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Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 22 avril 1999
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien est maintenant ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la politique culturelle canadienne.
[Français]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit pour poursuivre son étude d'une politique sur la culture canadienne.
[Traduction]
Nous avons aujourd'hui le grand honneur d'accueillir deux membres des peuples autochtones du Canada. Nous tenons tout particulièrement à offrir toutes nos félicitations à M. Ernerk à l'occasion de la création du Nunavut. Ce fut un événement marquant pour nous tous. Nous sommes tous très heureux de vous accueillir ici aujourd'hui, et d'accueillir aussi M. Iain Phillips.
Vous vous appelez Rohahes. Vous servez-vous d'un seul nom dans la culture Mohawk?
M. Iain Phillips (aîné mohawk, Kahnawake): Tout dépend de la communauté dont on est issu.
Le président: Que signifie Rohahes?
M. Iain Phillips: En termes simples, c'est «celui qui a le long chemin ou la longue piste».
Le président: Une longue piste—vous êtes venu de loin.
M. Iain Phillips: Oui.
Le président: Avant que nous ne commencions, vous avez quelque chose à dire, monsieur Mark?
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, monsieur le président. Je veux simplement demander au comité de prévoir du temps à une réunion ultérieure pour traiter la motion de mon collègue, Eric Lowther, concernant la Convention internationale sur les droits de l'enfant. Il a reçu le rapport du gouvernement et voudrait pouvoir en discuter avec le comité.
Le président: Le greffier fera le nécessaire.
Monsieur Ernerk, nous vous donnerons la parole en premier. Je suis désolé du retard, qui était inévitable à cause du vote. Nous accordons généralement une quinzaine de minutes à nos témoins pour qu'ils nous fassent un exposé. Après quoi, je donnerai la parole à M. Phillips, et nous passerons ensuite aux questions. Vous avez la parole.
M. Peter Ernerk (sous-ministre, Culture, langue, aînés et jeunesse, gouvernement du Nunavut): Nakurmik. Cela veut dire merci en inuktitut.
Je vous remercie pour votre aimable mot de bienvenue. Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler du Nunavut, des changements que nous avons connus et de ce que cela signifie pour les gens du Nunavut ainsi que pour tous les Canadiens.
Le président: Si vous me le permettez, monsieur Ernerk, je tiens à souhaiter la bienvenue à Nancy, votre députée, qui est des nôtres pour quelques minutes seulement. Je sais qu'elle siège au comité d'à côté, mais nous sommes très heureux de vous accueillir ici, Nancy. Je crois que c'est la première fois dans l'histoire du Parlement qu'un sous-ministre du Nunavut témoigne devant un comité parlementaire. Nous sommes très fiers de cette occasion.
M. Peter Ernerk: Nunavut veut dire «notre terre» dans notre langue inuktitute. Nulle part ailleurs au Canada ou dans le monde circumpolaire les choses ne changent plus rapidement ni plus radicalement qu'au Nunavut. La création du Nunavut découle du règlement de la revendication territoriale inuite dans l'est et le centre de l'Arctique et de l'adoption en 1993 de la loi portant sa création.
Le règlement de la revendication territoriale a changé la conduite des affaires des secteurs tant public que privé au Nunavut. Les modalités en sont plus conviviales. Sur le plan économique et politique, les Inuits sont maintenant des participants et des partenaires importants dans le développement du Nunavut.
Le gouvernement du Nunavut est très semblable aux gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, mais il n'est pas tout à fait pareil. Le Nunavut a des pouvoirs équivalents à ceux des territoires existants, et il a une assemblée législative, un conseil des ministres et un système judiciaire. Il n'existe pas de partis politiques à l'Assemblée législative du Nunavut; nous avons toutefois opté pour un système judiciaire différent parce qu'il ne comprend qu'une seule juridiction, à savoir un tribunal de première instance.
Le gouvernement du Nunavut est un gouvernement populaire, élu par tous les citoyens du Nunavut et représentant tous ses citoyens, mais 85 p. 100 de la population est inuite. Ainsi, la culture et les valeurs inuites sont mieux reflétées et représentées au gouvernement. Le travail d'incorporation du qaujimajatuqangit inuit, c'est-à-dire du savoir traditionnel inuit, dans le gouvernement du Nunavut est déjà amorcé. Nous prévoyons, par exemple, revenir aux noms inuktituts traditionnels de nos localités. Ainsi, Iqaluit a déjà remplacé Frobisher Bay.
L'inuktitut est la langue de travail officielle au gouvernement du Nunavut. Le gouvernement travaille de concert avec les organismes créés à la suite du règlement de la revendication territoriale du Nunavut pour jouer un rôle de gestion et de conseil en matière de développement social, d'environnement et de richesses naturelles. Le ministère du Développement durable assure la cogestion de nos ressources, en appuyant la croissance d'une économie mixte tout en protégeant la qualité de vie et l'environnement.
Le gouvernement du Nunavut est fortement décentralisé. Ainsi, le ministère de la Culture, de la Langue, des Aînés et de la Jeunesse a une forte présence à Igloolik. Sur 30 postes de l'administration centrale, 20 se trouvent à Igloolik.
La plupart des fonctions centrales du gouvernement sont exercées à partir de la capitale, Iqaluit, mais d'autres sont décentralisés et sont exercées à partir de 10 localités situées à l'extérieur de la capitale. Le gouvernement est donc plus près des gens qu'il sert, plus accessible et plus sensible aux besoins de la population.
• 1155
Quatre sous-ministres adjoints sont en poste dans des
localités autres qu'Iqaluit. C'est notamment le cas de notre
sous-ministre adjoint.
Nous profitons des progrès de la technologie des télécommunications pour combler la distance entre nous. Nous nous servons de la technologie pour assurer le lien entre nos collectivités pour pouvoir assurer une meilleure prestation des programmes, comme dans le cas des soins de santé et de l'éducation à distance.
Le gouvernement étant décentralisé, la formation, l'emploi et les autres possibilités économiques sont donc répartis plus largement sur l'ensemble du territoire. Il est très important pour nous d'équilibrer l'activité et les possibilités économiques. Notre économie est prête à prendre son envol et à se développer davantage, et nous tenons à ce que nos citoyens en profitent autant que possible.
Comme les autres territoires et provinces, le Nunavut a un secteur de la construction, un secteur des transports et un secteur des communications ainsi qu'une industrie touristique en pleine croissance. Nous avons deux mines en exploitation, une amorce d'industrie de la pêche dans le détroit de Davis et même un petit secteur manufacturier. À la différence toutefois de la majeure partie de la population canadienne, un grand nombre de nos habitants tirent leur revenu de la chasse ou de la pêche et de l'artisanat.
Au Nunavut, les sociétés de développement inuites jouent un rôle important sur le plan de l'investissement et de la création d'emplois. Le secteur public est un employeur majeur et un stimulant pour l'industrie secondaire, et c'est un rôle qui prendra de plus en plus d'ampleur. Le nouveau gouvernement rend le climat d'investissement beaucoup plus attrayant. De nouveaux emplois sont créés. L'activité est intense au Nunavut. Nous vivons une période de possibilités, de défis, de changements énormes ainsi que d'attentes extraordinaires.
Le Nunavut a de sérieux problèmes socio-économiques. Près de la moitié de la population est âgée de moins de 20 ans. Pour réaliser la vision que nous avons d'un avenir meilleur pour les jeunes et pour tous les gens du Nunavut, nous devrons apporter des changements par rapport à la façon traditionnelle de faire les choses. Nous sommes constamment à la recherche de nouvelles idées, de nouvelles façons de faire les choses et de nouveaux partenariats.
Les gens du Nunavut s'attendent à voir des changements dans leur gouvernement. Ils s'attendent à ce que leur gouvernement soit différent. Ils s'attendent à ce que leur gouvernement soit plus près d'eux, plus ouvert, plus représentatif, plus accessible et, chose certaine, plus convivial.
Il y a à peine 40 ans, mes parents et moi vivions dans un igloo et subsistions à même la faune du Nunavut, notamment le caribou, le poisson, le phoque et la baleine. Il n'y a pas tellement longtemps de cela, les gens du Nunavut, voire tous les habitants des Territoires du Nord-Ouest, étaient gouvernés par des fonctionnaires vivant à Ottawa. Nous avons maintenant repris en main notre vie et notre destin. Le régime de gouvernement que nous nous sommes donné, la façon dont nous allions le savoir et la sagesse traditionnels inuits avec la technologie moderne et la façon que nous avons de travailler ensemble pourraient bien en inspirer d'autres.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, le Nunavut est le fruit des efforts des Inuits et des non-Inuits travaillant côte à côte dans l'harmonie et le respect réciproque pour créer un gouvernement qui sert mieux toute la population et qui assurera, nous l'espérons, un avenir meilleur à nos enfants. Nous avons à coeur de créer un gouvernement et une société englobants, où on fait place à la différence, où on recherche le consensus et où tous les habitants ont un rôle à jouer et sont encouragés à participer et à contribuer. Créé et édifié patiemment et calmement dans un esprit de bonne volonté et de partenariat, le Nunavut est une réalisation extraordinaire. C'est une réalisation dont nous pouvons tous nous enorgueillir.
Voilà qui termine la première partie de notre exposé, monsieur le président. Si j'ai le temps de répondre aux questions qui nous ont été posées, j'aimerais le faire pendant les quelques minutes qu'il me reste.
Le président: Vous avez parlé de la première partie de votre exposé. Vous avez une autre partie?
M. Peter Ernerk: J'ai des réponses aux cinq questions qui nous ont été posées en prévision de mon témoignage.
Le président: Oui, je vois.
M. Peter Ernerk: Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité permanent, vous avez posé un certain nombre de questions, concernant tout particulièrement les programmes culturels fédéraux, à savoir lesquels fonctionnaient bien et lesquels fonctionnaient moins bien pour les Inuits du Nunavut. Les programmes comprennent les centres culturels et éducatifs; les programmes du ministère des Affaires indiennes et du Nord; le Programme d'action communautaire pour les enfants Grandir ensemble de Santé Canada; le Programme d'accès des Autochtones du Nord à la radiotélédiffusion, qui finance l'Inuit Broadcasting Corporation; l'Étude du plateau continental polaire, qui inclut le savoir traditionnel; la Fondation des langues autochtones, qui relève du MAIN, si je ne m'abuse; le programme Bon départ de Santé Canada; et les programmes du Conseil des arts du Canada.
• 1200
Les programmes permanents sont généralement approuvés et
administrés au niveau régional, les crédits étant réservés aux
différentes collectivités. C'est notamment le cas des programmes
Grandir ensemble et Bon Départ, qui ont eu plus d'impact que les
programmes moins décentralisés, tels que les programmes de langues
autochtones et les Centres culturels et éducatifs.
Fait important, les programmes qui comportent des modalités de demande extrêmement complexes et des délais de réponse très longs, comme les programmes du Conseil des arts du Canada, n'ont pas été pleinement efficaces au Nunavut et sont généralement sous-utilisés. Certains programmes utiles sur le plan culturel, comme l'Étude du plateau continental polaire et le savoir traditionnel, pourraient avoir un impact plus grand si on en faisait davantage la promotion dans les collectivités. D'autres, comme le Programme d'accès des Autochtones du Nord à la radiotélédiffusion, ont subi des réductions budgétaires considérables et deviennent par conséquent moins efficaces.
En ce qui a trait à l'impact des nouvelles technologies—c'est une question que vous nous avez posée—les communications par satellite, la télévision, les magnétoscopes et les vidéocassettes ont généralement eu un effet négatif sur la culture et la langue inuites, qui ont surtout souffert de l'envahissement de la télévision et de la prolifération des vidéocassettes venues du Sud.
Les efforts de l'Inuit Broadcasting Corporation montrent de façon certaine qu'il est possible de limiter l'effet des médias du Sud, mais son efficacité se trouve de plus en plus restreinte en raison du manque de ressources.
L'informatique a été adaptée aux besoins de la population du Nunavut. La mise au point au cours des 10 dernières années de logiciels de traitement de textes incluant des syllabaires ou des polices de caractères inuktituts a contribué à un accroissement formidable de la quantité de documents, livres, journaux et manuels scolaires publiés en inuktitut.
Les émetteurs-récepteurs ont aussi eu un effet favorable du fait qu'ils favorisent la communication entre les aînés et les jeunes chasseurs. Les jeunes peuvent ainsi communiquer avec les aînés en inuktitut ou en inuinnaqtun afin d'acquérir les compétences essentielles à la survie sur la terre.
Pour ce qui est de l'effet de la libéralisation des échanges et de la mondialisation, la libéralisation des échanges a profité aux produits culturels inuits, notamment aux objets d'art et d'artisanat inuits. Quant à la mondialisation, si l'on en juge par la couverture médiatique internationale généralement favorable et positive qui a été faite de la création du Nunavut, elle semble promettre certains avantages au Nunavut.
L'évolution démographique est une grande préoccupation au Nunavut. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons un taux de natalité qui est le double de la moyenne nationale, une population jeune—près de 60 p. 100 de notre population étant âgée de moins de 25 ans—et un nombre rapidement décroissant d'aînés. Dans ces circonstances, il devient extrêmement difficile d'assurer la transmission efficace et la préservation de la culture, de la langue et des valeurs inuites, d'autant plus que la culture est fondée sur des traditions orales. C'est là un des nombreux défis qu'aura à relever notre nouveau ministère.
Au chapitre du rôle futur du gouvernement fédéral dans le soutien de la culture, nous appuyons les programmes fédéraux et le rôle que joue actuellement le gouvernement fédéral dans la promotion générale de la culture au Canada, et nous verrions d'un bon oeil que son rôle soit élargi. Nous aimerions participer de près à l'élaboration de nouvelles mesures culturelles fédérales, notamment aux mesures visant le Nunavut. Nous voudrions aussi avoir la possibilité de revoir les programmes culturels existants et de faire des recommandations afin de les rendre plus accessibles et plus efficaces au Nunavut.
• 1205
Je tiens à souligner, monsieur le président, que nous vous
avons remis les textes français et anglais de notre mémoire sur le
rôle du ministère au sein du gouvernement du Nunavut.
Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de vous parler de notre gouvernement et de répondre aussi à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ernerk. Je crois que vous nous avez brossé un tableau très complet de ce que fait votre gouvernement, de l'impact de la technologie, de l'évolution démographique et de la mondialisation ainsi que de l'impact des programmes sur votre gouvernement. Nous vous en sommes très reconnaissants, et je suis sûr que les membres du comité auront beaucoup de questions à vous poser tout à l'heure.
Dans l'intervalle, je vous cède la parole, monsieur Phillips.
M. Iain Phillips: Monsieur le président, honorables membres...
Le président: Quelle est cette plume que vous avez là, monsieur Phillips?
M. Iain Phillips: C'est une plume d'aigle.
Le président: Où avez-vous pris cette plume d'aigle?
M. Iain Phillips: Celle-ci m'a été donnée il y a pas mal d'années pour que je l'aie toujours sur moi quand je fais mon travail.
Le président: Je suis vraiment curieux au sujet de cette belle tradition. Ces plumes d'aigle sont-elles transmises d'un aîné à l'autre?
M. Iain Phillips: Elles peuvent l'être.
Le président: Est-ce toujours la même plume? Transmettrez-vous la vôtre, par exemple, à quelqu'un d'autre un jour?
M. Iain Phillips: C'est une de nos traditions et c'est possible de le faire comme cela. Il est aussi possible, le moment venu, d'enterrer la plume avec son propriétaire.
Le président: Vous avez la parole, monsieur Phillips.
M. Iain Phillips: Merci.
Je tiens à dire bien clairement au départ que je ne parle pas ni ne peux parler pour tous les membres des Premières nations au Canada. Je ne suis qu'un homme qui cherche à suivre les voies traditionnelles des siens et à jouer pleinement son rôle de soutien et d'éducateur.
Pour vous aider dans votre tâche et répondre aux cinq questions que vous avez posées dans votre communiqué de presse du 8 janvier 1999, je ne peux vous parler que d'un point de vue traditionnel et personnel. C'est un point de vue qui, j'en conviens, me vient en partie du fait d'avoir grandi dans la réserve de Kahnawake et d'avoir pris part aux traditions spirituelles de mon peuple. Dans le cas présent, mes propos pourront peut-être aider votre comité à comprendre la vision autochtone de la culture et de la tradition.
Culture et tradition, pour bien des membres des Premières nations, ne peuvent pas facilement être séparées et insérées dans des compartiments sectoriels ou industriels. Il n'existe pas de démarcation entre le sacré et le séculier, puisque toutes les choses sont considérées comme sacrées, puisqu'elles nous viennent du Créateur. Beaucoup des moyens d'expression artistique, visuelle et musicale qu'on retrouve dans nos cultures sont indissociables du sacré et font généralement partie d'un système religieux complexe.
Il convient de signaler que, dans beaucoup de langues des Premières nations, il n'existe pas de mot qui désigne l'«art». L'idée de l'art pour l'art est une notion européenne. Dans notre culture traditionnelle, chaque représentation a une signification, un rôle particulier à jouer dans la société d'où elle est issue, qu'il s'agisse des totems complexes des clans de la côte Ouest, des chapeaux à plume très ornés des gens des plaines ou des objets ornés de perles des gens des forêts de l'Est.
Certains de ces objets sont maintenant connus de la population dans son ensemble et sont devenus de précieux objets de collection, mais bien des gens des Premières nations les considèrent toujours avec beaucoup de respect et sont attristés par la banalisation de ces objets sacrés et la production de masse de reproductions étrangères bon marché.
L'appropriation culturelle continue à être un gros problème. La liste des noms traditionnels qu'on s'est appropriée est très longue. Les hélicoptères Apache, les vêtements Cherokee, les objets d'orfèvrerie Oneida et la bière Algonquin n'en sont que quelques exemples.
Le gouvernement canadien doit travailler de concert avec les membres des Premières nations afin d'élaborer de solides mesures destinées à protéger les biens culturels traditionnels et sacrés. Le Canada ne doit pas non plus permettre que sa société ou ses Premières nations s'inclinent devant l'impérialisme culturel rampant des Américains, pour qui tous les biens artistiques et culturels sont des produits destinés à être achetés, vendus et échangés.
Je voudrais maintenant répondre aux cinq questions que vous avez posées dans votre communiqué de presse. Je le répète, les opinions que j'exprime ici sont les miennes propres. Je devrais vous expliquer que je prends la parole devant votre comité en tant que particulier, en tant qu'aîné de ma communauté.
Je sais que beaucoup de ces opinions sont partagées par des gens des Premières nations des différentes régions du Canada, parce que j'ai eu l'occasion de me déplacer sur l'ensemble du territoire canadien, de la côte Est jusqu'à la côte Ouest. Malheureusement, je n'ai pas encore eu l'occasion de me rendre dans le Nord. Je m'y rendrai peut-être un jour.
• 1210
Dans les discussions que j'ai eues avec beaucoup d'autres
Autochtones, j'ai constaté qu'ils avaient des opinions semblables
aux miennes.
La première question était la suivante: parmi les mesures fédérales de soutien culturel actuelles ou passées, quelles sont celles qui ont bien ou mal fonctionné dans votre industrie ou votre secteur?
En règle générale, les programmes dont bénéficient les membres des Premières nations sont ceux du ministère des Affaires indiennes et du Nord ou de Patrimoine Canada. Le MAIN a depuis bien des années un centre des beaux-arts indiens et fait la promotion active de la collection d'art contemporain des Premières nations.
Les programmes du Conseil des arts du Canada pour les arts de la scène ne profitent guère aux membres des Premières nations. Des changements apportés récemment au Conseil ont fait en sorte que ces programmes soient plus accessibles pour les artistes des Premières nations. Une multitude de programmes destinés aux premiers peuples ont été ajoutés à la programmation du Conseil, si bien qu'elle présente bien plus d'intérêt pour les Premières nations. La situation est bien meilleure depuis que le Conseil a accru ses efforts de promotion.
La création des Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones est une des mesures qui a le plus contribué à la promotion de l'art, de la musique et de la culture des Premières nations. Ces prix ont beaucoup fait pour sensibiliser le public canadien aux réalisations des premiers peuples.
L'utilisation du savoir traditionnel est depuis longtemps un sujet de discorde. Cela revient à cette idée de la propriété culturelle et de la façon de protéger cette propriété. Je tiens encore une fois à rappeler au comité que la notion de culture comme industrie n'a absolument aucune résonance pour la grande majorité des membres des Premières nations, qui la voit plutôt d'un point de vue traditionnel et spirituel.
Le gouvernement canadien, de concert avec les Premières nations, doit créer des organismes qui permettront aux Premières nations de surveiller et de réglementer les activités culturelles et de s'épanouir. Par ailleurs, il faut prévoir les ressources nécessaires à la préservation de ces traditions.
La deuxième question était la suivante: quelles sont actuellement et quelles devraient être les principales répercussions des nouvelles technologies sur votre industrie ou votre secteur culturel?
Les technologies de pointe dans le domaine des communications peuvent jouer un rôle critique dans la préservation des plus anciennes cultures d'Amérique du Nord. Le taux de croissance de la population autochtone canadienne de moins de 25 ans étant le triple de celui de la population générale, nous avons toute une génération de jeunes branchés parmi les Premières nations qui peuvent acquérir les compétences générales et professionnelles dont ils ont besoin grâce à l'éducation à distance qui leur permet de rester dans leurs collectivités.
Les forts taux de décrochage chez les Autochtones sont liés au choc culturel que subissent beaucoup de jeunes qui doivent partir loin de leur famille pour aller à l'école. Le recours aux technologies de l'information est aussi critique pour ce qui est de rendre les Canadiens en général plus sensibles aux questions autochtones et leur permettre de mieux comprendre ces questions.
Le lancement en septembre dernier de la chaîne des peuples autochtones se traduira par une sensibilisation sans précédent aux Autochtones et aux questions les touchant, puisque la chaîne diffusera tous les jours dans 7 millions de foyers. Il s'agit là d'une mesure de sensibilisation essentielle pour les Canadiens, dont les deux tiers ont avoué à un sondeur national en décembre dernier qu'ils en savaient trop peu au sujet des questions touchant les Premières nations.
La troisième question était la suivante: quelles sont actuellement et quelles devraient être les principales répercussions de la mondialisation et de la libéralisation du commerce sur votre industrie ou votre secteur culturel?
En l'absence d'un solide partenariat entre les Premières nations et le gouvernement pour l'élaboration de lois et de règlements destinés à protéger les biens culturels traditionnels au Canada, les intérêts étrangers pourraient fouler aux pieds les droits traditionnels des Premières nations. On en voit déjà les signes avec l'arrivée en masse de reproductions asiatiques bon marché d'oeuvres d'art autochtones que l'on trouve dans beaucoup de boutiques touristiques canadiennes.
Les États-Unis estiment pouvoir agir ainsi à l'égard du Canada, comme on peut le voir d'après ce qui se passe récemment dans le dossier des magazines. En l'absence de garanties suffisantes pour protéger les Premières nations et le Canada, la situation devrait empirer au fur et à mesure que les obstacles au commerce international seront éliminés. Le Canada et les Premières nations doivent se donner la main afin d'exercer des pressions auprès des organisations et des organismes commerciaux internationaux afin qu'ils reconnaissent le droit de propriété culturelle des Autochtones. Le travail qui se poursuit en vue de l'adoption de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones des Nations Unies aura des répercussions majeures à cet égard.
La quatrième question était la suivante: Quelles sont et quelles devraient être les principales répercussions de l'évolution démographique sur votre industrie ou secteur culturel?
Les collectivités des Premières nations ont un des taux de natalité les plus élevés au Canada. Beaucoup de nos jeunes redécouvrent leur culture traditionnelle. Cela a donné lieu à un fleurissement sans précédent des activités traditionnelles et culturelles dans nos collectivités. La demande pour des moyens qui nous aident à conserver notre savoir ancien a fait augmenter la pression sur notre secteur de l'éducation et des nouvelles technologies de l'information.
• 1215
À mesure que ces nouveaux outils deviendront mieux connus,
inévitablement, de nouvelles formes d'expression culturelle
naîtront. Elles auront aussi besoin de protection. Il est clair que
les nouvelles formes d'expression qui résulteront des nouvelles
technologies ne se limiteront pas aux collectivités des Premières
nations. Le même genre de protection devra être accordé au
patrimoine que vos enfants créeront, avec ces nouveaux outils.
Question 5: Quels rôles le gouvernement fédéral devrait-il jouer à l'appui du secteur ou des industries culturelles?
Le gouvernement fédéral et les Premières nations doivent collaborer pour se doter des garanties culturelles appropriées afin de protéger les biens culturels traditionnels et sacrés. Toute loi, toute réglementation ou tout contrôle destiné à protéger les Premières nations doit être géré par les Premières nations, puisque ce sont elles qui vivent leur culture. Des ressources suffisantes doivent être accordées pour veiller à ce que toute loi, toute garantie ou tout contrôle puisse être protégé juridiquement tant au Canada qu'à l'étranger.
Voilà qui termine mes réponses directes à vos questions. Merci, monsieur le président, et merci aux honorables membres du comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Phillips. Vous avez dit une chose particulièrement intéressante, soit que pour les Premières nations, on ne peut pas isoler la tradition et la culture des valeurs spirituelles; elles forment un tout.
La parole ira maintenant à M. Mark, s'il vous plaît.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. Je veux moi aussi remercier les invités du comité, aujourd'hui. Ils ont fait beaucoup de chemin.
Au nom de l'Opposition officielle, je veux féliciter M. Ernerk et le gouvernement du Nunavut. Nous vous souhaitons tous ce qu'il y a de mieux pour l'avenir.
J'ai été vraiment ravi de vous entendre dire que la prestation de service se ferait par un gouvernement décentralisé, puisque c'est ce en quoi je crois. Je suis convaincu que les gens de la base veulent avoir voix au chapitre.
Quel type de gouvernement local avez-vous actuellement au Nunavut?
M. Peter Ernerk: Merci. Le modèle décentralisé a été proposé par un aîné. Permettez-moi d'expliquer une ou deux choses. À Taloyoak, en 1994, quand nous parcourions les collectivités, dans le cadre du travail de la Commission d'établissement du Nunavut pour laquelle je travaillais auparavant, il a dit qu'il ne fallait pas oublier les anciens unilingues qui ne parlaient que l'inuktitut. C'est de là qu'est venue l'idée de promouvoir les connaissances traditionnelles inuites et aussi d'adopter quatre langues officielles au Nunavut: l'inuktitut, l'inuinnaqtun, le français et l'anglais.
Le gouvernement municipal ressemble beaucoup aux modèles du Sud. Nous n'avons que deux paliers de gouvernement: le gouvernement du Nunavut et des gouvernements communautaires. Ils sont élus au niveau local. Ils ont un maire, ce qui est assez semblable aux collectivités. La décentralisation gouvernementale permet un contact plus étroit entre la population au niveau communautaire et son gouvernement, ainsi qu'avec son gouvernement territorial.
M. Inky Mark: Dans la même veine, y a-t-il une procédure permettant aux gouvernements municipaux de participer aux décisions prises au niveau territorial?
M. Peter Ernerk: Oui, nous avons un ministère du Logement et du Transport gouvernemental communautaire. Ce ministère a une étroite relation de travail, comme chacun de nous, avec les collectivités. On participe donc beaucoup au travail gouvernemental de mise en oeuvre des programmes par les municipalités locales, ainsi qu'au niveau législatif.
M. Inky Mark: Bien. Si je peux poser encore une question, à M. Phillips: Que fait actuellement le gouvernement pour protéger la culture des Premières nations? Le fait-il bien? Y a-t-il des programmes qui vous viennent particulièrement à l'esprit?
M. Iain Phillips: Que je sache, le ministère des Affaires indiennes a commencé à promouvoir des programmes d'éducation qui sont plus nombreux et insistent sur les langues, en particulier. Si j'ai bien compris, l'Assemblée des premières nations a maintenant un secteur linguistique, financé par le ministère des Affaires indiennes, où l'on travaille intensément. Comme vous le savez, dans la plupart des collectivités, si on réussit à préserver la langue, c'est ça de gagné pour la conservation des autres traditions.
Le président: Madame St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Merci, messieurs Ernerk et Phillips. Je crois personnellement qu'on ne connaît pas bien la culture autochtone et que vous gagnerez à nous la faire connaître. Je ne sais pas comment on peut arriver à découvrir votre culture ni comment vous réussissez à la partager. Vous avez beaucoup parlé de la protection de la culture autochtone. J'aimerais savoir comment vous réussissez non seulement à la protéger, mais aussi à la partager et à la promouvoir auprès des jeunes et moins jeunes, qu'ils soient du Québec ou du Canada. Comment assurerez-vous la survie de votre culture dans le contexte de la mondialisation?
[Traduction]
M. Iain Phillips: Personnellement, je crois qu'il est très important pour notre peuple de partager ce que nous savons, notre culture, pas seulement en créant d'intéressants petits sites touristiques où vous pouvez venir nous voir danser, mais aussi pour comprendre notre histoire, notre relation étroite avec le territoire, nos croyances. Mais pour que nous le fassions, il est crucial que nos centres et nos foyers soient forts.
Ce n'est qu'au cours des 20 dernières années qu'on a assisté à une résurgence importante, et je parle particulièrement de mon propre peuple, les Mohawks, et plus précisément de ma réserve, Kahnawake. Lorsque j'étais à l'école primaire, et aussi au début de mon secondaire, il y a environ 25 ans, on n'en était qu'au début, aux balbutiements, d'une prise de conscience et d'un retour à notre culture.
Je me souviens que lorsque j'ai quitté l'école primaire et l'école secondaire, on commençait à m'exposer aux cours de langue, à l'école. On a fait beaucoup de chemin depuis: nous avons maintenant des cours d'immersion complets. Je suis fier de dire ce que mes nièces et mes neveux parlent le mohawk mieux que moi.
M. Peter Ernerk: Merci pour cette question.
C'est une question importante puisque nous tenons beaucoup à partager notre culture.
Nous avons un énoncé de vision que je vous laisserai. On y dit notamment qu'il faut promouvoir l'harmonie parmi les peuples que nous servons.
Au sujet de la culture inuite, nous sommes une société de chasseurs. Nous survivons grâce aux animaux. Comme nos frères des Premières nations, nous sommes très près de notre terre. Nous n'avons jamais gaspillé des parties d'animaux et nous n'avons jamais fait disparaître les espèces que nous chassons. Tout ce que nous tirons de la chasse est utilisé comme nourriture ou pour la fabrication de vêtements.
• 1225
Le partage de la culture est important. Nous aimons dire que
nous travaillons à la promotion du Nunavut, à la construction du
Nunavut par tous ceux qui y vivent et par les Canadiens.
Je pense que la culture est très acceptée par tous puisqu'il y a beaucoup de mariages mixtes, par exemple, chez nous. Nous donnons gratuitement, nous partageons gratuitement notre culture, nous faisons la promotion de notre langue. Nous voulons apprendre le français. Nous aimerions que d'autres apprennent à parler l'inuktitut et l'inuinnaqtun.
Nous avons pris des mesures en ce sens. Nous avons enseigné l'inuktitut et l'inuinnaqtun aux hauts fonctionnaires non inuits du gouvernement du Nunavut. Nous les amenons à la chasse au caribou et au phoque, par exemple, pour qu'ils aient une meilleure idée de la vie des Inuits.
Nous enseignons l'inuktitut à ceux d'entre nous qui l'ont oublié, avec le temps. Quand j'étais jeune, on se faisait gifler si l'on parlait inuktitut en classe. Maintenant, nous encourageons l'enseignement de l'inuktitut à tous les niveaux, dans les écoles. Nous aidons le ministère de l'Éducation, par exemple, à créer des cours d'inuktitut de la maternelle à la 12e année. Ce n'est pas encore tout à fait au point, mais nous y travaillons et c'est un enseignement qu'on fera bien davantage dans les salles de classe du Nunavut.
L'autre jour, le Cabinet du Nunavut a déclaré que l'inuktitut serait la langue qui serait utilisée au Cabinet. Nous encourageons donc l'utilisation de la langue le plus possible. Nous le faisons pour un certain nombre de raisons. Nous voulons protéger la langue, nous voulons la préserver, et nous voulons le promouvoir.
Le mois prochain, l'Assemblée législative siégera pour la première fois. L'inuktitut sera la langue de travail officielle. Nous sommes très heureux d'être libres de parler notre propre langue.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci. C'est réellement un honneur que vous soyez tous les deux ici pour vous entretenir avec nous.
Puisque vous nous parlez de culture, je pense à une idée qui nous a été proposée à la suite de l'une de nos audiences à Halifax, dans une lettre que nous a envoyée quelqu'un qui était aux audiences. Cette personne n'était pas d'accord pour que l'on mette la culture dans une petite boîte de la même façon que vous le faites. Elle disait que la culture, en fait, est la façon dont on parle et la façon d'utiliser ses mains lorsqu'on est en famille, c'est ce qu'on mange, c'est le genre de blagues qu'on aime raconter, le genre d'histoires qu'on raconte à ses enfants avant d'aller au lit, et les souvenirs qu'on a les uns des autres. Voilà ce qu'est la culture; voilà où elle commence. Naturellement, pour les peuples autochtones, le fait que les familles aient été séparées pendant des décennies parce que les enfants ont été envoyés à l'école dans des pensionnats, a eu pour conséquence de détruire le fondement de la culture.
Ce qui se produit à l'heure actuelle semble être un miracle. Cela montre bien la force de la culture qui ne s'est pas laissée détruire. Elle se défend. Elle continue à se défendre pour ce qui est de l'utilisation de la langue et de votre grande générosité à vouloir partager votre langue et votre culture autochtones dont nous avons beaucoup à apprendre. Je pense que cela démontre bien votre sentiment d'indulgence, votre patience et votre volonté à partager votre culture et votre sens de la valeur de la terre.
À l'heure actuelle, nous sommes impliqués dans une guerre mondiale, qui est une véritable folie et qui détruit l'environnement et d'autres être humains. J'aimerais donc beaucoup que l'on apporte des valeurs autochtones à la table des négociations pour ramener un peu de bon sens dans toute cette situation.
• 1230
Pour ce qui est de la façon dont nous pouvons aider à
poursuivre cette revitalisation, cette renaissance de votre
culture, vous avez parlé entre autres de la formation à distance.
Qu'est-ce que cela veut dire exactement? Est-ce que cela veut dire
que les gens sont assis devant la télévision et apprennent ce dont
ils ont besoin pour vivre dans une société technologique, tout en
étant capables de vivre au sein de la culture qu'ils veulent
renforcer?
J'ai donc besoin de savoir ce que cela signifie et comment, en tant que représentants du gouvernement fédéral, nous pouvons vraiment insister afin d'obtenir ce dont vous avez vraiment besoin pour faire en sorte que votre culture soit encore plus forte qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.
M. Iain Phillips: Pour ce qui est du concept de la formation à distance, comme bon nombre d'entre vous le savent, il s'agit d'un concept relativement nouveau qui a vu le jour grâce aux nouvelles technologies. La formation à distance a été en fait des plus avantageuses pour bon nombre des communautés autochtones qui sont isolées en ce sens qu'elle a permis l'enseignement par le biais d'un système interactif—du moins certains des systèmes que je connais le sont—où les étudiants qui se trouvent dans une communauté isolée sont directement en contact avec une salle de classe et un enseignant. Même s'ils sont à 700 milles de cette salle de classe, à toutes fins utiles, ils sont là; l'enseignant et les élèves interagissent les uns avec les autres et avec les autres membres de cette salle de classe en temps réel.
Cela permet à ces étudiants de rester à la maison au sein de la collectivité tout en obtenant les outils qui leur permettront de vivre dans le monde moderne, dans notre société occidentale moderne. Ils sont toujours en contact avec les valeurs culturelles, avec la langue et les traditions auxquelles ils n'auraient pas accès s'ils devaient, comme auparavant, être envoyés dans des pensionnats ou dans des internats, ou quitter leur communauté isolée ou située dans le Nord pour aller dans les grands centres urbains.
Le président: Monsieur Ernerk.
M. Peter Ernerk: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est de la formation à distance, par exemple, je me suis inscrit à un cours sur les musées de l'Université de Victoria l'an dernier. Voilà donc le genre de formation à distance dont on parle. Ce cours n'était pas offert au Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest, mais c'est le genre de chose que nous encourageons auprès des habitants du Nunavut.
Cela nous permet de faire autre chose en même temps. Comme vous le dites, la culture est un élément important de nos vies. Au Canada, nous sommes une société ouverte. C'est quelque chose qui a été très bon pour nous au Canada. Cela nous permet de continuer à apprendre au sein de notre propre culture et de notre propre environnement linguistique.
À l'époque où j'allais à l'école, des gens comme Jack Anawak, qui était auparavant notre député du Nunavut, et bon nombre d'autres personnes, notamment Jose Kusugak, le président de Nunavut Tungavik—ont été déracinés et envoyés dans un pensionnat, et nous avons oublié une bonne partie de notre culture, de notre langue, de notre propre spiritualité. Nous avons maintenant repris contact avec tout cela, et nous nous assurons que nos aînés enseignent notre culture et notre langue aux jeunes du Nunavut.
Nous avons cependant la possibilité de rester chez nous et de suivre divers cours qui nous sont offerts par le sud du Canada, notamment celui dont je vous ai parlé, notamment le cours sur les études muséales dont je vous ai parlé. Nous pensons donc que cela est important et cela fonctionne.
Le président: Monsieur Muise.
M. Mark Muise (West Nova, PC): Merci, monsieur le président, et bienvenue à nos invités. Je vous remercie beaucoup d'être ici. Nous pourrions passer toute la journée à poser des questions, j'en suis certain.
Monsieur Phillips, votre collier pique vraiment ma curiosité. C'est pour des raisons personnelles seulement, mais pourriez-vous nous en parler un peu?
M. Iain Phillips: Ce que je porte autour du cou est en fait un collier de griffes d'ours avec des os entre chaque griffe. Ce collier m'a été donné en cadeau par l'un des aînés à Edmonton en Alberta lorsque je suis allé là-bas en mars dernier.
M. Mark Muise: Est-ce un collier ancien ou...
M. Iain Phillips: Je ne le crois pas. Je crois qu'il a été fait assez récemment. C'était un cadeau très spécial pour moi. Celui qui me l'a donné était un membre du clan de l'ours, et les griffes d'ours sont très spéciales pour eux. Selon la tradition de mon peuple, le clan de l'ours est le gardien des médicaments. C'est donc un cadeau très spécial pour moi.
M. Mark Muise: Merci.
Ma question ressemble un peu à celle de Mme Lill. Depuis les 18 derniers mois, nous parlons de protéger la culture—ou nous nous demandons si nous devrions protéger la culture—et comment nous pouvons le faire grâce à une politique culturelle. Je serais curieux de savoir comment ces Premières nations du Nord, qui ont été pendant longtemps isolées mais qui ont maintenant la formation à distance, la télévision par satellite et toutes ces choses, réussissent à protéger leur mode de vie culturel. Je pense que votre façon de vous y prendre pourrait peut-être nous aider à protéger notre culture en général au Canada. J'aimerais avoir votre avis à cet égard.
M. Peter Ernerk: La question de savoir comment protéger son mode de vie est une question importante, particulièrement étant donné toute la technologie moderne qui existe à l'heure actuelle.
L'un des mandats de notre ministère, et cela a été l'un de nos tout premiers mandats, est notre rôle en tant que défenseurs et gardiens de la culture, de la langue et du patrimoine inuits traditionnels. C'est l'une des choses qu'on nous demande de faire.
Je voulais par ailleurs expliquer brièvement que c'est ce que nous encourageons au Nunavut.
M. Mark Muise: Les deux.
M. Peter Ernerk: Exactement, les deux. C'est quelque chose dont nous sommes fiers. Auparavant, au Nunavut, nous avions de la difficulté à promouvoir, à protéger et à préserver la culture et la langue inuites—l'inuinnaqtun. Le Nunavut nous met sur un pied d'égalité, en ce sens que nous sommes libres de pouvoir protéger, promouvoir et préserver notre propre culture. Nous le faisons de plusieurs façons. Pour ce qui est de notre langue... Lors des assemblées générales annuelles des organisations inuites, la langue de travail est naturellement l'inuktitut et l'inuinnaqtun. Si vous venez au Nunavut, venez me voir à mon bureau et vous constaterez que je fonctionne dans ma propre langue. J'en suis très fier et je veux vraiment la promouvoir le plus possible.
Il n'est pas inhabituel lorsqu'on entre dans un bureau du gouvernement que des sous-ministres non inuits ou toute autre personne disent uplaakut, dès qu'on entre dans le bureau, ce qui veut dire bonjour dans ma langue. C'est ce qui se passe au sein de notre propre gouvernement et de notre territoire du Nunavut.
Pour ce qui est de la façon de protéger et de promouvoir l'autre culture, nous le faisons de plusieurs façons. Dans le domaine de l'éducation, les aînés jouent un rôle très important pour promouvoir les arts et l'artisanat, la culture inuite, la chasse comme mode de vie et la société inuite en général. Pour ce qui est de travailler avec d'autres organisations, notamment Nunavut Tunngavik Incorporated, avec l'organisme qui s'occupe des revendications territoriales... par exemple, nous travaillons avec l'Inuit Heritage Trust, le groupe qui s'occupe des revendications territoriales, le groupe inuit, le groupe des bénéficiaires et le Conseil de développement social du Nunavut, afin de promouvoir la culture et la langue inuites et, comme je le disais, le qaujimajatuqangit inuit, c'est-à-dire les connaissances traditionnelles inuites.
• 1240
Nous avons donc une équipe assez importante au Nunavut qui
s'occupe de promouvoir la culture et la langue inuites.
Prenez mes enfants, par exemple. Mes filles comme mes fils viennent chasser le caribou avec moi, alors ils apprennent le même mode de vie que j'ai appris lorsque j'étais jeune. J'ai vécu dans un igloo les 17 premières années de ma vie. Nous ne faisons plus cela. Nous vivons toujours de la terre—le caribou, les phoques, les mammifères marins—et nous cueillons des baies et ce genre de choses. C'est sain et nutritif, et c'est quelque chose que j'encourage mes enfants à faire.
Afin de promouvoir la langue et les dialectes, nous faisons cependant tous les efforts possibles pour parler à nos enfants en inuktitut, malgré l'influence de la télévision. C'est un défi pour nous de promouvoir notre propre culture, mais je sais que nous réussirons.
M. Mark Muise: Merci.
M. Iain Phillips: Ma réponse est sans doute très semblable à celle de mon collègue.
Les peuples du Nord ont un petit avantage sur nous. En fait, leur isolement pendant de nombreuses années les a aidés à préserver leur langue tandis que nous, peuples du Sud, avons été davantage exposés à la culture occidentale, de sorte que nous avons davantage perdu notre langue. Il est donc plus difficile pour nous de regrouper nos ressources linguistiques. Nous le faisons, mais...
J'ai quelques notes ici pour m'aider. En ce qui concerne tout le concept des valeurs traditionnelles, tout ce qui est à l'appui de ces valeurs et qui peut servir à les revitaliser, j'ai écrit le mot «jeunesse» à plusieurs reprises. Au début de chaque réunion, nous récitons une prière qui s'intitule en langue mohawk Ohën:ton Karihwatënkwen. Dans cette prière, on dit entre autres qu'il faut avoir une pensée spéciale pour les gens, les hommes, les femmes et les enfants, et une pensée toute spéciale pour les enfants, car les enfants sont notre avenir.
Je me suis écrit une petite note ici pour ne pas oublier de parler des jeunes et de la technologie numérique—les arts visuels, la musique et les arts de la scène, qui sont de nouvelles façons d'exprimer nos valeurs et nos traditions. J'ai écrit: «Passer des corneilles aux perles de verre à l'animation numérique». J'y ai fait allusion dans mon texte, lorsque j'ai dit que nous devons avoir davantage accès à ces outils, à ces nouvelles technologies, pour trouver de nouvelles façons d'exprimer nos cultures grâce à ces médias. Nos enfants feront la même chose.
En fait, j'ai eu le privilège d'écouter la CBC l'autre soir. Il y avait toute une tribune où l'on parlait des nouvelles technologies et de leur impact sur les arts de la scène. Je n'en revenais pas d'entendre tout cela.
À mesure que nos enfants se familiariseront avec ces technologies, ces formes d'expression se développeront, et nous devrons les encourager le plus possible.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour nous faire part de vos idées. Je comprends jusqu'à quel point il est important pour nous d'entendre le témoignage de bon nombre de nations différentes venues de tous les coins du pays. Comme mon collègue M. Muise l'a dit, nous pourrions passer toute la journée à nous entretenir avec vous.
En ce qui concerne ce qu'a dit Mme Lill au sujet de la culture... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec le fait que l'on mette l'accent sur la culture et que cela donne l'impression qu'elle soit confinée, mais je pense que si on essaie de voir les choses sous une lumière différente, si on essaie de voir la culture avec un esprit ouvert, on se rend compte que cette culture est une culture unique et souple... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
• 1245
Pour ce qui est de la culture canadienne, ce sont les
microcosmes de culture et le caractère unique des cultures qui la
composent qui font qu'elle est forte ou faible... [Note de la
rédaction: Difficultés techniques]... Peu importe où l'on va, il
est rare que l'on présente l'art canadien, la culture canadienne,
des histoires canadiennes. C'est particulièrement difficile
lorsqu'on voyage à l'étranger de ne pas voir quelque sorte de
représentation des peuples de nos Premières nations, de nos
autochtones, et pour cela...
Le président: Monsieur Bonwick, le micro ne fonctionne pas bien. Si vous pouviez tout simplement tourner l'autre microphone vers vous...
Vous pouvez continuer, Paul.
M. Paul Bonwick: Je disais qu'il est rare, lorsqu'on voyage à l'étranger et qu'on voit quoi que ce soit qui représente la culture, les histoires ou les arts au Canada, de ne pas trouver un élément important qui représente les peuples autochtones ou les Premières nations. Je vous en félicite. Vous devriez être fiers. En fait, tous les Canadiens devraient être fiers que l'on présente toutes ces identités individuelles comme faisant partie de la scène culturelle canadienne.
C'est à cet égard que j'aimerais aborder les questions de la mondialisation et de l'impact de la mondialisation dont vous avez parlé. À mon avis, cette mondialisation, si on sait en tirer profit, pourrait être très positive pour vos deux peuples, en fait pour le Canada en général, pourvu qu'il y ait des garanties en place pour nous assurer que nous ne sommes pas engloutis par ces—je n'aime pas utiliser le mot «culture» lorsque je parle des États-Unis, mais cette énorme industrie qui semble engloutir bon nombre de plus petites cultures, de plus petites identités.
Je me demande si vous pouvez me dire de quelle façon exactement—en fait ma question comporte deux parties—tout d'abord, comment nous pouvons stimuler et encourager une plus grande participation et davantage d'activités culturelles au sein de vos propres collectivités et, deuxièmement, si vous avez des suggestions précises sur la façon dont nous pourrions aider ou faire des recommandations au ministre et au gouvernement pour vous donner une plus grande visibilité et permettre à votre art, à votre histoire, de rayonner non pas seulement au Canada mais à l'étranger également.
M. Iain Phillips: Dans mon texte original, j'ai fait allusion au fait qu'avant d'éliminer ces obstacles au commerce international, il faudrait d'abord mettre en place des garanties. Je pense qu'il serait presque fou de la part du gouvernement du Canada et des Premières nations de permettre qu'une telle chose se produise.
Il y a un accord dont je ne me souviens plus du nom qui a soulevé beaucoup de préoccupations; on n'en parle plus maintenant.
Une voix: L'AMI.
M. Iain Phillips: Oui, merci. Cet accord a soulevé beaucoup de préoccupations, et au sein de la communauté autochtone, on s'inquiétait beaucoup des conséquences qu'aurait cet accord sur les droits des Autochtones dans le monde entier.
Encore une fois, je pense que les dispositions de la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones des Nations Unies contribueront considérablement à mettre en place et à élaborer de telles garanties.
Pour ce qui est de la promotion, je reviens toujours aux jeunes, car nous commençons à attirer leur attention et à faire en sorte qu'ils voient les choses de la bonne façon, de la façon traditionnelle, tout en étant capables d'utiliser les nouvelles technologies et les nouveaux outils qui nous viennent des sociétés occidentales, mais en les utilisant d'une façon qui permette de respecter nos traditions et de maintenir une force au centre. Nous allons faire de grandes choses. Je pense que c'est là où nous devons commencer à mettre l'accent. Il faut mettre l'accent sur la jeunesse, car ce sont les jeunes qui vont nous faire progresser.
• 1250
Selon la tradition de mon peuple, en fait, certains d'entre
nous disent que nous avons déjà fait notre part. Nous pouvons
continuer à travailler et nous pouvons aider, mais nous avons fait
notre part et c'est maintenant à ceux qui nous suivent de faire la
leur. Dans la tradition iroquoise, nous parlons du concept des sept
générations, où tout ce que nous faisons et chaque décision que
nous prenons doit être soupesée en tenant compte des conséquences
pour sept générations. Je ne pense pas qu'il y ait un gouvernement
au monde qui voit au-delà de six mois, ou d'un an ou deux.
Le président: Monsieur Ernerk.
M. Peter Ernerk: Merci, monsieur le président. Comme M. Phillips, nous nous préoccupons nous aussi beaucoup des jeunes du Nunavut, car la majorité de notre population est très jeune au Nunavut. Tous nos jeunes ne veulent pas être des sculpteurs, des artistes et artisans, mais ils veulent être éduqués. Nous faisons la promotion d'une bonne éducation.
L'autre jour, je parlais à un aîné dans ma ville native de Repulse Bay et je lui ai demandé ce qu'il pensait des jeunes du Nunavut. Il a dit qu'il aimerait qu'ils connaissent le mode de vie des Inummariits, qui sont les vrais Esquimaux, qu'ils aient les connaissances de la terre, de la mer, des prévisions météorologiques, et de ce genre de chose. Il a dit qu'en même temps il aimerait qu'ils reçoivent une bonne éducation, et de bons emplois et qu'ils connaissent le monde des ordinateurs. Voilà ce que nous souhaitons pour nos jeunes au Nunavut.
Pour ce qui est des possibilités réelles, de la mondialisation du Nunavut, je tiens à dire qu'il y a bien des gens qui viennent nous voir pour nous demander comment ils pourraient promouvoir le Nunavut. Hier, un journaliste français est venu me demander ce que je pensais de tous ces gens qui venaient me voir au Nunavut. Il a dit qu'ils me posaient toutes sortes de questions au sujet de nos connaissances traditionnelles, de notre culture, de notre langue, et d'autres choses de ce genre. Nous avons dit que le gouvernement du Nunavut encouragera les arts et l'artisanat, ce que j'ai mentionné dans mes remarques liminaires, ainsi que l'économie fondée sur le mode de vie traditionnel.
Nous aimerions que nos jeunes aient la possibilité de faire de bonnes études. Ceux d'entre nous qui ont été élevés d'une façon très primitive, qui ont vécu et connu un mode de vie primitif, qui ont vu les débuts de l'ère spatiale, naturellement, ne sont pas aussi bien éduqués que nos jeunes aujourd'hui. Nous encourageons nos jeunes à connaître le mode traditionnel de vie, le mode de vie inuit, mais nous voulons qu'ils aient aussi des connaissances informatiques. Ainsi, je peux allumer mon ordinateur et rédiger une lettre au président de l'Inuit Tapirisat du Canada en utilisant une police de caractères inuktituts. Je peux faire cela avec mes collègues au Nunavut.
Mais en même temps, nous avons l'intention de vraiment promouvoir l'industrie des arts et de l'artisanat. Cela permet de promouvoir la culture inuite et le mode de vie inuit également.
• 1255
Pour ce qui est des perspectives économiques, une autre
question dont nous avons parlé pour nos jeunes est celle du
tourisme que nous voulons naturellement encourager. Je pense que le
gouvernement canadien peut nous aider à vraiment promouvoir
l'industrie touristique au Nunavut. Le Nunavut est ouvert au monde
des affaires.
Le président: Avant de conclure, MM. Mark et Dumas voudraient poser chacun une question. J'aimerais cependant demander aux membres du comité d'être indulgents et de donner leur consentement unanime, car M. Muise doit partir et nous avons un quorum de neuf personnes... Notre budget a été approuvé par le comité de la Chambre et il faut maintenant que la motion que je vous ai fait parvenir soit approuvée afin que nous puissions retenir les services des divers professionnels pour les deux derniers mois afin de terminer notre rapport.
Au fait, ces chiffres ont été tous vérifiés par le comité et ils correspondent bien aux coûts que représentent ces rapports. La seule chose qui n'est pas incluse, c'est la dernière ligne que vous voyez sur le document qu'on vous a remis. Le groupe Colophon s'est occupé de la version anglaise du rapport. Nous n'avons pas retenu les services de qui que ce soit pour s'occuper de la version française du rapport. La Chambre des communes ne s'occupe pas de la révision des rapports, de sorte que nous devrons aller à l'extérieur, et nous sommes en train de négocier. Les honoraires qu'on nous a demandés étaient trop élevés. Il y aura donc un montant correspondant pour la version française, et nous présenterons une autre motion à cet effet un peu plus tard.
J'aimerais avoir une motion pour approuver ces chiffres, et je vais interrompre la séance brièvement pour que nous puissions régler cette question.
M. Paul Bonwick: Je propose la motion.
(La motion est adoptée)
Le président: Merci.
Monsieur Mark, suivi de M. Dumas, et nous allons clore la séance.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. C'était très intéressant d'entendre M. Ernerk décrire sa culture comme étant une culture de chasse, que son peuple vit de la terre, ce qui permet d'éviter le gaspillage et d'avoir un développement durable. Vous le faisiez sans doute bien avant que le Sud découvre le mot «durabilité». De toute évidence, pour chasser, il faut des armes à feu, et cela représente certainement un élément important de votre culture.
Comme vous le savez, le gouvernement du jour il y a plusieurs années a adopté un projet de loi assez important sur le contrôle des armes à feu qu'on appelait le projet de loi C-68. Par ailleurs, en ce qui concerne les collectivités autochtones, je crois qu'il y a une série de politiques qui vous permet de ne pas participer par respect pour votre culture. Je me demandais si le gouvernement du Nunavut demandera au gouvernement fédéral la possibilité d'échapper aux dispositions du projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu.
M. Peter Ernerk: Ne me mettez pas dans une position difficile. Je pense que la meilleure personne pour répondre à cette question serait le premier ministre du Nunavut. Je m'excuse, je ne peux faire de commentaire.
M. Inky Mark: Très bien. Je poserai certainement la question à votre premier ministre.
Le président: Monsieur Dumas.
[Français]
M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Je suis heureux de saluer MM. Ernerk et Phillips. Je dois vous dire que je suis très sensible à tout ce qui touche les autochtones, tout d'abord parce que Kanesatake fait partie de ma circonscription d'Argenteuil—Papineau—Mirabel, que j'ai l'occasion de côtoyer un peu les autochtones et qu'un de mes bons amis y habite. De plus, il y a tout près de 50 ans, j'ai été professeur dans un village voisin, Saint-Placide, qu'on appelait autrefois Oka. J'ai connu un peu le sort qu'on réservait aux autochtones quand ils se déplaçaient dans ce village de Saint-Placide.
J'aimerais poser deux petites questions qui exigeront peut-être des réponses un peu plus longues. Monsieur Ernerk, vous disiez que votre système judiciaire était différent. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui le distingue du nôtre.
• 1300
Vous disiez aussi que la moitié de la population avait moins de 20
ans. Quelle proportion de ces jeunes de moins de 20 ans poursuivent
leurs études? Est-ce que parmi les plus âgés, il y a des gens qui
poursuivent des études plus poussées en vue d'obtenir un doctorat ou
de pratiquer une activité professionnelle?
[Traduction]
M. Peter Ernerk: Merci, monsieur le président. En ce qui concerne les études, chaque communauté a maintenant un établissement d'enseignement, une école. La plupart des communautés au Nunavut—il y en a 26—ont des établissements d'enseignement où l'on enseigne jusqu'à la 12e année. Il n'est donc plus nécessaire d'aller à l'extérieur de notre communauté pour étudier.
Nous n'avons pas d'universités au Nunavut. Nous avons le Nunavut Arctic College, qui offre un enseignement supérieur au niveau des métiers et que fréquentent bon nombre d'élèves dans nos communautés. Nous n'avons pas d'universités et ceux qui veulent suivre des cours à l'université doivent aller dans le Sud. Par exemple, notre premier ministre est le seul avocat au Nunavut, le premier avocat inuit au Nunavut. Nous en sommes très fiers. Nous sommes donc sur la bonne voie, pour ce qui est d'offrir aux habitants du Nunavut la possibilité de faire de bonnes études.
Je m'excuse, mais je n'ai pas entendu la première partie de votre question et je demanderais à l'honorable député de bien vouloir répéter la première partie de sa question, s'il vous plaît.
[Français]
M. Maurice Dumas: Au tout début de votre allocution, vous avez dit que votre système judiciaire était différent du nôtre. Pourriez-vous nous expliquer ses différences?
[Traduction]
M. Peter Ernerk: En ce qui concerne le système judiciaire, je ne suis pas le sous-ministre responsable de la justice au Nunavut, mais j'ai oeuvré dans ce domaine du point de vue des connaissances traditionnelles. Le ministre de la Justice du Nunavut est Jack Anawak, ancien député du Nunavut, qui a lancé le slogan suivant il y a quelques années: «La justice pour faire la paix».
Au Nunavut, le système judiciaire est quelque peu différent de celui qui existe dans le sud du Canada, bien qu'il comprenne bien des éléments provenant de ce système. À Iqaluit, un juge est parfois accompagné d'un aîné lors du prononcé de la sentence, par exemple.
L'une des choses que nous faisons entre autres, c'est d'inclure le droit coutumier traditionnel notamment lors de l'adoption selon les coutumes indiennes, qui sont très importantes pour la culture inuite. Par ailleurs, nous ferons un examen du droit au Nunavut, afin d'étudier les lois prioritaires qui sont importantes pour les résidents du Nunavut, plus particulièrement pour les Inuits.
Comme vous le savez, les lois qui sont en vigueur à l'heure actuelle, ont été transférées des Territoires du Nord-Ouest au gouvernement du Nunavut, mais est-ce une priorité, par exemple, d'avoir des lois forestières au Nunavut? Nous n'avons pas d'arbres au Nunavut, de sorte que notre priorité est d'examiner les lois qui touchent directement les habitants du Nunavut, notamment les lois sur la chasse. J'ai mentionné les lois coutumières comme les adoptions selon les coutumes indiennes et d'autres lois qui toucheront les habitants du Nunavut. La Loi sur les langues est également importante. Voilà le genre de choses pour lesquelles nous consulterons les habitants du Nunavut dans une large mesure.
• 1305
Je ne suis pas certain d'avoir répondu à toute votre question.
Le président: Merci beaucoup, messieurs Ernerk et Phillips, d'être venus nous rencontrer et de nous avoir transmis la sagesse de vos peuples. Nous vous remercions.
M. Peter Ernerk: Merci.
M. Iain Phillips: Merci.
Le président: La séance est levée.