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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mai 1999

• 1108

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la présente séance du Comité permanent du patrimoine canadien.

[Français]

Nous accueillons aujourd'hui des témoins de Radio-Canada. J'aimerais rappeler aux membres du comité que cette audience fait suite à la lettre que nous avait adressée en février dernier Mme Guylaine Saucier au nom de cette société. On pouvait y lire:

    Comme vous le savez, Radio-Canada devra bientôt se présenter devant le CRTC qui, lors d'une série d'audiences sans précédent, examinera simultanément les demandes de renouvellement de toutes les licences de Radio-Canada. Vous pouvez vous imaginer ce que cela représente, compte tenu que ce renouvellement de licences s'applique à nos Services de Radio et de Télévision ainsi qu'au RDI et à Newsworld. Vous avez vous-mêmes entrepris un examen en profondeur des politiques culturelles du Canada au cours de la dernière année.

[Traduction]

    Ce serait, pour nous, le moment approprié de nous présenter devant le Comité afin de mettre vos membres à jour sur ce que nous considérons être notre rôle à l'approche du nouveau millénaire. Depuis bientôt 63 ans, Radio-Canada a été chef de file dans la dissémination de la culture canadienne d'un bout à l'autre du pays. D'abord par le biais de la radio, ensuite par celui de la télévision et maintenant par les nouveaux médias, Radio-Canada a poursuivi son mandat de renseigner, d'éclairer et de divertir ses auditoires.

[Français]

Le comité avait accepté à l'unanimité d'accueillir les représentants de Radio-Canada.

• 1110

[Traduction]

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui Mme Saucier, présidente du Conseil d'administration de CBC/Radio-Canada, et M. Perrin Beatty, président-directeur général.

[Français]

Mme Guylaine Saucier (présidente du conseil d'administration, Société Radio-Canada): Nous sommes accompagnés de M. Michel Tremblay, le chef de la planification stratégique.

Le président: Merci. Je vous cède la parole, madame Saucier.

Mme Guylaine Saucier: D'abord, je tiens à vous remercier de prendre le temps de nous écouter. Nous l'apprécions énormément.

Le moment ne pourrait être mieux choisi pour nous présenter devant votre comité, monsieur le président, puisqu'il doit lui-même soumettre au Parlement, d'ici quelques semaines, un rapport sur la politique culturelle du Canada. Peu importe comment on évalue la situation, Radio-Canada est une pierre angulaire de notre culture commune et nous espérons que nos discussions d'aujourd'hui aideront votre comité à s'acquitter de sa tâche.

[Traduction]

Cette discussion tombe à point pour d'autres raisons également. Premièrement, l'Organisation mondiale du commerce est en train d'émettre un signal d'avertissement qui laisse entendre que bon nombre des outils dont le Canada s'était servi jusqu'à présent pour promouvoir et protéger sa souveraineté culturelle risquent de ne plus être tolérés à l'avenir.

Deuxièmement, Radio-Canada a présenté un plan stratégique qui, à notre avis, devrait contribuer à résoudre la question de notre souveraineté culturelle et permettre à la Société de respecter l'esprit et la lettre de la Loi canadienne sur la radiodiffusion de 1991.

Troisièmement, puisque nous sommes sur le point de faire renouveler nos licences et d'adopter une nouvelle orientation stratégique, il importe d'examiner la relation entre le gouvernement et Radio-Canada, et aussi entre Radio-Canada et son auditoire.

[Français]

Le rôle que Radio-Canada joue dans la promotion de la culture canadienne est un sujet dont on a abondamment parlé. Je vais, si vous me le permettez, l'aborder sous un angle différent.

Je propose de prendre trois des objectifs clés du portefeuille du ministère du Patrimoine canadien et de les comparer aux réalisations de Radio-Canada sur le plan culturel. Mon but est bien simple: je veux démontrer que Radio-Canada est un outil essentiel à la mise en oeuvre de la politique culturelle.

Le premier objectif du portefeuille est de favoriser l'expression de notre fierté à l'égard du Canada.

De nombreuses institutions contribuent à la réalisation de cet objectif, et Radio-Canada ne prétend pas détenir le monopole dans ce domaine. Mais peut-on vraiment affirmer qu'il existe une autre institution qui, à elle seule, ait fait davantage que Radio-Canada, de façon continue et pendant plus de 60 ans pour accroître ce sentiment de fierté des Canadiens?

En période de crise comme en période de réjouissance, Radio-Canada joue son rôle de phare.

[Traduction]

En fournissant aux Canadiens des points de référence familiers, qui recoupent toutes les régions, les cultures et les services, Radio-Canada nous offre une tribune où nous pouvons partager nos valeurs et favorise ainsi une meilleure compréhension entre nous tous. Que ce soit en saisissant le but gagnant de Paul Henderson lors de la Coupe Canada en 1972, ou les exploits des athlètes canadiens au cours des jeux olympiques successifs; que ce soit en étant le témoin des efforts déployés par tous les Canadiens pour venir en aide à leurs voisins lors des inondations du Saguenay ou du Manitoba, ou en ayant recours à la technologie pour briser la solitude des familles aux prises avec les difficultés de la crise du verglas de l'hiver dernier; ou encore en permettant à toutes les régions du pays de prendre part aux célébrations de la Fête du Canada, ou en soulignant, par le biais de docudrames, des réalisations historiques comme la découverte de l'insuline; en contant ces histoires, en saisissant ces moments et en les diffusant dans nos foyers, Radio-Canada renforce la compréhension et la fierté des Canadiens à l'égard de leur pays.

[Français]

Voyons à présent le deuxième objectif du portefeuille, qui consiste à protéger le patrimoine canadien.

Le terme «patrimoine» peut signifier bien des choses pour bien des gens, mais il ne fait aucun doute que des vedettes comme Lorne Greene, Anne Murray et Louis Quilico en font partie, de même que des athlètes comme Gordie Howe et Maurice Richard. Or, tous ceux-ci sont connus du pays entier grâce à Radio-Canada.

Le patrimoine comprend également tous les bouleversements politiques, sociaux et économiques qui ont servi à définir notre pays: la Révolution tranquille, le déclin de la pêche à la morue à Terre-Neuve, la montée du populisme dans l'Ouest, la quête d'un gouvernement autonome par nos peuples autochtones. Radio-Canada a toujours été là pour tout enregistrer, pour aider les Canadiens à comprendre et pour faire partie intégrante de nos vies et de notre perception des personnages et des événements qui constituent notre patrimoine.

• 1115

[Traduction]

Nous produisons des émissions que le secteur privé ne voudrait pas réaliser—des émissions qui servent avant tout à nous faire mieux apprécier notre héritage. Il n'y a que Radio-Canada pour porter à l'écran un thème comme Le Canada—Une histoire populaire, une série de 30 heures actuellement en cours de tournage, qui sera présentée aux heures de grande écoute. Réalisé en français et en anglais, un tel projet serait trop ambitieux et trop risqué pour intéresser les radiodiffuseurs du secteur privé. Ces derniers ne voudraient pas non plus fournir un service radiophonique en français à toutes les régions du Canada, quelle que soit la taille du marché.

Le caractère indépendant de notre service de nouvelles et d'information, garanti par la Loi sur la radiodiffusion, conforte solidement notre riche tradition de liberté et de démocratie. Il est important de s'en souvenir, surtout lorsqu'il arrive que l'exercice de cette indépendance journalistique soit source de tension avec le gouvernement du moment.

[Français]

Le troisième et dernier objectif du portefeuille du ministère du Patrimoine canadien dont j'aimerais parler aujourd'hui est celui qui consiste à assurer l'accès aux moyens d'expression canadiens et à nos espaces communs.

Le ministère du Patrimoine canadien précise son objectif de la manière suivante:

    Nous continuerons d'appuyer la production, la distribution et la promotion du contenu canadien traduisant notre dualité linguistique et notre diversité culturelle. Et nous stimulerons, au Canada, un dialogue courant à l'échelle nationale au sujet de la culture.

C'est cela, Radio-Canada CBC. C'est ce que nous faisons tous les jours.

Radio-Canada est le seul diffuseur qui dessert toutes les régions du Canada à la fois en français et en anglais. Nous avons la responsabilité d'enrichir notre héritage linguistique et nous allons encore un peu plus loin dans ce domaine.

Prenons par exemple notre émission de télévision pour les enfants connue sous le nom La maison de Ouimzie en français et de Wimzie's House en anglais. Il s'agit d'une coproduction qui est diffusée simultanément dans les deux langues officielles. C'est une performance typiquement canadienne et un point de référence culturel commun aux enfants de nos deux principales communautés linguistiques.

Radio-Canada offre une programmation qui est pancanadienne, et qui devrait l'être même davantage à l'avenir. Ceci veut dire que nous rapportons ce qui se passe au Canada et dans le reste du monde à toutes les régions du pays, et que nous donnons à toutes les régions du Canada la possibilité d'être entendues par les autres. Le Canada est un pays à multiples facettes, et nos ondes publiques doivent refléter cette réalité.

[Traduction]

Radio-Canada est le seul radiodiffuseur qui ait des moyens de production et de distribution dans le pays entier. Nous diffusons en français, en anglais et dans huit langues autochtones. Aucun autre radiodiffuseur n'a le mandat, ni l'infrastructure, ni même de raison, de s'adresser à tous les Canadiens. Aucun autre radiodiffuseur n'a consacré autant de ressources pour que les Canadiens puissent voir des images d'eux-mêmes et du reste du monde sur leurs ondes.

Seule une radiodiffusion de service public accessible à tous peut fournir la masse critique qui permet de communiquer efficacement la culture canadienne. Les émissions de sport et les comédies, les dramatiques et les nouvelles, les actualités et les émissions culturelles ont toutes droit à un espace. Radio-Canada leur donne cet espace.

[Français]

Permettez-moi donc, monsieur le président, de récapituler ces trois objectifs du ministère du Patrimoine canadien: favoriser l'expression de notre fierté à l'égard du Canada, protéger le patrimoine canadien, et assurer l'accès aux moyens d'expression canadiens et à nos espaces communs.

Ces objectifs reflètent les espoirs, les rêves et les aspirations de millions de Canadiens. Encore une fois, je vous demande: quelle autre institution a contribué autant à la réalisation de ces objectifs au cours des 60 dernières années? La conclusion est claire: si Radio-Canada CBC n'existait pas, il faudrait l'inventer.

• 1120

La bonne nouvelle, c'est que les Canadiens ont déjà investi l'argent nécessaire pour faire progresser Radio-Canada depuis 60 ans. Nous faisons d'ores et déjà partie intégrante de cette culture et de cette identité canadienne que nous contribuons à renforcer.

La société CBC Radio-Canada est un outil essentiel à la réalisation des objectifs du ministère du Patrimoine canadien et une ressource précieuse pour tous les Canadiens.

M. Beatty va maintenant vous faire part de notre plan stratégique.

[Traduction]

M. Perrin Beatty (président et chef de la direction, Société Radio-Canada): Merci infiniment, Guylaine.

Je vous remercie, monsieur le président, de cette occasion de prendre la parole devant le comité.

Si vous le permettez, j'aurais quelques mots à vous dire à titre très personnel. C'est probablement la dernière fois que je me présente devant votre comité permanent avant de quitter mes fonctions de président-directeur général, au mois de septembre prochain.

Je tiens à vous remercier très sincèrement, monsieur le président, ainsi que tous vos collègues, pour l'appui et les bons conseils dont moi-même et la Société avons pu bénéficier pendant mon mandat.

Sachez également que le moment ne pourrait être mieux choisi pour ma comparution aujourd'hui. Je suis particulièrement heureux d'avoir cette occasion de vous parler d'un plan stratégique qui propulsera Radio-Canada dans le prochain millénaire. Le plan est audacieux et ambitieux dans son envergure: permettez-moi de vous en présenter les grands traits.

[Français]

Premièrement, nous allons offrir une programmation qui intéresse tous les Canadiens. Ceci inclut les émissions de sport qui font tout à fait partie de l'héritage canadien et également de notre champ de compétence.

Nous allons fournir une programmation pancanadienne. Si nous voulons que notre identité culturelle survive, il faut que les Canadiens puissent se voir sur leurs ondes. Aussi devrons-nous augmenter le nombre de voix nouvelles qui représentent notre diversité culturelle afin de présenter un tableau complet et vibrant de notre pays.

[Traduction]

Nous allons assurer une présence originale renforcée dans les régions. Car comme le disait un résident de Regina au cours des récentes audiences du CRTC, et je cite: «Le bâtiment de Radio-Canada à Toronto n'est tout simplement pas assez grand pour bien nous montrer le reste du Canada.»

Nous allons revitaliser notre télévision anglaise en poursuivant notre campagne de canadianisation qui connaît déjà beaucoup de succès. En effet, nos efforts commencent à porter leurs fruits. Cette année, neuf des dix séries canadiennes les plus populaires en anglais étaient des émissions présentées à la télévision anglaise de Radio-Canada.

Dans cette lutte pour garantir la survie d'une culture canadienne forte et indépendante, il est essentiel de nous assurer que tous les Canadiens, et surtout nos enfants, comprennent bien leur propre histoire et leurs institutions.

Nous voulons être le premier choix des Canadiens en matière de nouvelles et d'information. Notre rôle de chef de file et nos compétences dans le secteur journalistique sont en effet parmi nos plus grands atouts.

[Français]

Nous allons assurer le rayonnement de la langue et de la culture françaises partout au Canada. Dans le contexte actuel de la mondialisation des communications, où la langue anglaise exerce une dominance croissante, cet aspect du rôle de Radio-Canada est plus important que jamais.

Nous allons jeter des ponts entre les cultures et les communautés francophones et anglophones en multipliant nos efforts de production d'émissions interculturelles comme Culture Choc/Culture Chock, réalisée conjointement par le Réseau de l'information et Newsworld, ou Anglosong à la radio française et C'est la vie à la radio anglaise.

[Traduction]

Nous allons promouvoir les arts et la culture du Canada. Radio-Canada constitue la scène électronique du pays. Certaines de nos plus grandes vedettes canadiennes ont fait leur début à la télévision et à la radio de Radio-Canada. Avec un mandat à renouveler et revitaliser, Radio-Canada continuera à présenter les artistes, les écrivains, les musiciens et tous les talents créateurs de notre pays.

Nous voulons développer une constellation de nouveaux services pour mieux répondre aux besoins des Canadiens. À l'avenir, Radio-Canada devra être à la portée de tous les Canadiens, aux endroits et au moment qui leur conviendront.

D'ailleurs, les demandes de nouvelles chaînes spécialisées que nous avons déposées l'année dernière visent à remédier à des lacunes dans la programmation de notre pays qui sont bien réelles et qu'un radiodiffuseur public devrait combler.

Nous allons jouer un rôle de chef de file dans le secteur des nouveaux médias et des nouvelles technologies. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que Radio-Canada a sa place—et qu'elle réussira très bien—dans ce nouveau secteur en pleine effervescence. Sans notre présence, les voix canadiennes risquent fort d'être étouffées dans ce nouveau contexte.

[Français]

Enfin, nous allons refléter l'image du Canada à l'étranger. Plus le monde entier se rapproche de nous, plus il importe d'exporter l'image du Canada au-delà de nos frontières.

• 1125

Ces engagements serviront à orienter les activités de Radio-Canada à l'avenir. Ce sont des cibles ambitieuses, mais elles sont à notre portée.

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais terminer par quelques observations très personnelles. Lorsque j'ai assumé mes fonctions à la Société Radio-Canada il y a un peu plus de quatre ans, j'étais persuadé de l'importance de celle-ci pour servir les Canadiens et jeter des ponts entre les cultures et les régions du Canada et pour offrir un radiodiffuseur public dont les auditoires sont pour lui autre chose que des yeux et des oreilles à vendre aux annonceurs et sont en fait composés de citoyens. J'étais persuadé de l'importance d'avoir un radiodiffuseur dont les employés, hommes et femmes, arrivent chaque jour au travail en se disant qu'ils sont là pour raconter aux Canadiens des quatre coins du pays des histoires qui les concernent et pour aider à faire régner au pays la tolérance et la compréhension mutuelle.

Maintenant que me m'apprête à quitter la Société, je suis plus persuadé que jamais de son importance et du rôle essentiel qu'elle peut jouer pour forger l'avenir de notre société et de notre pays.

Monsieur le président, à l'aube du nouveau millénaire, nous devons faire ce qu'il faut pour avoir un radiodiffuseur qui se dévoue pour faire pénétrer dans les foyers de notre pays les voix et les visages de Canadiens. Nous devons faire ce qu'il faut pour qu'il y ait un radiodiffuseur dont les normes de qualité font autorité et qui tient absolument à servir tous les Canadiens dans le contexte des rôles qu'ils jouent en tant que citoyens.

Voilà le rôle que joue la Société et c'est un rôle qu'un groupe d'hommes et de femmes formidables, dont le dévouement au pays et aux gens qu'ils servent est sans borne, tiennent à jouer en cette ère marquée par le passage à un nouveau siècle.

Dans la réflexion à laquelle se livre le comité pour établir ses priorités en vue de renforcer et de célébrer notre pays dans le nouveau millénaire, je vous encourage de bien tenir compte de l'instrument puissant qui est là à votre disposition. La raison d'être de la Société Radio-Canada est de promouvoir les aspirations culturelles de tous les Canadiens. Servons-nous en à bon escient.

Une voix: Bravo!

Le président: Merci infiniment, monsieur Beatty. On ne peut entamer les questions dans un meilleur contexte.

M. Mark a la parole.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier tous de votre présence ici aujourd'hui, du temps que vous voulez bien nous consacrer.

Ayant participé aux audiences publiques tenues dans la région de l'Atlantique ainsi qu'à Montréal et Toronto, je peux vous dire qu'il y a eu une profusion d'éloges à l'égard de la Société Radio-Canada et du rôle qu'elle joue dans notre pays.

J'ai deux questions concernant la culture et le financement. Vous nous avez décrit ce matin les nombreux rôles de la Société. Me faisant l'avocat du diable, j'aimerais vous demander ceci: Y a-t-il un rôle pour le radiodiffuseur privé en ce qui concerne la culture? Dites-nous ce que ces radiodiffuseurs peuvent faire dans ce contexte, compte tenu du radiodiffuseur national de taille que nous avons dans notre pays.

La deuxième question concerne le financement. Quelle est la forme du soutien financier que la société espère recevoir dans les années à venir, au-delà de la relation actuelle qui a été établie?

Mme Guylaine Saucier: Je vais répondre à la première question et je pourrais peut-être laisser la deuxième à M. Perrin.

Bien sûr, tout le monde a un rôle à jouer dans la culture canadienne. Ce qui distingue le radiodiffuseur privé du radiodiffuseur public, c'est le mandat.

Comme je l'ai dit, je viens du secteur privé, où les résultats nets sont ce qui compte. C'est à partir de ces résultats que nos actionnaires peuvent calculer la valeur ajoutée que nous leur apportons. Les radiodiffuseurs privés sont obligés de fonctionner ainsi.

Notre rôle est très différent. Notre mandat est d'apporter à nos actionnaires, les citoyens canadiens, une valeur ajoutée différente. Il s'agit essentiellement d'être en mesure de partager des valeurs, de constituer un lien entre les Canadiens. C'est à partir de cela que nous pourrons désormais mesurer notre succès.

• 1130

Ne pensez pas que nous sommes contre la radiodiffusion privée, parce que ce n'est pas le cas. Ces radiodiffuseurs jouent bel et bien un rôle dans le système de radiodiffusion. Mais seulement un radiodiffuseur public doté d'un mandat de service public peut jouer le rôle consistant à partager des valeurs dans l'environnement canadien.

À cause des forces qui interviennent aujourd'hui dans l'environnement mondial, où la mondialisation de la culture gagne constamment du terrain, il nous faut au Canada, comme dans tout autre pays, des outils nous permettant de promouvoir notre propre identité, faute de quoi nous la perdrons.

Il n'y a pas de radiodiffuseurs privés qui offrent des services en langue française à l'extérieur du Québec. De tels services ne sont pas rentables et ils ne le seront jamais. Il n'y a pas de radiodiffuseurs privés qui offrent des services aux Autochtones dans le Nord.

À mes yeux, ce sont là des faits très importants. Nous sommes le seul radiodiffuseur qui offre des services d'une mer à l'autre dans les deux langues. Nous sommes le seul radiodiffuseur en mesure de remplir ce rôle consistant à amener les diverses collectivités du Canada à partager des valeurs.

Je dirais donc qu'il est essentiel de maintenir le rôle du radiodiffuseur public si nous voulons préserver l'unité de notre pays, si nous voulons partager des valeurs et conserver une identité canadienne que nous pourrons partager avec les générations futures.

Le président: Monsieur Beatty.

M. Perrin Beatty: Monsieur Mark, j'étais ministre à l'époque de l'adoption de la Loi sur la radiodiffusion. Cette loi enchâsse un principe qui constitue en fait le fondement de la politique du gouvernement du Canada dans le domaine des communications depuis la création de la Société Radio-Canada. C'est le principe d'un système de radiodiffusion public-privé mixte.

Il nous sert bien depuis 60 ans et je suis convaincu que les Canadiens seraient beaucoup moins bien servis si un secteur privé solide et dynamique n'était pas là pour leur offrir les choses dans lesquelles il excelle, pour leur offrir des choix dans le réseau et pour inciter la Société à la vigilance et au dépassement.

Inversement, je suis convaincu que le système serait beaucoup moins riche s'il n'y avait pas de radiodiffuseur public—un radiodiffuseur public dont l'activité journalistique sert d'étalon, un radiodiffuseur public qui voit surtout les gens dans leur rôle de citoyens plutôt que de personnes à qui l'on peut vendre des produits; un radiodiffuseur public qui considère que son rôle consiste à jeter des ponts entre les Canadiens et à encourager un dialogue intelligent et respectueux entre les Canadiens; et un radiodiffuseur public qui met en valeur les grands talents de notre pays.

Chose certaine, la Loi sur la radiodiffusion impose au secteur privé des responsabilités en matière de contenu canadien et j'ose espérer que chaque radiodiffuseur privé, écoutant sa conscience sociale, fera sa part à cet égard. Nous, toutefois, en tant que radiodiffuseur public, nous assumons volontiers une responsabilité beaucoup plus lourde: mener des activités qui ne seraient pas rentables pour le secteur privé, valoriser le talent canadien et prendre des risques là où personne d'autre ne serait prêt à le faire. Je dirais que par ces activités, nous enrichissons le système.

En ce qui concerne le financement, vous demandez ce qu'il en sera demain. Notre financement est désormais prévisible, nous savons quels crédits nous saurons voter l'année prochaine, mais un financement véritablement stable est toujours ce que nous cherchons. Nous entamons chaque année avec des crédits parlementaires qui sont en gros du même ordre que ceux de l'année précédente, ce qui fait toutefois qu'ils sont rognés par l'inflation. C'est ainsi que nous commençons chaque année avec un pouvoir d'achat moindre que celui de l'année précédente. C'est une situation qui est infiniment meilleure que celle que nous avons connue il y a quelques années, lorsque l'on a sabré dans notre budget, mais nous ne jouissons toujours pas d'une vraie stabilité.

Nous voulons donc d'abord une vraie stabilité dans les crédits, après défalcation de l'inflation. Ensuite, nous voulons pouvoir soumettre au gouvernement des propositions de projets ponctuels qui ne feraient pas partie de nos crédits de fonctionnement.

Notre projet d'archives est un tel projet, que nous poursuivons en ce moment. Nous travaillons à conserver le patrimoine audiovisuel du Canada. Je maintiens que dans le cas d'une activité ponctuelle, nous sommes justifiés de demander l'aide du gouvernement du Canada pour mener à bien un projet d'une telle importance pour tous les Canadiens.

Nous ne chercherons pas à récupérer tout l'argent qui a été retranché de notre budget au cours des dernières années. Ce que nous voulons, c'est une vraie stabilité.

Par rapport aux nouveaux services que nous offrons, nous comptons que les nouveaux services spécialisés pour lesquels nous avons demandé une autorisation rentreront dans leurs frais. Ces activités se font en partenariat avec des entreprises du secteur privé qui espèrent dégager des profits.

• 1135

Le CRTC défend absolument l'interfinancement entre nos grandes chaînes et les services spécialisés. C'est primordial pour nous.

Enfin, nous travaillerons à générer les recettes qu'il nous faut pour innover, pour améliorer les services et pour offrir de nouveaux services. Nous le ferons en nous fixant un objectif d'augmentation de la productivité de 2 p. 100 par année. C'est ainsi qu'en plus de fixer nos propres priorités, nous pourrons suivre l'évolution de nos auditoires et de leurs goûts et suivre l'évolution des besoins des Canadiens au fil des ans.

Je dirais que notre voeu de stabilité authentique est raisonnable. Donnez-nous la marge de manoeuvre qu'il nous faut pour suivre l'évolution de nos auditoires et nous nous occuperons du reste pour fournir un contenu canadien de grande qualité. Notre sort dépend de notre capacité d'attirer des auditoire à ce contenu canadien de grande qualité.

Mme Guylaine Saucier: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, monsieur le président.

Le président: Oui, rapidement.

Mme Guylaine Saucier: Je vous ai dit tout à l'heure que McKinsey avait publié une étude en janvier dernier intitulée Public Service Broadcasters Around the World, qui démontre que la présence dans un pays d'un radiodiffuseur public solide est un atout pour tout le système de radiodiffusion.

Je vous enverrai un exemplaire, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Vous le trouverez peut-être utile.

Le président: Merci infiniment. Faites-le parvenir au greffier et nous verrons à ce que tous les membres en reçoivent une copie. Cette étude arrive à point.

[Français]

Madam St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais également remercier nos trois témoins. On se rencontre deux fois en deux jours. J'en suis bien heureuse et j'ose espérer qu'il y a aura un deuxième tour de table parce que j'ai de très nombreuses questions à vous poser.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous faire savoir, si vous ne le savez pas déjà, que le Bloc québécois a déposé hier son mémoire au niveau du CRTC. Nous appuyons le renouvellement des licences principales de la radiotélévision française et ainsi de suite.

Mais aujourd'hui j'aimerais insister surtout sur les réserves que j'éprouve et dont je vous ai déjà fait part. Je tiens à les réitérer ici, devant les membres de ce comité.

Madame Saucier, lors de votre présentation, vous avez dit:

    La Société Radio-Canada est un outil essentiel à la réalisation des objectifs du ministère du Patrimoine canadien et une ressource précieuse pour tous les Canadiens. Prenons soin d'en faire bon usage.

J'aimerais que vous vous en teniez à cette dernière phrase, à savoir que Radio-Canada était au départ une société assujettie à la Loi sur la radiodiffusion, et non pas un outil de propagande du ministère du Patrimoine canadien. Je dois vous avouer que j'éprouve des réserves à ce niveau.

Je crois que vous savez très bien que Radio-Canada fait partie de la culture québécoise et je crois que le Québec vous le rend bien. Pire que cela, je vous dirais que même dans votre plan stratégique, je ne vois rien pour le Québec. De fait, on a même fait un petit calcul qui risque de sembler anodin à mes collègues, mais on y retrouve à peine cinq fois le mot Québec. Tout comme le ministère du Patrimoine canadien, Radio-Canada semble avoir de la difficulté à reconnaître le Québec. J'éprouve de sérieuses réserves à ce niveau-là.

Il va sans dire qu'on ne peut vous appuyer au niveau des canaux spécialisés. Comme vous étiez prêts à l'avouer et le disiez si bien hier, Radio-Canada n'est pas parfait et vous êtes prêts à travailler pour combler les lacunes. Je vous recommanderais d'améliorer ce que vous faites actuellement, après quoi on verra pour le reste. Voilà ce que nous recommandons dans notre mémoire.

Donc, j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus, ainsi que votre version officielle de l'affaire Milewski. J'aimerais savoir ce qui s'est produit et comment vous interprétez ce qui s'est passé avec le premier ministre.

Le président: Madame Saucier.

Mme Guylaine Saucier: Comme je vous l'ai mentionné hier, nous sommes effectivement une société gérée à distance, une société indépendante du gouvernement. Notre mandat nous a été confié par le Parlement canadien et nous devons nous en acquitter au meilleur de notre connaissance. Ce mandat consiste à promouvoir l'identité canadienne, ce qui s'inscrit selon moi assez bien avec le mandat du ministère du Patrimoine canadien et que nous pouvons faire conjointement.

• 1140

J'estime que nous avons repris ces éléments émanant du ministère du Patrimoine canadien parce qu'ils semblent bien concorder avec les objectifs de Radio-Canada, et non pas parce que nous avions reçu des instructions à cet effet. Selon moi, nous avons suivi une démarche inverse. Il reste que c'est le rôle du conseil d'administration de Radio-Canada que de s'assurer que nous nous acquittons de notre mandat correctement. Nous avons l'intention de bien assumer ce rôle. S'il concorde avec les objectifs du ministère du Patrimoine canadien, notre tâche en sera facilitée parce qu'il reste que nos fonds principaux proviennent de ce ministère. Il faut quand même être réaliste.

Il y a quatre ans que j'occupe ce poste et j'ai toujours été absolument à l'aise de travailler dans un contexte où nous recevions un mandat du Parlement et établissions une stratégie. Il ne faut pas oublier que nous sommes imputables à la population canadienne des sommes d'argent que nous dépensons. C'est un équilibre qu'il faut conserver.

Si vous me le permettez, je prendrai l'affaire Milewski à titre d'exemple. Jamais le gouvernement n'est intervenu dans ce dossier. Il a suivi en tout temps le processus formel auquel tout citoyen peut avoir recours lorsqu'il n'est pas satisfait de notre couverture. J'étais tout à fait à l'aise de voir le gouvernement utiliser cet outil qui s'appelle notre ombudsman plutôt que de faire des interventions directes, ce qu'il n'a jamais fait.

Notre mandat est similaire à celui du ministère du Patrimoine canadien, et cela me semble normal parce notre rôle est similaire. Il ne devrait donc pas être étonnant que vous retrouviez la même façon de s'exprimer. Je me sens tout à fait à l'aise de fonctionner dans un système où nous sommes à la fois distancés du gouvernement et imputables des fonds que nous gérons.

Cela étant dit, nous reflétons toutes les régions du pays, y compris le Québec, qui occupe une très bonne partie de la carte globale, si vous me permettez de m'exprimer ainsi. Nous sommes soucieux de nous assurer que le reste du Canada soit reflété au Québec et que le Québec soit reflété au reste du Canada. Cela fait partie de notre mandat.

Mme Caroline St-Hilaire: Il me sera difficile de traiter brièvement de l'affaire Milewski. Vous avez dit que M. Chrétien avait agi à titre de citoyen ordinaire et que vous lui aviez répondu en cette même capacité. Pourquoi lui a-t-on répondu avant que l'ombudsman prenne une décision? Il y a peut-être des éléments qui m'échappent. J'imagine que vous avez tout ça en main.

Mme Guylaine Saucier: Puisqu'il s'agit d'un processus interne de la gestion, je demanderai à M. Beatty de répondre à votre question.

M. Perrin Beatty: Pourriez-vous préciser votre question, s'il vous plaît?

Mme Caroline St-Hilaire: M. Milewski a été suspendu avant que l'ombudsman prenne une décision sur sa couverture du sommet de l'APEC. J'ai cru comprendre que le premier ministre lui avait écrit à titre de citoyen et qu'on lui avait répondu à titre de citoyen.

M. Perrin Beatty: On soulève des questions de deux ordres dans cette situation: des questions politiques d'une part, et nos normes journalistiques d'autre part. M. Donolo a soulevé une question concernant le professionnalisme de notre couverture de l'APEC, tandis que de l'autre côté, on parle de nos relations avec notre employé.

Avez-vous eu l'occasion de lire le rapport de notre ombudsman sur cette cause?

Mme Caroline St-Hilaire: Je n'en ai reçu qu'une partie. Je n'ai donc pas pu le lire au complet.

M. Perrin Beatty: Je serais très heureux de vous en faire parvenir une copie.

[Traduction]

Permettez-moi de récapituler les faits. Lorsque les courriels de M. Milewski ont été remis à la GRC pour qu'elle mène son enquête, les responsables des nouvelles à Radio-Canada ont immédiatement entrepris leur propre enquête dans le but d'examiner les méthodes utilisées pour produire les reportages. Ce n'est que trois jours plus tard environ qu'une plainte est parvenue du cabinet du premier ministre. L'enquête n'a d'aucune façon été lancée à l'initiative du cabinet du premier ministre. La plainte à cet égard est parvenue à l'ombudsman plus tard. Le cabinet du premier ministre a exactement les mêmes droits que tout autre organisme ou que tout autre citoyen au Canada.

• 1145

[Français]

Hier, lorsque j'ai comparu devant vous et vos collègues du Bloc québécois, je vous ai invités à utiliser les services de notre ombudsman. J'aimerais réitérer cette invitation puisque tous les citoyens ont les mêmes droits et recours s'ils ne sont pas satisfaits de nos actions journalistiques.

[Traduction]

Selon l'ombudsman, ce qui a été présenté sur les ondes avait été préparé de façon professionnelle et était assez équilibré. Il s'agissait d'une description impartiale des événements à l'APEC.

Les responsables des nouvelles à Radio-Canada étaient du même avis et se sont réjouis des constatations de l'ombudsman.

L'ombudsman ne s'est pas prononcé sur les autres questions qui font toujours l'objet d'un grief déposé en bonne et due forme par M. Milewski. Une décision sera rendue plus tard cette année en application de la convention collective.

Nous avons donc affaire ici à deux dossiers. Chose certaine, le service des nouvelles de Radio-Canada a entamé son enquête avant d'avoir reçu une plainte de M. Donolo.

[Français]

Le président: Les membres du comité auront la possibilité de revenir à ces questions lors du deuxième tour.

[Traduction]

Pour terminer ce tour de questions, je donne la parole à Mme Bulte, puis ensuite ce sera à M. Lavigne, M. Crête et M. Mark.

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier de votre comparution devant le comité.

Madame Saucier, dans vos remarques liminaires, vous avez dit que le plan stratégique que vous proposez devrait «contribuer à résoudre la question de notre souveraineté culturelle».

M. Tremblay pourrait peut-être nous en dire plus long sur les moyens à prendre pour y parvenir. Je reconnais que c'est une question très importante par rapport non seulement à l'OMC mais aussi à la mondialisation maintenant que nous nous dirigeons également vers une zone de libre-échange des Amériques.

Deuxièmement, je suis ravie d'apprendre que vous allez produire une émission historique de 30 heures. Nous avons une merveilleuse collection de documentaires canadiens et nous avons consacré des fonds à la création de ce produit artistique, mais nous ne semblons pas pour une raison quelconque avoir l'infrastructure permettant de promouvoir ces documentaires et c'est ce qui me préoccupe en ce qui concerne aussi bien les radiodiffuseurs privés que le radiodiffuseur public. Votre plan stratégique aborde-t-il la question des mesures à prendre pour promouvoir nos documentaires canadiens?

Enfin et surtout, il y a une question que nous avons déjà abordée mais qui mérite que l'on s'y penche encore. Elle se rapporte à votre comparution devant le CRTC, où vous avez parlé de commandite. Le nombre d'appels téléphoniques que j'ai reçus dans ma circonscription de la part de gens...

Par exemple, le groupe Friends of Canadian Broadcasting et des particuliers oeuvrant au sein de Radio-Canada à titre d'artistes et de techniciens sont horrifiés que vous puissiez envisager d'accepter la commandite. Vous êtes censés fonctionner sans lien de dépendance avec quiconque. La commandite d'entreprise va entraîner une nouvelle série de problèmes de censure.

Si c'est effectivement ce qui pourrait se produire, nous, les autorités publiques, devons-nous nous affirmer et l'interdire, quitte à délier les ficelles de la bourse pour régler cette question?

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Guylaine Saucier: En ce qui concerne la souveraineté, je crois fermement que chaque pays doit trouver les outils lui permettant de promouvoir sa propre identité. Je regrette de me répéter peut-être, mais nous sommes tellement inondés d'information provenant des autres pays que l'identité d'un pays, quel qu'il soit, peut très facilement de nos jours s'y noyer.

Si nous ne trouvons pas des moyens de faire en sorte non seulement que les valeurs soient partagées aujourd'hui mais aussi qu'elles soient partagées dans la prochaine génération, je dirais qu'il y a là deux aspects à considérer.

Premièrement, lorsqu'il est question de transmettre des valeurs à la prochaine génération—et c'est un travail auquel je tiens énormément—, nous avons affaire à deux choses. Premièrement, nous devons parvenir à intéresser les jeunes, à les attirer, à dialoguer avec eux.

• 1150

Jusqu'ici, nous n'y avons pas très bien réussi, surtout dans le Canada anglais. C'est pourquoi nous préconisons l'établissement d'une «Radio 3». C'est l'un des moyens que nous pouvons prendre.

L'autre aspect, c'est que si nous voulons partager encore les mêmes valeurs dans 25 ans, nous devons faciliter la diffusion de ces nouvelles voix. Nous devons leur offrir les espaces leur permettant d'être entendues.

C'est là en partie le rôle de la Société Radio-Canada. J'estime que c'est très important. Quand je parle de notre souveraineté, je considère que la Société Radio-Canada est l'un des outils les plus importants dont nous disposons dans notre pays pour partager les valeurs aujourd'hui et demain. C'est très important.

Mme Sarmite Bulte: Serait-il juste de dire...

Le président: Très rapidement, car nous avons beaucoup de questions aujourd'hui.

Mme Sarmite Bulte: ...que lorsqu'il est question des moyens à prendre pour résoudre le problème de la souveraineté culturelle, l'un de ces moyens consiste à renforcer le rôle de Radio-Canada?

Mme Guylaine Saucier: J'ai une observation à faire à propos du projet d'émissions culturelles. Une chose qui me réjouit énormément et dont je suis très fière, c'est le fait que pour la première fois, nous préparons une série d'émissions historiques qui seront diffusées en anglais et en français et qui seront identiques en français et en anglais; ce qui permettra aux gens, je l'espère, de mieux se comprendre.

Perrin et Michel ont peut-être quelque chose à ajouter à propos du projet d'émissions culturelles et de la commandite.

M. Perrin Beatty: En ce qui concerne le projet d'émissions culturelles, c'est une tâche colossale. C'est la première fois qu'une série télévisée de cette envergure sur l'histoire du Canada sera diffusée. L'interprétation de l'histoire canadienne sera la même en anglais et en français et sera sensible aux points de vue très divergents qui existent souvent à propos des caractéristiques de l'évolution du Canada.

C'est donc un projet dont nous sommes énormément fiers. Seul le radiodiffuseur public national était en mesure d'entreprendre un projet de cette envergure.

Je suis très heureux que vous ayez soulevé la question de la publicité à la radio; je me réjouis de cette occasion d'en parler.

Je serais tout aussi inquiet que vous s'il était question de permettre la publicité à la radio de Radio-Canada. L'une des choses qui distinguent cette radio de toutes les autres est le fait qu'il n'y a pas de publicité. C'est une décision que nous avons prise il y a des années. Vous n'entendrez pas à la radio de Radio-Canada les messages publicitaires que l'on a l'habitude d'entendre.

Nous voulons que le CRTC nous accorde la marge de manoeuvre nous permettant d'établir des partenariats avec d'autres organismes culturels. En établissant de tels partenariats, qui pourraient s'étendre également à des entreprises du secteur privé souhaitant présenter des événements culturels, nous assisterons à une injection d'argent dans le secteur culturel qui permettra à d'autres organismes culturels de présenter des événements qu'ils ne pourraient normalement pas se permettre.

À l'heure actuelle, il nous est interdit d'établir avec eux le type de partenariat qui sert à faciliter ces événements. Le changement que nous réclamons nous permettrait de collaborer avec des orchestres symphoniques, par exemple, ou Roy Thomson Hall ou d'autres organismes, de manière à faciliter la présentation d'événements culturels.

Aucune entreprise ne fera parvenir de chèque à Radio-Canada. L'argent aboutira dans les coffres de l'organisme culturel grand public. L'avantage pour nous sera la tenue d'un événement que nos auditoires auront le plaisir d'écouter et ce sera un événement qui facilitera l'injection de nouveaux fonds dans la vie culturelle du Canada. C'est donc quelque chose de très positif.

Nous ne reviendrons pas à l'époque où il y avait des messages publicitaires à la radio de Radio-Canada. S'il y en a qui en doute, nous sommes tout à fait disposés à ce que le Conseil définisse de façon très restrictive le pouvoir que nous demandons pour que ce soit bien clair qu'il n'y aura pas de message publicitaire de 30 secondes ou d'une minute à Radio-Canada et que nous serons habilités uniquement à faciliter le type de partenariat culturel qui peut profiter à tous les intéressés.

[Français]

Le président: Monsieur Lavigne.

M. Raymond Lavigne (Verdun—Saint-Henri, Lib.): Je vous remercie tous les trois de comparaître ici aujourd'hui. J'ai une question à poser à Mme Saucier.

Dans le passé, vous couvriez une activité qui existe depuis 125 ans, soit la parade de la Saint-Patrick. Je voudrais savoir pourquoi, depuis l'an passé, vous ne couvrez pas cet événement qui qui fait partie du patrimoine canadien. Est-ce qu'il y a une raison particulière à cela?

• 1155

Mme Guylaine Saucier: Je vais laisser M. Beatty répondre à cette question.

M. Perrin Beatty: Je ne le sais pas, mais je vais trouver la réponse et vous envoyer une lettre si possible.

M. Raymond Lavigne: S'il vous plaît, parce que cette année, on a couvert à peu près deux secondes de la parade de la Saint-Patrick et on n'a plus revu les caméras. J'ai été très surpris de voir qu'il n'y avait pas de couverture de Radio-Canada et de CBC de cet événement patrimonial.

M. Perrin Beatty: Étant d'origine irlandaise, je trouve votre question très importante. Cela me fera plaisir de trouver ce renseignement.

M. Raymond Lavigne: Merci.

Le président: Une dernière question, monsieur Lavigne?

M. Raymond Lavigne: Non, c'est tout.

Le président: Monsieur Crête, et ensuite M. Mark.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): J'ai une question à deux volets.

Premièrement, est-ce que Radio-Canada a l'impression d'avoir rempli son mandat pendant la dernière campagne référendaire, alors que l'ombudsman, M. Cardinal a dit que le réseau anglais s'était montré moins équitable que le service français? Pendant la dernière campagne référendaire, dit-il, CBC avait consacré 66 p. 100 du temps au Non lors du bulletin de fin de soirée contre 34 p. 100 au Oui, tandis que l'émission The World avait consacré 76 p. 100 du temps au Non contre 24 p. 100 au Oui, et l'émission Politics, 63 p. 100 au Non contre 37 p. 100 au Oui. Dans le même rapport, on disait que le réseau français avait pour sa part maintenu un équilibre presque parfait entre les deux camps. C'est ma première question.

Deuxièmement, vous savez que dans l'est du Québec on a perdu nos trois stations en 1990. Les députés et la population de la région réclament le retour de ce service. À cet égard, j'ai ici les appuis de tous les députés fédéraux, de 10 députés provinciaux, de tous les députés provinciaux de la région, de 8 entreprises, de 20 institutions, de 72 organismes et de 96 municipalités. Vous en parlez dans votre présentation. Avez-vous l'intention de redonner à l'est du Québec et à la Côte-Nord une station qui soit présente dans la région, ce qui ferait en sorte que les caméras ne seraient pas présentes seulement lorsqu'il y a une catastrophe naturelle ou un incendie?

Mme Guylaine Saucier: Je vais répondre quant aux grands principes et je vais laisser M. Beatty répondre de façon plus détaillée.

Sur votre premier point, je ne dis pas qu'on est toujours parfaits, mais pour nous, que ce soit pendant une campagne référendaire ou dans notre couverture normale, il est essentiel que nous ayons une couverture qui soit équilibrée et équitable. Nous sommes très conscients qu'il y a parfois des lacunes, parce que, comme tout le monde, nous ne sommes pas tout à fait parfaits, mais nous avons l'intention de travailler continuellement à atteindre l'équilibre. C'est notre politique.

Deuxièmement, il est absolument essentiel pour nous, si nous voulons remplir notre mandat adéquatement, de refléter les régions du pays. Comment allons-nous le faire? Nous allons devoir utiliser à l'occasion de nouvelles technologies. Nous allons probablement devoir faire les choses autrement que par le passé. Nous avons des ressources moindres, mais nous nous devons d'être connectés aux régions du pays si nous voulons les refléter.

M. Paul Crête: Pour vous, est-ce que cela a préséance sur l'établissement de chaînes spécialisées? Serez-vous en mesure d'atteindre cet objectif si vous l'associez à tous les autres volets? Est-ce que Radio-Canada aura les moyens de faire tout cela en même temps?

Mme Guylaine Saucier: Je pense que le problème est autre que celui que vous décrivez. Les chaînes spécialisées se doivent d'être autosuffisantes au plan financier. RDI et Newsworld doivent actuellement être autosuffisants. On ne peut pas prendre les ressources du réseau principal et les réaffecter aux chaînes spécialisées. Donc, l'un n'empêchera pas l'autre. Ces deux dossiers ne s'opposent pas l'un à l'autre.

M. Perrin Beatty: En ce qui concerne notre couverture du référendum, j'en suis satisfait en général, mais il y a toujours possibilité d'améliorer nos activités.

• 1200

On a demandé à Erin Research de faire une étude sur notre couverture. Ils l'ont trouvée en général équilibrée et juste. Pour moi, il est important d'utiliser cette étude, ainsi que les résultats d'autres études et sondages.

M. Paul Crête: Monsieur Beatty, comment pouvez-vous dire que c'était équilibré? Si on avait eu le même comportement au réseau français, on aurait considéré normal de consacrer 70 ou 75 p. 100 du temps au Oui. Au réseau français, on a eu un équilibre parfait, soit environ 50-50, alors qu'au réseau anglais, les écarts étaient très significatifs; ils étaient de l'ordre de 70 contre 30 p. 100, selon le type d'émission, ce qui fait que la population anglophone qui écoute le réseau anglophone a eu une vision tronquée de la réalité. L'ombudsman, M. Cardinal, a lui-même écrit:

    Est-ce à dire que le réseau français, dont la clientèle est francophone et réside au Québec, aurait dû accorder 60 % de son temps d'antenne au OUI? Bien sûr que non.

Comment pouvez-vous justifier cette situation? Je suis incapable de comprendre. Vous pouvez admettre qu'il y a eu une erreur—et c'est ce que j'ai cru comprendre des propos de Mme Saucier—, mais défendre le...

Mme Guylaine Saucier: Il y a de la place pour de l'amélioration.

M. Paul Crête: Dire qu'il y de la place pour de l'amélioration est très différent de dire que c'est équilibré. Il y a quelque chose qui ne va pas. Est-ce que ce sont les deux mêmes solitudes qui se reflètent aujourd'hui? Je ne le sais pas.

[Traduction]

M. Perrin Beatty: J'ai dit également que, selon moi, il y a toujours moyen d'améliorer notre couverture. Nous pouvons le faire au quotidien et nous pouvons également le faire à l'occasion de référendums.

En général, dans le cas de la couverture du référendum, nous avons tout fait pour que nos reportages soient impartiaux et complets. Les intérêts de nos auditoires ne seront pas les mêmes dans toutes les régions du pays à cause de leur façon particulière de voir les choses. Nous n'obligeons pas nos journalistes à donner à un point de vue exactement le même temps d'antenne qu'à un autre, mais nous tenons à ce qu'ils fassent leur travail de façon professionnelle, minutieuse et appliquée.

D'après ce que j'ai vu des reportages sur le référendum et d'après les études sur la couverture du référendum que j'ai consultées, Radio-Canada s'est très bien acquittée de ce travail.

Votre autre question portait sur les chaînes au Québec. Comme vous le savez,

[Français]

nous avons vécu une période de compressions budgétaires très importantes. Nous espérons toujours améliorer le niveau de services dans chaque région du Canada. Comment pouvons-nous le faire? C'est une question importante, parce que nous devons le faire en fonction des ressources disponibles.

Je peux vous assurer qu'il n'y a aucune contradiction entre notre désir d'améliorer nos services sur la première chaîne et notre demande de licences pour des chaînes spécialisées. Toutes ces chaînes spécialisées doivent s'autofinancer.

Deuxièmement, ces chaînes spécialisées nous donneront la capacité d'améliorer nos services dans les régions et nous permettre de desservir la population de la même façon que RDI et Newsworld. Cela ajoute à notre capacité de desservir les régions. Il est très important pour nous d'avoir cette capacité d'améliorer le service.

M. Paul Crête: Savez-vous, monsieur Beatty ou madame Saucier, qu'un ornithologue francophone qui organise un Mois de l'oiseau en Alberta a environ 500 p. 100 plus de chances que sa nouvelle se rende au réseau national de Radio-Canada qu'un ornithologue qui organise le même événement dans l'est du Québec, où il y a une population de 400 000? La couverture de cette population est bien moindre que celle accordée aux communautés francophones hors Québec. C'est complètement disproportionné par rapport à l'importance relative que l'une et l'autre ont dans l'ensemble de la mosaïque canadienne, indépendamment du fait qu'on soit au Québec ou ailleurs.

Mme Guylaine Saucier: Je n'ai pas vos statistiques, mais il y a une chose qui est très claire: j'essaie d'être en contact avec toutes les communautés francophones au Québec et hors Québec. On fait partout le même commentaire. Il va falloir qu'à un moment donné je rééquilibre tout cela et que j'essaie de voir comment on peut refléter les régions du pays de façon correcte, afin qu'on ait un outil pour revitaliser constamment cette culture francophone qu'on a en commun. Il va falloir que vous me fassiez part de vos statistiques de façon plus précise.

• 1205

[Traduction]

Le président: Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais commencer par une observation. À l'instar de M. Lavigne, j'invite Radio-Canada à couvrir le défilé du Festival ukrainien national du Canada qui a lieu à Dauphin et qui est tenu chaque année depuis environ 34 ans.

J'ai une question pour Mme Saucier. Ce matin, M. Beatty a fait son discours d'adieu au comité permanent et maintenant j'aimerais vous poser une question concernant le recrutement d'un nouveau président. Elle a deux volets.

Premièrement, est-ce le conseil d'administration qui fera la sélection? Deuxièmement, le processus sera-t-il transparent et ouvert au public?

Mme Guylaine Saucier: Monsieur Mark, la réponse à cette question ne doit pas venir de moi. Comme vous le savez, le président de la Société Radio-Canada est nommé par décret. Ce n'est pas le conseil d'administration de la Société mais bien le gouvernement, le premier ministre et le ministre du Patrimoine canadien qui le nomment.

C'est là une réalité incontournable. Ces modalités sont établies dans la Loi canadienne sur la radiodiffusion et nous devons les respecter.

Comme je l'ai dit, je ne suis pas la personne qui peut répondre à cette question.

M. Inky Mark: En votre qualité de présidente du conseil d'administration, diriez-vous que le conseil d'administration se réjouirait de pouvoir s'occuper du recrutement?

Mme Guylaine Saucier: Comme je l'ai dit, dans ma vie antérieure, avant Radio-Canada, j'ai écrit beaucoup d'articles sur le travail des conseils d'administration. J'ai dit à plusieurs reprises que l'une des tâches les plus importantes d'un conseil d'administration, quel qu'il soit, consiste à recruter son propre président.

M. Inky Mark: Merci.

M. Perrin Beatty: Monsieur Mark, si votre demande est prête, je ferai ce qu'il faut pour que votre candidature parvienne aux autorités compétentes.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je suis abasourdi d'apprendre que les francophones des provinces autres que celle du Québec sont favorisés par rapport aux francophones du Québec par Radio-Canada. C'est une nouvelle dont on va tous se réjouir, monsieur le président, parce qu'on était convaincus du contraire. Je suis certain que les communautés francophones d'Alberta ou d'ailleurs seront heureuses d'apprendre cette nouvelle, parce qu'on avait l'impression que c'était plutôt le contraire, surtout au niveau des productions. Là-dessus, je rejoins mon collègue. J'ai déjà dit ici, au comité: Hors Montréal point de salut pour ce qui est de la production indépendante. J'espère que ça va s'améliorer. Il y a du moins des indices de ce côté-là.

Je voudrais poser une question d'un tout autre ordre, mais avant de le faire, je veux vous féliciter des intentions que vous avez présentées au CRTC, notamment la septième, «jeter des ponts entre les cultures et les communautés francophones et anglophones du pays». Je la trouve louable et j'espère qu'elle sera retenue par le CRTC et qu'on verra dans les années à venir une augmentation très évidente de ces efforts.

Cependant, dans ces 12 intentions, je n'arrive pas à en identifier une qui, à mon avis, pourrait être importante dans un tout autre cadre, à savoir celui d'une société publique nationale qui diffuse dans les deux langues, d'un océan à l'autre, comme vous dites, et qui a joué, comme vous y avez fait allusion dans vos propos, madame Saucier, et qui sera encore malheureusement appelée à jouer un rôle lors de désastres naturels ou de crises. La société est un peu un cordon pour les gens lors d'inondations ou de tempêtes de verglas. Je me demande si ce rôle ne devrait pas être partie intégrante du mandat de la Société Radio-Canada et CBC. On pourrait peut-être même aller au devant des coup. Je ne veux pas souhaiter de malheur à qui que ce soit. D'ailleurs, la crainte du bogue de l'an 2000 semble se dissiper. Au Canada et ailleurs en Amérique du Nord, on semble mieux préparés qu'ailleurs au monde. Cependant, on peut d'ores et déjà prévoir qu'il y aura des difficultés.

• 1210

Dans la documentation que vous nous offrez, je ne vois rien à ce sujet, mais je reconnais que c'est peut-être dans celle que vous offrez au CRTC. J'aimerais donc entendre vos commentaires à ce sujet, sur cet aspect qui est totalement à l'abri de la partisanerie, je l'espère, qui est totalement à l'abri d'un quelconque favoritisme et qui, à mon avis, est un aspect essentiel de l'utilité d'une société publique de radiodiffusion.

Mme Guylaine Saucier: Monsieur Bélanger, vous soulevez une excellente question. Dans le fond, on le fait déjà. Lors de la tempête de verglas, on a été un outil indispensable pour la survie de certaines personnes. Pour ce qui est du bogue de l'an 2000, nous sommes très conscients que nous pourrions encore là être utiles à la population canadienne. Nous espérons que ce ne sera pas le cas, mais cela pourrait l'être.

Vous avez raison de dire qu'on n'en a pas parlé comme tel dans notre présentation. Nous soulignons à plusieurs reprises que c'est ce que nous faisons. Il serait peut-être intéressant d'ajouter cet élément à notre commitment to Canadians. Peut-être est-ce un commitment qu'on devrait faire.

Le président: Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire: Dans le même ordre d'idées, j'aimerais vous rappeler que durant la crise de verglas, il y a des personnes qui n'ont pas pu suivre ce qui se passait, soit celles de la communauté sourde et malentendante. Au Québec, chaque fois que M. Bouchard faisait des interventions et des conférences de presse, ce n'était pas sous-titré. Il n'y avait pas non plus de médaillon. La communauté sourde et malentendante devait donc suivre cela sur Internet. C'était très difficile et ces gens se sont sentis très isolés. Je sais que le Réseau québécois pour le sous-titrage a déposé un mémoire disant qu'il y avait une grande différence entre les francophones et les anglophones. On franchit des caps intéressants de sous-titrage pour la communauté anglophone sourde et malentendante, mais au niveau francophone, on est très loin du 100 p. 100. Pour moi, idéalement, cela devrait être 100 p. 100. Je sais que j'en demande beaucoup, mais quand même...

Je souhaite donc qu'il y ait plus d'efforts à cet égard que ce que vous dites dans votre plan stratégique. Je souhaite qu'idéalement, les deux communautés, anglophone et francophone, aient le 100 p. 100, ou du moins les mêmes objectifs. Ne me dites pas que c'est pour des raisons financières, parce que le mandat de Radio-Canada lui commande de servir tous les Canadiens et Canadiennes, Québécois et Québécoises. Que les personnes sourdes soient francophones ou anglophones, elles doivent avoir le même service.

J'aimerais donc vous entendre là-dessus. C'est tout pour l'instant.

M. Perrin Beatty: Je suis totalement d'accord avec vous. Notre mandat, en français et en anglais, est d'améliorer nos services à tous les Canadiens. Je vais demander à M. Tremblay de répondre plus en détail à votre question.

M. Michel Tremblay (chef, Planification et développement commercial, Société Radio-Canada): Dans un premier temps, les détails relatifs à notre position sur les services aux malentendants sont contenus dans chacune de nos demandes de renouvellement qui sont devant le CRTC. Je peux vous assurer que dans tous les cas, on a rencontré les exigences établies lors des derniers renouvellements.

Cela dit, il est évident que ce n'est pas pour nous un niveau maximum et qu'on s'engage à poursuivre la démarche en ce sens. Là où on n'a pas atteint un niveau optimal, on s'engage à le faire. Des progrès importants ont été réalisés au niveau du Réseau de l'information et de Newsworld, au réseau anglais, et aussi au réseau de Radio-Canada, mais il y a encore du chemin à faire. Comme je vous l'expliquais hier, on s'est engagés à ce que tous les Ce soir provenant des régions soient sous-titrés d'ici l'an 2000, et d'autres éléments seront mis sur la table pour le renouvellement spécifique du réseau français.

Mme Caroline St-Hilaire: Pourquoi est-ce sous-titré à plus de 75 p. 100 au niveau anglophone, alors qu'au niveau francophone on n'arrive pas à dépasser 50 ou 51 p. 100?

M. Michel Tremblay: Il y a évidemment une question de coûts, mais ce n'est pas un facteur. Il y a surtout un problème de disponibilité de l'appareil de sous-titrage. Au cours du dernier terme de licence du Réseau de l'information, on a dépensé beaucoup plus que prévu pour offrir le niveau établi.

• 1215

Donc, il y a effectivement une différence au niveau de la prestation du service et aussi au niveau de la disponibilité des spécialistes et intervenants requis, mais on y travaille. On fait même de la formation à Radio-Canada dans ce domaine. Donc, je peux vous assurer qu'on prend cela au sérieux et qu'on va essayer de combler cet écart.

Mme Caroline St-Hilaire: Je suis certaine que vous pouvez trouver un petit trou dans votre budget pour cela.

M. Péladeau a fait une petite réaction hier. C'était dans presque tous les journaux. Je ne sais pas si vous l'avez lu. À Radio-Canada, en plein sondage BBM, on diffuse le film Forrest Gump sans publicité et tout cela. Était-ce dans le cadre du mandat de faire la promotion de la culture canadienne?

Mme Guylaine Saucier: Pour répondre de façon plus globale, nous essayons effectivement de promouvoir la culture canadienne. C'est notre rôle principal. Si vous regardez les statistiques sur le contenu canadien, surtout aux heures de grande écoute, vous verrez qu'on est au-delà de 90 p. 100 dans les deux langues.

Cependant, nous voulons aussi présenter à l'occasion une programmation qui vient de l'extérieur du Canada, qu'on choisit parmi les meilleures émissions. Si vous voulez avoir une réponse plus spécifique, M. Beatty va vous répondre.

[Traduction]

M. Perrin Beatty: Je suppose que Forrest Gump était un grand sujet de préoccupation pour M. Péladeau. Je ne peux en dire autant dans mon cas. Ce qui importe à mon avis, c'est de regarder l'ensemble de notre programmation. Vous constaterez que notre contenu canadien n'a jamais été aussi élevé sur toutes nos chaînes. Nous fixons la barre pour tous les radiodiffuseurs canadiens en ce qui concerne les émissions produites localement et c'est ce que nous continuerons de faire.

Lorsque nous avons canadianisé notre programmation, il y a une chose que nous nous sommes dit que nous ferions: diffuser en plus ce qu'il y a de mieux dans le monde. M. Péladeau a peut-être des réserves à propos de Forrest Gump et sa place parmi ce qu'il y a de mieux dans le monde, mais nous estimons que c'est un excellent film qu'il convenait de diffuser.

Ce qui importe, toutefois, c'est de reconnaître que la plus grande partie de notre programmation est en fait canadienne et reflète notre pays. Je pense que c'est une contribution très importante que nous apportons lorsque nous fixons la barre et servons de modèle pour le reste de l'industrie.

L'autre élément soulevé par l'un de vos collègues hier—et je m'excuse de n'avoir pu y répondre—concernait la publicité. On accuse Radio-Canada entre autres choses de vendre des espaces publicitaires à rabais.

Il suffit de se renseigner auprès des agences de publicité ou de consulter une étude que nous avons commandée pour voir que c'est exactement le contraire. Répéter quelque chose qui est faux—on répète périodiquement que Radio-Canada propose des tarifs inférieurs à ceux du marché—n'en fait pas une vérité.

La réalité, dans le cas de nos services en anglais aussi bien qu'en français, c'est que nous demandons plus cher à cause des auditoires que nous permettons aux annonceurs de cibler. Nous en sommes fiers. Nous estimons que nous en avons pour notre argent lorsque nous offrons ces services aux annonceurs. Nous sommes fiers également de pouvoir optimiser nos recettes pour les contribuables du Canada.

On a donc tout à fait tort de dire que Radio-Canada offre des espaces publicitaires à rabais ou pratique des tarifs inférieurs à ceux du marché, et nous sommes prêts à le prouver au Conseil n'importe quand.

[Français]

Le président: Monsieur Crête, une dernière question, s'il vous plaît.

M. Paul Crête: C'est une question très spécifique sur l'émission Anglosong, qui est diffusée le samedi soir à Radio-Canada. Il y a des chansons anglaises pendant deux heures à Radio-Canada. Je trouve que l'ensemble de la radio anglophone qu'on a au Canada et ailleurs en Amérique du Nord.... Anglosong est une émission qui diffuse des chansons anglaises au réseau français de Radio-Canada le samedi soir, entre 22 heures et 24 heures, je crois. Je me demande si vous trouvez que cela reflète notre société et répond aux exigences qui vous sont faites. On pourrait profiter de ces heures pour nous faire entendre de la musique francophone de toute la Francophonie, par exemple des pays d'Afrique, de France ou d'ailleurs. Il me semble que dans l'ensemble nord-américain dans lequel nous sommes, il y a moyen d'aller chercher cela ailleurs à la radio. Cela a un effet d'entraînement majeur. Le samedi soir, les postes francophones pour adolescents donnent à ces derniers le goût d'écouter de la musique en anglais. S'il n'y en avait pas ailleurs, je trouverais ça normal, mais on est envahis de stations anglophones en Amérique du Nord.

• 1220

Est-ce qu'il y a un pendant anglophone de cette émission, où on diffuse de la chanson francophone? Et s'il y en a un, est-ce qu'on atteint ainsi l'objectif de la Société Radio-Canada?

Mme Guylaine Saucier: Je vais laisser Perrin répondre d'une façon plus spécifique, mais je vais vous dire que cela fait partie de notre rôle que de mettre les communautés en contact l'une avec l'autre. Dans ce cadre, on peut comprendre qu'on fasse ce type d'émission.

M. Perrin Beatty: Notre mandat, énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, nous demande de contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes qu'elle peut prendre. Dans nos services français et anglais, nous avons la responsabilité d'encourager un échange interculturel.

Nous avons à la radio anglaise une émission qui s'appelle C'est la vie et qui donne aux anglophones un aperçu de la culture et de la langue françaises.

M. Paul Crête: À quelle heure est-ce diffusé?

Mme Guylaine Saucier: À 19 h 30 le vendredi soir.

M. Paul Crête: J'échangerais n'importe quand l'une pour l'autre. Si vous mettiez de la musique française le samedi soir à 11 heures à Radio-Canada, je serais très heureux de faire un échange.

M. Perrin Beatty: On diffuse également des chansons en français à l'émission This Morning. Je crois que notre service de radio anglaise est perçu par les Canadiens comme l'instrument le plus important pour présenter aux anglophones la culture francophone du Canada. C'est un aspect important de notre mandat dont nous sommes très fiers.

M. Michel Tremblay: Voici une petite précision. On me dit que l'émission À propos, diffusée le samedi soir à 22 heures au réseau anglais, présente un volet de musique francophone et diffuse la culture francophone.

Mme Caroline St-Hilaire: Vous allez avoir un nouvel auditeur.

M. Paul Crête: Mais cela ne règle pas le problème.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Ce sera seulement un commentaire. Je tiens à encourager fortement la Société Radio-Canada et CBC à continuer dans la voie de la lutte contre l'insularité. Je pense que la grande majorité des Canadiens ont la volonté de se connaître l'un et l'autre et de ne pas s'isoler. Donc, je ne peux pas vous encourager assez fortement à continuer dans cette voie. J'aimerais, en mon nom personnel, souhaiter bon succès à Radio-Canada lors de ses comparutions devant le CRTC pour toutes ses demandes.

Le président: Madame Saucier, monsieur Beatty et monsieur Tremblay, nous sommes très heureux que vous ayez comparu devant nous aujourd'hui.

[Traduction]

Nous vous en sommes très reconnaissants.

Je pense que CBC/Radio-Canada reflète le Canada dans son ensemble. C'est notre principal moyen d'exprimer notre culture de toutes sortes de façons.

Monsieur Beatty, je pense pouvoir affirmer que nous tous ici avons vraiment apprécié, pendant les quatre années de votre mandat, la collaboration que vous nous avez apportée ainsi que votre sagesse et votre capacité d'écouter à une époque où il a été très difficile d'être président de la Société Radio-Canada à cause de toutes les compressions et le reste.

Nous apprécions donc sincèrement ce que vous avez fait. Nous vous souhaitons bonne chance et nous vous remercions de tout ce que vous avez fait pour nous.

M. Perrin Beatty: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie tous d'avoir comparu devant le comité.

Mme Guylaine Saucier: Je vous remercie de nous avoir consacré ce temps.

Le président: Je demanderais aux membres de rester un autre cinq minutes pour que nous puissions régler une petite question administrative.

• 1225




• 1227

Le président: Voici ce que nous proposons pour la semaine prochaine.

Mardi prochain, nous aurons les audiences sur le projet de loi C-64 et nous entendrons des témoins. Les invitations ont été envoyées et tout le reste. La séance ordinaire se tiendra de 11 heures à 13 heures.

Ensuite, ainsi que nous en avons convenu, à l'occasion des discussions sur le projet de loi C-64, nous procéderons à l'étude article par article mercredi à 15 h 30, après quoi nous nous occuperons rapidement de la motion de M. Lowther sur les droits des enfants.

Jeudi, si le chapitre 2 de l'étude est prêt dans les deux langues, nous convoquerons une réunion si nous sommes prêts à discuter de cette question.

Ce programme de la semaine prochaine convient-il aux membres?

M. Inky Mark: Combien de témoins allons-nous entendre mardi?

Le président: Six ou sept dans le cadre d'une table ronde.

[Français]

Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire: Serait-il possible de nous dire à l'avance si le chapitre 2 sur la politique culturelle sera prêt pour jeudi?

Le président: Tout dépend du moment où la traduction reviendra. Pourrait-on vous le dire lundi prochain?

Mme Caroline St-Hilaire: Excellent.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Si on fait l'étude article par article mercredi, monsieur le président, quand doit-on déposer les amendements proposés?

Le président: Lundi au plus tard.

M. Mauril Bélanger: D'accord.

Le président: Est-ce qu'il y aura des amendements du gouvernement, monsieur Bélanger?

M. Mauril Bélanger: Pas que je sache, mais on peut vérifier.

Le président: Est-ce qu'il y en aura de l'autre côté?

Mme Caroline St-Hilaire: Probablement, mais si on a jusqu'à lundi pour déposer les amendements et qu'on entend des témoins mardi, est-ce que cela ne fait pas un peu curieux?

• 1230

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Si un amendement ne fait pas simplement corriger un projet de loi, s'il tente de renverser quelque chose, c'est autre chose.

Le président: On pourrait vous donner jusqu'à mardi après-midi.

M. Mauril Bélanger: Je suppose qu'il n'y en a pas tellement de toute façon. Peut-être pourrait-on donner aux députés jusqu'à mardi, 17 heures.

M. Paul Crête: Ou même jusqu'à mercredi midi.

Le président: Mardi, 17 heures, ça va. Cela vous donnera la possibilité de les examiner pour mercredi.

[Traduction]

C'est donc pour mardi, 17 heures. Nous pourrons ainsi les examiner en même temps que l'étude article par article.

[Français]

Tout le monde est d'accord?

[Traduction]

Des voix: D'accord.

Le président: Il y a un dernier point à l'ordre du jour.

[Français]

On a reçu une lettre du Centre national des arts.

[Traduction]

Nous avons déposé la lettre, mais, malheureusement, Mme Lill et M. Muise ne sont pas ici.

Lorsque nous nous réunirons mardi matin la semaine prochaine, pourriez-vous nous faire part de votre décision sur ce qu'il conviendrait de faire selon vous? On nous demande d'attendre jusqu'à ce que le nouveau directeur général entre en fonction. Nous avons déposé cette lettre et nous vous en remettrons une autre copie à titre de rappel. Nous aimerions savoir ce que vous en pensez pour que nous puissions leur répondre.

Donc mardi serait peut-être le moment d'aviser. Je vais demander au greffier d'en faire part à M. Muise et à Mme Lill pour que nous puissions prendre une décision mardi.

[Français]

Est-ce que tout le monde est d'accord là-dessus?

[Traduction]

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président: Donc, on procédera de cette façon.

[Traduction]

La séance est levée.

Je vous remercie infiniment.