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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 juin 1998
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est maintenant ouverte.
[Français]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous effectuons une étude sur la culture canadienne,
[Traduction]
l'examen d'une nouvelle politique culturelle canadienne.
C'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui l'Association canadienne des radiodiffuseurs représentée par M. Michael McCabe, pdg; M. Duff Roman, président du conseil de l'ACR; M. Michel Tremblay, vice-président exécutif et Mme Jill Birch, vice-présidente, radio.
• 1110
Vous avez la parole. Monsieur McCabe, voulez-vous commencer,
ou préférez-vous que ce soit M. Roman?
M. Duff Roman (président du conseil de l'Association canadienne des radiodiffuseurs): Je vais commencer.
Le président: Je vous en prie.
M. Duff Roman: Je vous remercie. Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Duff Roman. Je suis président du conseil de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Je suis accompagné de M. Michael McCabe, PDG de l'ACR; de Mme Jill Birch, vice-présidente, radio et de M. Michel Tremblay, vice-président exécutif.
L'ACR est d'heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité de la Chambre pour présenter son point de vue sur le rôle des radiodiffuseurs privés en tant qu'intervenants majeurs dans l'environnement culturel canadien, et pour aider le comité dans ses délibérations.
Les industries de la radio et de la télévision sont à un point tournant de leur histoire. Elles doivent relever des défis importants du fait de la multiplication des médias, de la concurrence accrue et de la mondialisation.
Par ailleurs, elles traversent une période de transformation technologique qui verra la radio et la télévision entrer dans l'ère numérique. Ces facteurs sont autant de défis pour les radiodiffuseurs qui cherchent à offrir à leur auditoire une programmation pertinente et de haute qualité tout en continuant à contribuer de façon importante à la culture canadienne et en assurant la rentabilité de leur entreprise.
Nous avons atteint un point critique; en effet, si nous voulons rester pertinents et garder notre auditoire canadien, nous devons améliorer notre capacité de contribuer culturellement au système.
Le gouvernement est lui aussi aux prises avec des défis considérables dans ce nouvel environnement où la concurrence est reine et dans lequel la politique culturelle est victime de la technologie et de la mondialisation.
Que faut-il pour que la radio ait la flexibilité nécessaire pour demeurer compétitive, pour attirer de nouveaux auditeurs et pour continuer à jouer le rôle de journal communautaire dans le monde de la radiodiffusion?
Du côté de la télévision, que faut-il faire pour que la télévision canadienne demeure rentable? Il faut que le gouvernement laisse ces deux industries remplir pleinement leur rôle et qu'il leur donne la flexibilité et l'accès aux ressources dont elles ont besoin pour ce faire.
Nous aimerions maintenant vous présenter, dans le cadre de deux exposés consécutifs, le plan de l'ACR pour la radio et la télévision. Je demanderais à Michael McCabe de décrire les grandes lignes de ce que l'ACR propose pour la télévision; Jill Birch et Michel Tremblay feront de même pour la radio.
Votre comité a posé des questions-clés, auxquelles nous répondons dans nos exposés. Par ailleurs, nous ferons parvenir au comité, sous pli séparé, des rapports de recherche qui étofferont nos propos. Et bien entendu, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que les membres du comité voudront bien nous poser à la fin de nos exposés.
Michael.
M. Michael McCabe (président et directeur général de l'Association canadienne des radiodiffuseurs): Tout d'abord, je vous remercie de nous recevoir. Nous vous en sommes gré. Nous allons essayer d'être aussi brefs que possible avant de passer rapidement à la période des questions.
Je crois que nous avons remis au greffier un document qui a l'air de ceci. A-t-il été distribué? Il serait utile que vous l'ayez entre les mains pour que je n'aie pas à le passer en revue, point par point.
Ce que nous aimerions utiliser comme cadre de nos discussions sur la télévision avec vous aujourd'hui est ce que nous appelons la survie économique de la télévision dans les années à vivre. L'idée c'est que contribution culturelle dépend de notre succès commercial.
Je vais donc brosser un tableau général de l'industrie et parler du succès qu'est indéniablement la télévision canadienne; passer en revue les défis qui nous attendent dans les années à venir; parler de fixer des objectifs pour le réseau et dire en quoi ils serviront les intérêts du public—ou plutôt, expliquer pourquoi c'est dans l'intérêt du public que nous le fassions; proposer un cadre stratégique et réglementaire en vue d'atteindre les objectifs que nous nous serons donnés, et enfin, parler du fait que tout cela servira les intérêts du pays.
Comme vous pouvez le constater d'après le document que vous avez entre les mains, l'industrie de la télévision privée est à l'échelle du pays. Il y a trois grands réseaux nationaux, 25 compagnies d'envergure, 90 stations dont 57, situées dans des marchés moins importants, sont relativement nouvelles, et 52 chaînes spécialisées, services à la carte et services payants.
• 1115
Nous contribuons grandement à l'économie, à la culture et à la
vie communautaire, comme on l'a vu dernièrement pendant la tempête
de verglas et les inondations. Nous jouons un rôle important dans
l'économie. L'industrie canadienne de la télévision représente plus
de 27 000 emplois directs et indirects. La masse salariale annuelle
est de 576 millions de dollars.
Voici quelques détails culturels intéressants. Soixante-quinze pour cent de la programmation canadienne, conventionnelle et spécialisée, sont diffusés par la télévision privée. Les radiodiffuseurs canadiens, spécialisés et conventionnels, investissent plus de 700 millions de dollars par an dans la programmation canadienne. Quatre-vingt-cinq pour cent des Canadiens regardent les informations sur une station de télévision privée. Et, comme je l'ai déjà dit, mous jouons un rôle important dans la collectivité en cas d'urgence, tant en diffusant l'information qu'en offrant des services de coordination.
Toutefois, comme l'a dit Duff, nous devons relever plusieurs défis. Le premier est ce que nous appelons la «performance des programmes au Canada et à l'étranger». Ce que cela signifie c'est que les Canadiens peuvent regarder beaucoup plus de télévision qu'auparavant, du fait en partie des nouvelles conditions de licences des radiodiffuseurs existants, mais aussi du fait de la délivrance de licences nouvelles.
Le problème, c'est que nous ne sommes pas parvenus à capturer les spectateurs. Il faut que nous améliorions la performance de notre programmation; bref, il faut que les Canadiens regardent nos émissions. C'est essentiel. Le succès de nos émissions à l'étranger dépend de leur succès au Canada. C'est comme ça que le marché fonctionne.
L'une de nos principales préoccupations dans l'avenir immédiat est le fait qu'il existe des pressions énormes, et à juste titre, en faveur d'une programmation nationale de meilleure qualité, des grandes séries, par exemple. Cela ne peut se faire qu'au détriment de notre présence locale. En effet, il faut bien prendre l'argent quelque part, et si nous commençons à le retirer des informations locales et de l'actualité communautaire, cela deviendra problématique pour nous et pour la collectivité.
Une autre source de préoccupation est la transition au numérique. Il faut que nous passions au numérique dans un avenir proche. On estime qu'au cours des dix prochaines années, cela va nous coûter environ 500 millions de dollars, et nous n'envisageons aucune source nouvelle de revenu. Cela nous préoccupe énormément.
La fragmentation croissante du marché est un autre souci. La décision du CRTC d'autoriser l'arrivée sur le marché de nouvelles chaînes spatialisées, des chaînes canadiennes, signifie que pour chacune d'entre elles, une chaîne américaine spécialisée arrive sur notre marché. Ce phénomène et l'expansion de l'Internet menacent notre part du marché, ce qui nous inquiète. Par exemple, au cours des cinq dernières années, elle est passée, pour les radiodiffuseurs conventionnels, de 42 à 39 p. 100, en faveur surtout des services spécialisés.
L'Internet est devenu un concurrent sérieux. Il faut soit que nous relevions cette concurrence soit que nous diffusions sur l'Internet. Ou peut-être un peu des deux. C'est pour nous, en tant qu'industrie, une préoccupation et nous commençons à amorcer le virage.
Le sous-financement est un autre problème. Nous y reviendrons, mais pour ce qui est de la programmation, vous avez été témoins des difficultés financières que nous avons éprouvées au printemps. La programmation canadienne est sous-financée. Des gros radiodiffuseurs comme CTV et Global ont des séries toutes prêtes—ils l'ont dit publiquement—mais ils n'ont tout simplement pas l'argent pour les réaliser.
Certains de nos membres estiment—nous aurons une meilleure idée dans deux ou trois semaines et nous vous le ferons savoir—que le déficit de financement qui empêche les radiodiffuseurs de mettre en ondes une programmation déjà prête est de l'ordre de 250 à 300 millions de dollars.
Venons-en aux marchés financiers. Une chose intéressante s'est produite dans notre secteur, à savoir que nous sommes passés du stade de l'entrepreneur-propriétaire à celui de sociétés ouvertes dont les actionnaires sont souvent des gros fonds de pensions et autres groupes du même genre. Souvent, comme on dit dans notre milieu, ils connaissent mieux notre métier que nous. Mais il est intéressant de voir ce qui les intéresse: des bénéfices tous les trimestres, ce qui est parfois contraire au long terme et, par conséquent, à nos objectifs culturels.
• 1120
Comment maintenir une programmation canadienne et nos droits
de diffusion? Nous craignons qu'il devienne plus difficile de nous
procurer certaines émissions américaines auxquelles nous avons
normalement accès et qui nous rapportent beaucoup; cet argent nous
permet de subventionner les dramatiques canadiennes qui sont
souvent déficitaires.
J'ai parlé plus tôt de l'accès libre aux services étrangers. Le nombre croisant de services étrangers sur le marché nous préoccupe considérablement. Mis à part le fait que les spectateurs les aiment, ils ne contribuent pas au réseau.
Nous proposons—et vous savez que nous allons le faire devant le CRTC—l'adoption, dans un avenir proche, d'objectifs à l'échelle du réseau, que tout le monde ferait siens. Nous envisageons des objectifs relatifs à la programmation canadienne qui permettraient de rehausser les cotes d'écoute de certaines émissions, particulièrement les dramatiques et autres.
L'un des objectifs serait de maintenir notre présence locale. Un autre objectif concernerait la diversité afin que le pays tout entier ne se retrouve pas avec un réseau rendu uniforme par la réglementation. Nous voulons un réseau au sein duquel les gens pourront faire des choses différentes, parce que c'est la clé du succès et que c'est bon pour les spectateurs. Nous devons également nous fixer des objectifs concernant les émissions rediffusées. Que faire pour les émissions comme les dramatiques, les émissions de variété pour enfants et les documentaires? Comment pouvons-nous augmenter leurs cotes d'écoute? Et, toujours le même problème, où trouver les fonds pour financer la programmation canadienne? Cela devrait aussi être l'un des objectifs.
Nous pensons que, si nous pouvions nous donner des objectifs dans ces domaines, nous servirions les intérêts du public. En effet, nous ferions en sorte que les Canadiens puissent regarder les meilleures émissions canadiennes et étrangères, et ce, de façon universelle; que nous continuions à contribuer à la vie de la communauté; que notre industrie continue à être rentable au cours du prochain millénaire et à enrichir le pays; que notre service local soit renforcé, que la diversité dont nous avons parlé soit une réalité; et, par-dessus tout, que les Canadiens aient accès à une télévision conforme à leur souhait.
Quelles sont les conditions pour que nous puissions atteindre les objectifs que nous allons nous fixer?
Selon nous, il y en a deux: premièrement, un cadre réglementaire souple et moderne et, deuxièmement, une politique et un appui financier stables de la part du gouvernement.
Je vais aborder ces deux points très brièvement. Le 30 juin, nous présenterons un mémoire détaillé au CRTC. Il est en préparation. D'ici le 30 juin, nous aurons les résultats de deux études. L'une est une analyse de la conjoncture actuelle et de ce qui va se passer au cours des dix prochaines années; l'autre est le récit du succès de la télévision canadienne et une projection de son avenir. Nous vous les communiquerons d'ici le 30 juin afin que vous les ayez entre les mains.
Pour atteindre nos objectifs sur le plan réglementaire, qu'attendons-nous de notre audience avec le CRTC? Une certaine flexibilité, car c'est seulement si nous pouvons programmer les émissions que nous voulons et à l'heure de notre choix que nous réussirons.
Pour le moment, le CRTC offre des incitatifs pour les dramatiques et autres. Nous cherchons à en élargir la portée pour récompenser la performance de la programmation, les cotes d'écoute, en quelque sorte.
Par ailleurs, mous proposons que le contenu canadien ne soit pas augmenté. Dans ce cas précis, on risque de pécher par excès. Quand les ressources dont on dispose sont limitées, il faut vraiment les cibler. Nous suggérons de cibler la programmation que nous voulons voir réussir au lieu de répartir sur un plus grand nombre d'heures notre argent et l'argent dont dispose le système.
Nous allons examiner l'ensemble de la structure réglementaire pour voir ce qui peut être éliminé.
Place à la substitution. Comme vous le savez peut-être, les émissions en jumelé, grâce à la substitution de signaux identiques, rapportent 100 millions de dollars et protègent nos droits de diffusion. Certaines failles commencent à apparaître dans le système. Par conséquent, nous allons faire des propositions pour l'améliorer et le perfectionner.
Nous envisageons d'augmenter le contenu publicitaire et nous suggérerons des moyens de le faire.
• 1125
J'ai dit plus tôt qu'on avait autorisé l'arrivée sur le réseau
de services américains qui ne contribuaient pas à ce dernier.
D'après nos calculs, le réseau perd jusqu'à 200 millions de dollars
en droits d'abonnement. Les spectateurs les aiment, mais ils ne
contribuent pas au réseau. Nous allons étudier des stratégies
nouvelles et des incitatifs pour promouvoir la conversion à la
télévision numérique. Voilà pour le côté réglementaire, qui relève
du CRTC.
Du côté du gouvernement, nous serons à la recherche de ressources supplémentaires pour la production et d'un engagement à maintenir un appui permanent à la production. Nous chercherons à cibler les émissions ayant le plus de chances d'attirer un large auditoire. Dans ce pays, l'industrie indépendante de la production, qui reçoit un appui financier et des incitatifs du gouvernement, est maintenant florissante. Beaucoup d'entreprises sont cotées en bourse et le moment est venu de mettre toutes les ressources à contribution.
Nous allons proposer que les radiodiffuseurs puissent être à la fois réalisateurs et distributeurs car, si nos productions nous rapportent de l'argent sur les marchés étrangers, nous pourrons investir davantage dans la programmation canadienne. Investir est le mot-clé. Car si nos investissements ont des chances de rapporter, nous pouvons alors dire que les risques et les récompenses s'équilibrent. Cela va être un élément-clé de ce que nous allons dire au gouvernement.
Comme vous le savez, car c'est quelque chose qui vous touche tous directement, les attaques contre la structure de promotion et de protection de la culture canadienne vont être considérables au cours des années à venir. Il faut que, face au contexte commercial, nous adoptions une politique culturelle ferme et stable.
Je dirai pour finir que si nous parvenons à accomplir des progrès dans les domaines de la politique et de la réglementation, nous pensons être en mesure d'améliorer les cotes d'écoute, c'est-à-dire que les Canadiens regarderont des émissions qu'ils aiment et qu'elles seront plus nombreuses. Nous réussirons mieux sur les marchés étrangers, nos entreprises seront plus rentables et nous contribuerons davantage au réseau.
Jill.
Mme Jill Birch (vice-présidente, radio, Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous présenter maintenant un survol des initiatives de l'industrie dans le domaine de la radio, qui présentent un intérêt pour la Chambre dans le cadre de l'initiative qu'elle vient d'entreprendre.
En gros, la croissance et l'innovation technique sont sur le point de révolutionner la radio. La radio connaît une renaissance et les radiodiffuseurs privés ont pris un certain nombre d'initiatives afin de mieux servir les auditeurs d'un bout à l'autre du pays.
Au cours des prochaines minutes, nous allons parler de la place de la radio dans notre vision de l'avenir. Nous parlerons de la collectivité, de l'industrie de la musique et de l'économie. Nous passerons en revue le plan de l'ACR. Au cours des 18 derniers mois, on a entrepris plusieurs études, diverses analyses et des compilations de données à la suite de la demande du CRTC qui voulait une réponse de la radio. Ce faisant, nous avons mis à contribution les auditeurs pour savoir qui sera l'auditeur de demain et comment la radio privée peut répondre à ses besoins. Enfin, nous verrons comment tout le monde peut être gagnant: la radio privée, l'industrie de la musique, la collectivité et, par- dessus tout, les auditeurs.
Commençons par notre vision de l'avenir. En gros, pour le moment, notre vision de l'avenir pour la radio repose sur cinq piliers. Le premier impératif est de mieux servir l'auditoire local. Le défi qui se présente à nous est que les auditeurs sont plus exigeants et que le marché est plus fragmenté. Cela représente un défi énorme pour la radio privée. Pour le relever, il faut que nous nous regroupions. Avec une radio plus forte, on peut faire des émissions plus variées et de plus grande envergure. Pour avoir une idée du défi qui nous attend, il suffit de savoir qu'actuellement il y a, à l'échelle du pays, 500 stations de radio qui appartiennent à 174 propriétaires.
• 1130
Il faut que la radio prenne les mesures nécessaires pour
devenir un chef de file plutôt qu'un survivant. Il faut que nous
puissions investir dans la technologie et dans un savant agencement
des émissions qui attireront les auditeurs.
Il faut également que la radio devienne plus compétitive. Actuellement, elle est en concurrence, entre autres, avec les journaux, l'Internet, la télévision et les pages jaunes pour ce qui est des recettes publicitaires qui nous permettront d'investir dans la technologie et de nous assurer la loyauté de notre auditoire.
L'avenir de la radio est dans la conversion à la radiodiffusion numérique, ou RAN. Le passage de la technique analogique au numérique nous permettra d'offrir plus de services à nos clients, les auditeurs, d'être plus pertinents et d'essayer des services encore jamais offerts.
Imaginez suivre un cours de français ou de japonais, à 8 h du matin, alors que vous vous rendez au travail ou encore la situation suivante: vous êtes en train d'écouter votre chanson préférée à la radio, mais vous en avez oublié le titre, et il apparaît sur un écran, dans votre voiture. Ce sont des exemples de ce que la radio numérique peut offrir à ses clients, les auditeurs.
J'aimerais passer maintenant à la contribution de la radio à la collectivité. Il suffit de se souvenir de la tempête de verglas de 1998 pour comprendre la force incroyable de ce moyen de communication, surtout en cas d'urgence.
La radio demeure un ami intime. En passant des personnes âgées à la nouvelle race de travailleurs à domicile, la radio offre des services, et relie les collectivités et les individus.
C'est également un moyen de ralliement pour les causes caritatives. La radio a fait avancer de nombreux dossiers dans le domaine social et de la santé. Que ce soit la drogue, l'alcoolisme, les mauvais traitements faits aux enfants ou autres questions de ce genre, la radio continue à rejoindre le public.
Par ailleurs, c'est une voix canadienne forte. L'axiome d'après lequel il faut penser à l'échelle locale et agir à l'échelle nationale se vérifie dans les nombreux services offerts par la radio.
C'est le seul moyen de communication national véritablement électronique. Voici quelques chiffres qui vous donneront une idée de sa portée. La radio privée représente 85 p. 100 de la syntonisation totale. En moyenne, les Canadiens écoutent 20 heures de radio par semaine, soit cinq heures de plus que nos voisins du sud.
Pour ce qui est de notre contribution à l'industrie de la musique, on n'insistera jamais suffisamment sur les liens étroits que la radio entretient avec de nombreux groupes connexes en vue de promouvoir le développement du talent canadien. Plusieurs études indépendantes révèlent que le temps d'antenne est ce qui fait vendre la musique et que la radio demeure le meilleur instrument de commercialisation des disques à l'échelle du pays. À l'heure actuelle, les radiodiffuseurs privés investissent 1,8 million de dollars par an dans le développement du talent canadien.
En outre, nous avons instauré les Prix de musique de la radio canadienne pour récompenser et promouvoir les artistes canadiens à l'échelle du pays. De nombreux lauréats, qui ont eu leur moment de gloire au moment de la remise des prix, continuent à recevoir le temps d'antenne et l'attention qu'ils méritent.
Par ailleurs, la radio organise de nombreuses autres activités telles que des concerts gratuits, des cérémonies de lancement de disques compacts, sans oublier la promotion sur les ondes. En partenariat avec les intervenants-clés de l'industrie, la radio déploie des efforts énormes pour faire percer les stars canadiennes. Nous sommes conscients de l'importance de ce rôle et nous continuons à nous battre sur ce front.
La contribution économique de la radio vient du fait que nous avons 500 stations d'un océan à l'autre et du Nord au Sud, ce qui se traduit par 9 000 emplois directs et de nombreux emplois indirects et à contrat. En 1997, les revenus de la radio s'élevaient à 862 millions de dollars.
L'ACR a mis en oeuvre un plan en quatre points. Le premier est la restructuration de la radio afin qu'elle devienne plus rentable, qu'elle prenne de l'expansion et qu'elle fidélise son auditoire. Nous voulons rendre notre programmation plus concurrentielle, et faire en sorte qu'elle réponde aux besoins des auditeurs, particulièrement dans le contexte de la fragmentation accrue du marché. Pour nous, la promotion de la musique canadienne en découvrant, en encourageant et en poussant les artistes de la relève est essentielle.
Et enfin, l'avènement de la radio numérique est en train de devenir une réalité alors même que nous parlons.
Je cède maintenant la parole à Michel Tremblay.
[Français]
M. Michel Tremblay (vice-président exécutif, Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci, Jill.
J'aimerais maintenant couvrir les aspects principaux de notre plan d'attaque au niveau de la radio.
La radio sort à peine d'une longue période de difficultés économiques, et il y a toujours 50 p. 100 des stations qui ne sont pas rentables. Les problèmes économiques de la radio ne sont pas cycliques. Ils ne sont pas reliés aux récessions. Ils sont dus à un problème structurel et une restructuration s'impose pour qu'on puisse aborder toute la problématique de l'industrie médiatique la plus fragmentée.
• 1135
D'ailleurs, dans sa récente décision, le CRTC a
reconnu la nécessité d'agir pour revitaliser le secteur de
la radio en permettant la propriété multiple dans
l'ensemble des marchés radiophoniques. Le document que
vous avez devant vous fait état d'une politique qui
permet maintenant la propriété d'au plus quatre stations dans
les marchés de huit stations ou plus, ou d'au plus trois
stations dans les marchés d'autres tailles. Nous
estimons qu'il s'agit là d'un bon point de départ pour
aider la radio à renforcer sa position concurrentielle
vis-à-vis des autres médias qui, eux aussi,
s'approvisionnent aux recettes publicitaires. Au
même moment s'ajoute un rôle considérable pour
redresser la situation économique de l'industrie.
L'auditoire y verra aussi son avantage par une
diversification accrue des services et des formats.
[Traduction]
Pour ce qui est de la musique, nous pensons qu'il est fondamental que tous les acteurs contribuent à renforcer la musique canadienne et à la rendre plus concurrentielle. La radio joue un rôle majeur à cet égard; elle appuie de bon grès la musique vocale de langue française et la teneur canadienne des émissions, dans des proportions réalistes permettant à la radio de demeurer pertinente pour son auditoire.
Récemment, le CRTC a augmenté la teneur canadienne des émissions radio, la faisant passer de 30 à 35 p. 100 pour l'ensemble de la semaine et de 25 à 35 p. 100 pendant la journée, du lundi au vendredi. Ces pourcentages sont de loin supérieurs à la demande naturelle pour la musique canadienne, qui, selon un sondage du groupe Angus Reid, s'établit autour de 20 à 25 p. 100.
Ces modifications représentent un défi considérable pour l'industrie de la radio. Pourquoi? Parce que ce pourcentage est disproportionné par rapport à une offre qui demeure très faible. La diapositive suivante indique que, l'an dernier, les disques canadiens représentaient moins de 15 p. 100 du total des ventes de musique au Canada. La proportion était la même pour les nouveautés. Ce pourcentage demeure pratiquement inchangé depuis des années. Il est descendu à 11 p. 100 pour remonter à 12 p. 100 et finalement à 13; c'est assez constant. La tendance n'est pas à la hausse.
Ce qui rend les choses encore plus difficiles pour les radiodiffuseurs canadiens est que, bien souvent, les disques d'artistes importants comme Céline Dion ou Brian Adams ne sont pas considérés comme canadiens. Ironiquement, quand Frank Sinatra chante My Way, c'est considéré comme canadien. Par contre, quand Céline Dion chante My Heart Will Go On, tiré du film Titanic, ce n'est pas admissible d'après le système MAPL, des plus complexes, utilisé par le CRTC pour déterminer de qui est canadien et ce qui ne l'est pas. La liste est longue et on pourrait y ajouter les enregistrements de Rod Stewart et de Neil Diamond qui sont parfois admissibles comme canadiens. Statistique Canada a commencé à répertorier tous les artistes canadiens, mais pas le CRTC.
Par ailleurs, nous pensons que ces nouvelles directives vont, en fait, réduire la flexibilité dont disposent les radiodiffuseurs dans leur programmation, ce qui est leur pire ennemi quand ils essayent de répondre aux demandes de leurs auditeurs. En fin de compte, notre mission est d'essayer de fidéliser les auditeurs, mais nous devons aussi faire en sorte que les stations canadiennes qu'ils écoutent sont régies par des principes appropriés.
[Français]
Quant à la musique vocale de langue française, la radio privée diffuse déjà deux pièces musicales sur trois, ce qui est considérable. Le CRTC, dans sa récente décision, a établi une nouvelle exigence en vertu de laquelle toute la musique diffusée entre 6 heures et 18 heures du lundi au vendredi doit rencontrer la norme de 55 p. 100. Encore là, la radio de langue française fait face à un défi considérable étant donné la faible quantité de disques francophones produits au Canada.
De plus, une étude récente réalisée par le Groupe Angus Reid démontre que la demande pour la musique vocale en français est bien en deçà du niveau de 65 p. 100.
À la section 14 du document, on parle de façon plus particulière de la nature de ces défis. Il est vrai qu'on assiste à une diminution marquée du nombre de disques francophones selon les données provenant de l'ADISQ, puisque de 1991-1992 à 1994-1995, il s'est produit en moyenne 144 disques francophones par année au Canada, alors qu'en 1995-1996, on assistait à une chute considérable, c'est-à-dire 95 disques, et à une remontée légère en 1996-1997.
• 1140
En plus de tenir compte de la faiblesse de
l'offre, il faut aussi s'interroger sur la pertinence
de mettre ces disques à l'horaire en fonction des
besoins des auditeurs et des formats des stations.
Ce qui est à craindre, si on hausse la barre au
niveau de ces exigences, c'est qu'on ne fera
qu'accroître le phénomène de l'érosion de l'auditoire
francophone, qui se déplace de plus en plus vers les
stations de langue anglaise ou les stations américaines
frontalières.
Par exemple, deux millions d'heures d'écoute ont été perdues aux stations de langue anglaise dans le seul marché de Montréal entre 1991 et 1997, et les récents sondages BBM démontrent que la tendance se poursuit.
Finalement, la radio est très active en vue de créer son avenir dans un monde numérique. On assistera au lancement de 20 stations numériques dans le marché de Toronto à compter du mois de septembre 1998 et on estime que les marchés de Montréal et de Vancouver feront la transition au numérique au cours de cette année. Il s'agit de projets conjoints qui impliquent le diffuseur public Radio-Canada et les diffuseurs privés, qui agissent de concert. Nous estimons que les 10 principaux marchés canadiens feront la transition au numérique à compter de l'an 2000.
Cet engagement engendre des besoins en capitaux substantiels, qui sont évalués à 150 ou 200 millions de dollars. De plus, la radio a déjà étendu sa portée et le niveau de service à son auditoire par son implication au niveau de l'Internet.
[Traduction]
Une industrie de la radio saine et concurrentielle peut contribuer davantage au système et j'aimerais souligner certains éléments sur cette dernière diapositive. Une industrie de la radio forte nous permettra de maintenir une source d'information essentielle, de continuer à aider l'industrie de la musique et de faire du Canada un chef de file dans le nouveau monde numérique.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Monsieur Tremblay.
Nous sommes prêts pour les questions.
M. Michel Tremblay: Nous le sommes aussi.
Le président: Nous allons commencer avec M. Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Je vous remercie.
Monsieur McCabe, j'ai trouvé intéressant que vous ayez dit que certaines chaînes de télévision ont des émissions prêtes à réaliser, mais qu'il leur manque les 250 ou 300 millions de dollars pour le faire. Est-ce que ce serait en plus des 200 millions qui ont déjà été destinés à cet effet?
M. Michael McCabe: C'est ce que nous avons calculé pour le moment, monsieur Abbott. Nous pensons que pour réaliser ce qui est déjà sur les tablettes, il faudrait entre 250 et 300 millions de dollars.
M. Jim Abbott: Je n'ai rien à redire à l'orientation prise par le CRTC en ce qui concerne la diffusion d'un plus grand nombre d'histoires canadiennes à la télévision. Par contre, ce que j'ai du mal à accepter c'est que 150 millions de dollars de l'argent des contribuables ont déjà été investis là-dedans. De 20 à 25 millions de dollars ont déjà été puisés dans les subventions prévues pour l'an prochain, ce qui je suppose s'ajoutera au reste.
Je ne mets pas en doute vos chiffres, mais ça fait 250 à 300 millions de dollars de plus. Il me semble que le public canadien n'est pas au courant du fait que ces efforts bien intentionnés en vue d'augmenter la teneur canadienne de la programmation télévisée vont probablement lui coûter 500, 600 ou 700 millions de dollars par an.
M. Michael McCabe: Ça se pourrait très bien, et il y a une bonne raison à cela, je pense. C'est qu'il y a une combinaison de plusieurs éléments. Le premier étant la politique du gouvernement qui, comme vous l'avez dit, insiste, et à juste titre, pour qu'il y ait plus d'histoires canadiennes à la télévision.
Par ailleurs, pour faire face à la concurrence américaine qui s'intensifie, nous essayons de trouver des émissions uniques qui attireront les spectateurs, ce qui veut dire que nous nous tournons vers la programmation canadienne et, ce faisant, nous exerçons des pressions sur l'ensemble du système. Par conséquent, le fonds, qui je pense est une initiative bien intentionnée, et qui sera financé par le gouvernement à raison de 100 millions de dollars par an au cours des trois prochaines années au moins, et de 100 millions de dollars supplémentaires en provenance des câblodistributeurs et autres distributeurs, sera à mon avis nettement insuffisant pour répondre à la demande. En outre, on a l'impression que c'est une mesure temporaire ayant pour objet de combler un déficit à court terme.
• 1145
En termes pratique, je pense que, du fait que nous sommes
voisins du plus producteur d'émissions au monde, il va falloir, si
nous voulons maintenir une présence canadienne et la renforcer, que
nous nous fassions à l'idée que les deniers publics vont devoir
devenir un élément permanent d'un grand nombre d'émissions
coûteuses, qui ne peuvent pas toujours rentrer dans leurs frais sur
le marché qui est le nôtre. Par conséquent, je pense qu'il faut
voir là un phénomène permanent. Comme je viens de le dire, ce
déficit de financement pour réaliser ce qui est déjà sur les
tablettes, qui est à l'heure actuelle de l'ordre de 250 à 300
millions de dollars, pourrait bien monter jusqu'à 600 ou 700
millions.
M. Jim Abbott: Je trouve qu'il n'y a pas eu suffisamment de débats publics sur la question. En d'autres termes, c'est une politique bien intentionnée de la part du CRTC et du gouvernement, mais elle n'a pas été suffisamment débattue. Les Canadiens ne sont tout simplement pas au courant de ces centaines de milliers de dollars dont nous parlons. Cela m'inquiète.
M. Michael McCabe: Je pense que vous avez raison. Il est intéressant de constater la différence d'attitude à l'égard de la communauté culturelle et d'une mesure comme celle-ci, qui est à la fois commerciale et culturelle; en effet, quand il s'agit de donner des centaines de millions de dollars à Bombardier, par exemple, cela ne semble pas causer de problème, sauf pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le fait même, parce que l'entreprise crée des emplois et que c'est une bonne chose, mais par contre, quand il s'agit de la télévision, on dit que c'est jeter l'argent par les fenêtres. Je pense que dans une certaine mesure c'est la faute de l'industrie de la production car nous n'avons pas—et Paul Martin nous l'a reproché—suffisamment défendu l'aspect commercial de notre secteur. Je pense que nous devons le faire. Mais je crois également qu'il faut qu'il y ait un débat public et ce comité nous en donne l'occasion, tout comme d'ailleurs le CRTC. Sans ça, nous ne changerons jamais les mentalités. Et le niveau de financement ne changera pas.
M. Jim Abbott: Mais en ce qui concerne la radio, il me semble qu'avec la règle des 35 à 40 p. 100 proposée par le CRTC, il se pourrait bien que quelqu'un dise un jour: «Nous avons besoin de fonds publics pour nous aider à financer des installations de production afin de produire de la musique canadienne de qualité, et d'en produire plus.»
M. Michael McCabe: Comme vous le savez, le ministère du Patrimoine gère déjà un fonds d'aide au développement de l'enregistrement sonore, mais ce n'est pas grand-chose.
Michel, est-ce 6 millions?
M. Michel Tremblay: Oui, c'est de l'ordre de 5 à 10 millions de dollars.
M. Michael McCabe: Si le but est d'accroître la teneur canadienne des émissions radio—et je comprends qu'il y ait des pressions en ce sens—le problème du financement se pose. Mais je pense que, dans un sens, ce n'est là pas que se trouve le véritable problème. L'un des véritables problèmes est ce à quoi Michel a fait allusion quand il a parlé des artistes comme Bryan Adam, Céline Dion et Terri Clark, qui à un moment donné ont cessé d'être considérés comme canadiens. Il faut qu'ils le redeviennent. Cela nous serait d'un grand secours et je pense qu'il faut que le partenariat entre l'industrie de la musique et l'industrie de la radio soit beaucoup plus commercial et beaucoup moins politique et émotionnel. Il faut que nous apprenions à penser comme le fait une industrie quand il s'agit de produire quelque chose qui...
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Je pense que votre exposé est tout à fait opportun. En effet, nous avons tous eu l'occasion de lire dans la presse de ce matin ce que la ministre a dit à Banff à propos de l'annonce qui sera faite aujourd'hui, ou demain, d'un fonds pour le multimédia et de la demande des radiodiffuseurs privés en ce qui concerne l'accès au fonds de production.
Je suis certainement en faveur du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes; il a permis de faire passer la programmation à 2 200 heures et les emplois dans ce secteur à 19 600. Je pense que c'est l'une des meilleures choses qu'ai faites le gouvernement.
D'après ce que j'ai compris, l'une des préoccupations des radiodiffuseurs privés—certainement de ceux qui ont pris contact avec moi—est de mettre fin à l'exigence d'après laquelle 50 p. 100 des fonds doivent aller à la SRC. Est-ce la position de votre association?
M. Michael McCabe: Je suppose qu'en termes pratiques nous devons reconnaître que ce fonds a vu le jour au moment où la SRC subissait des compressions importantes. L'un des résultats très utiles et très précieux de ce fonds est qu'il force la SRC, à qui revient la moitié des subventions, à faire plus de travail avec les réalisateurs indépendants, ce qui est une bonne chose, je pense.
Ce qui nous préoccupe c'est que c'est la programmation canadienne des radiodiffuseurs conventionnels qui attire le plus gros auditoire alors que leur part du fond n'est que de 28 p. 100, le reste allant aux services spécialisés, à la télévision éducative et autre. Par conséquent, oui, nous allons proposer que ces règles soient modifiées car nous pensons qu'il est important d'utiliser les ressources limitées que nous avons pour attirer le plus grand nombre d'auditeurs canadiens possible.
Mme Sarmite Bulte: Comment voyez-vous le rôle des réalisateurs indépendants, si cela devenait une réalité? Vos membres peuvent-ils former des partenariats avec les réalisateurs indépendants? Pourquoi est-il nécessaire que vous réalisiez des émissions vous-mêmes? Et qui le fera?
M. Michael McCabe: Eh bien! Tout d'abord, je ne pense pas que nous deviendrons des réalisateurs à part entière comme le sont les réalisateurs indépendants. Ils ont formé des sociétés qui s'occupent aussi de la distribution, ils ont construit l'infrastructure nécessaire, etc. Nous allons continuer à leur acheter des émissions. En fait, je suppose que, pendant la période de transition, nous leur donnerons des garanties à cet effet.
Bien simplement, notre préoccupation est la suivante. Si nous payons de 150 000 $ à 200 000 $ en frais de licence pour une heure d'émission canadienne d'Alliance ou d'Atlantis et la diffusons, et si cela rapporte, dans le cas des meilleures émissions, comme Traders ou Due South, 100 000 $ ou 125 000 $ en publicité, nous perdons de l'argent.
Nous disons donc que, si nous pouvions investir dans la production sans que le financement du gouvernement soit réduit, nous serions disposés à injecter plus de capitaux pour améliorer ces émissions et en faire une réussite à la diffusion.
Lorsque les producteurs indépendants nous livrent une heure d'émission, ils n'ont plus d'argent à débourser pour en faire la promotion. Pourquoi? Ils ont déjà fait leurs frais. Ils ont reçu la participation du fonds. Ils ont touché leur argent grâce aux incitatifs fiscaux. Ils ont d'autres fonds aussi, comme ce qu'on appelle le fonds de production indépendante et le fonds COGECO, etc. Et puis, ils touchent l'argent de nos droits de licence et ce qu'ils peuvent gagner à l'étranger.
En somme, lorsque les producteurs nous remettent une heure d'émission, peu leur importe les résultats à l'écran. Mais cela nous préoccupe beaucoup. Nous avons donc dit que, si nous pouvions être des acteurs, si nous pouvions être comme eux... Après tout, ce sont des radiodiffuseurs en ce sens qu'un certain nombre de sociétés publiques possèdent déjà des services spécialisés. Si Alliance achète CTV, ce qui est possible, elle aura toujours accès aux fonds de Téléfilm. Si l'inverse se produisait, CTV n'y aurait pas accès.
Mme Sarmite Bulte: Monsieur McCabe, vous conviendrez avec moi que tous les producteurs indépendants ne sont pas des Atlantis et des Alliance. Il y aussi Tapestry Films, les jeunes qui ont de la chance et produisent des émissions canadiennes comme The Avro Arrow. Est-ce qu'une réalisation comme The Avro Arrow aurait été possible si nous n'avions pas de producteurs indépendants? Est-ce que les radiodiffuseurs eux-mêmes ont produit des émissions semblables? Selon vous, ils auraient probablement perdu de l'argent.
M. Michael McCabe: Oui, mais ce qui devrait se passer, me semble-t-il, c'est que nous soutenions des compagnies de production semblables. Nous devrions fournir des garanties d'accès à nos écrans pour qu'ils produisent et pour que nous diffusions. Ce sont les gros joueurs, les sociétés publiques qui, selon moi, peuvent nous concurrencer.
Mme Sarmite Bulte: Juste une...
Le président: Très brièvement.
Mme Sarmite Bulte: Vous avez dit qu'il ne devait rien y avoir de neuf sur le contenu canadien dans les réformes de la réglementation. Je crois que c'est ce que vous avez dit. C'est du moins ce que j'ai noté.
Selon moi, la notion de contenu canadien découle de toute l'histoire de notre politique culturelle. Les gouvernements qui se sont succédé ont insisté sur l'importance de la création, de l'artiste, du contenu et aussi sur l'infrastructure pour permettre au public de voir ces créations. Lorsque vous dites qu'il ne doit rien y avoir de neuf sur le contenu canadien, proposez-vous que nous redéfinissions cette politique culturelle, que nous changions l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion?
M. Michael McCabe: Pas du tout. Que ce soit bien clair! Nous demandons simplement de ne pas augmenter le nombre d'heures de contenu canadien. Nous disons que, si les fonds sont limités, il faut s'efforcer de mieux exploiter ces heures, c'est-à-dire accroître l'auditoire. Nous disons qu'il ne faut pas augmenter le nombre d'heures parce que, avec des capitaux limités, une augmentation du nombre d'heures aurait pour résultat une dégradation de la qualité des émissions.
Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Ce sera M. Godfrey, suivi de M. Bonwick, puis de M. Bélanger.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'ai deux séries de questions, une sur la télévision et l'autre sur la radio.
Si nous envisageons l'avenir, les effets de la technologie et l'évolution démographique, par exemple, j'ai l'impression que tout le modèle d'entreprise dans la télévision est maintenant en péril. À une époque, il y avait une sorte de monopole sur la distribution et le nombre de joueurs était limité. Le secteur privé pouvait tirer beaucoup d'argent de la diffusion simultanée de productions américaines; c'est ce qui, essentiellement, faisait vivre les entreprises et leur permettait de réaliser des bénéfices.
Le problème que je perçois, c'est tout d'abord que les auditoires en sont à l'étape de la maturité, dans tous les sens du terme. Ils ne prennent plus d'expansion, ce n'est pas possible. Il n'y a qu'un certain nombre d'heures disponibles chaque jour. Et les auditeurs prennent de l'âge, si nous en croyons les données de démographie culturelle qu'on nous a montrées. Les auditoires ne peuvent pas prendre d'expansion.
Le deuxième facteur, c'est qu'il y a segmentation du marché parce qu'il y a plus d'acteurs. Nous avons déjà constaté le phénomène. Même les actifs de la plus haute qualité n'ont plus autant de valeur qu'autrefois.
Troisièmement, le fondement sur lequel repose votre industrie, la diffusion en simultané, est compromis. Vous parlez de fuite, mais on pourrait prédire une inondation, car les nouvelles technologies permettent la diffusion transfrontière.
Ma question est donc la suivante, et je vous demande de la garder en attente jusqu'à ce que j'aie posé ma question sur la radio. Je ne suis pas étonné que vous souhaitiez vous lancer dans une autre sphère d'activité, celle de la production du contenu, puisque votre activité principale n'est plus tellement prometteuse. Entre autres termes, c'est une activité limitée.
Ma deuxième question porte sur la radio. J'essaie de comprendre la différence. On dirait que, dans la radio privée, il y a une augmentation du nombre de chaînes. La technologie progresse, si bien qu'il y a de moins en moins de personnel dans les stations locales. On pré-enregistre, on utilise les signaux satellite, on prépare l'émission à l'extérieur de la station, et il y a donc peu de personnel sur le terrain. Je me demande donc comment l'évolution technologique, qui permet d'être plus concurrentiel et de réduire les frais généraux, va permettre de mieux servir l'auditoire local. C'est ce que je me demande en regardant la programmation locale. Voilà la première question.
Le président: Je croyais que c'était la deuxième, John.
M. John Godfrey: C'est la première partie de la deuxième série de questions.
On peut dire que l'autre partie porte sur le comportement passé. Quand on écoute les émissions offertes dans une grande ville, on constate facilement que tout le monde se copie, qu'il s'agisse de rock détente ou de country nouveau style. Quand les gens demandent du nouveau, ils veulent la plupart du temps quelque chose d'ancien, et c'est peut-être pour cette raison que les affaires ne vont pas trop bien.
Enfin, il faut aussi être un peu sceptique, en ce qui concerne le contenu canadien et les 25 ou 35 p. 100. Ce qui se passe, c'est qu'on fait le plein d'émissions américaines aux heures de pointe et qu'on passe ensuite aux productions canadiennes. Pas étonnant que les observateurs, comme dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, soient un peu cyniques et sceptiques devant les grandes déclarations d'intention! Ils se demandent s'il ne faut pas poser la question de la poule et de l'oeuf. C'est que les radiodiffuseurs se préoccupent tellement de faire le plein d'émissions américaines pendant les heures de grande écoute qu'il est étonnant que nous réussissions à vendre autant de musique canadienne.
Ce ne sont là que quelques questions, monsieur le président.
M. Michael McCabe: Monsieur Godfrey, permettez-moi de répondre à la question qui porte sur la télévision et je demanderai à Duff Roman de parler de la radio.
Vous avez parfaitement raison de dire que notre modèle d'entreprise est gravement menacé. C'est intéressant. Aux États-Unis, jusqu'à il y a cinq ans, les Américains avaient une série de règles dites «fin-syn», pour financement et souscription. Les Américains faisaient essentiellement ce qui se fait aujourd'hui au Canada. En gros, ils disaient que les grands réseaux ne pouvaient avoir leur propre production d'émissions; ils devaient les acheter à Universal et Capital. En d'autres termes, ils devaient les acheter aux producteurs, comme cela se passe ici.
Il y a cinq ans, les Américains ont changé ces règles parce qu'ils commençaient à prendre conscience que même ces gros réseaux étaient menacés. En effet, les émissions étaient devenues si coûteuses qu'ils se contenaient de les louer; ils ne pouvaient pas récupérer leur argent par leur propre diffusion. Sauf dans le cas d'un ER ou d'une émission qui marche très bien.
En fait, c'est la thèse que nous présentons ici. Si nous nous retrouvons dans un secteur où la concurrence est de plus en plus vive, et si nous louons des émissions sur lesquelles nous perdons de l'argent—et ce sont les émissions qu'il nous faut pour nous distinguer, pour avoir un produit différent de celui de tous les autres—alors nous avons un grave problème.
Nous proposons donc ceci. Il y a place dans les secteurs de la production et de la distribution pour que nous livrions concurrence aux grandes sociétés publiques, pour que nous prenions des engagements envers les petites sociétés, et, à terme, la télévision canadienne et les auditoires canadiens seront mieux servis et davantage d'argent sera injecté dans le système si nous sommes en mesure d'investir nos capitaux dans les émissions, dont nous serons propriétaires et donc nous pourrons vendre les droits à l'étranger.
Je ne pense pas que le modèle d'entreprise actuel va survivre très longtemps.
Le président: Je dois informer les députés que le timbre commencera à sonner à 12 h 15 et durera 15 minutes; le vote aura lieu à 12 h 30. Je vous demande d'être concis dans vos questions et dans vos réponses pour que tout le monde ait la possibilité d'intervenir.
Monsieur Roman.
M. Duff Roman: Merci.
Votre question sur la radio comportait trois parties, monsieur Godfrey. Je vais tâcher d'être bref.
En ce concerne les effets de la technologie sur la radio, je ne voudrais pas consacrer trop de temps à défendre les gains d'efficacité que la technologie rend possibles. Même sur les plus petits marchés, il arrivait autrefois que les radios aient des orchestres dont elles diffusaient la musique. Il y avait un organiste en attente dans tous les studios. Je ne pense pas qu'on puisse nier qu'il y a des moyens plus efficaces de donner de meilleures émissions. En réalité, que la musique se trouve sur un serveur numérique ou sur vinyle dans une discothèque, cela ne change pas grand-chose.
En fin de compte, on peut appliquer les mêmes critères pour la technologie permettant de servir un auditoire local. Par exemple, la majeure partie de nos émissions locales sont diffusées le matin, et il y a des émissions du matin dans toutes les stations locales. Le reste de la journée, la radio est utilisée autrement; elle est un moyen de transmission. En un sens, qu'on ait ou non un annonceur sur place l'après-midi ne change rien à la qualité du service local, qui est assuré par le département des services au public avec la collaboration des services d'information, et tout cela est offert en permanence.
Pour moi, une bonne programmation locale doit avant tout répondre efficacement aux besoins en information de l'auditoire. Je ne crois pas que la grande question soit celle de la compétence technique du système. En fin de compte, nous avons besoin de stations plus fortes qui remplissent des fonctions clés là où la surveillance, le service à la collectivité, l'information sur la circulation et les informations sont les plus importants, c'est-à-dire dans les émissions du matin.
Vous avez dit que les stations se copiaient les unes les autres. Nous avons une difficulté sur ce plan, et c'est pourquoi la propriété de groupe et la diminution du nombre de propriétaires constituent une solution. Le phénomène a été observé aux États-Unis. Quand on possède deux stations, même sur le plus grand des marchés, il faut viser l'auditoire principal. Il faut s'adresser directement à la génération du baby-boom. Mais si une société a quatre formules de radiodiffusion, elle ne veut pas qu'elles soient toutes identiques. Il y a donc eu une augmentation de la diversité aux États-Unis.
• 1205
Par exemple, le marché de Boston est en gros comparable à
celui de Toronto. Le marché de Boston est le duopole le plus net
aux États-Unis, compte tenu de la population. Pour ce qui est des
formules de radiodiffusion, il en a trois de plus que les 12 de
Toronto. Il s'agit simplement de pouvoir exploiter des créneaux
plus petits et d'offrir des formules plus nombreuses grâce aux
économies réalisées en ayant toutes les exploitations réunies sous
un seul toit et en réduisant les coûts techniques, financiers,
administratifs et d'entretien. Cela permet de mieux cibler et
servir des auditoires distincts et diversifiés au lieu de chercher
uniquement les plus gros auditoires.
En ce qui concerne la distribution du contenu canadien et la diffusion de musique canadienne aux heures de grande écoute, je conteste votre point de vue. Depuis sept ou huit ans, le CRTC applique cette règle entre 6 et 19 heures, et nous avons fort bien satisfait à ce critère. Le problème n'existe plus.
Un exemple...
M. John Godfrey: Mettons que vous vous rendez au travail, entre 6 et 9 heures du matin. Pendant le trajet...
M. Duff Roman: Permettez-moi de poursuivre. La station la plus écoutée au Canada est CHFI-FM de Toronto. C'est au milieu de la journée qu'elle a son plus grand auditoire.
Les choses ont beaucoup changé. Il est vrai que, par le passé, les émissions du matin étaient les plus écoutées. Voici quelques calculs sommaires. On fait jouer moins de disques pendant les émissions du matin. Les diffuseurs se retrouvent donc à faire jouer trop peu de disques canadiens ou beaucoup trop.
Mettons qu'on ne fasse passer que six chansons pendant l'heure type, le matin, où il doit y avoir aussi des informations, des renseignements sur la circulation et beaucoup de conversation. Avec deux chansons sur six, on se retrouve à 33 p. 100, ce qui est supérieur aux 30 p. 100. Avec un sur six—c'est donc une différence d'un seul disque—la proportion baisse à un minable 17 p. 100. Nous nous retrouvons sans cesse dans ce genre de situation.
De plus, je ne suis pas sûr que les émissions du matin soient celles qui font vendre le plus de disques. La radio est utilisée de manières différentes. Est-ce que, le matin, les auditeurs écoutent plutôt la musique ou plutôt l'information, et quels avantages est-ce que l'industrie du disque en retire, cela fait encore l'objet de débat.
Selon moi, nous travaillons avec beaucoup de soins, et je pense que notre bilan, pour la diffusion de musique canadienne entre 6 heures du matin et 18 ou 19 heures, est en somme excellent. Mais je concède que, pendant les émissions du matin, les programmateurs ont beaucoup de mal, parce qu'un seul disque en plus ou en moins fait beaucoup varier le pourcentage.
Le président: Ce sera maintenant M. Bonwick, suivi de M. Bélanger.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Pour faire vite, je vais m'en tenir à la radio pour l'instant.
Monsieur Tremblay, pourriez-vous me dire rapidement quels sont les pourcentages des stations de radio rentables et de celles qui ne le sont pas? Je prenais des notes, et cette information m'a échappé.
M. Michel Tremblay: Nous en sommes toujours autour de 50 p. 100. Depuis six ou sept ans, la proportion est supérieure à 50 p. 100. Il y a toujours eu un problème de ce côté-là.
M. Paul Bonwick: Je suis un chaud partisan de la radio. Je crois que la radio, et surtout la radio locale, joue un très grand rôle pour non seulement divertir, mais aussi affirmer la différence et la culture aux niveaux local et national. Elle est une pierre angulaire dans beaucoup de localités rurales, où la pénétration du câble n'est pas aussi forte—bien que les choses s'améliorent avec le satellite, par exemple—que celle de la radio. La radio a donc un très grand rôle social à jouer.
J'ai pris le temps de discuter de la question avec ceux qui travaillent à ma station de radio locale. Certains de leurs problèmes tiennent au type de concurrence. La vaste majorité de la population canadienne habite à 200 ou 300 kilomètres des concurrents américains. Quand on impose une proportion de 30 à 35 p. 100 de contenu canadien, les stations canadiennes doivent, pour concurrencer les stations américaines, faire jouer sans cesse quelques productions d'excellente qualité, ou bien les publicitaires vont se rendre au sud de la frontière ou rester en retrait, parce que les auditeurs écoutent des stations américaines.
C'est donc un rôle différent que le CRTC et le comité doivent examiner. Nous sommes conscients de l'importance de la radio locale pour transmettre le message rural et local, en plus du message national, mais elle ne peut le faire que si elle est rentable. Si nous imposons des règles qui risquent de compromettre la rentabilité...
Vous pouvez choisir de répondre tout de suite ou d'écrire plus tard au greffier, mais ma question est la suivante: selon vous, quel serait un bon niveau respectable de contenu canadien, sans compromettre la rentabilité des stations de radio face à leurs concurrents américains? Est-ce que vous pourriez justifier votre réponse?
M. Duff Roman: J'aurai peut-être besoin de l'aide de mes collègues pour répondre. Ma réponse comprend deux parties, et je vais essayer d'être le plus concis possible.
Je crois qu'on peut voir de quoi il retourne en regardant ce qui se passe dans des marchés comme ceux de Windsor, où le CRTC a dérogé à sa propre politique. Je pense qu'on n'a pas besoin d'autre preuve que celle-là: le CRTC a autorisé une diminution du contenu canadien. Dans cette région, il faut faire face à la réalité. Rien ne protège les stations canadiennes des signaux radio de Detroit. La seule façon dont un radiodiffuseur canadien peut survivre, sur ces marchés frontaliers, est d'avoir tous les moyens à sa disposition et des règles souples pour concurrencer directement Detroit, par exemple.
Parfois, il y a beaucoup de produits canadiens excellents et parfois beaucoup moins. Le problème, c'est que l'offre fluctue. Le CRTC a donc ramené de 30 à 20 p. 100 les exigences pour Windsor.
Que pouvons-nous faire pour soutenir l'offre? Je crois que nous faisons preuve de bonne foi et de bonne volonté. Au cours de l'étude, nous avons présenté une proposition de collaboration avec l'industrie du disque. Nous pensions que les 30 p. 100 correspondaient à un point d'équilibre favorable à l'industrie du disque, en un sens, parce qu'elle a des moyens garantis de présenter ses produits, qu'il s'agisse de 10 p. 100 du total disponible, de 12 p. 100 ou, comme c'est le cas maintenant, de 14,5 p. 100. En réalité, ces 30 p. 100 donnent de bons résultats, selon moi.
Ce qui nous manque, c'est un moyen d'accroître non seulement la quantité de disques canadiens, mais aussi leur qualité pour atteindre des niveaux qui ne correspondent pas aux ventes au détail ni aux préférences des auditeurs. Nous sommes bien au-delà de ce que les auditeurs considèrent comme un niveau raisonnable, si on en juge d'après leurs achats au détail et d'après les études sur leurs préférences. Le niveau se situerait entre 20 et 25 p. 100. Le critère de 30 p. 100 a été un moyen très utile et très efficace pour nous.
M. Michael McCabe: Permettez-moi d'ajouter un mot, très rapidement. Juste une phrase.
Nous pourrions appliquer les 35 p. 100 si nous pouvions faire modifier le système MAPL pour que les artistes seuls puissent se qualifier. Autrement dit, si les Céline Dion et les Terri Clark, par exemple, pouvaient être considérés comme Canadiens. Nous pourrions accepter les 35 p. 100.
Le président: Monsieur Bonwick, si nous avons le temps, je vous redonnerai la parole. Donnons maintenant une chance à M. Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'ai un certain nombre de questions à poser rapidement. Je tiens à dire que je comprends cette difficulté qu'on a à définir le contenu canadien, les artistes canadiens, si on veut. Si votre association pouvait nous communiquer des documents qui rendent compte de vos réflexions là-dessus, nous vous en serions reconnaissants.
Il y a probablement moyen d'apporter des accommodements sans tout bouleverser.
[Français]
Maintenant, parlons de la radio. En passant, dans la version française de l'ordre du jour, on dit qu'il s'agit de l'Association canadienne de télévision par câble; il faudrait peut-être corriger cela.
Monsieur Tremblay, je vais vous poser quelques petites questions rapides. Vous dites que la décision de permettre qu'une société soit propriétaire de quatre stations de radio est un bon point de départ. Ce sont vos mots. Je voudrais vous demander quel est votre point d'arrivée.
M. Michel Tremblay: Nous avions d'abord proposé au CRTC un modèle de restructuration de l'industrie qui donnait à cette dernière un peu plus de marge de manoeuvre. On parlait même d'aller jusqu'à cinq stations dans les très grands marchés pour pallier le problème économique. On avait suggéré un modèle qui permettrait qu'on soit éventuellement propriétaire d'au plus quatre stations dans tous les marchés. Donc, il y a eu un ajustement à la baisse dans la décision du CRTC par rapport à ce que nous souhaitions, qui était basé sur une étude assez élaborée de tous les marchés canadiens.
M. Mauril Bélanger: Si vous dites que quatre stations constituent un bon point de départ, quel est votre point d'arrivée? Cinq stations?
M. Michel Tremblay: Nous souhaiterions qu'il y ait davantage de flexibilité pour les stations.
M. Mauril Bélanger: Vous souhaiteriez qu'une société puisse être propriétaire de toutes les radios dans une municipalités?
M. Michel Tremblay: Non, on ne parle pas de toutes les stations.
M. Mauril Bélanger: Non?
M. Michel Tremblay: Nous avions proposé un modèle qui, dans les très grands marchés comme Montréal, Toronto et Vancouver, aurait permis la propriété de cinq stations et la propriété d'un maximum de quatre stations dans tous les autres marchés.
M. Mauril Bélanger: En fin de compte, vous avez presque eu ce que vous vouliez. C'est plus qu'un point de départ.
M. Michel Tremblay: À peu près, oui.
M. Mauril Bélanger: Peut-on s'entendre pour dire que c'est plus qu'un point de départ?
M. Michel Tremblay: C'est un bon point de départ, effectivement.
M. Mauril Bélanger: Vous voulez tout avoir.
• 1215
Vous dites qu'il y a eu une érosion
considérable de l'écoute francophone dans les marchés de
Montréal et Hull-Ottawa, soit 2 millions d'heures d'écoute.
C'est 2 millions d'heures sur combien d'heures d'écoute?
Deux millions, cela ne me dit rien. Combien y a-t-il d'heures
d'écoute en tout?
M. Michel Tremblay: Je n'ai pas le chiffre à portée de la main pour le marché de Montréal, mais je peux vous dire que c'est substantiel. Vous ferez la conversion. On convertit ces heures d'écoute en points d'écoute. Les points d'écoute, c'est ce que les stations utilisent pour déterminer leur carte tarifaire pour vendre les messages publicitaires. Un changement de 10 p. 100, quand on parle de 2 millions d'heures d'écoute, est un changement considérable qui a une incidence sur la portée de la station et sur ses revenus publicitaires. Je vous fournirai le chiffre détaillé que vous me demandez.
M. Mauril Bélanger: Il est facile de parler de chiffres semblables, mais si on ne les met pas en perspective, cela ne veut rien dire. Vous ne faites qu'essayer de nous impressionner.
M. Michel Tremblay: Le point clé, si on met de côté la question de ce chiffre par rapport aux heures totales, c'est qu'année après année, il y a un problème d'érosion de l'écoute vers les stations anglophones dans les marchés d'Ottawa et de Montréal. Deux millions d'heures d'écoute de moins, cela blesse.
M. Mauril Bélanger: Monsieur Tremblay, je veux bien accepter, mais si vous voulez avancer des chiffres, donnez-les tous et dites-nous de qui ils proviennent et comment ils ont été obtenus.
M. Michel Tremblay: Ce sont des données du BBM.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Monsieur Tremblay, allez-vous nous envoyer cela?
M. Michel Tremblay: Absolument.
Le président: Merci.
M. Mauril Bélanger: Vous dites qu'il y a 50 p. 100 des stations de radio qui ne sont pas rentables.
[Traduction]
Vous avez dit que 50 p. 100 n'étaient pas rentables, mais vous ne nous dites pas combien de groupes qui sont propriétaires de stations de radio perdent ou non de l'argent. Vous réclamez une plus forte concentration de la propriété. Vous avez obtenu presque tout ce que vous réclamez. Vous dites que c'est un bon début, mais c'est très proche de ce que vous avez demandé. Combien de groupes propriétaires font de l'argent ou non dans le secteur de la radio?
[Français]
M. Michel Tremblay: Je suis incapable de vous donner une réponse spécifique, mais je peux vous dire que l'association, en règle générale, mesure la santé de l'industrie en se basant sur les données officielles qui proviennent de Statistique Canada. Depuis les sept ou huit dernières années, 50 p. 100 des stations ne sont pas rentables. On parle de difficultés économiques. Si vous voulez que je vous donne des chiffres...D'autre part, dans le cas des entreprises publiques...
[Traduction]
M. Mauril Bélanger: Sauf votre respect, votre association insiste, pour des raisons d'ordre économique, qui sont valables et sont acceptées en grande partie par le CRTC, pour que le même propriétaire possède plusieurs stations. C'est l'une des principales motivations de cette argumentation, n'est-ce pas?
M. Michael McCabe: Oui.
M. Mauril Bélanger: J'espérerais que vous nous donniez aussi les avantages économiques. Quand vous dites que seulement 50 p. 100 des stations de radio sont rentables, je ne me laisse pas tellement convaincre, parce que cela ne me donne aucun argument d'ordre économique. Donnez-moi les chiffres qui découlent de votre propre argumentation économique, et je me montrerai plus réceptif.
M. Michael McCabe: Vous devez toutefois admettre que, si vous tenez compte à la fois des chiffres de Statistique Canada et du chiffre de 50 p. 100, le fait est que, sur sept des dix dernières années, l'industrie a fait des pertes. Nous n'avons renoué avec la rentabilité qu'au cours des deux dernières années.
M. Mauril Bélanger: Cela vaut pour chacune des stations, n'est-ce pas?
M. Michael McCabe: Oui, cela repose sur toutes les recettes et toutes les dépenses de l'entreprise.
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, lorsqu'il y a des pertes pendant sept ans, puis un bénéfice de 2 p. 100 avant impôt, il ne peut pas y avoir beaucoup d'entreprises qui font beaucoup d'argent dans le secteur. Si la moitié d'entre elles perdent de l'argent et que les autres réalisent ces petits bénéfices...
M. Mauril Bélanger: Très bien. Une dernière question, monsieur le président, si vous permettez.
Si telle est la situation, et si c'est la même chose pour la télévision, je ne comprends pas pourquoi on se dispute sans cesse les droits de diffusion et pourquoi ces droits prennent de la valeur. Il est difficile de concilier les deux observations. Il faudrait que quelqu'un m'explique.
M. Michael McCabe: La réponse est double. Depuis un certain temps, on pense qu'il serait possible de persuader le CRTC qu'une plus grande concentration de la propriété rendrait possibles des économies d'échelle et que, lorsque nous pourrons adopter le numérique, ces économies s'amélioreraient.
• 1220
Tout dépend aussi des marchés considérés. Sur un marché de
taille moyenne ou petite, personne ne cherche à ouvrir ni à acheter
une station. On n'arrive pas à vendre certaines de stations. Tout
est différent sur un grand marché. Si je peux m'implanter sur le
marché torontois, chaque point de pourcentage de l'auditoire vaut
un million de dollars. Alors, bien sûr, d'autres veulent
s'implanter sur ce marché et avoir leur chance.
Il faut donc savoir à quoi s'en tenir, lorsqu'on dit qu'il y a des pressions et que des gens veulent entrer dans ce secteur. On ne cherche en fait à s'implanter que sur les marchés importants.
M. Mauril Bélanger: Merci.
Le président: Monsieur Bonwick, voudriez-vous poser vos autres questions?
M. Paul Bonwick: Oui, rapidement. Il me semble important de maintenir le niveau de service dans les zones rurales, plus particulièrement, parce que, parfois, leurs choix sont plus limités que ceux des grands centres urbains.
Permettez-moi une comparaison très rapide. Supposons qu'il y a un grand journal d'envergure nationale, par exemple de la chaîne Thompson, un grand journal rentable, mais l'entreprise a aussi des journaux en zone rurale qui ne sont pas rentables. Que fait-elle? Elle ne va pas faire subventionner la zone rurale par les grands centres urbains. La plupart du temps, elle va décider de sacrifier les petits journaux ruraux. C'est en tout cas ce que j'ai observé dans les campagnes.
Je voudrais vous poser une question rapidement, et vous devrez peut-être communiquer de nouveau avec nous à ce sujet. Possédez-vous de l'information sur le nombre de stations américaines et canadiennes que la majorité des Canadiens peuvent capter? Si on prend la zone qui longe la frontière américaine, mettons qu'il y a—j'invente des chiffres—300 stations canadiennes qui peuvent être captées par le Canadien moyen et qu'il y a 3 000 stations américaines—ou est-ce le contraire?—peu importe les chiffres... Nous devrions posséder cette information pour évaluer la compétitivité de l'industrie canadienne.
M. Michael McCabe: Nous pouvons vous communiquer ces chiffres. Nous les établirons pour l'ensemble du pays et aussi marché par marché, pour vous montrer quelle part de marché les stations américaines arrachent aux stations canadiennes.
M. Paul Bonwick: À propos de la différence entre les zones rurales et les villes, je voudrais savoir, si vous avez le temps...
M. Michael McCabe: Cette question est intéressante. Il y a un ou deux ans, nous avons vu au Québec que six stations ont fermé leurs portes. Elles ne pouvaient plus survivre. Dans une grande entreprise, peu importe l'ampleur de son succès, chacun des éléments doit normalement contribuer au succès. On ne peut pas dire: nous avons une dizaine de stations, nous allons laisser cinq d'entre elles réaliser des bénéfices et les cinq autres essuyer des pertes en permanence.
Comment est-ce qu'on s'y prend? On réduit le service. Dans les stations rurales ou les petites stations, et aussi sur certains petits marchés, nous avons trop réduit le service. Cela a commencé à nuire à nos assises locales.
D'après moi, le résultat que devrait avoir le regroupement que le CRTC autorise, c'est que les grandes sociétés commenceront à prendre conscience qu'elles peuvent réinvestir dans certaines petites stations. Elles ont la possibilité de regrouper leur comptabilité, leurs ventes, etc.
Le président: Je crois que nous devrions lever la séance à cause du vote, mais je tiens tout d'abord à remercier Mme Birch et MM. McCabe, Roman et Tremblay d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci d'être venus avec si peu de préavis.
La séance est levée.