musicien; ce n'est pas seulement trois ou quatre ans, comme pour devenir avocat. Ce n'est pas sept ou huit ans, comme pour devenir médecin. Il faut entre quinze et vingt ans de préparation, et on commence à l'âge de cinq ans, et ça continue jusqu'au jour où l'on chante le Requiem à vos obsèques. Cela ne finit jamais. Cependant, le salaire qu'on en retire est bien maigre, c'est le moins qu'on puisse dire.

Ensuite on nous dit à nous, les musiciens, que nous jouons un rôle très important dans notre culture. Je dois répondre à cela que c'est en nous que nous trouvons la satisfaction, et non pas chez les autres. Je vois les institutions qui m'ont permis de vivre, dans un sens, et grâce auxquelles je n'ai pas eu besoin de prendre ma retraite de la musique, des institutions comme l'ONF, Radio-Canada et le Conseil des arts, dont les moyens financiers sont réduits à un point tel qu'elles ne pourront plus bientôt s'acquitter de leur mandat, quel qu'il soit.

Puis je me retrouve catégorisé aujourd'hui comme travailleur indépendant, et je n'ai aucun accès aux services que l'État met à la disposition des autres travailleurs canadiens. Et je ne me considère pas comme un artiste. Je me considère comme un travailleur qui veut être rétribué à sa juste mesure.

Il fut un temps où j'endisquais souvent pour Radio-Canada. Mon orchestre produisait souvent des disques pour Radio-Canada. Tout cela n'est plus possible à cause des compressions draconiennes que certains d'entre vous ont décidé de mettre en oeuvre, pour des raisons quelconques. Si nous sommes en effet si importantes pour notre société, pour notre culture, dites-nous pourquoi, mon Dieu, vous supprimez les éléments mêmes qui nous ont donné notre identité de Canadiens, par exemple Radio-Canada, un des meilleurs outils capables de nous donner cette identité?

• 0900

Je me rappelle Churchill, qui, lorsqu'il a déposé son budget à l'orée de la guerre, en 1939, a sabré dans toutes les activités du gouvernement, sauf la défense nationale et la culture. Quand on lui a demandé pourquoi il n'avait pas sabré dans les crédits culturels, parce qu'on considérait que cette activité était quelque peu frivole, il a donné une réponse plutôt intéressante. Il a dit: «Si nous ne sommes pas disposés à protéger notre culture, pourquoi faire cette guerre?»

Qu'est-ce qui nous confère une identité en tant que Canadiens placés au-dessus d'une nation de ce genre, culturellement? Nous essayons d'être différents, et j'aimerais contribuer à cette différence. C'est notre culture; rien d'autre. Or elle est minée par la réduction constante de la capacité de ces institutions—l'Office national du film, la SRC, les organisations qui sont censées nous protéger, le CRTC, le ministère du Développement des ressources humaines. Toutes ces organisations qui sont censées nous protéger, soit ne comprennent pas leur mandat, soit doivent être démantelées ou, comme dans le cas de la SRC, éventrées. Elles ne peuvent tout simplement pas remplir cette fonction. Cela me touche directement—et je ne parle pas sur le plan des idées. Cela me touche personnellement parce que je n'ai plus de revenu provenant de ces institutions. Cela devrait vous préoccuper.

Le président: Monsieur Bragg.

M. Martin Bragg: Merci beaucoup. Pour ce qui est de mes collègues, j'aimerais qu'on revienne à l'ordre du jour, si vous me le permettez. J'aimerais traiter de la première, de la troisième et de la cinquième questions.

Je pense que le Canada vit un moment historique. Je ne vais pas m'appesantir sur les réductions de dépenses. J'ai passé toute ma vie dans ce métier, j'ai commencé comme comédien en 1972, et ma vie n'a jamais été facile dans le domaine des arts. Je pense que ceux d'entre nous qui s'occupent d'art le reconnaissent parfois quand nous agissons. J'aimerais que les choses se passent autrement, mais je ne crois pas que cela changera de mon vivant.

Je pense que le comité—et je suis très flatté d'avoir été invité à participer à vos délibérations—fait face à un très important défi, un défi très stimulant, étant donné que le Canada n'a pas pour l'instant de politique culturelle. J'encourage le comité, au cours de ces séances de travail, à en arriver à une définition de ce qui à notre avis sera la politique culturelle canadienne.

Nous allons entrer dans un nouveau millénaire. Il me semble que les arts au Canada... Si je repense à 1972, à cette époque Carol n'écrivait pas; je n'avais jamais entendu parler de Myrna; en matière de théâtre, il y avait les festivals de Stratford et le festival Shaw; il y avait la Compagnie d'opéra canadienne, le Ballet national du Canada; il y avait une poignée d'organisations artistiques. Quand le Conseil des arts du Canada a pris de l'importance et a obtenu un financement supérieur, on a vu apparaître dans tout le pays un nombre considérable de groupes gérés par des artistes. À la fin des années 60 et au début des années 70, on avait lancé le Programme d'initiatives locales. On ressent toujours les effets et le retentissement de ce programme. Je ne serais pas parmi vous aujourd'hui pour en parler s'il n'y avait pas eu ce programme d'initiatives locales.

Je pense que le gouvernement a fait quelque chose pour qu'on puisse lancer des organisations culturelles et entreprendre le processus permettant de définir ce qu'est notre culture.

L'autre facteur qui est vraiment très stimulant maintenant, au moins pour mon organisation artistique, c'est que je crois que nous sommes sur le point de devenir un importateur net de culture, où cela nous mènera... Mon organisation, par exemple, a jusqu'à maintenant importé probablement plus de pièces de théâtre des États-Unis ou d'Angleterre que nous n'en avons produites ici. Je pense qu'au cours des trois à cinq prochaines années, soit d'ici le début du siècle prochain, notre organisation va renverser la vapeur. Nous allons produire beaucoup plus d'oeuvres de Canadiens que d'artistes étrangers. Il me semble que le gouvernement pourrait agir de façon extrêmement dynamique en faisant la promotion de l'exportation des produits canadiens, et non pas simplement des films, mais aussi des auteurs, des dramaturges, parce que je pense que nous avons beaucoup de talents et que nous avons beaucoup investi.

Troisièmement, je pense que le gouvernement a un rôle à jouer à tous ces égards. Je pense qu'il a un rôle à jouer en tant que législateur. Il a aussi un rôle à jouer en tant qu'administrateur d'institutions nationales. Il a un rôle en tant que mécène. Il a un rôle en tant que promoteur du monde des affaires, et il devrait chercher des façons nouvelles et intéressantes de créer dans tout le pays un réseau qui serve en quelque sorte de cadre aux contributions que les Canadiens pourraient faire à ces organisations artistiques dans leurs collectivités locales. Je pense que la belle époque où abondaient les deniers publics est maintenant révolue, mais le gouvernement peut nous aider à essayer de trouver des moyens innovateurs qui nous permettraient de trouver dans nos collectivités les fonds dont nous avons besoin.

Sans oublier qu'il devrait nous aider à promouvoir la culture canadienne à l'étranger.

• 0905

Le président: Merci, monsieur Bragg. Madame Shields.

Mme Carol Shields: J'aimerais traiter de la première question, à propos de l'appui que nous recevons maintenant et de celui que nous avons déjà eu—notamment le fait que le Conseil des arts du Canada travaille souvent en collaboration avec les conseils des arts provinciaux.

Comme vous le savez, en 1957, quand le Conseil des arts du Canada a été créé, nous avons décidé que nous pouvions nous offrir d'avoir notre propre culture. Je pense que les résultats de cette initiative ont été considérables.

J'aimerais citer une de mes statistiques pour montrer l'ampleur de l'épanouissement qui s'est produit peu après la création du Conseil des arts du Canada. En 1960, on a publié cinq romans au Canada. C'était considéré comme une grosse année. Il y a un an, cinq romans canadiens ont été publiés à Londres en une semaine. Cela donne une idée du chemin parcouru. Nos écrivains sont maintenant reconnus internationalement.

C'est important, mais à mon sens il est encore plus important qu'ils soient reconnus chez eux. Être reconnu, cela veut dire être lu, comme l'a dit Myrna, être rémunéré pour ses écrits. C'est un grand facteur.

La situation des écrivains diffère peut-être légèrement de celle des artistes de la scène, mais pas tant que cela. C'est ce dont les écrivains ont besoin. Il leur faut, il me semble, trois choses. D'abord, ils ont besoin de sentir que le travail qu'ils font est reconnu au sein de leur collectivité et dans leur pays.

Il leur faut autre chose, et je pourrais tenter de l'expliquer un peu. Ils ont besoin de sentir qu'ils font partie de leur communauté, qu'il y a autour d'eux des gens qui font ce qu'ils font. À Winnipeg, nous avons quelques dizaines d'écrivains, peut-être plus. Il est important pour moi de sentir une communauté d'écrivains autour de moi. Je suis de tout coeur avec ceux qui essaient de s'imposer comme écrivains, de vivre de leur plume, dans le Canada rural.

La troisième chose dont les écrivains ont besoin, c'est quelqu'un qui à l'occasion leur dise «Tu t'en tires bien. Tu peux continuer à faire ce que tu fais.» Malgré que je n'aime pas du tout la multiplication des prix littéraires—il ne me semble pas en effet que l'écriture tienne du concours ni même doive en susciter—c'est un cas où les prix ont un rôle. C'est une forme de reconnaissance qui signifie: «Tu t'en tires bien.»

Parfois le prix peut être offert sous forme de subvention. Les subventions versées aux écrivains leur permettent d'acheter du temps. Parfois, une subvention accordée à un jeune écrivain lui tient lieu en quelque sorte de permission; c'est un peu comme si on lui disait: voici de l'argent. Cela te donnera du temps. C'est notre façon de dire que nous croyons que ce que tu fais est important pour notre culture.

Je viens de terminer un contrat pour le Conseil des arts du Canada. J'ai trouvé que la direction... Naturellement, certaines des choses que le Conseil a supprimées de ses programmes ont disparu en raison de ces compressions. La menace de compressions a obligé le Conseil à effectuer des réductions dans des domaines qui me semblent vitaux. Je pense notamment à l'éducation. Ce que nous voulons faire, c'est créer un public pour l'avenir. Martin pourrait vous dire à quel point il importe de se constituer un public en matière de théâtre. Richard, j'en suis sûr, pourrait vous parler du public pour l'opéra. Or en tant qu'écrivains nous avons besoin d'un lectorat. C'est pourquoi il nous faut des ouvrages canadiens dans notre liste de réalisations; c'est un critère. J'aimerais que d'ici à l'an 2000 tous les enfants au Canada reçoivent un ouvrage d'un auteur canadien. Les enfants, l'éducation—c'est par là que passe la constitution de publics.

• 0910

Il y a autre chose, et c'est cette idée que nous avons besoin d'une communauté. Le Conseil des arts du Canada vient tout juste de retirer son appui aux organismes de services nationaux dans le domaine des arts—Par exemple, la Writers' Union of Canada. Cet appui leur a été retiré, ce qui fait qu'il n'est plus possible de réunir des écrivains une fois l'an. En fait, cela est vital pour des écrivains qui vivent à l'extérieur de Toronto, d'Ottawa ou de Montréal. Nous sommes ceux qui ont besoin de ce réseau dont on vient de nous priver.

J'espère donc avoir porté la bonne nouvelle ainsi que la moins bonne.

Il y a une chose que les écrivains—et tout le monde d'ailleurs dans le domaine des arts—hésitent à aborder, mais je vais le faire. C'est-à-dire qu'il faut répéter ce qui l'a déjà été des centaines de fois, soit combien le secteur des arts contribue, non pas seulement à la culture du pays, mais aussi à son économie. Il y a près d'un million de travailleurs de la culture au Canada. C'est un vaste pan de notre économie. On aime à dire que l'art nourrit l'esprit, mais je pense qu'à l'occasion il faut aussi dire ce qu'il rapporte à l'économie.

Merci beaucoup de m'avoir invitée.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de donner la parole à Mme Bulte, puis à Mme Wilder, j'aimerais simplement... Vous avez parlé de prix et de reconnaissance. Je crois qu'aujourd'hui ou demain le premier ministre et le vice-premier ministre vont parler de ce que le Canada s'apprête à faire à l'occasion du prochain millénaire, et peut-être que nous devrions ici discuter de ce genre d'idée. Devrait-il y avoir des prix et des décorations accordés dans le secteur culturel pour célébrer le prochain millénaire? Ce sont là des idées que vous pourriez peut-être explorer, et nous nous ferons un plaisir d'en parler à M. Gray, et nous pourrions même commencer à lui écrire à ce propos.

Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur ce qu'a dit Mme Shields à propos de l'importance de se constituer un public. J'aimerais donner des exemples concrets.

Le 23 avril on célébrera la Journée du livre au Canada. Il se trouve que cette question m'intéresse. Je tiens une correspondance à ce sujet, pour promouvoir des auteurs canadiens et les livres canadiens pour enfants. Comment peut-on faire comprendre aux autorités gouvernementales, aux parlementaires, qu'ils doivent jouer un rôle à cet égard?

Je pense que l'idée est excellente, et je crois que c'est la Writers' Union qui a produit une petite brochure à ce sujet: il s'agit de donner un livre à tous les enfants nés dans votre comté ce jour-là; allez dans les écoles et encouragez-les vraiment à lire. Comment le faire? Quelles autres mesures concrètes pouvons-nous prendre? Eh bien, je pense que si l'on songe à constituer des publics ou à faire de l'éducation, il faut commencer par les enfants en bas âge, pour leur montrer l'importance de ces choses.

Des articles ont paru dans le Time en ce qui concerne la musique et les arts, et l'on disait que les enfants qui suivent des leçons de musique réussissent beaucoup mieux en sciences et en mathématiques. De plus, il y a eu un article dans le Globe and Mail au début de décembre à ce sujet. On a observé que les arts, et non pas les ordinateurs, stimulent la créativité chez les enfants.

En outre, mises à part ces choses qui donnent des résultats, comment pouvons-nous nous concentrer sur cet objectif? C'est un peu comme changer complètement de paradigme quand on pense à la recherche de Fraser Mustard sur le développement pendant la petite enfance, à quel point l'attention accordée de la naissance à trois ans est importante.

Comment conjuguer toutes ces choses que nous découvrons maintenant pour les transmettre aux enfants, et pour amener le gouvernement à reconnaître que nous devrions dépenser davantage en matière d'éducation, qu'on devrait amener les enfants à s'intéresser aux divers secteurs des arts, plutôt que de simplement se contenter d'apprendre comment fonctionnent les logiciels ou les ordinateurs?

J'invite quiconque à intervenir, à partir de ce que vous avez dit.

Pour ce qui est des organismes de services nationaux dans le domaine des arts, je pense qu'ils sont tout à fait utiles, parce que je sais que l'Association professionnelle des théâtres canadiens réunissait aussi des gens une fois l'an, et j'y ai déjà assisté en tant que membre du conseil d'administration pour réunir non pas seulement les artistes, mais aussi les conseils de tout le Canada avec les artistes. Je pense que cela est extrêmement profitable, parce que cela donne aussi au secteur privé l'occasion de montrer quels sont les besoins des artistes, non pas seulement dans les grandes villes, mais aussi dans les petites localités. Je trouve qu'il est important qu'on dispose de ressources de ce genre.

Le président: Peut-être qu'au cours de la discussion quelqu'un pourra revenir sur votre question.

Madame Wilder.

Mme Valerie Wilder: J'allais dire quelque chose d'autre...

Le président: Vous pouvez le faire maintenant et ajouter quelque chose, si vous le voulez.

Mme Valerie Wilder: D'accord.

• 0915

Tout à fait. Peut-être qu'en effet dans le domaine des arts nous n'avons pas sensibilisé suffisamment les gens à certaines des études qui indiquent l'importance des arts par rapport à l'étude de l'informatique, par exemple, pour développer les aptitudes scolaires et assurer la réussite des étudiants. Je sais que Bill Gates voudrait dépenser des millions de dollars pour mettre un ordinateur sur le pupitre de chaque enfant. D'après certaines études, il semble qu'il serait peut-être préférable de mettre un artiste sur le pupitre de chaque enfant. Certes, avec mes danseurs, cela donnerait une signification tout à fait nouvelle à la danse sur table.

Il faut examiner cela; il faut un peu creuser les choses.

Pour revenir à ce que nous disions tout à l'heure, j'étais très encouragée que la ministre, l'honorable Sheila Copps, insiste devant votre comité sur l'importance de conserver notre capacité de narrateur. Les arts font du travail de tranchée, essaient de préserver et d'améliorer la capacité d'écrire, de danser, de chanter, de composer et de dessiner ce qu'évoque pour nous notre identité canadienne.

Nous fonctionnons un peu dans le désert. Nous n'avons ni les subventions ni le respect dont jouissent certains de nos collègues en Europe, ni la tradition de commandites privées qui règne aux États-Unis. Marty a raison lorsqu'il dit que nous devons nous donner un modèle canadien, un modèle durable qui peut se fonder sur les succès du passé et nous aider à présenter le caractère unique de notre pays. Sans partenariat avec le gouvernement, nous serons complètement noyés dans le raz-de-marée de la culture populaire.

J'entendais ce matin à la télévision que ESPN dépensera cette année 100 millions de dollars pour lancer une nouvelle revue sportive. Je sais qu'en un jour pour la promotion du Roi lion à Broadway on a dépensé 750 000 $ pour la publicité qui est parue dans le New York Times.

Le raz-de-marée est énorme. Il nous faut trouver une voie spécifiquement canadienne, et ce n'est qu'en partenariat avec le gouvernement et tous ensemble que nous pouvons le faire.

Pour la danse, qui est une forme artistique relativement jeune, comme pour beaucoup des arts du spectacle, le Conseil des arts a été le soutien le plus efficace que nous ayons connu. Je crois que cela est dû au fait que la politique artistique du Conseil a été élaborée en collaboration et en consultation avec des artistes et des professionnels du monde des arts, avec ceux d'entre nous qui vivent de cela. Ce n'est pas simplement un organisme de financement statique. Il s'est adapté et a évolué en même temps que nous, et, comme l'a dit Carol, dans le secteur de la danse, nous nous sommes certainement développés.

Au début il n'y avait que le Ballet national, Les Grands Ballets canadiens, le Royal Winnipeg Ballet et quelques petites compagnies de danse moderne. Aujourd'hui il y a une prolifération de coopératives, d'artistes indépendants, de diverses formes artistiques dans ce milieu. Cela s'est développé très vite. Ils se lancent sur la scène internationale. Nous nous sommes beaucoup développés, et il est ridicule de faire ce genre d'investissement si l'on ne réussit pas à soutenir l'effort.

L'autre mécanisme qui a été bon pour la danse, c'est le soutien apporté aux tournées par les Affaires étrangères, car cela a donné à nos artistes la possibilité d'être vus, jugés, dans la plupart des cas de façon extrêmement favorable, en dehors du Canada. Je crois que nous pouvons défendre des objectifs nationaux aussi bien, sinon mieux, que toute mission commerciale. Tout ce secteur doit être réexaminé, et des lignes des directrices et directives doivent être mises au point dans ce domaine.

• 0920

Le président: Monsieur Bradshaw, avez-vous demandé la parole? Allez-y.

M. Richard Bradshaw: J'applaudis à ce qu'a dit mon collègue, Martin Bragg.

Je suis toutefois un peu inquiet, Marty, parce que vous dites que l'époque des subventions gouvernementales relève du passé. Si tel est le cas, nous devrions discuter ici de ce que nous mettrons à la place. Si nous choisissons le modèle américain—Dieu nous en garde, mais si c'est ce que nous faisons, et c'est certainement ce qui se profile en Ontario—il faut certes envisager une sérieuse révision du régime fiscal. Mais cela ne suffira pas; c'est toute une éducation qu'il faut entreprendre. Donc, même si c'est la direction que nous prenons, nous ne pourrons espérer rattraper le terrain perdu avant une génération.

Je peux vous donner des tas de bonnes nouvelles sur les abonnements que nous vendons dans ma compagnie. Cela a augmenté de 40 p. 100 en trois ans, ce qui a totalement changé la situation financière, mais nous ne sommes pas encore parvenus à rattraper notre retard, parce que ces trois dernières années nous avons perdu 1,6 million de dollars de subventions gouvernementales. Le développement, la multiplication des abonnements et l'augmentation des ventes de billets ne font que nous aider à rester stationnaires. Nous avons toujours un manque de 1,6 million de dollars et, à l'heure actuelle, nous finançons un déficit. Si l'on ne peut donc plus compter sur les subventions gouvernementales, il faut parler d'autre chose.

Le Conseil des arts, dans l'ensemble, s'acquitte très bien de ses fonctions. Il a des fonds extrêmement maigres. Il y a là un gros problème pour le financement de la formation des artistes canadiens. Là encore, pour ce qui est de ma propre compagnie, nous avons un programme de studio d'ensemble qui a formé une génération de chanteurs canadiens, de Ben Heppner à tous les autres. J'ai le regret de vous dire—et je puis vous en faire la liste—que 100 p. 100 de ces chanteurs travaillent maintenant presque exclusivement dans d'autres pays, non pas parce qu'ils ne veulent pas travailler au Canada, mais parce qu'il y a une pénurie pathétique de travail pour les chanteurs canadiens au Canada.

Nous avons six productions par an. Winnipeg en a trois. D'autres compagnies en ont deux. Cela ne suffit pas pour vivre. Ben Heppner peut peut-être participer à l'une d'entre elles tous les deux ans. Alors, que fait-il? Il va ailleurs. Et tous les autres artistes canadiens que nous formons, s'ils veulent gagner leur vie, doivent aller la gagner ailleurs. Je trouve cela très déprimant, parce que nous avons un grand pays avec beaucoup de talents, et pas seulement chez les chanteurs—regardez les metteurs en scène comme Lepage, Girard, et Atom Egoyan—ils travaillent tous essentiellement ailleurs. C'est quelque chose qu'il faut que nous comprenions.

Ce n'est pas tellement un problème de structure. Le Conseil des arts s'est montré admirable récemment. Le gouvernement lui a donné 25 millions de dollars de plus, et il les a immédiatement distribués à des compagnies importantes et à certains artistes, mais c'est parce qu'il avait 25 millions de dollars.

Un analyste des arts disait récemment qu'avec 100 millions de dollars, ce qui n'est probablement pas beaucoup dans le budget de Paul Martin, on pourrait au moins temporairement régler les problèmes du monde des arts au Canada. Cela ne rétablirait pas une situation financière saine. La plupart des compagnies avec lesquelles je travaille à l'étranger dans des coproductions ont un budget supérieur à toutes les subventions versées aux arts au Canada.

Il ne s'agit donc pas finalement d'un problème structurel; il s'agit simplement d'argent. Et tant que nous n'examinerons pas de façon réaliste ce qu'il faut pour financer les arts, eh bien, nous resterons dans une certaine mesure complètement dans les nuages.

Le président: Merci, monsieur Bradshaw.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais juste poser quelques questions, pour que M. Bradshaw précise sa pensée sur certains points.

L'effort mené par votre compagnie et d'autres organisations au pays pour diversifier vos sources de recettes et de subventions aurait-il été aussi intense, ou même aurait-il été envisagé, si les gouvernements n'avaient pas réduit leurs subventions? Y a-t-il des moyens qui permettraient aux gouvernements d'encourager et de faciliter cette diversification et, dans l'affirmative, quels sont-ils?

Deuxièmement, madame Wilder, vous avez parlé d'un raz-de-marée qui pourrait tous nous emporter et vous avez parlé de créer notre petite vague au Canada et de nous protéger contre ce raz-de-marée. Est-ce que vous parleriez du raz-de-marée américain? J'ai l'impression que vous avez assimilé la culture populaire au raz-de-marée et peut-être assimilé les deux aux États-Unis, et je veux m'assurer que c'est bien ce que vous disiez et, sinon, comprendre exactement ce que vous disiez.

• 0925

Mme Valerie Wilder: Une bonne partie de la culture populaire vient en effet des États-Unis, et beaucoup des dollars que l'on y consacre viennent aussi de là. Ce n'est pas nécessairement inévitable, mais puisque ce sont nos voisins, ce raz-de-marée devient plus menaçant.

Je dis simplement cela parce que l'on a toujours dit en prenant certaines décisions que notre culture valait d'être, sinon protégée, du moins soutenue.

Il y a certaines formes artistiques, comme le ballet et l'opéra, qui essentiellement n'existent nulle part ailleurs au monde sans une certaine forme de subvention.

Si vous envisagez de quitter un jour votre emploi...

M. Mauril Bélanger: J'espère que non, mais cela ne dépend pas de moi.

Mme Valerie Wilder: ... vous serez peut-être intéressé d'apprendre que je vends environ 48c un produit qui me coûte un dollar à créer. Cela ne changera jamais. Il faut donc que je trouve ces 52 autres cents, qu'il s'agisse d'une subvention gouvernementale ou de commandites privées qu'on ne verra pas dans notre pays avant une révolution culturelle dans l'entreprise privée.

M. Mauril Bélanger: Je ne conteste pas cela. Je suis d'accord. Je voulais simplement revenir sur la notion de culture populaire.

Qu'est-ce que la culture populaire? Est-ce une fonction des masses de l'argent? Qu'est-ce qu'est en fait la culture populaire? Que mettez-vous dans cette catégorie? Qu'est-ce que cela englobe?

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'ajouterais une autre question: certains d'entre vous ici ont-ils l'impression de participer à la production d'une culture populaire?

Une voix: Oh, oui, bien sûr.

Le président: Un instant. J'aimerais que M. Bragg puisse répondre brièvement à M. Bradshaw. M. Bayens et M. Sivry ont également demandé la parole.

Si c'est possible, monsieur Bradshaw, soyez bref en répondant à la question de M. Bélanger.

M. Richard Bradshaw: Je me trouve dans une situation difficile, car je suis dans un secteur artistique qui économiquement... Il est assez mal vu de dépenser beaucoup d'argent pour l'oeuvre d'une soirée. Je ne pense pas toutefois pouvoir répondre différemment. Quand nous discutons de savoir si l'argent doit aller aux grosses organisations ou aux artistes individuels, n'importe quel soir Valerie—ou moi—va employer des centaines d'artistes individuels. Que le gouvernement canadien donne l'argent aux arts, À Ben Heppner et Robert Lepage—ou même à Richard Bradshaw—c'est très bien. Mais si vous voulez que ces centaines d'artistes qui dépendent de la production de l'opéra ou du ballet survivent—et je parle de tous les genres de techniciens, jusqu'au fabricant de perruques—il faut subventionner ces avaleurs d'argent qui semblent éléphantesques.

Il n'y a pas d'autre solution. On ne peut pas dire que le gouvernement peut aider un peu par-ci et un peu par-là. Le gouvernement fait par exemple des merveilles en matière de formation. Ce qui m'ennuie, et je l'ai déjà dit, c'est qu'après avoir formé ces gens-là, on n'a rien à leur donner à faire.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est ce que je voulais dire.

M. Mauril Bélanger: Ça va.

Le président: Monsieur Bayens.

M. Eddy Bayens: Quand je suis arrivé ici, j'ai été un peu surpris de voir le terme «culture». Cela mérite en soi une semaine de discussions plutôt que simplement deux heures.

M. Godfrey a demandé ce qu'était en fait la culture populaire et si certains d'entre nous ici y contribuent. Cela me ramène à quelque chose de très simple, et c'est la raison pour laquelle je suis ici. Je pourrais être ici à d'autres titres. Je suis un musicien qui travaille pour gagner sa vie. Peu m'importe si je fais un enregistrement pour un orchestre country et western ou si je travaille dans la fosse de l'opéra. Je fais tout cela. Ce que je dis, simplement, c'est payez-moi ce que cela vaut.

Pour cela, je souhaite une certaine protection de la part du gouvernement. On parle de culture et du Conseil des arts. On parle de toutes ces organisations. Mais j'estime que Développement des ressources humaines Canada, par exemple, doit pouvoir me donner une certaine protection, de sorte que quand quelqu'un vient dans notre pays on lui demande s'il va remplacer un travailleur canadien. C'est aussi simple que cela.

Maintenant, je vois dans le récent résumé du rapport sur l'immigration non pas seulement des chiffres qui illustrent cela, mais également une proposition disant que les sociétés qui travaillent au Canada avec 20 employés ou plus n'ont plus besoin de validation des offres d'emploi. Cela me touche en tant qu'employeur. Cela n'a rien à voir avec la soi-disant culture, mais cela me touche.

• 0930

Il dit aussi:

    Notre rapport recommande aussi que lorsqu'une personne cherche à entrer au Canada pour 30 jours ou moins on n'exige plus qu'elle obtienne une autorisation d'emploi [...]

Cela inclut tous les musiciens américains qui viennent ici jouer dans un bar pendant une semaine—ce n'est que sept jours, moins de 30 jours—et cela remplace mes possibilités d'emploi. Il ne semble pas que l'on protège mes rares possibilités d'emploi. Je parle donc ici d'un travailleur musicien plutôt que de culture. Tout cela fait partie de notre culture. Nous faisons tous partie de la culture de notre pays.

Revenu Canada, pour sa part... Il est temps, comme pour les pêcheurs des provinces Maritimes, que les musiciens et les artistes en général soient classés dans une catégorie propre par Revenu Canada.

Je ne veux même pas parler de la loi sur le tabac à propos du financement par les sociétés plutôt que par le gouvernement. Ensuite vous nous empêchez de trouver ces commanditaires parce qu'il n'y a pas d'avantage fiscal et qu'il n'y a pas... Il y a une différence idéologique pour ce qui est des commandites du tabac. Cela va toucher tous les festivals de jazz du pays. Maintenant, je suis d'accord avec le ministère de la Santé—et je tousse aussi, même si je ne fume pas—mais le fait est que nous dépendons de ces commandites pour tous ces festivals. Vous prenez une décision en fonction de la santé, mais cela me touche comme travailleur musicien. Pensez donc à tout cela lorsque vous prenez ces décisions.

Je m'arrête là.

[Français]

Le président: M. Abbott, je vais d'abord céder la parole à M. Sivry.

[Traduction]

Cela devient intéressant, monsieur Sivry; alors prenez le temps qu'il vous faut. Vous êtes resté très silencieux et très patient. Prenez votre temps. Après cela, je demanderai à ceux qui ont déjà pris la parole d'être brefs.

[Français]

M. Jean-Michel Sivry: Merci, monsieur le président. Je ne prendrai pas plus de temps que nécessaire. Je voudrais intervenir sur cette question au sujet de la culture populaire. J'aimerais soumettre, dans la perspective des arts visuels, une définition provisoire selon laquelle la culture populaire est celle qui produit des objets de divertissement qui ravissent le grand public.

Cependant, dans le domaine des arts visuels, nous sommes confrontés à des objets beaucoup plus complexes qui reflètent notre génie collectif. Il est important de comprendre que plus on repousse les limites de cette complexité, plus la compréhension demande des efforts, plus cela est difficile et plus on se retranche par rapport à un marché économique. Il est assez frappant de constater qu'aujourd'hui le secteur des arts visuels semble aller à contre-courant des lois économiques.

Les politiciens doivent comprendre que la plupart des artistes, aujourd'hui, ne travaillent pas en vue d'une rentabilité financière: souvent leurs oeuvres ne sont même pas destinées à la commercialisation et ne sont même pas proposées à la vente. Pensons aux oeuvres d'installation in situ, par exemple, aux interventions, à toutes les oeuvres où la présence des artistes est requise et inhérente à l'oeuvre. Ce sont des événements et des oeuvres d'art éphémères qui ne comportent aucune rentabilité économique.

Tout cela nous amène, si l'on considère les orientations politiques à long terme que le Canada doit se donner à ce niveau-là, à considérer que la création artistique doit être soutenue pour elle-même, sans qu'aucun critère de rentabilité ou d'efficacité particulier n'y soit rattaché. Nous devons savoir que dans le fond, derrière la rentabilité financière, il y en a une autre qui est beaucoup plus critique, soit la rentabilité culturelle, qui est celle qui nous définit en tant que société, qui permet au Canada de rayonner à l'extérieur et qui favorise le développement des idées.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Sivry.

[Traduction]

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Juste avant de faire un commentaire, j'aimerais révéler que j'ai un intérêt tout à fait personnel, car mon gendre est musicien et compositeur...

M. Eddy Bayens: Je le plains.

M. Jim Abbott: ... si bien que ma fille et mes merveilleux petits-enfants vivent de cette façon. C'est donc un intérêt très personnel, et cela suscite chez moi quelque émotion.

• 0935

Cela dit, toutefois, je trouve que c'est un concept assez intéressant que de vouloir créer un mur autour du Canada. Mon gendre réussit à jouer et à composer, etc., et à trouver un public, et je vois que si nous voulons exporter notre art, notre culture, il faut faire très, très attention à ne pas justement créer de mur. Il est vrai que si nous avons un mur, Ben Heppner aura un problème, de même que beaucoup d'autres artistes beaucoup moins connus que lui.

Je voudrais quand même dire que le point commun de toutes les interventions, de Mme Shields à M. Bradshaw, est celui du public; il s'agit de savoir comment on peut créer un public. M. Bradshaw a même fortement insisté sur le fait qu'il n'y a pas de public... ou du moins, comme pour M. Heppner, que le public canadien devrait être plus vaste.

M. Richard Bradshaw: Ces gens-là n'ont pas de travail.

M. Jim Abbott: Eh bien, c'est la même chose...

M. Richard Bradshaw: Il est possible de fidéliser un public ou de vendre toute une saison d'avance, mais tout dépend de l'argent qu'on y consacre. Je dis simplement qu'il faudrait faire 12 opéras par an; on en fait six. Si on en faisait 12, tous les artistes dont j'ai parlé... Valerie pourra vous parler des files d'attente en Europe. Tous les artistes qui travaillent là-bas ont été formés au Canada, mais il n'y a pas suffisamment de travail pour eux ici.

M. Jim Abbott: Est-ce qu'il suffit qu'on monte un spectacle pour que les gens aillent le voir? N'y a-t-il pas une limite...

M. Richard Bradshaw: Si.

M. Jim Abbott: C'est bien ce que je me demande. Compte tenu de la dispersion de la population au Canada, comme nous n'avons que 30 millions d'habitants regroupés en trois ou quatre grands centres de population, on retrouve le même problème que celui dont on a parlé à propos de l'ESPN: dans la Ligne nationale de hockey, des équipes comme les Oilers d'Edmonton, les Nordiques de Québec—et peut-être les Sénateurs d'Ottawa, qui sait?—sont contraintes d'aller chercher de plus vastes publics. On peut multiplier le nombre des spectacles, mais à mon avis cela ne fait pas nécessairement croître le public.

M. Richard Bradshaw: Vous avez vu juste. Valerie a dit tout à l'heure—quels étaient les chiffres?—que pour 48 cents...

Mme Valerie Wilder: Un dollar.

M. Richard Bradshaw: Un dollar.

Prenons un exemple précis. Nous venons de monter Turandot. On a joué à guichets fermés. Si nous avions pu faire d'autres représentations, nous l'aurions fait, et les places auraient été vendues. Les billets se vendaient au marché noir à 250 $. Nous avons joué à guichets fermés. Nous avions prévu un budget très raisonnable. Combien pensez-vous que nous avons perdu avec ce Turandot à guichets fermés? Malgré toutes les entrées d'argent et les subventions gouvernementales, nous avons perdu un peu plus de 400 000 $. C'est comme cela, mesdames et messieurs. Quand on monte un opéra, on perd de l'argent, même si on le présente à guichets fermés.

M. Jim Abbott: Dans ce cas, vos billets ne sont pas assez cher. Il faut faire jouer l'offre et la demande.

M. Richard Bradshaw: Nos billets se vendent déjà à des prix obscènes; 115 $ pour les meilleurs billets, je trouve cela obscène.

M. Jim Abbott: Pourtant, les gens sont prêts à payer 250 $ sur le marché noir.

M. Richard Bradshaw: Oui, mais que faites-vous des pauvres qui voudraient y aller, mais qui ne peuvent pas y aller parce que tout est réservé à ceux qui ont les moyens?

Cet argument ne vaut pas uniquement pour le Canada. C'est la même chose dans le monde entier. Est-ce que vous voulez dire qu'un organisme qui reçoit trois fois moins de subventions qu'un autre va devoir vendre ses billets trois fois plus cher? Est-ce une façon civilisée de concevoir le monde artistique?

Le président: M. Abbott a soulevé un argument très intéressant.

Mais il faut également dire, monsieur Abbott, que les productions les plus en vogue, comme Show Boat et les autres spectacles du même genre, gardent l'affiche pendant un an, voire même pendant deux ans, et les spectateurs continuent d'y aller. Voilà donc un élément intéressant dont on pourrait discuter.

M. Eddy Bayens: Monsieur Abbott, je ne prétends pas qu'il faille élever une muraille tout autour du Canada. Je dis que la frontière doit être perméable dans les deux sens. Si je vais en Australie, on m'oblige à signer un document qui accompagne mon visa, par lequel je m'engage à ne pas chercher de travail dans ce pays. Je demande que le Canada ait recours à une protection identique. Je veux pouvoir donner mes spectacles aux États-Unis comme les Américains donnent les leurs au Canada.

Je ne veux pas dire que le Canada devrait s'entourer d'une muraille. Mais il faut que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Voilà ce que je demande, alors que ce document propose le contraire.

• 0940

Le président: Ne vous battez pas pour prendre la parole; excusez-moi, madame Bulte, mais Mme Kostash a demandé...

Mme Myrna Kostash: Sarmite a levé la main avant moi.

Le président: D'accord.

Mme Myrna Kostash: Et elle est dans tous ses états.

Mme Sarmite Bulte: Oui, plus que d'habitude; cela ne m'arrive qu'avec vous, Jim. Je dois encore vous convaincre. C'est mon objectif ultime avant de quitter cette salle.

À propos du théâtre populaire et de du public, Mauril a posé tout à l'heure une question à Richard concernant la possibilité de solliciter d'autres investisseurs, en plus du gouvernement, pour en faire des partenaires.

Je crains que le gouvernement ne puisse pas s'acquitter seul de cette tâche; il en va de même pour le secteur privé, car lorsqu'il accorde du financement, il l'accompagne d'une forme de censure. Le secteur privé ne commandite un événement que s'il est inoffensif pour sa clientèle. Une pièce comme Oleanna, où il est question de harcèlement sexuel réel ou imaginaire, n'obtiendra jamais la commandite d'une compagnie d'assurances ou d'une banque, car le thème risque de choquer leur clientèle. Voilà un premier élément. On ne peut pas s'en remettre uniquement au secteur privé.

Le gouvernement devrait s'inspirer de la fiscalité américaine pour améliorer la situation. Mais puisque nous parlons de culture populaire et de publics, n'oublions pas qu'on reproche souvent aux gens de théâtre d'être populistes.

Il y a deux semaines, le New York Times Magazine a publié un article—et je m'excuse de ne pas l'avoir en version française—sur le recours aux groupes de concertation pour étudier le monde artistique ou le public. En réalité, on consacre trop d'énergie aux groupes de concertation, à des gens qui ne connaissent rien aux arts visuels. Si l'on interroge les gens sur leurs préférences en peinture, on va se retrouver avec de la peinture par numéros. Les gens ne connaissent rien au sujet, ils se fondent sur le plaisir esthétique, et c'est ainsi que l'on finit par produire un art populiste. Et on le fait pour constituer des publics de personnes qui n'ont aucune idée de ce qu'est l'art. Dans tous les domaines artistiques, que ce soit la création littéraire, le théâtre ou la danse, on s'en remet beaucoup trop aux groupes de concertation.

Quand je rencontre des gens de la SRC ils se moquent de moi en disant qu'une production doit nécessairement être testée auprès d'un public.

Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer pour que la création artistique ne dépende pas des groupes de concertation; il faut permettre aux artistes de créer. Le public n'a pas à nous apprendre ce que c'est que l'art; il faut au contraire permettre à l'artiste de montrer son art et d'élaborer un produit artistique spécifiquement canadien, quelle qu'en soit la forme, qu'il s'agisse d'arts visuels, de danse, de théâtre, ou de créations littéraires. Cela me semble important.

Lorsqu'on parle de public, il faut faire attention de ne pas lui laisser le soin de définir arbitrairement la création artistique. Je vous invite tous à lire cet article du New York Times Magazine—j'en ai fait faire des copies—qui montre bien que l'on consacre trop de temps aux aspirations du public, et pas assez aux créateurs et aux artistes.

Merci.

Le président: Madame Kostash.

Mme Myrna Kostash: Je ne parviens pas à croire qu'on nous a demandé de venir ici pour participer à un débat où l'on devra déterminer si le gouvernement doit appuyer une production de la Compagnie d'opéra canadienne plutôt qu'un film comme Le Roi lion, comme si c'était deux choses qu'on pouvait mettre sur un pied d'égalité. Le Comité du patrimoine ne se préoccupe certainement pas du sort des comédies musicales de Broadway qui rapportent des milliards de dollars. Cela n'est certainement pas le sujet du présent débat.

Je répète qu'il y a quelques générations, la classe politique et le public canadiens se sont engagés à accorder un investissement public aux arts. Je ne peux pas concevoir que cet engagement... mais peut-être qu'il est effectivement remis en cause. Je pars toujours de l'hypothèse que cet engagement a été pris, et même s'il donne lieu à toutes sortes de questions, cela reste le point de départ.

On a formulé ici certains arguments intéressants. En ce qui concerne le public, les exportations, etc., lors du débat sur le premier accord de libre-échange, les artistes canadiens se sont laissés séduire, ou du moins on a essayé de les séduire en leur disant que l'ouverture des frontières au commerce international allait leur permettre de vendre leurs productions aux États-Unis.

• 0945

Il y a en effet, comme l'a bien indiqué Carol, des succès canadiens remarquables sur le marché américain et à l'étranger, mais il y aura toujours une production littéraire canadienne qui n'impressionnera jamais les Américains, et qui nous concerne spécifiquement, en particulier dans la littérature non romanesque. Je le sais, car j'écris moi-même des oeuvres non romanesques. À ce titre, c'est la société canadienne qui me sert de sujet, et je n'ai donc pas grand espoir d'intéresser un éditeur américain. Mon dernier ouvrage, qui portait en fait sur l'Europe de l'Est au cours des années 80, n'a pas été accepté par un éditeur de New York parce qu'il était trop canadien. Qu'est-ce que l'Europe de l'Est pouvait bien avoir de canadien? Le fait que l'auteur de l'ouvrage était une Canadienne d'origine ukrainienne.

Ce genre de produit culturel n'impressionnera jamais les Américains; on a donc tort de nous inviter en tant qu'artistes à appuyer l'Accord multilatéral sur l'investissement ou l'ALENA.

Deuxièmement, les artistes ont réagi à cette entreprise de séduction en disant: «C'est bien beau d'avoir du succès à New York, mais il nous faut d'abord un public ici même», pour reprendre la formule si bien présentée par Carol. Il ne peut rien se passer pour nous à moins que nous ne bénéficiions d'un public canadien. C'est un préalable absolu. C'est la condition sine qua non de tout le reste: il doit y avoir au départ une relation entre moi et mon lecteur dans ma propre communauté, compte tenu d'une perspective historique, etc.

Je voudrais également revenir sur un argument présenté à plusieurs reprises ici même, sur lequel je voudrais insister: quelle a été l'action des budgets du Conseil des arts du Canada en ce qui concerne l'appui aux organismes qui proposent des services aux artistes? Carol a insisté sur l'importance vitale de la réunion générale annuelle de la Writers' Union of Canada et des organismes du même genre où la communauté littéraire canadienne peut se retrouver une fois par an. Les budgets de ces organismes sont très modestes, mais les compressions qu'on leur impose ont des effets dévastateurs.

On a bien indiqué que M. Martin ne remarquera même pas la différence—ce sont des montants infimes—mais ils sont essentiels pour les écrivains, car sans ces réunions générales annuelles ils se voient privés des services que les organismes en question assurent de façon tout à fait remarquable.

Finalement, on a abordé un nouveau sujet, la question de la propriété. Ceux d'entre nous qui font partie de la Conférence canadienne des arts sont désormais invités à s'interroger sur les problèmes de propriété. Est-ce là-dessus qu'il faut insister pour favoriser l'élaboration de notre politique culturelle?

Il y a une ou deux générations, pour les adeptes du nationalisme culturel canadien des années 70, la propriété canadienne était la seule issue. Maintenant, on remet tout cela en cause: il faut peut-être se préoccuper non pas de propriété, mais de résultats. Je vous invite à aborder avec nous un débat sur cette question vitale et du plus haut intérêt: est-il important que les Canadiens possèdent l'infrastructure ou les instruments culturels dans leur pays?

C'est ce dont j'ai toujours été persuadée, jusqu'à ce que je voie la compagnie Chapters s'installer en ville. Lorsqu'elle s'est constituée—je ne sais pas si Carol est d'accord avec moi à ce sujet—elle a été accueillie avec soulagement, car on nous faisait grâce de Barnes & Noble. Et que s'est-il passé? Chapters s'est comportée exactement comme l'aurait fait Barnes & Noble à tous égards. Pas tout à fait, cependant: Chapters a fait de très bonnes choses en ce qui concerne la diffusion des écrivains locaux, la constitution de clubs de lecture, etc. Elle a fait preuve d'une grande convivialité, je le reconnais, mais elle élimine du marché les librairies indépendantes. C'est un danger constant.

Autrement dit, importe-t-il qu'il s'agisse d'une compagnie appartenant à des intérêts canadiens, si à cause de l'échelle de ses activités elle a une emprise considérable sur les éditeurs canadiens? Qu'avons-nous obtenu en optant pour une chaîne de librairies canadienne? Je laisse cette question en suspens pour la suite du débat.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

J'ai reçu plusieurs demandes d'intervention: M. Muise, M. Bragg, M. Bonwick, M. O'Brien, Mme Shields et M. Bélanger. Nous allons commencer par Mark Muise.

M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.

• 0950

Je voudrais faire une remarque et un commentaire, et j'espère obtenir une réponse. En écoutant les interventions de ce matin, j'ai l'impression qu'on discute de culture et d'arts, mais qu'en définitive tout se ramène à une question d'argent, car sans argent il ne se passe rien. Nous sommes à la recherche d'un public et nous devons nous placer d'un point de vue financier, mais je pense que nous ne pouvons prétendre qu'à un public limité.

Il existe des produits alimentaires et des boissons qui correspondent à des goûts acquis. Certains aspects des arts ne plaisent pas à tout le monde, parce que certaines personnes n'y ont jamais été exposées ou n'ont jamais eu l'occasion d'en faire l'expérience. Il faudrait peut-être aller à la racine du problème et remonter au tout début de l'expérience artistique, c'est-à-dire au milieu scolaire, où chacun peut découvrir l'art, en faire l'expérience et s'apercevoir que l'art est une source de plaisir, qu'il va même au-delà du plaisir que peut procurer une belle image, un livre ou une pièce musicale et qu'on peut le découvrir à l'école.

Je me souviens que lorsque j'étais enfant je n'aimais pas la musique classique. Personne ne s'est jamais assis avec moi pour m'en faire découvrir l'intérêt. En prenant de l'âge, j'ai commencé à l'apprécier, et plus je l'écoutais, plus je l'aimais. C'est devenu maintenant quelque chose de très important pour moi.

Je constate que nous sommes à la recherche de publics qui vont nous rapporter de l'argent, mais pour cela il faut donner aux jeunes l'occasion de découvrir l'art. Il faut créer un public dont la communauté artistique pourra bénéficier plus tard. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. J'aimerais avoir vos commentaires.

Le président: Vous les obtiendrez au cours du débat. Monsieur Bragg.

M. Martin Bragg: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai écouté l'intervention de Myrna, et j'aurais quelque chose à dire à propos du Conseil des arts du Canada. Je crois que nous devons faire preuve de prudence. Je reconnais que les compressions budgétaires du Conseil des arts envers certains programmes nous pénalisent tous. En revanche, je crois qu'on ne peut pas gagner sur les deux tableaux. Le Conseil des arts est un organisme indépendant. Nous ne nous adressons pas ici à Donna Scott ni au Conseil des arts. Nous sommes devant le Comité du patrimoine. La question est importante, et les personnes ici présentes le savent bien, mais je crois que nous nous trompons de tribune. Peut-être faudrait-il envoyer une délégation au Conseil des arts. Nous pourrions y aller tous les trois et transmettre le message à Donna Scott.

J'aimerais maintenant revenir sur une chose que M. Godfrey a dite au sujet de ce qu'est la culture populaire. Si nous le demandions à toutes les personnes présentes dans cette salle, je pense que chacune aurait une opinion différente. Je crois cependant—et c'est là que je commence à avoir l'air d'être un peu nationaliste... J'aimerais bien qu'à un moment donné les Canadiens commencent à devenir... Il faudrait peut-être, comme Mark le disait, commencer plus tôt l'éducation des gens, afin que nous soyons fiers de notre culture et fiers de nos auteurs comme Carol Shields ou Wendy Lill, et que nous lisions d'abord ces auteurs et que nous en soyons fiers. Ainsi, lorsque quelqu'un viendrait chez nous, nous pourrions dire que nous avons des auteurs de classe internationale; on n'aurait pas à aller voir Le Roi lion, parce que nous avons des gens comme Carol Shields, Wendy Lill, ou encore The House of Martin Guerre, de Leslie Arden.

C'est le genre de choses que je voudrais faire, en tant que producteur, en tant qu'artiste, en tant que dirigeant d'une grande institution culturelle. Je voudrais que nous n'ayons pas à aller à New York pour obtenir l'approbation des Canadiens pour confirmer que nos oeuvres sont vraiment bonnes.

Je pense également qu'à quelque niveau que ce soit... Et je veux répondre à ce que Richard a dit tout à l'heure. Richard et moi sommes parfois d'accord et parfois en désaccord. Je crois fermement qu'il y a de la place pour une aide financière du gouvernement dans les arts. Cela ne me rend pas populaire auprès de mes collègues, mais je pense que nous vivons à une époque différente. Valerie l'a dit tout à l'heure: nous devons chercher de nouveaux modèles de partenariat avec le gouvernement. Les choses changent peut-être, il faudra peut-être que le gouvernement y mette plus d'argent, mais il faut aussi peut-être que les choses changent énormément afin que nous commencions vraiment à trouver des moyens d'obtenir plus d'appui ailleurs.

Nous devrons certainement toujours faire des efforts pour attirer nos publics. Je pense qu'il faut susciter une certaine fierté chez les Canadiens, il faut que nous soyons fiers de nos institutions culturelles, fiers de nos artistes, fiers de nos auteurs, fiers de nos interprètes, et que nous allions les voir. Cela nous ramène, je pense, à l'idée de commencer le nouveau millénaire avec un énorme programme d'éducation. Je suis tout à fait d'accord avec Mark à ce sujet.

• 0955

Le président: Avant de donner la parole à M. Bonwick, je tiens à souhaiter la bienvenue à Wendy Lill, porte-parole du NPD en matière de patrimoine.

Il y a deux semaines, Wendy a présenté sa pièce, The Glace Bay Miners' Museum, à Ottawa. J'ai eu le plaisir d'aller la voir. La salle était comble, et je suis persuadé que toutes les représentations ont été données à guichets fermés. Ce fut un très grand succès. J'ai recommandé la pièce à des amis, qui sont allés la voir. Je suis donc persuadé que tout a très bien été. C'était merveilleux.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.

Le président: J'ai entendu dire que les représentations ont été à guichets fermés pendant deux semaines.

Mme Wendy Lill: Bien.

Le président: Très bien. Nous passons maintenant à M. Bonwick.

M. Paul Bonwick: Je tiens moi aussi à féliciter Mme Lill. On a beaucoup parlé de votre pièce dans les journaux et ailleurs au cours des dernières semaines. Félicitations.

Avant de commencer, je tiens à apporter quelques précisions, en particulier sur les commentaires faits par M. Abbott, car ils ont provoqué de l'agitation pendant quelques instants au comité, et je ne veux pas que les membres de l'auditoire ou les témoins s'y trompent et pensent que c'est une opinion courante autour de cette table.

On a dit que nous voulions ériger un mur, que nous voulions promouvoir notre culture à l'étranger tout en imposant des restrictions ici. Je n'ai entendu personne dire une telle chose. Je pense qu'il s'agissait d'une interprétation de M. Abbott, qui interprète parfois les choses d'une manière très particulière.

Il a dit: «Si on présente un spectacle, les gens viendront-ils?» Il ne croit pas nécessairement que ce soit vrai. Si l'on élargit le marché, cela ne signifie pas nécessairement qu'un besoin existe sur le marché, si j'ai bien compris. Si l'on monte douze opéras, le marché n'en a peut-être pas besoin.

Toutes ces déclarations semblent aller à l'encontre des objectifs mêmes du comité. Je tiens à préciser pour les fins du compte rendu et pour la gouverne des témoins et des observateurs que ce n'est pas nécessairement l'opinion générale des membres du comité.

L'un des messages que j'ai cru entendre, ou le fil conducteur que j'ai cru percevoir chez tous les témoins qui nous ont présenté des mémoires ou qui ont fait des déclarations, me semble être très simple: quelle priorité le gouvernement est-il prêt à donner à la culture? C'est aussi simple que cela, et c'est aussi compliqué que cela.

Je vais poser mes questions, et je demanderais à n'importe qui d'entre vous de répondre. Nos missions commerciales, qui semblent assez bien réussir, devraient-elles comporter un élément culturel plus important ou très important? Si nous disons oui, je pense que c'est une chose que le comité...

Mme Myrna Kostash: On appelait cela le troisième pilier. Qu'en est-il advenu?

M. Paul Bonwick: C'est une chose sur laquelle il faudrait peut-être obtenir des précisions auprès du gouvernement.

Il y a une autre chose que j'aimerais savoir. A-t-on fait une analyse de la part de la culture dans le produit intérieur brut (PIB) au Canada, comparativement aux États-Unis, à l'Europe, à la Grande-Bretagne, pour voir où nous nous situons?

Mme Myrna Kostash: Ces données existent. Ces statistiques sont très bien connues. Voulez-vous parler des chiffres par habitant, des dépenses par habitant dans les domaines des arts et de la culture?

M. Paul Bonwick: Non, je ne veux pas parler seulement du secteur privé, des investissements, je veux parler du pourcentage du PIB que le gouvernement consacre à la culture. Je ne voudrais pas que cela devienne une règle absolue, parce que si un pays a un PIB 10 fois plus important que le nôtre, pourrons-nous nous permettre l'augmentation nécessaire pour atteindre le même pourcentage? Une augmentation de 25 millions de dollars, par exemple, serait équivalente à une augmentation de 250 millions de dollars aux États-Unis. J'aimerais avoir des renseignements à ce sujet.

Nous avons la réponse en ce qui concerne l'élément culturel. On nous a dit assez clairement qu'il nous faut une représentation importante dans ce domaine.

Mme Myrna Kostash: Il n'y a pas eu du tout de suivi ou d'augmentation de la représentation.

M. Paul Bonwick: Il y a un autre argument qui a été présenté par M. Bayens, et je pense que nous devrions l'inclure également dans notre rapport. Si j'ai bien compris, il a dit que dans toute loi qui risque d'avoir des répercussions sur la culture, nous devrions identifier ces répercussions et offrir des solutions pour compenser les problèmes engendrés par la loi en question, qu'il s'agisse d'une loi fiscale ou de restrictions dans un type d'industrie qui auront un impact. Je vais demander des commentaires pour les fins du compte rendu.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bonwick. C'étaient de bons arguments.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, je m'excuse de mon retard. L'arrivée de l'hiver à Ottawa m'a pris par surprise.

• 1000

J'ai quelques commentaires à faire, et je poserai ensuite une question. J'ai entendu ma collègue, Mme Bulte, et je suis bien d'accord avec ce qu'elle a dit au sujet de l'art populaire, notamment, mais je veux quand même poser la question pour la forme: l'art n'est-il pas une question de goût? Cela m'amène à poser une question.

Dans une vie précédente, quand j'étais conseiller municipal de London, en Ontario, j'ai fait partie du conseil d'administration du Theatre London avec un homme intéressant, Larry Lillo, qui a été directeur de cette compagnie de théâtre pendant quelques années. Nous essayions de relever le défi d'élargir le public. On avait vraiment l'impression dans notre ville que les arts étaient réservés à l'élite—il y avait un certain secteur de la ville que les arts n'intéressaient pas.

Larry essayait de dire aux gens qu'ils pouvaient venir au théâtre en jeans. Il essayait de faire des choses innovatrices—pour London, à tout le moins—afin d'essayer de réfuter l'idée que les arts étaient réservés à une certaine élite, dans un quartier snob de la ville, si vous voulez, et non pas aux autres. Je ne pense pas que cela soit particulier à London. Je pense que c'est un défi auquel font face les milieux des arts dans notre pays.

Cela m'amène à ma question, qui s'adresse, monsieur le président, aux invités qui voudront bien y répondre au fur et à mesure de nos discussions. Comment convaincre le grand public de vouloir appuyer le financement du secteur artistique? Je crois qu'on a tort de penser que ce financement sera maintenu, à quelque niveau que ce soit. Les montants en cause n'empêcheront certainement pas Paul Martin de bien dormir, mais il me semble que là n'est pas la question.

Je suis pour le financement du secteur artistique. Je tiens à le dire dès le départ. La question plus vaste qui se pose est toutefois de savoir dans quelle mesure le public canadien appuie son subventionnement au Canada? Je crois que c'est là une question très importante. C'est un défi pour la communauté artistique et pour les gouvernements qui y croient de convaincre la population du bien-fondé de ce financement.

Si je me reporte à l'exemple bien précis que je connais personnellement, celui de London, en Ontario, chaque année, c'est une bataille en règle qui se livre pour déterminer combien de milliers de dollars, littéralement, le conseil municipal accordera à la société théâtrale de London, à l'orchestre symphonique de London ou à d'autres organisations semblables.

Étant donné que le déficit a été éliminé et que nous pouvons envisager des dépenses ciblées à partir des fonds excédentaires, le milieu artistique devra jouer des coudes avec tous les autres groupes. C'est ainsi que je vois les choses. Je ne supposerais pas que le financement à un niveau particulier serait maintenu, même si j'espère qu'on pourra supposer que, notre gouvernement étant au pouvoir, il y aura un certain financement.

Comment faire pour convaincre davantage de Canadiens de contribuer au subventionnement du secteur artistique pour que les élus qui sont ici puissent plus facilement assurer ce financement et peut-être même l'accroître? Voilà la question que je vous pose.

Le président: Merci, M. O'Brien.

Madame Shields.

Mme Carol Shields: Je crois qu'il faudrait s'adresser aux gens de London, en Ontario, pour leur expliquer ce que nous essayons d'expliquer, à savoir que s'ils ne veulent pas aller voir une pièce, c'est leur affaire, mais que le monde des arts contribue à enrichir leur localité sur le plan économique. Le message ne sera pas facile à faire passer, mais je crois que cela devrait pouvoir se faire.

J'aurais un mot à vous dire, monsieur Abbott, pour ce qui est d'augmenter le prix des billets de théâtre. Il y a ici un lien de cause à effet direct auquel vous n'avez peut-être pas pensé. Quand on présente des pièces pour lesquelles les billets se vendent 100 $, on attire des spectateurs qui ont des comptes de dépenses. On n'attire pas les enseignants. On se retrouvera ainsi avec des dramaturges qui écriront à l'intention d'un auditoire composé de gens qui ont des comptes de dépenses. Le théâtre s'en trouvera entièrement transformé. Il se rapprochera de plus en plus de ce théâtre populaire dont nous craignons tellement l'avènement. Nous ne devrions peut-être pas le redouter, mais je crois que c'est le cas.

Que peut faire le gouvernement à part nous donner plein d'argent? Il peut créer un climat dans lequel les arts sont appréciés. D'abord, taxer les livres, c'est obscène. S'il enlevait cette taxe—et je ne voudrais pas qu'on attende à l'an 2000 si on peut le faire cette année—, il montrerait bien qu'elle est sa position.

Quand un enfant est profondément touché sur le plan esthétique avant, mettons, l'âge de 16 ans, il est alors acquis pour toujours, selon moi. Il suffit d'une ou deux expériences de ce genre.

• 1005

J'ai une dernière observation à faire. Il s'agit de la situation où nous vivons sous la menace de réductions, dressant les artistes les uns contre les autres, ce qui exige inutilement beaucoup de leur énergie. Il est déjà assez difficile de créer des produits artistiques sans devoir se mettre à jouer à la politique ou à faire la manche.

Il y a une relation curieuse ici entre la production artistique et les compressions budgétaires. Le financement des arts ne cesse de diminuer depuis 10 ou 15 ans, mais les artistes, eux, ne diminuent pas leurs efforts. Jamais. Les artistes n'écrivent pas un livre moins bon parce que leur gagne-pain est menacé. Ils ne diluent pas leur peinture s'ils travaillent dans le domaine des arts visuels. Ils ne réduisent pas le nombre d'acteurs de huit à trois simplement parce qu'ils se trouvent acculés au pied du mur. Les artistes continuent à rechercher l'excellence quand bien même les fonds sont réduits, et c'est là un sujet qui ne manque pas de susciter un débat.

M. Pat O'Brien: Monsieur le président, je crois que les propos qu'on vient d'entendre visaient à répondre à ma question—et j'en suis reconnaissant et j'espère qu'il y en aura d'autres—mais, franchement, je trouve qu'il ne suffit pas de dire à quelqu'un: «Allez exposer aux gens de London, en Ontario, les avantages économiques des arts.» Il faut que nous ayons une démarche plus englobante. Il faut y réfléchir à fond, et je soutiens respectueusement qu'on ne l'a pas encore fait.

Même si je comprends très bien tout ce qui vient d'être dit, en réalité, un certain nombre de Canadiens ne sont pas convaincus qu'il faille subventionner le secteur artistique. Il va falloir adopter une stratégie globale, bien orchestrée et énergique pour les sensibiliser à la question. À mon avis, si personne ne s'en occupe—et, soyons réalistes, il ne faut pas compter sur le gouvernement pour le faire—je pense que le financement est en danger.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bélanger, suivi de M. Bayens.

[Français]

M. Mauril Bélanger: J'écoute vos interventions avec intérêt. Certaines affirmations ont été faites ici ce matin, et je crois qu'on devrait se donner la peine de les vérifier.

On affirmé que dans les années 1950, il y a une génération ou deux, il y avait une volonté canadienne d'appuyer les arts et on a créé des instruments. Je proposerais, monsieur le président, que l'on fasse faire une petite recherche afin de connaître l'apport public du gouvernement pour les arts depuis les années 1950 en dollars constants, en fonction de la population et en fonction du produit national brut. Peut-être obtiendrons-nous une réponse très négative et apprendrons-nous qu'effectivement l'appui public, via les contribuables canadiens, est à la baisse, mais je pense qu'on devrait le savoir. Je n'en suis toutefois pas convaincu et je voudrais qu'on tire cela au clair.

Cherchons donc quel était en dollars constants, en 1998 et dans les années 1950, l'apport du gouvernement aux arts par rapport à la population et par rapport au produit national brut. Allons voir quelle a été, depuis ce temps, l'évolution de la contribution du gouvernement, parce qu'autrement, on dit les choses sans nécessairement connaître les faits. J'aimerais que cette recherche soit faite par le ministère des Finances ou la Bibliothèque du Parlement. Je pense que ce serait très utile d'aller chercher ces données à ce moment-ci.

Je ne crois pas pour ma part que les appuis publics du gouvernement fédéral soient à risque. Il a été, pendant un certain temps, question de rééquilibrer et d'assainir les finances publiques. Dans l'ensemble, pour le gouvernement fédéral, c'est fait. Je pense qu'on fait fausse route quand on dit qu'il n'y a pas de volonté à l'intérieur du parti gouvernemental, le Parti libéral dont je suis membre, de préserver la contribution et même de prévoir des dépenses accrues du côté des arts. Il y a cette volonté-là et je me sens fort à l'aise de dire publiquement que tant que ce gouvernement sera au pouvoir, il y aura une volonté d'investir du côté des arts. Je ne peux pas parler des autres partis. Merci.

Le président: Il nous reste une vingtaine de minutes.

[Traduction]

Il nous reste 20 minutes et un grand nombre d'intervenants ont demandé la parole. Je vais commencer par M. Bayens. Je vous demanderais d'être bref pour que tout le monde ait l'occasion d'intervenir. Nous entendrons donc dans un premier temps M. Bayens, suivi de M. Godfrey et de Mme Lill.

M. Eddy Bayens: J'ai quelques remarques à faire sur ce qui vient d'être dit.

• 1010

Monsieur O'Brien, je suis d'accord avec vous: il est difficile de demander au grand public de subventionner le monde artistique auquel il ne s'identifie pas. Toutefois, on pourrait encourager un orchestre à donner des concerts dans des parcs. On pourrait l'inciter à jouer dans les écoles pour que les enfants, en rentrant chez eux, puissent dire: «Nous avons entendu quelque chose de formidable aujourd'hui». La présence d'un orchestre dans une ville a une valeur éducative pour les enfants de cette ville. Voilà le genre de choses qu'il faut faire pour gagner l'appui de la collectivité.

Cela dit, je ne sais pas s'il faut s'adresser à la collectivité pour lui demander si nous devrions lui subventionner certains secteurs, comme le fait le gouvernement, dans une plus grande mesure. Oublions un instant la culture; parlons-en dans le contexte de l'économie canadienne. D'après les normes de mesures de l'UNESCO, au Canada, près de 900 000 personnes participent d'une façon ou d'une autre à l'activité économique liée au monde des arts, de la culture, de façons très différentes. Si l'on considère le PIB—vous avez soulevé la question des sommes consacrées à la culture par rapport au PIB—ne nous en tenons pas aux États-Unis. Voilà plutôt ce que certains pays d'Europe consacrent au monde des arts.

Lorsque vous parlez de commerce extérieur, ne vous contentez pas de parler de la vente de nos produits culturels à l'étranger. Utilisez la culture comme moyen de faire connaître le Canada à l'étranger—c'était l'un des piliers du commerce extérieur—comme le font de nombreux pays qui veulent redorer leur blason dans les autres pays. Envoyez à l'étranger un orchestre, une compagnie de ballet, un groupe de musique country, ou n'importe quoi qui puisse faire connaître notre pays. De cette façon, il sera un peu plus facile d'obtenir qu'on subventionne ces organismes susceptibles d'être utilisés par vous comme moyens de relations publiques.

J'approuve ce qu'a dit Mark au sujet des écoles, mais il existe dans notre pays un étrange mélange de compétences. Les écoles ne sont pas du ressort du gouvernement fédéral. Toutefois, je reviens à ce qui a été dit plus tôt: si l'on enseigne les arts et la musique, cela facilite la capacité d'un enfant à absorber bien d'autres choses. Cela le conditionne d'une façon qui nous est encore très mystérieuse, mais il n'en demeure pas moins que les personnes qui étudient les arts et la musique dès leur plus jeune âge obtiennent de bons résultats scolaires par la suite.

Ainsi, lorsqu'on parle de l'excellence de notre pays, ne prenons pas les arts à la légère; ne prenons pas la musique à la légère. Pour ma part, je considère qu'il s'agit d'une nécessité.

Nous n'avons pas du tout parlé de la nouvelle technologie. Je parle ici uniquement en ma qualité de musicien. La nouvelle technologie ne nous concerne guère. Elle faisait partie intégrante de notre mode de vie dès que nous avons cessé de taper sur des os pour en sortir des sons. Nous avons ensuite évolué, mais ce que les législateurs et les responsables de la réglementation doivent prévoir dans cette nouvelle technologie, c'est la protection de nos produits.

Il est désormais possible grâce à l'Internet d'avoir accès à tout enregistrement d'un orchestre. Il suffit d'afficher l'adresse et on paye ensuite le service. Mais que devient l'exécutant? Que devient la part des recettes qui lui revient? Il faut protéger cet aspect des droits des interprètes, des droits voisins, des droits d'auteur, sans oublier les droits de recherche et de récupération numériques et de reproduction. Je vous demande d'examiner attentivement cet aspect de la question de façon à ne pas prendre de retard, sur le plan législatif, sur le progrès technologique. Il faut se pencher sur cette question un jour prochain.

Le président: Pour votre gouverne, monsieur Bayens, sachez que la ministre du Patrimoine examine actuellement la phase trois de la législation sur les droits d'auteur, laquelle portera sur les nouvelles technologies.

M. Eddy Bayens: Entendu. Le problème, c'est qu'il a fallu près de 30 ans, et 30 ans, c'est un millénaire dans le...

Le président: Monsieur Bayens, le passé est le passé. Nous essayons maintenant d'entrevoir l'avenir.

M. Eddy Bayens: Je comprends.

Le président: Toutefois, nous prenons note de votre remarque.

M. Eddy Bayens: J'aimerais faire rapidement une dernière observation.

Le président: Allez-y.

M. Eddy Bayens: Je vous sais gré de votre indulgence, monsieur le président. Je suis venu de loin et j'ai été accueilli ici par cette merveilleuse température.

Des voix: Oh, oh!

M. Eddy Bayens: J'entends dire que les temps changent, etc. Je ne pense pas que cela se fasse à notre insu. Les choses ne changent que si nous le voulons bien, pour ce qui est du financement gouvernemental. C'est pourquoi je ne suis pas convaincu qu'il faille accepter d'emblée le retrait du gouvernement de ce secteur. Cela ne se produit que si nous le voulons bien. C'est tout ce que je voulais dire à ce sujet.

Le président: Eh bien, continuez à exercer des pressions. Continuez à frapper fort sur votre instrument.

Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: J'ai une remarque à faire, qui débouchera peut-être sur une question aux auteurs.

L'un des problèmes qui se pose lorsqu'on essaye de réunir dans une même salle des représentants du monde artistique... Et encore, si toutefois il existe une politique culturelle uniforme. À part distribuer des fonds, je ne vois pas à quoi cela sert, car chaque secteur est distinct des autres et se trouve dans une situation qui lui est propre à l'heure actuelle. Autrement dit, je pense que la littérature canadienne se porte extrêmement bien, si l'on en juge par des mesures populaires comme la liste de livres reliés, romans et autres, qui sont des succès de librairie. En revanche, le monde du théâtre connaît certains problèmes, votre compagnie en particulier à l'heure actuelle. Il se pose toutes sortes de problèmes épineux.

• 1015

Le fait d'envisager la possibilité d'adopter une stratégie globale, autre que pour le financement, va poser des problèmes. La seule façon pour nous de proposer une politique culturelle logique, c'est de déterminer les besoins par secteurs, qu'il s'agisse des arts visuels, qui ont des besoins et des problèmes totalement différents de ceux des compagnies d'opéra...

Ma deuxième remarque qui découle de la première, est que... Je veux revenir sur l'exemple de Chapters, et en fait nous l'appellerons Barnes & Noble. Voilà le critère pour les auteurs. Si l'objectif que vous souhaitez atteindre est l'accès à un auditoire plus vaste et plus généralisé pour les auteurs canadiens et que l'apparition d'un établissement comme Chapters ou Barnes & Noble peut vous apporter, avec le temps, un auditoire plus vaste que ne l'aurait fait une série de petites librairies du coin, que pensez-vous du rôle de Chapters du point de vue de l'auteur et de celui du lecteur?

Le président: Madame Wendy Lill, madame Wilder et monsieur Bragg.

Mme Wendy Lill: Je vous demande d'excuser mon retard. Je viens d'arriver par avion de la Nouvelle-Écosse.

Je n'aime pas parler de «produit» et de «consommateur» dans le monde artistique, mais j'aimerais simplement faire une remarque au sujet du consommateur et de la question de savoir si les Canadiens sont ou non en faveur du financement de ce secteur. Je crois qu'ils le sont. Nous sommes débordés de résultats de sondages où l'on demande aux gens: «Qu'est-ce qui a pour vous le plus d'importance: les arts, les forces de police ou les services hospitaliers?» Les arts viennent au bas de la liste car nous partons du principe que les autres choses sont nécessaires pour nous sauver la vie. En fait, je pense que la question est mal posée au départ.

En fait, si l'on demande aux gens s'ils veulent des collectivités fortes qui prennent en main leur destin, dont les membres sont à même de lire des ouvrages qui émanent de ces collectivités et décrivent leur vie et leur expérience, je suis sûr qu'ils seront d'accord. En tant que parents, nous savons que tout le monde se réjouit de la visite dans nos écoles d'auteurs de la région, au lieu d'être noyés sous une pile de documents imprimés à vocation scolaire.

Il nous faut sensibiliser les consommateurs et nos collectivités. Ces dernières risquent de se tourner une fois pour toutes vers Home Improvement, ou vers d'autres comédies de situation américaines. Je le vois bien, c'est ce qui se passe chez moi.

Je dis que le patient est en danger et qu'il ne faut pas l'oublier. Je voulais faire cette mise en garde.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Wilder.

Madame Valerie Wilder: J'aimerais revenir sur un point qui a été soulevé à deux reprises au sujet de la sensibilisation des jeunes au monde artistique. C'est également en rapport avec l'une des questions, à savoir l'évolution démographique. Il va sans dire que notre auditoire évolue et qu'il nous faut nous adapter à lui pour ne pas perdre le contact, et pour jouer un rôle utile dans ce milieu en pleine évolution. Ceux d'entre nous qui sommes des interprètes dans le domaine de la danse, de la musique et des arts visuels avons l'impression d'être bien placés pour le faire, car nous adoptons une sorte de langage universel qui va au-delà du mot écrit. Toutefois, je pense que nous nous sommes fait des illusions d'une certaine façon. Cela reste toujours un langage. Savoir apprécier les arts, c'est une langue, une compétence dont certains éléments doivent être communiqués dès le plus jeune âge aux enfants. Bon nombre d'entre nous travaillons d'arrache-pied dans ce sens, pour s'assurer que cela se fasse dans nos collectivités, dans nos rapports avec celles-ci. Nous organisons des activités sans but lucratif... Si nous ne sommes pas rentables à d'autres égards, dans ce domaine nous ne le sommes vraiment pas. En fait, nous y allons même de notre poche pour nous assurer que ce genre de chose se produise, car c'est essentiel.

Pour répondre à certains points soulevés plus tôt au sujet de la culture populaire, n'oublions pas que nous, les artistes, sommes très divertissants et procurons beaucoup de joie aux gens. En fait, toutefois, notre objectif premier—et je pense que c'est M. Sivry qui l'a le mieux défini, notre rôle ne se limite pas à divertir les gens, nous le faisons, mais nous avons aussi d'autres objectifs. C'est ce qui nous distingue du reste du monde et c'est pourquoi il nous faut expliquer cette distinction à nos enfants et à nos collectivités, pour qu'ils sachent pourquoi ils nous viennent en aide, et à ce moment-là ils le feront.

• 1020

Le président: Monsieur Bragg et monsieur Bradshaw.

M. Martin Bragg: Merci beaucoup. J'ai quatre remarques à faire, et je sais que je ferai cavalier seul à cet égard.

Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer dans le financement des arts, et cela devrait être la pierre angulaire de la politique culturelle de notre pays. Toutefois, je ne suis pas disposé, alors que nous sommes en 1998, à m'enfouir la tête dans le sable en me faisant croire que nous sommes encore en 1972.

En 1972, 80 p. 100 des revenus gagnés de mon entreprise venaient des trois paliers de gouvernement. Aujourd'hui, cela ne représente plus que 18 p. 100. Et vous voulez que je vous dise? Malgré ce que prétend John, nous sommes sans doute, en fait, l'une des compagnies les plus prospères du Canada. Il y a donc quelque chose qui se passe.

Pour en revenir à ce que disait M. O'Brien, moi aussi j'ai eu l'occasion de travailler aux côtés de Larry Lillo au théâtre de Vancouver. C'était un artiste étonnant et il est regrettable qu'il nous ait quittés.

J'ai beaucoup discuté avec Larry, mais il y a une chose que Larry et moi avons lancé, et que Sam et moi avons poursuivi à la Canadian Stage Company: nous ne voulons plus parler de subventions et peut-être que cela devrait également faire partie intégrante de notre politique culturelle. Nous préférons parler d'investissement. C'est ce que le gouvernement est le mieux placé pour faire, investir dans les arts. Nous investissons dans les artistes et également dans l'avenir du pays.

D'un côté je suis d'accord avec Valerie, notre objectif n'est pas uniquement de divertir, mais nous tenons à offrir à nos publics une expérience inoubliable, quelque chose qu'ils ne peuvent pas trouver ailleurs. De mon point de vue, si nous arrivons à donner à cette expérience un caractère canadien particulier, nous faisons à chaque fois faire un bond à notre politique culturelle.

Le président: Merci.

Monsieur Bradshaw.

M. Richard Bradshaw: J'aurais, rapidement, deux choses à dire, monsieur le président.

Tout d'abord je suis d'accord avec M. O'Brien. Nous devons rester concrets, près des réalités.

Lorsque je suis arrivé à la Canadian Opera Company, je me suis aperçu qu'il s'agissait d'un public de plus de 55 ans, en général, et d'un public de privilégiés. Nous avons consacré 10 ans à changer cela, en adoptant des programmes permettant aux tranches d'âge de 18 à 29 ans d'acheter cinq tickets à la fois pour la saison, pour 40 $, etc.

Mais il ne faut pas pratiquer la politique de l'autruche, en disant que puisque c'est bon, il faut immédiatement subventionner le spectacle. Nous devons être capables de nous montrer pratiques.

D'un autre côté, je pense que M. Bayens a dit à très juste titre, qu'il faut se tourner vers d'autres modèles. Si nous voulons être réalistes, et faire bouger les choses dans ce pays, il faut bien se rendre compte que les Allemands dépensent chaque année l'équivalent de 15 milliards de dollars canadiens dans le secteur des arts. On va nous répondre qu'ils ont effectivement une tradition. Nous sommes en train de la créer, cette tradition, et nous ne pouvons pas le faire avec les maigres budgets qui sont les nôtres en ce moment.

[Français]

Le président: Monsieur Sivry.

M. Jean-Michel Sivry: Moi aussi, j'aimerais brièvement confirmer la nécessité de convaincre le public de justifier le financement des arts et manifester mon accord avec M. O'Brien et sur les vues qui ont été échangées avec Mme Shields. Je pourrais peut-être lancer qu'une des idées préconçues contre laquelle il faut se battre, c'est que les subventions dans le domaine des arts profitent au premier chef, voire exclusivement aux artistes ou aux organisations culturelles. Je pense qu'il est très important de mettre en évidence que ce financement profite surtout au public. Je voudrais citer un extrait d'un rapport qui vient d'être publié par la Conférence canadienne des arts.

[Traduction]

Je vais citer en anglais:

    Aucun Canadien raisonnable ne pense un instant que l'objectif de la médecine est de donner du travail aux médecins. Personne ne prétendrait que le système judiciaire n'est là que pour rétribuer les juges, ou que nous avons des universités et des collèges pour donner du travail aux enseignants et aux administrateurs. Pourtant nous accordons la plus grande importance à la santé, à la justice et à l'université, en raison des bénéfices qu'en retire tous les Canadiens qui en ont besoin, qu'il s'agisse de l'hôpital, du tribunal, ou de l'enseignement supérieur.

[Français]

Comprendre que nous avons raté cette argumentation en ce qui concerne la culture jusqu'à présent, ce serait un point de départ très important. Je voudrais d'ailleurs vous recommander la lecture de ce rapport qui s'appelle Le projet des Arts en transition, qui est très pertinent aux discussions qui se tiennent autour de cette table et qui est diffusé par la Conférence canadienne des arts.

[Traduction]

Le président: Madame Kostash, c'est vous qui aurez le mot de la fin.

• 1025

Mme Myrna Kostash: Merci. Je voudrais vous parler de la jeune génération. J'ai à ce sujet quelques anecdotes à vous conter.

À la fin du mois d'octobre je parlais de la souveraineté culturelle canadienne dans une petite ville du sud de la Serbie. J'étais là pour d'autres raisons également, mais c'est ce que je faisais dans cette petite ville du sud de la Serbie, à savoir Vranje. Or il se trouve que mon public était absolument captivé par ce que je disais. Il me comprenait à 100 p. 100, lorsque je leur disais que nous avions, eux et nous le même problème.

Alors que je me promenais ce soir-là dans une de leurs charmantes ruelles pavées du vieux quartier turc de la ville, j'ai vu une affiche pour Men in Black. Il s'agit pourtant bien de culture populaire, et elle n'a aucun mal à se diffuser.

La différence entre mon public du sud de la Serbie et mon public canadien, est que les Serbes savent exactement qui ils sont, et qu'ils sont là depuis très longtemps.

Encore une autre anecdote: pour mon nouveau livre, que j'appellerai The Next Canada, je fais des recherches qui m'amènent à discuter avec des Canadiens de 25 à 35 ans, sur l'évolution du Canada de leur génération. Je m'attendais, et c'est le point de vue des gens de ma génération, à rencontrer des gens vides de toute identité et spécificité canadienne, tant ils seraient, c'est ce que j'imaginais, dominés par la culture de masse des médias, et notamment des médias américains.

Well, it's just the other way around. Je peux dire que la jeune génération, qui fait suite à la mienne, est intensément canadienne et patriote. Mais ma question est celle-ci, comment le sait-on? Comment sait-on qu'on est Canadien? Moi je le sais à travers les années soixante et les années soixante-dix etc. Comment est-ce qu'on le sait?

Eh bien, ce jeune homme de Vancouver, qui a organisé un syndicat dans un café de la chaîne Starbucks, m'a répondu: «Je sais que je suis Canadien, parce qu'au Canada l'argent n'est pas l'alpha et l'oméga, et que nous savons penser les uns aux autres». Je lui ai répondu que c'était merveilleux, et tout à fait inspirant. Mais la question que je me pose ce matin, après ces débats, c'est de savoir combien de temps il va encore pouvoir le dire et le penser. En ce moment, à 25 ans, il peut dire qu'il est Canadien, parce que les Canadiens ne seraient pas comme les Américains, c'est du moins ce que j'ai compris entre les lignes. Nous avons un sens de la collectivité, de l'intérêt commun, l'argent n'est pas l'unique moteur de toutes choses. Combien de temps allons-nous encore être capables de lui donner les moyens de dire ce qui le caractérise comme Canadien?

Le président: Voilà qui était bien dit.

Je pense que nous sommes arrivés au bout de notre réunion. Celle-ci a été extrêmement féconde. Beaucoup d'idées ont été proposées et confrontées, et face à cette variété et à cette diversité, on pourrait se demander comment on réussira à rassembler les morceaux pour pouvoir ensuite se donner une orientation. En tous les cas tout ce que vous avez dit, mis bout à bout, nous donne une idée de ce que vous êtes.

Si j'ai bien entendu, nous ne sommes pas ici pour faire la promotion du Roi Lion, comme l'a dit Mme Kostash, et ce n'était l'intention de personne. Mais cela redonne de la force à l'idée selon laquelle les arts et la culture, au niveau local et national, nous donnent une identité, créent des liens et ont besoin d'être soutenus et subventionnés—aussi bien au plan public que privé—voilà ce qui doit attirer notre attention, et voilà dans quel sens nous devons renouveler notre effort.

Le soutien que nous pouvons apporter à tout cela, si je vous ai bien compris, serait de convaincre notre gouvernement, et de façon générale les Canadiens, que c'est un bon investissement, qu'il y a des retombées économiques pour tout le monde, que cela permet de créer de l'emploi et de soutenir la prospérité, tout en faisant de nous de meilleurs citoyens, de meilleurs Canadiens. Cela redonne aussi un élan aux localités, tout en animant la vie nationale.

J'ai été frappé par ce qu'a dit M. Sivry dans sa dernière déclaration.

[Français]

Il a dit que ces subventions ne profitaient pas aux artistes, mais au public. Ces subventions profitent à l'économie en général et produisent des retombées de toutes sortes qui aident notre communauté à mieux se trouver et à améliorer sa qualité de vie dans toutes ses formes.

• 1030

[Traduction]

Vous avez su nous faire passer un message fort, quels que soient les pôles et les intervenants en question, M. Bragg formulant les choses différemment de M. Bradshaw, peut-être; et en même temps il est clair que pour vous l'État doit rester présent. Il reste à trouver les formes que devra prendre cette présence, dans ce que Mme Kostash a appelé à juste titre «Le Canada de demain», et à savoir comment nous répartirons de façon judicieuse ces crédits publics. Nous devons réfléchir aux priorités, pour que les secteurs où nous investirons nos efforts en profitent au maximum.

Nous avons retenu des interventions de MM. Bonwick, Bélanger, Bradshaw et Bayens, qu'il faudra faire des comparaisons avec d'autres pays, l'Allemagne, la France, les États-Unis et d'autres. Quelle est la dépense du Canada par habitant, par rapport au PIB? Nos attachés de recherche feront le travail. Les statistiques sont déjà la, et nous saurons les utiliser.

Enfin, l'idée que j'ai retenue—et M. O'Brien a sans doute été très utile dans la formulation de cette idée—c'est que nous devons réfléchir à la façon dont, tous ensemble, nous saurons convaincre les Canadiens qu'il y a un effort spécial à fournir, et qu'il faut élargir l'auditoire. Je pense que cette première table ronde a été extrêmement utile pour les parlementaires présents.

Je vous remercie beaucoup de vous être déplacés en dépit du mauvais temps, et en dépit des distances. Nous avons grandement apprécié votre participation.

[Français]

Merci beaucoup d'être venus et à bientôt. Au plaisir.

[Traduction]

Merci. Nous resterons en contact avec les autres.

• 1032




• 1049

[Français]

Le président: Nous allons commencer la deuxième table ronde du Comité du patrimoine canadien, qui entame son étude de la culture du Canada et du rôle que joue le gouvernement fédéral dans ce domaine à l'approche du XXIe siècle et du prochain millénaire.

Je voudrais tout d'abord souhaiter une chaleureuse bienvenue à tous les participants et à nos distingués invités qui se sont joints à nous pour cette séance.

• 1050

Puisque vous avez pu observer les règles que nous avons établies pour ces tables rondes, je ne reviendrai sur ce sujet.

Comme vous le savez, nous poursuivons cette étude et nous rédigerons un rapport en vue de faire connaître à la ministre du Patrimoine la direction que le comité voudrait proposer quant à l'évolution de la culture face aux défis du prochain siècle. Cela englobe

[Traduction]

l'émergence des nouvelles technologies, de la mondialisation de l'économie et des échanges, et l'évolution démographique du pays.

Ces tables rondes sont le deuxième volet de notre étude du secteur culturel. Nous avons rencontré beaucoup de hauts fonctionnaires et des spécialistes qui nous ont transmis une information de base. Nous allons inviter à ces tables rondes des représentants des divers secteurs du monde de la culture, et ensuite, plus tard dans l'année, nous espérons pouvoir nous déplacer dans le Canada et rencontrer ces secteurs du monde de la culture, sur le terrain, si je puis dire. Vous êtes donc pour nous un échantillon d'opinions auxquelles nous accordons la plus grande importance, puisque nous voulons entendre ceux qui sont aux prises avec la culture dans leurs vies quotidiennes.

Nous avons deux heures à vous consacrer. Vous savez comment nous fonctionnons. C'est une discussion à bâtons rompus.

Avant de commencer, j'aimerais, en commençant par Mme Lill, vous demander de vous présenter brièvement, en nous disant quel secteur vous représentez. Mme Lill.

Mme Wendy Lill: Je m'appelle Wendy Lill. Je suis le député de la circonscription de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Je suis le critique pour la culture, et pour les personnes handicapées, du Nouveau parti démocratique. J'ai moi-même des antécédents d'écrivain. Je suis—si je ne me trompe—toujours membre du Syndicat des écrivains et auteurs dramatiques, ainsi que de la Fédération des écrivains de Nouvelle-écosse. Je pense bien avoir payé mes cotisations, et suis donc normalement membre à part entière. Je suis donc très intéressé par ce que vous aurez à nous dire.

Mme Candace Stevenson (directrice exécutive, Musée de Nouvelle-Écosse): Je m'appelle Candace Stevenson, je suis directrice des musées de Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire des 25 musées provinciaux de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay et je suis députée de Rimouski—Mitis et porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine canadien.

Le président: Merci, madame Tremblay.

Mme Diane Charland (chef, Documents et archives, Ville de Montréal; présidente, Conseil canadien des archives): Bonjour, je m'appelle Diane Charland. Je suis archiviste en chef à la Ville de Montréal et je suis ici à titre de présidente du Conseil canadien des archives.

Le président: Merci, madame Charland.

[Traduction]

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Je m'appelle Deepak Obhrai, je suis le député de Calgary-Est, et critique adjoint du Parti de la réforme pour les questions intéressant le patrimoine canadien.

M. Bob Janes (président et directeur du musée Glenbow): Je m'appelle Bob Janes—avec un «n», et non pas un «m»—et je suis président du Glenbow Museum, c'est-à-dire du Musée des beaux-arts, de la Bibliothèque et des Archives Glenbow de Calgary.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Jacques Saada, député de Brossard—La Prairie au Québec.

[Traduction]

M. Pat O'Brien: Pat O'Brien, député de London—Fanshawe; vice-président du caucus libéral ontarien; président du groupe d'amitié interparlementaire Canada-Irlande.

[Français]

M. François Lachapelle (directeur général, Corporation du Musée régional de Rimouski): François Lachapelle, directeur du Musée régional de Rimouski.

[Traduction]

M. William Barkley (directeur du Royal British Columbia Museum): Bill Barkley. Je suis directeur du Royal British Columbia Museum de Victoria, en Colombie-Britannique.

[Français]

Mme Jeanne Mance Cormier (conservatrice, Musée acadien de l'Université de Moncton; présidente, Association des musées du Nouveau-Brunswick): Bonjour. Je m'appelle Jeanne Mance Cormier et je suis conservatrice au Musée acadien de l'Université de Moncton et présidente de l'Association des musées du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

M. Clyde McNeil (directeur du Caribbean Cultural Workshop): Clyde McNeil, je suis directeur et coordonnateur de programmes du Caribbean Cultural Workshop de Toronto.

M. Paul Bonwick: Paul Bonwick, député de Simcoe-Grey.

M. Bernard Riordon (directeur, Art Gallery of Nova Scotia): Je m'appelle Bernie Riordon, et je suis directeur de la Art Gallery of Nova Scotia à Halifax.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Mauril Bélanger, député d'Ottawa—Vanier.

Le président: Voilà, la discussion est ouverte.

[Traduction]

Qui veut commencer? Monsieur Janes.

M. Robert Janes: Monsieur le président, j'ai écouté ce que l'on disait tout à l'heure de la valeur économique des arts, et je pense que nous sommes en mesure de citer un certain nombre de faits concrets concernant cet impact économique de l'activité muséale dans notre pays, ne serait-ce que pour planter le décor.

D'après les statistiques actuelles 55 millions de visiteurs visitent à chaque année 2 000 musées canadiens. Cela représente un personnel des musées de 24 000 employés. Il y a 55 000 bénévoles qui travaillent dans ces musées. Cinquante-six pour cent des Canadiens, apparemment, vont dans nos musées chaque année, ce qui est plus que le public des événements sportifs dans leur totalité. Les musées au Canada représentent un milliard de dollars annuels de notre PIB. Cela représente 35 000 emplois, directement et indirectement, et 650 millions de dollars de revenus gagnés.

• 1055

Je pense que c'était important d'emblée de situer le débat. Même si la discussion ne porte pas essentiellement sur une question de marché, il est bien important dès le départ de bien comprendre ce dont il s'agit.

Le président: Le marché est un argument important lorsque nous sommes obligés de convaincre ceux qui tiennent les cordons de la bourse.

Merci. C'est intéressant.

[Français]

Monsieur Lachapelle.

M. François Lachapelle: Au moment où je suis arrivé à Ottawa, j'ai essayé de réfléchir sur le message que je devais communiquer au groupe que nous sommes. C'est, en fait, un message assez simple à trois volets.

Premièrement, lorsqu'on travaille dans notre domaine, on constate que le Canada est un pays relativement jeune ayant pourtant un patrimoine déjà très riche, patrimoine que les musées, les archives et les bibliothèques ont la responsabilité de conserver sous forme de traces matérielles et aussi, de plus en plus, virtuelles.

Le Canada est aussi un pays qui a investi d'une manière importante depuis deux générations dans l'éducation de ses techniciens, de ses professionnels juniors et professionnels afin d'être un pays capable de monter des activités de qualité comme celles que l'on peut voir en muséologie. Les musées du Canada, et particulièrement les musées du Québec, que je connais mieux, sont souvent utilisés à contrat par d'autres pays pour leur expertise dans la communication du patrimoine, que ce soit par le biais d'expositions, d'actions culturelles ou d'actions d'éducation. Donc, les musées du Canada ont acquis une expertise et peuvent compter sur une ressource humaine importante et de qualité.

Toutefois, même si les musées sont extrêmement populaires depuis 15 ans, la fréquentation des musées ayant énormément augmenté au Canada, et au Québec également, ils ont reçu très peu d'aide de la part du gouvernement fédéral. Je n'entrerai pas dans l'ensemble des programmes, mais on peut constater qu'ils reçoivent de moins en moins d'aide, surtout depuis que les restrictions budgétaires ont commencé. Le principal impact de cela, c'est que les musées sont à bout de souffle.

La communauté muséale est très fière des chiffres que Robert vous a donnés. Mais les musées sont à bout de souffle, et toute cette génération de professionnels et les jeunes qui arrivent, dans l'éducation desquels vous avez investi tout comme les provinces, ne demandent qu'à améliorer la capacité des musées de présenter le patrimoine d'hier et d'aujourd'hui aux Canadiens et aux personnes à l'extérieur.

Dans le domaine muséal, l'objectif le plus important est de savoir comment le Canada peut mettre sur pied des lois, des fondations et des programmes d'aide pour accélérer et dynamiser les relations des Canadiens avec leur patrimoine. C'est, pour moi, la principale question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lachapelle. Ms. Stevenson.

[Traduction]

Mme Candace Stephenson: Merci.

Nous sommes ici pour discuter aujourd'hui de la nécessité d'adopter une politique culturelle nationale pour le Canada. Nous avons déjà une politique des musées, qui remonte je crois à 1972. C'est donc bien une question d'argent. Nous avons une politique des musées, et lorsqu'elle a été adoptée en 1972, le gouvernement fédéral faisait figure de leader dans le pays. Il a adopté les programmes, il s'est passé des tas de choses dans les musées, et surtout nous avons relevé les normes, ce qui veut dire que n'importe quel musée du pays aujourd'hui sera supérieur à ce qu'il était en 1972. Et cela grâce à l'initiative du gouvernement fédéral, au niveau national.

Si notre objectif désormais est une politique culturelle globale—et je n'ai aucune objection en particulier à ce que les musées soient intégrés à un ensemble culturel, car j'estime que nous faisons partie de ce secteur—nous n'atteindrons cet objectif qu'à condition qu'il soit accompagné d'initiatives financières et qu'à condition que le gouvernement fédéral s'engage à jouer un rôle de premier plan. Je crois que nous sommes arrivés à un point critique: soit le gouvernement fédéral joue ce rôle de premier plan, soit le scénario de M. Lachapelle—vitesse de survie et déclin inexorable—devient réalité.

• 1100

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.

J'ai la responsabilité de critique des musées. Nous accueillons ce matin des invités fort distingués qui viennent de tous les coins du pays et j'aimerais avoir leur opinion parce que j'ai besoin d'information.

Je commencerai par dire que vous avez désigné comme un de vos problèmes principaux, les compressions budgétaires fédérales. Où se font-elles ressentir? Quel en est l'impact à votre niveau? Les musées en sont-ils la victime? Quels sont vos programmes, quelles sont vos initiatives qui sont tombées victimes de ces compressions? Y a-t-il vraiment décomposition? J'aimerais que vous me dressiez un tableau général.

Deuxièmement, que faites-vous comme projections? Oublions la question financière pour le moment. Quels sont vos objectifs? Où serons-nous en l'an 2000? Quel est votre plan? Allez-vous faire ce qu'il faut pour que les musées répondent aux besoins des Canadiens en l'an 2000? Où vous voyez-vous? Je ne veux pas que vous me disiez simplement qu'à cause de ces compressions en l'an 2000 vous ne pourrez pas... Je veux que vous dressiez un tableau global de l'avenir des musées.

Le président: M. McNeil. Mme Lill et M. Barkley. Monsieur Barkley, vous voulez peut-être ajouter quelque chose, mais nous commencerons par M. McNeil.

M. Clyde McNeil: Cette politique globale des arts, de la culture et du patrimoine, pose deux sortes de problèmes majeurs. Premièrement il y a les compressions budgétaires et leur effet domino. Deuxièmement, il y a toute la question d'accès et d'équité. Pour ma communauté à Toronto, l'accès à ce que nous appelons les grandes institutions, et l'équité dans ces grandes institutions, posent un certain problème. Nous aimerions que le gouvernement mène le combat en vendant l'idée que les arts, la culture, et le patrimoine sont parties intégrantes de la vie et de la société afin que le public et tous les intervenants en comprennent l'importance.

Le patrimoine culturel s'autodéfinit. C'est nous qui définissons notre environnement et nous le faisons avec amour, avec passion, avec appétit, avec tous nos sentiments. Mais si nous n'avons pas l'argent nécessaire, l'accès, l'égalité d'accès aux services n'existent pas, ce qui rend la vie plus difficile.

J'aimerais profiter de la présence de tous ces administrateurs pour relater un incident dont vient d'être la victime la communauté caraïbe de Toronto. Venant des Caraïbes nous avions une exposition intitulée Visions caraïbes. C'est l'exposition visuelle la plus importante qui soit jamais sortie des Caraïbes. Les musées et les galeries d'arts des États-Unis se battaient littéralement, y compris le Smithsonian, pour montrer cette exposition.

Nous avons essayé de la faire venir à Toronto et personne n'en voulait. Nous avons été jusqu'à promettre de payer les 50 000 $US de droits. Nous avons promis de payer le transport, les frais d'assurance, tout. Je ne citerai pas de noms—vous savez tous de qui il s'agit, mais aucune des institutions principales de Toronto n'a jugé bon de montrer l'exposition la plus importante des Caraïbes. C'était tout l'historique de la région, de Colomb jusqu'à Castro. Et personne n'en a voulu. En 1998, 500 ans après le débarquement de Christophe Colomb dans les Caraïbes, et en particulier la découverte de la Trinité, personne n'a accepté de montrer cette exposition.

• 1105

Ce sont donc l'accès et l'égalité d'accès combinés aux compressions qui rendent la vie plutôt difficile à notre communauté.

Le président: Est-ce que cette exposition a été montrée aux États-Unis, que s'est-il passé?

M. Clyde McNeil: Oui, elle a fait le tour de tous les principaux musées et de toutes les principales galeries d'art des États-Unis. En ce moment elle est à l'Institut Smithsonian.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Je dois dire que c'est triste.

Le président: Très triste.

Mme Wendy Lill: J'aimerais vous dire quelques mots sur mon expérience depuis mon arrivée à Dartmouth.

Corrigez-moi si je me trompe mais je crois que l'aide fédérale aux musées est passée de 14 millions de dollars à 7,4 millions de dollars.

Une voix: À 6,5 millions de dollars.

Mme Wendy Lill: Elle est passé de 14 millions de dollars à 6,5 millions de dollars, chute phénoménale. Vous avez demandé, où s'en rend-on le plus compte? Je crois qu'on ne peut pas s'en rendre compte immédiatement car cela touche avant tout les infrastructures. Infrastructures qui pendant un certain temps peuvent continuer à faire illusion. Elles pourront même encore continuer peut-être à faire illusion dans cinq ans. Elles pourront peut-être continuer à faire illusion pendant toute la durée du mandat du gouvernement.

C'est alors que nous commencerons à constater que plus rien ne va, parce que l'entretien ne suit plus, il n'y a pas suffisamment de ventilation, il n'y a pas toutes ces choses qui permettent à un musée de protéger des oeuvres anciennes et fragiles. Il y a beaucoup de choses qu'on ne voit pas tout de suite.

Aussi, je crois qu'il est important de comprendre—j'y pensais en écoutant les témoins précédents—la nécessité et l'importance de soutenir et d'encourager de petites choses, qui si elles sont protégées, deviendront grandes demain.

Pour ce qui est des musées communautaires, il est nécessaire qu'il y ait des professionnels comme, par exemple, Helen Creighton en Nouvelle-Écosse, des gens qui recueillent et qui enregistrent la culture des communautés autochtones ou noires pour la conserver. Il nous faut des professionnels pour travailler avec ces communautés. C'est tout ce travail qui se faisait auparavant qui a disparu avec ces compressions budgétaires.

Je crois que nos musées sont en mode de survie. C'est une tragédie. Je le dis simplement pour voir si mon interprétation est correcte.

Le président: Merci.

Monsieur Barkley.

M. William Barkley: Merci beaucoup.

Vous venez de dire que les musées sont en mode de survie. Un des aspects positifs de ces réductions d'effectifs et de budgets est que cela nous a imposé de nous interroger sur notre mission et de demander au public ce qu'il en pensait. Je crois qu'en soi c'est positif, mais jusqu'à un certain point.

Pour répondre à votre question, je crois que la raréfaction du financement fédéral a provoqué l'isolement d'institutions comme la mienne. Nous avons de magnifiques programmes d'exposition en Colombie-Britannique mais nous n'avons pas le budget pour les exporter.

Pour vous donner un exemple, lorsque le programme d'aide aux musées du fédéral était de 14 millions de dollars, nous avions vingt expositions itinérantes. Pour la plupart cela se limitait à la Colombie-Britannique, mais nous en avions toujours quatre ou cinq qui se promenaient partout au Canada et nous en avions trois ou quatre venant du reste du Canada qui s'intégraient à notre circuit de Colombie-Britannique. Aujourd'hui il n'en reste plus qu'une et elle disparaîtra à la fin de novembre, si bien que nous serons à zéro, et que nous n'aurons rien dans le circuit canadien.

C'est à l'opposé des besoins actuels du Canada. Si vous voulez unir ce pays, il faut qu'il y ait des liens entre nous et la Nouvelle-Écosse.

Nous venons de faire une exposition sur les baleines. Nous avons emprunté des objets de la Nouvelle-Écosse et du littoral est des États-Unis pour organiser cette exposition, mais il n'y avait pas de budget pour la faire circuler. C'était une exposition sur la pêche à la baleine, c'était une exposition sur les baleines vues par les premières nations avec les liens mystiques que cela implique et c'était une exposition sur la biologie des baleines. Elle aurait eu du succès dans tout le pays et elle aurait aidé ce pays à resserrer ses liens. Je crois que c'est ça qui manque.

• 1110

Quels sont nos plans ou nos besoins pour le prochain millénaire? La question est importante. Pour faire face à ces réductions d'effectifs et de budgets, j'ai maintenant un plan sur cinq ans. J'ai un plan d'entreprise annuel que je dois soumettre et faire approuver chaque année par mon conseil d'administration, et quand nous pensons en termes d'avenir, nous constatons qu'un des éléments essentiels, quel que soit le média, est le contenu. Nous avons ce contenu. J'ai 10 millions d'objets dans ma collection. J'ai une base de données énorme et mon musée n'est qu'un des nombreux musées de ce pays. Nous avons les informations nécessaires au Réseau scolaire canadien. Nous pouvons fournir des informations nécessaires à ce média.

Pour ce qui est de la chaîne de l'histoire à la télévision qui a tendance à recycler la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la nausée, nous pourrions ajouter quelque chose afin que les cinéastes produisent des histoires de Canadiens, de héros canadiens qui restent oubliés.

De manière analogue, quand on navigue sur Internet et qu'on tombe sur certains de ces sites, on constate qu'il n'y a aucun contenu. Et pourtant ce contenu, nous l'avons. Nous avons simplement besoin des moyens pour le faire et un peu d'argent aiderait. Le gouvernement fédéral, comme l'a dit Candace, en 1972, a mis l'infrastructure nécessaire en place. Nous pouvons le faire. Le problème c'est que nous sommes bloqués. Nous avons une infrastructure complètement professionnelle mais elle n'est pas utilisée. Elle reste isolée dans chaque province.

[Français]

Le président: Madame Charland.

Mme Diane Charland: Je profiterai de la situation actuelle pour vous démontrer jusqu'à quel point les archives sont le parent pauvre du patrimoine. Je pense qu'à cette table, il y a énormément de représentants du milieu des musées, mais je suis certainement la seule qui représente le milieu des archives.

Notre présence est certainement très utile pour sensibiliser le gouvernement fédéral à l'importance des archives dans notre collectivité. Les archives sont la mémoire de la collectivité. Il y a des archives dans chaque musée. Il y a des archives dans les ministères. Il y a des archives dans tous les organismes.

Partout on réunit l'information et on la conserve pour la transmettre aux générations futures. Je pense que l'importance des archives ne devrait pas être minimisée.

On nous disait tantôt qu'il y avait énormément de visiteurs dans les musées. Ce n'est jamais le cas dans les archives. Notre clientèle est stable. C'est une clientèle de chercheurs. Je dois dire cependant que cette clientèle connaît une certaine croissance. En effet, plus nous travaillons à faire connaître nos fonds d'archives, plus nous rejoignons d'individus intéressés par leur patrimoine et leurs racines. Nous rejoignons également les milieux scolaires. En fait, nous rejoignons un peu l'ensemble de la population.

Du fait que nos retombées sont moins visibles que celles des musées, nous manquons d'argent. C'est le discours que vous allez sûrement entendre le plus souvent autour de cette table, mais c'est encore plus vrai dans notre cas. Les retombées n'étant pas visibles, il arrive même que nos propres organismes nous délaissent quelque peu.

Mais il faut dire que, depuis l'arrivée du Conseil canadien des archives en 1985, depuis qu'il est présent à travers le Canada, l'ensemble des services d'archives que nous représentons a fait un grand pas dans la description de ses archives et dans la mise à disponibilité, c'est-à-dire la diffusion de ses archives.

Je vais donc répondre indirectement à la question de mon collègue. Il est évident que nous avons besoin de financement au même titre que les musées de façon à, d'une part, pouvoir continuer le traitement de nos archives, c'est-à-dire sortir de nos chambres fortes l'ensemble de l'information qui est très pertinente et très intéressante lorsqu'évidemment elle est connue, et d'autre part, être prêts à passer à l'an 2000.

En effet, l'arrivée de la technologie Internet est pour nous un moyen de diffusion extraordinaire. Il nous suffit maintenant de nous organiser, de créer nos réseaux, de faire en sorte que chaque service d'archives puisse verser ses informations dans ce réseau, mais évidemment il nous fait de l'aide. Chaque service d'archives ne pourra pas le faire individuellement.

• 1115

Le président: Merci beaucoup, madame Charland. Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Merci beaucoup. J'ai remarqué que le point commun de toutes les interventions était que le gouvernement fédéral devait jouer un rôle de mécène. Je ne conteste pas la valeur des interventions. Je ne suis d'ailleurs pas venu pour discuter de cela, mais je veux dire qu'on perçoit bien ce point commun qui semble fondamental.

J'ai tout d'abord trois petites questions et je reviendrai peut-être plus tard sur des choses plus fondamentales.

Ma première question sera pour M. Lachapelle. Vous avez fait allusion au développement de la présence muséale à l'étranger. Est-ce que vous voyez un rôle pour le gouvernement fédéral dans la promotion de cette expertise pour faciliter un peu le travail à l'étranger?

La seconde question concerne ce que M. Barkley a dit,

[Traduction]

qu'en période de contraintes et de restrictions financières, il est évident que nous essayons de compenser par l'imagination. Est-ce que chaque organisation ou chaque institution doit se débrouiller seule dans son coin ou y a-t-il moyen d'unir ces efforts d'imagination afin de ne pas essayer de réinventer en permanence la roue?

[Français]

Ma dernière question sera pour M. McNeil.

[Traduction]

J'ai trouvé tout à fait choquant que nous n'avez pu montrer votre exposition au Canada. Vous avez cependant été d'une discrétion très élégante quant aux raisons de cette impossibilité.

Le président: Avant d'aller plus loin, je crois qu'il serait intéressant

[Français]

pour les intervenants de répondre à ces questions, ce qui, je pense, va provoquer une discussion. Je pense que la première était adressée à M. Lachapelle, n'est-ce pas?

M. François Lachapelle: Je pense que ma réponse va aller un peu plus loin que votre remarque. Oui, la communauté muséale s'attend à ce que le gouvernement fédéral se comporte comme un mécène. En fait, elle espère que le gouvernement offrira quelques subventions pour des actions spécifiques qui aideraient à ce que j'appelle la dynamisation des relations entre les Canadiens et leur patrimoine.

Mais il y a beaucoup d'autres types d'actions que le gouvernement fédéral pourrait entreprendre. Pour répondre à votre question concernant le rôle du gouvernement fédéral dans l'accélération et l'augmentation de la performance des musées canadiens à l'extérieur du pays, je dirais qu'il y a trois types d'actions que le gouvernement fédéral devrait développer.

La première action qui me vient à l'esprit, qui a été annoncée dans le budget cette année et qui devrait être développée de manière accélérée et importante, c'est le programme d'indemnisation pour couvrir les assurances d'expositions. Je crois que personne n'a idée du prix exorbitant de l'assurance qui est prise pour couvrir une exposition, si petite soit-elle.

Vous comprenez que le fait de promener un trésor du patrimoine canadien d'une province à l'autre ou de l'amener dans un autre pays coûte excessivement cher en assurance parce que sa valeur est élevée et qu'il y a des risques lors du transport. Les compagnies d'assurances demandent donc un prix très élevé. Ce programme-là est donc un des programmes importants qui permettent de sortir les expositions du Canada.

Au niveau des échanges interinstitutionnels, des essais ont été faits par le biais du fonds des échanges entre le Canada et la France. Il y a eu un traité entre le Canada et la France au niveau culturel pour accélérer les échanges culturels qui étaient gérés par le ministère du Patrimoine canadien. C'est le Fonds Canada-France. Ce fonds s'est avéré très efficace et a permis d'augmenter énormément les relations entre plusieurs institutions françaises et canadiennes, principalement au Québec mais pas seulement au Québec.

Il faut également profiter de cette expertise professionnelle, parce que, je le répète encore, le Canada et les provinces ont investi dans l'éducation de nos techniciens, de nos professionnels qui ont développé énormément d'expertise. Les musées et les archives ont développé énormément d'expertise dans les systèmes de classification des données.

Le Canada français est très réputé au niveau international. C'est la même chose pour un tas de petites professions, et les musées étrangers ou même les ministères de la culture étrangers viennent souvent chercher des Canadiens. Lorsque la Corée a voulu bâtir trois musées nationaux, elle est venue chercher des Canadiens pour faire le programme architectural de ces musées.

• 1120

Ce sont des Canadiens qui ont aidé les Coréens à organiser le programme culturel de ces trois musées nationaux.

M. Jacques Saada: Ça s'est fait directement?

M. François Lachapelle: Oui. La recommandation des Canadiens s'est faite par les contacts professionnels.

Je pense qu'il s'agit là d'un bon exemple et je pourrais en citer d'autres. Des Canadiens ont été également utilisés comme consultants pour ce que j'appelle le Musée de l'homme ou le Musée d'anthropologie de Paris, un musée national français, pour refaire la structure organisationnelle et l'architecture du bâtiment du Musée des arts et traditions populaires de Paris.

Dans les groupes d'Équipe Canada et dans toutes les représentations internationales, le Canada devra se montrer à la hauteur du potentiel des professionnels dont il dispose. Sur le plan commercial, il n'y a pas que le Cirque du Soleil; il y a aussi tout un autre pan de la culture qui n'est pas toujours aussi commercial. Il faut aussi considérer les autres types d'entreprises ou d'organismes culturels qui devraient faire partie d'Équipe Canada lorsqu'on veut vendre à l'extérieur du Canada. Je pense que la force de la muséologie canadienne en fait partie.

[Traduction]

Le président: Avant que je ne donne la parole à Mme Cormier, monsieur Barkley, voudriez-vous répondre brièvement à la question de M. Saada?

M. William Barkley: Certainement. Si j'ai bien compris sa question, il est extrêmement important de partager les résultats de ces efforts d'imagination. J'ai participé à une réunion, ici à Ottawa, le 6 février, d'un groupe de responsables de musées des quatre coins du pays et nous avons entendu toutes sortes d'histoires sur les programmes présentés et organisés par les diverses institutions. Je ne crois pas qu'il y ait pénurie d'imagination.

Le gouvernement fédéral, s'il devait augmenter son niveau de participation, ne devrait pas refaire ce qu'il faisait autrefois parce que, nous l'avons indiqué, les infrastructures sont déjà en place. Par contre, il pourrait financer la réunion de tous ces merveilleux spécialistes canadiens dont François vient de parler, de tous ces imaginatifs, pour qu'ils travaillent de concert à une création nationale que les gens des différentes régions du pays pourront voir.

Il y a des occasions à saisir. Comme je l'ai indiqué, étant tous occupés à assurer la survie de nos institutions, nous n'avons pas les moyens d'envoyer nos gens aux quatre coins du pays. Je viens de faire un simple calcul. J'ai 110 employés. J'ai un budget annuel de déplacement de 320 $ par employé. Mon billet d'avion m'a coûté 2 500 $. Faire participer mes gens à de telles réunions mangerait une grande partie de mon budget.

Il faut trouver d'autres moyens permettant de réunir ces gens pour qu'ils puissent partager les connaissances merveilleuses qu'ils ont de la culture du Canada et développer cette imagination.

Le président: Madame Cormier.

[Français]

Mme Jeanne Mance Cormier: Je voudrais répondre à M. Herb Gray. Vous avez demandé si les coupures avaient eu un impact sur les musées. J'ai souvent constaté que beaucoup de nos idées étaient restreintes par les coupures. Quand il s'agit de faire une exposition, il nous arrive souvent de changer d'idée et ne pas pouvoir la mener à terme à cause d'un problème de fonds. Un conservateur ou une conservatrice ne devrait pas se poser de questions ou hésiter devant la réparation d'un objet appartenant au patrimoine national à cause de problèmes financiers.

D'autre part, on a acquis une certaine expertise dans les musées du Canada et je pense qu'il ne faut surtout pas s'arrêter. Il faut continuer à former notre jeunesse. Il faut qu'on continue à faire entrer des jeunes dans nos musées.

• 1125

Le président: Madame Cormier, avant que je passe à M. Godfrey, pourriez-vous répondre à une question sur le Musée acadien de l'Université de Moncton? Je suppose qu'un de vos objectifs est de faire connaître le patrimoine acadien, l'histoire des Acadiens aux autres provinces du Canada. Est-ce que la question de M. Barkley est pertinente pour vous, puisque vous n'avez plus les fonds nécessaires pour faire circuler votre exposition? Est-ce qu'il vous est arrivé de connaître les mêmes réductions?

Mme Jeanne Mance Cormier: Notre histoire est plus récente. Cette année, pour la première fois, on a mis en marche une exposition itinérante qui devrait faire le tour du Canada au complet. C'est notre première expérience avec une équipe de trois personnes. L'exposition L'Odyssée d'Évangéline a été une grosse exposition qui nous a essoufflés littéralement.

[Traduction]

Le président: M. Godfrey, suivi de M. Bélanger et de M. Bonwick.

M. John Godfrey: Ma première question est d'ordre plutôt structurel et je la pose collectivement à nos témoins. Je crois qu'il serait utile, et vous nous en avez déjà dit quelques mots, qu'une association comme celle des musées ou un groupe analogue nous explique l'évolution de la situation disons de 1967 à 1997, plus particulièrement au niveau du nombre d'institutions toujours en place, de la croissance des budgets, de la croissance de la fréquentation, de la croissance des expositions itinérantes, peut-être, pour que nous puissions nous faire une idée, presque graphique, de l'incidence des compressions budgétaires sur les divers secteurs ou de voir si, parallèlement à ces réductions, il y a eu augmentation de la fréquentation. Je crois que ce genre de renseignements généraux nous permettraient de mieux comprendre comment les choses ont évolué.

Deuxièmement, monsieur le président, j'aimerais proposer quelques thèmes pour asseoir notre réflexion. Je suppose que le premier de ces thèmes principaux est celui de la mobilité. Il concerne également le premier groupe de témoins que nous avons entendu ce matin.

La prémisse est la suivante. Une des fonctions du gouvernement national est de faciliter l'organisation d'expositions itinérantes pour réduire l'isolement, faciliter la création de consortiums. Ce me semble être une des principales fonctions d'un gouvernement national, qu'il s'agisse de musées itinérants, de tournées d'opéra ou de théâtre, que sais-je. Faciliter leur circulation dans le pays devrait être notre tâche.

En corollaire, il faudrait également réfléchir à la nécessité, dans les cas appropriés, d'un élément international. Je crois qu'il est tout aussi important, tout particulièrement dans le cas des musées et des galeries, d'aborder le thème de l'indemnisation. Les assurances posent un énorme problème. Nous avons essayé de le régler dans les années 80. Je crois qu'il est temps d'en reparler dans notre rapport.

Le troisième thème, qui concerne également la mobilité, mais d'un genre différent—la technologie—est le thème de la mobilité sur Internet et sur le Réseau scolaire canadien. Je crois que l'assistance du gouvernement fédéral est tout à fait appropriée au niveau de la diffusion aussi bien nationale qu'internationale à cause de la mobilité du réseau Internet lui-même.

Comme quatrième thème je proposerais les établissements nationaux de formation, qu'il s'agisse de conservation, d'une école de théâtre nationale, d'une école d'opéra, que sais-je. C'est le rôle du gouvernement fédéral.

Je crois que ce sont certains des thèmes que nous devrions explorer. La seule question que je vous poserai à tous est la suivante: Si on ne vous donne pas ces subventions de base, si vous ne recevez pas cet argent, est-ce que ces thèmes resteraient votre priorité, ou répondriez-vous, à quoi bon, sans financement?

Le président: Merci d'avoir posé la question. Je suppose que ces thèmes seront repris par tous les intervenants.

Monsieur Bélanger, monsieur Bonwick, monsieur Riordon.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Je vais d'abord revenir sur ce que mon collègue Godfrey vient de mentionner. Le thème qui est ressorti à quelques reprises ce matin est celui de l'isolement créé par les réductions d'appui financier. Il a été dit aussi que l'Internet serait peut-être une solution qui permettrait de pallier ce manque.

• 1130

La question que je voudrais poser à ce sujet est plutôt pratico-pratique. Est-ce que l'Internet pourrait représenter une source de revenu quelconque pour les archives ou les musées? Si oui, qu'est-ce qu'il faudrait mettre en place pour ce faire? Il y a toujours la question des droits d'auteur et la question de l'électronique. C'est la troisième phase de cette étude.

Mon deuxième commentaire, monsieur le président, c'est que je crois percevoir une certaine contradiction dans ce que j'entends. D'un côté, M. James mentionne que les musées en sont à leur plus haut niveau de popularité, de fréquentation et, d'un autre côté, on dit, comme M. Lachapelle, qu'on est «à bout de souffle». Mme Stevenson dit «come with money». M. McNeil nous parle d'argent aussi. M. Barkley dit:

[Traduction]

On ne peut tout de même pas faire beaucoup plus que cela.

[Français]

Le «that», c'est certainement la diversification. Il faudrait savoir si cela va bien ou mal, mais il semble que cela va bien et mal à la fois.

J'aimerais qu'on m'aide un peu, parce qu'on parle aussi de survivance alors que cela va très bien. Je trouve qu'il y a une contradiction inhérente en cela et j'aimerais qu'on m'éclaire. Est-ce que c'est un phénomène de fin de siècle? Est-ce qu'on est tous à bout de souffle parce qu'on court très vite pour arriver à l'an 2000? J'espère que ce n'est pas seulement cela.

Je voudrais maintenant poser une question que j'espère être légitime. On verra. Où s'insérerait, dans une politique canadienne sur la culture, la fonction patrimoine? À ce sujet-là, la question la plus pertinente que j'ai entendue ce matin vient de M. Lachapelle, qui a posé la question de savoir comment dynamiser la relation entre les musées et les Canadiens ou entre les Canadiens et leurs musées.

M. François Lachapelle: Et leur patrimoine.

M. Mauril Bélanger: Et leur patrimoine. S'il y avait une fonction patrimoine dans la politique culturelle canadienne, je pense qu'il faudrait aller dans ce sens.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Janes, avant de passer à autre chose, voudriez-vous répondre? C'est vous qui avez été le plus optimiste jusqu'à maintenant. Vous devriez peut-être répondre, car les autres ont expliqué très clairement qu'ils voulaient de l'argent.

M. Robert Janes: Moi aussi, j'en veux.

Monsieur le président, c'est un peu paradoxal. En effet, plus notre popularité croît, et plus nous devons relever de défis à l'insu des Canadiens et peut-être aussi à l'insu du gouvernement. Or, le défi à relever dépend de ce qui rend un musée unique en son genre, soit sa collection d'objets.

Dans notre milieu de travail, l'échéancier est de 500 ans. Si on nous dit que tel ou tel objet est important pour la société canadienne, on nous fait comprendre qu'il faut le garder à tout jamais. La plupart des musées ont un échéancier de 200 à 500 ans. C'est tout un contraste avec le secteur privé, où la durée de vie moyenne d'une société dans l'hémisphère Nord est de moins de 20 ans.

Par conséquent, même si nous devons rester terre à terre et équilibrer nos livres, nous sommes également investis de l'énorme responsabilité d'entretenir ces collections. Or, s'engager à entretenir les collections coûte très cher. Nous n'avons qu'une petite collection, pour notre part, d'à peine 1,2 million d'objets; mais nos dépenses s'élèvent tout de même à près de 3,5 millions de dollars par année pour prendre soin de ces objets.

Peu importe que vous ayez l'esprit d'entreprise poussé ou pas, l'entretien des collections n'a rien de prestigieux. C'est difficile à commercialiser. Nous avons essayé, mais la Nova Corporation de Calgary refuse de nous donner 200 000 $ pour que nous ayons suffisamment de tablettes pour exposer nos objets.

Dans les coulisses, on assiste à une augmentation considérable des coûts fixes et à une augmentation des coûts d'entretien des objets, ce qui signifie qu'étant donné la décroissance du financement public, une plus grande part de l'argent que nous utilisions par le passé pour mettre au point différents produits publics sert maintenant à entretenir la collection. Il nous faut conclure que les collections doivent être considérées comme une ressource publique, au même titre qu'une forêt, un océan, ou un réseau fluvial. Les collections appartiennent à tous les Canadiens et constituent une responsabilité collective. Le gouvernement doit donc assumer cette responsabilité collective au nom de tous les Canadiens de façon que nous, avec nos maigres ressources muséales, puissions nous consacrer à des activités pédagogiques pour attirer des visiteurs.

J'espère vous avoir aidés à comprendre le paradoxe. C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.

Le président: Puis-je interrompre brièvement et vous demander des explications. J'imagine que tous les musées doivent augmenter leur collection afin de suivre l'évolution de la société. Or, plus vous élargissez votre collection et moins vous vous départez des objets que vous avez déjà en votre possession, plus vous aurez besoin d'espace et de tablettes, de même que de nouvelles salles et de nouveaux bâtiments. N'est-ce pas là un dilemme réel?

• 1135

M. Robert Janes: En effet. Vous venez de mettre le doigt sur un des problèmes très délicats du monde muséal. De par leur nature, les musées sont voués à la croissance, étant donné que la société continue à produire des objets d'importance historique.

Mais revenons à ce que disait Bill Barkley. La décroissance des fonds publics a obligé des musées à se demander sérieusement s'ils allaient tout garder à tout jamais; plusieurs musées en Amérique du Nord subissent actuellement une cure de déclassement, c'est-à-dire qu'ils retirent certains objets de leur collection; il s'agit d'objets en double, de moindre valeur, que n'accompagne aucun document, et cela permet aux musées de se débarrasser des objets de moindre qualité et de faire plus de place à des objets de plus grande importance.

Je crois que vous avez raison. Pour pouvoir survivre aujourd'hui, un musée doit avoir une politique de gestion des collections qui soit très disciplinée et très sélective, puisque l'espace et l'entretien coûtent très cher.

Le président: Merci.

[Français]

Brièvement, monsieur Lachapelle.

M. François Lachapelle: Sur ce point-là, j'aimerais vous donner un chiffre. J'ai fait un petit calcul il y a deux ans, dans un autre contexte. En ce moment, les musées canadiens n'acquièrent que 0,4 p. 100 de l'ensemble de la production d'arts visuels professionnels en vue de la conserver pour un public éventuel. Cela vous donne une idée de ce qu'on conserve pour les générations à venir. Il y a environ 30 ans, la proportion était beaucoup plus intéressante.

Vous pourriez aller chercher ces chiffres. Je n'ose pas avancer le chiffre d'il y a 30 ans, mais je sais que les musées avaient alors une beaucoup plus grande capacité de collectionner et de préserver le patrimoine. Maintenant, cette capacité est presque nulle. Si ma mémoire est bonne, la moyenne des budgets des musées est de 4 000 $. Vous devriez vérifier ce chiffre.

Le président: C'est un point bien important.

[Traduction]

Monsieur Barkley, soyez bref, car j'ai une longue liste d'intervenants.

M. William Barkley: Laissez-moi vous illustrer la façon dont une collection augmente: notre musée, qui a 114 ans, a une politique en matière de collection qui est extrêmement restrictive. D'après les données historiques que nous gardons, malgré cette politique très restrictive, nos collections doublent tous les 20 ans. Nous ne sommes qu'un musée d'histoire naturelle et d'histoire de l'homme, et pourtant nous faisons face nous aussi à ces pressions.

Le président: Votre collection double tous les 20 ans?

M. William Barkley: Oui, et cela malgré une politique d'enrichissement très restrictive. Nous avons un plan d'enrichissement de nos collections. En effet, il ne suffit pas d'aller vider les greniers de M. et Mme Tout-le-Monde et d'accepter tout ce que l'on nous offre. Non. Nous sommes obligés d'aller chercher des objets bien spécifiques. Si nous voulons accumuler des objets pour le bénéfice des Canadiens dans 100 ans, il faut commencer aujourd'hui.

Le président: Je remercie M. Bélanger d'avoir soulevé cette question et d'avoir lancé la discussion, car c'est visiblement quelque chose de grande importance qui aurait pu nous échapper.

Je cède la parole à M. Bonwick, puis à M. Riordon.

M. Paul Bonwick: Merci, monsieur le président.

Je vais continuer dans la foulée de ce qu'a dit M. Godfrey, et je crois que M. Lachapelle m'a aidé, ainsi que le comité, à franchir la première étape, soit de comprendre nos responsabilités en tant que gouvernement. Je ne le cite peut-être pas mot pour mot, mais le gouvernement a pour responsabilité de maintenir un dossier historique de la société canadienne et de ses réalisations. Et dans son rapport au ministre, le comité pourrait peut-être souligner qu'il est de son devoir de permettre aux Canadiens d'avoir accès aux soins de santé, à l'éducation et à l'information sur soi-même comme peuple, pour que tous les Canadiens puissent découvrir qui ils sont et comment ils sont devenus ce qu'ils sont aujourd'hui. Notre rapport devrait peut-être aborder la question sous cet angle là.

Je m'adresse maintenant aux témoins en général: Comment le gouvernement pourrait-il vous aider à augmenter l'ensemble de vos revenus, sans nécessairement vous financer directement, ce qui est la façon la plus évidente. C'est bien sûr une des questions que se pose notre comité, mais pourriez-vous nous dire comment le gouvernement pourrait vous aider de façon novatrice?

Je me demandais—et j'avais quelques pistes de réflexion—s'il serait opportun d'inciter les Canadiens à faire plus de dons qualitatifs, que ce soit en augmentant le plafond d'imposition ou en donnant plus de reçus pour des dons de charité, c'est-à-dire en encourageant financièrement les particuliers et les sociétés du Canada à donner plus généreusement. Ce n'est évidemment qu'une première suggestion, mais je vous mets au défi de nous suggérer d'autres façons de jouer un rôle actif sans pour autant signer de chèque.

Le président: Monsieur Riordon, voulez-vous répondre à certains de ces éléments de réflexion?

• 1140

M. Bernard Riordon: Monsieur le président, justement là-dessus, j'allais signaler qu'il fallait tenir compte de la démographie canadienne, de sa population vieillissante, et du fait que le secteur des organismes à but non lucratif peut aller chercher de l'argent par le truchement du secteur privé. Le gouvernement pourrait jouer un rôle important en offrant des incitatifs fiscaux qui permettraient la mise sur pied de fondations privées dans les organismes à but non lucratif; nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour y parvenir.

Je dois préciser, monsieur le président, que nous voulions mentionner dans notre mémoire la liste des réussites du gouvernement fédéral. Je félicite le gouvernement fédéral des initiatives qu'il a prises dans ce domaine, savoir le Programme d'aide au musée, l'Institut canadien d'information sur le patrimoine et la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels. Toutes ces réussites ont aidé le milieu muséal du Canada à atteindre d'importants objectifs au cours des 20 dernières années.

Les lacunes du Programme d'aide au musée de même que les compressions de son budget nous touchent tous considérablement. Si le gouvernement pouvait réapprovisionner ce fonds pour qu'il recouvre la masse critique qu'il avait il y a quelques années, soit 14 ou 15 millions de dollars, il aiderait ainsi à cristalliser l'identité canadienne, et les musées ne s'en porteraient que beaucoup mieux au Canada.

Toute subvention de 20 000 $ à un petit musée l'aide dans sa programmation générale et lui permet de mieux se situer par rapport à son milieu ambiant.

Comme le disaient mes collègues, il me semble essentiel que les expositions se promènent d'un bout à l'autre du Canada. Ainsi, notre musée en Nouvelle-Écosse a fait circuler une exposition grâce à des profits que certains qualifieraient de scandaleux, de la Banque de la Nouvelle-Écosse. Plus de 250 000 Canadiens dans tout le Canada, et 30 000 personnes tout récemment à Toronto sont allés voir l'exposition sur Maud Lewis. Voilà une artiste qui se tenait à l'extérieur des courants artistiques traditionnels, qui avait des handicaps physiques et qui vivait sans confort moderne dans une minuscule maison. Nous avons pu faire voyager cette exposition, nous occuper de la restauration de sa maison, faire participer le milieu où elle habitait, aller chercher de nouveaux auditoires et créer un héros national.

Nous devons avoir plus de héros et de symboles nationaux, puisqu'ils sont très importants pour le Canada et pour le milieu des musées, car ils permettent aux Canadiens d'exhiber une grande fierté de leur pays. Avec l'aide du gouvernement fédéral aux expositions itinérantes, nous pourrons transformer nos héros régionaux en des symboles nationaux et alimenter le sentiment de fierté des Canadiens.

Si vous permettez, j'aimerais revenir aux collections. Nous avons pour activité principale de colliger notre héritage visuel. Si le gouvernement fédéral nous aide à faire circuler ces collections, il contribue à mieux faire comprendre notre patrimoine et à mieux faire comprendre le Canada aux générations de demain. De grâce, aidez-nous à bâtir de belles collections et à les faire circuler, puisque les collections des régions sont les collections de notre pays. Merci.

Le président: Merci de cette déclaration et merci de ce que vous avez dit au sujet d'une exposition qui a transformé un héros régional en un symbole national. C'était extrêmement intéressant.

Monsieur McNeil, nous avons été très émus par votre histoire, et je crois que M. Saada s'est dit impressionné de votre grande discrétion. Nous ne voudrions pas présumer de votre discrétion ni des sujets que vous ne voudriez peut-être pas aborder, mais nous aimerions savoir pourquoi votre exposition n'était pas accessible, pourquoi il y a eu injustice. Dites-nous aussi si le gouvernement aurait pu changer les choses, s'il a fait ce qu'on attendait de lui, et s'il a joué un rôle directement ou indirectement. Quelle est l'erreur qui a été commise puisque l'on sait que l'exposition se trouve actuellement à l'Institut Smithsonian et que, d'après ce que vous avez dit, elle a parcouru tous les États-Unis? Pourquoi ne l'a-t-on pas vue au Canada, et dans des villes comme Toronto qui compte un fort contingent en provenance des Caraïbes? Les Canadiens seraient fort intéressés par cette exposition, mais c'est à vous de décider quoi faire, et vous avez sans doute vos raisons.

• 1145

M. Clyde McNeil: Je voulais justement en discuter dans le contexte de l'influence économique que peut avoir la culture, en particulier à Toronto. Le domaine culturel engendre 123 000 emplois directs; 9,7 p. 100 du budget de la ville de Toronto provient d'activités culturelles, ce qui représente 7,1 milliards de dollars au produit national brut du Canada.

Autrement dit, la culture joue un rôle important à Toronto. Je n'ai pas besoin d'expliquer à tous ceux qui sont ici présents que chaque fois que nous montons une exposition, nous nous inquiétons des droits d'entrée, de l'assurance et de l'influence qu'aura l'exposition sur la société. C'est nous qui nous chargeons des droits et de l'assurance. L'effet est énorme, puisque l'on compte environ 391 000 noirs sur les 2,2 millions de gens qui habitent Toronto. C'est donc un phénomène qui a une incidence incroyable, surtout lorsque l'on songe aux effets de retombées.

Par conséquent, il faut maintenant penser... Cela aurait pu être possible si le gouvernement fédéral avait joué le rôle de catalyseur. Par conséquent, si vous me demandez quel est le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer pour favoriser l'accès au patrimoine dans des musées et des galeries d'art, je dirais qu'il ne s'agit pas uniquement de signer les chèques, mais aussi de s'assurer que les expositions traduisent bien la complexité de la société dans laquelle nous vivons ainsi que son vrai visage.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Stevenson, je pense vous avoir entendu dire au début de votre exposé—et c'était une déclaration très importante—que si nous avions une politique culturelle à laquelle n'était associé aucun financement, aussi bien ne pas en avoir du tout. Il s'agit-là d'une affirmation très catégorique. J'ai peut-être mal entendu. Pourriez-vous me préciser ce qu'il en est.

Mme Candace Stevenson: Vous m'avez bien entendue. C'est aussi simple que cela.

On a posé tellement de questions que je ne saurais répondre à toutes, mais M. Godfrey en a soulevé quelques-unes tout à l'heure.

De façon générale, la fréquentation des musées est à la hausse depuis 1967. Globalement, les dépenses gouvernementales ont augmenté puis, sont tombées en chute libre, de telle sorte que la contribution de l'État est en baisse depuis 1967. Quant au nombre des établissements, il est en hausse. Bon nombre de musées ont été bâtis dans la foulée de l'année du centenaire, en 1967. Mais vous pouvez assurément obtenir ces statistiques de Statistique Canada ou de l'Association des musées canadiens. Vous pourrez voir les chiffres réels, et pas seulement les tendances.

Mais cela m'amène à vous parler d'un problème. Bon nombre de nos immeubles datent de 25 ou 30 ans. Souvent, il s'agit d'édifices à valeur patrimoniale. De nombreux musées sont logés dans des maisons historiques, des moulins historiques, des étables historiques, etc. Ces structures elles-mêmes doivent être conservées.

Il y a une chose dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui, une chose qui nous différencie de nombreux autres groupes avec lesquels vous vous entretiendrez, et c'est notre mandat de conservation. Nous avons la responsabilité de conserver non seulement les collections, mais bien souvent les immeubles qui les abritent. Ces édifices se délabrent. Plus les visiteurs sont nombreux, plus l'immeuble se dégrade. Je pense que nous ferons face à des problèmes sérieux au cours de la prochaine décennie, car les toits commenceront à couler et les planchers à manifester des signes de faiblesse. Cela représente un problème d'envergure pour nous.

Le président: Surtout qu'il faut que les nouveaux immeubles soient parfaits à bien des égards, la climatisation, le contrôle de la température, etc., pour assurer la protection des collections.

Mme Candace Stevenson: Tout à fait. Comme vous l'avez fait remarquer, nous accueillons non seulement des visiteurs—et ils sont extrêmement importants—, mais nous abritons les collections elles-mêmes, et elles se détériorent dans un environnement peu propice.

• 1150

Comme Bob Janes l'a mentionné tout à l'heure, nous essayons de conserver certaines choses pendant 500 ans. Pensez seulement aux objets que vous conservez dans votre famille et que vous considérez comme des trésors. Vous les voyez se détériorer parce qu'ils ne sont pas entreposés dans les meilleures conditions.

Ce n'est pas sans raison que nous avons cette mission de conservation, et je pense qu'il importe de s'en souvenir. Nous gardons ces documents et objets pour pouvoir fournir un contenu, que ce soit pour une exposition, un travail scolaire, une émission d'intérêt public ou, comme quelqu'un l'a mentionné tout à l'heure, l'Internet.

Étant donné que je ne semble dire que des choses négatives, je tiens à signaler quelque chose de positif au sujet d'un programme fédéral émanant d'une source plutôt étonnante, soit Industrie Canada. Le programme des collections digitales du Réseau scolaire canadien a été excellent pour les musées. Il a permis aux musées de mettre leurs collections sur l'Internet.

Je crois savoir qu'il s'agit d'un programme de trois ans seulement qui en est à sa deuxième année d'existence. À mon avis, on devrait envisager d'en faire un programme permanent car il offre au Canada l'occasion de diffuser sur le net l'information emmagasinée dans un grand nombre d'établissements du patrimoine.

Je crois aussi savoir qu'à l'heure actuelle, le Canada devance la France pour ce qui est du volume de documents français sur le net. Nous allons perdre cette position enviable à moins d'investir dans ce médium. De nombreux établissements seraient ravis de pouvoir traduire leur documentation et d'en assurer la diffusion de cette façon. Je pense que c'est un volet extrêmement important.

Étant donné que le temps file, je veux simplement parler encore une fois du thème de l'isolement qui revient constamment dans la bouche de certains de mes collègues. Si nous nous sentons isolés en tant que muséologues, ce sentiment doit être décuplé parmi la population canadienne. Si nous n'avons pas le sentiment de pouvoir savoir ce qui se passe dans le reste du pays dans les limites relativement étroites de notre profession, je ne peux imaginer qu'il en soit autrement pour les Canadiens.

À l'heure actuelle, tout tourne autour de la culture au Canada. On peut appeler cela autrement, mais le véritable débat au Canada à l'heure actuelle porte sur la culture. À mon avis, le comité que vous dirigez est un élément fondamental de la réflexion qui a cours au Canada à l'heure actuelle, et les établissements de type patrimonial ont un rôle très grand à jouer à cet égard.

Pour une raison ou pour une autre, nous ne semblons pas être aussi visibles que certains autres secteurs culturels, mais je tiens à affirmer que les établissements du patrimoine représentent une part extrêmement importante de la structure culturelle de notre pays et que c'est cette structure culturelle qui déterminera si nous aurons ou non un avenir.

Le président: Madame Charland.

[Français]

Mme Diane Charland: Je pense être le mouton noir de cette table ronde.

Le président: Pas du tout, madame Charland. Vous n'êtes pas du tout le mouton noir, bien au contraire. Prenez votre temps, expliquez-nous votre cas et soyez bien à l'aise. Au contraire, vous êtes la bienvenue parmi nous et je pense que vous ne devriez pas vous sentir comme étant le mouton noir.

Mme Diane Charland: Je vous remercie, monsieur le président. Je ne disais pas cela pour me plaindre mais plutôt pour vous faire remarquer que la problématique des archives est finalement mal connue.

Je pense que je vais profiter de la présence des musées ici pour essayer de faire mousser, en quelque sorte, la connaissance que les gens ont des archives. Toutes les expositions dont les gens parlent sont documentées et on retrouve ces documents-là quelque part, dans les archives des musées précisément. Si dans des centaines d'années on peut parler de l'exposition, ce sera parce que les archivistes auront fait leur travail et gardé les traces de l'ensemble des activités qui auront eu lieu.

Je prends précisément l'exemple des musées, parce qu'on est entouré de musées, mais je voudrais vous faire remarquer que cette trace laissée par les activités et les institutions canadiennes se retrouve systématiquement dans les archives. Il y a donc, dans les archives, une identité canadienne. Je pense qu'il faut en parler. Elle se retrouve confinée dans l'ensemble des documents qui auront été sélectionnés et qui seront représentatifs de chacune des étapes de la société.

Nous aussi, nous aimerions exploiter nos archives à des fins d'exposition. D'ailleurs, une exposition d'archives n'est pas toujours banale. Malheureusement, on va toujours un petit peu à contre-courant. On a l'impression que les gens pensent toujours que les archives sont ennuyeuses. Je vous assure que c'est loin d'être le cas.

• 1155

Il y a des trésors dans les archives qui, bien exploités, mériteraient effectivement de circuler d'une province à l'autre, ne serait-ce que pour étendre cette connaissance que les gens ont les uns des autres.

Nos difficultés sont les mêmes que dans l'ensemble des musées. Tantôt on parlait de conserver les archives pendant 500 ans. On peut se donner la même durée et plus. Finalement, si on peut actuellement consulter les archives de l'Antiquité, c'est parce que quelqu'un les a gardées quelque part. Donc, c'est le rôle des archivistes que de garder correctement ce patrimoine.

Notre rôle a changé avec l'arrivée des technologies. On ne garde plus uniquement du papier; on garde l'information, quel que soit le support sur lequel elle se trouve. La problématique est particulière pour les archivistes. Comment fera-t-on dans quelques années pour relire les documents qui ont été créés électroniquement? C'est une problématique à laquelle les archivistes sont confrontés.

En ce qui concerne la croissance de l'information, on dit que les documents sont créés par l'informatique maintenant et qu'il ne faut plus beaucoup d'espace pour les conserver, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Il faut bien les sélectionner, les mettre dans de bonnes conditions et savoir augmenter nos magasins d'archives. La problématique est très similaire à celle des musées.

J'espère que j'ai réussi à vous convaincre de mon propos parce que je pense qu'être archiviste, c'est être un peu missionnaire. Dans la vie, il faut toujours nager à contre-courant pour faire avancer les choses.

M. Bélanger a posé la question de savoir comment dynamiser le lien entre les Canadiens et leur patrimoine. Je pense qu'un très bon moyen serait de permettre aux archivistes de mieux utiliser leurs fonds et leurs collections d'archives.

M. Mauril Bélanger: Je posais la question.

Mme Diane Charland: C'est M. Lachapelle, je pense, qui avait amené cette question. Je sens qu'il a une sensibilité face aux archives de son musée. Cela transparaît dans son propos.

Il faut donc faire en sorte que ces archives-là soient utilisées. Comme je le disais au début, l'argent ne vient pas de ce côté-là et il faut des sous pour réaliser des expositions et des projets intéressants.

Je terminerai en faisant un lien avec Internet. La communauté archivistique canadienne mène actuellement un projet de réseau d'information archivistique, et je pense que ce sera un excellent moyen de retrouver sur Internet des documents de sources qui sont d'un très grand intérêt.

M. Mauril Bélanger: Cela peut devenir des sources de revenus.

Mme Diane Charland: Je vous avoue que je me suis demandé si j'allais répondre à cette question. Les archivistes sont actuellement un petit peu coincés par le fait de remettre à la disposition des citoyens des choses qui leur appartiennent déjà. La problématique est la même dans les musées. Doit-on payer pour consulter des documents? Je pense que je n'oserais prendre position actuellement dans ce débat-là, mais il faut effectivement se poser la question.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le président: Madame Charland, avant de passer la parole à une autre personne, je voudrais vous poser une question. Je ne sais pas si vous avez réfléchi là-dessus, et peut-être que les représentants des musées pourraient aussi nous répondre.

L'an dernier, j'ai eu l'occasion de visiter un musée en France, qui concernait la Deuxième Guerre mondiale et qui était partie musée et partie archives. Dans ce musée, vous pouviez trouver des choses qui appartenaient beaucoup plus aux archives qu'à une collection traditionnelle de musée. J'ai trouvé cette visite très intéressante et j'ai pensé que les gens pouvaient avoir une explication plus approfondie en voyant un objet de la collection et ensuite le côté archives comme les lettres, etc.

Est-ce que vous croyez que la coopération est assez grande, chez nous, entre les archivistes et les muséologues? Est-ce que cela devrait être beaucoup plus important? Et est-ce que cela vous aiderait tous les deux?

Mme Diane Charland: Ce n'est pas une problématique à laquelle j'ai beaucoup réfléchi, mais je pense que c'est le cas, effectivement. En écoutant les propos tenus ici aujourd'hui, je me dis qu'il y a probablement une belle complicité à développer entre les documents et l'information qui sont conservés aux archives et les pièces muséales dont les musées disposent.

• 1200

Une telle complicité pourrait, comme vous avez pu le constater à l'exposition en France, donner quelque chose qui serait très dynamique et encore davantage relié à nos racines canadiennes.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Janes.

M. Robert Janes: Pour ce qui est de lier les archives et les musées, cela m'apparaît crucial. En fait, Glenbow est un établissement qui comporte quatre secteurs. Nous gérons la plus imposante collection d'archives non gouvernementales au Canada. Nous avons environ un million d'images historiques et quelque quatre kilomètres de tablettes de documents portant sur l'histoire de l'ouest du Canada. En fait, on ne peut se documenter sur l'histoire de l'ouest du Canada sans venir frapper à notre porte. Nos archives desservent environ 15 000 chercheurs par an.

Je tiens à appuyer mon collègue et à souligner l'importance des documents d'archives, surtout qu'ils représentent une richesse considérable. Ainsi, l'auteur canadien Grant MacEwan, qui écrit au sujet de l'ouest du Canada fréquente nos archives régulièrement à des fins de recherche. C'est une personne seulement qui franchit notre seuil, mais chaque livre qu'il écrit est lu par 50 000 Canadiens. Il ne pourrait rédiger ce genre d'ouvrages sans avoir accès à ces documents historiques. Voilà qui illustre enviablement l'importance des archives et leur lien avec les musées.

Monsieur le président, avec votre autorisation, j'aimerais répondre à M. Bonwick et lui communiquer trois idées concrètes...

Le président: M. Bonwick a dû partir, mais qu'en est-il exactement?

M. Robert Janes: ... trois idées concrètes qui n'entraîneraient aucun débours en espèces pour le gouvernement fédéral. Je soumets cela à votre attention.

La première consisterait à accorder une déduction d'impôt intégrale pour les dons aux organismes culturels, de la même façon qu'on le fait pour les partis politiques.

Deuxièmement, le gouvernement pourrait accorder un dégrèvement fiscal pour le bénévolat, sinon pour les heures de bénévolat, au moins pour les dépenses des bénévoles. Notre organisme ne pourrait s'en tirer sans les bénévoles, dont le travail vaut au bas mot 300 000 $ par an. Il est très facile de calculer la contribution exacte des bénévoles. Nous nous servons d'ordinateurs à écran tactile où les bénévoles consignent leurs heures. D'ailleurs, Patrimoine Canada a fait une étude partout au pays pour chiffrer en dollars la valeur du bénévolat. Je pense qu'en Alberta, cela représente 14,50 $ l'heure. Il est donc très facile de calculer l'apport économique des bénévoles. Nous proposons de leur accorder un dégrèvement fiscal soit pour leurs heures de travail, soit, au moins, pour leurs dépenses, car ces gens-là doivent toujours payer leur stationnement, leurs repas, etc.

Troisièmement, nous souhaiterions que l'on puisse déduire les frais d'adhésion à un musée. Les membres d'un musée constituent un groupe de plus en plus important. Il s'agit de gens qui acceptent de dépenser 40 $ par an pour adhérer à un établissement muséologique et qui sont en fait nos plus loyaux alliés. Le simple fait d'autoriser la déduction des frais d'adhésion nous permettrait sans aucun doute de grossir les rangs de nos membres.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Janes.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci beaucoup.

Je suis très impressionné par les réponses que j'ai reçues à mes questions. J'ai beaucoup appris au sujet des problèmes des musées. D'ailleurs, nous en discuterons plus avant au sein du comité. Cependant, sans vouloir manquer de respect à tous les autres directeurs de musées qui sont ici, j'aimerais m'adresser à M. McNeil.

Je tiens à vous dire ceci. J'ai été très impressionné par le fait que vous soyez venus ici aujourd'hui nous expliquer les problèmes auxquels fait face votre organisme multiculturel. Vous vous êtes présentés devant le comité principal, vous avez énoncé vos problèmes et vous avez défendu vos droits devant ce comité principal. Vous n'avez pas fait appel au volet multiculturel du comité pour vous soutenir dans votre bataille. De cela, je vous félicite, et j'espère que tous les autres organismes feront de même. J'espère qu'ils comparaîtront et lutteront pour leurs droits devant les comités ordinaires composés de Canadiens ordinaires et qu'on oubliera toute cette absurdité. Je vous en félicite, et je suis désolé d'entendre parler de tous vos problèmes.

Malheureusement, je dois maintenant partir. Je vous remercie beaucoup. Ce fut un plaisir de vous entendre.

Le président: Merci, monsieur Obhrai.

Y a-t-il d'autres intervenants? Monsieur Barkley.

M. William Barkley: Nos collègues des archives ont parlé de collaboration. Il y a de nombreux autres domaines du secteur culturel qui pourraient collaborer, et il faut examiner ces liens possibles.

• 1205

Voilà qui me ramène à la question de savoir ce que le gouvernement fédéral pourrait faire. On peut envisager de collaborer avec la Société Radio-Canada en ce qui a trait, par exemple, au contenu des émissions. Cela pourrait être bon à la fois pour les musées et pour la Société Radio-Canada. Il y a aussi d'autres façons de collaborer.

À titre d'exemple, ma collection porte sur l'histoire naturelle dans une proportion de 72 p. 100. J'ai des docteurs en biologie qui font de la recherche, mais les chercheurs en biologie des musées n'ont pas droit aux subventions du Conseil de recherche en science naturelle et en génie. Je dois suivre un processus compliqué pour faire nommer mes recherchistes à l'université. Ils peuvent à ce moment-là, par l'entremise de l'université, poser leur candidature pour recevoir des fonds. Ce financement est remis à l'université pour appuyer la recherche. C'est un processus superflu. Ces gens-là ont toutes les compétences voulues à titre de chercheurs. Ils travaillent dans un établissement reconnu et ils devraient pouvoir poser leurs candidatures, mais cette restriction existe depuis de nombreuses années. Je pense qu'il y a bien des façons de développer ces liens.

Je voudrais revenir sur les commentaires que l'on vient de faire au sujet de l'exposé concernant cette exposition sur les Antilles. J'ai assisté il y a quelques semaines à une cérémonie très touchante au cours de laquelle ma belle-fille est devenue citoyenne canadienne. À mon avis, tous les Canadiens devraient assister à l'une de ces cérémonies. C'était la première fois que j'y allais. Je me suis assis dans une salle où étaient réunies environ 80 personnes, et j'ai écouté. L'agent de la GRC, en uniforme de drap rouge, est entré. C'était une femme officier qui avait fort belle apparence. J'ai trouvé cela fantastique. Nous avons écouté l'allocution du juge au sujet du Canada et nous sommes sortis de là ravis de l'expérience.

Sur les 80 personnes présentes, 72 étaient d'origine asiatique. Je ne pense pas que nos établissements se préparent aux changements démographiques qui sont en cours dans notre pays. Il s'agit de changements énormes. Dans mon propre établissement, nous ne faisons rien à cet égard. J'ai récemment entendu aux actualités une statistique intéressant concernant la Colombie-Britannique. Dans la municipalité de Surrey, 64 p. 100 des écoliers sont asiatiques. Nos établissements ne reflètent pas cette réalité. Et cela vaut pour l'ensemble du pays, et pas seulement pour cette région.

Le gouvernement fédéral a manifestement un rôle à jouer car c'est l'instance responsable de la politique de l'immigration de notre pays. Je pense que notre culture se trouverait enrichie si nous nous attachions en priorité à reconnaître cette réalité dans les milieux culturels, les divers établissements, les musées des beaux-arts, les archives, etc.

Le président: Vous mettez le doigt sur un point crucial qui constitue, vous le savez, l'un des trois principaux volets de notre étude.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien: Je vous remercie, monsieur le président.

Tout d'abord, en ce qui concerne les crédits d'impôt pour les bénévoles, je suis tout à fait en faveur de cette idée. C'est un de mes électeurs qui vient justement de m'en parler: il est sur le point de prendre sa retraite et voudrait conserver certaines activités, mais il aimerait également retirer quelques avantages de celles-ci. C'est là une excellente idée que je vais défendre au caucus libéral, et je suis certain de l'appui d'un très grand nombre de mes collègues. Je ne sais dans quelle mesure c'est réalisable, ou si c'est pratique, mais c'est une idée méritoire. Rien qu'à London en Ontario, ma propre ville, on compte littéralement par millions les personnes-heures consacrées à toutes sortes d'activités de bénévolat, je ne puis donc qu'approuver cette idée.

Monsieur le président, pour poursuivre notre étude—et nous devrions avoir ce chiffre, je pense... Dans une vie antérieure, j'étais l'enseignant. Je voudrais savoir quelle est la proportion des écoliers et des étudiants qui visitent nos musées canadiens. J'aimerais voir la ventilation par âge, et par catégories d'étudiants lors de ces visites.

La raison pour laquelle j'aimerais avoir ces renseignements, c'est parce que je vois un lien très important entre l'enseignement de l'histoire dans notre pays—ou plutôt son absence—et nos musées. Nous parlons ici en quelque sorte des paradoxes, auxquels mon ami et collègue, M. Bélanger, faisait allusion tout à l'heure, et dont a parlé M. Janes.

Si j'ai bien compris, les visites aux musées ont augmenté, ce qu'il faut applaudir, mais ce qui ne cesse pas de m'inquiéter, c'est le manque de connaissances de nos étudiants, quelle que soit la province dont ils sont originaires, en matière d'histoire du Canada.

• 1210

On parlait tout à l'heure des Cours de citoyenneté. J'ai le plaisir, en tant que député, d'assister à plusieurs d'entre elles, et moi aussi, j'ai été vivement impressionné. Ces nouveaux Canadiens, je peux vous l'assurer, doivent passer une sorte d'examen sur l'histoire du Canada, un examen que beaucoup de nos citoyens, hélas, trouveraient difficile. La raison—en Ontario tout au moins—c'est qu'un étudiant du secondaire, pour obtenir le malheureux petit crédit exigé de lui, n'étudie l'histoire de notre pays que pendant quatre mois, après quoi ils en ont fini avec les études canadiennes.

Si vous ajoutez à cela la géographie, les étudiants doivent obtenir deux crédits en tout pendant leurs cinq années d'études secondaires en Ontario. Cela me paraît absolument choquant, et je trouve fort préoccupant ce degré de... dirais-je «ignorance». Le mot n'est peut-être pas flatteur, mais il est juste: le degré d'ignorance d'un grand nombre de Canadiens au sujet de notre pays, notre histoire et notre culture me préoccupe sérieusement.

Quelqu'un pourrait-il se pencher sur ce problème: si les visites aux musées ont augmenté, c'est très bien; si l'enseignement de l'histoire du Canada pouvait se répandre, si l'on comprenait mieux comment ce pays s'est fait, ces visites augmenteraient encore bien davantage. Je ne sais pas ce qui amène des gens à visiter un lieu qui évoque leur histoire alors qu'ils ignorent tout de cette histoire, mais peut-être ai-je mis le doigt sur un point sensible, je n'en sais rien, monsieur le président.

Compte tenu de la nature des nouveaux immigrants au Canada, la nécessité d'intensifier l'enseignement de l'histoire de notre pays ne fait que s'accroître, en ce qui me concerne.

Après tous ces commentaires, j'aimerais avoir une ventilation des visites aux musées. Il y a une autre question que je me pose: est-ce que nous nous trouvons devant un nouveau paradoxe, à savoir une augmentation des visites de musées et si ma thèse est juste, le manque de connaissances des gens en ce qui concerne l'histoire du Canada? Quelle est la réponse?

Le président: Nous vous obtiendrons ces chiffres, monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien: Je vous remercie.

[Français]

M. François Lachapelle: J'aimerais en profiter pour apporter des commentaires complémentaires aux propos de M. O'Brien et répondre à quelques questions ou problématiques qui ont été soulevées par les autres membres du comité. En résumé, bien qu'on puisse noter une augmentation de la fréquentation des musées, il peut aussi y avoir une perception d'une mauvaise connaissance de l'histoire canadienne. Je pense que c'est assez simple de dire que le Canada et la communauté muséale, d'une part, et la communauté des commissions scolaires et des établissements universitaires, d'autre part, ont établi une relation très peu performante comparativement à celle d'autres pays.

La fréquentation des musées va donc augmenter, bien que les relations entre le milieu éducatif et le milieu muséal, en termes d'interface, soient très faibles. Il faut bien comprendre que le musée n'est pas simplement un lieu où il y a une réserve et que les musées ont énormément évolué depuis 30 ans. Il n'y a pas que des réserves et des expositions. Comme le disait si bien la philosophe torontoise Ursula Franklin, un des plus grands potentiels et une des plus grandes qualités du musée dans un monde virtuel, c'est d'être un café. Le musée est un lieu de transmission. Je reviens sur ce thème de la communication et de la dynamisation des relations entre les touristes, les citoyens, les Canadiens et leur patrimoine.

J'aimerais faire un commentaire supplémentaire en réaction à la problématique qu'a vécue M. McNeil. On parle de cet essoufflement de la muséologie qui est attribuable à des problèmes financiers. Ces problèmes commencent à affecter cette capacité du musée de vivre dans sa cité, puisque le musée doit aussi vivre dans un monde mobile, que ce soit par l'entremise de l'Internet ou dans le cadre d'expositions itinérantes. Mais pour être actif dans une société, un musée doit aussi vivre dans une localité et avec cette localité.

C'est pourquoi je reprends ma petite phrase thème de relations dynamiques ou de dynamisation des relations avec le musée et le patrimoine des Canadiens en général. Quand je dis «leur patrimoine», je ne parle pas simplement du patrimoine des gens de la place, mais aussi de tout ce qui est considéré comme étant le patrimoine d'hier et d'aujourd'hui dans une localité.

• 1215

Je crois qu'il est important que le gouvernement songe à établir des mesures, que ce soit au niveau de l'éducation, des problématiques du multiculturalisme, de l'évolution démographique ou de la libéralisation des marchés. Ces mesures incitatives, qui pourront être d'ordre financier, juridique ou autre, nous assureront qu'il y ait cette dynamisation et que les musées puissent développer avec la collectivité une relation qui soit beaucoup plus au niveau de ce qu'est l'actualité du patrimoine d'aujourd'hui, de la culture canadienne d'aujourd'hui.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Riordon.

M. Bernard Riordon: Monsieur le président, j'aimerais bien changer un peu l'éclairage et examiner le rôle du gouvernement fédéral dans la promotion de notre culture dans le monde.

Je voudrais encourager le gouvernement fédéral à prendre des initiatives visant à faire connaître, dans le monde entier, nos artistes et notre important patrimoine d'art visuel. Une telle initiative ferait la fierté de notre pays, et pourrait également avoir des retombées économiques. Le gouvernement fédéral pourrait, par exemple, créer une catégorie de patrimoine national à laquelle appartiendraient nos artistes les plus importants.

Je sais que nous avons un artiste parmi nous, à savoir Wendy Lill, qui vient de notre région, et nous en sommes très fiers. J'espère que dans un avenir lointain on se souviendra d'elle comme dramaturge, et non comme députée.

Le président: Elle pourrait donc faire partie de ce patrimoine national?

Des voix: Oh!

M. Bernard Riordon: J'allais y arriver.

Il est essentiel de rendre hommage à notre culture locale. Notre culture régionale est aussi notre culture nationale, et cette dernière peut prendre sa place parmi les grandes cultures du monde entier. Nous devrions faire davantage pour faire connaître cette culture dans les autres pays.

Il est également très important de parler du nouveau millénaire: nous devons encourager chez les Canadiens ce sentiment de fierté, en appuyant les manifestations artistiques dans les régions, par exemple par des biennales où l'on exposerait au Canada des oeuvres d'artistes du monde entier, de même que celles de nos artistes régionaux et locaux.

J'espère que le gouvernement fédéral continuera le dialogue qu'il a noué avec l'Association des musées canadiens sur ces importants aspects de nos délibérations.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Riordon.

La parole est maintenant à M. Godfrey, suivi de Mme Stevenson.

M. John Godfrey: J'ai plusieurs observations à faire.

Tout d'abord, à propos de la question fiscale, j'ai eu peut-être un moment d'inattention mais je n'ai pas entendu mention du fait que nous avons modifié la Loi de l'impôt sur le revenu, dans le budget de l'an dernier, pour encourager davantage les gens à faire don d'oeuvres d'art, et même de titres de sociétés, à des institutions, par exemple, les musées. Dans le budget de cette année nous avons introduit une petite condition supplémentaire, à savoir le temps pendant lequel il fallait posséder l'oeuvre d'art, mais c'est là une mesure qui n'est pas à dédaigner.

En ce qui concerne la déductibilité des frais d'adhésion il doit y avoir une réponse d'ordre technique à cela, mais je me demande pourquoi on ne pourrait tout simplement convertir cela en don et dire: «Si vous faites un don nous vous accorderons un privilège», et obtenir ainsi la déductibilité fiscale. Tout le monde peut accorder des déductions fiscales. Il doit donc y avoir une raison très simple, d'ordre technique, pour ne pas le faire.

Mon troisième commentaire porte sur le cas mentionné par mon ami, M. McNeil. Les administrateurs de musées doivent se poser deux questions: tout d'abord, y avait-il suffisamment de temps, compte tenu du calendrier, pour que cela soit possible? C'est une question qui a dû venir à l'idée de certains d'entre vous.

Autre observation: une telle mesure causerait une certaine inquiétude: d'une part vous aimeriez que nous vous accordions des encouragements pour pouvoir organiser ce genre de spectacles ou manifestations, mais je doute fort qu'il vous plairait que nous vous l'imposions. C'est une idée qui est peut-être venue à certains d'entre vous.

Le président: Monsieur Riordon, je crois que vous voudriez répondre à cela.

M. Bernard Riordon: Oui, je voudrais féliciter M. Godfrey pour l'option des titres, car notre institution a reçu de plusieurs personnes, dans le mois qui a suivi ce changement, des titres bancaires qui nous ont beaucoup aidés dans notre campagne de collecte de fonds.

• 1220

En second lieu, nos vérificateurs nous disent que nous sommes autorisés à remettre un reçu pour don de services au bénévole s'il peut justifier ses dépenses pour s'acquitter de son travail de bénévole; dans un cas pareil je crois savoir que nous pouvons donner un reçu aux fins de l'impôt.

Le président: Voilà une bonne chose.

Madame Stevenson.

Mme Candace Stevenson: Je voudrais principalement revenir sur la question des écoles, mentionnée tout à l'heure, et ajouter deux petits commentaires.

Les musées sont des centres d'enseignement non scolaires; il ne font donc pas officiellement partie du système d'enseignement, mais plutôt d'un système d'apprentissage à vie. Par ailleurs, nous travaillons en liaison étroite avec les écoles, mais ces dernières—je me rends bien compte que cette question n'est pas du ressort de votre comité—connaissent elles-mêmes toutes sortes de vicissitudes dont certaines ont une incidence sur les musées. Quand les écoles n'ont pas assez d'argent pour payer les autobus qui amènent les enfants au musée, elles ne les y envoient pas, et c'est ce qui se passe actuellement.

Nous revenons là sur une question abordée tout à l'heure. Les musées sont là pour célébrer les héros et les récits authentiquement canadiens, qu'il s'agisse de récits nationaux ou régionaux, ou les gens tout au long de leur vie, pas simplement à l'école. Nous ne voulons certes pas relâcher ce lien avec les écoles, mais nous ne voulons pas non plus oublier que nous pouvons, là encore, donner une information et un contenu au système scolaire grâce au travail que nous faisons, grâce à nos collections.

Quelqu'un parlait tout à l'heure de notre rayonnement dans le monde. Je voudrais simplement rappeler que le gouvernement fédéral, il y a un bon moment déjà, environ quatre ans si je ne me trompe, disait de la culture qu'elle était le troisième pilier sur lequel s'appuyait la politique étrangère du Canada. Cette annonce a été saluée avec enthousiasme par notre collectivité, mais nous regrettons de dire que cette déclaration, si elle a eu des répercussions, peut-être, dans d'autres parties de notre communauté culturelle, n'en a certes pas eu sur les musées.

Je voudrais enfin mentionner que dans le récent discours du budget de M. Martin il était question d'un programme d'indemnisation, ce dont nous sommes fort heureux. Certes, les détails restent à mettre au point, et nous le ferons volontiers avec vous, mais ce fut là un ballon d'oxygène pour un grand nombre des institutions de ce pays.

Le président: Je vous remercie. Nous avons épuisé notre temps, je crois que nous allons devoir mettre fin à cette séance.

Permettez-moi de résumer les idées dominantes, celles qui ont touché un point sensible: nous avons d'abord abordé le thème de l'argent. C'est Mme Stevenson qui s'est lancée dans cette question en disant catégoriquement que si nous nous contentons de belles paroles il n'y aura pas de politique. D'une table ronde à l'autre c'est le même message: l'argent est le nerf de la politique culturelle d'un organisme indépendant, à savoir le gouvernement.

Nous ne portons pas de jugement pour savoir s'il y a suffisamment d'argent, ou s'il devrait y en avoir davantage, nous sommes simplement ici à l'écoute, pour apprendre. Mais le thème qui ressort constamment, c'est que le patrimoine et les institutions culturelles, et le sens d'identité de notre peuple, sont tous étroitement imbriqués. Ce sont des questions inséparables et indivisibles. Si nous voulons maintenir un patrimoine vigoureux, si nous voulons préserver et renforcer notre identité, il faut le traduire par un amour concret pour nos instruments et nos institutions culturels.

J'ai été frappé, monsieur Lachapelle,

[Français]

par ce que vous avez dit. Si je vous ai bien compris, vous dites que le pourcentage du patrimoine que nous recueillons pour les collections muséales est descendu à 0,4 p. 100 de ce que nous pourrions collectionner.

• 1225

M. François Lachapelle: Particulièrement dans le domaine des arts visuels. Actuellement, ce qui est collectionné pour les générations à venir représente 0,4 p. 100 de la production professionnelle.

Le président: Je pense que cela est très significatif. Je crois que tous les intervenants, y compris les membres du comité, ont fait ressortir l'importance de notre patrimoine culturel ainsi que les raisons pour lesquelles il faut le préserver et le fortifier.

[Traduction]

Il y a une autre question en filigrane dans tout ce débat: c'est celle de la mobilité de cette connaissance, de ce trésor d'information et de patrimoine. Si nous le gardons sous le boisseau, chacun d'entre nous dans sa propre communauté, nous n'assurerons pas sa diffusion. Il faut donc l'apporter aux gens, ce qui est presque impossible, ou le transférer de telle sorte que d'autres puissent le connaître et en profiter. Mais comment le faire si nous n'en avons pas les moyens?

Vous disiez, monsieur Barkley, qu'à un moment vous aviez plusieurs expositions itinérantes, mais que vous n'en avez plus aucune à présent. C'est une remarque qui m'a attristé et frappé. Je me souviens que lorsque j'ai visité le musée de M. Lachapelle, il avait une exposition itinérante au Japon, à l'autre bout du monde, ce qui est remarquable pour une petite collectivité comme Rimouski. Voilà ce que nous devrions encourager. Il est regrettable pour les Canadiens de perdre ce genre d'avantage.

[Français]

Qu'est-ce qu'on fait de cela?

[Traduction]

Mais que faire? Que devrions-nous faire, à votre avis? Certains messages me paraissent clairs: il devrait y avoir plus d'interaction, plus de regroupements d'intérêts, plus d'échanges entre les diverses institutions. C'est ainsi qu'on s'est demandé si

[Français]

les archivistes et les muséologues devraient rechercher des concertations beaucoup plus actives et proactives. Mme Lill a fait ressortir que

[Traduction]

tout le programme de diffusion externe a diminué. Nous ne communiquons pas suffisamment les uns avec les autres. Nous ne découvrons pas le trésor de patrimoine des peuples autochtones ou de la communauté noire, ou des autres communautés du Canada. Le récit de M. McNeil nous a tous touchés, parce qu'il semble si surprenant que dans un pays aussi riche que le Canada nous n'ayons pas les moyens—qui que ce soit qui en a décidé—d'organiser une exposition d'un si grand intérêt, qui attirerait tant de gens, et de l'envoyer dans des endroits où les Canadiens ne peuvent la voir.

[Français]

On a aussi abordé une question assez cruciale dans toute cette discussion, à savoir ce qu'on doit faire des collections muséales qui constituent un patrimoine immense qu'il faut augmenter parce qu'on évolue. Comment doit-on préserver ce patrimoine au sein de bâtiments qui deviennent de plus en plus déficients avec l'âge alors qu'il y a moins d'argent à distribuer? C'est un autre problème qui sous-tend toute la question dont on discute.

Quelles sont les avenues de sortie lorsqu'il y a une quantité d'argent limitée à distribuer? À cet égard, un message clair nous est parvenu, à savoir que nous devons devenir beaucoup plus créateurs,

[Traduction]

non seulement nous au gouvernement, mais certainement vous-mêmes

[Français]

et que nous devons définir ensemble des politiques d'avant-garde du point de vue de notre fiscalité et du point de vue d'un plus grand appareil de dons publics.

[Traduction]

Ainsi, chaque fois que je parle de l'environnement et d'autres domaines de bien public, je suis frappé de constater combien les Américains ont encouragé les fondations qui sont à la base même de leur énorme réseau d'institutions alors que nous-mêmes, qui n'avons jamais encouragé les fondations, faisons piètre figure en comparaison.

• 1230

Nous allons certainement nous inspirer de votre proposition, à savoir d'examiner tous les programmes d'incitations que l'on peut envisager. Vous pourriez peut-être continuer à nous aider en nous soumettant vos suggestions.

[Français]

Cette table ronde n'est qu'un début. Si vous avez des idées pratiques à nous suggérer, s'il vous plaît, n'hésitez pas à le faire.

[Traduction]

J'ai également noté que vous ne voyiez aucune menace dans l'Internet, mais bien au contraire un bienfait pour l'avenir, un instrument qui pourrait nous servir fort utilement à diffuser nos connaissances et notre patrimoine. C'est une idée qui nous a frappés, et nous devrions nous efforcer d'améliorer notre accès à l'Internet. En vous aidant, c'est la collectivité tout entière que nous aidons.

Enfin, M. Riordon a certainement très bien résumé l'idée, et Mme Stevenson en a parlé également, à savoir que nous avons, dans nos localités, des héros ou des gens qui nous ont enseigné de grandes leçons et qui ne sont connus qu'au plan local. Nous devrions en faire des héros nationaux, disiez-vous, monsieur Riordon, et la façon de le faire, c'est d'assurer la diffusion du corps de connaissances que nous devrions tous partager.

De cette table ronde se sont dégagées diverses orientations, qui nous ont été fort utiles. Restez en contact avec nous, je vous prie. Si vous avez des idées que vous aimeriez mettre sur papier, faites-le, si vous ne l'avez déjà fait, et envoyez-les à notre greffier. Soyez certains que nous leur accorderons toute notre attention.

Je vous remercie d'être venus, de vous être dérangés, de nous avoir donné votre temps votre attention. Merci à tous.

La séance est levée.