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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 avril 1998

• 1108

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): J'ouvre cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement; nous reprenons notre étude de la politique culturelle canadienne.

[Français]

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit son étude sur la culture canadienne.

[Traduction]

Nous avons le privilège ce matin d'accueillir M. Perrin Beatty, président-directeur général de la Société Radio-Canada; M. James McCoubrey, vice-président directeur et chef de l'exploitation et

[Français]

Mme Louise Tremblay, première vice-présidente, ressources.

[Traduction]

Je m'en voudrais de ne pas vous dire quelques mots au sujet de notre invité principal, l'honorable Perrin Beatty. Je voudrais rappeler aux parlementaires—comme ils le savent sans doute déjà—qu'il était chargé de plusieurs portefeuilles importants sous le régime de Joe Clark et de Brian Mulroney. En 1979, au moment d'être nommé ministre pour la première fois, il était le plus jeune ministre canadien de l'époque.

• 1110

De plus, M. Beatty s'intéresse vivement aux communications et à la culture depuis longtemps, et il me semble donc tout à fait approprié qu'on l'ait nommé p.-d.g. de la Société Radio- Canada, l'une de nos institutions culturelles clés. D'ailleurs, il s'intéresse beaucoup au travail que réalise le comité dans le cadre de cette étude.

Comme vous le savez, nous avons été invités à visiter Radio- Canada. Malheureusement, peu de députés ont pu participer à cette visite à cause d'un conflit causé par la tenue de certains votes. Par contre, ceux et celles qui y ont participé ont trouvé cette visite très instructive. M. Beatty a alors pris part à l'une de nos tables rondes, mais au cours des deux prochaines heures aujourd'hui, nous aurons un accès exclusif à lui-même et à ses collègues pour leur poser des questions.

Je vous cède donc la parole et vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue au comité, monsieur Beatty.

L'hon. Perrin Beatty (président-directeur général, Société Radio-Canada): Merci infiniment, monsieur le président, surtout pour vos propos bienveillants.

[Français]

Merci, monsieur le président, de nous avoir fourni l'occasion de nous retrouver ici aujourd'hui.

À votre demande, nous avons accepté avec plaisir de vous fournir un aperçu de notre planification institutionnelle et de vous faire part de notre point de vue sur les questions que vous devez étudier, nommément la répercussion des nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et la libéralisation des échanges commerciaux.

[Traduction]

D'abord, monsieur le président, permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous décrire les progrès que nous avons réalisés au cours des trois dernières années, de même que certaines nouvelles initiatives que nous comptons prendre dans les mois qui viennent. Je pense qu'elles sauront intéresser les membres du comité.

Au 1er avril 1995, au moment où je suis entré à la Société Radio-Canada, cette institution était en pleine crise. Mon prédécesseur venait de démissionner à la suite d'importantes compressions budgétaires, et le gouvernement avait annoncé qu'il comptait nommer un comité qui serait chargé d'examiner le mandat de la Société. Les trois dernières années ont donc été très mouvementées. Pendant cette époque, le gouvernement a imposé à la SRC des compressions budgétaires substantielles; la concurrence que devaient affronter les radiodiffuseurs établis a beaucoup augmenté; et nous avons entamé des négociations avec nos syndicats qui auraient été notre mort si elles n'avaient pas abouti. Nous avons dû réinventer notre programmation, restructuré l'organisation et introduire de nouveaux services et de nouvelles technologies. Nous avons coupé notre budget comme nous ne l'avions jamais coupé dans toute l'histoire de la SRC: non seulement nous avons réduit nos effectifs de plus de 3 000 postes, mais nous avons surmonté un problème financier de plus de 400 millions de dollars.

Ce fut une période extrêmement difficile, et je ne voudrais pas minimiser ni le coût pour nos employés, ni leur sentiment de frustration en se rendant compte qu'ils ne disposent plus de ressources adéquates pour offrir le meilleur service possible à la population canadienne. Mais nous avons réussi, monsieur le président, à surmonter tous ces obstacles et en entamant cette année nouvelle année financière, nous nous sentons plus forts, mieux orientés par rapport à notre mandat, plus confiants, et plus résolus que jamais à bien servir notre public.

Vu l'engagement du gouvernement à assurer à la Société un financement stable au cours des cinq prochaines années financières, nous entrons à présent dans une période relativement calme. Nous avons de bonnes raisons d'être optimistes. Nous avons réussi à renverser la situation, de telle sorte que nous sommes maintenant en mesure de recanaliser nos énergies créatrices vers ce que nous faisons le mieux: diffuser des émissions de radio et de télévision de grande qualité, et non nous préparer pour la prochaine série de compressions.

Nous avons fait beaucoup de chemin. Tout en ayant considérablement diminué les coûts pour les contribuables canadiens, nous avons réussi à respecter encore plus fidèlement notre mandat, qui consiste à aider les citoyens à poser un regard canadien sur eux-mêmes et sur le monde. Le contenu de nos grilles horaires et de réseau est encore plus canadien qu'avant et il reflète les régions du Canada plus fidèlement que jamais. De plus, nos émissions continuent de gagner des prix au Canada et à l'étranger. Lors de la remise des prix Gemini le mois dernier, plus de la moitié des prix ont été décernés à des productions ou coproductions de la Société.

Bien que nous ayons considérablement réduit notre personnel au cours des trois dernières années, nous n'avons pas fermé une seule station régionale. Certaines émissions ont été annulées, tandis que d'autres sont maintenant réalisées à moindre coût. Plusieurs postes de vice-présidents ont été abolis, l'immeuble qui abritait notre siège social ici, à Ottawa, a été vendu, et le personnel de l'administration nationale a été réduit de plus de la moitié. Nous avons fait appel à de nouvelles technologies qui nous permettront de réaliser des économies tout en offrant un meilleur service. Et nous sommes le seul radiodiffuseur canadien qui ait établi une présence forte dans les nouveaux médias.

[Français]

Permettez-moi de vous démontrer concrètement comment nous avons réussi à améliorer le service offert aux Canadiens tout en réduisant les coûts.

En février dernier, les francophones de Terre-Neuve ont finalement obtenu ce qu'ils demandaient depuis plus de 10 ans. Au lieu de regarder le bulletin de nouvelles de début de soirée en provenance de Montréal, ils peuvent maintenant voir Moncton Ce soir, dont certains reportages sont présentés par un journaliste se trouvant à St. John's, ce qui donne au bulletin de nouvelles une saveur locale certaine. Radio-Canada a également affecté des journalistes à Kapuskasing et à Hawkesbury, en Ontario, ainsi qu'à Victoria, en Colombie-Britannique.

• 1115

[Traduction]

Dans la section de la Radio, nous cherchons à mieux servir nos auditoires et à gagner de nouveaux publics. Grâce à l'ajout de 10 millions de dollars du gouvernement, aux progrès technologiques importants et au fait que nous avons négocié la liberté de mettre en oeuvre la polyvalence, nous pouvons faire plus que jamais.

Nous venons tout juste d'ouvrir un nouveau bureau où travaillent deux personnes à Cambridge Bay. Ce bureau servira et reflétera la région de Kitikmeot, dans l'est de l'Arctique. De plus, il fait partie des préparations du Service du Nord pour desservir le nouveau territoire du Nunavut, qui devrait voir le jour dans un an.

D'ici le début de juin, nous ouvrirons de petits bureaux à Trois-Rivières et à Sherbrooke. En juin, nous inaugurerons un bureau de Radio One à London. Plus tard cette année, nous ouvrirons également une nouvelle station Radio One à Victoria, la seule capitale provinciale où ce service de base n'est pas offert.

Et afin d'améliorer la réception de nos signaux, nous déménageons quelques-uns de nos services radio sur la bande FM, dans les deux plus grandes villes du Canada. Le processus est déjà enclenché à Montréal et Radio One fera de même à Toronto, ce mois-ci.

[Français]

En janvier, nous avons dû composer avec un tout autre type de crise. En réponse à l'une des pires tempêtes de pluie verglaçante du siècle, nous avons transformé nos services radio à Montréal et à Ottawa en une véritable ligne d'assistance-survie, en donnant de l'information sur l'utilisation d'une génératrice et sur les centres d'hébergement, en présentant des rapports sur les allées et venues de l'armée canadienne, ainsi qu'en diffusant des conversations consolantes dans la froideur de la nuit, sans doute le réconfort le mieux accueilli à certains moments.

En Montérégie, nous avons même ouvert une nouvelle station radio pour répondre aux besoins des personnes prisonnières de la noirceur dans le Triangle de glace. La télévision de Radio-Canada a présenté de l'information et des nouvelles 24 heures par jour, offrant de l'aide aux personnes directement touchées par la tempête et informant le reste du pays des derniers développements. Le service offert par la Société pendant cette crise a prouvé, tout comme ce fut le cas pendant les inondations au Saguenay et au Manitoba, que le radiodiffuseur national du Canada joue un rôle essentiel dans toutes les régions du pays.

[Traduction]

En février, nous avons emmené nos auditoires à Nagano, en leur offrant une diffusion de premier choix, au dire des critiques et des téléspectateurs de toute l'Amérique du Nord. Au cours de la première semaine, notre part du marché pour nos services de télévision de langue française et de langue anglaise a atteint les chiffres surprenants de 35,2 p. 100 et de 28,2 p. 100, respectivement. De fait, au cours de cette même période, environ 17 millions de Canadiens ont regardé la télévision du réseau anglais, pour partager l'idéal olympique. Aux petites heures du matin, une moyenne de 1,3 million de Canadiens étaient rivés à leur écran, à la télévision de Radio- Canada!

Et non seulement la diffusion a-t-elle été de qualité, mais elle a aussi été efficace. En effet, la participation de Radio- Canada aux Jeux olympiques a été entièrement autofinancée. La Société n'a pas utilisé de crédits parlementaires à cette fin. Nous avons fourni notre couverture des jeux à nos six services et aidé le gouvernement japonais à offrir des services de diffuseur hôte avec un effectif dont la taille se situait entre un quart et un tiers de celui de CBS. Nous avons diffusé, tous les services de télévision confondus, plus de 600 heures de programmation olympique, comparativement à 135 heures pour CBS.

Notre très populaire site Web sur les Jeux olympiques, produit en partenariat avec Bell, a donné aux Canadiens et aux visiteurs du monde entier une occasion unique de pouvoir découvrir vraiment les athlètes qu'ils voyaient évoluer à la télévision.

Nous sommes très fiers de notre couverture, tant des Jeux d'Atlanta que des Jeux de Nagano et je suis heureux de vous dire que les Canadiens peuvent s'attendre à voir la même qualité pour les 10 prochaines années, au moins. En effet, comme vous l'avez peut-être appris récemment, le CIO a accordé à la Société les droits de diffusion des cinq prochains Jeux olympiques, en partenariat avec Netstar.

Et pour conclure, sur un autre front, nous avons également entrepris un projet qui nous permet d'être assurés que nos systèmes financiers demeureront fonctionnels au moment du passage à l'an 2000, par anticipation de la problématique du nouveau millénaire, et d'obtenir l'information dont nous avons besoin pour soutenir une société plus moderne, plus responsable et plus efficace. Et pour la première fois de notre histoire, nous avons présenté un rapport annuel à l'antenne, diffusé pour tous nos actionnaires d'un océan à l'autre.

Et qu'en est-il de l'année prochaine? Quelles initiatives comptons-nous prendre? Eh bien, nous envisageons les 12 prochains mois avec optimisme, nos crédits parlementaires ayant été stabilisés à 822 millions de dollars. De plus, selon nos projections, nous aurons des revenus nets d'environ 271 millions de dollars.

• 1120

Dans la documentation qui vous a été distribuée, vous trouverez d'ailleurs plus de détails à ce sujet, notamment la ventilation et l'évolution du budget de Radio-Canada.

Précisons que, même si Radio-Canada est une société d'État, elle est loin d'être isolée des réalités du marché. Ainsi, cette année, notre participation économique au marché dépassera 411 millions de dollars.

J'aimerais maintenant décrire nos principales orientations stratégiques pour le présent exercice. Parlons d'abord de la télévision. Cette année, nous intensifierons le caractère distinctif de la Télévision anglaise en poursuivant la canadianisation de ses grilles. La canadianisation complète des périodes de grande écoute a nécessité le remplacement d'environ 200 heures de programmation. Il faudra aussi remplacer près d'un millier d'heures de programmation pour canadianiser la grille de jour.

[Français]

À la télévision française, nous lancerons plusieurs nouvelles séries, nous créerons de nouvelles émissions pour les jeunes et nous augmenterons le niveau général du contenu canadien.

Tant à la télévision anglaise que française, nous diffuserons plusieurs nouvelles émissions transculturelles et nous maintiendrons nos efforts sur le plan du reflet régional. Grâce au soutien fourni par le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, nous continuerons de travailler avec des partenaires du secteur privé afin de produire des émissions canadiennes de qualité qui sont à l'image de toutes les parties du pays.

[Traduction]

Fait important, nous avons amorcé la production d'une série intitulée Une histoire populaire du Canada, le projet historique le plus ambitieux jamais entrepris au pays. Cette coproduction des réseaux de langues française et anglaise de télévision marquera l'arrivée du nouveau millénaire et constituera une illustration épique de l'histoire de notre pays que nous laisserons à la postérité.

À titre indépendant ou en participation avec d'autres entreprises, nous avons présenté au CRTC des demandes de licences pour six nouvelles chaînes spécialisées qui seront pour nous autant de moyens de servir nos auditoires.

Passons maintenant à nos priorités dans le secteur de la radio.

[Français]

À la Radio française, nous multiplierons les échanges entre les régions, nous parachèverons le repositionnement des deux réseaux et nous élaborerons une nouvelle politique nationale pour la diffusion d'oeuvres musicales.

[Traduction]

À la radio anglaise, nous continuerons d'améliorer le service aux Canadiens en leur fournissant l'information dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin et en faisant connaître davantage de nouvelles voix aux deux réseaux. De plus, les deux services participeront au lancement de la radio numérique, et nous envisageons des moyens innovateurs de mieux servir et d'élargir nos auditoires.

Pour sa part, Radio-Canada International a reçu l'assurance d'un financement à long terme du gouvernement, ce qui nous a incités à examiner comment nous pouvions présenter le plus efficacement possible l'image du Canada à l'étranger.

Nous aurons également recours aux nouveaux médias pour offrir un servir plus complet au public canadien. Nous augmenterons le nombre de sites conçus spécifiquement pour Internet. Ces sites porteront sur des sujets comme les informations, les sports, la jeunesse, la culture et la Francophonie, et il y aura aussi des mécanismes pour encourager une rétroaction de la part du public canadien, qu'il s'agisse de forums ou d'autres sites favorisant une interaction avec nos auditoires. De plus, nous continuerons de nous servir d'Internet pour promouvoir nos émissions en ondes et faire une diffusion simultanée de leur contenu.

Je voudrais aborder maintenant aborder l'un des sujets auxquels s'intéresse le comité en ce moment. Plus précisément, on m'a demandé de décrire les effets de la technologie sur le secteur de la culture.

Comme les citoyens d'autres pays développés, les Canadiens sont engagés dans un débat très vif sur les avantages et les coûts des nouvelles technologies. Pour les optimistes, l'informatique et la technologie numérique sont un remède miracle à la plupart des maux de la société. Mais d'après les critiques, ces technologies nous écraseront et feront de nous des esclaves impuissants attachés à nos machines.

Il est facile, de nos jours, d'être obnubilé par des machines et des appareils plus rapides, plus petits et moins chers—on trouve même des aspirateurs avec des circuits intelligents intégrés. Ceux d'entre nous qui s'intéressent à préserver la culture canadienne ne doivent pourtant pas perdre de vue le contenu, et doivent considérer la technologie non comme une fin en soi, mais comme un moyen de parvenir à cette fin.

L'omniprésence et la puissance sans cesse accrues de la puce, ainsi que la convergence de l'informatique, des communications et de l'électronique grand public, ont créé de nouveaux outils remarquables pour atteindre ou élargir les auditoires. Certains, comme les satellites de diffusion directe, livrent un contenu familier par des moyens inhabituels. D'autres, comme le World Wide Web, changent notre façon d'envisager l'accès à l'information, les valeurs de production et le contrôle personnel sur le contenu.

Songeons aux possibilités créées par la technologie:

D'abord, le pouvoir de communiquer devient plus abordable et facile d'accès pour les citoyens.

Deuxièmement, la diminution rapide des coûts de traitement de l'information a fait que l'ordinateur, qui était autrefois un luxe que pouvaient se permettre uniquement les administrations publiques et les grandes entreprises, et maintenant à la portée des petites entités et des particuliers, qui ont donc beaucoup plus de contrôle sur tous les éléments du processus de création. Les restrictions techniques liées à la quantité et au type de renseignements que nus pouvons traiter, transmettre et mémoriser s'estompent, ce qui nous permet de faire des choses qui auraient été impensables il y a quelques années à peine.

• 1125

Les entreprises concurrentielles remplacent les monopoles réglementés. Les services de radiodiffusion et de télécommunications offrent à présent aux consommateurs des choix attrayants à un tarif on ne peut plus bas. Mais les avantages de la technologie ne sont pas sans conséquences: les technologies de communications modernes éliminent les frontières nationales. Elles posent un défi à notre souveraineté culturelle en rendant moins efficace la réglementation protectionniste en matière de culture des gouvernements.

Elles présentent plus de choix aux citoyens, mais elles réduisent leur sens du partage de l'expérience. Elles placent bien des consommateurs dans une situation où ils se sentent dépassés par le choix qui leur est offert, plutôt que de jouir de leur liberté d'action. Elles créent des bouleversements sans précédent dans nos industries culturelles et démolissent un grand nombre de nos hypothèses traditionnelles sur la façon de financer, de réaliser et de distribuer les produits culturels.

[Français]

La question essentielle qui se pose ici est la suivante: comment devrions-nous réagir face à cette turbulence?

La technologie est un élément important de notre secteur d'activité. Nous comptons sur elle pour produire nos émissions, les diffuser, préserver notre musique et d'autres éléments de notre patrimoine, et rejoindre les membres de notre public dans leurs foyers par l'entremise des médias, traditionnels ou nouveaux.

Ce même secteur d'activité a été ébranlé par la concurrence, l'ouverture des frontières, la déréglementation et la fragmentation des auditoires. Au fur et à mesure que les choix se multiplient pour les auditoires, les conditions deviennent de plus en plus difficiles pour les radiodiffuseurs. L'intensification de la concurrence fait monter le coût des droits sur les émissions, tandis que se fragmentent au maximum les auditoires dont les radiodiffuseurs ont besoin pour accroître leurs recettes.

Par ailleurs, et c'est là un point non négligeable, le radiodiffuseur public est particulièrement sensible à l'évolution des besoins de ses auditoires et il doit faire des frais pour offrir des services au moyen de technologies tant professionnelles que nouvelles.

[Traduction]

Malgré tous ces défis, je crois que les nouvelles technologies offrent des avantages réels pour Radio-Canada.

Premièrement, les nouvelles technologies numériques encouragent la participation du public et la personnalisation de ses choix. Grâce à elles, une expérience médiatique passive devient beaucoup plus active et stimulante. Or, ce sont précisément ces aspects que nous avons toujours favorisés auprès de nos auditoires. Plus les dispositifs bon marché, comme la cybertélévision, proliféreront, plus les nouveaux médias nous aideront à renforcer et à enrichir nos relations avec nos auditoires.

Deuxièmement, compte tenu des diverses régions qui le composent, le Canada a toujours été aux prises avec la nécessité de communiquer à distance et d'exprimer le point de vue de nombreuses collectivités, y compris celles qui vivent dans des endroits isolés. Maintenant, des réseaux publics comme le Word Wide Web offrent aux radiodiffuseurs, dont nous sommes, de nouveaux moyens de rejoindre les collectivités. En outre, les citoyens des petites localités ou les membres des minorités linguistiques peuvent désormais communiquer avec d'autres personnes qui partagent leurs intérêts, quel que soit leur lieu de résidence.

Enfin, les nouvelles technologies nous permettent d'offrir un meilleur service à un moindre coût. Ainsi, nos journalistes peuvent se rendre sur le terrain malgré des échéances serrées, produire leurs reportages avec du matériel léger et portatif et les transmettre presque instantanément à la tête du réseau.

Les nouvelles technologies nous permettent donc de travailler plus efficacement, dans la mesure où nous savons exactement qui nous sommes et quelle est notre mission. En fait, notre identité réside dans notre programmation. Notre mission première est de renvoyer aux Canadiens une image de leur pays et du monde qui soit fidèle à leur point de vue. Nous y parvenons grâce à nos émissions. Notre rôle ne s'arrête pas là, mais faire découvrir le Canada par nos dramatiques, nos reportages et notre musique en constitue l'élément fondamental.

Autrement dit, la technologie est l'instrument dont nous nous servons pour faire notre travail, mais il ne faut pas la confondre avec notre mission. Je ne veux pas donner l'impression que Radio-Canada a trouvé toutes les réponses aux questions soulevées par la nouvelle technologie. En effet, l'un des paradoxes auxquels nous sommes confrontés concerne le fait que nous devons maîtriser de nombreuses technologies en même temps alors même que nous nous concentrons sur les enjeux plus importants que sont la création et la distribution du contenu. La radiodiffusion hertzienne, la câblodistribution, les services spécialisés, les disques, les sites Web et d'autres outils comme les modems et les lignes numériques à paires asymétriques (ADSL) sont tous des moyens de pénétrer dans les foyers.

• 1130

Ce métissage des médias représente un défi pour un radiodiffuseur traditionnel comme Radio-Canada, étant donné que sa réputation et ses plus importants atouts sont étroitement liés à ses réseaux généralistes. L'héritage laissé par l'ancienne technologie reposait en partie sur notre intérêt pour le développement de matériel et d'outils servant à la réalisation et à la diffusion des émissions. Nous devons donc investir dans les nouvelles technologies tout en évitant les risques que présenterait une incursion trop hâtive dans des secteurs comme la télévision à haute définition.

Nous avons mené le jeu en matière de radio numérique, et nous substituons graduellement du matériel numérique aux éléments analogiques de la chaîne de production télévisuelle. La numérisation du dernier lien entre nos émetteurs et les téléspectateurs n'est qu'une question de temps. Toutefois, pour ce qui est de la télévision à haute définition, qui absorbe une partie importante de la largeur de bande et des budgets, nous devrions suivre la voie tracée par les Américains, compte tenu des enjeux énormes sur le plan du marketing, de la programmation et de la technologie. Nous les laisserons donc déterminer s'il existe un marché pour la télévision à haute définition. Cependant, nous les suivons de très près, nous les observons attentivement et nous pourrons démarrer rapidement dès qu'il le faudra.

[Français]

Je vous ai parlé tout à l'heure de la fragmentation des auditoires, une réalité avec laquelle les radiodiffuseurs ont dû apprendre à composer dans les années 1990. Ce fut pour eux un apprentissage difficile. Le phénomène n'a toutefois pas été perçu de la même façon par les auditeurs. En fait, pourquoi en aurait-il été autrement? Le public fait l'objet d'une cour assidue comme jamais auparavant de la part des programmateurs, des distributeurs, des fabricants de produits électroniques et des organismes de réglementation, chacun essayant de surpasser l'autre pour élargir le choix offert aux Canadiens.

Ironiquement, chaque point marqué dans cette rivalité pour élargir l'offre sur les ondes met à l'épreuve la politique canadienne de radiodiffusion et la réglementation qui la soutient. Nous avons abordé un peu plus tôt la question des défis que pose la technologie. À certains égards, ceux que soulève le mouvement général en faveur de la libéralisation des échanges commerciaux pourraient s'avérer d'autant plus sérieux. En effet, les instances canadiennes de réglementation et d'élaboration des politiques disposent d'un certain pouvoir sur l'avènement de nouveaux moyens de communication au pays, mais sur la scène internationale, les forces économiques et politiques en jeu sont d'un tout autre calibre.

[Traduction]

Je distingue à l'heure actuelle trois grands moteurs d'évolution: premièrement, la mise en oeuvre de l'ALENA et des autres traités abolissant les barrières protectionnistes; deuxièmement, le durcissement de la position de Washington à l'égard des efforts de ses vis-à-vis pour protéger leur culture nationale; troisièmement, et peut-être le plus puissant de ces trois facteurs, est l'existence d'une conjoncture internationale qui favorise la libre concurrence à l'heure de la mondialisation de l'économie.

L'ALENA et les autres traités multinationaux ont précipité l'abolition des mesures protectionnistes et font évoluer progressivement la conception que l'on se faisait de la culture propre à un pays. Ces traités ne remettent pas en cause le financement direct par les différents gouvernements d'activités purement culturelles, mais ils sont susceptibles de soulever des interrogations sur diverses pratiques, dont les subventions indirectes comme celles que le fédéral accorde au milieu de la production télévisuelle, et les mesures de protectionnisme, notamment l'interdiction d'accès au marché canadien dont sont frappés une multitude de réseaux de câblodistribution américains. Plusieurs gouvernements ont évoqué les principes du droit commercial international pour préserver au Canada le droit de soutenir la culture d'ici. Dans le domaine de la câblodiffusion, ils ont remporté de belles victoires jusqu'à présent, mais ils ne doivent pas baisser la garde.

Il est important de reconnaître, monsieur le président, qu'en tant qu'institution fédérale, Radio-Canada jouit en quelque sorte d'un rempart supplémentaire contre les assauts dirigés à l'endroit des politiques culturelles canadiennes. Si la Société disparaissait, les Canadiens perdraient du même coup l'un des rares instruments de défense de leur souveraineté culturelle que les lois régissant le commerce international admettent encore.

Il importe, lorsqu'on se penche sur ces questions, de bien comprendre la distinction entre culture et industries culturelles. Nos voisins du Sud donnent au concept de la culture une acception beaucoup plus étroite que nous ne le faisons. En l'absence totale de réglementation, les Américains, grâce à l'étendue de leur marché et à la force de leurs industries culturelles, disposent dÂune longueur d'avance sur leurs concurrents.

En ce moment, on assiste à un renversement de l'attitude à l'endroit du protectionnisme dans des domaines étroitement liés aux industries culturelles. Au début de 1997, des accords multilatéraux ont été conclus dans les secteurs des télécommunications et des technologies de l'information. L'Accord sur les technologies de l'information conclu en janvier 1997 visait à abaisser les barrières commerciales régissant la vente de matériel informatique. Un mois plus tard, un second accord venait libéraliser les services de télécommunications sous le régime de l'OMC et du GATS. Il y a quelques années à peine, de telles ententes auraient eu peu d'effets sur un secteur aussi fortement axé sur le contenu que celui de la radiodiffusion. Mais en cette ère de la convergence, les pressions exercées pour abolir les frontières dans un secteur finissent inexorablement par éroder le protectionnisme dans tous les secteurs convergents.

• 1135

Comme les frontières géographiques et politiques sont totalement impuissantes à freiner la progression des nouvelles technologies, c'est l'interaction entre les instruments de défense des politiques nationales et internationales qui prime. En fait, les politiques canadiennes élaborées sans tenir compte de la conjoncture internationale peuvent contribuer à accroître la vulnérabilité du Canada face aux mesures politiques et économiques adoptées par ses partenaires commerciaux.

Cette volonté d'ouvrir les frontières, qui menace certaines politiques culturelles établies, n'est pas le pur produit des facteurs économiques sous-tendant les échanges commerciaux. Au contraire, c'est la progression inexorable de la technologie, comme la télévision directe par satellite, qui a permis aux entreprises étrangères de traverser nos frontières et de contourner notre réglementation, même si le débordement de la zone de rayonnement du satellite ne faisait pas partie du plan d'action officiel des exploitants. Qui plus est, l'ubiquité et l'anonymat qui caractérisent Internet créent un contexte encore plus propice à l'effacement des frontières entre les pays.

Si l'on veut être juste, par ailleurs, il faut reconnaître que l'abolition des frontières est favorable aux producteurs canadiens de contenu désireux de percer le marché international. Le bilan des exportations qu'affichent les grandes maisons canadiennes de production cinématographique et télévisuelle est d'ailleurs fort éloquent à ce sujet. Nous souhaitons cependant rappeler aux membres du comité que ces succès ne doivent pas nous faire perdre de vue les problèmes sérieux que soulève la réussite du Canada dans le secteur mondial du divertissement.

D'abord, avant d'aller plus loin, permettez-moi d'établir une distinction entre la production d'émissions de télévision pour des raisons commerciales, c'est-à-dire rapporter des dividendes aux actionnaires, et celle motivée par des raisons d'ordre culturel, soit servir les intérêts du public et mettre en valeur la condition du citoyen canadien. Cette disparité dans les motivations premières des deux activités se reflète d'un côté dans la politique industrielle, et de l'autre dans la politique culturelle. Il y a tout un monde entre une production de facture canadienne, destinée à un public canadien, et une production réalisée au Canada qui déguise ses origines pour être plus facilement exportable.

Il n'y a rien de mal à faire de l'argent, créer des emplois et rehausser le prestige du Canada sur les marchés internationaux du film et de la télévision—au contraire! Toutefois, en ouvrant nos frontières, on accroîtra assurément la concurrence étrangère avec laquelle nos industries culturelles devront rivaliser. Par conséquent, les radiodiffuseurs privés canadiens risquent véritablement de perdre leur part du lucratif marché de l'importation d'émissions américaines pour diffusion au Canada. Il n'est donc pas étonnant que le secteur privé reconnaisse de plus en plus l'importance de faire de la production de contenu canadien une activité économiquement justifiable et non plus une simple obligation réglementaire.

Les politiques canadiennes en matière de radiodiffusion préconisent depuis longtemps la coexistence d'un secteur privé et d'un secteur public dynamiques et entreprenants. Pour ma part, je suis absolument convaincu que la disparition de l'un ou de l'autre serait une lourde perte. J'ai la conviction que cette coexistence du public et du privé sera tout aussi indispensable pour l'avenir. Les mécanismes de protection dont jouissent les radiodiffuseurs privés, comme la substitution de signaux en simultané, les aident à soutenir leurs efforts d'interfinancement de la production d'émissions canadiennes. Or, plus ces mécanismes sont remis en question, plus l'existence d'un radiodiffuseur public à but non lucratif, comme Radio-Canada, devient impérative pour le Canada, et plus sa mission, qui consiste à produire du matériel culturellement pertinent et de facture canadienne, revêt de l'importance.

Le Canada doit avoir un radiodiffuseur public dynamique, non seulement parce que les mesures protectionnistes qui soutiennent le secteur privé s'effritent, mais aussi parce que, quelle que soit l'issue des débats sur les échanges commerciaux, les radiodiffuseurs privés seront moins enclins que Radio-Canada à consacrer des ressources à des catégories d'émissions peu rentables. Il ne s'agit pas là d'une critique, mais d'une simple constatation: les buts qu'ils poursuivent et les principes auxquels ils obéissent diffèrent de ceux de Radio-Canada.

Nous admettons volontiers que les radiodiffuseurs, maisons de production et autres types d'entreprises apparentées à but lucratif méritent le soutien du gouvernement fédéral. Nous voulons seulement que l'on reconnaisse que les institutions culturelles comme Radio-Canada ont besoin d'une autre forme de soutien, qui ne repose pas sur le protectionnisme, mais plutôt sur un financement par la voie de crédits parlementaires et de mécanismes tels que le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes.

Quel usage devrions-nous faire des précieuses ressources que nous confient les contribuables? Nous entrevoyons deux tâches essentielles auxquelles il faudra nous consacrer tout en essayant de composer avec la mondialisation de l'économie et de comprendre les mécanismes intervenant dans l'ouverture des frontières. D'abord, nous devrons accroître la visibilité des productions canadiennes, surtout dans le domaine de la radiodiffusion. Puisque nous ne pouvons plus restreindre l'accès de notre marché à la concurrence étrangère, nous devons assurer une présence tous azimuts—dans les services de radiodiffusion classiques, dans les services spécialisés et les services audionumériques payants, dans le cyber espace, et par l'intermédiaire de tout autre moyen de communication qui pourrait être développé au cours des prochaines années.

• 1140

Deuxièmement, nous devons prendre tous les moyens à notre disposition pour rehausser la qualité de notre programmation résolument canadienne. Pour y parvenir, il nous faudra pouvoir compter sur le financement public, car ce genre d'émissions est peu susceptible de trouver preneurs chez les acheteurs américains. La qualité des émissions que nous produirons devra cependant leur permettre de rivaliser avec les autres produits offerts au public canadien—il est vain de penser que les auditeurs se précipiteront à notre antenne par pur sens du devoir.

Compte tenu de l'hégémonie américaine dans les milieux internationaux du cinéma et de la télévision, il ne sera pas facile d'élargir notre linéaire, mais Radio-Canada peut y arriver, pourvu qu'elle ait les ressources et la souplesse d'exploitation dont elle a besoin. Il faudra notamment qu'elle puisse accroître ses points de distribution à la fois dans les médias réglementés, comme les services de télévision spécialisés, et dans ceux qui ne le sont pas, comme le Web.

Parlons maintenant de l'évolution socio-démographique du Canada.

Tandis que Radio-Canada complétait sa métamorphose, le Canada poursuivait, lui aussi, son évolution. Les métropoles affichent une diversité culturelle plus grande que jamais, et les centres urbains continuent de s'étendre. L'effet du baby-boom se fait encore sentir, mais les générations plus jeunes et moins denses qui suivent cette couche de la population ont des rapports totalement différents avec leur culture.

Je me réjouis grandement de la promotion du multiculturalisme sur nos ondes. Nous avons amélioré la représentation des groupes culturels à l'antenne autant qu'en coulisse. En fait, nous venons de lancer une nouvelle émission bi-hebdomadaire sur Radio One intitulée Out Front. Cette émission consacrée aux nouveaux visages de la musique diffusera à des moments précis ce qui se fait de mieux sur la scène internationale.

Nous ne pourrons cependant nous arrêter là, surtout pour ce qui est de notre objectif d'attirer les jeunes. Leur vision du monde est fortement influencée par leur expérience directe du multiculturalisme et souvent du bilinguisme. Je sais qu'il faut faire plus pour être sur la même longueur d'ondes que la population canadienne d'aujourd'hui. Comme la moyenne d'âge de notre public traditionnel dépasse celle de la population en général, nous devrons trouver de nouvelles façons d'attirer les jeunes et de conserver leur intérêt si nous voulons être encore pertinents demain. Les nouvelles technologies nous aideront dans cette entreprise de séduction du groupe de 18 à 35 ans, en nous donnant de nouveaux moyens de mieux servir ce marché convoité.

[Français]

Quel doit être le rôle du gouvernement?

Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, le gouvernement, en mettant en oeuvre des mécanismes de soutien novateurs tels que le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, contribue énormément à l'épanouissement d'une culture riche et florissante au pays. Nous souhaitons qu'il accentue ses efforts en ce sens pour soutenir d'autres secteurs de l'industrie qui contribuent à la qualité des produits culturels canadiens. La création d'un fonds d'aide à la production et à la distribution de longs métrages permettrait à ce genre cinématographique de prospérer. Nous avons déjà fait part au gouvernement de notre désir de voir l'industrie canadienne du film connaître le succès qu'elle mérite, et nous sommes prêts à faire tout en notre pouvoir pour l'aider.

Je crois que la création d'un tel fonds aurait un effet bénéfique sur le secteur des nouveaux médias, car s'il est un marché où la notion de frontières perd tout son sens, c'est bien celui des nouveaux médias. En nous dotant d'un fonds voué à la production de matériel et de services défendant haut et fort les couleurs du Canada, mais dotés d'un attrait indéniable pour les marchés internationaux des nouveaux médias, nous assurerions au moins à nos enfants un lien avec leur patrimoine culturel, qui est d'une grande richesse. Il est certain que ce fonds faciliterait grandement la création de contenu de langue française et renforcerait un secteur d'activité qui commence à poindre au Canada. Radio-Canada est un créateur important de contenu français et elle est prête à aider le gouvernement à accroître la place de cette langue en général sur l'Internet, et celle en particulier du matériel canadien d'expression française.

[Traduction]

Par ailleurs, le gouvernement doit exercer son pouvoir de réglementation pour soutenir les industries culturelles nationales en ces temps de profond changement. Il a notamment un rôle de premier plan à jouer dans le domaine du droit d'auteur et de l'attribution des fréquences du spectre.

Enfin, en ce qui concerne Radio-Canada, il importe que le gouvernement et le Parlement continuent de conférer à cette institution le statut d'organisme de radiodiffusion publique au service de l'ensemble des Canadiens. Il est essentiel pour cette institution journalistique et culturelle que les auditeurs soient convaincus de la crédibilité et de l'intégrité des émissions qu'elle présente. Si cette confiance ne lui est pas acquise, elle perd toute pertinence.

• 1145

Tout tient à la perception que le public a de la Société: la voit-il comme un organe de radiodiffusion publique et par là, comme un instrument au service de la démocratie, ou comme un organe de radiodiffusion d'État, et donc un instrument au service de la bureaucratie? Le Parlement a d'ailleurs pris la précaution de consacrer dans la loi l'indépendance de Radio-Canada à l'égard du gouvernement. Il doit maintenant continuer d'honorer ce principe pour préserver le droit du public canadien à un service de radiodiffusion public de première qualité en matière de journalisme et de divertissement, de l'avis non seulement des Canadiens mais des pays du monde entier.

Voilà donc notre point de vue sur les questions que vous nous avez demandé d'aborder aujourd'hui. Nous avons connu des heures difficiles, mais la vision que nous avions des moyens d'assurer notre avenir et le courage de nos employés face aux changements qui s'imposaient, nous ont permis de réussir. Dans l'ensemble, les défis que doivent relever tous ceux qui croient à la culture canadienne sont similaires: c'est avec une vision précise de la voie à emprunter et le courage de s'y engager que nous réussirons, en dépit de l'incertitude de l'avenir.

Merci, monsieur le président. Mes collègues et moi serions ravis de répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Monsieur Beatty, au nom du comité, je tiens à vous remercier de cette analyse approfondie de ce que vous considérez comme le rôle de Radio-Canada par rapport au sujet de notre étude, c'est-à-dire l'avenir de la culture canadienne. Les nombreux défis et questions que vous avez soumis à notre examen annoncent l'avènement de la nouvelle ère des satellites, d'Internet et de la technologie numérique.

De plus, vous avez fait le lien entre ce phénomène-là et l'ouverture des marchés mondiaux en général, en disant que nous avons tout de même de bonnes raisons d'être contents de l'arrivée de ces nouvelles technologies avec tout ce qu'elles nous apportent, même si elles nous mettent au défi de préserver notre patrimoine, c'est-à-dire notre identité et notre culture canadiennes. L'autre défi que nous avons à relever concerne l'évolution socio-démographique de notre pays, puisque le Canada devient de plus en plus multiculturel.

[Français]

Votre analyse s'avérera très utile pour nous et facilitera la démarche que nous avons entreprise. Nous retiendrons certainement votre souhait que Radio-Canada et CBC continuent d'être un diffuseur public plutôt qu'un diffuseur d'État. Je tiens à vous remercier encore une fois de votre présence et à vous dire que j'appuie vos remarques au sujet du travail extraordinaire qu'ont accompli Radio-Canada et CBC pendant la tempête de verglas et leurs efforts de sensibilisation auprès des populations des régions affectées. J'ai été témoin des diffusions qui ont été presque continues et qui nous ont beaucoup aidés dans les circonstances.

Je voudrais ouvrir la période de questions.

[Traduction]

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.

Monsieur Beatty, comme vous le savez certainement, le Parti réformiste est d'avis qu'une restructuration complète de la SRC serait avantageuse pour la culture canadienne, et préconise depuis longtemps la privatisation du volet télévision de la SRC. Ce n'est pas parce que nous voyons la Société d'un mauvais oeil, même si, sous prétexte de divertir la population canadienne, cette dernière se permet d'afficher sa prévention contre notre leader, en le traitant de fasciste et de démagogue... Vraiment, lancer ce genre d'attaques venimeuses sous prétexte de faire de la satire, c'est déformer le sens des mots; qui plus est, employer ce terme pour décrire mon leader revient à insulter tous ceux qui ont été les victimes du fascisme. Je trouve ça tout à fait inadmissible. Mais passons à autre chose.

À notre avis, le volet télévision de la SRC, à la différence du volet radio, n'offre plus à la population canadienne un service unique qu'on puisse facilement distinguer de celui du secteur privé. Même si vous allez prétendre que vous présentez plus d'émissions canadiennes que vos concurrents, nous savons tous très bien que vos plus grands succès, tels que Hockey Night in Canada, la couverture des Jeux olympiques, This Hour Has 22 Minutes, The Royal Canadian Air Farce, ou encore Venture, par exemple, intéressent beaucoup le secteur privé. En fait, je crois même savoir que l'émission The Royal Canadian Air Farce aurait fait l'objet d'une guerre d'enchère.

Ma question est donc la suivante: pourquoi demandons-nous aux contribuables canadiens de financer le volet télévision de la SRC, à un coût de plusieurs centaines de millions de dollars? En quoi le fait de présenter ces émissions cadre-t-il avec votre mandat, qui consiste à offrir à la population canadienne un service unique qu'elle ne peut obtenir ailleurs, surtout que des radiodiffuseurs privés voudraient acquérir ces émissions?

L'hon. Perrin Beatty: Merci beaucoup, monsieur Abbott. Je vais essayer de répondre à votre question.

• 1150

D'abord, bon nombre des émissions que vous avez mentionnées sont en fait celles qui génèrent le plus de revenus pour la Société. Si nous décidions de les abandonner au secteur privé, la SRC se retrouverait avec les émissions les plus coûteuses, du point de vue des coûts de diffusion et de production. Ainsi nous perdrions les émissions qui ont connu le plus de succès en ce sens qu'elles offrent un bon rendement de l'investissement des contribuables.

Mais vous avez tout à fait raison: il est évident que les entreprises à but lucratif seraient ravies d'acquérir nos émissions rentables. Mais seraient-elles également disposées à assumer la responsabilité d'une vaste gamme de services qu'offre actuellement la SRC, services qui ne sont pas rentables, mais que nous assurons parce que le marché ne comble pas ces besoins? Serait-elle intéressée à diffuser certaines de nos émissions culturelles, par exemple, qui ne vont pas susciter l'intérêt d'un public massif d'un bout à l'autre du pays—nous le savons fort bien—mais qui sont tout de même importantes puisqu'elles permettent d'exposer la population canadienne à divers aspects de la culture?

Seraient-elles prêtes à faire le même investissement que la Société dans leurs activités journalistiques? À mon avis, non, et nous en avons déjà la preuve.

Il y a deux approches possibles. La première suppose que cela ne vaut pas la peine de préserver les activités qui ne suscitent pas l'intérêt d'un public considérable et que la population canadienne devrait donc se résigner à les perdre. Mais à mon avis, la plupart des Canadiens ne seraient pas d'accord avec une telle approche.

L'autre suppose que la SRC se contenterait de devenir un radiodiffuseur de dernier recours, c'est-à-dire qu'on lui réserverait les activités qui n'intéressent personne d'autre. Il en résulterait une hausse considérable des coûts pour les contribuables canadiens, de telle sorte que nous serions obligés de demander des crédits plus substantiels au Parlement.

Comme je l'ai déjà indiqué, nous aurons cette année des revenus commerciaux d'environ 411 millions de dollars. Si nous avons connu un tel succès, c'est parce que nous avons réussi à produire des émissions qui sont très appréciées. Nous avons réussi à générer des recettes grâce à la vente de nos émissions, à la publicité, aux droits de câblodistribution et à d'autres activités également.

Il importe à mon avis que la SRC soit un radiodiffuseur généraliste, qui appartient à tous les Canadiens, et qui présente des émissions qui intéressent les Canadiens. Nous ne voulons surtout pas devenir un radiodiffuseur de dernier recours. Et je suis fermement convaincu, monsieur Abbott, que la programmation de la SRC, qui ne serait reprise par le secteur privé, non pas parce qu'elle n'est pas bonne ou n'a aucune valeur mais tout simplement parce qu'elle ne génère pas d'importantes recettes commerciales, n'ayant qu'un public limité, profite énormément encore à l'ensemble de la population canadienne.

M. Jim Abbott: Peut-être pourrions-nous parler justement du reportage présenté par The National au cours des deux derniers soirs; c'était un reportage sur le Vietnam 30 ans plus tard. Pourriez-vous m'expliquer où se trouve le rapport avec la culture canadienne? Le choix du sujet, c'est vous qui le faites.

Autrement dit, pourquoi continuons-nous à dépenser des centaines de millions de dollars pour les émissions télévisées de la SRC alors que celle-ci n'offre rien de plus que les émissions du secteur privé, surtout que la Société a de toute évidence ses propres priorités politiques et ne cherche pas à les cacher—bien au contraire?

L'hon. Perrin Beatty: Parlons justement de l'exemple que vous venez de citer; pour ma part, j'ai trouvé ce documentaire sur My Lai, quelque 30 ans plus tard, extrêmement intéressant. Pour moi, c'était ce qui se fait de mieux en journalisme. C'est justement le genre de chose que seul le radiodiffuseur public peut offrir.

Vous dites que nous faisons double emploi avec le secteur privé, mais où sont vos exemples? Avez-vous vu quelque chose de comparable qui aurait été produit par le secteur privé?

M. Jim Abbott: Je vous demande simplement de me dire en quoi c'est lié à la culture canadienne. Vous nous dites essentiellement que si le volet télévision de la SRC doit continuer d'exister et que les contribuables canadiens doivent continuer d'affecter des centaines de millions de dollars à cette activité-là, c'est pour soutenir la culture canadienne. Je ne vous parle pas uniquement de cette émission-là; ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

L'hon. Perrin Beatty: Monsieur Abbott, le rôle de nos journalistes ne consiste pas uniquement à faire des reportages sur des activités ou des caractéristiques canadiennes, mais aussi de permettre aux Canadiens de savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde. À mon avis, les Canadiens s'intéressent à ce qui se passe en dehors de leurs frontières. Et j'estime que ce reportage sur My Lai 30 ans plus tard était tout à fait superbe, et j'en suis très fier.

La semaine dernière, j'ai rencontré nos correspondants à l'étranger. Pour moi, offrir à la population canadienne l'occasion de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde et d'obtenir une interprétation canadienne des événements mondiaux est extrêmement important, et je pense que la grande majorité des Canadiens seraient d'accord avec moi.

M. Jim Abbott: Mais vous concurrencez directement le secteur privé. Vous parliez tout à l'heure des Jeux olympiques, par exemple; vous allez dépenser 22 millions de dollars, soit une augmentation de 37 p. 100 par rapport à Nagano, pour obtenir les droits de diffusion des Jeux olympiques depuis Salt Lake City.

Corrigez-moi si je me trompe—c'est surtout une question que je vous pose—mais j'ai cru comprendre que dans le cadre de l'appel d'offres pour les droits de diffusion des Jeux olympiques d'Atlanta, la Société Radio-Canada, qui est financée par les deniers publics, a présenté une offre beaucoup plus élevée que CTV pour être sûre d'obtenir les droits. Autrement dit, à titre de société financée par l'argent des contribuables canadiens, vous avez fait une offre plus élevée que celle du secteur privé, qui aurait pu avoir les mêmes recettes publicitaires que vous et aurait même fait un profit plus ou moins équivalent, sans doute, aux recettes fiscales qui permettent de financer votre société.

• 1155

L'hon. Perrin Beatty: Excusez-moi; parlez-vous des Jeux olympiques de Nagano ou de...

M. Jim Abbott: Là je parle des Jeux olympiques d'Atlanta.

L'hon. Perrin Beatty: Parlons justement des Jeux olympiques en général. Notre objectif, au moment de faire une offre pour diffuser les Jeux olympiques, c'est d'être absolument sûrs de rentrer dans nos frais. Nagano est l'exemple le plus récent. Au cas...

M. Jim Abbott: Mais pourquoi faites-vous des offres plus élevées que le secteur privé?

L'hon. Perrin Beatty: Excusez-moi, mais...

M. Jim Abbott: Voilà la question que je vous pose.

Le président: Monsieur Abbott, si vous voulez poser une question à M. Beatty, donnez-lui au moins le temps de vous répondre.

M. Jim Abbott: Excusez-moi. Merci de me l'avoir rappelé, monsieur le président.

L'hon. Perrin Beatty: Monsieur Abbott, comme je l'indiquais dans mes remarques liminaires, notre objectif commercial, dans le cas des Jeux olympiques de Nagano, par exemple—était de rentrer dans nos frais et donc de ne pas utiliser même un sous de notre crédit parlementaire à cette fin. Et je crois que nous avons réalisé cet objectif.

Nous avons employé la même méthode en présentant une offre pour les cinq Jeux olympiques, et nous l'avons emporté en présentant une offre comparable à celle de nos concurrents du secteur privé, dont l'analyse commerciale était sensiblement la même que la nôtre. De l'avis du CIO, notre offre était préférable, même si les montants étaient plus ou moins semblables, à celle de notre concurrent privé.

Mais prenons quelques instants pour parler de la question des Jeux olympiques. À mon avis, il est tout à fait approprié que la SRC diffuse les Jeux olympiques. Si une partie de notre rôle consiste à raconter des histoires canadiennes, eh bien les histoires de jeunes athlètes canadiens sont tout aussi appropriées et intéressantes que celles qui portent sur d'autres aspects de la vie au Canada. S'il y a un moment où nous, les Canadiens, acceptons de mettre de côté nos doléances régionales et de nous voir comme un seul pays et un peuple solidaire, c'est bien lors des Jeux olympiques. À mon avis, on pourrait difficilement trouver un autre type d'émissions qui serait davantage du ressort du radiodiffuseur public national.

Et n'oublions pas que chaque fois qu'on fait des comparaisons entre notre couverture et celle d'autres radiodiffuseurs au Canada et dans le monde—notamment celle de nos voisins du Sud—d'après ce que j'ai pu voir, notre couverture est systématiquement jugée supérieure. Nous offrons en effet une couverture exceptionnelle, et il convient parfaitement que ce soit la SRC qui diffuse les Jeux olympiques.

M. Jim Abbott: En ce qui concerne votre couverture télévisée des sports en général, sans vouloir vous contredire, je pense que si on prend l'exemple des Jeux du Canada, le fait est que TSN, qui est une entreprise privée, a fait un travail bien supérieur que la SRC en couvrant les Jeux du Canada. Donc, je ne suis pas du tout d'accord avec vous.

L'hon. Perrin Beatty: Et c'est votre droit, monsieur Abbott. Mais vous avez changé de sujet; nous parlions, bien entendu, des Jeux olympiques.

Vous serez certainement content de savoir que nous allons présenter une offre conjointe pour les Jeux olympiques avec notre partenaire Netstar. Par conséquent, pour les cinq prochains Jeux olympiques, Netstar sera notre partenaire. À mon avis, c'est avantageux pour nous deux.

Je crois que M. McCoubrey voudrait ajouter quelque chose.

M. James McCoubrey (vice-président-directeur et chef de l'Exploitation, Société Radio-Canada): Vous posez une bonne question, monsieur Abbott, et nous reconnaissons que beaucoup de gens comprennent mal la situation.

Si nous avons pu faire une offre plus élevée que le secteur privé, ou du moins une offre aussi élevée que le secteur privé, et être le soumissionnaire retenu, en raison de la qualité de notre couverture, c'est parce que nous avons la possibilité, en diffusant les Jeux olympiques pendant les heures de grande écoute ou en direct, de récolter des recettes publicitaires plus importantes que le secteur privé, qui hésite à sacrifier sa programmation de pointe, étant donné que c'est celle qui rapporte le plus de profits aux entreprises privées. Il s'agit en général de programmation américaine. Elle profite du fait que les câblodistributeurs peuvent remplacer le signal américain par leur signal, de telle sorte qu'elles obtiennent des recettes intégrales pour l'ensemble du territoire d'écoute visé par les signaux d'origine américaine et canadienne.

Interrompre notre programmation de pointe pour diffuser les Jeux olympiques pendant les heures de grande écoute nous pose moins de problèmes. Par conséquent, nous pouvons offrir un public beaucoup plus important pour les Jeux olympiques et générer en conséquence des recettes publicitaires plus importantes. Il y a également d'autres facteurs, bien entendu, mais sur le plan commercial, je dirais que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous jouissons d'un avantage commercial par rapport au secteur privé.

[Français]

Le président: Je voudrais rappeler aux membres du comité quel est le rôle de notre comité.

[Traduction]

La SRC est tout à fait indépendante du gouvernement. Il appartient donc à la Société de déterminer quelle sera sa programmation. Ce n'est pas à nous de lui dire quelles émissions elle devrait diffuser. C'est au Parlement de déterminer en fin de compte si la SRC fait du bon travail et de lui accorder des crédits parlementaires en conséquence, mais en ce qui nous concerne, nous n'avons absolument rien à dire au sujet de la programmation.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je me permettrai de faire un commentaire et de poser quelques questions.

D'abord, je me réjouis de constater que CBC est très consciente que la culture canadienne ne se limite pas à ce qui se passe au Canada et ne nous envoie pas dans un éteignoir. Elle est consciente qu'il est très intéressant, au niveau de la culture canadienne, de savoir ce qui se passe ailleurs. À cet égard, je me permets d'être en désaccord avec M. Abbott et je vous encourage à continuer à nous offrir une ouverture sur le monde, surtout compte tenu de la conjoncture où nous nous trouvons et de la mondialisation.

• 1200

Je voudrais vous poser une question sur les Olympiques. Dans la plupart des pays du monde, toutes les télévisions se mettent maintenant ensemble. Tel fut le cas dans la Communauté européenne et au Japon. Il ne reste que deux pays au monde où on mène une forte compétition pour couvrir les Jeux olympiques et où on fait monter les enchères: ce sont le Canada et les États-Unis. Aux États-Unis, ça se comprend parce que la collectivité américaine est plutôt individualiste. Mais au Canada, il me semble que votre association avec les réseaux TSN et RDS aurait pu aller plus loin et que vous auriez pu impliquer davantage l'ensemble des réseaux. Puisque personne n'aurait eu à faire la concurrence, le Canada aurait pu dire qu'il était prêt à payer 100 millions de dollars pour les Jeux olympiques, point final, et son offre aurait été acceptée. Il n'aurait pas été forcé de débourser 60 millions de dollars de plus au cours des 10 prochaines années.

Nous avions parlé longuement d'un partenariat accru avec l'entreprise privée quand il était le temps de sauver Radio-Canada. On a fait un effort de ce côté-là, par exemple au niveau de la production d'émissions dramatiques. C'est louable. Mais vous êtes pris avec un deal de 10 ans, À l'avenir, ne pourriez-vous pas songer à élargir ce partenariat et à inclure tous les producteurs de compagnies de télévision qui veulent faire un deal moins coûteux dont pourrait bénéficier le Canada?

M. Perrin Beatty: Madame Tremblay, nous avons fait de bons progrès en établissant des partenariats avec le secteur privé. Nous avons plus de partenariats avec le secteur privé que jamais auparavant, que ce soit dans la production de notre programmation ou dans nos applications pour les chaînes spécialisées dans les autres activités. Je vois ces partenariats comme un instrument important pour notre avenir. Quant aux Jeux olympiques, nous avons établi avec Netstar un partenariat qui s'avérera très utile pour tout notre auditoire.

La possibilité d'une alliance des radiodiffuseurs comme celle que vous proposez soulève des questions juridiques et autres. D'une part, nous sommes réglementés par la Loi sur la concurrence et, d'autre part, le Comité international olympique résiste très fermement aux efforts que pourraient faire les radiodiffuseurs en vue d'un partenariat pour éliminer la concurrence.

Mme Suzanne Tremblay: C'est bien évident.

M. Perrin Beatty: Oui. Ces initiatives ont eu un grand succès dans les autres pays. C'est pourquoi nous avons établi un partenariat avec le secteur privé, mais nous n'avons pas essayé d'éliminer toute concurrence. Nous prévoyons toutefois un partenariat élargi avec le secteur privé. C'est essentiel pour nous.

Mme Suzanne Tremblay: Lorsque nous étions à Nagano et que nous avons rencontré, en compagnie de Mme Copps, l'ensemble des journalistes à la maison de la presse, il a été fortement question de Radio-Canada et de tous les problèmes qu'il y avait entre les anglophones et les francophones, entre la radio et la télévision, entre le secteur des nouvelles et le secteur des sports. C'est le principal sujet dont on a débattu pendant un gros quart d'heure. Il semble y avoir eu beaucoup de mécontentement de ce côté-là. Même si nous devons éviter de nous ingérer dans votre gestion, êtes-vous en mesure de vous engager moralement devant les membres du comité à procéder à une petite enquête—non pas une enquête judiciaire, mais plutôt une espèce d'étude de la situation—de façon à ce que cela ne se reproduise pas lors des Jeux olympiques à venir? Puisque vous avez établi des partenariats, si des chicanes devaient continuer à l'intérieur de Radio-Canada, la situation serait d'autant plus difficile à gérer en présence de vos nouveaux partenaires supplémentaires, TSN et RDS.

• 1205

Il semble qu'il y a une discrimination négative à l'égard des francophones et à l'égard de la radio, et qu'il y a un gros problème entre le service des nouvelles et le service des sports. Pouvez-vous vous engager à déterminer dans quelle mesure les plaintes qu'on a entendues sont fondées?

M. Perrin Beatty: Lorsque j'étais à Nagano, j'ai eu l'occasion de rencontrer tous nos employés, tant du côté francophone que du côté anglophone. J'ai constaté qu'il y avait une bonne collaboration entre les deux services. Il y a toujours des façons d'améliorer cette collaboration et nous avons l'intention de faire tout ce qui est possible pour devenir plus efficaces et encourager une meilleure collaboration. À mon avis, notre couverture des Olympiques, tant sur le côté français que sur le côté anglais, a été magnifique.

Mme Suzanne Tremblay: Permettez-moi de vous interrompre, monsieur Beatty. Je ne faisais pas allusion à la couverture, mais plutôt à des exemples de mesquinerie, par exemple lorsqu'on accordait des espaces de stationnements aux anglophones et aux équipes de la télévision plutôt qu'à celles de la radio.

Lorsque nous y sommes allés, c'était magnifique. L'atmosphère était extraordinaire. On était des visiteurs. Lorsque des visiteurs viennent, on se comporte comme du monde. Il semble toutefois qu'au niveau du travail quotidien, il y avait des problèmes entre les équipes. Pourriez-vous voir dans quelle mesure ces plaintes sont fondées?

M. Perrin Beatty: Je ne puis répondre précisément au sujet du stationnement des véhicules, mais puisque vous avez soulevé cette question, je serai très heureux de demander à nos vice-présidents de me dire quels sont les faits. En tout cas, nous avons l'intention d'encourager une collaboration très étroite entre nos services français et anglais. Cette responsabilité incombe à M. McCoubrey, qui est responsable de tous les médias. C'est notre priorité. Je sais que c'est une priorité pour M. McCoubrey.

Mme Suzanne Tremblay: Une toute petite question. Est-ce que la Société est soumise à la Loi sur les langues officielles?

M. Perrin Beatty: Oui.

Mme Suzanne Tremblay: Pour votre gouverne, lors d'une séance du sous-comité des sports, CBC nous a présenté un document uniquement en anglais, tandis que la SRC nous a présenté un document uniquement en français. Il s'agissait donc de deux documents différents. Je voulais vous le signaler pour éviter que cela se reproduise.

M. Perrin Beatty: Je vous remercie d'avoir soulevé cette question.

Mme Suzanne Tremblay: Merci. C'est tout pour l'instant.

[Traduction]

Le président: Avant de passer la parole à Mme Lill, je voulais simplement dire aux membres du comité que nous aurons l'occasion d'examiner les prévisions budgétaires et si nous voulons nous pencher sur l'aspect administratif de la SRC—c'est- à-dire ce qui marche et ce qui ne marche pas au niveau de l'administration—peut-être devrions-nous inviter les représentants de la Société à revenir une autre fois. Par contre, j'aimerais qu'on se concentre aujourd'hui sur le sujet de notre étude, c'est-à-dire les trois questions clés, parce que nous avons aujourd'hui l'occasion de demander aux dirigeants de la Société de nous définir en quelque sorte la culture canadienne. Il s'agirait donc de s'en tenir à l'aspect culturel.

Voilà. Je voulais simplement vous faire cette proposition.

Madame Lill.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): M. Beatty va pouvoir se reposer pendant quelques instants parce que je voudrais vous poser une question. Je me demande pour quelle raison la photo du chef du parti de M. Abbott se trouve accroché au mur...

Des voix: Oh, oh.

Mme Wendy Lill: ... et je me demande si c'est vraiment approprié. Toutes les autres semblent être des photos d'archives...

Une voix: Elle le sera certainement bientôt!

Des voix: Oh, oh.

Mme Wendy Lill: ... et je me demande donc pour quelle raison la photo de Preston Manning se trouve dans cette salle. C'est une simple question. Cette salle est une salle publique et je me demande... Peut-être savez-vous déjà la réponse.

Le président: Non.

Mme Suzanne Tremblay: Moi, si.

[Français]

C'est une salle de caucus.

[Traduction]

Nous sommes dans leur salle de caucus.

Mme Wendy Lill: Ah, bon?

Mme Suzanne Tremblay: Ils peuvent la décorer comme ils veulent.

Mme Wendy Lill: Je comprends. Alors nous sommes dans la salle de caucus...

Mme Suzanne Tremblay: Ils n'ont rien d'autre pour décorer les murs.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Maintenant vous savez ce qui a inspiré la question de M. Abbott.

Des voix: Oh, oh.

Mme Wendy Lill: Oui, je comprends. Eh bien... j'ai eu ma réponse. Merci.

Monsieur Beatty, je voudrais vous poser une question. Vous êtes président de la SRC. Étant donné que tout le monde demande sa part des dividendes de la lutte contre le déficit, je me demande pourquoi vous n'avez pas demandé l'annulation des réductions budgétaires prévues pour le 1er avril.

• 1210

Dans cet ordre d'idée, je me permets de citer l'exemple du Conseil de recherches médicales du Canada, qui est assez semblable à la SRC du point de vue de sa structure. En tant qu'important organisme fédéral, il a un mandat important à remplir. Eh bien, le budget du Conseil a été coupé tout comme celui de la SRC. Les responsables du Conseil ont monté une grande campagne qui leur a permis de récupérer environ 100 millions de dollars. On peut se demander dans quelle mesure vous vous battez pour défendre le budget de la SRC. Voilà la question que je vous pose.

L'hon. Perrin Beatty: Merci d'avoir soulevé la question, car au cours des trois dernières années, la position de la SRC, et ma position à moi, en tant que président-directeur général—a toujours été très claire. Nous avons effectivement exhorté le gouvernement à exonérer la Société de certaines réductions budgétaires. Mais une fois que le gouvernement fixe notre budget, nous avons l'obligation légale de nous assurer que nous sommes en mesure de supporter nos dépenses et de vivre selon nos moyens, conformément à la décision du Parlement.

Nous avons déjà prouvé qu'il nous serait impossible de devenir plus efficaces, même si nous continuions de chercher de nouveaux moyens de rehausser notre efficacité. Nous continuons aussi à réclamer un niveau de financement suffisant pour la Société, mais il reste que nous avons l'obligation de mener nos activités selon les crédits parlementaires que vous nous accordez. Jusqu'à présent, nous avons réussi à le faire.

Mais comme je le disais tout à l'heure, un de nos objectifs est de nous assurer que le radiodiffuseur public dispose de crédits suffisants pour faire le travail qui doit être fait au Canada. La Société représente en effet l'un des rares instruments durables dont peuvent se prévaloir les Canadiens en vertu du droit commercial et dans le contexte de l'évolution technologique, pour promouvoir et renforcer la culture canadienne.

Mme Wendy Lill: Pour ma part, j'estime que les crédits actuellement accordés à la SRC sont insuffisants et compromettent la capacité de cette dernière de remplir son mandat. J'aimerais d'ailleurs qu'on en discute un peu plus, avant que je vous pose une question.

Quand on commence à réduire les budgets et à encourager les partenariats entre le secteur public et le secteur privé, on favorise obligatoirement les impératifs de l'industrie vous l'avez dit vous-même, d'ailleurs. Vous avez beaucoup insisté pour avoir le Fonds de développement de la production d'émissions canadiennes, qui joue d'ailleurs un rôle très important à l'heure actuelle, étant donné que le montant de la réduction budgétaire de la SRC équivaut au montant des crédits injectés dans le Fonds.

Nous assistons par conséquent à un changement de contenu au sein de la SRC: cette dernière néglige de plus en plus certaines activités très importantes, comme l'actualité et les informations, en faveur des dramatiques. Je trouve cela tout à fait regrettable.

Je me demande aussi quelles en sont les conséquences pour les nouveaux artistes? Qu'arrive-t-il alors à ceux et celles que vous prétendez protéger, à savoir les personnes qui expriment ce qu'est le Canada. Plusieurs animateurs d'émissions de radio—et j'en connais un certain nombre—m'ont dit qu'Ashley McIssac, Bryan Adams, et tous ces merveilleux artistes dont nous disons qu'ils peuvent rivaliser avec les artistes du monde entier sans bénéficier de la moindre aide, n'auraient jamais connu autant de succès s'ils n'avaient pas pu accéder aux émissions de radio de l'après-midi de la SRC.

Le fait est qu'elles ne sont plus du tout pareilles. Elles n'ont pas suffisamment de ressources et ne disposent pas de fonds pour développer les nouveaux talents et permettre aux artistes canadiens de s'exprimer.

Ma question concerne la réalité actuelle dans ce domaine, et le fait que nous ne disposons plus, pour le moment, que d'une demi-heure, c'est-à-dire celle consacrée à l'émission de la SRC intitulé Canadian Reflections. Cette émission est diffusée le vendredi à 15 heures. Elle offre la seule occasion pour les cinéastes indépendants de présenter leurs oeuvres aux Canadiens.

Est-ce tout ce que nous sommes disposés à faire pour les nouveaux artistes au Canada? Si la SRC est vraiment résolue à permettre aux nouveaux artistes de s'exprimer, seriez-vous en faveur de l'établissement d'un fonds pour les nouveaux créateurs? Seriez-vous disposé à trouver du temps d'antenne pour les nouveaux créateurs—et quand je dis du temps d'antenne, je parle évidemment d'un créneau plus intéressant que le vendredi après- midi à 15 heures?

L'hon. Perrin Beatty: Vous m'avez posé de nombreuses questions. Je vais essayer de vous donner des réponses aussi succinctes que possible.

D'abord, est-il vrai de dire que nous sacrifions le journalisme sérieux en faveur des dramatiques? À mon avis, non; mais par contre, je ne dirai jamais, surtout à vous, qu'il n'est pas essentiel d'accroître la présence de dramatiques canadiennes à la télévision canadienne. À cet égard, la situation actuelle est même préoccupante, à mon avis, il s'agit en réalité d'une catégorie d'émissions qui est sous-représentée dans le secteur de la radiodiffusion canadienne. Et je vous assure que nous sommes résolus à faire ce que nous pouvons pour rectifier la situation.

Est-ce que l'existence du Fonds nous fait négliger le journalisme en faveur des dramatiques? Non. Nous continuons à offrir une grille horaire équilibrée, à mon avis.

À certains égards, vous me mettez dans une situation difficile. Si vous me demandez si j'aurais besoin de plus d'argent et si je pourrais en faire un bon usage, ma réponse est nécessairement oui. Si vous me demandez si les trois dernières années ont été des années douloureuses pour nous tous à la SRC, ma réponse serait, encore une fois, oui. Si vous demandez si j'ai l'intention de continuer à soutenir, maintenant que nous avons un plancher, qu'il ne convient pas de nous imposer un plafond, encore une fois, ma réponse serait oui. Il est sûr et certain que nous allons le faire. Allons-nous également chercher de nouveaux moyens de servir les artistes canadiens et de conserver nos auditoires? Bien sûr. Nous ferons tout notre possible pour y arriver.

• 1215

Mais n'oublions pas ce qui a été réalisé au cours des trois dernières années et dans quelle situation nous nous retrouvons actuellement. Le fait est que nous n'avons pas fermé une seule station en essayant de régler le problème de notre manque à gagner de 400 millions de dollars. Toutes nos stations sont restées ouvertes, à la différence de ce qui a été fait quelques années auparavant, lorsqu'il a été décidé, si je ne m'abuse de fermer neuf stations au Canada, alors que le manque à gagner de l'époque ne représentait que 25 p. 100 de cette somme.

À l'heure actuelle, nous produisons plus d'émissions canadiennes que jamais auparavant. Nos grilles horaires nationales ont un caractère plus canadien et plus régional et permettent à présent de refléter mieux que jamais auparavant, la réalité canadienne, dans toute sa grande diversité.

Par ailleurs, nous avons introduit de nouvelles technologies à la Société. Nous avons créé de nouveaux services. J'ai parlé, par exemple, des petits bureaux que nous avons pu créer dans un certain nombre de localités qui n'étaient pas assez bien servies précédemment. Nous sommes maintenant en mesure d'ouvrir une nouvelle station de radio à Victoria, en Colombie-Britannique et de tenir ainsi la promesse que nous avons faite il y a un bon moment, grâce aux nouvelles priorités que nous nous sommes fixées.

Quant à notre présence dans les nouveaux secteurs de communications, nous sommes le radiodiffuseur canadien à assurer une très forte présence sur Internet. Et nous avons pris la décision de le faire alors même que nous étions aux prises avec notre manque à gagner de 400 millions de dollars.

Je ne voudrais évidemment pas sous-estimer l'importance de nos réalisations ni les efforts fournis par nos employés pour refléter la réalité canadienne. Nous en sommes très fiers, et nous continuons d'ailleurs de remporter un nombre record de prix pour la qualité, non seulement de notre journalisme, mais aussi de notre programmation en général. Mais serait-il possible d'en faire encore plus et de le faire plus efficacement avec un apport de fonds? Bien sûr que oui.

Mme Wendy Lill: Une dernière question rapide...

Le président: Je vais donner la parole à M. Muise. Beaucoup de gens ont demandé la parole. Vous aurez une autre chance au deuxième tour, madame Lill.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Merci, monsieur le président.

Vous avez dit plus tôt que vous aimeriez que nous nous en tenions à l'aspect culturel, mais je voudrais tout d'abord poser une question d'un autre ordre à notre témoin, car je pense qu'elle va orienter notre discussion.

Le président: Je ne voudrais pas que vous vous sentiez trop limité. Je vous disais simplement que cette séance ne doit pas porter sur des questions purement administratives.

M. Mark Muise: Très bien.

Monsieur Beatty, j'ai entendu dire qu'un projet de loi cherchant à soumettre la situation financière des sociétés d'État à l'examen public va bientôt être déposé à la Chambre. Cela m'inquiète, et pour la gouverne des membres, j'aimerais que vous nous disiez quels pourraient être les éventuels effets de ce projet de loi sur la SRC. Cette dernière est un peu différente des autres sociétés de la Couronne. Il importe que la SRC puisse faire son travail comme elle l'entend.

J'ai d'autres questions à vous poser, mais j'aimerais que vous répondiez d'abord à celle-ci.

L'hon. Perrin Beatty: Monsieur Muise, je crois que vous faites allusion au projet de loi C-216 et à d'autres projets de loi et motions actuellement inscrits au Feuilleton.

M. Mark Muise: Oui, en effet.

L'hon. Perrin Beatty: Ils auraient pour effet de faire viser un certain nombre de sociétés de la Couronne, y compris la SRC, par la Loi sur l'accès à l'information, à la différence de la situation actuelle.

Je préfère ne pas vous parler d'un projet de loi en particulier, mais en règle générale, des projets de loi de ce genre—et il y en a plusieurs au Feuilleton à l'heure actuelle—nous inquiètent beaucoup pour des raisons bien précises.

D'abord, en tant qu'organisme journalistique, il est essentiel que nous puissions faire notre travail, c'est-à-dire que les carnets des journalistes, les rebuts de montages, les sources confidentielles et l'ensemble de nos contacts avec les gens doivent rester confidentiels. Si la SRC était visée par cette loi, notre capacité de remplir notre rôle journalistique serait gravement compromise.

Par exemple, les membres du comité auront certainement entendu parler, au cours des dernières semaines, d'une série d'émissions que nous avons réalisées au sujet des Hell's Angels et de la présence de ce groupe de motards et du crime organisé en général dans les ports. Voilà la question que je poserais aux membres du comité: si nous voulions passer une interview avec vous concernant le crime organisé et vous faire parler d'une situation qui pourrait mettre la vie de certaines personnes en danger, vous sentiriez-vous parfaitement à l'aise si on ne vous garantissait pas que vos remarques resteraient confidentielles? Accepteriez-vous de nous parler? Nous serions le seul organisme journalistique au Canada à être visé par ce genre de restriction, restriction qui compromettrait gravement notre capacité de faire du journalisme.

• 1220

En ce qui concerne l'incidence de l'application de la loi à notre organisation, étant donné que nos enquêtes journalistiques peuvent durer de nombreux mois, nous nous verrions dans l'obligation de divulguer des renseignements au sujet de particuliers ou d'organismes dont les activités font l'objet d'une enquête avant même d'avoir diffusé l'émission concernée.

Il arrive fréquemment, monsieur le président, que nos journalistes se trouvent devant un tribunal parce qu'on veut leur faire révéler leurs sources ou exiger la divulgation au tribunal de leurs carnets de notes ou de leurs rebuts de montages. Dans un cas de ce genre, le tribunal examine attentivement et cherche à déterminer quelle ligne de conduite est dans l'intérêt du public. Mais aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, cette possibilité d'arbitrage n'existe pas. Il s'agit simplement de savoir si vous êtes ou non exonéré de certaines obligations. Si c'est non, vous avez l'obligation de divulguer l'information demandée.

Notre autre préoccupation concerne ce dont je vous parlais tout à l'heure, à savoir des recettes projetées d'environ 400 millions de dollars cette année grâce à la vente de nos émissions. Il va sans dire qu'il y aurait un intérêt marqué pour le travail que nous avons réalisé du côté des études d'audiences, de même que pour toute stratégie que nous aurions élaborée pour mieux positionner la Société sur le marché. Aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, vous pouvez jouir d'une exemption commerciale, à condition de pouvoir prouver que l'information demandée aurait une incidence tangible sur votre position commerciale. Est-il possible de faire cette preuve pour chaque petit renseignement que contient un sondage d'écoute? Est-il possible, dans chaque cas de démontrer que le fait de divulguer cette information nuira de façon tangible à votre position concurrentielle?

Dans le cas du volet Radio de la SRC, nous ne présentons pas de publicité, comment pourrait-on soutenir que la Société serait défavorisée sur le plan commercial si nos concurrents possédaient des informations sur notre stratégie, les résultats de nos sondages d'écoute, etc., étant donné que cette activité ne génère pas de recettes commerciales pour la Société? Or si cette information était publique, notre capacité d'attirer des auditeurs serait gravement compromise.

Nous avons donc de sérieuses préoccupations à l'égard de l'éventuelle incidence de ce type d'initiative sur notre capacité de mener nos activités. Cela ne veut pas dire pour autant que nous n'avons pas l'obligation d'être transparents et de répondre de nos activités. Nous devons au contraire rendre des comptes, comme nous le faisons aujourd'hui, au comité parlementaire, au gouvernement, et au vérificateur général, qui est notre vérificateur et qui peut présenter des rapports au Parlement. Nous avons créé des postes d'ombudsmans pour les réseaux de langue anglaise et de langue française. Cette année, pour la première fois, nous avons créé un rapport annuel d'antenne. Nous cherchons à avoir un comportement aussi transparent que possible, et le fait est que nos opérations sont déjà beaucoup plus transparentes que celles de n'importe quel autre radiodiffuseur canadien.

M. Mark Muise: Merci.

Monsieur le président, si j'ai posé cette question, c'est que j'ai remarqué que lorsqu'on examine des projets de loi, il nous arrive parfois de ne pas nous rendre compte d'une lacune qui peut vraiment nuire à la situation des sociétés ou des personnes directement touchées.

En faisant le tour du pays, il y a une chose qui m'a frappé en ce qui concerne l'unité nationale. Quand les gens se réunissent, quelle que soit leur région d'origine, ils se rendent compte très rapidement que même si nous sommes de l'ouest, de l'est, du centre du Canada ou du Québec, nous avons beaucoup de points en commun. C'est lorsque nous ne trouvons pas l'occasion de nous rencontrer et d'établir ce genre de contact que nous avons parfois l'impression d'être différents, d'avoir des opinions très divergentes et de ne pas pouvoir rester unis comme pays.

Lors d'une récente visite dans l'Ouest, j'ai parlé à des gens qui m'ont dit qu'étant donné que nous avons la SRC, qui est une société de la Couronne, il serait peut-être possible que dans le cadre de ces émissions, cette dernière apporte un certain éclairage aux enjeux de l'unité nationale. Je me demande si c'est possible. Qu'en pensez-vous?

L'hon. Perrin Beatty: Monsieur Muise, vous soulevez une question importante. Lorsque la Loi sur la radiodiffusion a été modifiée par le Parlement et lorsque la nouvelle loi a été votée, le Parlement a changé les obligations de la SRC en vertu de cette loi. Précédemment la Loi sur la radiodiffusion avait conféré à la SRC l'obligation de favoriser l'unité nationale. À l'époque, le Parlement craignait que dans le contexte d'un débat national, mettons, la SRC se voie dans l'obligation de prendre position, à titre d'organisation journalistique, et en ce faisant, qu'elle dénature sa couverture et sape la confiance de la population en nos reportages. Par conséquent, le Parlement a préféré prévoir dans la loi l'obligation pour la SRC d'encourager un sentiment d'appartenance et une identité nationale. Je pense que c'est ce à quoi vous faisiez allusion tout à l'heure.

• 1225

D'après mon expérience, les Canadiens qui connaissent leur pays l'adoptent. Nous avons donc l'obligation de leur montrer leur pays, de parler de ce qu'il a de positif et de négatif, et de le faire de façon honnête et neutre, tout en respectant le droit des Canadiens de prendre leurs propres décisions sur des questions politiques clés.

Quand je parlais tout à l'heure de la différence entre un radiodiffuseur d'État et un radiodiffuseur public, je pense que finalement c'est justement cette particularité qui les distingue. Nous existons pour une seule raison, à savoir pour parler du Canada, pour raconter l'histoire des Canadiens, et pour permettre aux Canadiens de voir le monde sous un angle véritablement canadien. Ensuite c'est aux Canadiens de prendre leurs propres décisions sur les politiques du gouvernement. Pour moi, c'est la meilleure façon de procéder.

À mon avis, nos efforts vont permettre, mieux que jamais auparavant, de présenter une image du Canada à l'ensemble des Canadiens, de refléter la diversité régionale du Canada, et d'encourager les Canadiens à connaître les autres cultures, et ce grâce à notre programmation. Tout cela s'inscrit dans notre stratégie de programmation. Nous avions le sentiment que nous étions un peu éloignés de ce mandat. Par conséquent, nous y accordons à présent beaucoup plus d'importance.

Le président: Monsieur O'Brien, suivi de M. Saada et de M. Bélanger.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord remercier M. Beatty et ses collègues pour leur exposé.

Je voudrais faire quelques brèves observations, monsieur le président, et je poserai ensuite mes questions, tant que vous me le permettrez de le faire.

Sur la question du Vietnam, ayant fréquenté lÂUniversité Western Ontario à London en présence des réfractaires américains, et ayant grandi avec la musique de protestation des années 60, qui a eu ses origines aux États-Unis avant de devenir très populaire au Canada, je dois avouer que, pour moi, l'incidence directe sur la culture canadienne de l'expérience du Vietnam était très claire. J'ai trouvé votre émission excellente. De même, j'ai beaucoup apprécié votre couverture des Jeux olympiques et votre récente émission celtique, étant donné mes antécédents culturels. À mon avis, certaines de vos émissions sont de qualité exceptionnelle. Il y en a d'autres que j'apprécie moins. Mais je ne suis pas là pour critiquer la programmation de la SRC, mais plutôt pour vous poser des questions.

J'ai été frappé, personnellement, par une expérience il y a 18 mois ou deux ans lorsque la SRC m'a demandé une interview... Je représente une circonscription électorale à London, en Ontario, comme vous le savez, et la dame à qui je parlais, qui de toute évidence n'était pas très forte en géographie, m'a dit: «Je peux être à London pour 2 h 15. Vous serait-il possible d'être à Toronto à 16 heures pour une interview?» Alors je lui ai répondu: «Je ne sais pas sÂil vous est déjà arrivé de prendre la 401 à cette heure-là, mais même si c'était possible sans que j'attrape une contravention, il n'est pas certain que ma priorité en ce moment soit de passer cette interview avec vous».

Cela m'amène à vous parler de toute la région du sud-ouest de l'Ontario. C'est une zone à très forte densité de population, comme vous le savez. J'étais très content d'apprendre que vous établirez un bureau de Radio One à London, mais quels sont vos projets du côté de la télévision? Je suis au courant des contraintes budgétaires dont parlait Mme Lill tout à l'heure, mais je pense que les gens qui habitent la région située entre Toronto et Windsor ont un peu l'impression d'être négligés par le volet télévision de la SRC. Pourriez-vous donc aborder cette question-là?

L'hon. Perrin Beatty: Oui, avec plaisir, monsieur O'Brien.

Je ne peux pas vous promettre maintenant que nous serons en mesure d'établir une station de télévision à London. Pour le moment, ce n'est pas prévu. Je dois admettre que j'ai un certain parti pris: étant donné que j'ai fait mes études à Western à peu près à la même époque que vous et que je suis très attaché à London, je suis d'autant plus content que nous ayons pu établir un bureau pour la radio, qui va certainement nous aider à produire des portions d'émissions à diffuser sur Ontario Morning pour les bulletins de nouvelles qui visent la région de London ou à inclure éventuellement dans notre programmation régionale et nationale.

En ce qui concerne la télévision, vous avez mis le doigt sur un problème particulièrement épineux: à savoir que les régions du pays où il n'existe pas d'installations de production sont souvent négligées sur le plan de la programmation. C'est un problème auquel nous devons être particulièrement sensibles.

Quand j'étais à lÂUniversité Western Ontario il y a quelques semaines, certains professeurs me faisaient valoir que dans les localités où la SRC ou d'autres radiodiffuseurs ont des installations de production, il leur est plus facile de faire appel à un membre de la faculté à titre d'experts dans le cadre de la programmation. Cela devient forcément plus difficile s'il n'y a pas d'installations sur place.

Peut-être qu'au fur et à mesure que les technologies se perfectionneront, il sera plus économique et plus facile de faire au moins un doublex ou de prévoir ce genre de participation, mais disons que dans l'immédiat, nous ne prévoyons pas d'établir une station de télévision à London.

M. Pat O'Brien: Je vous remercie pour votre réponse. Je voudrais simplement ajouter, monsieur le président, que M. Beatty sait à quel point nous sommes prêts de la frontière américaine dans cette région, de telle sorte qu'on sent très fortement la présence des États-Unis, notamment si on habite Sarnia ou Windsor, à cause des grandes compagnies médiatiques qui se trouvent au Michigan, à Detroit, etc. Cela explique donc notre préoccupation et notre espoir que cette région de l'Ontario sera mieux servie un jour.

• 1230

En ce qui concerne le mandat de la SRC vis-à-vis des commentateurs, M. Abbott et d'autres collègues aussi en ont déjà parlé à plusieurs reprises. Bien entendu, vous ne pouvez pas dire aux gens ce qu'ils peuvent raconter à la télévision, mais avez- vous des lignes directrices pour ces commentateurs? Prenons l'exemple du fameux M. Cherry. Je l'aime bien comme commentateur de hockey. Par contre, ses opinions politiques ne m'intéressent pas beaucoup. Donc, avez-vous des lignes directrices pour des gens comme lui et est-ce que vous leur dites de s'en tenir à leur domaine d'expertise?

L'hon. Perrin Beatty: Vous avez fait preuve d'une grande retenue, monsieur O'Brien, en posant votre question.

Mais pour répondre à votre question, ce serait évidemment ma préférence. Quand nous faisons appel à un analyste ou à un commentateur qui a de l'expertise dans un domaine précis, nous préférons qu'il s'en tienne à son domaine d'expertise. Dans les cas où ils s'écartent un peu, c'est à nous de nous assurer que notre programmation reste équilibrée.

M. Pat O'Brien: Merci.

Quand nous avons tenu notre table ronde, monsieur Beatty—j'en ai pris note, de même que nos attachés de recherche, puisqu'ils l'ont inclus dans leurs questions proposées—vous nous avez dit que vous espériez que le gouvernement ne vous impose pas des restrictions législatives artificielles. Pourriez-vous m'expliquer la nature de votre préoccupation—et si vous n'avez pas suffisamment de temps pour le faire maintenant, peut-être à un autre moment?

L'hon. Perrin Beatty: J'essaie de me rappeler le contexte.

M. Pat O'Brien: C'était pendant notre table ronde, et je pense que vous avez dit que vous craigniez que le gouvernement impose à l'industrie des «restrictions législatives artificielles» qui compromettent sa marge de manoeuvre et sa capacité d'offrir une programmation économique, etc.

L'hon. Perrin Beatty: J'ai l'impression que c'était une remarque d'ordre général, c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que ces nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans nos vies, elles nous forcent à nous orienter d'une certaine façon, et plus précisément, à laisser tomber la réglementation en faveur des forces du marché.

À mon avis, si nous voulons réussir en tant que société et réussir en tant que Canadiens, à promouvoir la culture canadienne, il nous faut nécessairement des outils efficaces qui sont adaptés aux défis que nous avons à relever. Par le passé, il était possible de réglementer les activités: de limiter ce que pouvait voir et entendre la population canadienne. Mais cette possibilité disparaît de plus en plus. Toute stratégie destinée à ériger un mur électronique autour du Canada est vouée à l'échec.

Or, le gouvernement détient toujours le pouvoir de dépenser et d'employer ses ressources à bon escient par l'entremise d'instruments comme la SRC ou le Fonds de développement de la production d'émissions canadiennes. Et il est beaucoup plus efficace de permettre aux radiodiffuseurs d'élaborer des émissions intéressantes et qui vont offrir un bon contenu canadien à la population, que d'essayer de limiter leur accès à ce qui est diffusé ailleurs.

De plus, la Société—si vous me permettez de prêcher pour ma propre paroisse—doit s'assurer que ses mains ne vont pas être liées et qu'au fur et à mesure que les Canadiens vont se prévaloir des nouvelles sources d'information ou s'abonner aux chaînes spécialisées, et que leur façon d'utiliser ces différentes sources va changer, nous serons en mesure de leur offrir du contenu canadien là où ils sont, sans avoir les mains liées parce qu'on veut à tout prix nous limiter aux médias traditionnels qui ne sont peut-être plus aussi efficaces qu'ils l'étaient précédemment.

Pour moi, notre rôle... Si je peux me permettre de paraphraser M. Clinton, c'est le contenu qui compte. Ce n'est pas le matériel, les bâtiments ou les émetteurs qui comptent; non, c'est le contenu. Prenons l'exemple de Ben Heppner, ce brillant ténor canadien; eh bien, lui, comme Mme Lill disait tout à l'heure, a été lancé justement par un concours musical à la radio de la SRC. Il a remporté des prix dans divers concours. Il a chanté sur le plateau de Newsworld. Je pense qu'il a également été l'invité de nos réseaux principaux. Et nous avons produit un disque compact qui présente certains de ses enregistrements.

Peu importe la façon dont les Canadiens arrivent à connaître Ben Heppner. Ce qui compte, c'est qu'il le connaisse. De plus en plus, nous souhaitons que nos activités ne soient pas limitées par une technologie particulière, mais qu'elles reposent au contraire sur une vaste gamme de technologies qui nous permettent d'offrir aux Canadiens, sur les plans à la fois visuel et auditif, du contenu canadien.

• 1235

Donc, à l'époque, j'exhortais surtout le gouvernement, et cette demande tient toujours, à ne pas nous lier les mains. Donnez-nous au contraire toute la marge de manoeuvre voulue, pour qu'on puisse faire non seulement ce que je viens de décrire, mais aussi réagir rapidement au fur et à mesure qu'évoluent les technologies et le marché.

M. Pat O'Brien: Merci.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Saada, vous avez la parole. Ce sera ensuite le tour de M. Bélanger.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci de cette présentation qui a été faite avec tellement de passion. C'était impressionnant.

J'ai deux commentaires assez courts à faire et une question à poser. Le premier commentaire est directement relié à ce que Mme Tremblay a dit à propos de l'intervention de M. Abbott. Il me semble que la façon dont les Canadiens voient le monde fait partie de la culture canadienne. Si on n'a pas cette vision, nous verrons le monde à travers les yeux des États-Unis, de la France ou de n'importe quel autre pays, mais je pense que ce ne sera pas en accord avec nous-mêmes. Je pense qu'il est essentiel de continuer à s'ouvrir sur le monde au lieu de se refermer. J'ai un peu peur de la remarque de M. Abbott. Je ne sais pas s'il a mesuré la profondeur de cette déclaration. Personnellement, elle me préoccupe infiniment.

La seconde chose—et je vais revenir sur une parole que M. le président a prononcée au début, à propos de la tempête de verglas—est une anecdote très courte qu'il me faut vous raconter et qui, selon moi, est extrêmement évocatrice de la qualité de ce que vous avez fait.

Dans un centre d'hébergement dont j'ai fait un peu le tour, je me suis arrêté un moment auprès d'un groupe de personnes. Un vieux monsieur d'environ 88 ou 90 ans m'a dit que ça lui rappelait presque Radio-Londres pendant la guerre. C'est puissant, cela. Un moment d'angoisse, de panique, d'incertitude, et vous vous réunissez à plusieurs autour d'un poste de radio qui vous rattache au monde. Je trouve que c'est fascinant.

Ma question porte sur ce que j'appelle la communication sociale, la communication pour le développement. Je ne crois pas avoir entendu parler d'un rôle de Radio-Canada en matière d'aide au développement international. Je fais allusion en particulier aux pays d'Afrique, pour ne citer que ceux-là, où de nombreuses radios d'autres pays interviennent aussi dans le développement, par exemple en matière de santé, en matière d'éducation de base, en matière de prévention, etc. Je donnerai l'exemple de Radio-Vatican, de la radio danoise ou d'autres de ce genre-là: la radio française, France Inter, etc.

Est-ce que la raison pour laquelle Radio-Canada n'a pas envisagé cette vocation, si elle ne l'a pas envisagée, repose sur une base philosophique ou sur une base financière? J'aimerais savoir si c'est une chose qui pourrait être envisagée, le cas échéant. Cela fait aussi partie de la culture canadienne que d'être présent dans les pays en développement.

M. Perrin Beatty: Je vous remercie de cette question.

Ce n'est pas une question de philosophie ou de principe. Nous collaborons avec les autres radiodiffuseurs publics de partout dans le monde. Nous sommes membres des organismes internationaux de radiodiffuseurs et nous utilisons Radio-Canada International pour fournir une programmation aux autres radiodiffuseurs ou directement à leur population.

De temps en temps, on collabore avec les autres radiodiffuseurs pour la formation de leurs journalistes, par exemple, mais c'est limité. C'est limité à cause des contraintes imposées à nos budgets. On voudrait faire davantage, mais à cause des compressions, c'est difficile. Notre priorité doit être de desservir notre population intérieure.

Les nouvelles qu'on a reçues du gouvernement concernant un financement permanent pour Radio-Canada International sont de bonnes nouvelles pour nous. Cela nous donne un outil essentiel pour assurer un service aux Canadiens qui se trouvent dans d'autres pays, mais également aux populations de ces pays.

M. Jacques Saada: Je comprends et je vous remercie. Peut-être ma question n'a-t-elle pas été assez précise. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que la vocation de Radio-Canada International est de diffuser la réalité canadienne à l'étranger. Je fais surtout allusion à la communication en vue du développement au moyen de la transposition de notre réalité, pour le bien de ceux qui voudraient en entendre parler à l'étranger, qu'ils soient Canadiens ou non.

• 1240

[Traduction]

Je parle surtout du développement des populations dans les pays en développement.

L'hon. Perrin Beatty: Pour répondre à votre question, notre action à ce niveau est très limitée, surtout pour des raisons financières.

Par contre, par le biais d'organismes internationaux, nous aimerions pouvoir aider davantage, mais pour des raisons financières, nous devons accorder la priorité à nos services traditionnels; par conséquent, dans l'immédiat, je ne crois pas que nous pourrons élargir tellement nos activités dans ce domaine.

M. Jacques Saada: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le président, je vais essayer de m'en tenir à l'objectif de la rencontre, qui est de discuter de toute la question de la politique canadienne culturelle, en acceptant d'emblée que le rôle de Radio-Canada est primordial et qu'il s'agit d'un rôle de chef de file dans son domaine.

Je dirais—corrigez-moi si j'ai tort—que depuis un certain temps, sans doute en partie à cause des compressions budgétaires, CBC en particulier, et non Radio-Canada, RDI ou Newsworld, semble se diriger vers une certaine quantité de productions régionales. Je voudrais savoir si j'ai raison de le croire. Je vous avoue que je ne suis pas un fidèle habitué de la télé.

Est-ce que CBC aurait pris la décision de s'adresser à ses régions pour obtenir une programmation qui est diffusée ensuite sur le réseau? Je voudrais le savoir, parce que je suis de ceux qui croient que CBC a un rôle de catalyseur pour encourager la production locale, des producteurs indépendants, etc. Est-ce bel et bien le cas?

[Traduction]

L'hon. Perrin Beatty: Oui, monsieur Bélanger, mais je veux vous expliquer clairement les effets de cette décision.

En raison de réductions budgétaires, nous avons dû réduire la quantité d'émissions télévisées produites localement à l'intention d'un marché local...

[Français]

M. Mauril Bélanger: Oui, oui, je vous comprends.

[Traduction]

L'hon. Perrin Beatty: ... de telle sorte qu'il existe à présent moins d'émissions produites à Ottawa pour la population d'Ottawa.

En contrepartie, nous avons pris la décision de réorganiser nos grilles horaires nationales pour les régionaliser plus que jamais auparavant. Par conséquent, nous allons déplacer vers les régions bon nombre des émissions qui sont produites à Toronto et à Montréal, justement pour être sûrs d'avoir des émissions qui sont produites dans les régions et qui offrent un reflet de la vie régionale non seulement à la population locale mais à l'ensemble des Canadiens d'un bout à l'autre du pays...

[Français]

M. Mauril Bélanger: Bon, très bien.

[Traduction]

L'hon. Perrin Beatty: ... et de plus en plus, nous allons faire cela avec des partenaires du secteur privé.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Donc, CBC s'adresse davantage à ses régions pour produire des émissions qui sont ensuite diffusées sur le réseau. Est-ce bien cela?

M. Perrin Beatty: Oui.

M. Mauril Bélanger: Est-ce que j'ai raison de croire que ce n'est pas le cas, du moins certainement pas au même rythme, de la SRC, de Radio-Canada?

M. Perrin Beatty: Non, c'est également une priorité du réseau français, de la Société Radio-Canada.

M. Mauril Bélanger: Je veux bien croire que c'est une priorité, mais qu'en est-il de la réalité? Y a-t-il beaucoup d'émissions diffusées sur le réseau de Radio-Canada qui sont produites en région?

M. Perrin Beatty: Je pourrais obtenir les chiffres exacts et je serais très content de le faire. Généralement parlant, notre priorité est d'avoir une représentativité pancanadienne et diversifiée. En particulier, dans le cas du service radiophonique, on a augmenté les heures consacrées à la production régionale.

M. Mauril Bélanger: Avec tout le respect que je vous dois, il y en a qui croient, et je suis l'un d'eux, qu'hors de Montréal, il n'y a pas grand-chose en matière de production d'émissions de télévision française.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Mauril Bélanger: C'est ça. C'est une expression que j'ai moi-même employée devant ce comité à plusieurs reprises. Je veux bien vous croire quand vous dites que c'est une priorité. Je l'accepte, mais la réalité semble tout autre. Elle semble plutôt être que si un producteur francophone n'est pas situé à Montréal, il ne réussira pas.

La question que je me pose est la suivante; si le raisonnement vaut pour CBC, à savoir qu'il faut encourager une production régionale pour la diffuser à l'échelle nationale et qu'on en fait une priorité pour le réseau de Radio-Canada, comment se fait-il—et si je me trompe, corrigez-moi—qu'il semble y avoir une différence vraiment marquée entre la production réelle de CBC et celle de Radio-Canada?

M. Perrin Beatty: Si vous demandez si la réalité canadienne reflétée par notre service de télévision française est davantage approvisionnée par les producteurs de Montréal ou du Québec que ne l'est le réseau anglais, je vous dirai que c'est vrai. C'est dû au fait que la grande majorité de l'industrie est concentrée au Québec et à Montréal. Mais si...

• 1245

M. Mauril Bélanger: Non. On se comprend mal.

Mme Suzanne Tremblay: Prenons l'exemple du Manitoba.

M. Mauril Bélanger: Si le réseau de CBC décide qu'il veut encourager la production régionale à des fins de diffusion nationale, c'est une décision que je respecte, que j'admire et que j'encourage. Ce n'est pas à moi de vous dire comment gérer vos affaires, mais je peux quand même faire mes commentaires.

Cependant, la SRC ne semble pas le faire avec autant d'entrain que CBC. Si un producteur francophone n'est pas à Montréal, il n'y a pas grand-chose qu'il puisse aller chercher à Radio-Canada. Cela semble être la réalité. Je ne voudrais surtout pas, si jamais vous en aviez l'intention, que vous limitiez la production indépendante des francophones au Québec.

M. Perrin Beatty: Non, non.

M. Mauril Bélanger: Il y a de nombreux francophones en Acadie.

M. Perrin Beatty: Oui, certainement.

M. Mauril Bélanger: Il y en a au Manitoba et dans la région ici.

M. Perrin Beatty: Je n'ai pas dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que la capacité de production du côté francophone est plus concentrée que du côté anglophone. C'est une réalité.

M. Mauril Bélanger: Je veux bien, mais elle le restera si on ne fait pas d'efforts pour la déconcentrer.

M. Perrin Beatty: Oui, et nous en faisons actuellement.

M. Mauril Bélanger: D'accord.

M. Perrin Beatty: C'est notre priorité.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais savoir quelles sont les statistiques, monsieur Beatty. J'apprécierais que vous les fassiez parvenir au greffier du comité.

Dans votre présentation, vous avez fait allusion à des émissions transculturelles. Je crois comprendre ce à quoi vous faites allusion, mais j'aimerais que vous preniez une minute ou deux pour expliquer de quoi il s'agit. Quelles sont vos intentions? Combien de ressources comptez-vous y affecter, etc.?

M. Perrin Beatty: Le plus bel exemple que je puisse vous donner est celui de l'histoire du Canada que coproduisent nos deux réseaux. Pour la première fois, il y aura une interprétation de l'histoire du Canada que se partageront les services français et anglais. Ce sera la plus grande initiative concernant notre histoire au Canada. Elle durera 32 heures et 20 millions de dollars y seront investis. C'est donc une très grande initiative.

Nous allons également continuer à faire des coproductions en utilisant les aptitudes de tous nos services. C'est essentiel, entre autres à cause des compressions. Il faut devenir plus efficaces. Sur le plan de la politique envers le public, c'est également un élément essentiel de notre mandat que de servir de pont entre les cultures au Canada.

Nous avons des concours à la radio, comme Les jeunes compositeurs, qui est une coproduction entre nos réseaux. Nous allons continuer à diffuser la programmation produite par un réseau sur l'autre réseau. Par exemple, sur le réseau anglais, on a commencé à voir le soir des émissions produites pour la télévision française. Nous avons l'intention d'augmenter nos efforts en vue de produire et de diffuser une programmation transculturelle.

Nous sommes à mettre au point quelques projets de nouvelles émissions.

M. Mauril Bélanger: Je manque de temps.

[Traduction]

Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris cette fois-ci, monsieur le président.

L'hon. Perrin Beatty: Voulez-vous faire une autre tentative? Je veux bien essayer de répondre.

M. Mauril Bélanger: Vous permettez?

Le président: Étant donné que nous manquons de temps, je voudrais proposer, monsieur Beatty, que vous consacriez quelques minutes à M. Bélanger après la réunion, ne serait-ce que pour...

L'hon. Perrin Beatty: Très bien. Étant donné que c'est mon député, je suis à son entière disposition.

Des voix: Oh, oh.

• 1250

L'hon. Perrin Beatty: Je sais que si jamais j'ai besoin de quelque chose pour la SRC, il sera là pour me soutenir.

Le président: Cinq autres députés ont demandé la parole. Nous n'avons vraiment pas beaucoup de temps, et je vous demande donc d'être concis de part et d'autre pour que chacun puisse poser sa question.

M. Bonwick, M. Godfrey, M. Muise, Mme Tremblay, et M. Abbott.

D'abord, M. Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président. Veuillez excuser mon retard. Le Comité de l'agriculture avait un peu de retard.

Bonjour, monsieur Beatty. Merci infiniment à vous ainsi qu'à vos collaborateurs de votre présence.

Je voudrais prendre une approche un peu différente. Je vous fais remarquer tout d'abord que j'apprécie davantage la SRC que mes collègues du Parti réformiste, et je veux aussi vous dire toute l'importance que j'attache au rôle de la SRC en ce qui concerne le message que vous devez communiquer à l'ensemble de la population canadienne. En tant que parlementaires, nous devons reconnaître que cette institution existe pour véhiculer le message des Canadiens vivant dans l'ensemble des différentes régions du pays—à titre d'exemple, ma propre région de Simcoe—Grey, que vous connaissez fort bien.

L'hon. Perrin Beatty: Oui, je la connais en effet.

M. Paul Bonwick: Elle offre à la population de ma région—à des gens comme Ian Chadwick, par exemple—ou de ma circonscription électorale, l'occasion de communiquer une fois par semaine un message qui tout en étant canadien apporte un éclairage particulier—celui de Simcoe—Grey—et pour moi, cette possibilité est extrêmement importante pour créer une vraie mosaïque culturelle d'un bout à l'autre du Canada.

Ma question concerne la nécessité, pour le gouvernement, de bien comprendre l'importance de ce rôle et de le soutenir. Je voudrais donc savoir ce que nous pouvons faire pour renforcer la SRC et lui permettre de mieux affronter la concurrence—c'est-à- dire une optique tout à fait contraire au Parti réformiste.

Donc, que pouvons-nous faire pour offrir un soutien plus solide à la SRC pour qu'elle puisse prendre de l'expansion et être un véhicule pour des journalistes canadiens comme M. Chadwick et ceux qui font le même travail d'un bout à l'autre du pays, et ce, pour permettre de communiquer des messages généraux à la population canadienne qui sont en même temps influencés par les réalités régionales? Comment peut-on soutenir plus activement le rôle de la SRC? Voilà ma première question.

L'hon. Perrin Beatty: Monsieur Bonwick, le Parlement peut surtout nous aider en étant disposé à voter des crédits parlementaires suffisamment importants pour nous permettre de remplir notre mandat. Nous avons maintenant atteint une certaine stabilité, puisque le gouvernement s'est engagé à nous assurer un financement stable au cours des cinq prochaines années, mais nos crédits ont baissé avant de se stabiliser, au lieu d'augmenter.

À mesure que la situation financière du Canada s'améliore, j'espère que le gouvernement sera en mesure de proposer de l'argent frais pour nous et pour d'autres initiatives intéressant la culture canadienne. Il y a toutes sortes de choses que nous pouvons faire pour améliorer les services aux Canadiens, si nous disposons du carburant nécessaire pour faire tourner le moteur—voilà ce qui est tout à fait critique.

J'ai parlé de quelques autres secteurs importants dans mes remarques liminaires, avant que vous n'arriviez. Il y a entre autres la réforme du droit d'auteur. La question des droits va revêtir une importance critique pour tous ceux qui s'intéressent à la culture canadienne. D'autres éléments importants sont la distribution spectrale et les politiques touchant les satellites. Il y a aussi toute une gamme de questions internationales, telles que les négociations commerciales internationales et le fait de s'assurer que la culture fait l'objet d'une exception afin que nous puissions protéger la capacité du gouvernement canadien de soutenir la culture. Ce sont toutes des initiatives importantes.

Vous pouvez également nous aider en ne nous imposant pas de contraintes, et cela rejoint la question posée tout à l'heure par M. O'Brien. Notre travail en fin de compte consiste à établir des rapports avec nos publics. Si vous ne nous liez pas les mains, et si vous nous donnez un financement suffisant, nous allons produire des émissions de qualité exceptionnelle et susciter l'intérêt d'auditoires essentiels pour le contenu canadien. J'espère que vous continuerez, comme c'est le cas du gouvernement jusqu'à présent, de résister à la demande de certains de limiter la SRC et ses activités, et de dire que cette dernière devrait devenir un radiodiffuseur de dernier recours.

M. Paul Bonwick: J'ai une dernière petite observation à faire avant de céder la parole à M. Godfrey. Je veux simplement insister sur l'importance du rôle de journalistes comme ceux de ma circonscription et de la nécessité de leur donner l'occasion de communiquer leur message. Je peux ne pas toujours être d'accord avec eux, mais il faut qu'ils aient l'occasion de communiquer aux Canadiens le message des diverses régions du pays.

• 1255

Je vous mets au défi de faire une chose en particulier: essayer de savoir—et à mon avis, vous obtiendrez la bonne réponse, que ce soit de la part du gouvernement ou de la population canadienne—si les gens estiment que le gouvernement devrait garantir à la population canadienne qu'elle disposera toujours d'un tel véhicule pour communiquer leur message. À mon avis, leur réponse sera très claire—du moins, je l'espère.

L'hon. Perrin Beatty: Merci beaucoup, monsieur Bonwick.

[Français]

Le président: Nous avons entendu plusieurs députés du Parti libéral à la suite. Je vais vous donner la parole, madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Avec tout le respect que je vous dois et sans vouloir me montrer pointilleuse, je dois vous faire remarquer que le document que vous nous avez remis ne respecte pas les exigences de la Loi sur les langues officielles. Il y en a à peu près 25 p. 100 en français et 75 p. 100 en anglais. Est-ce que le comité pourrait le faire traduire, s'il vous plaît, afin qu'on en ait une version complète en français et une version complète en anglais?

M. Perrin Beatty: Je suis un peu surpris que quelqu'un vous ait donné une copie de mon texte parce qu'il est rempli de fautes qu'on doit corriger. Il devait être réservé à mon usage personnel.

Mme Suzanne Tremblay: Pour vous.

M. Perrin Beatty: Il vous a sans doute été fourni par simple courtoisie, non pas officiellement.

Mme Suzanne Tremblay: Parfait. Les deux autres ici sont très bien.

M. Perrin Beatty: On aura des textes complètement en français et complètement en anglais.

Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais revenir sur une question que M. O'Brien a posée au sujet de la controverse autour de M. Cherry. Le jugement de l'ombudsman est quand même très clair; il dit que Radio-Canada a une politique qui, dans ce cas-ci, n'a pas été suivie. On y dit qu'au moment où la Société fait ce genre de choses, celles-ci doivent se passer dans le cadre d'émissions d'affaires publiques. Les invités doivent être des gens de l'extérieur lorsqu'on se prononce sur des questions controversées. À tout le moins, on dit dans le jugement que j'ai ici que les émissions qui traitent de sujets controversés doivent présenter de façon équitable l'éventail complet des opinions pertinentes, et on invite Radio-Canada à respecter sa propre politique à l'avenir.

Remarquez que nous avons été un peu surpris de ce jugement, puisqu'il traite différemment... C'est l'ombudsman de CBC, qui n'est pas le même que pour la SRC. M. Bourgault a déjà été victime à trois reprises de la SRC pour avoir dit des choses beaucoup moins pénibles.

En fait, ce qu'on reproche à M. Cherry, ce n'est pas d'avoir attaqué les séparatistes, mais d'avoir assimilé M. Brassard aux séparatistes. Donc, c'est lui donner totalement raison sur le fait qu'il a tenu des propos disproportionnés en se basant sur des déclarations qu'on m'impute et qui sont fausses. C'est un peu dérangeant.

Avez-vous l'intention, en tant que président, de faire en sorte que du côté de CBC, les gens soient traités de la même façon qu'à la SRC, donc que M. Cherry soit remercié de ses services, comme l'a été à trois reprises M. Bourgault?

À une occasion, on a refusé de prendre une pub de la CEQ parce que M. Bourgault en était le porte-parole. À une autre occasion, on a éliminé l'entrevue de M. Bourgault avec Mme Bazzo. Ensuite, on a éliminé l'émission Ici comme ailleurs. C'est-à-dire qu'on n'a pas éliminé l'émission, mais qu'après sept semaines, on a demandé à M. Bourgault de rester chez lui parce qu'il avait attaqué l'Église catholique et l'évêque du diocèse de Montréal.

M. Cherry, pour sa part, s'est attaqué à toute la population canadienne d'expression française d'un océan à l'autre. Il me semble que c'est assez grave pour que la SRC prenne les mesures qui s'imposent. Est-ce que vous avez l'intention, en tant que président, de faire en sorte que M. Cherry respecte les populations qui existent au Canada?

[Traduction]

L'hon. Perrin Beatty: À mon avis, les conclusions de l'ombudsman étaient très claires, madame Tremblay, et nous sommes entièrement d'accord avec lui à cet égard. Il a conclu que M. Cherry est allé beaucoup trop loin, et que la SRC n'avait pas non plus fait ce qu'elle aurait dû faire.

Si quelqu'un fait des remarques d'ordre politique, nous avons l'obligation de nous assurer que notre programmation reste équilibrée. Il ne nous appartient pas cependant de censurer les commentateurs, et nous voulons évidemment favoriser l'expression d'une diversité d'opinions, mais nous devons surtout nous assurer de présenter une couverture équilibrée et une vaste gamme d'opinions sur divers sujets.

Nous nous engageons par conséquent à donner suite aux recommandations de l'ombudsman. Nous sommes tout à fait d'accord avec ses conclusions. D'abord, nous allons encourager les personnes qui sont recrutées pour nous faire bénéficier de leurs conseils d'experts à s'en tenir, en exprimant leur point de vue, à leur domaine d'expertise. Deuxièmement, quand ils s'écartent de leur domaine d'expertise, nous allons devons nous assurer d'équilibrer la situation en présentant d'autres points de vue.

• 1300

D'après notre ombudsman, les observations faites au sujet de M. Brassard était à la fois injustes et inexactes.

Mme Suzanne Tremblay: C'est parce qu'on l'a associé aux séparatistes. Ce n'est pas à cause des remarques mêmes, mais parce que...

L'hon. Perrin Beatty: Non, ça va encore plus loin. Bon nombre de ses remarques étaient tout simplement inexactes. Nous avons, dis-je, l'obligation de nous assurer que dans le cadre de nos émissions, si un commentateur se permet de faire des remarques d'ordre politique, notre couverture est équilibrée et que nous offrons une vaste gamme d'opinions, plutôt qu'une seule.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'ai deux brèves observations à faire auxquelles vous voudrez certainement réagir.

D'abord, comme M. Saada, j'ai été vraiment troublé par la vision du monde, ou peut-être devrais-je dire la vision tout court, de M. Abbott. C'est tout à fait en rapport avec cette idée que ce qui se passe à l'extérieur du Canada n'a aucun impact sur nous; c'est d'ailleurs tout à fait le genre de reportage où la SRC excelle, comme celui sur My Lai hier soir, qui présentait une optique vraiment canadienne. C'est justement ça qui m'a frappé. Je crois que même les Américains auraient trouvé ça utile.

Il y a aussi la couverture faite par les services de radio de la SRC du procès de Maurice Papon, que la radio commerciale n'aurait jamais osé couvrir. Et plus tôt cette semaine, la SRC a présenté une dramatique de Ken Finkleman intitulé More Tears, qui était pour moi l'une des émissions de télévision les plus extraordinaires et émouvantes que j'aie jamais vues pendant les heures de grande écoute depuis un bon moment. J'étais absolument stupéfié. C'était fantastique.

Et le fait est que ça n'existe pas ailleurs. Là-dessus personne ne me contredira.

L'autre commentaire que je voudrais faire s'adresse à Mme Lill qui est en train de quitter la salle. Mme Tremblay et moi étions là lors d'une étude précédente. Voyez-vous, si les gens s'en vont, il n'y aura personne pour me contredire.

Voilà ce que je voudrais dire. Pour moi, la SRC est à présent une organisation plus efficace, grâce à l'examen des programmes et du fait qu'elle a été obligée de réduire le personnel du siège social de moitié et d'éliminer les postes de 3 000 personnes. Ça peut vous sembler un peu insensible, mais à mon avis, cela n'aurait jamais pu se produire autrement. Pour moi, la SRC offre maintenant une meilleure programmation, du moins du côté de la télévision de langue anglaise. Les émissions de radio sont maintenant plus créatrices qu'elles ne l'étaient avant. Et il est certain que sur le plan administratif, tout le monde s'accorde pour dire que l'organisation est plus efficace.

Mme Wendy Lill: Eh bien, je ne suis pas d'accord.

M. John Godfrey: Je me disais que si je voulais vous critiquer, il fallait bien le faire avant que vous ne quittiez la salle.

Ma troisième observation rejoint ce que disait M. Bonwick. En relisant vos remarques liminaires, j'essayais d'imaginer le contenu de notre rapport final. Qu'allons-nous dire au sujet des divers secteurs culturels que nous étudions? Ce que je retiens surtout de notre discussion d'aujourd'hui, c'est qu'il faut surtout continuer à vous envoyer des chèques.

Deuxièmement, il faut vous permettre d'accéder à de nouvelles sources de revenus, quelles qu'elles soient, sur un pied d'égalité avec d'autres, comme par exemple, le Fonds de télévision et de câblodistribution.

Troisièmement, sur le plan de la réglementation—évidemment, nous ne traitons pas directement la question de la réglementation, mais il nous faut recourir surtout au CRTC. Si j'ai bien compris, vous ne nous avez pas dit de faire des changements radicaux dans ce domaine, si ce n'est de vous permettre d'employer différents modes de distribution au fur et à mesure qu'évoluera la technologie. Vous nous dites de ne pas vous lier les mains. Mais de façon générale, vous ne nous avez pas dit de modifier la Loi sur la radiodiffusion. Je ne vous ai pas non plus entendu dire qu'il faut réexaminer la question du contenu canadien.

Bref, vous ne nous demandez pas de changer de façon radicale ni la politique ni les instruments de la politique, à condition de prêter une attention particulière à la question du droit d'auteur, de la distribution spectrale, des satellites et du commerce. Nous sommes plus ou moins sur la bonne voie. Il faut surtout éviter de faire quoi que ce soit qui puisse vous nuire, mais si je vous ai bien compris, vous n'avez pas demandé de changements radicaux dans aucun domaine. Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites; selon vous, ai- je bien résumé vos propos?

L'hon. Perrin Beatty: Je pense que nous avons dit essentiellement la même chose, sauf que vous avez mis 25 minutes de moins que moi pour le dire.

M. John Godfrey: Très bien. Nous sommes donc d'accord.

L'hon. Perrin Beatty: Là où je serais peut-être un peu moins d'accord, c'est au sujet du contenu canadien. Si je ne demande rien de particulier en ce qui concerne le contenu canadien, c'est parce que nous avons déjà pris nous-mêmes une décision dans ce domaine. Nous avons canadianisé et recentré l'ensemble de nos émissions. Le contenu canadien est devenu notre raison d'être.

M. John Godfrey: Oui, je comprends.

L'hon. Perrin Beatty: À part nous donner l'aide dont nous avons absolument besoin pour remplir notre mandat, ce que je pourrais peut-être vous demander de plus...

M. John Godfrey: Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé à plusieurs reprises du fait que vous faites partie du réseau de radiodiffusion. Vous avez dit, par exemple, qu'il est bon d'avoir un secteur privé. Vous voulez être sûr qu'il existera des instruments pour le préserver, y compris les émissions en jumelées, par exemple.

Mais vous avez passé sous silence d'autres questions. À propos, même si c'est avantageux pour le réseau dans son ensemble qu'il existe des entreprises privées, elles devraient tout de même offrir un certain contenu canadien. Et elles devraient l'offrir pendant les heures de grande écoute, à la radio, et le reste du temps. On parle donc d'un réseau dont vous faites partie, mais dont vous n'êtes pas l'unique composante.

L'hon. Perrin Beatty: Je serais très heureux de revenir un autre jour pour en parler plus en détail. J'ai essayé de m'en tenir à nos propres priorités, peut-être en me rappelant les ennuis qu'ont eus d'autres commentateurs qui se sont écartés de leur domaine d'expertise.

• 1305

M. McCoubrey, par exemple, a fait un exposé devant le CRTC au sujet de la radio et du rôle de la SRC et des autres dans le cadre du réseau de radiodiffusion. Moi, aussi j'ai fait des exposés là-dessus, et tous ces documents sont disponibles; nous pourrions également vous fournir d'autres explications plus détaillées, si vous le souhaitez.

Nous nous considérons comme une composante d'un système intégré; c'est-à-dire que même si nous avons un rôle différent qui complète celui de nos collègues du secteur privé, nous avons tous certaines obligations envers le réseau. Aujourd'hui, je voulais surtout insister sur nos obligations et la contribution, peut-être unique, que nous pouvons apporter au réseau.

M. John Godfrey: Très bien. Merci.

Le président: Je désire remercier M. Beatty et ses collègues de leur présence ce matin.

Je sais que je suis censé être impartial à titre de président, mais je me permets d'invoquer mes privilèges de président pour vous demander ce que nous serions devenus, nous les Canadiens, sans la SRC et Radio-Canada. Je pense que nous serions tous beaucoup moins riches.

Si nous pouvons vous aider de quelque façon que ce soit, dans notre travail de parlementaires, comme le disait mon collègue M. Bonwick, pour vous aider à vous améliorer, c'est justement notre rôle et nous nous ferions un plaisir de le faire.

L'hon. Perrin Beatty: Merci infiniment.

Le président: Merci beaucoup de votre présence. Nous sommes très heureux d'avoir pu vous accueillir tous les trois.

La séance est levée.