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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 février 1998

• 1108

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.

Notre témoin est M. Keith Kelly, qui est revenu nous présenter les conclusions du Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle, au nom de la Conférence canadienne des arts. Comme ces conclusions touchent directement aux questions sur lesquelles ce comité se penche, nous considérons qu'il est très important que M. Kelly dépose son rapport et nous en parle.

Mais avant de continuer avec l'exposé de M. Kelly, un membre du comité a demandé qu'une motion soit déposée à la prochaine réunion. La demande a été déposée à temps, conformément à l'échéancier du comité. Je ne sais pas ce que le comité aimerait faire. Si M. Kelly nous donne cinq minutes, nous pourrions examiner la motion tout de suite.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): J'ai quelques mots à dire sur la motion.

J'aimerais que le comité se penche sur cette motion. Celle-ci demande—elle n'ordonne pas, elle demande, c'est une requête—qu'on révoque la nomination de Alan Eagleson.

J'ai envoyé une lettre au gouverneur général pour demander comment on pourrait révoquer l'Ordre du Canada. Le gouverneur général m'a informé que le conseil consultatif chargé de telles mesures a envoyé une lettre à M. Eagleson pour lui demander de se retirer volontairement de l'Ordre du Canada. Pour le moment, M. Eagleson refuse de le faire. Il y aura donc une audience.

• 1110

J'aimerais que le comité du patrimoine se penche sur cette motion, et donne son consentement unanime pour qu'on informe le conseil consultatif de l'opinion du comité.

J'ai reçu 2 000 pétitions des quatre coins du Canada, provenant des circonscriptions de tous les députés de chaque parti. J'ai reçu des centaines de lettres exprimant le désir qu'on révoque l'Ordre du Canada de M. Eagleson. J'ai aussi été contacté par des membres de l'Ordre du Canada, qui veulent que l'Ordre du Canada de M. Eagleson soit révoqué.

Comme vous savez, M. Eagleson portait l'Ordre du Canada au moment où il a plaidé coupable devant un tribunal américain. Qu'on le veuille ou non, c'est une honte.

J'aimerais donc que le comité se penche sur cette motion et se joigne à moi pour demander que le gouverneur général... pour connaître la position du comité au sujet de la révocation de l'Ordre du Canada de M. Eagleson.

Le président: Monsieur Obhrai, j'ai étudié votre motion avec attention et j'ai pris conseil. Nous recevons beaucoup de requêtes, parfois sous en forme de motion, mais je reçois aussi beaucoup de lettres. Certaines lettres que j'ai reçues par le passé proviennent de députés qui demandent par exemple qu'on prenne position sur les décisions du CRTC ou d'autres organismes gouvernementaux. Sachez que le comité n'a aucunement compétence en la matière; l'Ordre du Canada relève strictement des attributions du gouverneur général.

Je ne prends pas position sur le contenu de la motion. Ça, c'est autre chose. Je comprends les raisons pour lesquelles vous l'avez déposée, et je laisserai le comité se prononcer. Certains membres du comité ont quelque chose à dire là-dessus. Si les membres du comité consentent—et il faut leur consentement unanime—à discuter de cette motion, j'accepterai leur décision.

La motion n'est pas vraiment recevable. Elle porte sur une question qui ne relève aucunement de l'autorité du comité. Il n'appartient pas au comité de s'occuper de questions qui sont du ressort du gouverneur général.

M. Deepak Obhrai: Monsieur le président, je suis d'accord pour demander le consentement unanime. Je demande seulement qu'on fasse une recommandation. Nous ne demandons pas que le gouverneur général procède à la révocation, mais une recommandation venant de notre du comité... Cela serait une très bonne recommandation. Venant de notre comité, elle aurait beaucoup de poids.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Je voudrais faire un rappel au Règlement.

Le président: Excusez-moi.

Je comprends ce que vous voulez dire, monsieur Obhrai. Vous êtes d'avis que l'on devrait faire une recommandation. J'ai cependant pris position lorsque deux membres du comité m'ont récemment demandé de recommander au CRTC de revoir une décision concernant une station de télévision en Ontario. Encore une fois, nous avons décidé qu'il n'appartient nullement au comité de recommander à un organisme sans lien de dépendance avec le gouvernement ce qu'il devrait faire dans quelque circonstance que ce soit.

Bien sûr, vous demandez si nous pouvons avoir le consentement unanime en vue de considérer...

[Français]

M. Mauril Bélanger: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Dois-je comprendre que vous avez jugé la motion irrecevable et que M. Obhrai en appelle de votre décision?

Le président: Non. J'ai dit à M. Obhrai que s'il obtenait le consentement unanime des membres du comité pour qu'on traite de la question malgré tout, je n'y verrais aucune objection.

[Traduction]

M. Mauril Bélanger: N'allez-vous pas voter?

Le président: Non, je veux tout simplement le consentement unanime.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Monsieur le président, je suis tout à fait de votre avis. Ce n'est pas un sujet qui concerne le comité. Il concerne l'Ordre du Canada. Ils sont assez grands pour décider eux-mêmes ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils doivent faire. Je suis certaine qu'ils vont prendre ce dossier en considération et je crois que nous n'avons rien à voir dans cette chose-là. J'aimerais qu'on procède à l'audition de notre témoin, s'il vous plaît.

• 1115

[Traduction]

Le président: Vous n'avez donc pas le consentement unanime. Vous avez besoin du consentement unanime de tous les membres du comité. Franchement, je pense qu'en nous immisçant dans des questions qui ne sont pas de notre ressort, nous établirions un précédent dangereux, car à ce moment-là il n'y aucune limite.

[Français]

Je crois, madame Tremblay, que vous ne donnez pas votre consentement.

[Traduction]

M. Deepak Obhrai: Avons-nous besoin du consentement unanime?

Le président: Oui, on a besoin du consentement unanime. Tout d'abord, la motion est irrecevable et nous devons donc la rejeter.

Je pense que vous avez présenté la demande en toute bonne foi, et pour être juste envers vous, j'ai proposé que si on avait le consentement unanime de nos membres et que tout le monde voulait en discuter, nous pourrions alors le faire.

Dans ce cas-ci, nous n'avons pas eu le consentement unanime. Mme Tremblay a dit clairement qu'elle s'y opposait, et je pense que d'autres membres ont indiqué la même chose.

Nous allons donc passer à l'ordre du jour.

Monsieur Kelly.

M. Keith Kelly (directeur national, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président. Vous avez tous un exemplaire du Rapport préliminaire du Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle.

J'aimerais vous donner tout d'abord un petit historique de cet exercice avant de parler du contenu du rapport.

En juin dernier, lorsque les membres de notre conseil d'administration se sont réunis à Winnipeg, ils étaient très préoccupés par le fait que la politique culturelle se retrouve de plus en plus mêlée aux différends commerciaux internationaux. Ils étaient également résolus à faire avancer l'étude sur la politique culturelle que le comité permanent devait terminer lorsque les élections ont été déclenchées.

Initialement, il semblait que nous allions aller de l'avant en suivant deux voies séparées, mais notre conseil a dit que les deux étaient dorénavant inextricables, que nous ne pouvions parler de politique culturelle fédérale sans bien comprendre comment les accords commerciaux internationaux auxquels le Canada est partie limitent notre capacité à élaborer, mettre en oeuvre et maintenir toute une série de politiques, de mesures et d'institutions culturelles.

Nous avons donc mis sur pied le groupe de travail, et si vous regardez à la toute fin du rapport, vous verrez que nous avons pu compter sur la participation des secteurs artistiques et culturels de toutes les régions du pays.

Nous avons également fait appel à trois conseillers spéciaux qui sont des experts en commerce international et qui nous ont aidés avec les questions plus complexes et techniques des accords commerciaux internationaux.

Le groupe de travail a tenu des conférences téléphoniques du mois d'octobre jusqu'au mois de décembre. Nous avons pu arriver à un consensus assez large sur presque toutes les questions clés.

Les questions sur lesquelles aucun consensus clair ne s'est dégagé sont mentionnées dans le tout dernier chapitre intitulé «Que nous réserve l'avenir?» à la page 36. Il s'agit de domaines pour lesquels nous estimons qu'il doit y avoir un débat plus général avec un plus grand nombre d'intervenants avant que nous puissions vraiment nous prononcer et affirmer que cette approche particulière constitue un élément important d'un cadre d'action pour la culture au Canada.

Essentiellement, le groupe de travail a décidé que plutôt que de se lancer immédiatement dans des recommandations très spécifiques au sujet d'institutions ou d'orientations particulières, nous avions une bataille fondamentale à gagner. Nous devons en effet établir le droit incontestable du Canada d'élaborer, de mettre en oeuvre et de maintenir des politiques culturelles.

Nous sommes d'avis qu'en raison des nombreuses contraintes qui se manifestent dans le domaine du commerce international, il s'agit clairement d'une question d'actualité.

Le groupe de travail a donc pensé que la première chose que nous devions faire était d'établir notre droit en tant que nation d'appliquer les meilleures politiques culturelles possibles pour le Canada. C'est ce que nous devons faire, plutôt que de renoncer à cette responsabilité en faveur des tribunaux internationaux et des organismes internationaux qui voient la question de la politique culturelle sous un angle tout à fait différent.

Dans l'une de nos premières principales conclusions, nous reconnaissons que les gouvernements—les gouvernements fédéral et provinciaux—ont un rôle important, un rôle crucial à jouer dans la promotion, l'essor et le soutien des arts et des industries culturelles au Canada. Cela est évidemment lié au fait que nous sommes d'avis que notre premier objectif doit être d'affirmer notre souveraineté culturelle.

• 1120

Nous devons élaborer une politique culturelle fédérale claire et cohérente qui soit facile à comprendre non seulement pour les citoyens canadiens mais également pour nos partenaires internationaux. Cette politique devrait refléter l'intention du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux dans le domaine culturel. Ainsi, on ne pourra pas nous accuser d'essayer de dissimuler des intérêts commerciaux dans le libellé de la politique culturelle.

Nous nous apprêtons à entamer la deuxième partie du débat. Le groupe de travail a été remis sur pied et il va maintenant se pencher plus précisément sur les politiques et les institutions culturelles.

Nous avons constaté en étudiant l'histoire du développement de la politique culturelle au Canada que deux grands thèmes se dégagent. Les mesures que nous avons prises et les institutions que nous avons créées s'articulent pratiquement toutes autour de deux axes: celui de la création et du contenu et celui de l'accès et de l'infrastructure.

Le groupe de travail estime qu'il n'est pas logique de stimuler la création et le contenu à moins que nous puissions en fait en partager les résultats avec les Canadiens. Donc, même si nous avons consacré des ressources considérables à l'aspect création et contenu, nous avons également élaboré avec le temps une série de mesures nous permettant de veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à des produits canadiens. Nous l'avons fait d'une façon qui n'empêche pas les Canadiens d'avoir accès à des produits culturels étrangers. En fait, je dirais que nous sommes sans doute l'une des nations qui a le plus de chance au monde pour ce qui est de l'accès des Canadiens à des produits culturels étrangers de toutes sortes.

Nous avons cependant tenté d'élaborer une politique qui, d'une part, fait en sorte que la créativité et le contenu reflètent les diverses réalités culturelles du Canada et les expériences et les aspirations des Canadiens. D'un autre côté, nous avons cherché à élaborer une politique qui veille à ce que nous ayons les modalités en place pour en assurer l'accès à tous les Canadiens. Cela ne signifie pas que seuls les Canadiens y auront accès, mais que nous avons un espace dans le réseau de distribution canadien qui permet aux Canadiens d'avoir accès à des produits culturels qui reflètent notre expérience en tant que Canadiens.

Si nous voulons consacrer—et c'est ce que nous avons fait— considérablement d'énergie et de ressources à la création et au contenu, nous devons également nous assurer que les artistes, les créateurs et les titulaires de droits d'auteur peuvent utiliser leurs droits économiques et moraux dans leur pleine mesure. Cela leur permet d'être rémunérés pour l'utilisation commerciale de leurs oeuvres.

Le groupe de travail a donc formulé une série de recommandations en vue d'apporter des modifications à la Loi sur le droit d'auteur.

Il est très important que les créateurs et les titulaires de droits d'auteur puissent retirer le plus de recettes possibles de leurs oeuvres. Le droit d'auteur est la charte des droits économiques et moraux des créateurs et des titulaires de droits d'auteur qui fait en sorte que cela est possible.

Le droit d'auteur a donc été une question sur laquelle le groupe de travail s'est longuement penché lors de ses délibérations.

Nous avons ensuite examiné très attentivement les accords commerciaux internationaux. Nous avons examiné le GATT et le GATS, l'ALE et l'ALENA ainsi que l'AMI. Ce que nous avons constaté est plutôt déconcertant.

Depuis 1946, le Canada participe à des négociations dans le cadre du GATT. Pendant toute cette période, y compris lors des négociations d'Uruguay, lorsque nous avons examiné le GATT pour voir s'il reflétait bien le fait que notre culture n'était pas une marchandise, un produit ou un investissement durable, nous avons constaté que l'on ne retrouvait pratiquement aucune trace de ce genre de pensée dans le GATT.

• 1125

Dans tout le cadre du GATT, il n'y a que deux dispositions relatives aux affaires culturelles. À l'article 20 on retrouve une exception générale qui permet aux parties contractantes ou aux États signataires de protéger leurs trésors nationaux— archéologiques, historiques ou autres. Une autre disposition que l'on retrouve dans l'accord général de 1947 autorise les signataires à imposer des quotas quantitatifs à la projection de films étrangers. Ce sont les deux seules dispositions qui traitent des affaires culturelles.

Nous avons examiné la décision rendue récemment par le tribunal d'appel de l'OMC relativement à la question des magazines. Si vous voulez un exemple de l'impact que peut avoir l'absence de dispositions relatives aux affaires culturelles dans le GATT, cet accord est extrêmement éclairant. Pour décider que la politique canadienne de protection de l'industrie du périodique n'était pas viable, l'OMC s'est fondée sur un précédent établi pour les boissons alcoolisées, la graine de lin, la fève oléagineuse et les pièces automobiles provenant du Japon. Ils ont été obligés d'examiner ce que nous considérons comme étant une question d'importance culturelle comme s'il s'agissait du commerce de marchandises durables traditionnelles. Par conséquent, nous reconnaissons que nous avons un problème.

L'Union européenne conteste maintenant notre politique canadienne de mise en circulation de films. L'absence de points de référence qui a été si désastreuse pour nous dans la décision relativement aux magazines n'a pas changé. Lorsque le Comité de règlement des différends examinera la politique canadienne de mise en circulation de films, ce ne sera pas mieux que lorsque le comité de règlement des différends a examiné la question des magazines.

Lorsque nous avons examiné l'ALE et l'ALENA, nous avons certainement constaté qu'il s'y trouvait une exception culturelle. Cependant, cette exception comporte deux lacunes importantes. La première, c'est que l'exception ne vise pas les arts de la scène en direct et le patrimoine et l'autre, est le recours à une clause dérogatoire. La clause dérogatoire donne aux États-Unis le droit de réagir à toutes mesures que le Canada met en oeuvre dans le cadre de l'exception culturelle en imposant une pénalité, des droits compensateurs visant n'importe quel secteur de l'économie canadienne, au choix, pour compenser la perte d'intérêts commerciaux. Ils peuvent décider unilatéralement quels dommages ont été faits.

Nous en avons en quelque sorte fait l'expérience lors du différend concernant la station de télévision de musique country, alors que l'article 301 du Trade Act des États-Unis a été invoqué. Les Américains ont décidé qu'en éliminant cette station de télévision de musique country, cela aurait pour effet de les priver d'environ 900 millions de dollars d'intérêts commerciaux par année. Ils étaient prêts à pénaliser le Canada à raison de près d'un milliard de dollars par an parce qu'il exerçait sa politique culturelle. Donc, l'exception culturelle est une considération très réelle lorsque les gouvernements se débattent avec la question de l'élaboration de la politique culturelle.

L'autre chose, c'est qu'il est clair que les Américains ne respecteront l'exception culturelle que lorsqu'ils choisissent de le faire. La politique canadienne de l'industrie du magazine en est un excellent exemple. Aux termes de l'exception culturelle, nous avons le droit d'élaborer une politique canadienne de l'industrie du magazine et les Américains le savaient. Plutôt que de respecter l'engagement qu'ils avaient pris dans l'ALE et l'ALENA, ils sont allés devant les tribunaux. Ils comprennent le GATT aussi bien que nous pensons le comprendre maintenant. Ils savaient très bien qu'ils gagneraient haut la main, ce qui fut le cas.

Même si l'OMC avait tranché en notre faveur, il y a l'article 301 du Trade Act des États-Unis qui confère à tout particulier et à toute entreprise le droit de porter plainte devant le gouvernement américain s'il juge que ses intérêts commerciaux ont été compromis par les mesures commerciales de l'un de ses partenaires. Le gouvernement américain fait alors enquête et si l'on trouve des motifs à l'appui de ce grief, le président des États-Unis est contraint de prendre des mesures correctives ou punitives contre le partenaire commercial contrevenant. Donc, l'exception culturelle contenue dans l'ALE et l'ALENA ne nous accorde que très peu de protection.

Si on regarde maintenant l'AMI—et nous avons déjà parlé de l'AMI—nous nous inquiétons également du sens très large donné au terme «investisseur». Cette définition englobe les intérêts à but non lucratif. Elle englobe les titulaires de droit d'auteur. Ses disciplines, sans exclusion culturelle, se répercuteraient sur pratiquement toutes les politiques et les institutions culturelles canadiennes, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons également recommandé—ce que le gouvernement a maintenant accepté— que la position de négociation du Canada à la table des négociations de l'AMI soit de préconiser une exception culturelle exhaustive.

• 1130

Il s'agit alors de trouver une solution plus générale et plus durable au défi que représentent les accords commerciaux internationaux pour notre souveraineté culturelle. Nous appuyons certainement ce que Sheila Copps et Sergio Marchi ont dit—c'est-à- dire que nous devons en arriver à un accord international général qui exclue la culture des principaux accords commerciaux, qui visent en fait les produits les services et les investissements, et que nous devons définir une approche différente au traitement de la culture dans le domaine du commerce international.

Dans le cadre de ce travail, notre organisme oeuvre avec les artistes et les travailleurs culturels dans d'autres pays afin qu'ils abordent la question avec leurs dirigeants politiques et qu'ils convainquent de signer un accord international sur le traitement de la culture à l'extérieur des accords qui portent sur les questions commerciales traditionnelles. À cet égard, nous avons eu un consensus très fort. Et tous les membres du groupe de travail étaient d'accord sur ce point. Le conseil d'administration de la Conférence canadienne des arts a accepté intégralement les recommandations du groupe de travail et nous consacrons maintenant toute notre attention à essayer d'obtenir le consensus international.

Nous avons parlé de politique culturelle avec de nombreux ministres responsables de la Culture par le passé. Le ministre du Patrimoine canadien, Michel Dupuy, disait à l'époque que nous avions une politique culturelle canadienne. Nous étions fort surpris de l'apprendre, car nous cherchions à en obtenir une depuis un certain temps.

Nous avons toute une série de mesures législatives, mais il n'y a toujours pas de cohérence. Aussi longtemps qu'il n'y aura pas de cohérence, nos partenaires commerciaux internationaux continueront de contester certaines mesures que nous prendrons. Nous continuerons de créer des incertitudes dans l'esprit des Canadiens au sujet du rôle légitime que doit jouer le gouvernement, s'il doit en jouer un, dans le domaine des arts et de la culture.

La Conférence canadienne des arts se réjouit certainement du fait que le comité participe à ce travail important. Nous espérons qu'en fin de compte, vos énergies convaincront le gouvernement de mettre cartes sur table pour tous les Canadiens et nos partenaires internationaux afin qu'ils voient quel rôle le gouvernement du Canada et les gouvernements du Canada pourront jouer dans le domaine des arts et de la culture.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kelly.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur le président.

Avant de commencer, j'aimerais tout simplement dire que ces quatre drapeaux symboliques sont là pour reconnaître la participation des Canadiens aux Jeux olympiques—nous les saluons, ils ont fait un excellent travail. Plus nous avons de drapeaux canadiens à l'étranger, mieux c'est pour nous. C'est un geste symbolique pour nos athlètes canadiens.

Pour revenir aux questions, monsieur, nous concluons des accords internationaux depuis un certain temps. Vous nous dites cependant que nous avons signé ces accords mais que nous n'avons pas de politique culturelle comme telle. Peut-on dire alors que lorsque nous signons ces accords internationaux, nous adoptons des solutions improvisées? Vous savez; on a quelque chose ici mais il manque quelque chose là-bas. Y a-t-il une lacune?

M. Keith Kelly: Je pense qu'il y a une lacune. Nos négociateurs négocient de bonne foi, et ce sont des négociateurs compétents. Je ne voudrais certainement pas les critiquer, mais si le gouvernement du Canada ne leur dit pas clairement où sont nos intérêts, ils rentrent au pays après avoir signé ce qu'ils pensent être une excellente entente pour se faire critiquer sévèrement par la communauté culturelle, et ils sont très étonnés.

• 1135

Nous avons donc besoin de clarté entre le gouvernement et la communauté culturelle quant à ce que nous voulons réaliser, non seulement par rapport à la politique culturelle que nous voulons élaborer ici au pays, mais également par rapport à notre participation dans la communauté internationale.

Je pense qu'il serait extrêmement avantageux pour nous que ce soit clair. Nous ne nous retrouverions pas alors coincés comme nous le sommes actuellement par les accords commerciaux internationaux. Les négociateurs m'ont dit que la question de la culture est toujours la dernière à être abordée. C'est une question qu'on expédie souvent à la toute dernière minute en promettant et en espérant qu'on réussira à la régler cette fois-ci.

Si tout le monde savait quels objectifs nous poursuivons, cela renforcerait la position de négociation du Canada sur la scène internationale. Depuis 1944, le Canada est un fervent partisan d'un système de commerce international sans obstacle. Tous les gouvernements que nous avons élus ont réaffirmé cet engagement, de sorte que ça ne va pas changer.

Le gouvernement est toujours un participant multilatéral enthousiaste, mais il faudrait qu'il garde les yeux ouverts. Il faudrait qu'il participe en ayant une série très claire de priorités et de politiques qui doivent être—j'hésite à utiliser le mot «protégées»—reflétées dans les accords internationaux que nous signons.

M. Deepak Obhrai: Vous avez mentionné deux groupes. Vous avez parlé des négociateurs. Vous avez parlé du gouvernement et de ceux qui travaillent dans l'industrie culturelle. Ma question est donc la suivante: Qu'en est-il du consommateur? Il reçoit lui aussi le produit final des oeuvres culturelles. Le consommateur devrait donc avoir lui aussi son mot à dire.

En fait, à votre avis, que se passe-t-il? Est-ce que nous nous dirigeons vers la formulation d'une politique culturelle, ou est-ce que nous nous éparpillons toujours dans toutes les directions en essayant d'obtenir cette politique culturelle?

M. Keith Kelly: Je dirais que nous avons fait des progrès intéressants pour ce qui est de mieux comprendre l'importance d'une politique culturelle au pays. En avril, nous nous attendons à ce que les États-Unis prennent d'autres mesures aux termes de l'article 301 contre nos politiques culturelles. Je pense que les gens comprennent que si nous ne prenons pas le taureau par les cornes et si nous n'assumons pas la responsabilité de notre politique culturelle en nous assurant qu'elle est à jour et qu'elle répond aux besoins des Canadiens, d'autres à l'extérieur de notre pays le feront pour nous sans tenir compte des valeurs et des aspirations canadiennes.

Cela ne nous facilite pas la tâche. Il y a toujours des domaines où nous n'avons pas de consensus clair sur la direction à prendre. Nous devons avoir un débat plus exhaustif sur les éléments qui sont vraiment importants dans le cadre de la politique culturelle canadienne.

La question de la propriété et du contrôle canadiens fait partie de bon nombre des politiques de nos industries culturelles. Il y en a qui demandent pourquoi la propriété nous préoccupe tant. Nous devrions peut-être mettre plutôt l'accent sur le contrôle et les résultats. C'est là un débat que nous avons toujours hésité à entreprendre parce que nous aurions l'impression de dévoiler notre jeu à certains de nos partenaires commerciaux internationaux qui trouvent ces politiques inadmissibles au départ.

N'empêche que nous devons réellement nous engager dans un tel débat en famille. Nous devons être capables d'en arriver à un consensus sur ces questions, de telle sorte que lorsqu'elles surgiront—et elles surgiront, car nos partenaires commerciaux internationaux vont continuer de poser ces questions—, nous pourrons être certains que ce que nous disons représente un large courant d'opinions.

Les exigences en matière de contenu canadien constituent un autre aspect. Encore une fois, il y a des gens—et je suis certainement parmi eux—qui disent que les exigences en matière de contenu canadien ont été un élément très important qui a contribué à faire un succès de l'industrie de la musique, du cinéma et de la télévision au Canada. Cependant, il y a d'autres gens qui se demandent s'il n'y a pas une autre façon d'arriver au même objectif.

Voilà le genre de débats que nous devons avoir.

Il y a la question de la diffusion sur le web. Lorsque la radiodiffusion peut se faire sur Internet, est-ce qu'elle devrait être soumise au même cadre de réglementation auquel sont soumis les radiotélédiffuseurs privés et publics à l'heure actuelle?

Il y a certainement des gens dans l'industrie de l'Internet qui disent qu'ils ne devraient pas être réglementés ou imposés, mais ils veulent que vous dépensiez beaucoup d'argent pour mettre en place une infrastructure qui leur permettra d'améliorer leur rentabilité sur le marché.

Nous devons tenir un tel débat, et c'est une question extrêmement complexe.

• 1140

Ce sont donc des aspects que nous pouvons préciser davantage, mais le premier principe que nous devons établir est notre droit de prendre ces décisions entre Canadiens et au Canada, plutôt que de tout simplement obéir aux ordres des tribunaux internationaux qui n'ont en réalité jamais été créés pour trancher des questions de politique culturelle.

Le président: Madame Tremblay, je rappelle aux membres

[Français]

que la salle doit être évacuée à 12 h 30.

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur Kelly, de votre présentation. Je voudrais essayer de comprendre. Vous dites que la première chose à faire est d'établir notre droit comme nation de prendre nos décisions par rapport à notre culture. Où, comment et quand fait-on cela? L'échéance de l'AMI, c'est le 1er mai, et il nous faut une politique cohérente pour que nos négociateurs soient capables de... J'ai l'impression qu'on est dans une course contre la montre.

[Traduction]

M. Keith Kelly: Eh bien, tout d'abord, je dirais qu'en ce qui concerne l'AMI, en raison de l'échéancier très serré, nous avons recommandé une stratégie d'exclusion, tout en reconnaissant que ce n'était pas la meilleure solution. Notre objectif réel c'est que dans deux ans on puisse renégocier en profondeur le GATT et le GATS à l'Organisation mondiale du commerce.

Nous avons deux ans pour convaincre nos partenaires internationaux d'arriver à un consensus sur le fait que nous pouvons exclure la culture et affirmer le droit des États souverains de gérer leurs propres affaires culturelles. De toute évidence, c'est une chose à laquelle très peu de gens songeaient lorsque ces accords ont été négociés.

Lorsqu'on a établi les règles régissant les boissons alcoolisées, les graines de lin, les fèves oléagineuses ou les pièces automobiles, je ne crois pas qu'il y a beaucoup de gens qui aient songé à la possibilité que ces règles puissent s'appliquer à des choses comme la politique culturelle.

Nous avons donc l'occasion maintenant de corriger la situation et de travailler avec d'autres organisations et d'autres pays. La Conférence canadienne des arts se rendra à Stockholm à la fin de mars à la conférence de l'UNESCO. Nous espérons utiliser cette occasion pour essayer d'en arriver à un consensus. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Ne pensez-vous pas que si on signe une entente et que la culture n'est pas protégée, on aura pris des mauvais plis dans deux ans et ce sera très difficile?

[Traduction]

M. Keith Kelly: Il est impératif que nous ayons une exclusion culturelle dans l'AMI. M. Marchi a dit que nous ne signerions pas une entente à moins qu'elle protège la santé, l'éducation, les programmes sociaux, la culture et les programmes pour les Autochtones, nos premières nations. Nous sommes convaincus qu'il est sincère lorsqu'il affirme une telle chose. Donc, si nous n'avons pas la protection dont nous avons besoin pour la culture, nous ne signerons pas l'AMI.

Cela n'élimine pas cependant le vrai défi que nous devrons relever en l'an 2000, lorsque l'Organisation mondiale du commerce entamera des négociations très importantes qui auront certainement un impact sur la façon dont nous gérons nos affaires culturelles.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Merci.

Le président: Merci.

[Traduction]

Madame Lill.

Mme Wendy Hill (Dartmouth, NPD): Merci, monsieur le président.

Je ne sais pas si j'ai aussi confiance que vous en M. Marchi pour défendre nos intérêts. Si je dis cela, c'est que je lui ai posé une question en Chambre l'autre jour et qu'il m'a dit en fait qu'il y aura effectivement une exemption culturelle exhaustive. Le lendemain il prenait la parole lors d'une conférence. Il a dit que si nous ne pouvions obtenir une exemption culturelle exhaustive, nous aurions une exemption spécifique. Cela me rend nerveuse.

Hier—je ne sais pas si vous le savez—a été une journée importante à la Chambre pour ce qui est de l'AMI; de nombreuses questions ont été posées à ce sujet.

Je vois beaucoup de détermination à l'égard de cette question de souveraineté culturelle sur de nombreux fronts, mais je ne suis toujours pas certaine qui va s'occuper des enfants à la toute dernière minute.

Allez-vous participer? Je sais que Dymond a consulté la Conférence canadienne des arts et quelques autres groupes culturels importants. Qui sera là pour vérifier le libellé à la toute dernière minute? Voilà ce qui me préoccupe.

• 1145

M. Keith Kelly: Nous rencontrons de nouveau M. Dymond demain pour une mise à jour au sujet des négociations qui se sont déroulées à Paris la semaine dernière. Il nous a promis son entière collaboration. Il a dit qu'il compterait sur nous pour des éclaircissements de dernière minute et autres.

Sommes-nous mal à l'aise? Ce qui nous met mal à l'aise, ce n'est pas nécessairement les capacités de M. Dymond ou l'engagement du ministre, mais plutôt le tact au tact des négociations internationales. Le ministre a maintenant déjà déclaré à plusieurs reprises que nous ne signerons pas.

Je ne sais pas de quelle garantie de plus nous avons besoin, mais nous surveillons la situation de très près car c'est important. Nous ne devrions pas signer l'AMI cette fois-ci à moins d'obtenir cette exclusion.

Comme vous le savez, c'est la deuxième fois que l'AMI nous revient. Il est d'abord apparu à la table de négociation sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce lors des négociations d'Uruguay du GATT. Le tiers monde y a mis le holà en disant que si l'on adhérait à ces règles, aussi bien reléguer pour de bon notre économie au rang de colonie.

Ces mesures concernant les investissements et liées au commerce lors des négociations d'Uruguay ont donc eu relativement moins d'effet. C'est pourquoi l'OCDE a pris le relais.

Disons que l'on refuse de signer l'AMI. S'il ne devient pas réalité cette fois-ci, soyez assurés qu'il reviendra sous une autre forme. Un accord multilatéral sur l'investissement est quelque chose de nécessaire. Des ennuis apparaissent lorsque le texte a une portée trop vaste et empiète sur la souveraineté politique, économique et culturelle des signataires.

Mme Wendy Lill: Merci.

Le président: Monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Merci, monsieur le président. Monsieur Kelly, merci.

J'ai lu certaines choses récemment qui m'amènent à me demander si l'AMI sera signé. Qu'en pensez-vous? J'ai lu quelque part la semaine dernière qu'on se demandait si la signature allait être reportée. Est-ce que la signature de l'AMI est compromise à l'heure actuelle?

M. Keith Kelly: Il risque de ne pas être signé prochainement.

M. Mark Muise: C'est ce que je pensais.

M. Keith Kelly: Regardez la situation. M. Clinton n'a pas de pouvoir de négociation accélérée. En tout, les 29 membres de l'OCDE qui négocient l'AMI ont déposé plus de 600 réserves. J'étais à Paris la semaine dernière. Je peux vous assurer que nos collègues français ne sont pas à la veille de laisser leur gouvernement signer un accord qui va entamer leur souveraineté culturelle. J'ai aussi le plaisir de vous dire que nos collègues italiens et australiens sont du même avis.

Je pense que la conclusion va sans doute être reportée jusqu'à l'automne. Ce n'est pas un problème. Je ne parierais pas que l'accord sera conclu cette fois-ci. Comme je l'ai dit, si ça ne marche pas cette fois-ci, ça nous reviendra.

M. Mark Muise: Vous avez aussi parlé de l'article 301. Cela a attiré mon attention. Pourriez-vous nous dire un peu de quoi il s'agit.

Le président: Regardez le Trade Act des États-Unis.

M. Keith Kelly: Oui, le Trade Act des États-Unis et les dispositions du super article 301.

Les accords commerciaux internationaux sont signés par des gouvernements. Les particuliers et les sociétés ont beaucoup de mal à amener leur gouvernement à faire valoir leurs griefs à la table de négociation internationale. Vous pouvez vous imaginer pourquoi.

Le Congrès des États-Unis a jugé que c'était inadmissible. Il a donc incorporé au Trade Act une disposition qui permet aux particuliers et aux sociétés qui estiment que les politiques ou les mesures commerciales de leurs partenaires nuisent à leurs intérêts commerciaux de déposer une plainte auprès du gouvernement américain. Ils ont donc accès à cette filière distincte pour déposer une plainte. S'il est décidé après enquête qu'il y a le moindre bien-fondé à la plainte, le président des États-Unis est tenu de prendre des mesures de rétorsion contre la partie contrevenante.

• 1150

Lorsque les Américains se sont amenés avec cela, vous pouvez vous imaginer que nos partenaires du GATT ont poussé les hauts cris. Ils ont dit: «Qu'en est-il de la nation la plus favorisée? Du traitement national? De tous les autres engagements que vous avez pris au GATT?» Mais les Américains y tenaient mordicus.

L'Union européenne a répliqué au moyen d'un mécanisme analogue. Je ne me souviens pas du numéro, mais c'est ici quelque part. Pour pouvoir se prévaloir du mécanisme de l'Union européenne, il faut avoir épuisé tous les recours devant les instances internationales et tous les mécanismes de règlement des différends.

Le président: C'est le numéro 2641.

M. Keith Kelly: Oui, mais il n'y a pas de condition semblable dans l'article 301.

Le comité connaît très bien le projet de loi C-32, la modification de la Loi sur le droit d'auteur. Les Américains avaient menacé de nous contester en vertu de l'ALE/ALENA, mais il n'y avait aucun fondement pour une contestation en vertu de l'ALE/ALENA parce que nous n'avons pris aucune obligation dans le domaine du droit d'auteur ou de la propriété intellectuelle.

Toutefois, nous croyons savoir que les Américains s'apprêtent à prendre deux mesures en vertu de l'article 301 contre les droits voisins et la redevance sur le ruban magnétique vierge en avril. Voilà donc un autre bel exemple de la faiblesse de notre démarche concernant la culture dans le domaine du commerce international.

Le président: Monsieur Kelly, il y a beaucoup d'autres questions. Nous reviendrons à vous.

J'aimerais préciser quelque chose. La différence entre le mécanisme européen et l'article 301, c'est que les Européens doivent épuiser tous les recours internationaux d'abord, alors que le mécanisme américain l'emporte sur tout.

M. Keith Kelly: Si vous avez une plainte, les Américains sont disposés à l'entendre. Peu importe que vous ayez déposé une plainte ailleurs. C'est la protection que les Américains ont incorporée au Trade Act.

Le président: Beaucoup de gens veulent poser des questions. J'invite les membres à partager leur temps de parole. Il ne nous reste qu'une demi-heure.

Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je voudrais poser deux questions.

La première porte sur l'ALE et l'ALENA et les dispositions relatives à la culture. La semaine dernière, Anne McCaskill, qui est venue avec MM. Pilon, Stoddart et Clarke, nous a dit que non seulement nous nous étions relativement bien tirés d'affaire dans l'ALE, mais que nous avions fait encore mieux dans l'ALENA parce que la définition des industries culturelles est plus large. Les motifs de rétorsion commerciale sont les mêmes que dans l'ALE, de sorte qu'ils peuvent moins s'en prendre à nous. De fait, nous avons si bien réussi qu'un des objectifs de l'AMI était de supprimer cela, en préparation pour ce qu'elle appelait le grand soir.

Autrement dit, j'ai l'impression—et j'aimerais que vous me le confirmiez—que nous nous sommes plutôt bien tirés d'affaire dans l'ALENA. Les Américains s'en sont aperçus et essaient de nous épingler par tous ces autres moyens et nous avons réussi à leur échapper, comme vous l'avez montré dans votre exemple. C'est ma première question.

La deuxième porte sur la politique culturelle cohérente. Ce qui m'ennuie—et j'ai lu votre livre—c'est qu'à cause des problèmes qui touchent différents secteurs de façon si grave, que ce soit le cinéma, la télévision, les orchestres symphoniques ou les musées, la seule politique culturelle cohérente qui se défende serait de prendre la liste des critères que vous avez ici, d'examiner chacun de ces écosystèmes culturels dynamiques, voir quelles politiques ont réussi dans le domaine de l'édition par rapport à celui des magazines, puis essayer de voir s'il y a des points communs, mais ne pas essayer d'avoir une politique culturelle tous azimuts. La seule façon de régler ces problèmes, c'est de voir les nouveautés qui se profilent à l'horizon, comme l'Internet, et essayer de voir comment on peut les assujettir à ces grands principes.

Voilà mes deux questions ou observations.

• 1155

M. Keith Kelly: Je conteste que nous nous soyons bien tirés d'affaire par suite de l'exemption culturelle. Si nous nous en étions tirés vraiment bien, les Américains n'auraient pas pu recourir à l'Organisation mondiale du commerce pour invalider notre politique intérieure des magazines. Ils n'auraient pas pu se servir de l'article 301 pour contester notre politique sur le droit d'auteur ou la radiodiffusion. C'est la solution commerciale de la politique de radiodiffusion qui a empêché l'imposition de sanctions.

Si les Américains étaient disposés à respecter l'exemption culturelle, je dirais que oui, nous nous sommes bien tirés d'affaire, mais nous avons bien vu que lorsque cela ne leur plaît pas, ils sont prêts à chercher un tribunal complaisant. Ce n'est donc pas une protection imparable.

M. John Godfrey: Il n'y a pas de protection imparable dans le monde, mais cela nous donne une arme avec laquelle les repousser. Vous dites la même chose dans le document—que c'est un moyen de défense utile. Je ne fais que vous citer.

M. Keith Kelly: Quelle page?

M. John Godfrey: À la page 27, je crois.

    Sur le plan tactique, les menaces américaines peuvent être agaçantes; toutefois, elles n'ont aucune légitimité dans l'ALE ou l'ALENA.

C'est vous qui le dites. Je ne fais que vous citer.

M. Keith Kelly: C'est vrai pour le droit d'auteur, mais ce n'est pas ce qui va les empêcher de recourir à l'article 301.

M. John Godfrey: Tout ce que je dis, c'est que cela nous donne un moyen de défense de plus, qu'ils vont essayer de contrer, mais il faut voir que cela semble être une menace suffisante contre eux puisqu'ils veulent la supprimer. Si ce n'était pas efficace, j'imagine qu'ils ne voudraient pas s'en débarrasser par l'intermédiaire de l'AMI.

Le président: Pourriez-vous répondre à ma deuxième observation, à propos de la cohérence?

M. Keith Kelly: Comme vous, nous pensons qu'une politique tous azimuts ne convient pas. Le problème c'est de trouver l'équilibre entre la clarté et la souplesse, parce que les circonstances changent constamment.

Quand on discute de politique cohérente avec les hauts fonctionnaires, ils nous disent qu'ils ne veulent rien couler dans le béton, qu'ils ne veulent pas se sentir les mains liées. Nous ne voulons pas que vous ayez cette impression non plus. Nous ne voulons pas d'un régime rigide qui nous interdise d'intervenir rapidement en fonction de l'évolution de la situation.

Cela n'empêche pas d'énoncer nos objectifs généraux en matière culturelle et cela ne nous ferme pas de portes non plus, mais il est très important pour nous-mêmes et la communauté internationale d'avoir une idée très claire de ce que sont nos intérêts légitimes, les domaines où nous comptons exercer notre souveraineté culturelle et pourquoi. Tant que cette question est en suspens, certains de nos partenaires étrangers vont imaginer le pire.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Cela m'amène à ma question. Monsieur Kelly, êtes-vous en train de dire qu'il nous faut un énoncé global de notre politique culturelle et que c'est notre meilleure forme de protection?

M. Keith Kelly: Dans un premier temps. Si vous examinez la législation que nous avons créée, il y a des éléments dans chaque loi. La Loi sur le Conseil des Arts du Canada est un bon exemple. Le Parlement a créé cet organisme pour favoriser et défendre les arts au Canada. Un des objectifs de la Loi sur le statut de l'artiste est de reconnaître le rôle culturel et économique important de l'artiste et du créateur dans la vie du Canada. C'est éparpillé. Cela n'a pas été rassemblé et je ne pense pas que l'on parle ici d'un document de 500 pages.

M. Pat O'Brien: Je vois en quoi ce serait bon. Là où vous me perdez, c'est que je ne vois pas un monde dans lequel les États-Unis—nous aurons beau avoir l'énoncé de politique le plus magnifique qui soit, mais je sais que les États-Unis vont contester en vertu de l'article 301 tout ce qui leur plaît, quand cela leur plaît et contre n'importe qui, ce qui d'habitude signifie le Canada. N'est-ce pas la triste réalité?

M. Keith Kelly: Oui. On ne peut pas édenter l'article 301, mais je pense que l'on peut atténuer beaucoup la menace qu'il représente si nous disons clairement ce que nous faisons. Si nous disons qu'il s'agit d'une mesure de politique culturelle et qu'ils répliquent que ce n'est qu'une mesure de protection de l'intérêt commercial déguisé...

• 1200

M. Pat O'Brien: Vous avez raison.

Parce que notre énoncé est nébuleux ou incomplet, cela les encourage à être plus combatifs qu'ils le seraient autrement. C'est bien ce que...

M. Keith Kelly: Il n'y a pas que les États-Unis. L'Union européenne a contesté notre politique de distribution du film. Ici encore, on a le sentiment que la politique de distribution du film est une mesure commerciale déguisée en politique culturelle. Si nous étions très clairs sur le sujet, nous n'aurions pas ces différends avec les partenaires commerciaux qui nous sont précieux.

Le président: Vous avez soulevé un point important, je crois, monsieur O'Brien.

[Français]

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Monsieur Kelly, j'ai deux commentaires. Premièrement, si vous me le permettez, je vais citer deux passages du document. Je suis allé chercher celui que j'avais à mon bureau, qui était annoté.

Les deux paragraphes que je vais me permettre de lire sont à la page 2 du sommaire. Vous dites en parlant des efforts de l'État canadien:

    Ces efforts ont abouti à une floraison artistique qui nous vaut aujourd'hui les éloges et le respect du public, au Canada comme à l'étranger. L'amalgame d'une volonté politique et des deniers publics a encouragé l'apparition d'une culture dont l'excellence et la diversité peuvent susciter la fierté de tous les Canadiens.

    Alors que nous approchons du prochain millénaire, l'essence même de ces mesures est durement attaquée par les artisans de la mondialisation, les accords multilatéraux [...]. Il devient désormais beaucoup plus difficile de préserver et d'encourager la diversité et l'excellence de l'expression culturelle au Canada.

J'imagine que vous faites allusion aux chiffres que l'on retrouve à la page 24.

M. Keith Kelly: C'est cela.

M. Mauril Bélanger: Ce sont des chiffres qui donnent la photo d'un instant. Cela peut induire en erreur. Je me demandais si la Conférence canadienne des arts ne pourrait pas plutôt nous présenter une évolution de la situation. On dit que 33 p. 100 de la totalité des émissions de télévision en langue française offertes au Canada sont d'origine étrangère, et c'est bien, mais qu'est-ce que c'était il y a 10 ans et qu'est-ce que c'était il y a 20 ans? Je pense que ce serait très utile, et je vous inviterais à le faire si c'est possible. Cela pourrait nous aider beaucoup. C'est ma première demande.

Deuxièmement, je vais vous lire rapidement trois petits passages. Le premier est à la page (iv), au troisième paragraphe. Il s'agit de la synthèse.

    Le Groupe de travail exhorte le gouvernement du Canada à mettre en oeuvre une politique culturelle cohérente, en bonne et due forme.

C'est clair. Je vous lis maintenant deux autres passages.

    La politique culturelle canadienne est particulièrement ingénieuse; ses mesures tiennent compte de l'ensemble de la complexité de la réalité culturelle. C'est ainsi que la politique des langues officielles reconnaît l'importance fondamentale de protéger et de promouvoir l'expression culturelle au Canada, en français comme en anglais. Cette politique a permis à la créativité d'expression française de s'épanouir au Québec, en Acadie et dans toutes les communautés francophones du Canada.

Je vous lis un dernier passage:

    Par conséquent, la conception canadienne...

Le président: Qu'est-ce que vous lisez, monsieur Bélanger?

M. Mauril Bélanger: C'est à la page 6 du rapport préliminaire, au dernier paragraphe:

    Par conséquent, la conception canadienne de la politique gouvernementale dans le domaine culturel est remarquable par sa logique et sa volonté de reconnaître le rôle de l'artiste-créateur, en même temps que de stimuler et encourager l'épanouissement de la dimension artistique et culturelle de la vie canadienne.

Je vous demande de vous reporter au premier passage que j'ai lu. On dit qu'il faut une politique cohérente. Vous semblez peut-être vous contredire, mais je ne vous demande pas de commenter là-dessus. Je vais vous lancer un défi, si vous me le permettez. Est-ce que la Conférence canadienne des arts, puisqu'elle le demande, serait prête à proposer une politique culturelle canadienne cohérente et en bonne et due forme? De combien de temps auriez-vous besoin pour le faire?

[Traduction]

M. Keith Kelly: Voilà. Nous avons commencé à y travailler et espérons être en mesure d'avoir fini à la mi ou la fin avril. Reconnaître l'existence du problème, ce n'est que la moitié du travail de fait. Nous voulons achever le travail et le présenter d'ici la fin d'avril. C'est le deuxième volet de l'étude. Les moyens de rénover des institutions et des mesures qui existent déjà, les rationaliser dans le cadre d'une politique culturelle cohérente.

• 1205

M. Mauril Bélanger: Vous allez donc nous proposer quelque chose.

M. Keith Kelly: Oui.

M. Mauril Bélanger: Ce sera ma dernière observation, monsieur le président. J'aimerais inviter la Conférence des arts à ne pas négliger un élément qui me semble absent dans l'exposé qui nous a été fait, à savoir le consommateur de l'expression culturelle et artistique du Canada. Pour moi c'est un aspect important et négligé jusqu'à présent.

M. Keith Kelly: Nous pourrions dire—c'est ce que nous allons faire, Paul—que lorsque nous parlerons d'accès et d'infrastructure, l'objectif de la politique est de veiller à ce que les Canadiens de toutes les parties du pays aient librement accès aux produits culturels canadiens. Nous n'avons pas omis cela tout à fait. Nous reconnaissons que l'appui et le goût immenses des Canadiens constituent un élément essentiel du succès qu'ont connu les arts et les industries culturelles.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: C'est un argument intéressant, cependant, parce que c'est l'avis de deux de nos membres, qui appartiennent à un parti différent. C'est pourquoi j'ai soulevé la question moi aussi.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Une question très rapide, monsieur le président.

On regarde les tentatives pour faire en sorte que la culture soit exemptée de l'Accord multilatéral sur investissement. On regarde l'article 301 du Trade Act, aux États-Unis, qui est en fait une mesure défensive. On regarde toutes les formules d'exemption proposées à droite et à gauche. Il me semble que toutes ces mesures-là ont une chose en commun: elles sont toutes des mesures défensives. On se retire, on met les freins.

Ma question risque d'être absurde, mais est-ce qu'il n'y a pas une façon plus proactive d'envisager tout cela, en particulier dans le cadre de ce qu'on prévoit dans la négociation qui va se tenir dans deux ans à propos de l'Organisation mondiale du commerce?

[Traduction]

M. Keith Kelly: Eh bien, c'est exactement ce dont nous parlions quand je disais qu'il fallait travailler dans les deux années à venir avec nos partenaires étrangers pour élaborer un accord qui exclut tous ces différends du contexte actuel et confirme le droit des pays de poursuivre la politique culturelle intérieure qu'ils jugent appropriée.

Monsieur O'Brien, je peux presque vous entendre dire: «Oui, mais ça ne marchera pas à Washington». C'est vrai. Mais nous espérons obtenir la masse critique de pays aux vues semblables aux nôtres. À ce moment-là au moins, entre nous, nous pourrons faire de notre mieux pour assurer la diversité culturelle, non seulement au pays, mais aussi dans le reste du monde.

C'est la seule façon que nous voyons—et nous avons examiné quantité d'options—de sortir de ce cercle infernal de contestations et de défenses de la politique culturelle qui se jouent à l'OMC ou qui font l'objet de mesures en vertu de l'article 301. Et cela ne fera jamais disparaître tout à fait le problème que représente cet article.

Nous ne pouvons revendiquer la souveraineté culturelle qui si nous sommes prêts à exercer les pouvoirs qui y sont associés, et le Canada l'a fait. Nous sommes à une croisée des chemins. Ou bien nous continuons dans cette voie ou bien nous plions sous la mondialisation ou les nouvelles technologies... Les gens disent: «Zut! On ne peut pas arrêter la mondialisation. Aussi bien renoncer maintenant. Les nouvelles technologies, flûte! On ne peut pas les réglementer ni les contrôler.» Ce sont toutes des créations humaines et si elles ne peuvent pas porter les valeurs fondamentales de l'humanité, alors il y a quelque chose qui cloche.

Le président: M. Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Monsieur Bélanger a obtenu la précision que je voulais. Merci. C'était à propos des échéances.

Le président: Entendu.

Avant d'entamer un autre tour de questions, dans les 15 dernières minutes, monsieur Kelly, pourriez-vous nous dire...? Hier, la question a été posée en séance. À l'OMC, sauf erreur, il n'y a que deux mentions très indirectes de la culture—l'exemption des trésors nationaux et l'article 47, qui est un résumé. Pourriez- vous nous dire ce que l'on entend par trésors nationaux? Est-ce que cela comprend tous les musées, par exemple? Pourriez-vous nous dire brièvement ce qu'est l'article 47 et ce qu'il résume?

• 1210

M. Keith Kelly: Il s'agit de l'article 20 sur l'exemption générale visant les trésors nationaux. Selon une interprétation, l'article autorise les parties contractantes à prendre des mesures qui peuvent ne pas cadrer avec les obligations du GATT pour protéger des trésors historiques, archéologiques ou artistiques. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre ici. On ne pourrait pas affirmer que tout le secteur culturel canadien est un trésor national. Nous y avons pensé, mais nous nous sommes dit que cela serait sans doute contesté.

La disposition de 1947 permet d'imposer des quotas sur les importations de films et une interprétation antérieure y englobe la radiodiffusion. Les quotas que nous avons... les exigences en matière de contenu canadien en vertu du CRTC... Généralement, l'interprétation autorise les pays à imposer des quotas non seulement sur les films, mais aussi sur le système de radiodiffusion.

Certains pays, notamment de l'Union européenne, estiment que la disposition de 1947 ne suffit pas. À la fin des négociations d'Uruguay Round, l'Union européenne réclamait une exception élargie pour audiovisuel qui protégerait la position de la radiodiffusion et d'autres technologies. Vers la toute fin des négociations, l'Union européenne et les États-Unis se sont retrouvés en désaccord sur deux points différents. Le premier portait sur les subventions agricoles et le second sur l'exemption visant l'audiovisuel.

Le secrétaire général du GATT, M. Dunkel, a convoqué les deux parties à Blair House à Washington pour concilier les points de vue. Ils ont pu trouver un compromis sur les subventions agricoles, mais pas sur l'audiovisuel. Les Américains ont dit à ce moment-là qu'ils n'accepteraient jamais une exemption générale reposant sur des motifs culturels. L'Union européenne n'a pas listé les services audiovisuels et n'a pas offert d'échanges des services audiovisuels. Jusqu'ici, les Américains n'ont pas élevé de contestation, mais c'est toujours une question qui pourrait surgir plus tard.

Il y a des pays comme la France et d'autres en Europe qui craignent que la disposition de 1947 n'englobe pas suffisamment de choses pour répondre à leurs besoins à mesure qu'évolueront les technologies et les systèmes de distribution.

Le président: Merci.

[Français]

Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: On accorde beaucoup d'importance au contenu canadien. On dit qu'il est important qu'on développe le contenu canadien, mais est-ce qu'il n'y a pas aussi un danger au plan de la propriété? Celui qui est propriétaire risque de passer ses choses à lui plutôt que le contenu canadien. Est-ce qu'on ne doit pas aussi faire attention à la propriété?

M. Keith Kelly: Absolument.

[Traduction]

C'est pourquoi le droit d'auteur était au coeur des préoccupations du groupe de travail. C'est un de nos principaux sujets d'inquiétude dans l'AMI sans exclusion culturelle—que les créateurs et les détenteurs de droits d'auteur pourraient être sacrifiés dans l'AMI.

Il ne fait pas de doute que nos collègues en France le comprennent très bien. Lorsqu'ils considèrent le modèle nord-américain et constatent qu'il n'y a pas de droit de suite pour les arts visuels, qu'il y a une redevance non seulement sur les bandes mais aussi le matériel, ce qui indemnise les artistes et les producteurs des pertes de recettes attribuables à l'enregistrement à domicile et le régime de gestion collective—,ils estiment que tout cela est vulnérable si une exclusion générale sur la culture n'est pas intégrée à l'AMI, et avec raison.

La CCA l'a dit très clairement. Il faut élargir les droits économiques et moraux des créateurs et des détenteurs de copyright. Il faut faire bien attention et ne pas négliger ces points tout au long des négociations. Le contenu canadien est important, certes, mais il est tout aussi important pour les créateurs et les détenteurs de copyright de toucher les bienfaits économiques de leurs oeuvres à chaque étape du système de distribution.

• 1215

Le président: Madame Lill, puis messieurs Godfrey et Saada.

Mme Wendy Lill: John Gray est venu nous parler il y a deux semaines et il a soulevé la question des quotas étrangers. Au lieu d'imposer des règles sur le contenu canadien, ce qui est une façon très négative de faire les choses, il propose de limiter le contenu étranger ici.

Que pensez-vous de cette idée? Y a-t-il des modèles dans le monde qui à votre avis seraient efficaces?

M. Keith Kelly: J'ai des réserves à propos de cette formule pour diverses raisons. M. Bélanger a parlé du consommateur. Si nous donnons l'impression de limiter l'accès des Canadiens aux produits culturels étrangers, je crois qu'il y aurait une vague d'hostilité très forte. Vous ferez disparaître quelque chose que nous apprécions tous sous toutes ses formes.

Nous nous exposerions à des attaques sur le plan du traitement national et de la nation la plus favorisée. J'hésiterais beaucoup à imposer des restrictions sur l'entrée de produits culturels étrangers.

Il ne faudrait pas voir de façon négative les exigences relatives au contenu canadien. Elles créent un espace pour l'imagination et la voix du Canada. Je ne vois pas comment on peut y voir quelque chose de négatif. Les Canadiens sont favorisés par cette grande diversité de choix et nous voulons nous assurer que parmi ces choix il sera toujours possible pour eux de choisir canadien, pas qu'ils y seront forcés, mais que le choix existe.

Le président: Je veux autoriser une courte question de M. Godfrey et de M. Saada, après quoi la séance sera levée. Il y a une petite question d'organisation à régler avant de partir.

M. John Godfrey: Je reviens à la question de la politique culturelle cohérente. Je suis très frappé par le caractère utile de vos suggestions, à la page 37 du document, qui portent sur les éléments que l'on devrait y trouver.

Je ne pense pas que personne ici s'oppose à l'un ou l'autre de ces éléments. Cela me semble très cohérent et très complet.

Ce que je me demande, c'est ceci. Je ne veux pas anticiper le contenu de notre rapport final, mais si le comité disait qu'il s'agit d'un préambule très utile, un ensemble de principes utiles, nous pourrions prendre tout ceci, je ne vois pas pourquoi pas, puis, si c'est ce que nous voulons, il s'agit de voir dans chaque sous-élément ce qu'il faut faire pour le droit d'auteur, les enregistrements sonores, les musées, les livres, etc.

Selon vous, est-ce que le préambule de ces parties forme une politique culturelle cohérente?

M. Keith Kelly: Fort probablement.

M. John Godfrey: Bien, maintenant nous savons ce que nous avons à faire.

M. Keith Kelly: Cela fait disparaître l'obligation de la pondre d'un seul coup et permet de tenir une discussion en profondeur sur le renouvellement et l'adaptation des institutions et des mesures culturelles qui, de l'avis de tous, sont sans doute souhaitables.

[Français]

Le président: D'autres questions, monsieur Saada?

M. Jacques Saada: C'est une question tellement vaste que je ne sais pas comment la poser. Quand on parle de culture, on fait allusion à diverses ententes, que ce soit l'ALENA, l'AMI et ainsi de suite.

[Traduction]

Je ne comprends pas. Une organisation, l'UNESCO, a été créée sous les auspices de l'ONU pour promouvoir la culture. On ne parle jamais de cette organisation lorsque l'on parle de culture. Y a-t- il quelque chose qui m'échappe ici?

M. Keith Kelly: Oh, eh bien.

Non, et il n'y a rien qui vous échappe. UNESCO a fait du travail dans le domaine, mais la difficulté pour cette organisation c'est qu'elle doit concilier les priorités et des systèmes politiques ou des idéologies radicalement opposées, lorsqu'elle essaie d'adopter une position. Tracer le gabarit d'une politique culturelle applicable à l'ensemble des pays de l'UNESCO est une tâche impossible.

• 1220

Nous avons incorporé à notre travail des éléments intéressants venant de l'UNESCO. Le rapport de Perez de Cuellar, Notre diversité créatrice, renferme des idées intéressantes. Quand on le parcourt, on peut déceler des tensions. C'est un pas en avant, puis un pas de côté puis un autre là-bas. C'est ainsi.

Nous espérons que l'UNESCO continuera de jouer un rôle important mais nous ne pourrons pas nous en remettre à l'UNESCO. Il faut faire notre propre travail dans ce dossier.

Le président: Monsieur Kelly, nous vous avons beaucoup vu récemment, mais j'imagine que c'est un hommage à vos connaissances et à votre assurance. Vous n'êtes jamais ennuyeux et nous avons toujours quelque chose à vous demander. Merci beaucoup.

M. Keith Kelly: Merci.

[Français]

Le président: Avant que les membres du comité ne quittent,

[Traduction]

avant que les députés partent, je voudrais leur rappeler que nous tenons nos tables rondes les 10, 11 et 12 mars. J'espère sincèrement

[Français]

qu'on aura une participation complète parce que nous recevrons alors des gens d'un calibre exceptionnel.

[Traduction]

Dans un cadre protocolaire, la formule, elle, ne le sera pas du tout. Ce sera télévisé. Ce sera une véritable table ronde. Il n'y aura pas de discours des membres du comité ou de quiconque d'autre. Il y aura des questions, mais pas nécessairement des questions venant des membres. Ce sera plutôt un échange à bâtons rompus. Nous n'allons pas nous encarcaner dans les lignes de parti; nous allons favoriser les échanges entre tous les participants de la table ronde. Ce sera très libre.

Ce sera les 10, 11 et 12 mars. Vous avez l'ordre du jour.

Le greffier du Comité: Les séances auront lieu de 8 h 30 à 13 h le mardi 10 mars; et ensuite de 15 h 30 à 17 h 30 le 10 mars.

M. Paul Bonwick: Allez-vous envoyer un avis?

Le greffier: Oui, nous allons le faire. L'horaire figure déjà sur votre calendrier, mais il conviendrait peut-être d'en prendre note. Le mercredi 11 mars, la séance aura lieu de 15 h 30 à 18 h; le jeudi 12 mars, la séance aura lieu de 8 h 30 à 13 h. Il y aura six séances en tout.

M. Paul Bonwick: D'après le calendrier, les séances commencent aujourd'hui.

Le greffier: D'après mon nouveau calendrier, elles vont avoir lieu les 10, 11 et 12 mars.

M. Paul Bonwick: Alors, c'est de 8 h 30 à 13 h le 12 mars.

Mme Suzanne Tremblay: C'est de 8 h 30 à 13 h le 10 mars.

Le greffier: Le 10 et le 12 mars, et il y a une séance l'après-midi aussi.

Le président: Je crois vraiment que ces séances vont nous faire du bien, parce qu'elles vont nous fournir un bon nombre de réponses que nous cherchons. J'espère que je peux compter sur votre pleine participation et collaboration.

Le greffier: Monsieur le président, je suis étonné de voir tant de gens enthousiastes et impatients de comparaître. En 20 ans, je n'ai jamais vu des témoins et des participants de cette qualité. C'est tout à fait incroyable.

[Français]

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que ce seront toujours les mêmes personnes pendant ces trois jours-là ou si ce seront des personnes différentes?

Le greffier: Six tables.

Mme Suzanne Tremblay: Six tables différentes?

Le greffier: Complètement.

Mme Suzanne Tremblay: Vous faites une table le matin?

Le greffier: Deux tables le matin.

Mme Suzanne Tremblay: Deux tables le matin.

Le greffier: Une l'après-midi.

Mme Suzanne Tremblay: Une l'après-midi.

Le greffier: Une l'autre après-midi.

Mme Suzanne Tremblay: Une mercredi après-midi?

Le greffier: C'est cela, puis deux jeudi matin. Les questions thèmes sont celles qui sont dans le communiqué de presse. Il y a cinq questions d'identifiées et la conversation va tourner autour de ces questions-là.

Mme Suzanne Tremblay: On a tout cela à notre bureau?

Le greffier: Oui. Je vais vous envoyer le kit dès que j'aurai fini de le faire. Le problème, c'est que le téléphone va plus vite que la machine.

Le président: S'il y a des députés qui font partie d'autres comités et qui voudraient qu'on s'organise avec les autres comités pour qu'ils soient libérés,

[Traduction]

si vous siégez à d'autres comités: M. Bonwick m'a envoyé une petite lettre et je l'ai bien appréciée—et il faut informer vos whips pour que vous soyez libres afin de pouvoir assister à ces tables rondes. Alors il faut en informer le whip. J'irai voir notre whip et peut-être que les autres formations pourraient le faire ainsi. De cette façon, nous serons nombreux autour de la table. Merci beaucoup.

[Français]

Merci beaucoup.

La séance est levée.