CHER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 mai 1998
[Traduction]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit son étude sur la culture canadienne.
[Français]
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit son étude sur la culture canadienne.
Nous avons le plaisir de recevoir les témoins suivants: du Musée des beaux-arts du Canada, M. Pierre Théberge, directeur, et M. Yves Dagenais, sous-directeur; de la Société du Musée canadien des civilisations,
[Traduction]
M. George MacDonald, président-directeur général,
[Français]
et la présidente, Mme Adrienne Clarkson; du Musée canadien de la nature,
[Traduction]
Mme Joanne DiCosimo, présidente-directrice générale, et M. Frank Ling, président du conseil d'administration;
[Français]
et du Musée national des sciences et de la technologie,
[Traduction]
M. Christopher Terry, directeur général du Musée de l'aviation.
• 1110
Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude de la
culture canadienne. Quatre institutions sont représentées
aujourd'hui. Les membres du comité voudront peut-être en profiter
pour vous interroger sur le budget des dépenses du ministère en ce
qui a trait à vos institutions respectives.
De manière à laisser du temps pour les questions et le dialogue avec les députés, je propose que les porte-parole de chaque institution prennent une dizaine de minutes et, au lieu de faire des exposés très formels, je vous invite à nous dire comment vous voyez l'avenir de votre institution, dans l'optique des trois principaux éléments pris en compte dans notre étude: la mondialisation du commerce et les nouveaux accords commerciaux internationaux; l'évolution démographique au Canada; et l'impact des nouvelles technologies, de l'Internet, etc., sur nos institutions culturelles.
Vous pouvez choisir l'ordre dans lequel vous prendrez la parole, mais peut-être pourrait-on commencer dans le même ordre que vous avez été nommés. Je donne donc la parole à M. Théberge.
[Français]
Monsieur Théberge.
M. Pierre Théberge (directeur, Musée des beaux-arts du Canada): Monsieur le président, je vous présente les excuses du président du musée, M. Jean-Claude Delorme. Il regrette de ne pouvoir être ici aujourd'hui.
Je vous ai distribué des notes pour ma présentation. Les premières pages sont simplement un résumé de la dernière année. Comme vous le savez, le Musée des beaux-arts du Canada a connu énormément de succès au cours de la dernière année, entre autres avec l'exposition Renoir, dont nous sommes très fiers. Pour sauver du temps, je vais passer aux questions que le comité nous a posées au préalable.
J'aborderai les questions relatives aux mesures fédérales de soutien à la culture et leurs effets bénéfiques dans notre secteur et identifierai celles qui ont moins bien fonctionné.
Il est évident qu'en tant que musée national, nous sommes tributaires de la générosité du gouvernement central. Le gouvernement dispose d'une panoplie de moyens pour appuyer ses objectifs en matière de culture. Ses principaux instruments sont la propriété directe, c'est-à-dire la propriété d'agences culturelles, de musées, de bibliothèques, de services de diffusion et de cinématographie, comme la Société Radio-Canada et l'Office national du film, et d'institutions ou installations vouées aux arts de la scène ou au patrimoine. Il y a aussi, bien sûr, les subventions et les contributions au budget d'exploitation et d'immobilisation d'organismes à mission artistique ou patrimoniale.
La réglementation est un autre moyen dont dispose le gouvernement. On pense, par exemple, à la Loi sur le droit d'auteur pour protéger les intérêts des créateurs, ce qui est bénéfique aux musées, à la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, qui a pour but de protéger l'exportation des objets d'art de valeur, ou à des mesures accordant des déductions fiscales aux contribuables qui font des dons de charité ou des dons d'oeuvres d'art. Ces mesures du gouvernement fédéral sont extrêmement bénéfiques aux musées d'art, entre autres au Musée des beaux-arts du Canada, que je représente aujourd'hui.
Plusieurs de ces mesures ont été couronnées de succès. Certaines d'entre elles, dont principalement les crédits parlementaires et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, ont permis aux musées canadiens en général et à notre musée de constituer et d'entretenir une très belle collection d'oeuvres d'art du pays. En retour, le Musée des beaux-arts du Canada s'engage à mettre à la disposition des institutions de la communauté muséale, au Canada et ailleurs, ses expositions, ses oeuvres, ses outils d'éducation et son expertise.
Comme vous le savez, nous avons des programmes d'expositions itinérantes qui mettent en valeur la collection permanente du musée. Nous avons l'intention, au cours des prochaines années, d'étendre ce programme d'expositions itinérantes de façon à inclure des expositions organisées par d'autres musées au Canada et à les faire circuler.
• 1115
Comme vous le savez, de moins en moins
de musées canadiens ont les moyens de faire circuler
leurs expositions, et nous voulons contribuer au
partage des richesses artistiques partout au pays en
incluant dans nos programmes, ce qui serait nouveau, non
seulement des oeuvres de notre collection, mais aussi
des oeuvres d'expositions provenant d'autres
institutions canadiennes. C'est une mesure dont nous
allons discuter avec nos collègues de l'Organisation
des directeurs des musées d'art canadiens, qui vont se
réunir à Ottawa à la fin du mois de mai.
L'autre question se rapporte à la diffusion des technologies, mais je voudrais revenir auparavant à certaines mesures que nous voulons prendre pour partager nos collections avec d'autres musées au Canada. J'ai parlé des expositions itinérantes, mais nous voulons aussi prendre la collection nationale d'art canadien. Comme vous le savez, cette collection est immense et elle a été réunie principalement à l'aide de fonds fédéraux, cela depuis 1880. Nous croyons que nous avons maintenant une force assez grande dans ces collections pour pouvoir en faire le partage et placer en dépôt, à plus ou moins long terme, certaines parties de la collection canadienne dans d'autres musées canadiens.
[Traduction]
Nous en discuterons également avec nos partenaires à la réunion des administrateurs des musées d'art canadiens; je veux parler de l'idée de partager non seulement les expositions itinérantes, mais aussi la collection permanente d'art canadien avec d'autres institutions. Cela fait partie de notre plan stratégique depuis maintenant un certain nombre d'années, mais nous voulons commencer à mettre cela à exécution cette année, en amorçant des discussions sur la façon de s'y prendre avec nos collègues d'un bout à l'autre du pays.
Nous voudrions aussi introduire un programme de partage des acquisitions d'oeuvres d'art.
[Français]
Nous voulons faire des coacquisitions avec d'autres musées canadiens de façon à partager les ressources du musée. C'est-à-dire que nous pourrions acheter, en collaboration avec d'autres musées, des oeuvres d'art que nous pourrions ensuite partager et présenter dans différents lieux selon des ententes qui pourraient être de tant d'années à Montréal, de tant d'années à Winnipeg ou de tant d'années ailleurs. Ce serait un nouveau programme. Je sais que cela a déjà été inscrit au plan stratégique, mais nous voudrions l'activer de façon plus formelle.
[Traduction]
Nous voudrions également être plus présents dans la coproduction d'expositions d'un bout à l'autre du pays. Nous produisons beaucoup d'expositions à l'interne, à même nos propres ressources. Nous présentons aussi des expositions venues d'autres institutions, des expositions itinérantes. Nous présenterons par exemple en l'an 2000 l'exposition Krieghoff actuellement préparée par la Art Gallery of Ontario et qui circulera d'un bout à l'autre du pays, notamment à Ottawa.
[Français]
Ce que nous voudrions faire aussi, ce sont des coproductions d'expositions, c'est-à-dire partager l'organisation au niveau de la recherche, au niveau du financement et au niveau des catalogues avec d'autres institutions. Nous avons deux projets déjà en marche: un projet de coproduction avec le Musée des beaux-arts de Montréal, pour une exposition sur l'art moderne au Mexique entre 1900 et 1950, et deux autres projets de coproduction réunissant le Musée du Québec, le Musée des beaux-arts de Montréal et, bien sûr, notre institution. Nous souhaitons étendre ce système de coproduction à d'autres musées et à d'autres projets.
Voilà certaines mesures que nous voulons poursuivre grâce aux subventions que nous recevons du gouvernement central. Nous avons produit récemment un audioguide sur les collections canadiennes qui est offert gratuitement aux visiteurs du musée. Nous voulons étendre cette production de l'audioguide aux collections européennes.
Nous avons aussi l'intention d'inaugurer en janvier une extension de notre site Web, qui s'appelle en anglais Learning Centre et en français l'Art/thèque. C'est produit en collaboration avec la société IBM. C'est une façon de rendre accessible, par les moyens électroniques, la collection du musée et ses programmes.
Nous avons également l'intention de continuer à accroître nos recettes autonomes. Grâce à des expositions comme celles de Renoir et de Picasso, nous avons eu des commandites très importantes du secteur privé.
[Traduction]
Nous voudrions avoir davantage de soutien du secteur privé. Nous venons d'embaucher un directeur adjoint chargé du développement et la fondation du musée sera beaucoup plus active que par le passé dans ses efforts pour obtenir des commandites et une aide plus importante du secteur privé. Ensemble, nous croyons que nous pouvons continuer à mieux servir le public canadien.
[Français]
Je vais revenir à vos questions concernant les nouvelles technologies. J'ai parlé du site Web qui est déjà en action au musée depuis 1996 mais, comme je vous l'ai dit, il va être augmenté grâce à ce qu'on appelle l'Art/thèque. D'autre part, la conversion des données du musée dans un nouveau système de gestion des collections va le rendre encore plus accessible aux autres musées et au public.
Enfin, nous sommes très impliqués dans l'utilisation des nouveaux moyens électroniques. Il est évident que nous ne pourrons jamais faire en sorte que tous les Canadiens viennent à Ottawa pour voir la collection nationale. Nous ne pourrons jamais faire circuler toutes les oeuvres de la collection. Les moyens électroniques sont donc un moyen pour le public de partout au pays d'avoir accès à la collection nationale et d'obtenir des informations, quelquefois très savantes, sur les collections.
• 1120
Pour ce qui est de la question de la libéralisation
des marchés dans le secteur culturel, je voudrais vous
dire qu'en fait, cela ne nous touche pas directement.
[Traduction]
La libéralisation ou l'ouverture des marchés étrangers ne nous touche pas au premier plan, parce que nous ne vendons pas directement nos services, mais comme vous le savez, le musée a collaboré très étroitement dans le passé avec des établissements de calibre international. Je cite notamment le Musée d'Orsay, le Louvre, le Metropolitan Museum of Art, le Chicago Art Institute, la Fondation Kimbell de Fort Worth et le Musée d'art moderne de New York.
Nous voulons continuer à resserrer nos liens sur la scène internationale. Notre personnel professionnel communique constamment avec d'autres institutions afin de faire venir au Canada de grandes oeuvres d'art, mais aussi pour que les oeuvres d'art canadiennes soient vues à l'étranger.
[Français]
Nous avons deux projets: une exposition du Groupe des Sept au Mexique et une présentation en Suède et dans d'autres pays scandinaves. Nous avons été abordés également par l'ambassade de Chine en vue de préparer une exposition du Groupe des Sept qui pourrait aller à Beijing et à Shanghaï.
Bien sûr, nous avons besoin de moyens de financement pour continuer à faire ces efforts, mais nous aurons aussi un financement du secteur privé.
Pour ce qui est des changements démographiques, toutes les études indiquent qu'au niveau de la démographie, les musées sont un lieu de fréquentation pour les adultes, les enfants et surtout les familles. Nous avons, comme vous le savez, des programmes éducatifs très bien rodés pour accueillir toutes sortes de publics.
Les lieux sont en général accueillants car nous disposons de services adéquats. Nous voulons que le musée soit un lieu où la famille se sente bien accueillie et que tous, adultes comme enfants, aient accès aux collections autant qu'aux expositions temporaires.
Vous connaissez les statistiques que nous citons: d'ici 2016, un Canadien sur cinq sera membre d'une minorité visible, ce qui fera doubler la proportion des personnes de ce groupe de population pour le faire passer de 10 p. 100 en 1991 à 20 p. 100 en 2016.
Un autre facteur touche à la question de la cohésion sociale, et c'est la croissance de la population autochtone dans les centres urbains. Le taux de croissance est le double de celui de l'ensemble de la population et l'on prévoit que ce groupe croîtra de presque 50 p. 100 pour atteindre le chiffre de 1,6 million de personnes en 2076. Le musée devra donc continuer à s'adapter à ces phénomènes dont nous sommes extrêmement conscients.
Le rôle du gouvernement fédéral à l'avenir sera d'appuyer le secteur des industries culturelles. Nous croyons toujours qu'une présence fédérale forte et dynamique dans le secteur des arts est essentielle à la transmission des trésors culturels du pays à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Nous avons parlé des grandes agences fédérales et du rôle du gouvernement fédéral pour continuer à soutenir ces agences. La plupart des sociétés et agences qui obtiennent des subventions du gouvernement fédéral se sont tournées depuis plusieurs années vers le secteur privé. C'est un secteur qui est en croissance, mais la croissance du soutien du secteur privé ne doit pas nous faire oublier la présence importante du gouvernement fédéral dans ces secteurs, qui sont des secteurs clés au niveau de la présence culturelle pour tous les Canadiens.
Nous recommandons que les secteurs privé et public investissent de nouveaux fonds qui aideront les musées à organiser l'accès à des expositions itinérantes, à diffuser de nouvelles formes de diffusions, coproductions, coacquisitions et programmes d'échanges d'expositions. Nous voulons continuer à partager davantage les collections avec d'autres institutions canadiennes. Nous avons parlé du dépôt d'oeuvres.
Au niveau des formules concrètes qui ont été ou qui seront préparées par le gouvernement fédéral, il y a une mesure qui est en discussion actuellement. Je sais qu'il y a eu des réunions récemment avec les membres du ministère du Patrimoine canadien au sujet de l'indemnisation pour les expositions itinérantes.
[Traduction]
Ce programme d'indemnisation est très important. Je sais que des discussions sont en cours à ce sujet avec le ministère du Patrimoine. Cela aiderait non seulement le Musée des beaux-arts, mais aussi d'autres secteurs. Je sais que mes collègues s'intéressent beaucoup à ce programme. Je pense qu'il permettrait à un plus grand nombre de Canadiens d'avoir davantage accès à beaucoup d'artefacts et d'oeuvres d'art importants et aiderait grandement à l'épanouissement du secteur culturel au Canada. De plus, sur le plan financier, il serait d'une aide précieuse non seulement pour les institutions fédérales, mais pour toutes les institutions du pays.
[Français]
On souhaiterait aussi que le gouvernement fédéral puisse stabiliser le programme d'aide aux musées et injecter de nouveaux fonds dans le soutien aux expositions itinérantes et à la diffusion. Il y a un côté pratique quand on parle de notre volonté de mieux diffuser. Il est certain que les institutions qui reçoivent nos expositions ou qui veulent recevoir des parties de notre collection permanente vont devoir financer ces programmes.
Actuellement, les financements sont assez branlants et il serait souhaitable que de nouveaux fonds—on ne vous demanderait pas des sommes extraordinaires—soient injectés dans ces secteurs.
Nous souhaitons aussi que le gouvernement continue le programme des dons et le renforce afin de favoriser les dons de charité des particuliers et les dons d'oeuvres d'art, entre autres. Cela concerne aussi nos collègues des autres musées, parce qu'une façon d'enrichir les collections est d'avoir des fonds importants pour acquérir des oeuvres. On devrait augmenter ces fonds d'acquisition, mais on devrait aussi protéger et bonifier tout le programme de dons aux institutions culturelles. En cela, je parle aussi au nom de mes collègues de partout au pays. Cette formule a été extrêmement enrichissante et il faudrait faire en sorte qu'elle demeure extrêmement efficace.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Théberge.
Madame Clarkson.
Mme Adrienne Clarkson (présidente, Société du Musée canadien des civilisations): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Nous voudrions aborder les grandes questions que vous avez posées. Vous pourrez consulter à loisir notre mémoire et nos rapports annuels qui renferment tous les détails sur ce que nous faisons, et que vous connaissez déjà. Vous pouvez d'ailleurs voir notre musée d'ici, de l'autre côté de la rivière, tout comme vous voyez le Musée des beaux-arts—ce sont deux bâtiments magnifiques. Vous savez que ce sont des musées très populaires. Notre musée est très populaire.
Nous sommes technologiquement branchés. Nous avons un site Web. Nous sommes en train de numériser tous nos produits. Nous faisons tout cela en dépit d'énormes contraintes financières, parce qu'en fait, nous avons perdu de l'argent au fil des années. Nous avons aujourd'hui un budget qui est inférieur de 36 p. 100 à celui d'il y a quatre ou cinq ans, et les choses continueront d'évoluer dans le même sens.
Nous essayons toutefois, en raison de cette situation, de créer des partenariats avec le secteur privé pour amasser des fonds. Nous avons un secteur de développement très actif et, bien sûr, nous faisons tout ce que nous pouvons pour multiplier le nombre de nos visiteurs. Notre achalandage est déjà excellent, mais nous voulons toujours faire mieux. Nous avons bien sûr des fluctuations saisonnières et nous dépendons beaucoup des touristes qui viennent dans la région de la capitale nationale.
Cela dit, les montants d'argent sont importants. Je pense que la comparution devant un comité comme le vôtre est une excellente occasion de dire que notre patrimoine se trouve dans nos musées sous forme d'artefacts, mais aussi d'exemples concrets de l'histoire de notre pays.
Il ressort d'une étude réalisée il y a moins d'un an par le Dominion Institute—je pense que beaucoup d'entre vous le savent, mais qu'il vaut quand même la peine de le répéter constamment—que 64 p. 100 des jeunes âgés de 18 à 24 ans ne savent même pas de quelle année date la Confédération du Canada. Plus de la moitié d'entre eux ne savent pas en quel siècle le Canada a été fondé. Quand on leur a demandé contre qui les Canadiens se sont battus durant la Première Guerre mondiale, 39 p. 100 ont répondu que nous avons combattu contre la France, la Grande-Bretagne ou la Russie, et un jeune sur dix n'avait absolument aucune réponse à donner. Seulement 24 p. 100 des jeunes âgés de 18 à 24 ans qui ont fait des études universitaires savent que nous avons rapatrié notre constitution de la Grande-Bretagne. Et je pourrais continuer longtemps cette énumération.
Donc, sur la toile de fond de cet effondrement des connaissances historiques s'inscrit notre paradoxe, à savoir que nous sommes les dépositaires des éléments vivants de notre histoire, de nos objets de civilisation, de nos artefacts artistiques et naturels. C'est le dilemme que nous devons résoudre pour l'avenir. Nous avons un problème, à savoir qu'il faut mettre tout cela ensemble. Si nos musées sont de plus en plus populaires, si de plus en plus de gens viennent voir nos expositions, nous sommes de moins en moins capables de comprendre de quoi est faite notre nation, et nous avons un rôle à jouer dans cette nation, parce que nous sommes
[Français]
le patrimoine et parce que nous avons à notre charge tout ce qui appartient au patrimoine. Il faut aussi dire qu'il faut avoir une certaine vision de l'avenir. C'est cela qui compte, et pas simplement les dollars. Le dollar est un symbole concret, unique et nécessaire de ce qui est le plus important pour nous, à savoir la vision nécessaire pour continuer en tant que pays, avec notre patrimoine tel qu'il existe.
• 1130
Il faut aussi dire qu'il y a des défis dans le marché
global. On peut très bien
parler de globalisation en ce qui nous concerne comme
musées. Nous avons toujours fait, comme M. Théberge l'a
mentionné, des partenariats avec d'autres grands musées
du monde afin de faire des expositions et d'obtenir des
subventions communes pour financer les grandes expositions.
Le gros problème n'est pas simplement la globalisation, mais aussi la monopolisation de nos moyens de patrimoine par les autres.
[Traduction]
Quand nous parlons de mondialisation, soyons bien certains de comprendre qu'il ne s'agit pas simplement des efforts de chaque pays en vue de pénétrer les marchés de tous les autres pays. Nous sommes aux prises avec une poussée irrésistible et monopolistique dans le domaine de l'information qui vise à s'emparer du patrimoine des autres pays.
Je vais être plus précise. On peut imaginer un scénario dans lequel Microsoft, compagnie américaine, ou Ted Turner, autre compagnie américaine, achèterait la totalité des archives de l'Office national du film du Canada, ou encore la totalité de nos objets, ou bien les droits de les utiliser sur le Web, ou encore le droit de diffuser visuellement les tableaux du Musée des beaux-arts. Ils achèteraient les collections et diraient: «Écoutez, nous allons vous donner de l'argent, une somme énorme d'argent, et vous pourrez diriger vos petits musées et faire venir vos compatriotes pour les visiter et vous pourrez entretenir des «idées» nationales. Nous allons même vous donner de l'argent pour faire des acquisitions.»
Soit dit en passant, nous n'avons pas été en mesure de faire des acquisitions. Nous n'avons plus de budget à cette fin. En fait, nous faisons quand même des acquisitions, grâce à des dons et parce que des gens nous donnent la possibilité d'acquérir certaines choses, mais nous n'avons plus de budget réservé aux acquisitions.
Mais comme vous pouvez l'imaginer, si ces grandes organisations américaines étaient disposées à mettre beaucoup d'argent pour acheter nos images et nos objets, elles en seraient désormais les propriétaires légitimes et pourraient nous demander de payer des droits pour les utiliser; au début, ces droits seraient peut-être minimes et l'affaire pourrait sembler très attrayante. Je pense que notre pays doit se pencher là-dessus, et en particulier votre comité, car c'est à mon avis une menace très réelle.
Il y a un nouveau musée qui attire actuellement beaucoup d'attention. Il s'agit du musée de Bilbao créé par Frank Gehry dans la région basque, en Espagne, région sous-développée, défavorisée, sous-industrialisée. Ce musée a été créé et entièrement financé par le gouvernement espagnol—je pense que le budget était supérieur à 100 millions de dollars—et l'on a fait appel à l'un des plus grands architectes au monde, Frank Gehry, qui se trouve à être né au Canada. C'est un exemple d'un nouveau type d'impérialisme muséal—colonisation serait peut-être un mot plus gentil—ou de partenariat, en ce sens que le contenu appartient en fait au Guggenheim. On y exposera des oeuvres d'art américaines, mais le musée a été construit par les Espagnols avec de l'argent espagnol.
Si vous lisez les propos de Thomas Krens, qui est le conservateur de ce musée, je veux dire le Guggenheim, il déclare que c'est exactement le genre de choses qu'il veut faire partout dans le monde. Le musée l'a déjà fait sur une plus petite échelle dans des endroits comme Salzbourg. Il ne se contentera pas de l'Europe. Nous sommes son plus proche voisin. Se pourrait-il que l'on nous donne un musée? Pourrait-on nous demander de fournir un bâtiment dont le contenu serait ensuite offert par les Américains?
Je pense que votre comité devrait se pencher sur une foule de questions de ce genre.
Quant aux autres questions que vous nous avez posées, nous pouvons en discuter, absolument. Nous pouvons vous donner tous les chiffres et tous les faits voulus et vous le savez. Mais nous touchons ici au véritable problème qui se pose pour l'avenir et je pense que nous devons nous pencher sur la question. Si nous ne le faisons pas, nous allons nous retrouver tout à coup devant le fait accompli et l'une de nos institutions se verra offrir un marché très alléchant; un Bill Gates ou un Ted Turner dira: «Nous allons vous donner un milliard de dollars. Vous n'aurez plus jamais à quémander de l'argent au gouvernement. Vous n'aurez plus besoin de suivre les règles du vérificateur général. Vous n'aurez plus jamais besoin de vous présenter devant les comités permanents. Vous n'aurez plus jamais à faire quoi que ce soit de ce genre. Tout est réglé.»
Voilà la question sur laquelle nous devrions nous pencher, à mon avis, et ce n'est pas du tout à court terme, et même pas à long terme; c'est à moyen terme, et la question se pose ici et maintenant.
[Français]
Je ne veux pas parler trop longuement. Nous pourrons discuter d'autres choses plus tard. Je voulais simplement mentionner que c'était une chose très importante.
Je vais laisser la parole à mes collègues. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, madame Clarkson. Je pense que vous nous avez lancé un véritable défi et je suis content que vous l'ayez fait. Cela mérite réflexion de notre part.
Monsieur Ling.
M. Frank Ling (président du conseil d'administration, Musée canadien de la nature): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Mesdames et messieurs, bonjour.
[Traduction]
Je vous remercie de nous avoir invités à vous faire part des réalisations et des projets du Musée canadien de la nature et à participer à la table ronde portant sur la politique culturelle.
Pour respecter le temps qui nous a été imparti, nous nous contenterons de vous résumer brièvement nos réalisations récentes, nos activités courantes ainsi que nos projets pour l'avenir immédiat.
Je suis heureux de pouvoir dire que ce que je considère être l'une des plus grandes réalisations du musée est à mes côtés aujourd'hui. Mme Joanne DiCosimo est devenue présidente du musée le 1er juillet 1997; elle a été choisie parmi huit candidats venant de partout au Canada, dans le cadre d'un concours. Avant d'accepter ce poste, elle était directrice du Musée manitobain de l'homme et de la nature. Les collectes de fonds organisées sous la direction de Mme DiCosimo ont connu beaucoup de succès à Winnipeg. Au MCN, elle a déjà mis sur pied un excellent programme de développement dont elle a confié l'exécution à une équipe de collaborateurs expérimentés.
J'attire aussi votre attention sur le fait encore plus marquant qu'en moins d'un an, la nouvelle présidente a réussi à rebâtir la confiance des employés à l'égard de leur employeur et à leur communiquer son dynamisme. Avec votre appui, nous pouvons maintenant nous tourner résolument vers l'avenir avec optimisme et en équipe.
Je suis heureux de vous présenter Mme DiCosimo qui vous entretiendra des réalisations et des projets du MCN.
Merci beaucoup.
Mme Joanne DiCosimo (présidente-directrice générale, Musée canadien de la nature): Merci, Frank.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'honneur que vous m'avez fait en m'invitant à vous adresser la parole aujourd'hui. Comme M. Ling l'a dit, je vous donnerai un bref aperçu de nos réalisations, quoique le mémoire en dresse une liste plus complète. Je veux surtout vous parler des activités courantes ainsi que des projets du MCN. Certains touchent directement les questions que vous nous avez posées, et mon exposé débouchera naturellement sur la discussion qui suivra.
Permettez-moi d'abord de signaler un événement qui constitue un jalon dans l'histoire du Musée canadien de la nature. Je fais allusion à l'inauguration, le 9 mai 1997, soit il y a près d'un an, de l'Édifice du patrimoine naturel à Aylmer, au Québec, destiné à loger les collections et les chercheurs du musée. Le 31 mars 1997, les employés du musée étaient parvenus à mener à bien l'énorme tâche consistant à emballer, à déménager et à reloger les 10 millions d'objets d'histoire naturelle que comporte la collection nationale.
[Français]
Outre que l'accomplissement de cette tâche, qui date d'avant mon arrivée, constitue une réalisation remarquable pour laquelle les employés du Musée méritent des félicitations, il y a trois autres aspects de ce projet sur lesquels j'aimerais attirer l'attention du comité.
Je me permets d'abord de vous faire remarquer que le relogement de la collection nationale dans la nouvelle installation muséale a permis de calmer les graves inquiétudes éprouvées au sujet de la préservation de la collection. La construction de l'Édifice du patrimoine naturel a permis au musée de répondre aux attentes légitimes du public à cet égard. L'Association des musées canadiens soulignera publiquement ce grand pas en avant en décernant aux employés du Musée canadien de la nature son prix pour services insignes dans le domaine de la gestion des collections.
[Traduction]
Deuxièmement, la nouvelle installation a été construite à même les ressources financières existantes. Le gouvernement fédéral n'a pas dû accroître les fonds réservés au musée. En effet, en collaboration avec un promoteur privé, le musée s'est servi pour construire l'Édifice du patrimoine naturel des fonds affectés à la location des 11 sites entre lesquels sa collection était répartie.
• 1140
Troisièmement, vous vous souviendrez que les milieux
environnementaux ont exprimé des réserves quant au choix du site
d'Aylmer. Afin de répondre directement aux préoccupations
exprimées, nous avons établi, en collaboration avec des
spécialistes et des groupes d'intérêt public, un plan stratégique
permettant d'assurer une gestion responsable du marécage et des
installations muséales. Le plan de gérance environnementale et le
programme afférent seront présentés au public à la fin juin.
En outre, nous avons constitué un fonds d'éducation écologique auquel l'industrie privée a contribué en versant 30 000 $.
[Français]
À mon arrivée en juillet, j'ai constaté que le genre d'activités qui avait occupé le Musée canadien de la nature pendant cinq ans l'avait amené à être égocentrique. Le projet de construction et la réinstallation des collections sont des exemples d'activités égocentriques. Le personnel et le conseil d'administration du musée se réjouissaient de pouvoir tourner de nouveau leur regard vers l'extérieur et de concentrer les activités du musée sur les besoins de la communauté et des Canadiens dans leur ensemble ainsi que sur l'exécution de son mandat spécial de musée national. Les musées nationaux ont évidemment un mandat national.
[Traduction]
Étant donné que tous les musées, universités, organismes scientifiques et autres organismes connaissent les mêmes difficultés de financement et les mêmes préoccupations en ce qui concerne leur contribution à l'accroissement du savoir scientifique, il convenait d'entamer un dialogue avec les milieux muséaux nationaux. D'octobre à décembre 1997, nous avons donc tenu à cette fin des consultations nationales dans le but de recueillir les vues et les avis de l'ensemble des milieux scientifiques et muséaux et d'explorer la possibilité de participer à la mise en oeuvre de projets communs. Voici les questions que nous avons posées à ceux qui ont participé à ces consultations: quel devrait être le rôle d'un musée national des sciences naturelles en 1998 et comment pouvons-nous oeuvrer à l'atteinte de nos objectifs communs?
Nous avons tenu des discussions avec 40 à 50 personnes dans chacune des six villes où nous nous sommes rendus. En outre, une centaine d'autres personnes nous ont aussi communiqué leur point de vue par écrit ou par voie électronique. Nous avons aussi renoué les liens qui nous unissaient à de nombreux partenaires dont la Société canadienne de zoologie et la Fédération canadienne de la nature. Ces réunions, qui se tiendront périodiquement, visent à rétablir le dialogue avec nos partenaires et à élargir notre base d'amis et de collaborateurs.
[Français]
Tenant compte des renseignements obtenus jusqu'ici, ainsi que des points de vue et des avis du personnel compétent et dévoué, nous avons établi un plan pour l'avenir immédiat du musée. Le Musée canadien de la nature compte se renouveler et se rapprocher du public en consacrant son énergie, son savoir, ses compétences et ses ressources institutionnelles à l'atteinte de quatre objectifs qui font l'objet d'un large consensus. Ces objectifs sont les suivants:
Premièrement, il s'agit d'accroître sa pertinence nationale, c'est-à-dire établir des réseaux nationaux dans chacune des disciplines scientifiques dans lesquelles oeuvre le musée et constituer un consortium de musées d'histoire naturelle et d'organismes connexes; faire connaître sur le site Web ses principales collections et ses connaissances scientifiques et en faciliter l'accès; imprimer un nouvel élan au programme des expositions itinérantes; et répondre notamment au désir exprimé par les Canadiens de voir la collection nationale.
• 1145
Je vous donnerai des exemples des
stratégies qui seront adoptées pour concrétiser chacun
des objectifs. Le plan lui-même est évidemment plus
complet.
[Traduction]
Le deuxième objectif est de faire reconnaître la valeur du travail effectué par le musée, d'en accroître la viabilité. Parmi les stratégies auxquelles on aura recours pour atteindre cet objectif, mentionnons l'accroissement de la fonction publique du site d'Aylmer en offrant peut-être des visites guidées des collections et assurément des séances d'interprétation portant sur les formes de vie dans le marécage; le maintien du solide programme de publication populaire et scientifique qui, vous le savez peut-être, va du succès de librairie L'Oeuf de dinosaure—livret et oeuf miniature de la série sur les oeufs de dinosaure aux éditions Somerville—aux ouvrages de référence essentiels comme Insects of the Yukon et Lichens of North America, ouvrage qui est copublié avec les Presses de l'Université Yale, sans oublier évidemment les articles fréquemment publiés par nos chercheurs dans diverses revues scientifiques; l'enrichissement continu du site Web, qui est clairement une stratégie en soi; l'établissement de nouveaux liens de travail avec les milieux muséaux québécois grâce au lancement à Sherbrooke en juin de l'exposition itinérante pancanadienne intitulée Monarca: papillons sans frontières.
Notre troisième objectif est de mettre en place les systèmes d'exploitation humains et techniques de base à l'appui du travail institutionnel.
Le MCN se fixe deux principaux objectifs techniques. Le premier est de s'assurer que tous les systèmes informatiques seront fonctionnels en l'an 2000. Le second est de consigner de façon électronique toutes les données se rapportant aux collections pour que le Canada puisse être en mesure de suivre l'évolution de la biodiversité à l'échelle mondiale, une tâche essentielle.
Nous avons aussi adopté des stratégies visant à renforcer et à développer le noyau de ressources humaines du Musée de la nature. Nous poursuivrons également nos efforts afin d'en arriver à un système de planification ouvert et participatif.
Enfin, notre quatrième objectif est d'accroître les revenus que génèrent nos activités. Il s'agit dans ce cas de trouver les moyens qui permettront au musée de recueillir des fonds et de générer des revenus. L'atteinte de cet objectif s'impose pour que le musée puisse organiser les activités qui découlent de sa mission et qu'il puisse aussi avoir l'argent nécessaire pour entretenir l'immeuble du patrimoine sis à l'angle des rues McLeod et Metcalfe, l'Édifice commémoratif Victoria, puisqu'il s'agit de la principale vitrine publique du Musée canadien de la nature.
[Français]
En soulignant ces projets et ces activités passées et actuelles du Musée canadien de la nature, je ne veux pas sembler oublier les réalisations considérables du musée depuis la dernière fois que ses représentants ont comparu devant votre comité, il y a deux ans. Ces réalisations sont considérables et, comme M. Ling l'a mentionné, elles sont décrites dans le mémoire joint à votre trousse d'information.
[Traduction]
Je vais me contenter de signaler quelques-unes de ces réalisations.
[Français]
La fréquentation du musée a augmenté, ainsi que notre part du marché muséal dans la région. Les employés du service des collections ont répondu l'an dernier à plus de 1 400 demandes sur les prêts de spécimens, en dépit du temps qu'ils ont dû consacrer au déménagement des collections. Trente-sept nouvelles espèces ont été découvertes et décrites. Enfin, l'exposition L'Odyssée arctique a été montée en collaboration avec la collectivité d'Igloolik, exposition alliant avec succès le savoir scientifique et le savoir traditionnel. Une version itinérante de cette exposition marquera l'an prochain la création du nouveau territoire canadien du Nunavut.
[Traduction]
En conclusion, je désire souligner le fait que les activités menées dans le domaine des sciences naturelles transcendent les frontières politiques et géographiques. Les Canadiens sont immensément fiers de l'incroyable beauté et de l'immense diversité de leur pays et ils y attachent beaucoup d'importance. Ils savent aussi que leur avenir et que la nature sont intrinsèquement liés.
Pour souligner l'avènement du nouveau millénaire, ils ont opté dans les sondages pour des projets axés sur la protection de l'environnement naturel. Le Musée de la nature a voulu présenter cet événement sous l'angle de la nature et c'est pourquoi nous avons appelé notre projet «Un millénaire de plus» pour bien marquer le fait que la nature a vu d'autres millénaires.
Les membres du comité examineront quelles politiques culturelles le Canada devrait se donner pour le prochain millénaire. Je demande respectueusement aux membres du comité de faire une place dans cette politique à la culture scientifique puisqu'il s'agit de deux concepts indissociables, tout comme le sont les concepts de patrimoine canadien et de patrimoine naturel.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame DiCosimo.
Monsieur Terry.
M. Christopher J. Terry (directeur général, Musée national de l'aviation): Merci, monsieur le président.
Premièrement, je voudrais présenter les excuses de notre président, le Dr David Strangway, et de notre directrice, le Dr Geneviève Sainte-Marie, qui n'ont pu être présents aujourd'hui.
Évidemment, quand on prend la parole après d'éminents collègues, il arrive souvent que bien des choses que l'on avait l'intention de dire aient déjà été dites et avec beaucoup d'éloquence. Je ne lirai donc pas intégralement les notes que j'avais préparées, parce que je pense que vous avez déjà entendu aborder bon nombre de ces questions.
Je voudrais m'attarder davantage aux aspects scientifiques et technologiques de la culture canadienne et de notre patrimoine dans le contexte des points que vous avez soulevés.
Premièrement, je voudrais dire que, comme il est signalé dans notre mémoire, le gouvernement a donné à notre société le mandat de préserver une collection nationale et de diffuser des connaissances sur le patrimoine scientifique et technologique du Canada. La ministre du Patrimoine canadien a déclaré, quand elle a comparu devant le comité en novembre, que nous devons «au gouvernement, au pays et au comité...veiller à préserver notre capacité de raconter nos propres histoires». Essentiellement, c'est ce que nous sommes déterminés à faire. En favorisant la compréhension de notre patrimoine scientifique et technologique et en faisant comprendre comment ce patrimoine a contribué à l'épanouissement du Canada comme pays, nous pouvons attiser la fierté à l'égard de nos réalisations et stimuler l'intérêt envers notre avenir.
Les sciences et la technologie ont joué un rôle intrinsèque dans presque tous les aspects de notre société et ce, depuis de nombreuses décennies. Que ce soit dans le transport aérien ou ferroviaire, la mise en valeur de nos ressources naturelles, le fait d'apprendre à composer avec les dures réalités de notre climat, ou encore la production d'aliments pour consommation intérieure et l'exportation, les sciences et la technologie ont eu de vastes répercussions.
Comme le comité connaît bien notre société et ses emplacements, je dirai seulement que nous réalisons notre mandat grâce aux activités de nos trois musées. Il y a le Musée national des sciences et de la technologie, situé sur le boulevard Saint-Laurent, le Musée de l'agriculture, à la Ferme expérimentale centrale, et le Musée national de l'aviation, à l'aéroport de Rockliffe. Ces musées recèlent de magnifiques collections qui illustrent richement nos nombreuses réalisations dans les domaines des sciences et de la technologie. Nous possédons également des artefacts qui démontrent que les Canadiens ont subi quelques revers, mais il ne faut pas se dissimuler l'ampleur de ces revers, car ils font partie du processus normal d'évolution.
Nous gérons ces trois installations et les collections et activités qui y sont associées à même le plus petit budget de toutes les sociétés muséales nationales, à savoir 22 millions de dollars pour la présente année financière, et nous accueillons près de 700 000 visiteurs à nos sites chaque année, dont près de la moitié n'habitent pas dans la capitale nationale.
L'examen des programmes et d'autres contraintes financières ont eu tout au long de la présente décennie de profondes répercussions. À l'instar de nos collègues, nous avons un budget qui a été amputé d'un tiers par rapport à celui d'il y a plusieurs années. Ce processus a été pénible, mais il a accéléré notre évolution et doté notre organisation d'un solide instinct entrepreneurial et d'un bilan jalonné de grands succès pour ce qui est de forger des partenariats avantageux avec le secteur privé et avec nos collègues des institutions à but non lucratif.
• 1155
Le besoin de restructurer notre organisation en fonction de la
réduction des ressources a coïncidé avec l'avènement de l'autoroute
de l'information comme nouveau moyen de communication rejoignant un
grand nombre de gens. Nous avons saisi l'occasion qui s'est
présentée à nous il y a déjà cinq ans en créant notre première
encyclopédie électronique. Ce travail a été fait de concert avec
divers partenaires du secteur privé qui souhaitaient utiliser du
contenu réel pour mettre à l'essai la transmission d'informations
multimédias au moyen des lignes téléphoniques ordinaires.
Le succès de cette entreprise, qui a été reconnu par plusieurs prix, a donné naissance à plusieurs projets, dont le plus récent est une application multimédia novatrice mettant en vedette le projet mort-né de l'appareil Avro Arrow. Bell Canada a utilisé cette application pour mettre à l'essai la faisabilité de la transmission de données sur large bande de fréquence dans les résidences individuelles. Cette application a été entièrement payée par Bell Canada et est actuellement en voie d'installation au Musée national de l'aviation.
Notre travail dans le domaine de l'électronique nous a sensibilisés à une vaste gamme de questions, depuis le droit d'auteur jusqu'à la résolution optimale d'images destinées uniquement à être affichées sur des écrans d'ordinateur. Cela nous a également amenés à conclure d'autres arrangements de partenariat avec Industrie Canada et avec des organismes sociaux locaux un peu partout au Canada, arrangements qui nous ont permis de numériser une grande partie de notre collection d'images, ce qui permet de les utiliser sur le réseau scolaire SchoolNet et de les afficher sur nos propres titres Web.
Cette expérience a montré de façon probante que les jeunes défavorisés peuvent, quand on les encourage, utiliser les technologies modernes pour accomplir des tâches, acquérant ainsi une précieuse expérience et contribuant au bien commun.
Les technologies de l'information actuelles et émergentes sont donc riches de possibilités et pourraient nous permettre de diffuser plus largement, de publier sous forme virtuelle de la documentation très spécialisée, d'avoir une présence directe dans chaque école du Canada, de donner accès à des renseignements sur nos collections et à notre importante banque d'images, de fureter dans nos catalogues de bibliothèque et répertoires d'archives, et d'avoir accès rapidement à nos travailleurs du savoir.
Ce dernier point a pris beaucoup d'importance pour nous. Nous répondons chaque mois à des centaines de questions reçues via nos sites Web, ce qui favorise le dialogue entre nos musées et leur vaste réseau de clients de tous les âges, de tous les milieux et dont les intérêts spécialisés sont divers.
Nous avons appris que le changement est vital pour assurer un succès continu, que l'élégance du design a son importance et que le contenu attire les usagers. Loin d'utiliser cette technologie uniquement comme babillard électronique ou comme pense-bête, nous y voyons une façon peu coûteuse de diffuser de l'information d'un intérêt notoire et des connaissances qui découlent d'une analyse de cette base d'information. C'est une approche de valeur ajoutée qui est tout à fait compatible avec les pratiques contemporaines de marketing.
Je dois mentionner par ailleurs que ces technologies électroniques nous ont également permis d'offrir aux visiteurs de nos musées de nouvelles expériences, avec l'introduction d'appareils de réalité virtuelle et de simulateurs qui enrichissent considérablement leur expérience.
Nous envisageons de continuer à utiliser ces plates-formes pour élargir notre auditoire et lui offrir un contenu utile, car le contenu est notre principal avantage commercial, et comme vous avez entendu mes collègues en faire la réflexion, d'autres personnes sont tout à fait conscientes de ce fait.
Je dois dire, toutefois, qu'en dépit de tout cela, nous ne croyons nullement que la visite en personne soit chose du passé. C'est seulement en voyant sur place et de près la dernière génération des locomotives à vapeur, au Musée des sciences et de la technologie, que l'on peut vraiment appréhender toute la grandeur de ces machines légendaires, et aucune photographie ne pourra jamais rendre l'impact qu'a sur les spectateurs la partie avant du fuselage de l'Avro Arrow que l'on peut voir au Musée national de l'aviation.
Il ressort très clairement de nos recherches que les visiteurs viennent pour voir des objets concrets. Leur appétit à cet égard a peut-être été stimulé par des images, virtuelles ou autres, mais en dernière analyse, les visiteurs nous disent que rien ne peut remplacer l'expérience de première main.
• 1200
À cet égard, il convient que le gouvernement maintienne son
rôle de collectionneur et de gardien d'une collection
représentative qui reflète l'histoire de notre pays et de ses
habitants. L'existence continue de telles collections et de la
documentation qui s'y rattache constitue une preuve tangible de la
transformation de notre pays, de son économie et de sa population,
sans compter qu'elle aide à démystifier le passé et à transmuer en
réalités beaucoup de perceptions stylisées qui envahissent une
bonne partie de notre imaginaire à propos du passé et de son
influence sur le présent.
L'engagement de préserver notre culture matérielle s'accompagne toutefois de l'obligation de s'en occuper comme il faut, et c'est là que notre système n'assume pas toujours cette obligation avec tout le sérieux voulu. Je signale notamment que nous travaillons depuis plus de 30 ans à obtenir des locaux convenables pour loger une partie de nos artefacts issus de l'aviation et des chemins de fer.
Nous courons aussi le danger d'être incapables de fournir l'espace voulu pour accommoder une croissance même modeste de ces collections. De par leur nature même, les collections muséales doivent évoluer pour continuer d'être représentatives et pertinentes. Je ne veux nullement me faire le champion d'une croissance sans frein. Si l'on m'en donnait l'occasion, je pourrais couvrir les quelque 50 hectares de l'aéroport de Rockliffe en six mois environ, mais ce serait une approche irresponsable que nous n'adopterions jamais. Il n'empêche qu'une croissance nette, ne serait-ce que minime, sera nécessaire pour loger les nouveaux artefacts ajoutés aux collections.
Je voudrais aussi traiter brièvement d'un point que mes collègues ont mentionné: les expositions itinérantes. Comme ils l'ont constaté, les expositions itinérantes sont utiles à bien des égards. Elles permettent de montrer une partie des collections nationales dans les recoins les plus éloignés du pays; d'exposer des artefacts qui, autrement, ne seraient peut-être pas à la vue du public, parce qu'on n'en a pas besoin dans les expositions permanentes de leur musée d'attache; et surtout, des expositions itinérantes aident beaucoup de petits musées aux quatre coins du pays à enrichir leurs expositions et donc à se créer une clientèle, ce qui est en fin de compte bénéfique pour l'ensemble des musées.
Nous savons que beaucoup de musées, dans notre communauté d'institutions orientées vers la technologie, n'ont tout simplement pas les moyens de faire venir des expositions itinérantes. Même si des mesures ont été prises récemment pour réduire l'un des coûts, beaucoup de nos collègues ne peuvent toujours pas se permettre d'assumer les autres coûts. En conséquence, nous avons été forcés de prendre la décision d'assumer nous-mêmes une partie du coût, lorsque nous jugeons important qu'une exposition itinérante soit vue dans diverses régions du pays.
Comme les artefacts peuvent contribuer puissamment à raconter des histoires qui ont une importance nationale, il y aurait peut-être lieu d'explorer davantage ce domaine pour voir si des initiatives utiles pourraient être prises au niveau fédéral.
Le dernier point que je voudrais aborder est celui du changement démographique et de ses répercussions sur la politique culturelle. La nature et l'ampleur du changement démographique qui se produira au Canada au cours de la prochaine génération a fait l'objet d'un débat public nourri ces dernières années. Nous devons être l'un des rares pays du monde où un tel sujet est devenu un succès de librairie. Nous sommes conscients du vieillissement de la génération d'après-guerre, de la baisse du taux de fertilité, de l'augmentation de l'espérance de vie des hommes et des femmes, de l'augmentation du nombre de familles monoparentales et de familles formées par un deuxième mariage, et des changements dans les caractéristiques des nouveaux arrivants au Canada, quant à leur origine ethnique et à leurs valeurs. Tout cela a été mentionné.
Par ailleurs, nous ne sommes que trop conscients des lacunes dans la connaissance de notre histoire, dont on a parlé tout à l'heure, et aussi, ce qui nous préoccupe particulièrement, du fait que les gens semblent avoir une aversion envers l'éducation et les carrières dans les domaines scientifiques et autres secteurs connexes. Je dis qu'il «semble» y avoir une aversion, parce que nous voyons régulièrement des exemples remarquables de gens extrêmement motivés qu'il n'est nullement nécessaire d'encourager à se lancer dans de telles carrières, mais ils ne forment pas la majorité.
Le besoin de relever le niveau général de connaissances scientifiques au Canada est critique. Compte tenu des prévisions quant aux taux de dépendance pour les 30 prochaines années, pendant les années de retraite de la génération dominante d'après-guerre, dont nous tous ici présents faisons partie, je suppose, il deviendra impératif que nous produisions le plus grand nombre possible de travailleurs du savoir pour qu'ils puissent assumer les responsabilités accrues qui seront les leurs quand ils seront appelés à s'occuper de nous. À nos yeux, les musées en général jouent un rôle important dans une stratégie d'ensemble visant à créer une population active bien instruite, et nous croyons que nos trois musées ont particulièrement le potentiel voulu pour jouer un rôle important dans les domaines des sciences et de la technologie.
• 1205
J'ajoute rapidement que même si nous continuons de consacrer
une bonne part de nos énergies aux jeunes, nous en sommes aussi
venus à la conclusion que nous ne devons pas cibler exclusivement
les jeunes. En fait, nous avons commencé à enregistrer des succès
très réels auprès des personnes âgées, qui sont tout aussi
intéressées que leurs enfants à se renseigner dans les domaines
scientifiques et technologiques.
Par conséquent, le changement démographique entraîne la croissance de marchés non traditionnels, la fragmentation des marchés traditionnels, le besoin impérieux d'encourager l'acquisition d'aptitudes et de compétences de haut niveau et une meilleure compréhension parmi la population des questions scientifiques et technologiques.
Le président: Monsieur Terry, aurez-vous terminé très bientôt?
M. Christopher Terry: Oui.
Les musées ne sont pas la seule solution. Ils sont un élément de la solution et nous avons réfléchi à la façon dont ils peuvent jouer un rôle central dans la stratégie d'ensemble visant à rehausser le niveau général du savoir dans les domaines des sciences et de la technologie.
Cette vue d'ensemble vous donne une idée des questions auxquelles nous avons réfléchi ces dernières années, de notre point de vue sur ces questions et de certaines choses que nous entrevoyons de faire nous-mêmes pour nous attaquer à ces questions à l'avenir.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Terry.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Je demanderais aux députés de choisir la personne à laquelle ils veulent poser leurs questions et je suggère que nous ayons un dialogue libre plutôt que des échanges formels.
Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier tous les représentants des musées d'être venus au comité, surtout Adrienne Clarkson, que j'ai côtoyée pendant trois semaines, et je dois lui rendre hommage, car elle n'a pas essayé de faire de lobbying. J'ai échappé à votre lobbying pendant ces trois semaines, et je vous en suis reconnaissant.
Du point de vue de l'opposition officielle, les musées jouent un rôle important dans la conservation de notre culture. Ce fait a d'ailleurs été mentionné à quelques reprises par plusieurs des intervenants.
En écoutant vos exposés, il m'a semblé qu'il en ressortait trois éléments. Le premier est bien sûr la question du financement, qui limite certaines activités que vous voudriez entreprendre. Mais j'ai été très frappé par une remarque de M. Christopher Terry, qui donne peut-être matière à réflexion.
À cause des compressions budgétaires, les musées sont devenus de plus en plus comme des entreprises et, en réagissant davantage comme des entreprises, ils répondent de plus en plus aux besoins des Canadiens, ce qui est excellent. Je félicite les musées de s'être engagés dans cette voie, qui est celle de l'avenir.
Donc, si le gouvernement a un rôle à jouer, il faut créer un juste équilibre afin que les musées ne deviennent pas dépendants du gouvernement, ce qui leur ferait perdre leur esprit d'entreprise. En dernière analyse, ce sont les compétences entrepreneuriales qui feront en sorte que les musées vont s'orienter dans la bonne voie et vont répondre aux besoins du marché.
Tous ces grands musées sont installés dans la capitale nationale, qui ne se trouve pas au centre du Canada. Le Canada est un grand pays. Depuis 20 ans que j'habite dans l'Ouest, nous n'avons pas vu beaucoup d'exemples d'expositions qui nous permettraient de voir de nos yeux les trésors nationaux. Dans vos mémoires, vous nous avez parlé des expositions itinérantes, qui visent justement à faire sortir les trésors nationaux.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.):
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Deepak Obhrai: Allons donc. Vous êtes peut-être d'Ottawa, mais cela ne veut rien dire.
Les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, veulent voir leurs trésors. Après tout, ils leur appartiennent; ils ont été payés avec l'argent des contribuables. Et ce n'est pas tout le monde qui peut se permettre de venir ici.
• 1210
Vous avez évoqué les difficultés et les coûts associés aux
voyages. Les oeuvres d'art sortent à l'extérieur et quand vous les
sortez de leur musée, le même problème se pose ici. J'affirme que
c'est un défi que vous devez relever, et nous aussi.
Nous voudrions avoir un dialogue avec vous au sujet des contraintes qui pèsent sur vous et de la façon dont nous pouvons vous aider à amener les trésors vers les Canadiens. C'est la clé; c'est très important. Vous avez tous insisté là-dessus et moi, j'insiste très fortement, parce que les musées n'ont plus de raison de se refermer sur eux-mêmes. Vous avez le site Web, la nouvelle technologie, et cela vous aide dans une certaine mesure, mais comme l'un des intervenants l'a dit, il faut le voir de ses propres yeux pour l'apprécier vraiment.
Le troisième élément—c'est ce qu'Adrienne a dit, et je pense que le comité reviendra là-dessus—est le musée dont vous avez parlé et qui se trouve en Espagne. Vous avez évoqué les sommes énormes, en dollars, qui peuvent être investies. Vous ai-je bien compris? Avez-vous dit que l'on exposerait dans ces musées des artefacts américains et rien d'autre?
Mme Adrienne Clarkson: Ce musée de Bilbao est une succursale du Musée Guggenheim de New York.
M. Deepak Obhrai: Voici ma question. Si un tel musée ouvrait ses portes dans notre coin du monde, au Canada, pourquoi moi, en tant que Canadien, voudrais-je y aller, au lieu d'aller voir mes propres musées?
Mme Adrienne Clarkson: C'est une bonne question. Quand on songe qu'en Espagne, il y a le Prado, qui est l'un des plus grands dépositaires de l'art européen... Disons pour l'instant que nous sommes en Europe et que nous parlons uniquement d'art européen. Le Prado, le Louvre et la National Gallery de Londres sont probablement les trois plus grands dépositaires de l'art européen. Pourquoi quelqu'un voudrait-il aller voir un musée qui a été construit pour être un musée américain dans lequel on expose de l'art moderne américain? Eh bien, cela s'appelle le marketing, monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai: C'est vrai que cela s'appelle le marketing, mais...
Mme Adrienne Clarkson: Du marketing entrepreneurial.
M. Deepak Obhrai: Mais vous avez le meilleur outil de marketing: l'histoire du Canada pour les Canadiens.
Mme Adrienne Clarkson: Absolument. J'affirme que c'est le cas. Mais nous devons être conscients du fait qu'il y a des gens qui pensent différemment.
Nous essayons de mettre en marché nos trésors. Nous essayons de mettre en marché ce que nous avons. Mais nous ne devons pas être aveugles et négliger le fait que d'autres personnes ont des priorités différentes. Je rappelle que le gouvernement espagnol a fourni l'argent pour construire cet immeuble que l'on a ensuite meublé d'art américain; ça peut sembler étrange, n'est-ce pas? Mais c'est bien ce qui s'est passé. Et nous en verrons de plus en plus d'exemples, parce qu'il y a un sentiment...
Si vous pouviez voir des photos montrant l'emplacement de cet immeuble dans un secteur industriel très délabré de Bilbao, vous comprendriez que c'était en partie une sorte de projet de revitalisation du centre-ville, parce que le musée est situé au beau milieu d'une gare de triage, entre un pont et une rangée d'entrepôts délabrés. On a donc présenté le projet sous un angle très attrayant aux habitants de l'endroit, à qui on a dit: «Écoutez, si vous construisez ce musée, nous verrons à y amener des centaines de milliers de touristes». Et il y vient effectivement des centaines de milliers de touristes.
George MacDonald revient tout juste de là-bas et j'y vais moi-même la semaine prochaine pour tourner une émission sur ce musée. Gehry est canadien et avait prévu ce projet de longue date; en fait, il était déjà prévu quand nous avons fait une émission sur lui il y a trois ans. Je suis donc ce dossier depuis un certain temps dans mon autre carrière, mais je verrai le musée pour la première fois la semaine prochaine. George MacDonald en revient.
M. George MacDonald (président-directeur général, Société du Musée canadien des civilisations): Je voudrais seulement mentionner le fait que ça a été tout un choc pour moi de voir le Musée Bellas Artes, qui se trouve à quelques rues seulement du nouveau musée, et qui possède l'une des plus belles collections médiévales en Espagne et même en Europe occidentale. L'immeuble était désert; tout le monde était au Musée Guggenheim. C'est un peu irritant de penser qu'en fait, c'est le bâtiment lui-même qui est l'attraction, parce qu'il est tellement radical, surtout quand on songe que, d'une certaine façon, c'est un produit canadien. L'architecte, Frank Gehry, a grandi à Toronto et c'est en grande partie dans cette ville qu'il a été formé.
Il n'y a aucun doute là-dessus. À l'intérieur du musée, on a réservé la place de choix aux artistes américains nouveaux et modernistes qui n'ont pas beaucoup été exposés en Europe.
Mais j'ai eu exactement les mêmes réactions et, quand j'ai entendu ce matin les réactions d'Adrienne à ce sujet, j'ai été frappé. En effet, j'y ai vu le même genre d'impérialisme, en un sens. C'est ce qui ressortait le plus clairement: en créant ainsi des lieux de présentation pour y mettre du contenu américain, on ne fait qu'ajouter un niveau de plus à cette saturation, cette domination dont nous sommes témoins dans l'industrie cinématographique.
• 1215
Maintenant, je pense qu'il y a des mesures que nous pouvons
prendre au Canada pour contrer le fait que les Américains ont
tellement de succès dans la mise en marché et la production de
toutes sortes de produits du divertissement et de l'information. Je
songe notamment à la mise au point au Canada de la technologie du
cinéma sur écran géant, ce qu'on appelle le cinéma IMAX, qui a
donné du travail à des cabinets d'architectes canadiens, pour la
conception des cinémas, à des compagnies de production, des
producteurs et des réalisateurs.
J'ai lu récemment dans la Gazette de Montréal un article dans lequel on précisait que James Cameron était venu assister à notre première mondiale de Titanica...
M. Deepak Obhrai: J'essaie seulement de comprendre. Est-ce vraiment une menace très importante, ou bien est-ce un défi pour vous, gens de musée?
Mme Adrienne Clarkson: Je pense que c'est les deux.
M. George MacDonald: Oui.
M. Deepak Obhrai: Oui, et peut-être que la menace n'est pas... Enfin, j'en reviens à ma question: qui va aller voir des oeuvres américaines alors que nous avons l'histoire du Canada qui nous attend?
Le président: Monsieur Obhrai, il y a encore...
M. Deepak Obhrai: Laissez-moi finir.
Le président: Pourrais-je vous redonner la parole plus tard, je voudrais seulement donner la chance aux autres?
M. Deepak Obhrai: D'accord.
[Français]
Madame St-Hilaire.
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous tous. J'ai plusieurs questions dont certaines sont très techniques. Je ne sais pas s'il est possible d'avoir les statistiques des dernières années au sujet de la fréquentation et de la clientèle de vos musées. Y a-t-il eu une augmentation ou une diminution? Comment vous adaptez-vous à cette clientèle?
M. Pierre Théberge: Vous parlez du Musée des beaux-arts?
Mme Caroline St-Hilaire: Oui, ou de n'importe lequel autre musée. J'aimerais savoir comment cela évolue.
M. Pierre Théberge: Vous voulez les statistiques de fréquentation?
Mme Caroline St-Hilaire: Oui.
M. Pierre Théberge: Je vais demander à mon collègue M. Dagenais, qui est sous-directeur du musée, de parler de la fréquentation de notre musée.
M. Yves Dagenais (sous-directeur, Musée des beaux-arts du Canada): Au cours de l'année qui s'est terminée le 31 mars 1998, nous avons accueilli au musée 772 000 visiteurs, évidemment grâce à l'exposition Renoir entre autres. On peut comparer ce chiffre à celui de l'année précédente, qui était de 493 000. C'est une augmentation fort appréciable.
S'ajoutent également à ce chiffre les visiteurs des expositions itinérantes, c'est-à-dire les expositions que nous envoyons à travers le pays. On compte près de 500 000 visiteurs en plus des 772 000 précédents.
Mme Caroline St-Hilaire: Est-ce que c'est dû principalement à l'exposition Renoir?
M. Yves Dagenais: Non, les 500 000 visiteurs dont je viens de parler sont ceux qui visitent les expositions qui voyagent à travers le pays. Cela n'a pas vraiment à voir avec l'exposition Renoir.
M. Pierre Théberge: Pour l'exposition Renoir simplement, il y a eu 350 000 visiteurs.
Mme Caroline St-Hilaire: Vous avez connu une augmentation quand même.
M. Pierre Théberge: Énorme.
Mme Caroline St-Hilaire: Comment pensez-vous que le gouvernement fédéral puisse vous aider à continuer cette augmentation? Comment le gouvernement fédéral peut-il vous aider à augmenter l'accès à vos collections?
M. Pierre Théberge: Je ne veux pas être trop spécifique quand je parle d'expositions itinérantes. Il est certain que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle plus important dans les programmes du ministère du Patrimoine canadien. Il y a eu des réductions très graves qui ont fait que les musées—M. Terry en a parlé aussi—ne sont plus en mesure de recevoir nos expositions parce qu'ils ont moins de moyens.
S'il y avait un accroissement, même très modeste, des fonds affectés à la réception des expositions itinérantes à travers le pays, cela aiderait énormément tous les musées, y compris le nôtre. En effet, nos clients seraient plus aptes à recevoir ce qu'on leur offre. On ne vous demande pas d'augmentation pour nos programmes à nous, mais il faudrait que l'argent affecté à la circulation des programmes augmente. Je parle aussi pour mes collègues. Je pense que la même question se pose à tout le monde. M. Terry en a parlé aussi.
Mme Caroline St-Hilaire: J'aurais une autre petite question. J'aimerais savoir comment vous faites pour déterminer vos choix de collections. Sur quoi vous basez-vous? Est-ce que vous faites des études?
M. Pierre Théberge: C'est à partir de nos collections, principalement nos collections d'art canadien et d'art européen. On a aussi une collection d'art inuit et une petite collection d'art asiatique. On se base sur les sondages que font nos collègues dans les autres musées. On leur demande ce qu'ils aimeraient voir et ce qu'ils aimeraient préparer. Il y a un dialogue constant. Il n'y a pas de forum officiel. Les directeurs de musées se rencontrent, tout comme les conservateurs de musées. Notre personnel circule beaucoup dans le pays et un consensus se bâtit. On essaie de voir ce qu'ils aimeraient avoir au cours des prochaines années.
Mme Caroline St-Hilaire: Vous parlez de subventions du gouvernement fédéral. Dans vos recettes, quel est le pourcentage de subventions du gouvernement fédéral et quel est le pourcentage de dons?
M. Pierre Théberge: M. Dagenais pourrait en parler.
M. Yves Dagenais: Encore une fois, il faut en parler pour une année spécifique. Pour l'année qui vient de se terminer, le ratio est d'environ 70-30; c'est-à-dire que nous avons généré, en revenus bruts, presque 30 p. 100 de nos besoins totaux en ressources, ce qui est passablement élevé.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser ma première question à Mme Clarkson. Cela m'ennuie d'entendre des députés discuter de notre patrimoine comme s'il s'agissait d'un produit dont les entrepreneurs ou le secteur privé peuvent tirer profit. Je ne suis pas d'accord avec cela. Il y a à mon avis des façons de faire participer le secteur privé et les entrepreneurs, qui peuvent apporter leur aide, mais ce n'est pas nécessairement quelque chose dont ils peuvent simplement tirer profit ou qu'ils peuvent exploiter commercialement.
Vous nous avez brossé des scénarios assez effrayants, et j'en reconnais le bien-fondé. À mon avis, tout cela peut se ramener à la façon dont un gouvernement établit des priorités pour ce qui est de son histoire ou de sa culture ou quoi que ce soit. Je me demande si vous pourriez nous faire des suggestions quant aux mesures que nous pourrions prendre pour nous protéger contre ces scénarios inévitables. J'aurais aussi deux autres questions à poser, après quoi on pourra y répondre successivement.
Mon autre question s'adresse à Pierre Théberge. Vous avez évoqué l'importance des expositions itinérantes et je suis tout à fait d'accord avec vous. Je me demande si cela fait partie de votre mandat, à propos de ces expositions itinérantes, peut-être surtout les plus petites, d'aller dans les régions rurales. Je veux dire par là que quand vous allez à Vancouver ou à Halifax, faites-vous également un effort pour aller dans de petites villes, par exemple dans des régions comme ma circonscription dans le centre de l'Ontario, où il n'y a pas de grandes villes et où l'on a peut-être moins accès à l'expérience culturelle que dans des endroits comme Toronto, Ottawa, Vancouver ou Calgary?
Ma dernière question s'adresse à Mme DiCosimo. Vous avez évoqué le manque de fonds et vous avez dit que le gouvernement pourrait mieux appuyer ou encourager les sources alternatives de financement, que ce soit par la fiscalité, les allégements fiscaux, les partenariats, etc. Avez-vous des recommandations précises quant à la façon dont le gouvernement pourrait s'y prendre?
Peut-être Mme Clarkson pourrait-elle commencer.
Mme Adrienne Clarkson: Oui, monsieur Bonwick, j'ai effectivement une recommandation très précise quant à ce que le gouvernement pourrait faire à mon avis relativement à cette possibilité que notre patrimoine puisse être subitement acheté par quelqu'un, je veux dire les images ou tout au moins le droit d'utiliser les images.
Je vais vous donner un exemple précis à propos d'un dossier que je connais très bien, celui des archives télévisuelles de la Société Radio-Canada, plus précisément du réseau anglais depuis 1951. Bien des gens nous demandent pourquoi nous n'utilisons pas toutes ces archives pour les rediffuser en reprise. L'une des raisons qui nous en empêche est qu'il y a des droits à payer. Quand on a réalisé l'émission au départ, disons par exemple en 1962, on a filmé la production du Lac des cygnes par le Ballet national, accompagné de l'orchestre du Ballet national, le tout filmé au O'Keefe Centre, avec Veronica Tennant et Rudolf Noureyev. À ce moment-là, étant donné les contrats conclus avec les syndicats, soit le syndicat IATSE et le syndicat des musiciens AFM, et aussi avec les propriétaires des droits de la production, la direction, etc., nous avions négocié un contrat nous autorisant à diffuser l'émission au réseau de télévision en langue anglaise et peut-être de l'exporter ailleurs dans le monde, le tout permettant cinq ou six diffusions, au maximum.
Nous avons donc payé un certain montant pour cela à ce moment-là. Si nous voulons rediffuser l'émission aujourd'hui, même 30 ans plus tard, il faut renégocier le tout avec les divers intervenants. La SRC a toujours refusé d'envisager pareils coûts. Elle l'a fait récemment pour La belle au bois dormant, mais on entend toujours dire que c'est impossible de rediffuser ces vieilles émissions à cause du coût.
Je pense que l'on pourrait mettre sur pied une sorte de fonds de protection du patrimoine qui étudierait les demandes au cas par cas ou bien secteur par secteur, selon ce que nous voulons protéger. Disons par exemple que nous voulons protéger la totalité des films de l'Office national du film. Nous voulons acheter les droits mondiaux pour tous ces films, à perpétuité, nous permettant de les projeter n'importe où par n'importe quel médium de communication.
• 1225
Je ne pense pas qu'il faudrait nécessairement des milliards
pour y arriver. Ce ne serait certainement pas trop coûteux si l'on
procédait par autorisation de dépenses au fur et à mesure, année
après année. L'existence même de ce mécanisme ferait que tout cet
avoir ne serait plus vulnérable et ne serait plus menacé d'être
racheté par les Ted Turner ou les Microsoft de ce monde.
À mon avis, si l'on décidait de créer un tel fonds nous permettant de protéger tout ce patrimoine, ce serait très valable. C'est une mesure concrète que l'on pourrait prendre, parce qu'une chose est certaine, c'est que la SRC, du moins dans l'actuelle phase de compressions budgétaires—qui semble maintenant terminée, d'après un courrier que j'ai reçu récemment—, n'envisagerait jamais d'injecter de l'argent dans le rachat des droits de vieilles émissions tirées de ses archives.
En fait, les archives d'un réseau de télévision comme le nôtre, qui a été le seul réseau pendant des années, ou encore les trois millions d'objets du Musée des civilisations ou bien tous les tableaux que nous avons au Musée des beaux-arts, tout cela est pour nous, comme peuple, d'une valeur presque incalculable. Par conséquent, si nous procédons graduellement, en mettant en place un fonds de protection du patrimoine, je pense que nous arriverons à protéger ces images et à les empêcher de se retrouver dans la banque de quelqu'un d'autre. Et je ne crois pas que cela coûterait tellement cher, monsieur Bonwick.
M. George MacDonald: Pourrais-je répondre aussi à cette question, monsieur Bonwick?
Le président: Brièvement.
M. George MacDonald: Il faut en effet que les expositions fassent halte dans les petites villes et je sais que c'est une préoccupation que mes collègues et moi avons. Ce que nous essayons de faire, c'est de mettre sur pied des expositions de diverses tailles, des grandes, des moyennes et d'autres plus petites qui ont chacune leur marché. Mais c'est un problème de plus en plus épineux parce qu'il y a un certain nombre d'années, nous avions un service de transport des musées nationaux qui aidait à subventionner le déplacement des collections d'un bout à l'autre du pays. Cela n'existe plus. Les petits musées doivent maintenant payer le plein prix du transport, pour ainsi dire. Pour compenser la perte de ces 36 p. 100, dont nous pouvions tous bénéficier, nous devons maintenant faire payer des droits aux usagers et beaucoup de petits musées ne peuvent pas se permettre d'imposer de tels droits. Je pense que la suppression d'un certain nombre d'avantages a introduit un élément de discrimination à l'égard des petits musées.
L'indemnisation, que nous avons déjà évoquée, en est un autre. Il semble qu'on soit maintenant en train de rétablir cet avantage, mais il faut une approche comportant au moins trois ou quatre volets, afin que le gouvernement puisse aider à faire en sorte que ces expositions aillent dans les petites villes, mais aussi pour nous inciter à décentraliser nos activités.
Par exemple, nous avons confié plus de 500 objets de notre collection d'art autochtone à un musée de Thunder Bay où ils sont exposés depuis maintenant 20 ans et nous nous apprêtons justement à les remplacer par de nouveaux articles. Par conséquent, la décentralisation des collections existe déjà depuis un certain temps, mais il est certain que ce mouvement pourrait s'accélérer et nous sommes tout à fait disposés à cet égard.
Un dernier point au sujet des premières nations. Il s'exerce actuellement de fortes pressions pour qu'elles récupèrent une partie des collections d'artefacts autochtones et, chose certaine, mon musée s'affaire actuellement à établir quelles collections peuvent être redéployées dans d'autres régions du pays. Dans la plupart des cas, il s'agit de toutes petites localités.
Le président: Merci.
[Français]
Le président: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Pierre Théberge: Il a répondu à la question, je pense. Si le comité veut avoir la liste des expositions itinérantes que nous avons faites depuis cinq ans dans tous les lieux, nous pouvons vous la fournir. Il y a aussi le Musée canadien de la photographie qui fait beaucoup d'expositions dans les centres plus petits. Une partie de nos collections peuvent aussi être distribuées.
[Traduction]
Je pourrais peut-être vous faire parvenir les renseignements pertinents.
[Français]
Le président: Si vous pouvez envoyer tout cela au greffier, on va le distribuer aux membres du comité. Merci.
[Traduction]
Madame DiCosimo.
Mme Joanne DiCosimo: Je vais commencer moi aussi par vous parler des expositions, ce qui m'amènera ensuite à parler de la question du financement que vous avez soulevée.
Je sais que vous avez rencontré un certain nombre de nos collègues d'un peu partout au pays et vous savez donc, pour nous en avoir entendu parler, quelle est l'importance du programme d'aide aux musées à l'échelle nationale. Dans ce contexte, je voudrais signaler que les musées représentés ici reçoivent des expositions et ne se contentent pas de les créer. Les trésors de notre pays sont disséminés d'un bout à l'autre du Canada. Ils ne sont pas tous ici. Un élément tout aussi important d'un solide programme d'aide aux institutions nationales est l'appui accordé à l'ensemble de la communauté muséale, partout au Canada, afin que nous puissions partager cet important patrimoine.
Au sujet du financement, le président du conseil de notre musée a vécu une expérience très intéressante. En voyant les membres d'Équipe Canada partir pour l'Amérique du Sud, nous nous demandions dans quelle mesure on ferait la promotion du patrimoine et de l'industrie culturelle. Nous nous interrogions sur les possibilités qui pourraient exister quant à une aide fédérale, vu le rapetissement de notre société et l'importance croissante de l'interaction mondiale pour nous tous, quoiqu'il soit impossible à quiconque d'entre nous d'en bénéficier individuellement, étant donné nos propres ressources. Je sais que certains de mes collègues de la communauté scientifique y ont participé. Compte tenu de ce que j'ai dit au sujet de la culture scientifique, je trouve que c'est tout à fait pertinent.
• 1230
J'ai ici une brève liste d'autres manières d'aider les musées,
par exemple l'aide pour la création de fonds de dotation pouvant
servir à diverses fins dans notre institution. Ces fonds
représentent un investissement ponctuel que les institutions ont
ensuite le loisir d'utiliser en fonction des besoins, mais qui
aident à rompre la dépendance envers le gouvernement à long terme.
Je sais qu'on vous a également parlé des allégements fiscaux et l'on pourrait envisager de rendre déductibles les frais d'adhésion à des organisations muséales. Il y a aussi le bénévolat, les dons à nos institutions—la liste est beaucoup plus longue, mais j'espère que cela répond à votre question, monsieur Bonwick.
Le président: Madame Clarkson, vous vouliez intervenir brièvement.
Mme Adrienne Clarkson: Je voulais seulement dire un mot au sujet de la présence au sein d'Équipe Canada de représentants des domaines des sciences, de la nature ou de la culture. Récemment, le gouverneur général du Canada a fait une visite officielle en Inde et au Pakistan et c'est là que j'ai rencontré M. Obhrai. Nous faisions partie de la délégation. J'étais l'une des trois personnes de ce groupe représentant le secteur culturel. C'était la première fois que cela se faisait à l'occasion d'une visite du gouverneur général.
Je dirais que la mission a été couronnée de succès, parce que pendant qu'il accomplissait des fonctions protocolaires de chef d'État, nous avions de notre côté notre groupe parlementaire, dont M. Obhrai faisait partie. Nous avions aussi le groupe culturel et chacun vaquait à ses occupations séparément, tout en bénéficiant de la publicité générale qu'a reçue le Canada à cette occasion. Nous avons eu une très bonne presse. Nous sommes allés dans des universités et nous avons fait des exposés sur notre culture devant divers groupes culturels. Les membres du groupe avaient été très bien choisis et le tout était fort valable. Tous les participants ont estimé que cela en valait la peine et qu'il y avait lieu de poursuivre avec Équipe Canada.
Je trouve qu'il faudrait encourager les initiatives de ce genre, car le Canada n'est pas homogène. Nous sommes un pays très complexe et il est fort intéressant de transmettre au monde entier de tels messages comportant de multiples volets.
Le président: Merci beaucoup, madame Clarkson.
Monsieur Godfrey, suivi de MM. Saada et Bélanger.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je suppose que l'un des défis pour le comité est d'imaginer où il en sera durant les mois de novembre et de décembre, alors qu'il s'efforcera de tirer quelque chose de cohérent des divers intervenants, groupes et secteurs que nous avons entendus. La difficulté, chaque fois que nous rencontrons ce que l'on pourrait appeler un autre écosystème culturel, c'est d'essayer de prendre du recul et de se dire, bon, qu'est-ce qu'on est en train de nous dire? Dans quelle mesure ce secteur réclame-t-il des changements radicaux, par rapport à d'autres secteurs, comme celui de la distribution de films, où les changements sont vraiment radicaux?
Je vais faire deux ou trois observations et poser une question. Il y a d'abord un thème général qui revient, c'est que les gens souhaitent la continuité, surtout en ce qui a trait au financement. Évidemment, on voudrait plus d'argent, mais surtout que les fonds continuent à rentrer. On suggère certaines retouches, notamment au régime fiscal, ce que nous avons d'ailleurs déjà commencé à faire. Mais je n'entends personne réclamer quoi que ce soit de radical, sinon qu'on en veut «plus», ce qui d'ailleurs n'est pas un thème réservé exclusivement aux témoins d'aujourd'hui.
Le deuxième thème que nous a communiqué ce groupe, mais aussi les groupes des arts de la scène, c'est celui du rétablissement de la politique des tournées, que cela s'applique aux groupes d'arts de la scène d'un bout à l'autre du pays, aux arts graphiques, aux auteurs ou aux expositions itinérantes. Je pense que je vais donner suite aux propos de M. Obhrai qui veut que l'on sorte d'Ottawa concrètement et non pas simplement virtuellement.
Il y a un thème qui émerge et que notre groupe voudra examiner, c'est celui du rétablissement des fonds pour les expositions itinérantes, avec un sous-thème de l'indemnisation qui est une façon bien concrète d'aider à la fois les expositions nationales et les expositions internationales. C'est peut-être la contribution la plus importante que puisse faire notre comité, parce que c'est un thème qui recoupe tous les secteurs, mais ce n'est pas nouveau, parce que nous avions coutume de le faire. Rappelez-vous les divers bureaux du Conseil des arts qui en faisaient la promotion.
• 1235
Le troisième thème, dont nous avons vraiment entendu parler
aujourd'hui pour la première fois de la bouche de Mme Clarkson,
concerne la protection de notre patrimoine contre les nouvelles
forces de la technologie et de la mondialisation. En fait, on a
identifié deux sous-thèmes. Le premier pourrait être qualifié de
thème de Bilbao, et cela semble être un cas très spécial. Je vais
demander aux membres du groupe s'ils entrevoient la possibilité
qu'une opération comme celle menée par le Musée Guggenheim ait lieu
où que ce soit au Canada. En voit-on des signes se manifester
quelque part à l'horizon?
L'autre thème auquel on a fait allusion est celui de Microsoft, qui a été mis en relief par la mort récente de M. Bettmann, le créateur des Archives Bettmann, qui a vendu intégralement sa collection de photographies à une filiale de Microsoft.
La question que je pose aux autres membres du groupe porte en fait sur le troisième thème, car à mon avis, les deux premiers ont été traités abondamment. Voyez-vous quelque part au Canada une menace quelconque se profiler à l'horizon, pour ce qui est d'une opération comme celle du Musée Guggenheim à Bilbao? Peut-être plus précisément au sujet de la conservation de notre patrimoine, M. Terry a fait allusion aux banques d'images qu'il possède. Que pensent les autres de cette menace et sont-ils d'avis que la solution suggérée par Mme Clarkson, celle d'une sorte de fonds de protection du patrimoine, est valable?
Je pose la question à M. Théberge et à M. Terry.
M. Pierre Théberge: Si vous parlez de la menace Guggenheim, je vous répondrai par une boutade. Et si le Musée des beaux-arts ouvrait une succursale en Alberta ou en Colombie-Britannique? Les Espagnols ont dépensé 100 millions de dollars US. Je trouve que c'est fantastique de dépenser une somme pareille pour un musée. La situation va évoluer. Mais je pense que vous pouvez voir le cas Guggenheim sous un autre angle: la volonté d'un pays de se doter d'une grande institution et de prendre sa place sur la scène mondiale en embauchant le plus grand architecte et en faisant venir une collection fantastique. Si l'on met de côté l'aspect impérialisme du dossier, je trouve qu'en soi, c'est un moment excitant de notre époque. Si, au Canada, le Musée des beaux-arts ou le Musée des civilisations inaugurait dans une autre ville un magnifique immeuble, on parlerait peut-être de la menace d'Ottawa. Je vous présente cela de façon quelque peu facétieuse.
Comme Mme Clarkson l'a dit, il existe une menace pour ce qui est de la possibilité de s'emparer technologiquement des droits, et autres choses du genre, et sa suggestion est très raisonnable pour assurer la protection du patrimoine. Nous devrions vraiment envisager d'établir un mécanisme de financement quelconque pour le protéger.
À part cela, vous avez mentionné le besoin d'assurer une plus grande circulation et de partager les ressources d'un bout à l'autre du pays. Il y a unanimité là-dessus. Dans le monde des arts, tous vous en diront autant. Il y a eu à Banff, il y a environ un mois et demi, un sommet culturel et tous les participants, des arts de la scène, du théâtre, de l'opéra et des arts visuels, ont convenu de l'absolue nécessité de s'engager dans cette voie. Le partage est un dossier tout à fait d'actualité.
Le président: Monsieur Ling.
M. Frank Ling: Je voudrais seulement ajouter quelques mots sur ce thème. Je me rappelle qu'il y a deux ans, quand nous avons fait une présentation devant ce comité, j'ai utilisé le mot «crise», qui en chinois comporte à la fois la notion de danger ou de menace et la notion d'«occasion». Je voudrais donc aborder cette soi-disant menace comme étant seulement un aspect de l'équation, c'est-à-dire que notre approche n'en est pas une de colonisation ou d'impérialisme, mais plutôt de partenariat, ce qui correspond aux valeurs des Canadiens.
Autrement dit, au lieu d'un fonds qui serait uniquement consacré au protectionnisme, je verrais plutôt une approche plus générale visant à faire notre promotion en tant que partenaires sur la scène internationale. Merci.
Le président: Monsieur MacDonald.
M. George MacDonald: Je voudrais seulement dire que je ne pense pas que nous verrons chez nous la répétition de la formule de Bilbao, parce qu'elle représente la colonisation de l'Europe, région non colonisée, par les États-Unis, du point de vue de la culture d'élite. Nous, par contre, sommes déjà colonisés. Les Américains ne vont pas adopter tout à fait la même approche ici en nous prêtant leurs collections sur une base permanente. Mais nous en voyons déjà la manifestation dans le cadre des productions et des expositions qui sont souvent offertes ici comme parties intégrantes d'un ensemble, tout comme pour les médias. En fait, je pense qu'Adrienne et moi revenons sans cesse aux médias parce que la colonisation dont nous avons été témoins dans les médias est maintenant en train de se répandre dans les musées. Les musées se situent à une extrémité du spectre des médias. Nous diffusons des messages à notre public et nous voyons maintenant dans les musées se répandre le phénomène du groupage que nous avons déjà vu dans le cas des émissions de télévision, des films, avec le blocage des écrans.
• 1240
Jetez un coup d'oeil aux grandes expositions, vous verrez que
même l'exposition Picasso émane du Musée des arts modernes.
M. Pierre Théberge:
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. George MacDonald: Mais c'est le groupage des expositions par les Américains—et non pas le contenu, en l'occurrence—le fait qu'ils peuvent souvent présenter en groupe des expositions qui coûtent beaucoup moins cher que les expositions que l'on pourrait produire au Canada. La plupart des expositions qui se veulent compétitives dans le haut de gamme coûtent dans les 5 millions de dollars, et il n'y a pas beaucoup de musées canadiens qui peuvent rassembler autant d'argent. Le processus commence donc à la base.
Mais c'est également virtuel, et maintenant que les fournisseurs de services Internet et les moteurs de recherche sont présentés dans un emballage de plus en plus attrayant par des groupes commerciaux, ils commencent aussi à s'emparer des actifs électroniques et à y diffuser leurs propres messages et des messages dérivés. Ils sont très professionnels pour ce qui est de mettre en forme ces services. Même sur le Web, les Américains ont des sites très excitants. Ils les offrent gratuitement, à l'intention des touristes et de tout le monde et ils installent des liens pour aller à une institution comme un musée national.
Mais avant longtemps... Nous en avons déjà des indices, et l'affaire a d'ailleurs été très bien présentée la semaine dernière par le directeur de la Art Gallery of Ontario. Les musées et autres institutions culturelles ont toujours été très verticaux, isolés dans leur organisation, dans le passé, mais pour faire face à ce courant...et en un sens, c'est une menace et peut-être aussi, comme M. Ling le dit, une occasion. L'occasion qui se présente aux musées, c'est d'établir des réseaux horizontaux afin de pouvoir créer des liens et de partager leurs collections plus efficacement. C'est à ce niveau, je pense, que le gouvernement fédéral peut, au moyen de divers mécanismes que l'on a suggérés ici, devenir encore plus efficace pour ce qui est de faire en sorte que la totalité du patrimoine culturel canadien puisse être diffusée dans l'ensemble du Canada, à la fois virtuellement et dans le cadre d'expositions concrètes.
Le président: M. Saada, et ensuite M. Bélanger.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Je voudrais tout d'abord remercier Mme Clarkson, qui a déploré de ne plus avoir l'occasion de nous rencontrer. En effet, dans toute la série des inconvénients qu'elle notait, à savoir la présence de plus en plus grande des Américains et l'Accord multilatéral sur l'investissement, elle disait que le pire, c'était de ne plus avoir l'occasion de nous rencontrer. Cela me fait très plaisir et je vous en remercie.
L'une des questions qui n'ont pas été abordées a trait à ce qui se passe dans les écoles. M. Terry a parlé du réseau Rescol et du partenariat avec Industrie Canada, mais on n'a pas abordé la question de l'utilisation des écoles comme tremplins pour la visibilité de nos produits muséaux. Permettez-moi de vous expliquer très brièvement comment les choses se passent dans une école. Dans une salle de classe, si on a de la chance, on a un ordinateur. Quand on est très très chanceux, dans une zone extrêmement favorisée, on en a deux, peut-être trois, mais c'est tout.
Par conséquent, le fait d'avoir accès à vos musées par Internet est un avantage, mais un avantage extrêmement limité. Je fais allusion à vos préoccupations en matière de connaissances historiques ou de manque de connaissances historiques. Cela s'applique aussi dans le domaine scientifique. Il semble qu'il y ait un lien qui ne se fait pas. Autrement dit, il me semble qu'il y a une espèce d'utilisation passive de l'accès à vos produits, car il y manque tout le soutien, par exemple des activités ludiques, des jeux, des cahiers d'exercice, enfin tout un matériel, toute une programmation qui peut se construire et qui va non seulement mobiliser deux ou trois enfants à la fois autour d'un ordinateur mais aussi se traduire par une activité beaucoup plus large. Je crois que c'est ça, le but pédagogique que vous visez.
Est-ce qu'il y a eu des démarches auprès des ministères de l'Éducation des provinces, auprès des commissions scolaires, des écoles ou des universités pour faire en sorte de développer un peu ces produits de soutien qui vont donner l'élan à ce que vous avez à présenter chez vous au grand public?
• 1245
Je ne parle pas seulement du public des grandes
villes. Cela vous aiderait aussi à régler une partie du
problème d'accessibilité dans les régions éloignées.
La question s'adresse à ceux qui
veulent y répondre.
Le président: Monsieur Théberge.
M. Pierre Théberge: Il y a déjà, dans les musées locaux du pays, des programmes éducatifs. Il y a des services éducatifs qui travaillent avec les commissions scolaires, avec toute la population locale, avec les institutions locales. Il est évident que les institutions nationales peuvent aider, mais les initiatives sont souvent venues des musées et du développement de leur service éducatif.
M. Jacques Saada: Dois-je comprendre qu'il s'agit d'activités ponctuelles parce qu'il se trouve que le musée sur place a décidé d'établir des relations avec une commission scolaire, que ce n'est pas un système?
M. Pierre Théberge: Il n'y a pas de système national.
M. Jacques Saada: Très bien.
[Traduction]
Le président: Monsieur Terry.
M. Christopher Terry: Dans notre cas, nous avons tenté de ne pas reprendre le programme scolaire, mais plutôt de bâtir à même l'expérience que nous avons dans la mise au point de programmes destinés aux jeunes dans les musées eux-mêmes, dans le but de donner aux enseignants du matériel didactique qui les aiderait à démontrer les principes fondamentaux qui sont la base de l'enseignement qu'ils dispensent aux enfants dans le cadre du programme scolaire.
Nous nous voyons donc comme un complément, en un sens, et non pas comme partie intégrante du processus d'élaboration du programme scolaire. Ce n'est pas notre fonction.
Nous avons eu un certain succès pour ce qui est d'utiliser le réseau Internet pour présenter à l'extérieur de nos musées proprement dits des éléments que les gens viennent apprécier dans les musées eux-mêmes.
M. George MacDonald: Je voudrais faire une très brève observation qui fait suite, je pense, aux propos de Chris.
Il ressort de nos discussions avec diverses autorités du monde de l'éducation d'un bout à l'autre du pays que les enseignants sont à la recherche de matériel de base, mais ils veulent l'avoir sous forme numérique et accessible. Ce qu'ils veulent, c'est de pouvoir travailler avec leurs élèves pour mettre au point un exposé historique ou sur une autre matière sans que le tout soit préconditionné par le personnel du musée ou par d'autres. Ce qu'ils veulent, c'est la matière première et la possibilité d'y avoir accès, en particulier les documents visuels.
C'est ce que nous entendons de la part des enseignants qui nous disent: vous avez dans les trésors nationaux et les collections des documents intéressants et nous voulons avoir accès à cette matière première. Dans notre musée, et je pense que c'est la même chose dans la plupart des autres institutions nationales, nous avons fait un bon bout de chemin vers la numérisation complète de nos collections. Nous sommes préparés.
Ce qui est davantage problématique, dans l'ensemble du pays, c'est que les musées de tailles moyenne et petite n'ont pas encore été capables d'inscrire leurs collections dans la gigantesque base de données qui est en train de se constituer et que les enseignants utilisent.
Récemment, le directeur de l'enseignement à distance de l'Ontario est venu nous rencontrer pour nous dire que 120 000 enseignants sont actuellement en ligne en Ontario et que 30 000 d'entre eux utilisent très régulièrement l'Internet. Ils y puisent de la documentation. Si l'on reporte cela à l'échelle du pays, cela donne des dizaines de milliers d'enseignants qui consultent déjà régulièrement les bases de données des archives nationales, etc.
Je pense donc que le processus de numérisation, même s'il est peut-être un peu lent, est en bonne voie et que les institutions fédérales auront un jour ou l'autre numérisé la totalité de leur actif. Le problème se pose plutôt du côté des musées et des archives d'ailleurs au pays qui ne sont pas encore intégrés au système destiné à bâtir la «super base de données» du patrimoine et de l'art canadiens.
[Français]
Le président: Monsieur Saada, je vous demanderais d'être bref parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps.
M. Jacques Saada: Puisqu'on n'a pas beaucoup de temps, je préfère laisser à d'autres la possibilité de continuer.
Le président: Je vais essayer de vous redonner la parole s'il nous reste du temps.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'aurais quelques observations à faire. Premièrement, je suis ravi d'apprendre en écoutant nos invités que la situation est relativement bonne dans nos institutions. Il y a eu certains changements. Par exemple, au Musée de la nature, il y a eu l'arrivée d'un nouveau président du conseil et d'une nouvelle présidente et directrice générale. On a le sentiment que tout fonctionne harmonieusement. On a également le sentiment que les frictions qui sont apparues dernièrement entre le Musée des civilisations et le Musée canadien de la guerre s'aplanissent et que tout baignera dans l'huile.
[Français]
Les choses vont très bien au Musée des beaux-arts.
[Traduction]
On a l'impression qu'en dépit de quelques années d'austérité, nos musées ont survécu et s'en sortent généralement en bon état. Je veux remercier et féliciter les gens qui dirigent nos musées d'avoir rendu cela possible.
J'ai deux ou trois autres observations à faire.
Je comprends le désir, la volonté de faire circuler nos collections d'un bout à l'autre du pays et je suis certainement en faveur de cela, mais je crois également qu'il est très important que les Canadiens visitent leur capitale. C'est pourquoi ces institutions se trouvent ici et nous ne devrions pas l'oublier. C'est valable dans les deux sens, parce que si nous voulons aider les Canadiens à acquérir un sentiment d'identité et d'appartenance à une nation, un séjour dans la capitale du pays est certainement un élément important de ce processus. À titre de député représentant cette région au Parlement, ayant le privilège de compter trois grands musées dans ma circonscription, je ne peux pas oublier l'importance de cet aspect.
Madame Clarkson, je crois que vos préoccupations sont réelles, je veux dire la menace que nos collections soient rachetées. Et ce n'est pas seulement dans le domaine de la culture ou du patrimoine. Il y a des exemples d'entreprises multinationales, pas nécessairement américaines seulement, qui achètent actuellement la biodiversité, pour enrichir leur génome, parce qu'il y a là-dedans une source incroyable de richesse. La ruée vers l'or d'aujourd'hui est l'extraction du génome et les gens s'empressent de délimiter leur territoire et pour des sommes minimes—des millions, mais ce sont des sommes relativement minimes—ils achètent la totalité du génome et de la biodiversité contenus dans les collections entreposées dans leurs musées. C'est un phénomène qui est bien réel et qui peut tout aussi bien s'appliquer à notre culture et à notre patrimoine. Je pense que nous devons être vigilants à cet égard.
L'un des principes que nous voudrons peut-être énoncer dans notre politique culturelle proposée est en fait celui de la propriété publique. Je ne m'inquiète pas nécessairement des Américains seulement. Je ne suis peut-être pas aussi sensible que d'autres à l'argument de l'impérialisme, parce que je ne pense pas que ce soient nécessairement des entreprises américaines qui soient en cause. Il y a beaucoup d'autres entreprises multinationales que les américaines. Elles acquièrent une citoyenneté qui leur est propre.
C'est donc une préoccupation et je pense que nous devons nous pencher sur la question de la propriété. Et si nous ne pouvons pas nécessairement libérer tout l'argent nécessaire pour faire ce que vous proposez, il y aurait peut-être un moyen législatif de protéger tout cet avoir et d'interdire la propriété de certains éléments ou du moins de protéger les droits de reproduction ou les droits de diffusion, etc. Je pense donc que nous devons aborder cet aspect dans notre politique.
[Français]
Je veux revenir à la question de l'assainissement des finances publiques. Cela a été difficile, c'est vrai. Tout le monde a dû se serrer la ceinture et les institutions culturelles, elles aussi, ont dû faire leur part. Je vous affirme cependant que cet exercice a eu des avantages. Cela a forcé certaines institutions à se diriger vers d'autres sources de revenu. M. Dagenais disait, par exemple, que les revenus du Musée des beaux-arts étaient rendus à 30 p. 100. J'ose croire que c'est une progression et non pas une baisse. Il y a quelques années, ce n'était certainement pas 30 p. 100.
Dans les institutions qui sont représentées aujourd'hui, il y a un élément de permanence que l'on ne retrouve pas nécessairement dans d'autres éléments culturels. Par conséquent, le financement pourrait prendre cette même allure de permanence. Je voudrais parler particulièrement de la notion de capital, de fondation. Avec un plan de 10 à 20 ans, d'une génération ou deux, pourrait-on en arriver à viser l'autonomie financière totale de nos institutions en bâtissant, sur 25 ans s'il le faut, un capital suffisant pour assurer l'indépendance financière totale de ces institutions-là? Est-ce un objectif que vous croyez qu'on devrait envisager et, si oui, est-ce que vous seriez prêts à mettre l'énergie nécessaire pour établir un plan à long terme qui permettrait d'établir cette indépendance financière permanente?
Mme Adrienne Clarkson: Mais d'où viendrait cette allocation?
M. Mauril Bélanger: Elle pourrait venir en partie des gouvernements. Si on dit qu'on a besoin de tel montant d'argent pour que le Musée des civilisations puisse vraiment avoir son indépendance financière, si on le divise par 25 ans et que, pendant ce temps, on met chaque année 1/25 de ce montant, c'est fait au bout de 25 ans.
Mme Adrienne Clarkson: Personnellement, je trouve que c'est une très bonne solution, si vous pouvez la faire accepter.
M. Mauril Bélanger: Il faudrait que ça vienne de quelque part.
Le président: Est-ce qu'on peut avoir des commentaires brièvement?
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Il nous reste cinq minutes.
M. Pierre Théberge: Il faut énormément de capital. Le Metropolitan Museum a un fonds de dotation de plusieurs centaines de millions de dollars et le Musée d'art moderne de New York a 100 millions de dollars ou plus, et ils font des campagnes énormes de levée de fonds chaque année. Il est certain que la réalité canadienne est différente. Quand nos collègues du Musée de Montréal et d'autres musées procèdent à des levées de fonds, ils vont chercher des montants de 20 à 30 millions de dollars. Ils n'amassent pas des centaines de millions de dollars. Idéalement, je pense que c'est possible, mais il va falloir être très attentif aux réalités économiques du pays. On n'est pas dans la même situation économique que les Américains. Aux États-Unis, les grandes institutions muséales sont des institutions totalement privées. Au Canada, si on veut arriver à privatiser les institutions, je pense que ce sera très très long.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? S'il n'y en a pas, je vais poser une question. En fait,
[Traduction]
En vous entendant parler, madame Clarkson, je pensais exactement la même chose que mon collègue M. Bélanger. C'est tellement difficile de nos jours de créer un fonds, surtout un fonds qui est financé à même la fiscalité d'un gouvernement quelconque. J'ignore pourquoi le processus législatif n'est pas plus facile, plus faisable et plus rapide.
Autrement dit, nous ne pouvons pas vendre Banff aux Américains; nous ne pouvons pas vendre Jasper aux Américains. Le patrimoine muséal se trouve chez nous et il nous suffit de consacrer dans une loi que toutes nos collections nationales, qui sont après tout des institutions fédérales, sont protégées contre la vente ou le prêt ou la location à des intérêts étrangers, sauf avec l'accord du gouvernement. Il me semble qu'il est très possible de le faire sans trop de difficulté. Vous avez soulevé un aspect très important sur lequel notre comité devrait peut-être se pencher.
Je voulais mentionner un dernier point avant de mettre fin à la séance. Le 18 mai est la Journée internationale des musées. C'est trop tard pour cette année, mais peut-être que l'année prochaine, si vous êtes intéressés, ce serait l'occasion idéale pour vos institutions d'envoyer des représentants rencontrer tous les députés au Parlement, pas seulement les membres du comité. Notre comité pourrait parrainer l'année prochaine un événement quelconque, une réception que l'on annoncerait bien à l'avance et dont vous seriez avisés et qui permettrait de sensibiliser à vos réalités les autres députés au Parlement.
Si vous êtes d'accord, je pensais que nous pourrions commencer dès maintenant à y travailler. Le greffier pourrait en prendre note et préparer cet événement pour l'année prochaine.
Mme Adrienne Clarkson: Voilà qui me semble une merveilleuse idée, une idée vraiment magnifique. Nous en serions ravis.
Le président: En effet, je crois qu'ici, vous prêchez à des convertis, à bien des égards. Les députés qui siègent à ce comité sont déjà convaincus de la valeur de vos activités et ce serait bien de sensibiliser également nos collègues. Ce serait excellent.
Je vous remercie beaucoup de votre présence ici. Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous.
[Français]
Si les membres du comité peuvent rester pour cinq minutes, nous allons régler deux questions d'affaires importantes.
[Traduction]
Premièrement, nous devons approuver une nouvelle affectation de fonds pour poursuivre les travaux du comité jusqu'à la fin de la session.
[Français]
Nous aurons besoin de 23 200 $ pour continuer notre travail concernant les projets de loi C-29 et C-38,
[Traduction]
une étude sur la culture canadienne, ainsi que le Sous-comité sur les sports. Il s'agit seulement de financer les travaux du comité et tous les coûts afférents. Le montant total est de 23 200 $ pour la période allant du 1er avril au 30 juin 1998. Je voudrais qu'un membre du comité propose une motion nous autorisant à obtenir ce budget.
M. Jacques Saada: J'en fais la proposition.
M. John Godfrey: Quelle est la ventilation entre les travaux du sous-comité et ceux du comité principal pour cette période?
M. Mark Muise (West Nova, PC): Bonne question, monsieur Godfrey.
Le président: C'est 5 000 $ pour le sous-comité et 17 000 $ pour nous. D'accord?
- (La motion est adoptée)
Le président: Le point suivant est beaucoup plus important pour nous.
[Français]
Monsieur Bélanger, donnez-moi une minute.
[Traduction]
Nous avons plusieurs amendements qui doivent être présentés. Je crois que le NPD m'a avisé ce matin qu'il aura 23 amendements, et je pense que M. Muise en a cinq ou six.
M. Mark Muise: Cinq ou six.
[Français]
Le président: Madame St-Hilaire, vous en avez combien pour le projet de loi C-29? Est-ce que vous le savez?
Mme Caroline St-Hilaire: Aucune idée. Je suis désolée. Il faudrait vérifier.
Le président: On me dit six peut-être.
Mme Caroline St-Hilaire: Huit, je pense.
Le président: Nous avons en tout une quarantaine d'amendements qui seront présentés par les députés de l'opposition. Comme vous le savez, on avait décidé l'autre jour que la date limite serait le lundi à 17 heures, mais en même temps, j'avais signifié qu'à cause de la limite de temps très restreinte,
[Traduction]
nous la réexaminerions quand nous saurions combien d'amendements vous comptiez proposer.
Au lieu d'être très formels, je pense que nous avons tenté d'accommoder en quelque sorte tous les intervenants. Je comprends que vous avez un problème, étant donné le grand nombre d'amendements. Je comprends que vous avez déjà demandé aux autorités compétentes de les faire traduire et mettre en forme. Vous n'essayez donc pas de faire obstacle aux travaux, pas du tout, et nous en sommes conscients. Pourrions-nous en arriver à une sorte de compromis qui nous donnerait une certaine souplesse?
Il me semble avoir demandé à votre attaché de recherche de nous dire quel délai il vous faut, premièrement, parce que nous devons savoir quand ces amendements seront prêts, et c'est vous qui en avez le plus grand nombre. Je vous pose donc la question. Savez-vous quand ils seront prêts?
M. Rick Laliberte (Churchill River, NPD): Eh bien, ce ne sera certainement pas avant jeudi, sinon même plus tard.
Le président: Vous seriez prêt jeudi ou bien après jeudi? C'est important, parce que si nous pouvons commencer jeudi, c'est une chose.
M. Rick Laliberte: En grande partie, cela ne dépend pas de nous, à cause de l'examen législatif et de la traduction.
Le président: Je comprends.
M. Rick Laliberte: Mais pour le gros de notre travail, nous visons jeudi.
Le président: Oui.
Le greffier du comité: Excusez-moi. Je pense qu'il faut faire la distinction entre vos amendements et ensuite la deuxième partie, c'est-à-dire les faire traduire, vérifier par le conseiller juridique et rédiger par le rédacteur juridique de la Chambre des communes. C'est là l'essentiel et c'est ce que nous voudrions que vous nous disiez.
Le président: Je vais m'adresser à notre attaché de recherche, parce que c'est lui que j'ai rencontré et je l'ai invité à faire enquête. Voilà vraiment ce que je veux savoir, non pas le travail que vous faites de votre côté. À titre d'information, vous a-t-on donné une idée quelconque de la date à laquelle ce travail serait terminé?
M. Rick Laliberte: Pour le moment, M. Dupuis ne nous a pas répondu. C'est lui notre personne-ressource.
Le président: D'accord. Pourrais-je faire une suggestion? Demain, nous avons une réunion de prévue. Je pense que nous allons l'annuler car il sera impossible de la tenir demain. Je pense que les membres du comité ont besoin d'une pause, de toute façon, alors demain est rayé.
Dans l'intervalle, je propose que vous fassiez savoir au greffier, le plus tôt possible, quand M. Dupuis en aura terminé avec votre travail. Si nous pouvons commencer jeudi, c'est tant mieux. À ce moment-là...
Le greffier me dit qu'à son avis, nous ne pourrons pas commencer jeudi. Si nous ne pouvons pas commencer jeudi et si nous ratons deux réunions cette semaine, je vous propose un compromis: la semaine prochaine, nous trouvons une journée où nous pourrons siéger autant d'heures que nécessaire, parce que nous aurons à ce moment-là perdu quatre heures.
La situation est très difficile et le problème s'applique à vos partis tout autant qu'au nôtre. Notre whip doit être prévenu très longtemps à l'avance pour avoir un nombre suffisant de députés au cas où il y aurait des votes. Certains députés siègent à deux comités, et d'autres même à trois. Nous devons savoir s'il nous serait possible de consacrer tellement d'heures à cette étude. C'est le compromis que je propose, c'est-à-dire que si nous laissons cela de côté pour cette semaine, si nous n'avons pas fini d'ici jeudi, nous fixions une date la semaine prochaine et, s'il nous faut quatre ou cinq heures de travail, nous nous mettrons à la tâche et si nous devons siéger le soir, nous le ferons. Est-on d'accord?
M. Mark Muise: Monsieur le président, je dois être d'accord avec vous, parce que l'on nous a dit au service de recherche, quand nous avons apporté notre documentation, que l'on ne pouvait pas confirmer à quelle date ce serait prêt. Je me demande donc si nous pourrions nous préparer non pas en fonction de jeudi, mais peut-être pour la semaine prochaine. Faisons comme vous l'avez dit et finissons-en. C'est seulement une suggestion.
Le président: Puis-je donc compter sur l'engagement des membres du comité à ce sujet? Nous trouverons une journée la semaine prochaine—le greffier négociera avec tous les partis—et nous travaillerons ce jour-là jusqu'à ce que nous ayons essentiellement remplacé les heures perdues.
Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte: Oui. C'est favorable. Nous informerons également le greffier et vous-même de la date à laquelle nous serons prêts, dès que le service de recherche nous l'aura communiquée.
Le président: Si par quelque miracle le travail de M. Dupuis et de son personnel était terminé mercredi soir et que nous puissions nous réunir jeudi, alors faisons-le, parce que c'est prévu et nous vous le laisserons savoir en temps voulu. Nous allons vérifier, mais cela semble peu probable.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Sur un point de forme, puis-je supposer que le greffier communiquera directement avec le ministère du Patrimoine canadien au fur et à mesure de l'évolution de la situation, au lieu de passer indirectement par moi ou quelqu'un d'autre, afin que nous sachions quand il sera nécessaire de...?
[Français]
Le président: Est-ce que tout le monde est d'accord?
[Traduction]
Si tout le monde est d'accord, nous allons donc procéder de cette façon. S'il y a des changements quelconques, si vous obtenez des renseignements que nous n'avons pas, faites-le-nous savoir sans tarder.
[Français]
M. Mauril Bélanger: Pas de réunion mercredi et jeudi.
Le président: Mercredi, c'est sûr. Pour jeudi, tout dépendra de ce qui se passe. Si, par exemple, un miracle se produit et qu'on est prêts, on vous le fera savoir.
M. Mauril Bélanger: Amen!
Le président: Le mercredi est out.
M. Mauril Bélanger: C'est un miracle quand même.
Le président: Un miracle.
M. Mark Muise: C'est un miracle.
Le président: Très bien.
La séance est levée.