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Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 12 mars 1998
[Français]
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Le Comité du patrimoine canadien entreprend en ce moment une étude sur le rôle du gouvernement fédéral par rapport à la culture face aux défis du prochain siècle.
Je voudrais tout d'abord accueillir nos distingués invités et les remercier très sincèrement de s'être déplacés pour se joindre à nous et nous donner leur point de vue.
Comme vous pouvez le constater, nous avons essayé de faire quelque chose de différent. D'habitude, nous écoutons des témoins qui présentent des mémoires, mais cette fois-ci, nous avons choisi la formule de la table ronde afin de stimuler la discussion et de la rendre plus vivante.
Nous avons commencé cette étude il y a environ un an, avant même la dernière élection. L'idée est d'examiner les programmes de soutien du gouvernement fédéral et de voir comment ils vont s'appliquer face aux défis qui nous attendent, d'autant plus que l'évolution de certains secteurs est très, très rapide.
[Traduction]
Les trois principaux défis que nous avons définis sont, premièrement, l'avènement de nouvelles technologies, surtout les technologies de communication comme Internet, qui évoluent à une allure vertigineuse; deuxièmement, le développement de l'économie globale et du commerce global; et, troisièmement, la transformation démographique de notre pays, qui se reflète par des changements presque visibles et très rapides.
Tout d'abord, le comité voulait se renseigner sur l'envergure de ces défis. Nous avons entendu le point de vue de bon nombre d'experts et de fonctionnaires des ministères pour obtenir le plus de renseignements de base possible.
Nous avons maintenant décidé d'organiser des tables rondes comme deuxième étape de notre étude. Jusqu'ici, nous en avons eu quatre, portant sur les arts, les établissements du patrimoine, l'édition et, hier après-midi, le cinéma et les vidéos. Aujourd'hui, nous entendrons votre point de vue, celui du secteur de la radiodiffusion, et, enfin, nous accueillerons des témoins du secteur de l'enregistrement sonore.
Au cours des semaines à venir, nous accueillerons aussi les représentants d'organismes culturels fédéraux comme Téléfilm, l'Office national du film et d'autres, après quoi nous comptons visiter les diverses localités, surtout les petites villes, pour entendre comment les habitants de ces localités jugent pouvoir relever les défis qui nous sont lancés.
• 0845
Je vous suis reconnaissant d'être venus aujourd'hui. Vous êtes
tous très éminents dans votre domaine et vous représentez très bien
les divers points de vue de votre secteur.
Nous aurons un échange de vues tout à fait libre et vous pouvez donc parler aussi librement que vous le voudrez. Nous espérons que cet échange sera animé et instructif pour tous. Jusqu'ici, toutes les tables rondes ont été extrêmement stimulantes. Vous n'avez qu'à lever la main pour obtenir la parole. Bien entendu, vous pouvez parler l'une ou l'autre des langues officielles.
Pour vous guider, nous avons préparé une série de cinq questions que vous trouverez dans vos documents et vous pourrez parler de n'importe laquelle ou de toutes dans l'ordre que vous préférez. Comme il s'agit simplement de lignes directrices, cependant, vous n'avez pas besoin de vous en tenir à ces questions. Elles visent uniquement à vous donner une idée du genre de renseignements qui nous intéressent le plus.
Je voudrais tout d'abord que les participants se présentent brièvement en donnant leur nom et en disant ce qu'ils font.
Nous allons commencer par un bon ami de la SRC, M. Jim Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Je suis Jim Abbott et je suis député de Kootenay—Columbia, porte-parole du patrimoine pour le Parti réformiste et un grand partisan de radio I de la SRC.
M. Kevin Shea (président et chef de la direction, CanWest Global System): Je suis Kevin Shea. Je suis président du réseau de télévision Global et je supervise aussi notre nouveau service spécialisé, Prime Television Network.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Je m'appelle Jacques Saada. Je suis député de Brossard—La Prairie au Québec.
M. Pierre Roy (président et chef de la direction, Réseaux Premier Choix inc.): Je m'appelle Pierre Roy. Je suis président et chef de la direction des Réseaux Premier Choix, une division du groupe de radiodiffusion Astral.
[Traduction]
L'hon. Perrin Beatty (président, Société Radio-Canada): Je suis Perrin Beatty, président de la SRC. Je suis un grand partisan de bon nombre des opinions de M. Abbott.
M. Bruce Cowie (vice-président exécutif, chef de la direction, Baton Broadcasting Inc.): Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Bruce Cowie et je suis vice-président exécutif et chef de la direction de Baton Broadcasting, à Toronto.
M. Ken Stein (vice-président senior, Services corporatifs et de la réglementation, Shaw Communications Inc.): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Ken Stein. Je suis vice-président senior des services corporatifs et de la réglementation à Shaw Communications. Nous sommes établis à Calgary, un excellent endroit pour les réformistes et les libéraux dans l'Ouest. Je suis très heureux d'être ici ce matin.
M. Abraham Tagalik (président, Television Northern Canada):
[Note de la rédaction: Le témoin parle dans sa langue]
Je m'appelle Abraham Tagalik et je suis président de Television Northern Canada. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je suis ravi de savoir que notre région n'est pas la seule partie où il fait froid au Canada. Je vous parlerai un peu du côté autochtone de l'industrie. Merci.
M. Mark Muise (West Nova, PC): Mon nom est Mark Muise et je suis porte-parole du patrimoine pour le Parti conservateur et député de West Nova, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Mauril Bélanger, député d'Ottawa—Vanier en Ontario.
[Traduction]
Le président: Qui veut commencer? Ne soyez pas timides. Vous devez avoir l'habitude vu le secteur dont vous faites partie.
M. Mauril Bélanger: Lancez donc une de vos idées habituelles, monsieur Abbott.
Le président: Oui, Jim. Pourquoi ne vous attaquez-vous pas à la télévision de la SRC, par exemple?
M. Jim Abbott: Je suis tout à fait prêt à ouvrir le bal.
Comme vous le savez, à propos de la SRC et de la radiodiffusion en général, le Parti réformiste considère que nous faisons maintenant face à la prolifération de satellites et à l'univers multicanaux. J'aimerais beaucoup savoir ce que M. Tagalik en pense à titre d'habitant du Nord. Bien entendu, dans le sud du Canada, les chiffres montrent qu'environ 90 p. 100 des foyers, je pense, sont abonnés à la câblodistribution et qu'ils ne peuvent donc pas choisir la réception en direct.
Les décisions prises à l'égard de la télévision de la SRC, et je ne parle pas ici de Newsworld ou du RDI, sont prises dans un univers très vaste. C'est très différent chez moi parce que j'ai la chance d'avoir une maison sur un lac dans les Rocheuses où j'ai le choix entre le signal enneigé de CBC ou de CTV.
Ce que je veux dire, c'est que M. Beatty sait que nous appuyons Radio I de la SRC et le service de nouvelles publiques pour la télévision, et Newsworld, mais pour ce qui est de la commercialisation du reste des émissions de télévision de la SRC, et c'est même le cas aussi de M. Stein et de Shaw Communications, qui s'occupe, bien entendu de radiodiffusion...
• 0850
Il n'y a plus de distinctions ou de lignes de démarcation.
N'importe qui peut radiodiffuser et réunir des émissions. On se
sert de toutes sortes de moyens de communication, que ce soit les
satellites, de LMCS, ou d'autres choses.
Voici donc la question à laquelle je voudrais que vous répondiez: Si nous voulons être réalistes, quels sont les moyens pratiques que nous pourrions prendre pour garantir que nous offrons aux téléspectateurs des émissions canadiennes qu'ils voudront regarder? D'après moi, il faut que les spectateurs veulent regarder ces émissions. Convenez-vous que la solution consiste à garantir la valeur des émissions produites pour que les gens veuillent les regarder au lieu d'imposer au public ce qu'il va regarder par règlement?
Le président: Pourquoi ne répondez-vous pas pour commencer, monsieur Tagalik, vu que ces questions s'adressent à vous?
M. Abraham Tagalik: Du point de vue d'un Inuit qui regarde ce que fait l'ensemble du pays et qui voit à quel point tout est en train de se globaliser, je dois dire que nous nous sentons maintenant beaucoup plus près grâce à la télévision et à la facilité des communications. À titre d'Inuit, je pense que nous avons quelque chose à offrir non seulement au Canada, mais aussi au reste du monde autochtone. On considère toujours que nous prenons des initiatives intéressantes et c'est ce que nous faisons maintenant dans le domaine de la télévision, je pense.
Vous avez parlé de la SRC. Nous appuyons entièrement la SRC, mais à titre d'Inuit et d'Autochtone, je pense qu'il faudrait aider beaucoup plus la collectivité autochtone que les autres parties de la société canadienne. Nous ne pouvons jamais en faire trop sur ce plan-là.
À l'heure actuelle, nous songeons à lancer un canal national de télévision autochtone qui pourra être capté d'un bout à l'autre du pays. Nous allons présenter une demande à ce sujet au printemps et nous espérons pouvoir offrir en 1999 un poste consacré entièrement aux Autochtones et reflétant le point de vue autochtone où nous pourrons raconter nous-mêmes nos propres histoires aussi bien que nous pouvons. C'est ce que nous voulons faire.
Nous espérons aussi que le gouvernement nous aidera à financer davantage de programmes et qu'il nous fournira plus d'aide du côté de la distribution et de la loi.
M. Jim Abbott: D'où espérez-vous obtenir ce financement?
M. Abraham Tagalik: Notre service relève essentiellement du Programme d'accès des Autochtones du Nord à la radiotélédiffusion et aussi du Programme national de distribution, mais le budget de ces programmes est constamment réduit. Nous ne voulons certainement pas compter sur le financement du gouvernement. Nous essayons, par exemple, de réinvestir les recettes de câblodistribution dans la programmation et les émissions autochtones. Nous espérons donc que le CRTC nous accordera l'autorisation de lancer un canal autochtone. Je pense que ce serait tout à fait opportun.
Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question, mais j'essaie d'expliquer ce que...
M. Jim Abbott: Ma question ne s'adressait pas uniquement à vous, mais je suis curieux de savoir ce que vous faites, parce que vous avez le même accès au satellite que j'importe qui sur le 49e parallèle. Ne pensez-vous pas que les habitants du nord du Canada vont regarder les émissions canadiennes s'ils décident de le faire et non pas si on leur impose de regarder des émissions canadiennes ou si on les force à les regarder?
Soit dit en passant, j'appuie de tout coeur les émissions canadiennes. À mon avis, nous avons d'excellentes émissions qui peuvent se comparer avec les émissions de n'importe quel pays du monde. Je ne veux pas dire qu'elles sont de moins bonne qualité que les autres. Je veux simplement savoir si vous êtes d'accord pour dire que les gens regarderont des émissions canadiennes si on n'oblige pas les radiodiffuseurs à les faire passer, comme on le fait maintenant pour CanWest, CTV et la SRC.
M. Abraham Tagalik: En effet. Je pense que cela vient en partie du fait qu'il faut imposer certaines règles par voie législative. Nous n'aurions pas une industrie de la télévision ou de la musique aussi solide sans réglementation.
Si vous ouvrez grand la porte et si vous éliminez toutes les règles, je peux vous dire que les adolescents du Nord savent aussi bien sinon mieux ce qui se passe à Detroit que ce qui se passe à Vancouver ou à Ottawa. S'ils ont le choix, ils regarderont les émissions tape-à-l'oeil américaines qui s'attaquent très bien aux sujets controversés, par exemple.
S'il n'y a pas de réglementation, je pense que nous serons toujours les perdants. Nous pouvons cependant refuser de nous laisser engloutir et produire des émissions de bien meilleure qualité, comme vous l'avez dit tantôt.
Bien des choses qui passent maintenant dans l'univers de 500 canaux ne valent pas grand-chose. Les émissions sont toutes pareilles, peu importe le poste que vous choisissez. Rien ne change d'un poste à l'autre. Nous devons continuer à réaliser des émissions appropriées sur le plan culturel pour nos concitoyens, non pas seulement pour les Autochtones, mais aussi pour les Canadiens en général. Je pense que nous devons continuer à stimuler cette partie du marché et de l'industrie.
Le président: Pourquoi ne pas demander maintenant à M. Cowie ce qu'il en pense?
M. Bruce Cowie: Merci, monsieur le président. Jim a posé la question traditionnelle au sujet de ce que les téléspectateurs veulent regarder.
Un de mes amis donne souvent cette réponse très simple à cette question: si vous entrez dans une pièce où il y a quatre téléviseurs où la même émission est en train de passer, ceux qui regardent l'émission ne se préoccupent pas de savoir si elle vient du câble, d'un satellite, d'un disque laser ou d'un magnétoscope. L'important pour eux c'est de savoir s'ils aiment l'émission ou non.
Nous sommes parvenus à un moment dans l'histoire de l'industrie de la radiodiffusion au Canada où nous devons envisager les émissions canadiennes d'un point de vue très différent d'il y a 20 ans. À l'heure actuelle, les émissions canadiennes sont un moyen de survie pour les radiodiffuseurs.
À mesure que le choix de postes s'élargit, les choses qui nous distinguent des autres radiodiffuseurs sont les émissions canadiennes. Vous avez pu le constater vous-mêmes depuis deux ou trois ans. Les grands radiodiffuseurs comme Global, Baton, WIC et d'autres ont essayé d'en arriver à une masse critique qui leur permet de raconter des histoires canadiennes qui peuvent concurrencer les émissions américaines. C'est le défi des années 90 et c'est le défi que devront relever les radiodiffuseurs du Canada à l'avenir.
Les radiodiffuseurs ont accepté ce défi. Ils comprennent ce qu'il représente et je pense qu'ils réalisent très rapidement des progrès et commencent à produire des émissions de première qualité, comme l'a dit Jim Abbott, et que ce n'est qu'un début. Je suis certain que nous discuterons plus tard ce matin des éléments qui doivent exister pour que cela se fasse.
Le président: Pouvons-nous maintenant passer à M. Shea?
M. Kevin Shea: Pour reprendre ce que disait M. Cowie, nous ne pouvons plus imposer des émissions canadiennes aux Canadiens, même si cela a déjà été possible. Les Canadiens ont maintenant accès à un réseau de radiodiffusion qui est peut-être le plus riche du monde, et ce depuis bien des années.
À cause de la concurrence croissante, du choix dans le contenu et la distribution, les Canadiens peuvent maintenant capter sur leur téléviseur des émissions d'un peu partout dans le monde et la seule façon dont nous pouvons nous distinguer est d'offrir des émissions vraiment canadiennes. Nous devons en offrir plus et nous devons offrir de meilleures émissions.
Nous espérons que, dans cinq ou sept ans, des témoins viendront devant votre comité et ailleurs dans cette belle ville pour dire que nous avons enfin réussi. Nous avons enfin fait en sorte que les émissions canadiennes sont visionnées partout au Canada, sont rentables au Canada et produisent des recettes partout dans le monde.
• 0900
Le deuxième objectif n'est pas encore atteint. De plus en plus
de gens regardent les émissions canadiennes, surtout à cause, et
cela revient à votre première question, des divers incitatifs que
l'on a offert aux radiodiffuseurs canadiens. Ces incitatifs étaient
nécessaires et continueront de l'être.
Les émissions canadiennes ne sont pas encore rentables, mais elles commencent à se vendre partout dans le monde. Les diverses initiatives comme la caisse de câblodistribution et Téléfilm Canada ont donné d'excellents résultats, mais nous devons maintenant aller plus loin et produire des émissions canadiennes qui seront vraiment rentables à l'échelle mondiale parce que c'est ce qui se fait dans le reste du monde.
Vous savez sans doute que le Canada est maintenant au deuxième rang des pays exportateurs d'émissions. Qui l'aurait cru il y a des années? Nous devons faire encore mieux. Nous devons produire de meilleures émissions et nous avons vraiment besoin que le gouvernement protège ce que nous appelons nos droits au marché et non pas nos droits frontaliers.
Nous n'allons pas vous dire qu'il faut empêcher les signaux américains ou européens d'être captés au Canada, mais nous devons trouver une façon, et cela ne doit pas nous embarrasser, de protéger les droits de programmation que nous achetons, que Ken Stein achète et que Bruce Cowie achète grâce à des règles et à des lois qui pourront mieux nous protéger qu'on ne l'a fait jusqu'ici.
Le président: Merci.
La ministre a témoigné hier pendant la table ronde sur le cinéma et les enregistrements vidéo. Elle nous a fourni des chiffres au sujet du contenu canadien dans les diverses industries, notamment l'édition, le cinéma, et ainsi de suite. D'après ses chiffres, le contenu canadien représente 42 p. 100 des émissions de télévision.
Certains représentants de l'industrie cinématographique ont aussi dit la même chose que vous, soit que nous avons maintenant un marché de plus en plus mondial plutôt que simplement canadien. Dans l'industrie cinématographique, lorsque les Américains produisent un film, c'est pour le vendre partout dans le monde et non pas seulement aux États-Unis et au Canada.
La parole est à vous, monsieur Beatty. Selon vous, ce chiffre de 40 p. 100 est-il l'idéal ou voudriez-vous que ce soit beaucoup plus? Que pouvons-nous faire pour faire passer le message du Canada partout dans le monde et commercialiser nos émissions à l'échelle mondiale, comme l'a proposé M. Shea, pour que notre industrie soit beaucoup plus rentable et durable?
M. Perrin Beatty: Je peux peut-être exprimer la question de façon un peu différente pour en revenir à l'hypothèse que posait M. Abbott au début.
Tout d'abord, à la SRC, nous ne voulons certainement pas construire des murs autour du Canada. L'époque est révolue où l'on pouvait avoir un marché protégé et imposer aux téléspectateurs ce qu'ils allaient regarder. La situation a commencé à changer avec l'arrivée de la câblodistribution. C'est tout à fait impossible maintenant que les satellites peuvent traverser n'importe quelle frontière que l'on pourrait tracer. On ne peut pas construire de mur suffisamment épais ou suffisamment élevé pour empêcher qu'un satellite passe par-dessus ou qu'un câble de fibres optiques le perce et nous devons le reconnaître. Ce doit être le point de départ de notre politique au Canada.
Les membres de l'industrie de la radiodiffusion doivent avoir un autre raisonnement. Sur le plan de la concurrence, nous n'aurons jamais moins de concurrence qu'il y en a maintenant. Si quelqu'un pense pouvoir bâtir une entreprise qui aura un marché protégé et qu'on peut obliger les téléspectateurs à regarder des émissions canadiennes s'ils ne veulent pas le faire ou que les émissions canadiennes doivent être considérées comme l'équivalent culturel de l'huile de foie de morue, autrement dit, ça ne goûte pas bon, mais il faut en prendre malgré tout, il s'appuie sur une stratégie qui ne peut qu'échouer.
Notre point de départ doit être que ces murs vont s'effondrer de plus en plus rapidement. La concurrence va augmenter. Le pouvoir ne vient plus de la télévision, mais bien des téléspectateurs; le téléspectateur est roi. Le succès ou l'échec de la politique culturelle du Canada va dépendre de notre capacité de produire des émissions qui refléteront les valeurs et les perspectives canadiennes et qui seront suffisamment attrayantes pour qu'on choisisse de les regarder ou de les écouter.
Nous devons certes inviter ce qui se fait de mieux dans le monde à passer dans nos salons, mais nous devons aussi garantir que l'on peut continuer à entendre les voix canadiennes dans les foyers canadiens. C'est la question fondamentale sur laquelle le comité doit se pencher.
• 0905
Je pense que les Canadiens veulent des émissions canadiennes.
Je pense qu'ils veulent voir des émissions qui signifient quelque
chose pour eux et qui reflètent leurs valeurs, leurs besoins, leurs
aspirations, leurs rêves et les défis qu'ils doivent relever.
Ce que je trouve fascinant, et c'est une chose dont nous n'avons pas encore beaucoup parlé, c'est que nous avons collaboré avec d'autres membres de l'industrie l'été dernier à ce qui a peut-être été le sondage le plus massif de cote d'écoute qualitative qu'on ait jamais fait au Canada, et nous n'avons pas encore fini d'analyser les résultats de ce sondage, mais d'après les résultats, les Canadiens jugent peut-être pour la première fois de l'histoire que les émissions canadiennes sont d'aussi bonne qualité ou meilleures que ce qui se fait à l'étranger.
Les goûts des Canadiens évoluent. Les Canadiens ne pensent plus comme auparavant que les émissions canadiennes ne peuvent pas être aussi bonnes que celles qui viennent d'ailleurs. Il existe un marché important au Canada pour les émissions canadiennes.
Une autre chose que le comité doit examiner, cependant, et cela revient à votre question, monsieur le président, est celle de la position économique de l'industrie de la production au Canada. Peut-on produire des émissions dramatiques et de variétés et récupérer son investissement pleinement dans un marché canadien? La réponse est non, c'est impossible à l'heure actuelle. Le marché canadien est trop petit pour rentabiliser à lui seul les émissions canadiennes.
Pour les membres de l'industrie, il s'agit donc de savoir comment on peut obtenir le financement nécessaire pour produire des émissions au Canada et rester rentable, surtout pour les radiodiffuseurs du secteur privé.
Une solution consiste à exporter les émissions canadiennes. La SRC exporte environ 10 p. 100 de toutes les émissions de télévision exportées du Canada, mais notre rôle dans le système est quelque peu différent de celui des radiodiffuseurs du secteur privé. C'est pourquoi je pense qu'il est important d'avoir un système mixte public et privé au Canada.
Selon nous, l'argent que nous confie le Parlement doit être utilisé pour produire des émissions nettement canadiennes et destinées au marché canadien, même si nous allons nous efforcer de vendre nos émissions sur le marché international et réinvestir toutes les recettes que nous réaliserons grâce à ces ventes, mais nous devons avant tout nous concentrer sur la production d'émissions pour les Canadiens et les ventes à l'exportation doivent rester au deuxième plan.
Nous savons qu'une émission éminemment canadienne comme North of 60 trouvera peu de débouchés hors du Canada, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles le Parlement a donné un mandat spécial aux radiodiffuseurs publics et participe au financement de ces opérations: pour qu'ils produisent des émissions destinées au marché canadien.
J'estime que nous pourrions augmenter le nombre de Canadiens qui écoutent les émissions canadiennes. Quand j'ai donné pour instruction de canadianiser notre horaire d'émissions de télévision en anglais aux heures de grande écoute, c'est avec grande surprise et un énorme plaisir que nous avons constaté une augmentation de nos cotes d'écoute bien que notre concurrence ait été plus vive que jamais auparavant.
Voilà l'essentiel de ce que disaient mes collègues plus tôt. Dans un univers à 75, 100, voire 1 000 canaux, comment peut-on se distinguer, comment peut-on se démarquer des autres, comment peut-on offrir un produit que personne d'autre n'offre? Ma réponse serait d'offrir des émissions qui renvoient aux Canadiens l'image de ce qu'ils sont. Et c'est ce sur quoi nous misons pour assurer l'avenir à la SRC.
En préconisant l'adoption de politiques sensibles aux changements survenus sur le marché et dans la technologie, ce comité peut aider à promouvoir l'épanouissement à l'avenir d'une culture canadienne dynamique et excitante.
Le président: Merci.
Le prochain nom sur ma liste est celui de M. Muise.
M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.
Je me permets de choisir un angle d'attaque un peu différent. Je me demande quelle incidence aura sur le secteur de la radiodiffusion l'existence de divers moyens de diffusion de l'information et la convergence de ces diverses technologies?
En outre, quelle sera l'incidence, positive ou négative, d'Internet sur la radiodiffusion et si nous devons protéger ce secteur, comment doit-on s'y prendre? Je me suis laissé dire que nous ne pouvons pas le faire maintenant, mais j'aimerais connaître vos idées sur la question.
M. Kevin Shea: Dans le secteur de la radiodiffusion, nous n'avons pas encore une idée très exacte de la fragmentation qui résultera de l'accès à ces nouvelles techniques de distribution. Nous avons certainement pu constater l'impact de la fragmentation résultant de la mise en service de nouveaux canaux où les radiodiffuseurs nord-américains classiques, dont Global, la SRC, ABC et NBC, perdent d'importantes parts de marché. On peut capter maintenant 100 canaux.
Au Canada, le milieu de la radiodiffusion est à la fois très intéressant et très avantageux. Pour l'essentiel, les gens captent leurs émissions en direct ou par le câble. Les satellites ont sans doute leur marché, mais surtout dans les régions rurales du Canada et on s'abonne surtout, malheureusement, aux émissions des satellites étrangers. Les Canadiens regardent les émissions transmises par les satellites américains plutôt que celles offertes par Ken Stein.
Dans les quelques mois qui viennent, nous verrons l'entrée en service de nouveaux SMDN et LMCS en direct, des technologies nouvelles qui auront des répercussions sur les radiodiffuseurs puisque nous n'avons pas encore le système de cote actuellement disponible exclusivement aux câblodistributeurs. Nos canaux pourraient être transmis différemment. Nous ne serons pas nécessairement au canal 3 sur le câble; nous pourrions être au canal 22 sur un système LMCS. Cela rend la promotion très difficile. Nous ne savons pas s'ils assureront la substitution des émissions, laquelle est nécessaire si nous voulons protéger les droits au Canada.
Il y a donc beaucoup d'incertitude. Nous ne savons pas quelles seront toutes les répercussions pour ceux qui achèteront ces nouveaux services. Nous savons cependant qu'aux États-Unis, où il y a une véritable concurrence sans réglementation, les nouvelles technologies ont eu peu d'impact sur le secteur de la câblodistribution. Pour l'essentiel, les Américains restent fidèles à leur réception en direct ou par câble. Les systèmes de radiodiffusion directe du satellite au foyer et toutes les autres nouvelles technologies ont eu peu d'impact dans les centres urbains des États-Unis.
Même si je suis favorable à la concurrence, je sais que le secteur de la câblodistribution a permis aux Canadiens de recevoir les meilleures émissions canadiennes et américaines tout en protégeant les droits au Canada en assurant la substitution des émissions.
Les nouvelles technologies nous effraient d'un point de vue purement monopolistique. Elles arriveront, c'est inévitable. Quel sera leur impact? Nous serons mieux en mesure de le dire dans quatre ou cinq ans. J'ai l'impression que les Canadiens resteront branchés au système de télévision par câble canadien.
Le président: Monsieur Stein, avez-vous un commentaire?
M. Ken Stein: Oui, en réponse à la question et en réaction à votre question initiale, monsieur le président.
Je crois que Kevin a raison de dire que la force du secteur de la câblodistribution en Amérique du Nord, au Canada et particulièrement aux États-Unis, existe et continuera d'exister pendant quelque temps encore. Personne ne doute que les câblodistributeurs devront faire place aux nouvelles technologies s'ils veulent être compétitifs et devront offrir de nouveaux services comme tous leurs concurrents.
À Shaw Communications, notre principal objectif est de faire sauter les verrous, comme l'a dit Jim Abbott plus tôt. Nous cherchons à utiliser les technologies de distribution de pointe, qu'il s'agisse de câbles ou de satellites ou encore de tout autre moyen. Nous avons converti tous nos systèmes dans la ville de Calgary et nous offrons maintenant des services de télévision numérique qui permettent aux gens d'avoir la télévision à la carte grâce aux boîtes numériques. Nous sommes sans doute les premiers en Amérique du Nord, sinon dans le monde, à utiliser cette nouvelle technologie.
Bien sûr, nous avons enfin réussi à participer au développement des services de radiodiffusion directe par satellite. Ainsi, s'agissant des technologies, nous croyons qu'il faut toujours continuer d'investir dans le développement des nouvelles technologies. On ne peut pas se reposer sur ses lauriers et se dire que tout est parfait. Nous avons un chiffre d'affaires de 750 millions de dollars par année et nous consacrons 200 millions de dollars par année aux dépenses d'immobilisation pour continuer d'étendre nos réseaux de distribution par fibres dans tout l'intérieur de la Colombie-Britannique, de multiplier le nombre d'antennes, etc.
• 0915
Par ailleurs, il y a aussi la programmation. Comme vous êtes
sans doute nombreux à le savoir, nous possédons maintenant YTV et
tentons de mettre à profit l'énorme succès de Kevin qui, à mon
avis, a créé le meilleur service de télévision au monde à
l'intention des enfants. J'estime qu'au Canada nous avons eu de
nombreuses réussites dans nos domaines de spécialisation, et
notamment dans la programmation à l'intention des enfants. Il n'y
a pas que YTV et l'initiative de programmation de Shaw à
l'intention des enfants. Michael Hirsh de Nelvana est maintenant
responsable de la programmation du samedi matin à CBS.
Ce sont des réalisations dont nous pouvons être fiers en tant que Canadiens. Je pense que nos réussites tant en ce qui a trait aux technologies de distribution où nous sommes des chefs de file mondiaux qu'en termes de programmation nous promettent un avenir très excitant tant que nous continuerons de faire sauter les obstacles.
Au Canada, nous avons de nombreuses réalisations à notre actif. Le fonds de développement de la production d'émissions canadiennes était au départ une initiative du secteur privé. Lors d'une audience, J.R. Shaw et ses collègues ont fait valoir que c'était une façon de favoriser la production d'un plus grand nombre d'émissions canadiennes. Le gouvernement a certainement renforcé ce fonds et garantit sa survie et il y a versé des fonds publics qui sont absolument indispensables pour assurer la réussite de ce secteur. Voilà le genre de choses que le gouvernement peut faire.
Depuis dix ans, le CRTC a mis en place un cadre pour le lancement de nouveaux services. Nous comptons maintenant au Canada 44 services de télévision par câble, de télévision payante et de télévision thématique. C'est un bilan impressionnant que d'avoir réussi à lancer ces nouveaux services et d'avoir attiré un nombre jamais vu de fidèles téléspectateurs.
Là où nous avons commis une erreur, c'est en continuant de compartimenter le marché. Un câblodistributeur est un câblodistributeur. Un radiodiffuseur est un radiodiffuseur. La SRC est la SRC.
À l'avenir, ce sont les radiodiffuseurs, les câblodistributeurs et les producteurs de logiciels qui mèneront le monde.
Je suis aussi président du comité créé par Sergio Marchi—Kevin est l'un des membres de mon comité—le Comité consultatif spécial sur le commerce international et la culture. C'est intéressant à signaler, les principaux défenseurs de la cause au gouvernement, viennent du secteur des nouvelles technologies. Ils disent que la nouvelle économie sera axée sur la connaissance et l'information. Cela signifie que la culture et ceux qui travaillent dans ces divers secteurs—les producteurs, les cinéastes, les auteurs, les directeurs et les producteurs de logiciels—ne sont plus un petit groupe marginal en périphérie de la véritable économie. Ils deviendront, ou ils sont déjà, au coeur même de la nouvelle économie.
Nous devons essayer de repenser la façon dont nous percevons la radiodiffusion. Nous devons trouver des façons d'encourager l'investissement et de réduire les obstacles. Nous devons atteindre les objectifs canadiens, mais nous devons aussi créer un secteur qui aura confiance dans ses capacités à élaborer des produits susceptibles d'intéresser le monde entier. Nous devons faire sauter les verrous afin de créer des entreprises intégrées au Canada semblables à celles qui seront nos concurrents à l'avenir. Merci.
Le président: Monsieur Stein, vous soulevez un point important. Hier, on nous a beaucoup parlé de croisement et d'intégration. Les producteurs indépendants nous ont dit que la SRC et d'autres pourraient travailler plus étroitement avec eux et les aider dans leurs productions. Il a été question aussi d'un recours accru aux coentreprises.
Vous pourriez peut-être nous dire quels changements nous devrions recommander pour rendre cette intégration possible, voire plus efficace.
M. Ken Stein: Eh bien, je ne voudrais pas parler au nom de la SRC.
Le président: Non, non, ce n'est pas ce que je vous demande de faire.
M. Ken Stein: Non, je comprends ça, mais je vais le faire quand même.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Personne d'autre ne s'en prive.
M. Ken Stein: Personne d'autre ne s'en prive. Merci, John.
Je crois que la SRC a fait d'énormes progrès, comme d'autres aussi: TVOntario, YTV et Global, lorsqu'il s'agit de travailler avec les producteurs indépendants. Aujourd'hui nous voyons plus souvent des alliances de ce genre.
• 0920
Ce que je veux surtout faire valoir... Par exemple, la
compagnie de Robert Lantos, Alliance... Nous parlons depuis
quelques années de service de vidéo sur demande et tout le monde
nous répond que ce n'est qu'un rêve et que personne ne voudra se
lancer là-dedans. Robert Lantos, moi-même et J.R. Shaw nous sommes
rencontrés pour en discuter. Nous nous sommes dit: «Eh bien,
pourquoi pas? Pourquoi n'essayerions-nous pas de créer un service
de vidéo sur demande?» Il faut aussi s'y connaître un peu en
matériel, en logiciel et en cinématographie. Ainsi, nous avons
formé une alliance, un partenariat—Shaw possède 50 p. 100—et
Alliance, 50 p. 100 et nous nous sommes présentés devant le CRTC
pour demander une licence.
Tout le monde s'est demandé pourquoi les câblodistributeurs voulaient s'intéresser à la vidéo sur demande. Nous nous sommes demandés pourquoi nous ne le ferions pas. Après tout, tout le monde dit que nous devrions être des chefs de file; nous ne devrions pas ériger des obstacles.
Trop souvent dans ce pays le premier réflexe c'est d'ériger des obstacles, d'imposer de trop nombreuses contraintes au lieu de dire: «Allez-y!» Je me souviens que vous avez reçu Bernard Ostry et je me souviens, quand j'étais beaucoup plus jeune, d'avoir essayé d'élaborer une politique en matière de communication, du temps où j'étais fonctionnaire. Le réflexe le plus répandu c'était de dire «Attendons. Élaborons d'abord des politiques pour la câblodistribution et puis nous laisserons venir». C'est très mal avisé.
Ce qu'il faut c'est monter dans la luge et descendre la piste. Il faut conduire de son mieux pour ne pas quitter la piste. Mais on ne peut pas rester tout en haut à planifier le trajet. Le temps de faire cela et la course est finie. Il faut tout simplement se lancer.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
J'aimerais en savoir un peu plus sur l'idée que vous venez de lancer, à savoir la différence entre les réseaux de télévision comme distributeurs—exploitant de matériel plutôt que de contenu, de programmation—peu importe le vocabulaire que vous utilisez. Quelles politiques, quels règlements le gouvernement devrait-il adopter pour favoriser l'une ou l'autre option?
J'ai l'impression que le public canadien voit les réseaux de télévision comme des entités monolithiques qui se soucient uniquement de rentabilité, ce qui est parfaitement légitime quand on est en affaires. Le point de vue du public est aussi parfaitement légitime parce que ce n'est pas son souci.
La télévision doit-elle être perçue comme un agent du changement social? Le gouvernement devrait-il obliger les réseaux de télévision à agir comme distributeurs, comme radiodiffuseurs plutôt que comme producteurs d'émissions? J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
Monsieur Shea, j'aimerais entendre vos commentaires sur la notion de droits. Vous avez peut-être poussé un peu plus l'analyse de ce que le gouvernement doit faire pour protéger ces droits, puisque vous en avez déjà parlé à deux reprises. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus. Comme nous allons proposer une politique culturelle au gouvernement du Canada, devons-nous saisir l'occasion de semer quelques idées? Je vais m'en tenir à cela pour l'instant.
Le président: Pourquoi n'attendons-nous pas, monsieur Shea? Si vous et les autres pouvez noter ces questions soulevées par M. Bélanger, vous pourrez y répondre quand ce sera votre tour.
Je donne la parole à Mme Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
Il y a deux points que j'aimerais aborder. Le premier touche aux exportations. Comment pouvons-nous encourager l'exportation de nos produits canadiens, particulièrement ceux des producteurs indépendants, compte tenu de ce qu'a dit M. Bélanger?
J'ai cru comprendre que nous étions très forts dans l'exportation d'émissions destinées aux enfants. Il y a eu un article récemment qui disait que le gouvernement américain avait rendu un service à nos producteurs canadiens, en un certain sens. Ils avaient exigé que PBS diffuse un certain nombre d'émissions pour enfants. Quand j'ai parlé à certains de ces producteurs indépendants, ils m'ont dit: «Eh bien, c'est parfait pour nous, cela va sans dire. Nous nous faisons connaître, mais nous n'obtenons pas de fonds de PBS. Ils nous donnent une licence pour la diffusion de ces émissions».
• 0925
Cela m'apparaissait insensé. Y a-t-il quelque chose que le
gouvernement puisse faire? Oui, nous avons accès au marché mais si
j'ai bien compris, il y a un long chemin à parcourir avant que le
producteur ne commence à faire de l'argent.
Que faisons-nous quand nous importons des émissions? J'aimerais savoir ce qu'en dit la SRC.
Pour ce qui est de travailler avec des producteurs canadiens indépendants, qu'est-ce que...? Je sais que le contenu canadien est important et que, oui, le fonds de production d'émissions destinées à la câblodistribution est une bonne chose qui permet à ces producteurs indépendants d'obtenir du financement pour leurs émissions. Mais je crois aussi savoir que c'est sur le principe du premier arrivé premier servi. Les grands producteurs canadiens ont un accès prioritaire au fonds. Que pouvons-nous faire pour aider les petites entreprises de production qui ne sont pas cotées à la bourse à produire davantage d'émissions canadiennes afin de favoriser la croissance de cette industrie?
Le président: Je suggérerais à nos invités de noter ces questions, et votre tour viendra.
Je vais maintenant donner la parole à M. Beatty, M. O'Brien et M. Roy, dans cet ordre, qui pourront peut-être répondre à certaines de ces questions.
M. Perrin Beatty: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la question de M. Muise sur les nouvelles technologies et dire que pour nous qui travaillons dans ce secteur et pour la radiodiffusion au Canada et dans le monde entier, c'est sans doute la loi de Moore qui pour toute notre vie sera plus importante que n'importe quelle loi adoptée dans n'importe quel pays du monde. Les innovations technologiques se succèdent à un rythme étourdissant de sorte qu'il est plus facile de jour en jour de distribuer des signaux à l'intérieur d'un pays et partout dans le monde.
Cela a une incidence sur la souveraineté nationale. Cela a une incidence sur la structure d'une industrie bien établie comme celle de la radiodiffusion au Canada aujourd'hui.
Tout cela nous amène à repenser la mission de la SRC. Cela nous ramène, dans un certain sens, à la question que posait M. Bélanger au sujet de la séparation entre la transmission et le contenu.
Quand la SRC a été créée il y a 60 ans, c'était pour des raisons qui existent encore aujourd'hui, notamment la crainte d'une américanisation de la radiodiffusion au Canada. Nous avons voulu faire en sorte que la programmation canadienne reflète les expériences et les valeurs canadiennes.
La deuxième raison était d'ordre technique—d'assurer la diffusion des signaux dans toutes les régions du pays, même à l'extérieur des centres urbains et des localités frontalières et de faire en sorte que les Canadiens puissent capter leurs premiers signaux radio.
Le motif d'ordre technique n'existe plus maintenant. Partout au Canada, même dans le Grand Nord, une vaste gamme de signaux peuvent être captés. Le problème n'est plus de savoir comment assurer la transmission des signaux. La question est de savoir ce que sont ces signaux et ce qu'est le contenu.
À la SRC, nous avons énormément réfléchi à notre mission et nous sommes en train de réexaminer notre planification stratégique. Pour ma part, cela m'amène à demander quelle est notre mission? Nous ne sommes pas notre matériel—nos camions, nos studios, nos antennes de transmission, nos caméras, etc.—nous sommes le contenu; nous sommes nos émissions; nous avons reçu du Parlement le mandat d'offrir un contenu culturel canadien aux yeux et aux oreilles canadiens et de le faire de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible.
Voilà où cela m'amène. D'abord, nous devrions accueillir à bras ouverts la mise au point de nouveaux médias. Cela va fragmenter les auditoires traditionnels, classiques, mais autant l'accepter. Se plaindre de ces nouvelles technologies ce serait comme se plaindre de l'hiver. Cela nous fait du bien de se plaindre, mais le fait de se plaindre ne changera rien.
Ces technologies arrivent. Si notre mandat c'est d'exposer les Canadiens à une programmation qui reflète leur vie et leurs valeurs, alors nous devons utiliser ces technologies aussi efficacement que possible pour diffuser ce contenu à nos citoyens.
De plus en plus, nous adoptons de nouveaux médias en prévision de l'avenir. Même quand j'avais affaire à un monstre financier de 414 millions de dollars, nous avons pris l'engagement d'adopter les nouveaux moyens de communication et nous avons l'un des sites Web les plus populaires au Canada. Ce n'est que la partie la plus visible, mais je pense que cela prendra de plus en plus d'importance pour nous à l'avenir si nous voulons continuer de rejoindre les Canadiens.
• 0930
La radio numérique est en réalité mal nommée. Ce n'est plus la
radio comme nous l'avons connue; c'est un multimédia sans fil et
cela nous donnera la possibilité de réinventer le médium et de
rejoindre l'auditoire d'une façon tout à fait différente.
La numérisation de la télévision nous permet tant au plan de la production que de la distribution, d'offrir nos produits d'une façon radicalement différente de ce qu'elle était dans le passé.
À la SRC, nous devrions chercher à savoir quel doit être notre rôle principal. Nous devons mettre l'accent sur le contenu. S'il y a des milliers de façons de rejoindre les foyers, notre objectif doit être d'y entrer pour y diffuser un contenu canadien qui soit attrayant et intéressant pour les Canadiens—de ne pas nous enfermer dans une seule technologie, mais de faire de plus en plus ce que PBS décrit: quand elle commande des émissions qu'elle compte diffuser, PBS parle du sommaire du travail fait par le producteur et y ajoute d'autres contenus au moment de la conception de l'émission.
Nous devons donc repenser la meilleure façon d'utiliser nos énergies.
Devrait-on nous interdire de faire de la production? Nous faisons davantage de coproductions que jamais auparavant. Nous nous associons plus que jamais à des producteurs privés. Nous travaillons avec le secteur privé plus que jamais dans notre histoire, nouant des partenariats avec Global, WIC, Atlantis, et d'autres encore, pour la production d'émissions. Sur le Web, nous travaillons très étroitement avec Sympatico et avec d'autres—des partenaires non traditionnels—pour élaborer de nouvelles émissions et de nouveaux services.
J'aimerais toutefois alerter le comité au fait qu'aux États-Unis il y avait une interdiction limitée à la capacité des réseaux de produire leurs propres émissions. Cette interdiction a été levée, et l'industrie américaine va exactement dans le sens opposé.
J'exhorte le comité à ne pas ériger des obstacles législatifs artificiels qui empêcheraient l'industrie d'organiser ses affaires de la façon la plus sensée possible afin d'assurer aux Canadiens la diffusion d'émissions et de services de la façon la plus efficiente possible. Il faut donner à l'industrie la marge de manoeuvre dont elle a besoin pour s'adapter aux innovations technologiques et aux changements du marché.
Enfin, cela me ramène à ce que je disais plus tôt. Si notre but c'est de préserver et d'enrichir la culture canadienne, alors le défi que nous devons relever, vous les parlementaires et nous les praticiens de ce secteur, c'est d'élaborer des politiques qui favorisent la création d'émissions que les Canadiens voudront regarder et entendre.
Nous pouvons exporter. Nous devrions le faire chaque fois que c'est possible. Nous avons un projet en coparticipation avec Power Corporation où nous fournissons les émissions pour deux chaînes, NewsWorld International et Trio, et nous diffusons des émissions canadiennes aux États-Unis à l'heure actuelle. J'aimerais pousser encore plus loin, et le gouvernement pourrait appuyer nos efforts si nous décidions de diffuser le signal dans d'autres régions du monde. D'autres entreprises du secteur seraient certainement disposées à travailler avec le gouvernement afin de diffuser leurs signaux dans d'autres régions du monde.
La question des droits revêt pour nous une importance cruciale, et j'aimerais tout simplement souligner ce qui a déjà été dit à cet égard. J'espère que le comité étudiera très attentivement les répercussions de ces nouvelles technologies sur les droits et cherchera à déterminer ce qui doit être fait pour les protéger.
Le président: Je vais donner la parole à M. O'Brien, suivi de M. Roy, M. Abbott et M. Saada.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Monsieur le président, merci.
D'abord, veuillez m'excuser de ces quelques minutes de retard. Étant donné nos horaires de travail cette semaine, je vais appuyer le clonage. C'est un peu fou.
J'ai quelques questions à vous poser. Lors d'une réunion de ce comité il y a une semaine environ, quelqu'un a lancé une idée assez intéressante, à savoir que nous ne devrions pas réglementer le contenu canadien, mais plutôt le contenu américain. Je me demande ce que nos invités d'aujourd'hui penseraient de cette idée de réglementer le contenu américain, la conclusion étant que nous avons abordé le problème par le mauvais bout.
J'aimerais entendre particulièrement la réaction de M. Beatty. C'est peut-être une réponse qui se trouve facilement, et je devrais peut-être la connaître, mais j'admets que ce n'est pas le cas. Je me demande si la SRC, son existence même, jouit d'un soutien assez ferme. J'ai tout entendu, depuis «Démantelez-la» jusqu'à «Donnez-lui davantage d'argent et renforcez-la». J'entends plus souvent le commentaire positif. C'est sans doute l'option que j'appuie en tant que Canadien et en tant que parlementaire, mais j'entends toute la gamme de commentaires, et je serais curieux de savoir ce que révèlent vos sondages d'opinion. J'aimerais aussi savoir ce qu'on peut faire pour éduquer la population et renforcer la popularité de la SRC auprès de l'opinion publique.
• 0935
Enfin, j'aimerais que M. Tagalik nous dise quels sont les
problèmes de la télévision dans le Grand Nord. Quel est le
principal problème dans cette région du pays?
Merci.
Le président: J'espère que tout le monde a pris note des questions de M. O'Brien. Nous passerons à M. Abbott, M. Saada, M. Roy, Mme Tremblay, M. Cowie.
M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président.
Nous avons beaucoup parlé de réglementation gouvernementale. La SRC occupe une place unique et peut obtenir des sommes énormes du gouvernement. En réponse à M. O'Brien, je pense que la somme est un peu plus que 850 millions de dollars en provenance du ministère du Patrimoine, ce qui représente environ 40 p. 100 de son budget. Je voudrais en parler, parce que je pense que la question a été soulevée plus tôt par M. Bélanger lorsqu'il a parlé de la télévision comme agent de changement social. C'en est vraiment un.
Hier soir, j'écoutais The National. J'avais regardé Radio-Canada pendant les dix dernières minutes pour voir ce qui passait à 9 heures. Dans les paroles d'une chanson, j'ai entendu le mot «érection» à côté du mot «Jésus-Christ». Je ne pense pas qu'ils parlaient d'immeuble. J'ai trouvé cela très offensant. Pour ce qui est de CTV, sur le même sujet, même si ce n'est pas aussi sacrilège qu'à Radio-Canada, je trouve que Spin City va trop loin.
Mon antipathie et celle de beaucoup de Canadiens à l'endroit de la SRC viennent du fait que les citoyens y investissent 850 millions de dollars par année. Mon antipathie vis-à-vis de CTV est moins grande parce que je peux éteindre le poste. Si suffisamment de gens cessent de regarder, le réseau va prendre des décisions en fonction de ses profits. L'émission va être commanditée ou non non pas selon que moi je décide de l'écouter ou pas, mais en fonction de ce que l'auditoire fera; alors que je n'avais pas le choix hier soir et que j'ai dû écouter ces propos sacrilèges.
Lorsque la SRC parle de ces émissions qui nous distinguent comme Canadiens, ce qui me frappe, c'est que beaucoup de citoyens, moi y compris, estiment qu'à cause de nos impôts nous sommes propriétaires de ce qui se fait à la SRC.
Si 850 millions de dollars du contribuable sont versés à la SRC, le réseau ne devrait-il pas être plus sensible aux préoccupations des Canadiens dans sa programmation? Les contribuables n'y ont-ils pas droit?
[Français]
Le président: Excusez-moi, monsieur Roy, je vous avais oublié. Je vous donne donc la parole avant M. Saada et Mme Tremblay.
M. Pierre Roy: Je vous remercie.
Pour répondre en partie à la question que Mme Bulte a posée concernant l'exportation de programmation canadienne, je voudrais tout d'abord vous assurer de l'accès des producteurs canadiens indépendants aux ondes, aux diffuseurs conventionnels, aux chaînes spécialisées et aux chaînes payantes. Je ne crois pas qu'Alliance, Atlantis, CINAR ou Coscient seraient devenus des joueurs importants sur la scène internationale si, d'abord et avant tout, ils n'avaient pas été des producteurs importants ici au Canada et n'avaient pas eu accès aux ondes canadiennes de radiodiffusion. Je pense donc que la première règle à maintenir est celle-là.
Concernant les nouvelles technologies, on a toujours eu des craintes. En effet, on a toujours pensé que l'apparition d'une nouvelle technologie allait faire disparaître la précédente. Le cinéma, la télévision, maintenant l'Internet, les moyens de distribution, la câblodistribution, le satellite et les LMCS vont permettre de rejoindre de nouveaux publics qui étaient peut-être inaccessibles jusqu'ici, comme pour certains services francophones. Cela va nous permettre de rejoindre les auditoires francophones du pays qui étaient jusqu'à maintenant inaccessibles. Si vous ne vivez pas dans une région majoritairement francophone, vous n'avez pas accès à des contenus francophones étant donné le manque de capacité des réseaux de câble et l'impossibilité de vous rejoindre par voie hertzienne. La technologie va maintenant permettre cet accès. Donc, l'évolution technologique sera très positive.
• 0940
Au niveau de la protection des droits, il
faut maintenir un marché territorial canadien distinct
en matière de droits de diffusion d'émissions pour
permettre aux diffuseurs canadiens d'acheter les droits
de diffusion au Canada d'émissions étrangères sans
avoir à se mesurer aux grands joueurs américains.
Vivant à côté d'un joueur comme notre voisin américain, qui a une notion du marché intérieur très bien ancrée dans sa façon de procéder, nous devons maintenir un marché canadien distinct des droits de diffusion. Si nous ne le faisions pas, il serait très difficile à tout diffuseur d'avoir accès à certains types de programmation puisqu'il devrait y consacrer des sommes importantes qui le rendraient ensuite incapable de dépenser en dollars canadiens. Donc, cette notion de marché distinct pour les droits doit être maintenue à tout prix étant donné la présence des Américains tout juste à côté de chez nous.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Roy, particulièrement pour ces suggestions très précises qui vont beaucoup nous aider.
Monsieur Saada et madame Tremblay.
M. Jacques Saada: M. Roy vient de répondre en partie à ma question. En tant que francophone, je suis un peu préoccupé parce que, depuis le début de la discussion, j'entends parler de contraintes. M. Shea a fait allusion à la fragmentation du marché et au besoin d'exportations pour l'investissement. M. Beatty a parlé d'exemples de partenariat avec le privé. Je suis sûr que c'est naturel, mais tous les exemples qu'on m'a donnés étaient des exemples pris dans un monde non francophone.
Je n'en fais pas un procès. Je vous demande juste de m'aider à comprendre. Est-ce que la nouvelle dynamique—et cela nous intéresse au niveau du gouvernement fédéral—est propice au maintien et à la promotion d'une composante francophone sur les ondes? Si le milieu ou l'avenir nous sont propices à cet égard, est-ce qu'il y a des mesures très particulières que le fédéral pourrait prendre pour les encourager?
Le président: C'est une question très pertinente, monsieur Saada. Monsieur Roy, vous pourriez peut-être prendre note de cela et nous répondre plus tard, ainsi que M. Beatty.
Je vais passer la parole à Mme Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Personnellement, je suis préoccupée par deux choses. Jacques vient d'aborder la première de mes préoccupations: la francophonie, mais la francophonie pancanadienne. Je reviens d'un voyage dans l'Ouest où je n'ai eu accès qu'à Radio-Canada, pas même à RDI. Je n'ai eu accès qu'à la base parce que les câbles ne nous offraient pas le reste. Dans l'hôtel où je résidais, il y avait 45 stations, soit 44 anglophones et Radio-Canada.
Pendant mon séjour dans l'Ouest, j'ai vu la situation du Québec projetée dans l'Ouest. L'émission Le Manitoba ce soir durait 10 minutes, à la suite de quoi on donnait quelques nouvelles de la SRC à Montréal et j'y ai vu Daniel L'Heureux. Après cette demi-heure de nouvelles du Manitoba ce soir, on passait aux nouvelles internationales. Je me suis mise à zapper pour essayer de voir ce que je pouvais trouver, mais je n'arrivais pas à savoir quels étaient les postes canadiens et quels étaient les postes américains. À un moment donné, j'ai vu qu'il y avait deux stations qui donnaient exactement la même chose. Alors, je me suis levée pour aller chercher les indicatifs de postes sur le dessus de la télé et je me suis rendu compte, alors qu'il était environ 20 h 30, c'est-à-dire en plein dans les belles heures de diffusion, que CTV donnait exactement la même chose qu'un programme américain. C'était exactement pareil: les images et les annonces arrivaient toujours en même temps.
Je suis donc vraiment préoccupée d'une part par le non-accès. On a beau se leurrer et dire que la nouvelle technologie va permettre je ne sais quoi aux francophones, s'il n'y a pas de volonté politique de la part des câblodistributeurs ou des diffuseurs, les francophones n'auront plus accès à quoi que ce soit dans peu de temps. Tant et aussi longtemps qu'on va être capable de maintenir Radio-Canada, ils vont avoir accès à Radio-Canada, c'est tout. Je trouve cela un peu triste. On se gargarise de beaucoup de choses, et les nouvelles technologies nous donnent beaucoup de possibilités, mais la réalité n'est pas là. On ne livre pas la marchandise aux minorités francophones.
• 0945
L'autre chose qui me préoccupe—et cela
peut paraître paradoxal—, c'est vraiment
l'affaiblissement continu de la culture canadienne par
l'envahissement américain. On
parle beaucoup de déréglementation, mais j'ai de moins
en moins confiance dans la déréglementation parce que
cela mène à des abus. Cela mène les entrepreneurs
ou les entreprises à chercher, par le
biais de la déréglementation, à faire toujours de plus
en plus de profits. L'objectif ultime de la
déréglementation est de permettre aux gens qui ont de
l'argent de faire de plus en plus d'argent.
Je me demande pourquoi le Canada ne serait pas considéré comme un pays étranger par rapport aux États-Unis et pourquoi on n'aurait pas accès aux postes internationaux plutôt qu'aux postes américains. CNN International existe et c'est bien plus intéressant que CNN américain. Il faut bien dire qu'on serait alors reconnus comme un vrai pays qui a sa propre souveraineté. Pourquoi n'est-on pas capables d'avoir accès, comme les autres pays, à ABC International, CBS International, plutôt que d'avoir ces postes qui viennent directement des États-Unis, qui sont beaucoup plus américains et qui veulent rendre les Canadiens américains?
Je pense vraiment qu'il faut réagir contre cet envahissement-là et se donner une ouverture sur le monde plutôt que d'aller chercher les canaux américains. Je suis certaine qu'avec la technologie, on a les moyens de se sortir de cette espèce de je ne sais pas trop quoi... Je n'ose pas utiliser la première image qui me vient à l'idée, mais je vois cela comme une cage à homards.
Des voix: Ah, ah!
Le président: Elle est très bonne. Je crois qu'on a jeté pas mal de défis à nos invités.
Je vais passer à M. Cowie.
[Traduction]
M. Bruce Cowie: Merci, monsieur le président. Il y a eu beaucoup de questions depuis la première fois.
Le président: Oui.
M. Bruce Cowie: Je ne vais pas répondre à toutes les questions, ce qui va vous réjouir. J'aimerais répondre à une ou deux d'entre elles, par contre.
Une des questions portait sur la convergence des technologies et la façon dont la culture canadienne va se frayer un chemin pour passer sur les écrans de télévision.
J'ai eu le plaisir de coprésider un groupe national de travail pour le ministère du Patrimoine canadien il y a trois ans. À la suite de cette étude et de ce rapport, très complet et pan-national, les radiodiffuseurs ont décidé de ne pas parier sur une technologie en particulier.
Les radiodiffuseurs ont décidé de miser sur les récits. Quelle que soit la passerelle, qu'il s'agisse de télédiffusion directe par satellite, de câble ou de tout autre mode de distribution de l'information dans l'avenir, nous voulions que la programmation canadienne vienne en tête de liste et qu'elle soit concurrentielle dans chaque mode. C'est le choix qu'ont fait ceux qui ont participé à l'étude; c'est le consensus qui s'est dégagé à l'échelle du pays.
Nous savons déjà que la plupart des téléspectateurs n'écouteront qu'entre sept et dix chaînes, en moyenne: Chacun a ses chaînes préférées. Elles ne sont pas les mêmes pour tous. Notre travail, comme radiodiffuseurs classiques et à la SRC, c'est d'être l'une de ces sept, huit ou neuf chaînes.
Pour cela, il faudra fournir un service local crucial dans les marchés que nous desservons dans tout le pays, et il faudra présenter des récits sous forme de dramatiques qui pourront soutenir la concurrence avec les émissions de n'importe où dans le monde. Cela semble très simple, mais c'est la voie de l'avenir de la télévision au Canada.
Ce n'est plus une question de choix. Ce n'est plus une obligation imposée par le CRTC ou les communications. Si nous voulons être de la partie, et si nous voulons contribuer à l'agenda culturel du pays, nous n'avons pas le choix.
Monsieur le président, j'aimerais répondre brièvement aux petits producteurs indépendants. Il y a un problème très grave, parce que le prolongement de ce que je viens de dire, le fait qu'il faut trouver des récits canadiens à raconter à la télévision d'ici, c'est qu'il faut un essor créateur.
• 0950
Je ne veux pas parler de notre propre compagnie, mais ce que
nous avons fait, à cause de la masse critique nécessaire pour
soutenir la concurrence... et je vous rappelle que la population du
Canada est à près la même que celle de la Californie. C'est cela
notre rival, et il faut aller dans tous les coins du pays et faire
tout ce que nous pouvons pour présenter des récits canadiens.
À notre station de Vancouver, qui sera sans doute le modèle de la radiodiffusion privée canadienne dans l'avenir, il y a des émissions nationales réalisées à Vancouver, des topos canadiens venant de réalisateurs canadiens, une émission qui compte maintenant parmi les 20 premières au pays. De plus, il y a des fonds de transition pour de jeunes Canadiens qui travaillent dans la production industrielle et qui veulent faire des spectacles culturels canadiens. C'est ce que nous finançons actuellement à Vancouver.
Il y a de jeunes réalisateurs qui créent une émission unique ou une courte série. C'est la première fois qu'ils sont financés, et, dans cette station, la plupart des émissions régulières de la semaine sont l'oeuvre de réalisateurs indépendants. C'est une nouvelle façon de faire qui, je pense, va se répandre dans l'industrie parce qu'il ne nous est pas possible de raconter tous les récits, et ce n'est pas le petit nombre de réalisateurs indépendants qui pourront le faire non plus. Il nous en faut plus.
De plus, des agences de création ont été établies sur les deux côtes, l'une à Halifax, l'autre à Vancouver, et à l'aide de fonds extérieurs dans les Prairies et dans les opérations centrales en Ontario. Cela ressemble à ce que Global ou un autre réseau fera, parce que tout le monde reconnaît qu'il faut d'abord trouver la matière et ensuite la présenter. Il y a un adage très simple qu'on emploie dans notre domaine: un récit magnifique bien raconté, c'est du bon théâtre; du bon théâtre, c'est un récit bien raconté. C'est ce que nous faisons tous.
Voici la dernière chose que je veux dire là-dessus. Ce que le gouvernement du Canada peut faire grâce à ses organismes, c'est nous aider à obtenir du financement. Il n'y a pas suffisamment d'argent pour réaliser les émissions qui devraient être faites et diffusées au pays. Comme Kevin l'a dit, ce n'est pas encore rentable. C'est ce que nous essayons de faire, mais pour l'avenir prévisible il faudra d'abord trouver les fonds pour atteindre ce niveau supérieur d'émissions canadiennes concurrentielles.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Jim.
Il nous reste à peine un peu plus de 30 minutes. Ça devient très intéressant et très animé. Ce l'est depuis le début, d'ailleurs. J'aimerais disposer de plus de temps, mais beaucoup de personnes veulent intervenir, et je pense qu'il faut répondre à certaines des questions posées par les députés. Je vais donc vous demander d'être brefs, pour que chacun ait sa chance.
Je vais maintenant donner la parole à M. Tagalik, et ensuite à M. Godfrey. Après, je donnerai à M. Roy et à M. Beatty la possibilité de répondre aux diverses questions qui ont été posées, surtout au sujet de la programmation en langue française. Ensuite, ce sera le tour de M. Bélanger.
Monsieur Tagalik, allez-y.
M. Abraham Tagalik: À écouter les divers intervenants, je pense que nous faisons tous face à certains défis communs. À mon avis, si la Société Radio-Canada n'avait pas reçu traditionnellement l'appui qu'elle a reçu, nous ne serions pas ici aujourd'hui à cette tribune.
Lorsque la télévision est arrivée dans le Nord, les Inuits l'ont perçue comme un défi, comme un instrument susceptible de causer du tort à notre culture. Dans les diverses collectivités, on a voté pour savoir s'il fallait autoriser la venue de la télévision ou non, car elle a apporté avec elle tout un cortège de changements, notamment pour ce qui est des valeurs qu'elle présentait aux enfants et des différents modèles de comportement qu'elle proposait.
Ainsi, dans l'émission d'Archie Bunker, on pouvait voir un homme âgé qui n'avait aucun respect pour son gendre et un gendre qui n'avait aucun respect pour son beau-père. Quel genre de modèle de comportement cela proposait-il dans les foyers? Dans la culture inuite, on est censé respecter sa belle-mère et son beau-père. Ce fut un véritable choc lorsque cette émission a été diffusée dans le Nord. Les gens se demandaient comment quelqu'un pouvait agir ainsi. L'émission d'Archie Bunker était une comédie de situation, et elle a présenté à nos enfants des valeurs qu'ils ignoraient auparavant.
• 0955
En tant qu'Inuk et en tant que représentant de la population
indienne, on entend souvent l'expression «le seul bon Indien».
Comment les Indiens sont-ils présentés dans les médias? Voyez ce
qu'il en est dans North of 60. Prenez n'importe quel film, et c'est
le même message. Pour changer cette image, il faut que la
communauté autochtone puisse avoir les mêmes chances que toutes les
autres communautés du pays.
J'ai parlé à une jeune fille de Vancouver de cette idée de créer une chaîne nationale autochtone, et elle m'a encouragé dans mes efforts. Sa mère ne reçoit qu'un service qu'elle peut comprendre dans sa propre langue, un service qui reflète sa mentalité. Je pense que CTNC, cette chaîne nationale autochtone, représente un rayon d'espoir.
M. Cowie a dit que le financement représente un problème d'envergure. Je pense que c'est le principal problème dans notre collectivité. Nous considérons notre chaîne comme un rayon d'espoir, comme une tribune pour des modèles valables et des façons positives de présenter notre culture. Nous enrichissons la culture canadienne. Les Inuits qui construisent des igloos et qui chassent, ainsi que tous les Indiens du pays, ont quelque chose de positif à offrir. Mais maintes fois on présente leur culture sous un jour défavorable. Quand on voit des Indiens à la télévision, c'est Oka ou un reportage négatif. On grossit bien souvent le problème pour rendre les choses encore pires qu'elles ne le sont vraiment.
Je pense qu'il nous faut présenter les choses sous un jour positif, dans une perspective qui soit la bonne. À mon avis, c'est notre plus grand défi.
Dans la collectivité autochtone, le taux de chômage est élevé, ainsi que le taux de suicide. Nous avons de nombreux problèmes, mais bon nombre d'entre eux ont un rapport avec les modèles de comportement et la façon dont on nous présente dans les médias de masse. Je pense que nous devons changer cela.
Je pourrais parler encore longtemps, mais je m'en tiendrai là. Je pense vous avoir donné matière à réflexion. En fait, nous souhaitons jouir des mêmes avantages que la Société Radio-Canada. Nous devons encourager les Autochtones à s'affirmer, à avoir confiance en eux et à se présenter de façon positive. Voilà l'un de nos grands défis. Merci.
Le président: Merci, monsieur Tagalik.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: J'ai une question à poser aux représentants du réseau privé. Je veux essayer de comprendre comment vous espérez vous en tirer à l'avenir en tant qu'entreprise. Je crois savoir comment cela s'est fait dans le passé, car à l'origine vous fonctionniez dans le cadre d'un monopole réglementé où vos rentrées d'argent étaient fondées sur la radiodiffusion simultanée—ce phénomène que Mme Tremblay a décrit avec beaucoup de justesse. Ce faisant, vous diffusiez des émissions américaines que vous achetiez à moindre coût... Vous protégiez vos arrières en présentant votre publicité au moment où les réseaux américains présentaient la leur. Voilà qui semblait être votre stratégie commerciale.
À l'heure actuelle, il me semble que votre entreprise est menacée de deux façons. Premièrement, par la multiplication des chaînes. Vous vous situez peut-être au septième rang, mais cela n'empêche pas les problèmes. L'auditoire rétrécit à mesure qu'augmente le choix. On peut compenser cela par le biais de chaînes spécialisées. On peut utiliser un certain nombre de stratégies pour contrer cette tendance, mais essentiellement vous ne bénéficiez plus des avantages que vous procurait autrefois cette situation de monopole.
Deuxièmement, cette position monopolistique dépend de la réglementation. Vous avez besoin d'un CRTC pour défendre vos intérêts économiques, car si vous n'êtes plus autorisés à faire de la radiodiffusion simultanée ou si, en raison de l'avènement de nouvelles technologies, la situation devient incontrôlable parce que, grâce à un satellite ou dans le contexte d'un univers multichaînes, vous n'êtes plus en mesure de colmater les brèches et de vous protéger parce qu'il y a tellement d'options à différentes heures, il me semble que cela torpille votre entreprise sous sa forme actuelle. J'essaie de savoir quel sera votre nouveau plan d'entreprise. En somme, je suis plutôt sceptique. Jusqu'ici, tout ce que je vous ai entendu dire, c'est que vous souhaitez que nous vous financions pour vous permettre d'accroître le contenu canadien. Mais moi je voudrais bien savoir d'où viendront vos rentrées d'argent à l'avenir. Le contenu va-t-il en prendre pour son rhume si nous ne vous finançons pas? Allez-vous faire faillite en raison de tous ces défis technologiques? Allez-vous vous réfugier dans les chaînes spécialisées? Allez-vous rester présents, d'une façon ou d'une autre, dans le réseau de diffusion et de distribution? Expliquez-moi comment les défis technologiques d'aujourd'hui vont influer sur l'avenir commercial du secteur privé.
Le président: À ce stade-ci, je vais donner la parole à M. Stein, M. Shea, M. Bélanger et M. Abbott. Je demanderai à M. Beatty et à M. Roy de clore la discussion, car je pense qu'il est très important de répondre aux observations de M. Saada et de Mme Tremblay.
Monsieur Stein.
M. Ken Stein: Merci, monsieur le président. On a posé d'excellentes questions, et comme je suis sûr que nous n'aurons pas le temps de répondre à la totalité d'entre elles aujourd'hui, j'aimerais m'attacher à une ou deux seulement.
La première est celle que vient de poser M. Godfrey, au sujet de notre modèle d'entreprise futur. Je pense que ce modèle sera strictement axé sur la satisfaction de notre clientèle—nos abonnés, nos téléspectateurs—et ce, que nous les desservions par l'entremise de l'Internet ou d'un satellite. Nous allons continuer à mettre l'accent là-dessus. Nous devons trouver des moyens de satisfaire leurs exigences.
Le contexte commercial change, en ce sens que les gens découvrent de nouvelles façons de se procurer notre produit, de payer pour et d'y avoir accès. Nous devons être suffisamment astucieux pour pouvoir combiner les technologies qui nous permettront de répondre à leurs attentes de façon satisfaisante. Il nous faut donc constamment être en quête de façons novatrices et meilleures d'offrir notre produit.
Pour ce qui est des nouvelles technologies et de la question de l'accès, particulièrement pour les services francophones, je comprends les problèmes évoqués. Mme Tremblay, entre autres, a parlé du cas d'un francophone qui, lorsqu'il se rend dans certaines régions du pays, n'a pas accès à la programmation francophone. Pour nous, c'est l'une des raisons pour lesquelles nous enregistrons des succès retentissants dans la vente d'antennes paraboliques. D'importantes collectivités francophones sont situées dans des régions où il n'y a pas de services francophones étendus, et notre service satellite leur offre une gamme d'émissions intéressantes. Toute la gamme des services francophones disponibles au Québec est aussi disponible à un résident de Calgary, en Alberta. Nous avons constaté que cette approche donne de très bons résultats.
Deuxièmement, pour ce qui est de l'accès Internet, on peut avoir accès à des sites dans de multiples langues, peu importe où on est au pays. Nous avons constaté qu'à la suite de l'avènement de l'accès à grande vitesse—nous sommes en Amérique du Nord au premier rang des fournisseurs d'accès à grande vitesse à l'heure actuelle—la demande pour les services francophones, multilingues et multiculturels est très élevée.
Dans la même veine, après que nous ayons livré bataille aux Canada pour essayer d'offrir un service de musique numérique au Canada, après avoir enfin réussi en dépit d'une vive opposition, on nous a mis au défi d'offrir des services de musique canadienne à nos collègues américains. Nous sommes donc allés à Los Angeles pour parler aux Américains et leur demander quels services nous pourrions leur offrir. Or, ils ne s'intéressaient qu'à la musique du Québec. Ils nous ont dit que, compte tenu du marché international—cette technologie n'a pas eu tout le succès escompté; ce ne sont pas toutes les nouvelles technologies qui ont le succès attendu—c'est particulièrement la musique québécoise qui les intéressait.
Évidemment, il y a certaines célébrités canadiennes qui sont aussi bien connues. Mais au-delà de cela ils souhaitaient avoir accès à ce type de musique.
En tant qu'industrie il faut avoir une attitude positive face à ces nouvelles possibilités, et en tant que pays on doit leur accorder beaucoup d'attention. Je ne pense pas que ce soit uniquement une question de financement. Il faut également chercher des alliés dans le monde. Il faut trouver des moyens de pénétrer le marché américain, de se servir à meilleur escient de nos politiques commerciales pour faire notre place sur ces marchés. À mon avis, voilà le genre d'initiatives qui donneront de bons résultats à l'avenir.
Le président: Monsieur Shea.
M. Kevin Shea: J'essaierai d'être bref et d'aborder les nombreuses questions qui ont été posées au sujet de la télévision privée.
Dans notre secteur, la bonne nouvelle, c'est qu'en septembre prochain le CRTC tiendra sa première audience sur l'examen de sa propre réglementation. Nous sommes quelque peu handicapés par des règles désuètes. C'est l'occasion de les moderniser et de discuter dans une tribune publique des nombreuses questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui. Enfin, nous pourrons explorer de multiples questions: les divers aspects de la substitution, la durée des pauses publicitaires, le niveau de contenu canadien ou américain, la propriété étrangère, et en tant que secteur cela nous réjouit énormément.
• 1005
J'aimerais répondre brièvement aux questions relatives aux
producteurs indépendants. Quelqu'un m'a déjà dit qu'il était
beaucoup plus facile de les définir il y a 10 ans, car c'était ceux
qui voulaient présenter des émissions au sujet du communisme.
Aujourd'hui, les producteurs indépendants font la manchette des pages d'affaires des journaux, comme c'est le cas aujourd'hui avec Alliance Communications, qui enregistre des profits records et dont le prix des actions grimpe en flèche. Hier, vous avez entendu Micheline Charest, l'héroïne d'une maison de production de dessins animés du Québec, qui fait elle aussi un malheur à la Bourse. Il est incroyable de voir que les producteurs indépendants, les communistes d'hier, sont aujourd'hui ceux dont les entreprises sont florissantes. C'est à se demander si elles ont besoin de soutien.
Ce qui est intéressant, c'est qu'elles font de l'argent, mais pas grâce à la télévision canadienne. Leurs rentrées sont attribuables à ce que nous appelons «le travail de service».
Fait également intéressant, les producteurs indépendants d'aujourd'hui sont aussi des radiodiffuseurs. Alliance possède deux réseaux. Atlantis aussi. Nous sommes propriétaires d'un réseau, mais nous ne sommes pas un producteur indépendant.
Voilà qui me ramène à la question fondamentale posée par M. Godfrey sur les moyens à prendre pour diffuser avec succès le contenu canadien. Quand faut-il cesser d'injecter des fonds de soutien? Comment élargir et améliorer notre contenu?
Je vous dirai que la façon la plus rapide d'y arriver, c'est de permettre aux réseaux de télévision canadiens de participer au contenu. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Comme M. Beatty l'a dit, les réseaux ABC, NBC et CBS produisent leur propre contenu. La CanWest Global est la seule station au Canada qui est propriétaire de réseaux en Australie, en Nouvelle-Zélande—d'ailleurs, nous lancerons un nouveau réseau en Irlande dans un mois ou deux—et pourtant nous ne pouvons produire d'émissions en tant qu'entité, que nous pourrions nous vendre à nous-mêmes.
Par conséquent, nous espérons beaucoup de la modernisation de la réglementation qui s'amorcera en septembre prochain. Nous voulons améliorer et multiplier notre contenu. Nous souhaitons aussi avoir le même accès que les autres à la participation au contenu. Autrement, nous ne nous en sortirons pas. À l'heure actuelle, les producteurs indépendants, Atlantis ou Alliance, sont des radiodiffuseurs, et ils bénéficient de règles plutôt curieuses auxquelles nous aimerions certainement avoir accès. Ce sont des chefs de file dans le milieu des affaires. Ils font la manchette des journaux, et pas nous, pour l'instant.
Le président: Merci, monsieur Shea. Vous avez soulevé un point très important.
[Français]
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Madame Tremblay, je vous écoutais tout à l'heure et je ne peux m'empêcher de faire deux observations. La première, c'est que le nationalisme canadien vous va très bien. La deuxième, c'est que si vous continuez...
Mme Suzanne Tremblay: Vous pourriez faire du théâtre.
M. Mauril Bélanger: La deuxième, c'est que si vous continuez à défendre la francophonie canadienne, je vais peut-être finir par croire que c'est vraiment ce que vous voulez faire. Pour me convaincre, vous n'avez qu'à donner votre appui à la diffusion de TFO au Québec. Je m'excuse de reprendre cette rengaine, mais j'en profite parce que M. Beatty est là.
On a en Ontario une petite perle, TVO. TFO est la chaîne française de TVO et est maintenant diffusée au Nouveau-Brunswick. Il y a des discussions en vue de sa diffusion au Manitoba et à l'Île-du-Prince-Édouard, et il commence à y avoir des ententes avec les câblodistributeurs à certains endroits au Québec, mais en périphérie.
Il y a eu une opposition assez systématique de Télé-Québec et même de Radio-Canada. Cela m'a surpris et j'espère que le fond de toute cette histoire sera dévoilé publiquement un jour et que Radio-Canada appuiera la diffusion de TFO au Québec. Si on veut vraiment encourager la francophonie, il y a ici un réseau qui, lui, pourrait s'épanouir s'il pouvait obtenir des revenus en étant diffusé par des câblodistributeurs dans d'autres provinces, comme on le fait au Nouveau-Brunswick et ailleurs. Mais il y a cette opposition, que je ne comprends franchement pas, à ce que cela se fasse. Je vous encouragerais tous ici, parce que vous vous connaissez entre vous, à travailler pour qu'on puisse parvenir à cela.
S'il faut parler aux câblodistributeurs du Québec, qu'on le fasse. Je sais que Shaw et d'autres le font par satellite et qu'il y a des ententes qui fonctionnent très bien.
• 1010
Si on a l'intention d'aider la francophonie et la
programmation francophone, lorsqu'on a une perle qui
fonctionne très bien et qui offre une programmation de
qualité, il faut l'encourager. Merci.
Le président: Merci, monsieur Bélanger.
[Traduction]
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Vous avez été très généreux avec moi, de sorte que je serai bref.
En fait, je n'ai qu'une requête à formuler. J'apprécierais énormément de recevoir des documents explicatifs. Si vous acceptiez, la façon de procéder consiste à les faire parvenir au comité par l'entremise du greffier. Cela me serait utile pour comprendre le pour et le contre d'une troisième chaîne nationale ou d'un troisième réseau national, étant donné que nous avons déjà Baton et CanWest. Je crois savoir qu'étant donné que le réseau CTV a différents propriétaires, même si Baton est le principal, il y a d'autres intervenants.
J'aimerais que vous répondiez à la question suivante. Les responsables gouvernementaux de la réglementation devraient-ils attendre que la question de la propriété des diverses stations se règle au niveau commercial? Autrement dit, si WIC et CanWest s'unissaient, cela constituerait presque automatiquement un réseau national en raison de la situation en Alberta. Je me demande finalement si le gouvernement ne devrait pas rester à l'écart de ce dossier et laisser les dirigeants d'entreprises, les forces du marché, décider. D'après vous, le gouvernement devrait-il plutôt encourager la création d'un troisième réseau national?
Je ne m'attends pas à ce que vous me répondiez immédiatement, mais j'apprécierais beaucoup recevoir un mémoire d'au plus deux pages, car nous recevons déjà énormément d'information. J'aimerais qu'il renferme un sommaire qui nous permette de comprendre les répercussions que cela représente pour vous—en fait pour vous tous, y compris M. Beatty. On pourrait peut-être également aborder la question de Mme Tremblay, à savoir si un réseau national de langue française s'intègre dans tout cela. Un réseau national francophone a-t-il sa place dans le contexte dont je parle?
Le président: Malheureusement, monsieur Cowie, monsieur Shea, nous n'avons pas le temps de vous laisser répondre longuement à M. Abbott. J'espère que vous vous rendrez à sa suggestion et que vous nous ferez parvenir quelques lignes, et cette requête s'adresse à vous tous. Si vous avez des observations, des suggestions ou des recommandations à nous faire, nous les accueillerions volontiers. En fait, nous en avons besoin. Sentez-vous tout à fait libres d'écrire au comité, et nous ferons en sorte que tous les députés reçoivent vos documents. Les recherchistes les étudieront pour en relever les points saillants, le but de l'exercice étant d'en tenir compte au moment de la rédaction de notre rapport.
[Français]
Madame Tremblay, vous m'avez demandé une brève question.
Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais répondre officiellement à M. Bélanger. Je ne veux pas entreprendre avec lui une discussion en profondeur sur cette question que j'essaie de lui expliquer depuis plusieurs mois et qu'il ne semble pas vouloir comprendre.
Nous avons au Québec un réseau éducatif, Télé-Québec, que nous subventionnons à même nos impôts. Nous avons une entente avec le Nouveau-Brunswick depuis 25 ans pour lui donner gratuitement Télé-Québec. TVOntario veut atteindre toutes les autres provinces depuis que M. Harris menace de lui couper les subventions. Auparavant, elle n'était pas intéressée à venir au Québec. Donc, il y a une question de réglementation. Si TVO veut aller gratuitement au Québec et partout au Canada, comme Télé-Québec le fait, il n'y a aucun problème. Elle sera la bienvenue.
Le président: Merci beaucoup, madame Tremblay, pour cette précision.
[Traduction]
J'invite M. Beatty à commencer, et ensuite je demanderai à M. Roy de clore la discussion d'aujourd'hui. Je vous serais également reconnaissant à tous les deux de prendre le questionnaire concernant les services francophones.
[Français]
M. Perrin Beatty: Merci, monsieur le président.
M. Abbott a soulevé la question d'une troisième chaîne en français partout au Canada. En principe, notre politique est qu'on accueillerait l'expansion des services des radiodiffuseurs dans chaque région du Canada si ces radiodiffuseurs acceptaient des responsabilités envers la population de cette région dans leur programmation, leur production, etc.
Donc, on serait prêts à accueillir, par exemple, l'expansion de TVA dans les autres régions du Canada si elle offrait une grille horaire qui soit vraiment régionalisée et qui reflète la diversité pancanadienne. Il est essentiel que les radiodiffuseurs acceptent de prendre des responsabilités envers les régions qu'ils desservent s'ils veulent qu'on leur permette d'étendre leurs services.
Plusieurs députés ont soulevé la question des services en français hors Québec. J'aimerais simplement signaler le fait qu'en plus de notre service de nouvelles locales dans l'ouest du Canada et dans les autres régions du Canada, on a des fenêtres régionales sur RDI. On a demandé quatre licences du CRTC pour de nouvelles chaînes spécialisées en français ainsi que deux licences pour des services en anglais.
Également, on a des services de radio partout au Canada. Depuis que nous avons un défi financier, nous avons décidé de régionaliser davantage la grille horaire de la radio française de Radio-Canada. Elle est plus régionalisée que jamais. Je crois qu'on a fait du progrès et qu'on reflète maintenant mieux la réalité pancanadienne.
Si on a soulevé la question de services aux francophones et les défis du marché francophone, c'est peut-être parce que l'industrie canadienne de la radiodiffusion connaît un plus grand succès dans plusieurs catégories que dans les marchés anglophones.
Le contenu produit au Canada par les radiodiffuseurs canadiens est vraiment culturellement canadien dans les marchés francophones. Le développement des marchés a connu beaucoup de succès et les services obtiennent beaucoup d'appui dans le marché francophone. Le grand défi des radiodiffuseurs des marchés anglophones est d'obtenir le même niveau d'appui pour la programmation canadienne dans les marchés anglophones.
Pour ce qui est des nouveaux services et des nouvelles technologies, c'est la même chose en anglais et en français.
[Traduction]
Regardez autour de vous. Personnellement, je ne vois que des occasions pour nous d'offrir de nouveaux services et de communiquer de nouvelles façons avec notre auditoire.
Par exemple, en ce qui a trait surtout à l'auditoire francophone,
[Français]
le chef du gouvernement, au Sommet de la Francophonie, a souligné le manque d'information en français sur l'Internet. Cela donne au Canada une excellente occasion de devenir le plus grand fournisseur d'information en français sur l'Internet. J'encouragerai le gouvernement à examiner ses politiques et peut-être à instituer un fonds semblable au fonds de production pour la télévision afin d'encourager le développement de programmation véritablement canadienne pour l'Internet, particulièrement en français.
[Traduction]
C'est une occasion en or pour nous de faire preuve de leadership.
M. Abbott a parlé d'une émission qu'il n'a pas appréciée hier soir à la télévision. Je ne peux pas faire de commentaires sur l'émission en question, puisque je ne l'ai pas vue.
Tout ce que je peux dire, en général, c'est qu'il est inévitable que de temps à autre il y ait des émissions qui ne seront ni à son goût ni au mien. Il va de soi que nous ne faisons pas exprès pour présenter des émissions offensantes pour lui, pour moi ou pour qui que ce soit d'autre.
Monsieur Abbott, que Dieu nous garde si jamais il arrivait que la programmation de la Société Radio-Canada devienne tellement prévisible et conventionnelle qu'elle ne nous stimule plus. Il est inévitable que certaines émissions dérangent et que des gens ne soient pas d'accord, mais c'est un attribut de la liberté de presse et de la société libre qui est la nôtre.
Cependant, vous avez soulevé une question connexe. Essentiellement vous avez dit que le réseau d'État sera toujours là, mais qu'étant donné que le secteur privé n'est pas financé par les contribuables, il y a des différences qualitatives entre les deux. Vous posez la question: comment la Société Radio-Canada peut-elle avoir une reddition de comptes suffisante?
Je vous répondrai que notre niveau de responsabilisation dépasse de loin celui de n'importe quel autre radiodiffuseur au Canada aujourd'hui. Nous devons rendre des comptes au gouvernement pour notre budget, puisque c'est le gouvernement qui le fixe tous les ans. Nous ne sommes pas financés grâce à un droit de permis qui est fixe et étranger au gouvernement. Tous les ans, nous devons justifier chaque dollar que nous recevons.
Nous devons également rendre des comptes au Parlement lorsque votre comité examine nos prévisions budgétaires, notre rapport annuel ou tout autre dossier qui l'intéresse.
Nous devons rendre des comptes au CRTC. En fait, nous devons renouveler notre permis, et nous ferons face à un interrogatoire serré sur la façon dont nous nous acquittons de notre tâche et les moyens à prendre pour nous améliorer.
Nous devons rendre des comptes au marché. Nous générons environ 300 millions de dollars sur le marché. Et en fait, si nous présentons des émissions qui offensent les téléspectateurs, notre auditoire diminuera. Cela aura aussi un effet sur notre rendement financier. Par conséquent, nous ne sommes pas à l'abri du marché.
Nous devons rendre des comptes directement à nos auditeurs et téléspectateurs. Cette année, pour la première fois, nous présenterons en ondes un rapport annuel en anglais et en français. Nous expliquons à notre clientèle nos réalisations, en précisant dans quels domaines s'est exercée notre responsabilisation. Nous avons essayé de répondre à leurs questions à la radio et sur l'Internet.
Sur le plan journalistique, nous rendons des comptes à notre ombudsman. Je pense que nous demeurons encore aujourd'hui le seul radiodiffuseur national dans le monde qui ait un ombudsman chargé de veiller à ce que nous appliquions dans notre travail les plus hautes normes journalistiques. Nous sommes fiers de cela et nous sommes très sensibles à notre responsabilité envers nos auditoires et la population du Canada, nos propriétaires.
Enfin, mon dernier argument, c'est que si nous sommes irresponsables, arrogants ou non transparents, nous allons perdre l'appui de la population, et ce sera la fin de la Société Radio-Canada. Nous sommes très sensibles à cela, et c'est notre but que d'assurer la survie de ce que nous considérons comme une institution vitale pour le Canada.
M. O'Brien nous a interrogés sur les résultats de nos enquêtes concernant l'appui de la population pour la Société Radio-Canada. Je suis heureux de lui apprendre que cet appui est très fort. Les données issues d'enquêtes privées et publiques montrent que la population est très favorable au maintien de Radio-Canada. Je pourrais réunir, pour les faire parvenir au comité, certaines de ces données.
Vous vouliez également savoir ce que nous pourrions faire pour renforcer cet appui. Par notre programmation, nous voulons nous assurer d'offrir quelque chose d'unique et de précieux. Les Canadiens doivent avoir le sentiment que leur investissement dans la Société Radio-Canada est justifié. Nous sommes déterminés à faire en sorte qu'ils le soient et nous examinons tous les aspects de notre travail pour nous acquitter encore mieux de cette responsabilité.
En outre, c'est à nous qu'il incombe de faire notre propre publicité. Nous devons expliquer pourquoi la radiodiffusion publique joue un rôle très important. C'est en quelque sorte la trame du tissu national canadien.
En conclusion, monsieur le président, je peux vous dire que lorsque je vois les défis qui nous attendent, qu'il s'agisse de la radiodiffusion en français, des nouvelles technologies ou de nos émissions traditionnelles, lorsque je regarde autour de moi, tout ce que je vois, ce sont de belles occasions à saisir. Il suffit que notre pays et la Société Radio-Canada aient la vision qu'il faut pour saisir la multiplicité des occasions disponibles. Il nous faut avoir le courage de surmonter des temps difficiles, d'adopter de nouvelles façons de faire les choses, de rompre avec le passé et d'admettre qu'à l'avenir nous ne vivrons plus dans un monde protégé.
Nous avons le devoir de présenter dans tous les médias des émissions fantastiques qui intéressent la population, qui suscitent chez eux la fierté d'être Canadiens, qui racontent aux Canadiens leur propre histoire et fassent ainsi en sorte qu'ils puissent voir leur pays et le monde à travers un prisme canadien. Je suis plus optimiste et enthousiaste que jamais au sujet de cette mission et de la capacité de la SRC de la réaliser.
[Français]
Le président: Monsieur Roy.
M. Pierre Roy: Si on veut répondre aux préoccupations de M. Saada et de Mme Tremblay, je crois qu'il faudra, au cours des prochaines années, favoriser l'évolution de l'offre francophone afin de maintenir et même développer la présence francophone sur nos ondes canadiennes. L'évolution de l'offre anglophone, qu'elle vienne du Canada anglais ou des États-Unis, est très importante.
Si on maintient une évolution de la présence francophone... On l'a fait par le passé. On a créé des chaînes spécialisées dont l'offre tout à fait comparable à celle qu'on pouvait trouver au Canada anglais, et le public a suivi. Si on veut que cette présence évolue, il faudra avoir accès, étant donné la taille restreinte du marché québécois, à des sources de financement comme celles que l'on retrouve aujourd'hui, que ce soit Téléfilm ou le fonds des câblodistributeurs. Ces sources apporteront un financement d'appoint aux sommes qu'on pourra investir au niveau de la programmation. L'évolution de l'offre en français devra être comparable à l'évolution de l'offre en anglais.
Concernant la remarque de M. Bélanger, nous n'avons peut-être pas le temps d'entrer ici dans un débat concernant TFO, mais cela me fera plaisir d'apporter un éclairage additionnel sur ce débat. Je pense qu'aucun diffuseur au Québec n'a jamais été contre la présence de TFO sur les ondes québécoises, et je pense que Mme Tremblay a bien répondu tantôt. Sur une base comparable et selon des règles qui nous concernent tous, on serait tout à fait disposés à recevoir TFO ou TVO sur nos ondes québécoises.
Le président: Brièvement, monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Je suis d'accord, monsieur Roy. On devrait peut-être faire ce débat sur TFO ailleurs. Vous m'excuserez, monsieur Roy, car je vais vous chicaner un peu. C'est la troisième fois en trois jours que je fais cette remarque. Vous serez celui qui confirme la règle du «jamais deux sans trois». Je m'excuse à l'avance et j'espère que je ne vous choquerai pas.
Je vous prierais d'être conscient du vocabulaire que vous utilisez lorsque vous parlez du «Canada anglais». Je suis un Canadien français d'Ontario. Je représente un comté où il y a 40 p. 100 de francophones. Il y a des centaines de milliers de francophones en Ontario. Il y en a plusieurs autres centaines de milliers un peu partout au Canada, d'un océan à l'autre. Il y a une seule province, le Nouveau-Brunswick, qui est officiellement bilingue. Je me demande où vous mettez tout ce monde-là dans votre définition du Canada anglais.
M. Pierre Roy: Je parlais d'une offre anglophone et non d'une offre pour le Canada anglais. Je m'excuse.
M. Mauril Bélanger: Merci.
M. Pierre Roy: D'ailleurs, je peux vous dire qu'il y a un an ou deux, nous avons fait une demande afin que toutes nos chaînes puissent être distribuées partout au Canada. Auparavant, elles n'étaient accessibles que dans l'est du Canada. Elles le sont maintenant d'un océan à l'autre. Nous souhaitons que l'évolution technologique permette cette accessibilité.
[Traduction]
Le président: Il m'incombe d'essayer de résumer ce que nous avons entendu, et j'essaierai de le faire en étant aussi bref que possible.
Il était extrêmement important et symbolique que ce soit vous qui amorciez le débat, monsieur Tagalik, du point de vue de nos invités. Nous en avons pris bonne note lorsque vous nous avez dit que la nouvelle réglementation et les nouvelles technologies vous avaient permis d'entendre des reportages dans votre propre langue, correspondant à votre propre mentalité.
J'ai aussi été frappé que vous ayez évoqué l'exemple d'Archie Bunker, car lorsque je regardais cette émission je considérais que c'était une satire qui montrait tout ce qui n'allait pas. Il est intéressant que vous soyez arrivé à la conclusion que c'était un modèle à ne pas suivre. Il est très intéressant que votre peuple y ait vu un très mauvais exemple, et cela a étayé votre plaidoyer en faveur d'une présentation de votre réalité qui corresponde à votre propre façon de voir les choses.
Vous nous avez dit que nous devrions déployer des efforts pour créer une chaîne autochtone nationale qui transmettrait cette réalité. Évidemment, cela sera un défi formidable, compte tenu du manque de ressources financières, mais, quoi qu'il en soit, je suis heureux que vous ayez fait ce plaidoyer. Chose certaine, votre exemple était très parlant.
• 1030
Vous avez aussi fait un autre commentaire qui est ressorti
parmi les propos de tous nos autres invités. Dans un univers de 500
chaînes—et certains diront que nous connaîtrons plus de 500
chaînes, peut-être 1 000, 2 000 ou 10 000—on retrouve souvent la
même chose. Pour reprendre vos paroles, vous avez dit que c'était
surtout de la «pacotille». C'est très intéressant, car je crois
avoir entendu M. Cowie dire qu'en moyenne une personne ne regarde
que de sept à dix chaînes, et non pas 500 ou 10 000.
L'argument de M. Cowie était très pertinent. Nous devons viser à faire partie de ce petit groupe d'une dizaine de chaînes. La seule façon d'y arriver est de produire des émissions de qualité où dominera le contenu canadien et où le miroir reflétera l'image d'eux-mêmes que souhaitent voir les Canadiens. À défaut de cela, nous ne pourrons atteindre notre objectif.
Nous devons tous admettre qu'il faudra des incitatifs et que la réglementation est là pour rester. Parallèlement, nous devons prendre en compte un monde complètement différent, un marché international et un contexte technologique qui connaît une évolution fulgurante. Même si M. Shea a avoué certaines craintes et admis que les radiodiffuseurs ressentaient une certaine crainte parce qu'ils ne savent pas ce qui les attend, parallèlement j'ai cru sentir que la plupart, sinon la totalité, d'entre vous estiment que nous devrions accueillir à bras ouverts ces nouvelles technologies. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve, mais nous devons participer à ce mouvement. Nous devons utiliser ces technologies pour produire des émissions de façon plus concurrentielle, mais aussi plus efficace, des émissions de qualité que les gens accueilleront mieux.,
Monsieur Beatty, vous avez dit qu'aux premiers jours de Radio-Canada l'un des défis consistait à acheminer les signaux d'une collectivité à l'autre dans tout le Canada et qu'aujourd'hui ces signaux abondent. En fait, il y en a tellement qu'on ne peut plus les compter. À l'heure actuelle, le défi consiste à pénétrer toutes les chaînes qui existent déjà.
C'est donc le contenu qui compte. Ce que nous retenons de vos propos à tous aujourd'hui, c'est la valeur du contenu. À moins que le contenu n'y soit, qu'il ne reflète nos valeurs et que sa qualité ne soit indéniable, notre clientèle va se disperser. Les gens vont passer à une autre chaîne.
M. Stein a dit quelque chose d'important lorsqu'il a dit pour nous tous que nous ne devons pas seulement développer des nouvelles technologies et y participer, mais qu'il nous faut aussi être interactifs avec elles et proactifs en s'en servant. Je crois que M. Beatty et nous tous avons marqué le coup.
J'ai aussi entendu que nous sommes des chefs de file dans le domaine des programmes pour enfants et, dans mon esprit, je faisais le lien entre cela et nos tables rondes précédentes. Dans bien des cas, on sentait, surtout chez les éditeurs et les auteurs, que c'est à ce niveau que l'on peut commencer à promouvoir le contenu canadien, c'est-à-dire auprès des enfants. Mme Bulte revient toujours sur cette question, cette question de l'éducation, et c'est quelque chose qu'il ne faudrait pas oublier.
Une autre chose qui est très bien ressortie aujourd'hui, c'est ce besoin qu'il y a d'intégrer les secteurs et de ne pas les isoler en construisant des murs. Il nous faut rendre ce monde du multimédia plus souple pour qu'il se fasse le reflet de l'évolution de notre monde. En ce sens, monsieur Shea, vous êtes heureux de la révision des règlements du CRTC, qui, nous l'espérons, en tiendront compte.
M. Saada, Mme Tremblay, ainsi que M. Bélanger dans sa demande concernant TFO, ont vraiment fait comprendre que les services francophones doivent être plus facilement accessibles. Vous nous avez expliqué cela, messieurs Beatty et Roy surtout, mais je crois...
[Français]
Il serait peut-être souhaitable que MM. Roy et Beatty nous fassent parvenir de l'information par écrit à ce sujet, puisqu'il est très difficile de toucher des sujets d'une telle importance en cinq ou dix minutes. Monsieur Roy, nous avons retenu de vos propos que l'évolution de l'offre en français doit être comparable à celle en langue anglaise. Vous avez aussi souligné l'importance de maintenir les droits des diffuseurs canadiens. Comme vous le savez, nous étudierons bientôt cette question. Enfin, le ministère du Patrimoine canadien a étudié toute la question des droits d'auteur par rapport à la troisième phase de l'Internet et de la nouvelle technologie.
[Traduction]
En résumé, ce qui semble prédominer, c'est la question d'un contenu de qualité, et ce que vous avez dit en deux mots, monsieur Cowie, le résume très bien: un récit de qualité.
Monsieur Beatty, je crois que vous avez aussi dit que les programmes doivent être de la véritable dynamite, sinon ils ne survivront pas.
Cette table ronde a été des plus fructueuses. Je sais bien qu'il se dit beaucoup de choses, que nous nous demandons comment nous allons faire pour tout résumer et en tirer quelque chose de logique, mais il y a quand même des fils conducteurs à travers tout cela.
Je suis sûr que je ne trahis pas la pensée de mes collègues en vous disant combien nous avons apprécié votre présence ici et le fait que vous vous soyez déplacés.
[Français]
Merci beaucoup d'être venus. Nous avons grandement apprécié vos témoignages.
[Traduction]
Bonne chance.
[Français]
Le président: La séance est ouverte. Notre table ronde va débuter. Je voudrais d'abord souhaiter la plus chaleureuse bienvenue à nos invités et les remercier d'être venus participer à cette séance. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Je sais que certains d'entre vous ont dû faire un voyage pour venir ici.
Je vais brièvement décrire les règles du jeu. Ceux qui ont assisté à la première séance savent déjà un peu ce que nous essayons de faire. Nous avons décidé de faire des tables rondes plutôt que d'écouter les témoins présenter leurs mémoires et répondre à nos questions, comme nous le faisons habituellement, afin de faciliter un échange beaucoup plus dynamique entre les intervenants.
Notre étude porte sur la culture face aux grands défis du prochain siècle. Nous avons établi trois grands thèmes: les nouvelles technologies, l'évolution de l'économie et du commerce mondial et la démographie changeante de notre pays.
[Traduction]
Tout d'abord, nous avons divisé le travail en trois étapes. Lors de la première étape, il s'agissait pour nous, le comité, de nous informer à propos de ces nouveaux défis en écoutant des experts et les fonctionnaires des ministères.
La deuxième étape est celle des six tables rondes. Il y en a déjà eu cinq, soit sur les arts, le patrimoine, l'édition, le film et la vidéo, et, ce matin, la radiodiffusion. Nous abordons maintenant la dernière, soit la table ronde sur l'enregistrement sonore.
Dans les semaines à venir, nous allons entendre des représentants de certains organismes fédéraux, comme Téléfilm, le CRTC, l'Office national du film, et d'autres, après quoi nous entendons faire un peu le tour du Canada pour rencontrer les gens là où ils vivent, surtout dans les plus petites communautés, pour savoir ce qu'ils font face à ces défis.
Nos procédures ne sont pas tellement formelles. Vous nous faites signe lorsque vous voulez vous faire entendre, et nous y allons par rotation.
[Français]
Naturellement, les deux langues officielles sont d'usage. Nous espérons que nos échanges seront aussi fructueux et dynamiques que lors des précédentes séances.
Cinq questions figurent dans les documents que nous vous avons remis. Je vous invite à répondre à l'une ou l'autre de ces questions ou à chacune d'elles. C'est votre choix. Ces documents ne sont qu'un guide en vue de vous indiquer en quelque sorte le sens de notre recherche.
[Traduction]
Tout d'abord, j'aimerais vous demander de vous présenter, très rapidement, soit votre nom et ce que vous faites, et nous commençons par M. Rosen.
M. Earl Rosen (président, Marquis Records): Je m'appelle Earl Rosen et j'ai une société de disques classiques qui s'appelle Marquis Records, société spécialisée dans le lancement d'enregistrements sonores d'interprètes de musique classique canadiens, ainsi que de compositeurs canadiens.
[Français]
M. Jean-François Denis (fondateur-directeur, Empreintes DIGITALes): Jean-François Denis, fondateur-directeur des disques Empreintes DIGITALes, musique électroacoustique, musique très spécialisée, dont le siège social est à Montréal.
M. Robert Pilon (vice-président, affaires publiques, Association du disque et de l'industrie du spectacle et vidéo québécois): Robert Pilon, vice-président de l'ADISQ, l'association des producteurs de disques indépendants du Québec.
M. Jacques Saada: Jacques Saada, député de Brossard—La Prairie, au Québec.
[Traduction]
M. Holger Petersen (président, Stony Plain Records): Je suis Holger Petersen, de Stony Plain Records, d'Edmonton, en Alberta, une étiquette spécialisée dans le créneau de la musique tirée de nos racines.
[Français]
M. Perrin Beatty: Perrin Beatty, président-directeur général, Société Radio-Canada.
[Traduction]
Le président: Monsieur Beatty, je crois comprendre que vous serez parmi nous pendant un certain temps.
M. Perrin Beatty: Malheureusement, monsieur le président, je dois me rendre à l'aéroport...
Le président: Je comprends bien; alors faites-nous signe lorsque vous partirez.
Madame Cecconi.
Mme Pegi Cecconi (vice-présidente, Anthem Records): Je suis Pegi Cecconi, de Anthem Records, une étiquette surtout «hard-rock» n'enregistrant que nos talents canadiens installés à Toronto.
M. Ken Stein: Je suis Ken Stein de Shaw Communications. Notre organisme détient une licence pour Digital Music Canada, au Canada, et nous sommes propriétaires de 11 stations de radiodiffusion au Canada. Je suis ici à l'invitation de John Godfrey.
M. John Godfrey: John Godfrey, secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien.
• 1100
Si vous me permettez de faire une petite proposition
administrative, lorsque nous aurons fait le tour de la table ronde,
peut-être que ces gens qui doivent se rendre à l'aéroport
pourraient nous dire quelques mots, juste pour nous situer dans le
contexte.
Le président: Merci, monsieur Godfrey. C'est une bonne proposition.
M. Pat O'Brien: Je suis Pat O'Brien, député de London-Fanshawe, et vice-président du caucus de l'Ontario.
M. Malcolm Perlman (président, Sunrise Records): Je suis Malcolm Perlman, de Sunrise Records, un détaillant du sud de l'Ontario.
M. Alexander Mair (président, Attic Records Ltd.): Je suis Al Mair, président du groupe de musique Attic, probablement l'étiquette indépendante canadienne anglaise la plus importante. Nous vendons nos artistes canadiens au Canada et à l'échelle internationale et des artistes étrangers au Canada. Je suis aussi vice-président de la SOCAN et un des directeurs de la CIRPA.
M. Mark Muise: Je suis Mark Muise. Je suis le député de West Nova et le porte-parole du Parti conservateur en matière de patrimoine canadien.
M. Jason Sniderman (président, FACTOR; vice-président, Sam the Record Man): Je suis Jason Sniderman, vice-président de Sam the Record Man, un détaillant canadien de propriété exclusivement canadienne qui existe depuis 60 ans. Je suis aussi président de FACTOR et vice-président de FMC, qui aide à répartir les fonds du PADES aux divers artistes et compagnies de disques canadiens.
[Français]
M. Mauril Bélanger: Mauril Bélanger, député d'Ottawa—Vanier en Ontario.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélanger. Je vais d'abord demander à M. Beatty et à M. Stein, qui doivent nous quitter plus tôt, de nous faire part de leur perspective.
[Traduction]
Monsieur Beatty, peut-être que vous et M. Stein pourriez nous dire quelques mots pour partir le bal.
M. Perrin Beatty: Monsieur le président, si vous vous fiez à vos expériences antérieures, vous serez surpris d'apprendre que je ne parlerai pas longtemps. On résume mieux sa pensée lorsqu'on ne veut pas rater son avion.
Pour souligner ce que j'ai dit précédemment, les nouvelles technologies nous donnent des occasions de faire les choses différemment que dans le passé, tout d'abord.
Deuxièmement, elles constituent à la fois une menace pour les façons de faire traditionnelles et une occasion pour l'avenir. Et ce n'est jamais plus vrai que dans le domaine de l'enregistrement sonore. Les questions concernant le droit d'auteur sont peut-être encore plus importantes dans ce domaine que dans ceux dont il était question ce matin, parce que les nouvelles technologies font en sorte qu'il est très facile de faire une copie numérique parfaite d'une oeuvre et d'en diffuser le résultat très largement.
Par exemple, vous pourriez obtenir le nouvel enregistrement de courte durée d'Alanis Morissette sur l'Internet aujourd'hui même, malgré le fait qu'il n'a pas encore été officiellement mis en vente. Il en a été de même pour le nouvel enregistrement simple de Madonna il y a quelques semaines. Quoiqu'il s'agisse d'une copie imparfaite—l'enregistrement s'est fait à partir d'une radiodiffusion—cela nous fait comprendre à quel point les nouvelles technologies ont le pouvoir de changer la façon dont les choses sont commercialisées et de soulever toutes sortes de questions concernant les droits d'auteur.
Cependant, les nouvelles technologies nous donnent aussi l'occasion, si nous nous percevons comme un instrument, comme le fait Radio-Canada, de la politique culturelle canadienne... Elles nous donnent de nouvelles façons plus économiques de promouvoir et de faire circuler notre contenu canadien. Nous sommes décidés à faire sentir notre présence au niveau des nouvelles technologies, qu'il s'agisse de l'Internet, pour ce qui est de fournir des services aux Canadiens et aux gens partout dans le monde grâce à l'Internet, ou encore de l'introduction de la radio numérique. Tout cela nous permettra de faire notre travail, qui est de fournir les services aux Canadiens à l'échelle internationale de façon plus efficace que cela n'a été le cas par le passé.
Enfin, j'aimerais dire que ce qu'il nous faut comme radiotélédiffuseur, c'est de nous concentrer sur notre mandat et sur nos affaires. Notre mandat est d'encourager et de promouvoir le contenu canadien et de nous assurer que nos voix canadiennes se rendront dans nos foyers canadiens. Peu importe la technologie dont nous nous servons pour atteindre ce but, nous devons nous concentrer sur notre mandat et être prêts à innover en encourageant de nouveaux partenariats avec d'autres à titre de chef de file et à être les premiers à développer de nouvelles technologies pour atteindre cette fin. Nous ne devrions pas nous cantonner dans la façon traditionnelle de faire les choses si nous voulons accomplir notre mandat et prendre en main nos responsabilités.
Le président: Merci, monsieur Beatty.
Monsieur Stein.
M. Ken Stein: Merci, monsieur le président. Je ne crois pas pouvoir être aussi bref que M. Beatty, mais, chose certaine, je vais essayer. Je vais m'efforcer aussi de lire le procès-verbal. Comme l'a dit Perrin, nous sommes ici depuis hier, et je dois partir très vite moi aussi.
Pour moi, l'essentiel tient au fait que les producteurs et les créateurs de musique canadienne sont aux prises avec un défi colossal. Chose certaine, notre entreprise y voit un défi. Pour ce qui est des nouvelles technologies et de leur avènement, on se demande encore si cela nous aide ou nous entrave.
• 1105
Je sais que pour ce qui est de nos stations de radio et nos
services musicaux, Digital Music et Country Music Television, nous
voyons bien le genre de difficultés qu'il y a dans cette industrie.
Nous ne sommes pas convaincus que les approches du passé ont
marché, et il n'y a pas de dialogue entre l'industrie de
l'enregistrement sonore et l'industrie de la radio en
particulier—et je peux le dire parce que je suis un néophyte
ici... Nous ne croyons pas que les dialogues que nous avons eus
jusqu'à présent ont été aussi productifs qu'ils auraient dû l'être
pour ce qui est de l'essentiel, à savoir le développement des
talents canadiens. On s'enlise dans des querelles au sujet des
aspects économiques de la radio, on se demande si c'est rentable ou
non. On s'enfonce dans des discussions au sujet des quotas relatifs
au contenu, on se demande s'ils conviennent à nos auditeurs, etc.
Au cours des quelques prochaines années, nous allons devoir faire davantage pour consolider les services de radio canadiens. Nous allons devoir faire davantage pour trouver de nouvelles technologies. Nous devrions en faire davantage pour créer plus de sites Internet au Canada qui donneront aux Canadiens de véritables services audio où l'on mettra en valeur les produits canadiens. Il faut faire davantage de choses de ce genre.
Nous sortons d'une longue audience du CRTC. On avait réuni une table ronde comme celle-ci pour trouver de nouvelles idées à ce sujet. J'ai la certitude que le conseil fera un excellent travail comme d'habitude et articulera la politique générale voulue, mais dans quelques années, ce qui comptera le plus, ce sera une meilleure concertation au sein de l'industrie.
J'ai dit à quelqu'un plus tôt que je ne savais pas pourquoi il y a toujours toutes ces querelles entre la radio et l'industrie de l'enregistrement sonore, et on m'a répondu: «Eh bien, c'est tout simplement comme ça.» On ne connaît pas les mêmes querelles du côté de la télévision. Il y a des désaccords avec les producteurs de télévision et les producteurs indépendants, mais, de manière générale, on a été témoin de succès authentiques dans nos partenariats avec Alliance, Atlantis et CINAR, par exemple.
Il faut en faire davantage en ce sens pour trouver remède aux problèmes que vous avez dégagés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stein.
Monsieur Beatty, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
M. Perrin Beatty: Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Le président: La discussion est ouverte.
[Traduction]
Je vous invite à vous joindre à la discussion. Qui veut commencer?
Monsieur Mair.
M. Alexander Mair: Monsieur le président, avec votre permission, je ne ferai pas d'exposé comme tel, mais j'ai longuement réfléchi à cette question et j'ai pris des notes copieuses, et il me faudrait à peu près cinq minutes pour soumettre mes idées à la discussion générale.
Le président: Pourquoi ne vous contentez-vous pas de présenter vos idées et de faire parvenir au comité un texte détaillé qui sera distribué à tous les membres?
M. Alexander Mair: D'accord.
La première question porte sur les mesures que le gouvernement fédéral a mises en place pour subvenir à la culture. Par le passé, la plus importante d'entre elles pour l'industrie de la musique était le règlement sur le contenu canadien à la radio. Mesure essentielle pour nous qui n'a pas coûté un sou au gouvernement. Il faut le souligner.
Malheureusement, comme notre ami de Shaw l'a indiqué, il y a un dialogue continu avec les diffuseurs, qui, à notre avis, continuent d'enfreindre ce règlement en ghettoïsant le contenu et en le plafonnant à 30 p. 100. Nous espérons qu'au terme de l'étude actuelle du CRTC il y aura augmentation et, chose tout aussi importante, des mesures pour faire respecter ce règlement, quel qu'il soit.
Ce règlement a aidé l'industrie canadienne à créer des milliers d'emplois. On a ainsi consacré des centaines de millions de dollars à faire des disques, des vidéos, à mettre en marché ces produits chez nous et à l'étranger et à aider ces artistes à faire carrière. Chaque fois qu'un artiste signe un contrat d'enregistrement, c'est essentiellement comme si on lançait une nouvelle petite entreprise canadienne qui pourrait employer entre cinq et 25 personnes. Ce sont habituellement les enregistrements qui lancent les carrières.
Le programme FACTOR, Musique Action, est avantageux, mais manque désespérément de moyens. C'était moins de 5 millions de dollars jusqu'à cette année. Maintenant c'est 10 millions de dollars pour la première fois. Par nécessité, c'est un programme axé sur les projets. Nous croyons que les grandes entreprises ont besoin d'autre chose que d'un financement axé sur les projets. Voyez le cinéma, et même l'édition, où les programmes gouvernementaux ont permis de créer des entreprises.
Il nous faut l'infrastructure voulue si nous voulons découvrir des artistes canadiens et optimiser leur potentiel. Les autres programmes—comme ceux du Conseil des arts du Canada, ceux des conseils des arts provinciaux, etc.—sont des programmes axés sur les artistes. Jusqu'à ce jour, ils ont exclu presque tout dialogue avec l'industrie de la musique commerciale parce qu'il s'agit de programmes axés sur les arts. Certains d'entre nous ont essayé de bâtir des ponts avec ces organismes, mais sans trop de succès jusqu'à présent.
• 1110
Votre deuxième question porte sur les principaux effets de la
technologie—notre industrie est très habituée à la technologie et
s'y sent à l'aise dans la plupart des circonstances. Il y a dix
ans, l'avènement du disque compact a revitalisé ce qui était
probablement une industrie mourante. Notre produit, sur disque
vinyle et cassette, n'était pas de la meilleure qualité, n'était
pas durable, et par nécessité nous étions contraints de vendre à un
très bas prix. Le disque compact a eu un impact énorme. Je ne peux
pas trop le souligner.
Les chaînes vidéo comme MuchMusic et Musique Plus ont également eu un effet considérable sur notre industrie, et cela comprend nos frais d'exploitation. Les nouveaux systèmes de communication, comme le vidéodisque numérique, l'Internet , la radio numérique, etc., tout cela a eu des effets sur notre industrie, cela ne fait aucun doute.
Quels que soient ces effets, nous sommes très soucieux d'obtenir un prix équitable pour l'utilisation de notre musique. Évidemment, quand on dit «équitable», il y a toujours deux sens à ce mot. Mais étant donné que c'est nous qui finançons la création et la commercialisation, nous ne voulons pas donner notre produit à d'autres entreprises qui gagneront de l'argent à nos dépens.
L'un des problèmes que pose l'avènement de nouveaux logiciels et les systèmes de communication comme le vidéodisque numérique, c'est que le consommateur ne s'y retrouve plus; alors il attend. Même aujourd'hui, le disque compact n'a pénétré que dans un peu plus de 50 p. 100 des ménages au Canada. Et la seule façon d'augmenter ce chiffre, c'est d'inciter les jeunes consommateurs à acheter des lecteurs de disques compacts. Les consommateurs plus âgés qui ne les ont pas aujourd'hui n'en achèteront probablement jamais. Donc nous allons augmenter notre part du marché de 2 ou 3 p. 100 par année, et cela nous prendra, en termes simples, entre 10 et 15 ans pour nous installer dans les foyers au même titre que les tables tournantes et les cassettophones.
Il y a une fausseté que j'entends très souvent dans la communauté artistique au sujet des nouveaux systèmes de distribution, particulièrement l'Internet, à savoir que ça va éliminer les compagnies d'enregistrement et la nécessité d'une infrastructure. Je dis que c'est une fausseté parce qu'il a déjà été démontré que les seuls disques qui marchent sont ceux qui sont mis en marché. On parle du téléchargement de David Bowie et d'autres artistes sur l'Internet, mais il s'agit d'artistes déjà établis.
Il y a déjà 35 000 sites musicaux sur l'Internet, et ce chiffre augmente tous les jours. Nous travaillons de concert avec une entreprise américaine qui s'appelle Music Boulevard, qui est le deuxième détaillant de musique sur l'Internet. Cette entreprise ne gagne pas d'argent à vendre des disques, mais plutôt à vendre de la publicité aux grandes entreprises qui peuvent se le permettre. Quand vous entrez sur leur site Web, vous recevez en plein visage leur message, qui dit: «Céline Dion vient de sortir un nouveau disque. Appuyez ici pour l'acheter.» Cette entreprise demande environ 25 000 $ pour une telle publicité.
Oui, le rôle des compagnies de disques à l'avenir—des éditeurs de musique—va changer dramatiquement, mais nous ne sommes pas des dinosaures, et nous allons nous adapter comme il se doit.
Le troisième thème, c'est l'effet de la libéralisation des échanges. Jusqu'à présent, cela n'a pas eu beaucoup d'effets. La diffusion, la radiodiffusion en particulier, est l'une de nos principales sources de distribution, et les règlements gouvernementaux n'ont pas permis jusqu'à présent aux entreprises étrangères de s'approprier notre radio; cela dit, j'ai lu l'article du Financial Post de la semaine dernière sur la situation TNN-CMT—et cela nous inquiète. Premièrement, on ignore TNN aux États-Unis. On dit que la population du Canada se chiffre à 15 millions d'habitants. Je trouve cela très bizarre. Ces gens-là ne savent même pas combien d'habitants il y a dans notre pays, mais ils veulent augmenter leur part, et ils veulent réduire le contenu canadien, et c'est ce qu'on voit quand on lit entre les lignes.
Le Canada et un autre pays dans le monde partagent une frontière et une langue commune avec un pays qui est considérablement plus grand—il s'agit du Canada et des États-Unis, et de l'Allemagne et de l'Autriche. On ne connaît pas un seul artiste autrichien dont les disques se vendent bien à l'échelle internationale. Chose certaine, nous avons beaucoup plus de chances de ce côté. Bon nombre de nos artistes vendent beaucoup de disques à l'échelle internationale.
Malheureusement, un grand nombre d'entre eux, par exemple Shania Twain, Alanis Morissette, David Foster et Bryan Adams, ont décidé de quitter le Canada pour payer moins d'impôts. Bryan Adams paie ses impôts à l'Irlande; Shania Twain vit à Lake Placid, New York, et paie des impôts américains. Alanis Morissette vit en Californie, et j'imagine qu'elle paie ses impôts à l'État de Californie.
Il y a deux semaines, le Globe and Mail publiait un article sur Céline Dion et signalait que sa maison d'édition musicale se trouve aux Bahamas. Il n'y a pas d'éditeur de musique aux Bahamas; c'est un paradis fiscal.
• 1115
Je ne blâme aucun de ces artistes pour cela, mais à mon avis
ils ne font pas partie de l'industrie musicale «canadienne». Il
s'agit essentiellement d'artistes expatriés qui profitent du
règlement sur le contenu canadien sans la moindre obligation
d'enregistrer ici, de payer des impôts, etc.
Avec la mondialisation des industries culturelles, il devient extrêmement difficile de concurrencer les filiales des multinationales qui ont des ressources infinies et des moyens de distribution internationale perfectionnés. Les entreprises canadiennes doivent se contenter de créneaux comme l'entreprise de M. Rosen dans le domaine classique, et l'on pense aux étiquettes de jazz, etc.; M. Denis se spécialise en musique acoustique. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas de potentiel pour la création d'une entreprise d'enregistrement canadienne capable de réussir à l'échelle internationale, mais pour le moment il n'en existe pas une seule qui soit vraiment maîtresse de son propre destin d'un océan à l'autre, et encore moins à l'échelle internationale.
Certains croient que la solution réside dans une plus grande participation des multinationales. Je ne crois pas que ce soit vrai. Par définition, une multinationale pompe de l'argent chez nous et paie ses impôts ailleurs. Elle ne s'intéresse qu'aux artistes qui sont capables de réussir à l'échelle planétaire, par exemple Céline. Nous pouvons encore faire ce genre de choses ici. Mais céder complètement l'initiative aux multinationales n'est pas la solution.
Le quatrième thème, c'est l'évolution démographique. Je pense que c'est très positif. Avec la croissance de la population, nous avons maintenant des disques pour enfants, et des artistes comme Raffi et Sharon, Lois et Bram, qui visent les deux à six ans. Grâce à la télévision et aux chaînes vidéo, les enfants s'intéressent à la musique populaire plus jeunes, et nous voyons se développer là un nouveau segment, qui vise les 9 et 10 ans, jusqu'à environ 16 ans. Vous avez entendu parler des Spice Girls, des Back Street Boys, etc. C'est ce marché qu'ils visent.
Puis il y a le soul rock urbain, qui vise une couche de la population plus âgée. Puis on passe à la musique contemporaine pour adultes. Ensuite il y a le marché de la musique grand public. Bien sûr, il y a au-dessus de tout cela le jazz, la musique classique, la musique country, etc.
Il faut reconnaître que l'acheteur de musique régulier tend à être plus jeune; il ne s'agit pas d'enfants, d'adolescents, mais c'est quand même la couche de la population la plus jeune. Je dis «acheteur» parce que tout le monde consomme de la musique. Si vous écoutez la radio, si vous regardez la télévision, si vous louez une cassette vidéo, vous consommez de la musique même si vous ne payez pas pour cela directement.
Le cinquième thème, c'est le rôle du gouvernement fédéral. Je pense que le gouvernement doit continuer de soutenir les quotas relatifs au contenu, par exemple le contenu canadien à la radio et la programmation canadienne à la télévision. Mais il y a un manque visible de talent musical canadien à la télévision. Moses Znaimer a convaincu les télédiffuseurs privés et la société d'État qu'il n'y avait pas de place pour la musique à la télévision.
Bien sûr, il y a un spectacle ici ou là, nous le savons tous. D'ailleurs, le Toronto Star de ce matin faisait état des cotes d'écoute de l'émission spéciale de Rita MacNeil à CTV la semaine dernière. La manchette disait que c'était un grand succès, avec 1,6 million de téléspectateurs, ce qui est énorme pour CTV. Cette semaine, on va voir un autre spectacle celtique à la SRC, avec certains des mêmes musiciens.
On ne manque pas de musiciens dans notre pays. Mais on ne leur donne que deux occasions par année de se faire valoir à la télévision, et c'est la même semaine.
Les fonds de production dont disposent le gouvernement et d'autres secteurs sont normalement consacrés, semble-t-il, aux dramatiques. Je pense qu'il faudrait se servir de ces fonds pour créer des spectacles de musique canadienne. Il nous faut nos propres télécauseries au Canada. Nous, dans l'industrie du disque, nous savons l'effet que peut avoir une apparition chez Jay Leno, à Saturday Night Live, etc., sur les ventes de disques la semaine suivante. Une visibilité nationale est essentielle.
Les Juno Awards constituaient la première série de galas télévisés dans le monde, il y a plus de 30 ans de cela. On ne voyait pas les Grammys à la télévision lorsque les Junos ont commencé. La Grande-Bretagne ne télévise ses galas que depuis environ cinq ans. Pour ce qui est de téléviser nos galas, nous sommes des chefs de file.
Nous croyons qu'il y a de la place pour divers genres de soutien gouvernemental. Nous ne demanderons pas l'aumône. Des prêts de faveur nous intéresseraient. Les crédits d'impôt remboursables nous intéressent beaucoup aussi. Nous croyons savoir que la Saskatchewan s'est engagée... et l'Alberta et le Québec, ainsi que d'autres provinces, envisagent également l'établissement d'un crédit d'impôt remboursable. Si ces provinces adoptent ces mesures, nous espérons que le gouvernement fédéral va donner l'exemple en offrant les mêmes crédits d'impôt. Ces crédits d'impôt ont marché pour l'industrie cinématographique. Ils peuvent marcher pour l'industrie musicale.
• 1120
Enfin, j'aimerais parler de la Commission du droit d'auteur.
M. Beatty a soulevé la question du droit d'auteur. Il a quitté la
pièce, mais c'est lui qui l'a mentionnée. Hier, Radio-Canada s'est
emparée illégalement de la chanson d'Alanis Morissette sur
l'Internet, où elle se trouvait illégalement, et elle a télédiffusé
ce qu'elle appelait une copie de onzième génération du point de vue
de la qualité du son. Cela se fait de plus en plus. Le respect du
droit d'auteur est assailli de toute part.
À la SOCAN, il s'est posé un problème récemment au niveau de la Commission du droit d'auteur. Depuis l'adoption de la phase deux de la Loi sur le droit d'auteur en 1997, le gouvernement est favorable à la notion d'une gestion collective du droit d'auteur. Mais la décision de janvier de la Commission du droit d'auteur va justement dans le sens contraire.
La Commission du droit d'auteur est censée compter jusqu'à cinq membres. Elle en a actuellement trois, dont deux sont des néophytes, qui ont très peu d'expérience ou de connaissances dans ce domaine. Ceux qui sont au courant savent que ces deux néophytes ont pris une décision qui va causer de grands torts au milieu musical. Le seul membre chevronné de la commission, Michel Hétu, était en désaccord complet, mais il a été mis en minorité. Le législateur avait ordonné à la Commission du droit d'auteur de recruter l'un de ses membres dans la magistrature. À ce jour, cela n'a pas été fait. Nous pensons que c'est une lacune grave.
Nous voulons que l'on mette en place la troisième phase de la Loi sur le droit d'auteur et que l'on constitue une bonne commission du droit d'auteur, et il faut entrer immédiatement dans la phase trois et éviter ce qui s'est fait entre la phase un et deux, où l'on nous avait dit qu'il ne faudrait que deux ans, alors qu'il en a fallu 10.
Enfin, comme vous le savez, j'ai déjà témoigné devant votre comité à quelques reprises auparavant. Nous espérons qu'on en aura bientôt fini avec l'AMI, à moins qu'on ne réussisse à obtenir l'exemption culturelle.
Voilà qui touche la plupart des sujets dont nous allons parler.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Vous n'avez personne d'autre? Je préférerais attendre à ce stade-ci.
Le président: D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
[Traduction]
Monsieur Rosen.
M. Earl Rosen: M. Mair a abordé la plupart des sujets. Je ne veux pas répéter ce qu'il a dit.
Il y a quelques domaines dans mon secteur à moi, qui est la musique classique, où je pense que nous avons une relation plus étroite avec diverses institutions fédérales que ce n'est le cas pour l'industrie de la musique populaire. Cela a été très important pour nous. Chose certaine, quand je vois mes collègues des autres pays qui sont des producteurs indépendants de musique classique, je constate que la plupart d'entre eux ne jouissent pas du même soutien formidable que nous avons ici, dont le plus important est celui de Radio-Canada. Sans le réseau radio de Radio-Canada, il n'existerait pas d'industrie de la musique classique chez nous. Ce réseau nous donne accès à nos auditeurs et constitue pour nous un soutien formidable.
D'un autre côté, chose ironique, alors que certains producteurs indépendants disent qu'ils doivent concurrencer les multinationales, mon plus grand concurrent à moi d'un point de vue commercial, c'est Radio-Canada, qui produit aussi ses disques, mais avec des moyens beaucoup plus considérables que ceux d'une entreprise privée. En conséquence, nous avons des rapports amour-haine très intenses avec Radio-Canada. Autre chose, nous dépendons beaucoup des nombreux programmes de soutien aux arts, comme ceux du Conseil des arts du Canada, pour développer notre infrastructure et donner aux artistes la possibilité de faire carrière, après quoi, lorsqu'ils ont atteint un certain stade, nous pouvons participer du point de vue de l'enregistrement.
Il y a une analogie que je pourrais mentionner. Il y a quelques années, je siégeais à un comité ontarien qui se penchait sur les industries culturelles. Je me rappelle David Mirvish, qui parlait du théâtre commercial. Il affirmait très énergiquement que sans le secteur sans but lucratif il n'existerait pas de théâtre commercial, parce que c'est là qu'on apprend son métier. Dans plusieurs cas, c'est le soutien que l'on donne aux communautés artistiques qui permet aux artistes d'atteindre le stade où nous pouvons intervenir sur une base plus commerciale.
On trouve un bon exemple de cela dans le rapport que nous avons avec le Centre national des arts, et nous allons bientôt lancer un disque de Linda Bouchard, qui est l'un des principaux compositeurs contemporains du Québec et du Canada. Nous sommes arrivés à faire cela grâce au genre de rapports que nous pouvons avoir avec le milieu artistique. Nous faisons la même chose avec le centre de Banff.
Enfin, s'il est une institution fédérale que je trouve extrêmement utile, c'est le ministère des Affaires étrangères, qui a des activités visant à promouvoir et à soutenir la culture canadienne à l'échelle internationale. Même si on parle beaucoup de ce qui se fait au Canada, chose certaine, nous avons profité du soutien formidable... Le ministère joue un rôle vital, dans la mesure où il nous permet de présenter des artistes canadiens dans certains pays, particulièrement les pays qui sont habitués à un niveau élevé d'intervention gouvernementale. Plus particulièrement, j'ai vécu des expériences au Japon, à Londres et à Paris, où l'ambassade du Canada nous a apporté un soutien considérable.
• 1125
Je me rappelle le moment où le ministre a annoncé que la
culture serait le troisième pilier de la politique étrangère du
Canada. Jusqu'à présent, on n'a pas donné vraiment à la culture le
soutien financier dont profitent d'autres aspects de la politique
étrangère. Chose certaine, j'encourage le ministère des Affaires
étrangères à jouer un plus grand rôle dans la promotion
internationale de la culture canadienne.
Telles sont les observations que je voulais faire de mon point de vue à moi, qui est celui de l'industrie de la musique classique.
Le président: Merci.
Monsieur Sniderman.
M. Jason Sniderman: J'aimerais étoffer ou clarifier ce qu'ont dit avant moi MM. Mair et Rosen.
Comme je l'ai dit, je ne suis pas ici seulement en tant que Sam the Record Man, détaillant; je suis ici également à titre de président de FACTOR, qui est l'une des branches du PADES, qui distribue des fonds à l'industrie musicale. Le PADES, par l'entremise de FACTOR et de son organisme frère, Musique Action, a permis de bien cibler les choses et de distribuer des subventions à l'industrie musicale.
Quelques chiffres. Chez FACTOR, qui s'occupe du marché anglophone, nous avons réalisé plus de 1 400 projets. Nous avons dépensé plus de 20,3 millions de dollars en fonds publics et en fonds de diffusion, mais ces 20,3 millions de dollars ont permis de générer des ventes à l'échelle mondiale de l'ordre de 328 millions de dollars, c'est-à-dire 17 millions de disques vendus dans le monde.
Oui, c'est utiliser sagement les fonds fédéraux et les fonds de diffusion, mais nous manquons d'argent. C'est peut-être pourquoi M. Mair disait que c'était un programme axé sur des projets.
Notre mandat à la DCH vise à soutenir la croissance de l'industrie. Mais parce que nous manquons d'argent, certaines de nos politiques sont axées sur des projets, mais nous tâchons d'offrir un guichet unique à toute l'industrie.
En réponse à ce que disait M. Stein au sujet du manque de coopération au sein de l'industrie musicale entre le volet diffusion et le volet production, je ne suis pas d'accord. Je pense que FACTOR et le FMC ont servi de manière générale de laboratoires excellents, dans la mesure où nous avons permis à ces forces parfois hostiles que sont la diffusion et l'industrie musicale de se rencontrer. Cependant, sous l'oeil vigilant de l'industrie musicale et sous la direction de DCH, nous avons été obligés de nous conformer, de travailler ensemble, et de nous employer à améliorer la culture canadienne par les politiques que nous avons établies.
En conclusion, pour ce qui est du financement public des arts, plus particulièrement de la musique, bien sûr un peu plus d'argent nous serait utile. Nous sommes peut-être sous-financés comparativement à d'autres volets culturels dans notre pays, mais nous avons tiré le meilleur parti de ce que nous avons. Évidemment, nous travaillons maintenant de concert avec le Conseil des arts du Canada.
Au sujet de l'évolution de la technologie, je suis d'accord avec ce que M. Mair a dit, mais je persiste à croire que la distribution matérielle du produit va connaître la même fin que les dinosaures, peut-être pas au cours de ma génération à moi ou dans le cycle de consommateur auquel j'appartiens, le cycle des baby-boomers. Mais, chose certaine, avec la nouvelle génération de consommateurs de musique, qui s'y entend de plus en plus en informatique, la distribution matérielle va devenir chose du passé.
À l'heure actuelle, grâce à des méthodes comme le Sound Scan, qui permettent de suivre l'évolution des ventes de disques à la caisse enregistreuse, la distribution matérielle du produit devient de moins en moins coûteuse et de plus en plus efficiente. Les multinationales se servent d'outils comme les saisies informatiques pour raffiner leurs plans de commercialisation, ce qui limite parfois la distribution matérielle du produit lorsque la demande est déficiente. Il serait évidemment avantageux, et il est dans l'intérêt supérieur des multinationales d'être efficientes, d'éliminer le gaspillage associé à la distribution matérielle du produit, particulièrement si l'on peut obtenir les mêmes résultats par la transmission sur l'Internet, par le modem ou le câble optique. Les multinationales essaient de réaliser cela, avec ou sans le détail, depuis les 20 dernières années. Je pense qu'à la première occasion elles vont devoir distribuer leurs produits sans se préoccuper des détaillants ou de la distribution physique de leurs produits.
• 1130
Bien sûr, cela va causer des pertes d'emplois dans les
secteurs traditionnels du détail, et ces emplois ne seront pas
compensés par le transfert des transmissions au secteur des
télécommunications. Ces emplois seront rationalisés et déplacés à
l'intérieur du secteur des télécommunications, mais ne seront
certainement pas bonifiés. Je pense qu'alors les filiales des
multinationales ne serviront plus à rien, et cela va accentuer
l'érosion de la propriété intellectuelle canadienne.
En outre, des producteurs de disques indépendants comme M. Mair, qui est probablement l'exemple le mieux connu, ou Mme Cecconi, qui distribue des produits canadiens chez nous, vont chercher à faire distribuer leurs produits par des entreprises de télécommunications, qui ne seront pas nécessairement celles des multinationales. Ou bien ils se retrouveront hors circuit parce qu'ils ne pourront plus faire concurrence, ou bien ils seront piratés ou contraints de payer des frais exorbitants pour avoir accès aux modes de transmission, qui seront contrôlés hors de notre pays si nous ne faisons rien aujourd'hui.
Je vais maintenant parler de la distribution en ma qualité de président de FACTOR. Les modes de création au cours de 15 dernières années sont devenus beaucoup plus égalitaires. Avec l'avènement du porta-studio, du Midi, et avec l'abaissement des coûts de production des enregistrements, les artistes ont repris évidemment le contrôle de la production. On a vu ainsi récemment naître une industrie artisanale de producteurs de musique indépendants au début des années 90. Lorsqu'un grand nombre d'artistes indépendants se sont vu priver des débouchés des multinationales, ils ont décidé de créer eux-mêmes leur propre marché en se servant de détaillants indépendants et de nouvelles technologies comme le télécopieur, le téléphone et les trousses de presse électriques. Bien sûr, MuchMusic leur a donné un débouché. Comme je l'ai dit, ces modes de distribution matérielle leur étant de moins en moins accessibles, ils devront trouver de nouveaux modes de distribution ou se laisser dominer par les distributeurs qu'ils pourront trouver.
Une chose au sujet de la musique canadienne à laquelle M. Mair ou M. Rosen a fait allusion et dont on ne parle pas souvent—je vais faire comme Sam the Record Man—c'est l'arrivée des détaillants étrangers, qui a nettement changé la façon dont sont commercialisés les disques dans notre pays. Contrairement à l'expansion du marché dont on parle pour la musique préenregistrée avec l'incursion des détaillants anglais et américains, le commerce de détail canadien a été radicalement bouleversé. Les détaillants étrangers ont eu des économies d'échelle différentes et des priorités différentes parce qu'ils se sont installés au Canada. Les victimes de ces injustices furent au moins trois grands détaillants qui ont fait faillite au cours des huit dernières années, ce qui a provoqué la fermeture de près de 400 magasins et beaucoup d'emplois perdus.
J'ai remarqué que cette semaine, si je ne m'abuse, dans le Globe and Mail, il y avait un article sur le succès des artistes canadiens au cours de l'année dernière, mais les deux sources citées pour les ventes au détail étaient un détaillant anglais et un américain. On ne citait pas de détaillant canadien.
Mon père, que certains d'entre vous connaissent—certains ne le connaissent peut-être pas personnellement—a passé la majorité de sa vie à faire la promotion de talents canadiens. Dans ce domaine, c'est un véritable chauvin. Que ce soit un francophone ou un anglophone, peu lui importait. Il croyait aux talents canadiens parce que c'était pour lui une question de survie, et non pas parce que c'était une priorité qui pourrait lui rapporter beaucoup. Il fallait qu'il réussisse, et les artistes avec lesquels il s'associait étaient des Canadiens. Sa priorité était canadienne parce qu'il était Canadien. Il a aidé à mettre sur pied un système de vedettariat, et toute sa vie il s'est attelé à le préserver, non pas pour regarder les détaillants multinationaux l'exploiter, mais simplement pour récolter ce qu'il avait semé.
• 1135
Le commerce de détail étranger pratiquait des prix abusifs,
utilisait l'intégration verticale des sociétés mères pour financer
une expansion par prix d'appel. Cela a été prouvé par EMI, qui est
propriétaire non seulement d'une chaîne de détaillants, mais
également d'entreprises de publication et de production.
Dans d'autres cas, les détaillants sont allés chercher de la propriété intellectuelle canadienne auprès de fournisseurs qui n'étaient pas Canadiens. Nous l'avons vu dans l'édition de livres lorsque Tower Records de Toronto a essayé d'importer sa section de livres des États-Unis et s'est fait prendre. On lui a demandé de modifier ses pratiques.
Il est étrange que les détaillants de musique canadienne n'aient jamais la même protection et les mêmes privilèges que les libraires canadiens. Les libraires américains ont été empêchés d'établir des têtes de pont ou de mettre au point des stratégies d'investissement au Canada. Les libraires canadiens ont longtemps été autorisés à rester ouverts le dimanche, alors que les détaillants de musique n'en avaient pas le droit. Dans certains cas, cela ne relevait pas de la compétence fédérale, mais de la compétence provinciale.
La musique canadienne en général et le commerce de détail de musique canadienne en particulier n'ont pas été très défendus au niveau fédéral, si bien qu'ils sont depuis des années pris à la légère. C'est notre faute. On a toujours tenu pour acquise l'indépendance de la musique canadienne et pensé que ce secteur, ce commerce, pouvait se débrouiller seul. Toutefois, malheureusement, cette attitude a provoqué de gros dégâts dans notre secteur, non seulement pour les détaillants, mais également pour le secteur indépendant.
Les détaillants canadiens n'ont que très peu été appuyés par les grandes compagnies de disques multinationales étrangères. Les multinationales n'aident que très peu les artistes canadiens et les entreprises indépendantes. Lorsqu'une entreprise ou un artiste ne correspond plus à leur mandat, au mandat multinational, cette propriété intellectuelle est perdue.
De plus en plus, les multinationales ne voient pas plus loin que leur projection trimestrielle et ont ainsi à peu près autant d'égard pour les artistes et les détaillants canadiens. Leurs objectifs et priorités sont ceux d'un siège social, d'un siège social qui ne s'intéresse vraiment pas beaucoup à l'épanouissement de la culture canadienne et qui préfère s'en tenir à son exploitation habile afin de réussir et, évidemment, comme le disaient MM. Mair et Rosen, de payer ses impôts dans d'autres pays.
Les exigences d'investissement au Canada sont considérées avec quelque cynisme. Tout engagement pris ne l'est qu'à court terme et personne ne s'inquiète de savoir s'il est respecté. Les sociétés multinationales se contentent de rendre un hommage pour la forme à la culture canadienne. Quand elles le jugent plus prudent, elles ferment leurs filiales et se replient sur leur disque dur plein de propriétés intellectuelles canadiennes exploitées à partir de New York, Los Angeles et Londres sans s'inquiéter des organismes de réglementation culturels canadiens ni des comités permanents.
Dernier point à propos du détail, les clubs de disques qui appartiennent entièrement aux multinationales étrangères. C'est injuste. Je sais qu'il y a beaucoup de Canadiens qui y participent mais je me hasarderais à dire que nombreux sont ceux, nombreux sont les éditeurs et les artistes qui sont contraints de céder leurs droits d'édition à un prix d'appel pour que les clubs de disques puissent vendre leurs produits à perte en offrant des avantages injustes à la plupart des détaillants, ce qui fait que les clients ne comprennent plus rien au prix des disques compacts et des cassettes.
L'évolution démographique aura une incidence sur nous à deux égards. Tout d'abord, du point de vue culturel, la fractionnalisation des intérêts culturels a mené à la spécialisation du secteur de la musique. Il sera difficile de faire des projections sur le rendement du capital investi parce que les marchés ciblés sont restreints et difficiles à atteindre ou à servir. Je vois que l'on a constaté depuis 1978, quand Abrahams Burkatt a essayé d'homogénéiser la radio américaine, une érosion progressive du marché général. La musique est maintenant spécialisée, répond à des besoins culturels et sociaux précis pour divers cycles ou secteurs démographiques.
Du point de vue technologique, je le répète, la prochaine génération de consommateurs de musique sera entièrement informatisée et l'idée d'acheter de la musique par des moyens physiques traditionnels lui sera aussi étrangère que les charrettes à cheval ou le téléphone non privé. La musique sera transmise de la source artistique, espérons-nous par modem ou Internet ou encore par fibre optique. Nous espérons que les artistes pourront participer au processus. Nous espérons qu'ils seront habilités à se saisir de certaines des installations de transmission elles-mêmes.
• 1140
Les fabricants de disques actuels continueront d'exister: ils
ne deviendront pas des dinosaures: mais ils devront se réinventer
dans le secteur de la mise en marché. La concurrence ne viendra pas
simplement d'autres fabricants de disques mais également de
sociétés géantes de publicité. Elles présenteront le message de
leurs artistes au monde entier, faisant face non seulement à la
concurrence des fabricants de disques mais des compagnies de
télécommunication et d'énormes compagnies de publicité comme
Vickers et Benson.
Il y aura une demande énorme d'investissements dans le secteur de la commercialisation afin que les entreprises canadiennes puissent s'adapter et se vendre sur le marché international. Les entreprises indépendantes et les artistes canadiens n'auront peut-être plus besoin des multinationales pour se faire connaître mais il leur faudra pour la commercialisation l'aide financière du gouvernement fédéral pour faire face à la concurrence internationale de beaucoup de nouveaux intervenants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sniderman.
Monsieur Pilon.
[Français]
M. Robert Pilon: Je vais commenter brièvement quatre des cinq thèmes. Mes collègues ont déjà dit l'essentiel des choses. Les mesures fédérales ont été efficaces dans notre secteur. Il faut bien comprendre que c'est peut-être l'un des secteurs culturels où l'intervention du gouvernement fédéral a été la moins développée quand on le compare avec d'autres secteurs comme la production télévisuelle, l'industrie du livre ou la production de films.
Malgré tout, il y a quand même trois types de mesures en général qui ont eu une utilité. D'abord, il y a eu la réglementation de la Loi sur la radiodiffusion et ce qui en découle, c'est-à-dire toute la réglementation qui est faite par le CRTC, notamment l'obligation d'ouvrir une fenêtre à la radio ou à la télévision pour les contenus musicaux canadien et francophone. Cela s'est traduit notamment par les quotas de 30 p. 100 de contenu canadien à la radio, de 65 p. 100 de contenu francophone pour les stations de langue française et également des quotas à MuchMusic et Musique Plus en termes de contenu canadien et de contenu francophone.
On a fait allusion tantôt à la revue des politiques de la radio qui s'est déroulée l'automne dernier au CRTC. Tout le monde attend impatiemment la décision du CRTC. La rumeur veut que la décision soit rendue plus tard parce qu'il semble qu'elle soit difficile à prendre. L'un des thèmes importants sur lesquels on est revenus à plusieurs reprises, particulièrement M. Bélanger, le vice-président, est qu'une des revendications des radiodiffuseurs est qu'on modifie les règles sur la propriété. Je ne me prononce pas sur le fond, mais visiblement, il y a une demande pour que des stations et des groupes, qui pour l'instant n'ont droit qu'à deux stations sur le marché de Toronto ou de Montréal, puissent en avoir quatre ou cinq. Il y a sans doute une justification à cela et même une argumentation qui a un sens jusqu'à un certain point.
Je dois quand même vous faire remarquer que M. Bélanger et plusieurs autres commissaires ont demandé aux radiodiffuseurs ce qu'ils seraient prêts à faire en échange. C'est là que ça bloque. Ça bloque de façon systématique. Les radiodiffuseurs nous ont dit qu'ils étaient prêts mais qu'ils ne donneraient rien. Plusieurs suggestions ont été apportées, à savoir augmenter le contenu canadien jusqu'à 35 ou 40 p. 100 ou bien avoir une meilleure répartition, notamment aux heures de grande écoute, du contenu francophone et du contenu canadien.
J'ai assisté à un panel la semaine passée à Toronto durant la Canadian Music Week. Tous les chefs de direction de toutes les grandes entreprises de radio au Canada, à part celui de Radio-Mutuel, étaient là. Tous, à l'exception d'un seul dont j'ai oublié le nom, ont dit: «No trade-off.» Alors, il y a vraiment un problème. Il y a un problème de fond. Je sais qu'il est entre les mains du CRTC, mais au dernier moment, cela va revenir entre les mains du gouvernement à cause du pouvoir que lui donne la loi.
La Loi sur la radiodiffusion confère d'immenses avantages aux radiodiffuseurs. On n'est pas contre cela dans l'industrie de la musique. Il faut se souvenir—et les gens semblent l'oublier aujourd'hui—qu'en 1968, au moment où la Loi sur la radiodiffusion a été adoptée, le Canada avait procédé à l'expropriation d'un certain nombre d'intérêts étrangers. Il y avait des entreprises américaines et britanniques qui possédaient des stations de radio, des stations de télévision, des systèmes de câble. On a exproprié ces entreprises-là. C'est un geste lourd de conséquences.
On a dit alors que, désormais, seuls les Canadiens auraient le droit de posséder et de contrôler des entreprises dans le domaine de la radio, de la télévision et du câble. Le pourcentage de propriété étrangère était à 20 p. 100 et il a été porté à 33 p. 100, mais grosso modo, il n'y a rien de changé. Seuls les Canadiens peuvent posséder et contrôler des entreprises de radio, de télévision ou de câble.
• 1145
Les firmes américaines comme CBS ne
peuvent pas venir installer une station de télévision
ici à Ottawa. Infinity Broadcasting ne peut pas venir
installer une station de radio à Toronto.
C'est un immense privilège qui a été conféré aux entrepreneurs. C'est un immense privilège sur lequel je suis d'accord parce qu'on a voulu bâtir—et cela a été la décision des pouvoirs publics au Canada depuis des générations—une industrie canadienne de la radiodiffusion qui nous appartienne pour promouvoir finalement notre culture. C'est une bonne décision.
Mais il y a un trade-off qui va avec cette décision et ce trade-off est fondamental. Si on dit aux entrepreneurs canadiens qu'on leur réserve le marché canadien parce qu'ils sont canadiens, je pense qu'ils ont un devoir en contrepartie. Autrement dit, on joue avec les règles du marché. C'est important. Et si on joue avec les règles du marché, c'est parce que le gouvernement canadien a estimé qu'on avait besoin de modifier les règles du marché pour qu'il y ait en contrepartie des obligations et que ces gens-là fassent la promotion de la culture canadienne et participent à son développement.
Mais il n'y a qu'un côté du trade-off qui marche. Les entreprises veulent toujours plus de privilèges au niveau de la propriété et même de la concurrence interne. Elles ne veulent toujours pas ouvrir le marché aux Américains en termes de concurrence étrangère, mais elles ne veulent pas avoir d'obligations en contrepartie. Cela ne peut pas marcher. Pourquoi continuerait-on de donner ces privilèges s'il n'y a pas d'obligations en contrepartie?
Quant à nous, du côté de l'industrie de la musique, on va en arriver à dire que si c'est comme ça, on va tout libéraliser et laisser entrer les Américains. Du côté de la musique, on pourrait même aller parler à MTV aux États-Unis et leur demander si un deal est possible et s'ils sont prêts à aider les entreprises canadiennes et les artistes canadiens. On n'en est pas rendu là, mais il faut bien comprendre que c'est un jeu qui se joue à deux et que l'esprit et la lettre de la Loi sur la radiodiffusion sont très clairs là-dessus. Alors, il faut qu'il y ait un trade-off. C'est important.
En ce qui concerne le programme d'aide à l'enregistrement sonore, Mme Copps a doublé les sommes l'an passé. C'est un programme qui est encore modeste, mais il faut dire que doubler les subventions dans un contexte budgétaire difficile est un grand progrès. Il va falloir tout réévaluer, et cela s'en vient dans un an ou deux. Il va peut-être falloir penser à de nouvelles formules, non plus uniquement d'un financement par projet mais d'un financement d'entreprise, d'un financement sur le moyen ou long terme pour consolider l'industrie et pas seulement pour l'aider à survivre.
Pour ce qui est des modifications majeures de la Loi C-32, on n'est pas encore conscient du rôle des gens qui ont participé à ce processus, mais l'introduction des droits voisins a été un changement fondamental parce que ce n'est pas une philosophie nord-américaine. Le Canada s'est distingué des États-Unis. Cela change énormément tout l'esprit de la loi. Cela aura des conséquences monumentales dans 20, 30 et 50 ans.
Malheureusement, il y a eu un peu trop d'exceptions dans la loi, comme un phase-in trop long à notre goût, ce qui fait que l'industrie de la musique devra attendre un certain temps avant d'obtenir des sommes vraiment significatives. Mais cela demeure un changement fondamental. Il faudra peut-être passer à la phase 3, qui est essentielle étant donné la distribution électronique de la musique qui s'en vient. Holger et Jason en ont d'ailleurs parlé. C'est essentiel si on veut que cela se déroule harmonieusement et que les droits soient protégés dans ce nouvel univers de distribution électronique de la musique.
Il y a donc des choses qui doivent être faites. Des traités ont été adoptés à Genève l'an passé par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Le Canada doit adhérer à des traités et transformer sa loi en conséquence. Il faut donc passer maintenant à la phase 3. C'est important.
En ce qui concerne les répercussions majeures de la technologie, j'inviterais les membres du comité et le gouvernement en général à la prudence. Il y a énormément de mythes qui circulent là-dessus, entre autres le mythe qu'on ne peut pas réglementer l'Internet. C'est un mythe énorme. C'est dans le discours populaire. C'est à la mode aujourd'hui de dire que nous sommes à l'ère de la globalisation, de la libéralisation des marchés, de l'Internet, que tout a changé, qu'on vit dans un nouvel univers où on fait abstraction des frontières, qu'il faut changer les paradigmes, qu'il faut tout changer et qu'on ne peut plus rien réglementer.
Je vous suggère de creuser la question, de regarder cela attentivement et de faire attention aux mythes. Il faut toujours se demander qui véhicule ces mythes et pourquoi on les véhicule. Pourquoi dit-on qu'il n'est plus possible de réglementer?
Je pense qu'il y a des intérêts économiques derrière tout cela. Je vous dis que la plus belle preuve qu'il est faux de dire qu'on ne peut pas réglementer, c'est que ceux qui poussent le plus à l'heure actuelle pour la réglementation de l'Internet ne sont autres que les grandes multinationales américaines de l'entertainment.
• 1150
Pourquoi? Évidemment, ces gens-là ne poussent pas pour
qu'il y ait une réglementation des contenus canadiens
sur l'Internet, mais pour qu'il y ait une
réglementation du commerce électronique parce qu'ils ne
se mettront pas à distribuer électroniquement des films
ou des disques si leur propriété n'est pas protégée.
Impossible. Le commerce électronique
ne pourra donc jamais se développer tant qu'il n'y aura pas
une protection des droits. Ces grandes compagnies
ont investi des milliards et elles ne
s'exposeront pas comme cela à la piraterie.
Si l'Internet est réglementable pour des questions de droits d'auteur et de protection de ceux qui feront le commerce électronique, il sera réglementable pour des questions de contenu, dont la pornographie. C'est une question de volonté politique et non pas une question technique.
Que faudra-t-il faire à l'avenir? On parle de libéralisation du commerce. J'ai comparu devant ce comité il y a une dizaine de jours et je ne répéterai donc pas ce que j'ai dit à ce sujet-là. Vous connaissez les points de vue exprimés et vous savez à quel point il est possible et important de maintenir l'exception culturelle si on bâtit les alliances nécessaires partout dans le monde.
Même si le gouvernement a fait peu d'interventions dans le domaine de la musique comparativement à d'autres secteurs, il y a quand même des choses positives qui se sont produites, dont la réglementation de la radiodiffusion, le SRDP et le projet de loi C-32 l'année dernière. Il faut maintenant aller plus loin et passer à la phase 3, la réévaluation du SRDP.
Il y a cinq ou six semaines, Mme Copps publiait un document proposant de revoir toute la politique canadienne du film. On s'interroge. C'est un document de consultation qui est très intéressant. À mon avis, c'est exactement de cela qu'on a besoin dans notre secteur maintenant. On est rendu à un point où il ne suffit pas de dire qu'on va réexaminer le PADES, le Programme d'aide au développement de l'industrie de l'enregistrement sonore, parce qu'il arrive à échéance. Je pense qu'on est rendu au point où on doit faire, dans le secteur de la musique, exactement le même exercice qu'on a fait dans le secteur du film. Il faut regarder l'ensemble des politiques, le SRDP, les interventions ou plutôt, comme disait Holger, les non-interventions du Conseil des arts dans le secteur de la musique, au niveau de la musique populaire.
Il faut regarder le rôle que joue Téléfilm dans l'aide à la production d'émissions de variété. Il faut regarder l'absence inexcusable de Radio-Canada au niveau de la programmation d'émissions mettant en vedette les artistes canadiens de la chanson. C'est inexcusable qu'il n'y ait plus aujourd'hui une seule grande émission hebdomadaire sur les ondes publiques, et d'une manière générale à la télé, ce qui comprend aussi les chaînes privées. Pourquoi les chaînes privées n'ont-elles pas plus d'obligations? Pourquoi le CRTC, malgré les dizaines et dizaines de recommandations que nous et nos collègues de Toronto avons faites durant de nombreuses audiences, n'a-t-il jamais imposé à CTV, à Quatre-Saisons ou à TVA l'obligation de donner une fenêtre aux émissions de variété mettant en vedette les artistes canadiens de la musique, alors qu'il le fait pour les émissions pour enfants et les émissions dramatiques? Il faut s'interroger sur l'ensemble de ces choses-là.
Même si cela prend un un an ou encore un an et demi, faisons-le. Le groupe de travail sur l'industrie de l'enregistrement sonore, qui a produit son rapport il y a deux ans, avait fait des pas en avant. On avait examiné l'industrie, fait des études avec l'aide du ministère du Patrimoine et formulé des recommandations.
Le président: Le temps avance.
M. Robert Pilon: Vous me donnez 10 secondes? J'arrive à ma conclusion.
Le président: Oui, d'accord.
M. Robert Pilon: On a fait des pas en avant avec le groupe de travail sur l'industrie de l'enregistrement sonore. Plusieurs des recommandations ont été mises en place, notamment le projet de loi C-32 et la recommandation de doubler le SRDP. Il faut maintenant aller beaucoup plus loin. Il faut aujourd'hui faire dans le secteur de l'enregistrement sonore ce que le gouvernement a fait dans le secteur de la télévision et dans le secteur de l'industrie du livre, et qu'il s'apprête à faire dans le secteur du film. Il faut développer une véritable politique de la musique au Canada.
Merci. Excusez-moi d'avoir pris trop de temps.
Le président: Non, je vous en prie.
Puisqu'il ne nous reste que quelque 35 minutes, il faudrait peut-être activer un peu le débat et se servir beaucoup plus de la formule de la table ronde qui est plus dynamique.
Je cède donc la parole à M. Bélanger, qui va sûrement lancer des défis.
M. Mauril Bélanger: Si c'est le mandat que vous me donnez, monsieur le président, je vais essayer de m'en acquitter.
J'entends parler de cette technologie qui s'en vient. L'évolution des mécanismes de distribution est quand même très rapide. S'il y a une volonté de réglementer tout particulièrement l'accès à ces nouveaux modes de distribution, je me demande s'il est techniquement possible que le gouvernement le fasse. Ce ne l'est peut-être pas.
• 1155
Il y a deux côtés à la
médailles. Dès qu'une technologie se
développe, il y a des gens très astucieux et très futés
qui trouvent une façon de la contrer ou d'aller
piger ce qu'ils veulent sans payer quoi que ce soit.
Sans admettre que cela puisse s'avérer impossible, j'aimerais obtenir vos réactions et vous demander si l'industrie peut effectivement entrevoir d'autres mécanismes que ce contrôle ou cette réglementation de l'accès.
J'ai bien écouté les propos de MM. Pilon et Sniderman. Sans affirmer qu'il n'est pas possible de réglementer, j'aimerais que nous supposions qu'au plan technique, on s'embourbe là-dedans et on ne soit plus capable d'en sortir. Est-ce que vous seriez prêts à nous indiquer d'autres avenues de solutions? C'est la première chose.
[Traduction]
Deuxièmement, je plaisante un peu mais cela vise aussi à stimuler le débat. Tout récemment, quelqu'un du secteur de la radiodiffusion m'a demandé de poser une question à M. Sniderman, ce que je vais faire. La question que l'on m'a demandée de poser—et cela entre dans tout débat sur les quotas—est la suivante: accepteriez-vous que 30 p. 100 de votre espace de vente soit consacrée exclusivement à la production canadienne?
Je crois que, comme on m'a demandé de poser cette question—et je ne dirai pas qui me l'a demandée...
M. Jim Abbott: Mais vous serez invité à déjeuner.
Des voix: Oh, oh!
M. Mauril Bélanger: Pas encore.
Voilà qui montre qu'il existe une certaine tension entre le mécanisme qu'est la radiodiffusion et les producteurs de musique. Pour éviter la critique, je suppose, ils demandent si on le ferait.
La question est donc très sincère. Qu'en pensent les détaillants? Et, à un certain point, je ne verrais pas d'inconvénient à avoir...
M. Joan Sniderman: Est-ce un minimum ou un maximum?
Des voix: Oh, oh!
M. Mauril Bélanger: Expliquez cela.
Une chose que notre comité n'a pas abordé à l'occasion de ces tables rondes, c'est toute la notion de clubs. Par exemple, je ne suis pas sûr qu'il y ait des clubs de livres ou des clubs vidéo canadiens. Vous dites qu'il n'y a pas de clubs de disques canadiens. Serait-ce quelque chose que pourrait encourager une politique culturelle et, le cas échéant, faut-il faire davantage?
J'espère que c'est plus clair, monsieur le président.
Le président: Ces questions ne s'adressent pas précisément aux personnes que nous interrogeons maintenant. Nous ferons un autre tour plus tard si bien que vous pouvez en prendre note afin qu'on y réponde lorsque nous en serons à vous.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: J'ai trouvé intéressant que M. Sniderman dise qu'il n'y a pas beaucoup de pression qui s'exerce au niveau fédéral. Apparemment, il n'était pas là durant les discussions sur les droits d'auteur.
Des voix: Oh, oh!
M. Jim Abbott: M. Pilon et peut-être son homologue, M. McCabe, connaissent en tout cas le chemin de mon bureau.
J'aimerais revenir à M. Pilon parce qu'il a dit que l'intervention fédérale a été très minime dans votre secteur. Je me demande quelquefois si 30 p. 100 du temps d'ondes ne constitue pas une intervention. J'ai l'impression que c'est pourtant une intervention très importante.
La dernière fois que nous avons discuté des droits d'auteur, à la phase II, par exemple, il faut se montrer très prudent en matière d'intervention. J'ai dit—et je regrette de vous informer qu'il y a aujourd'hui un article dans le Financial Post qui confirme ce que je disais—que le droit perçu sur les bandes magnétiques serait à coup sûr contesté dans le cadre de l'ALENA. À mon avis, pour que les artistes canadiens espèrent obtenir 12 millions de dollars, je crois que c'était le chiffre dont nous parlions, on risquerait de commencer à parler des droits de la SOCAN qui se situent probablement dans les 100 millions de dollars.
Autrement dit, il n'est pas facile de prendre des mesures interventionnistes en 1998, alors que nous avons l'Organisation mondiale du commerce, l'ALENA et bientôt peut-être l'AMI.
• 1200
J'ai également été intéressé par les observations de M. Rosen
sur la concurrence entre un entrepreneur privé et notre entreprise
publique qu'est la Société Radio-Canada, ce qui me semble fortement
regrettable.
Tout comme M. Bélanger, j'aimerais faire voler quelques plumes. Toujours dans le Financial Post, le 7 mars, «Country Sings the Blues»:
-
Terri Clark est aussi écoeuré qu'un Albertain puisse l'être. «Moi,
artiste canadien, j'ai coécrit Something in the Water avec deux
Américains. Mercury l'a sorti au Canada et cela n'a pas marché
parce qu'on n'a pas considéré que c'était un contenu canadien. Être
reconnu comme Canadien au Canada est extrêmement important pour moi
[...] Mais, s'il vous plaît! Je suis Canadien. Le Canada est très
bizarre à ce sujet.»
Shania Twain, comme Paul Brandt, disent exactement la même chose. Vicki Dalziel, directeur général de Country Music Television Canada déclare:
-
C'est notre plus grosse difficulté. Les talents canadiens
deviennent des vedettes, partent dans le Sud et ne peuvent passer
sur les ondes canadiennes à cause des règles de contenu canadien.
Ceci est étrange. C'est terriblement étrange.
Ma question est donc la suivante. Puisqu'il en est ainsi, et ce n'est pas simplement cet article qui le dit—nous savons que c'est la réalité—ne faut-il pas convenir que les règles du CRTC, sous leur forme actuelle, feront toujours de nous un club-pépinière capable de faire s'épanouir de nouveaux talents mais que, dès que ces gens deviennent des grandes vedettes internationales—et les Canadiens en sont tout à fait capables; il n'y a pas de limite au talent; nous l'avons prouvé à différentes reprises—lorsqu'ils atteignent les hautes sphères, tout d'un coup, ils ne sont plus Canadiens. Donc, nos règles du CRTC, nos règles concernant la radiodiffusion, telle que cette règle des 30 p. 100, relèguent le Canada au rang de découvreur de talent tant que les Canadiens n'auront pas été acceptés dans un contexte international.
Le président: Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je veux commencer par féliciter tout le monde parce que votre groupe a fait quelque chose que pratiquement aucun autre groupe n'avait fait. Vous avez parlé systématiquement et de façon utile des questions que nous vous avions demandé d'aborder. Je ne sais ce qu'il en est de la discipline que vous devez tous avoir. Je l'ignore. C'est quelque chose que vous avez en commun. Quelque chose que vous partagez.
D'autre part, il est certain que notre tâche de comité sera extrêmement difficile. Si nous voulons nous rendre vraiment utiles pour ce genre d'industries, qui sont systématiquement enchaînées selon une logique intégrée, il va falloir que nous en sélectionnions certaines ou que nous recommandions à la ministre que, sur le modèle de la distribution cinématographique ou du document option film, elle considère cela de façon urgente car je doute beaucoup que notre comité puisse traiter en profondeur de chacun de ces systèmes en lui prêtant l'attention qu'il mérite dans le temps qui nous est imparti.
Ma troisième réflexion c'est que si l'on considère l'industrie en général sur une période de 30 ans, c'est une réussite. Il me semble que vous ayez dit que les règles concernant le contenu ont été efficaces. Nous avons beaucoup d'exemples d'artistes canadiens qui ont très bien réussi et ce n'est pas grâce aux forces du marché. C'est parce qu'il y avait une politique efficace. Toutefois, pour ce qui est de l'avenir, il me semble qu'il y a trois secteurs différents qui sont représentés ici. Pour une raison ou une autre que j'ignore, je semble aujourd'hui intéressé par les modèles d'entreprises. Le premier serait le secteur de la radio. Ces gens-là sont partis. Le deuxième, les fabricants de disques, le troisième, les entreprises de distribution, Sam the Recordman, si vous voulez. Chacun de ces secteurs a un défi différent à relever.
L'ironie, alors que nous avons envisagé d'autres modèles d'entreprises, qu'il s'agisse de l'édition de livres, de la production et de la distribution de films ou de la télévision privée ou je dirais même de la radio, est de savoir combien ces modèles d'entreprises, qui sont... toutes ces entreprises nous disent combien elles sont canadiennes, combien elles dépendent des entreprises américaines pour la distribution. Cela sous-tend essentiellement leur principale activité économique.
Je crois que M. Sniderman nous a donné une bonne idée des défis que doit relever son secteur. Je voudrais demander aux entreprises canadiennes comment les choses se passent pour elles. Comment la situation a-t-elle évolué? Comment cette industrie dépend-elle de l'élément étranger, soit pour l'exportation soit pour la distribution d'artistes américains et où ils pensent que tout cela s'en va?
Le président: Monsieur Denis.
[Français]
M. Jean-François Denis: Je n'ai pas beaucoup parlé jusqu'ici et je le fais maintenant.
Le président: Ce sont les sages qui agissent ainsi.
M. Jean-François Denis: J'exploite une microentreprise et je travaille dans un domaine musical dans lequel notre pays est une force importante, mais très marginale. La musique électroacoustique, qui est une musique concrète, ne représente pas une industrie comme telle, mais elle représente la culture.
On a beaucoup parlé de politique et de règles du marché. Je crois qu'il est aussi très important de parler de contenu. Les quotas sont des façons administratives de gérer du contenu qui est balisé de façon très arbitraire. On s'en rend compte avec les exemples donnés un peu plus tôt. Le contenu est canadien si on va dans certains sens, mais il n'est plus canadien si un certain pourcentage n'est pas atteint.
Par contre, le talent et la création canadienne existent. Empreintes DIGITALes, ma maison de disques, ne vend pas des millions d'exemplaires de disques, ni des centaines de milliers d'exemplaires de disques, mais plutôt quelques milliers d'exemplaires de chaque disque.
Cela se compare beaucoup au monde de la littérature. En littérature, il y a les livres de recettes, des romans d'aventure et de la poésie. Les grands artistes de notre pays sont aussi des poètes dans la littérature. Bien sûr, certains auteurs écrivent des biographies, ce qui est très important, mais la création se trouve dans le contenu et l'identité. La création se fait de plusieurs façons différentes et elle se fait aussi beaucoup par la marge. Si dans un document, dans une réalité, il n'y a pas de marge, ça n'existe pas. La marge est très importante pour venir contenir cette page-ci notamment.
La raison pour laquelle mon entreprise survit, c'est qu'il y a de la passion. La passion, ça ne se paie pas; par contre, ça se nourrit.
Le président: Mais qu'est-ce que vous attendez du gouvernement fédéral?
M. Jean-François Denis: Ce sont les mesures qui existent déjà, notamment dans le cadre du PADES. Le genre de musique qui m'intéresse est géré par le Conseil des arts du Canada, qui s'acquitte assez bien de cette tâche. Par contre, il y a un problème de fonds et tout le monde en a parlé. Le problème, c'est qu'on procède par projet. Une collection de disques ne peut pas se faire par projet.
Le président: Alors, vous êtes d'accord avec M. Pilon et M. Mair?
M. Jean-François Denis: C'est exact.
Le président: Ça devrait se faire par entreprise plutôt que par projet?
M. Jean-François Denis: Oui, beaucoup plus, puisque la vision est dans la durée et dans le temps et qu'il faut rencontrer des erreurs de parcours pour ajuster sa trajectoire. Nos entreprises devraient être financées d'une façon plus continue, même si elles travaillent à la réalisation d'un truc très marginal et non commercial. Même si cela ne constitue pas une industrie, cela reste un des piliers de la création canadienne de musique de concert.
Le président: Merci beaucoup. C'est un point important. Je vais céder la parole à Mme Bulte et à M. Desrochers.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.
Je voulais simplement attirer votre attention sur le fait qu'hier la ministre du Patrimoine canadien ainsi que des représentants de l'industrie cinématographique ont comparu devant le comité. Un des documents qui nous a été distribués portait sur la part de marché du contenu par origine dans chacun des secteurs particuliers. Au dernier rang venait le cinéma. La ministre a pris l'exemple de la réussite du secteur des enregistrements sonores. Elle vous a pris comme exemple; elle a parlé des contingents. Quand elle parlait de la façon d'améliorer le secteur cinématographique, elle a pris votre industrie comme modèle. Elle a alors soulevé toute la question des quotas: seraient-ils applicables? Nous avons examiné la distribution.
• 1210
Je tiens à remercier M. Sniderman de son exposé. Je l'ai
trouvé très intéressant. Il a soulevé une très bonne question.
Pourquoi réglementons-nous les distributeurs de livres mais non pas
ceux d'enregistrements sonores?
J'estime que vous devriez suivre de très près ce qui va se passer en matière de politique cinématographique car il semble que nous fassions un lien entre les deux. Le problème de la distribution des longs métrages au Canada est que la distribution est contrôlée par les Américains. C'est une entente que nous avons signée. Je vous invite instamment à examiner cela et à suivre ce qui se passe dans ce secteur. Je conviens avec M. Godfrey que peut-être notre recommandation devrait être renvoyée à la ministre afin de lui demander de faire faire une étude spéciale du secteur de l'enregistrement. Une chose à propos des succès et des échecs, c'est que j'entends dire que FACTOR a donné de bons résultats et que c'est une bonne chose à maintenir.
Pour ce qui est du contenu canadien, je voudrais revenir à ce que disait M. Abbott. À l'une des premières réunions que nous ayons eues avec M. Mair, nous avons parlé du contenu canadien. Malheureusement, la population ne comprend pas que le contenu canadien n'est pas en temps de grande écoute. Le contenu canadien, 30 p. 100, peut être présenté à n'importe quelle heure de la nuit, quand nous dormons tous. Ce n'est pas très intéressant pour les heures où nous allons au travail en voiture ou quand nous emmenons nos enfants à l'école. Ce n'est pas là que c'est réglementé. Je crois qu'il faut faire attention quand on parle de 30 p. 100 de contenu.
J'aimerais soulever un certain nombre de questions pratiques. On peut avoir un contenu canadien à 30 p. 100 et cela semble merveilleux, mais c'est comme dire 30 p. 100 de contenu canadien dans un magasin de détail. Si on le met au fond du magasin, ça ne changera pas grand-chose. C'est exactement ce que nous faisons ici.
Lorsque vous parlez de ces questions, pensez à certains des mythes qui s'imposent à nous.
Le président: Monsieur Muise, si vous me permettez, après M. Desrochers, j'aimerais donner la parole à M. Petersen, qui est venu de l'Alberta. Je pense qu'il serait dommage qu'il reparte sans avoir pu dire un mot.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Tout d'abord, j'aimerais apporter quelques commentaires, notamment en ce qui concerne mon collègue du Parti réformiste. J'ai toujours de la difficulté à comprendre que ce parti politique, qui défend énormément le Canada ces derniers temps et le visualise d'une façon très particulière, ait de la difficulté à défendre la culture canadienne. J'aimerais que cette profonde grandeur canadienne se reflète également au chapitre de la défense de la culture canadienne. D'autre part, à mon avis, les auteurs, la radiodiffusion et la distribution devraient marcher de concert.
Ma question s'adressera à M. Robert Pilon. Récemment, le Bloc québécois a exhorté une fois de plus le gouvernement à proclamer le régime de la copie prévu dans le projet de loi C-32, qu'a fait adopter la ministre du Patrimoine canadien. J'aimerais savoir si la réglementation va suivre. Si cette réglementation n'est pas adoptée prochainement, quelles pourraient en être les conséquences pour les artistes?
Ma deuxième intervention porte évidemment sur la radiodiffusion. On attend toujours une décision relativement aux quotas de musique canadienne, particulièrement au Québec. Quelles pourraient être les conséquences d'un retard de cette décision pour tous les artistes et l'industrie de la chanson canadienne et québécoise?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Desrochers. Monsieur Pilon, je vous donnerai la chance de répondre un peu plus tard.
[Traduction]
Monsieur Petersen.
M. Holger Petersen: Merci.
En réponse à M. Godfrey, Stony Plain Records existe depuis 22 ans. Essentiellement, les 10 premières années furent des années de lancement où nous nous efforcions d'équilibrer notre budget, ce qui n'était pas toujours facile. Durant tout ce temps, ou à peu près, c'était essentiellement une société d'une ou deux personnes. Nous avons commis beaucoup d'erreurs.
• 1215
Ma propre passion est la musique «roots» qui est de la musique
chantée et écrite par la même personne, c'est le côté western de la
musique country, le blues, de la musique qui à bien des égards
n'est pas commercialement viable. Il a fallu au moins tout ce temps
pour trouver des joueurs qui s'entendent dans la communauté
internationale et nationale. Sans les subventions du PADES pour
aller aux foires commerciales, les subventions de FACTOR et la
participation de CIRPA à Midem et aux autres foires-expositions,
nous n'aurions jamais pu trouver ces partenaires.
Je veux simplement insister sur le développement à long terme nécessaire pour que les compagnies canadiennes trouvent leur place sur le marché. D'autre part, avec le genre d'artistes avec lequel nous travaillons dans ces domaines, il se produit un processus de développement à long terme. Dans bien des cas, il faut investir une somme considérable d'argent sur une longue période. Ces artistes n'ont pas autant de temps d'onde. Il faut qu'ils soient sur la route pour qu'on les connaisse.
Il s'agit d'un marché-niche et pour poursuivre un tel marché, il faut bien sûr pouvoir comprendre cette musique, d'où elle vient et comprendre les musiciens. Il faut aussi comprendre les possibilités qui s'offrent à vous—les publications et les émissions de radio possibles. Cela aussi prend du temps.
J'ai le plaisir de vous dire que ces dix dernières années, nous avons pris un nouveau départ. Nous travaillons avec 15 artistes canadiens qui ont signé notre étiquette. Nous avons beaucoup appris sur les marchés de niche sur la scène internationale. C'est en grande partie grâce à l'argent qui est venu de certaines organisations, notamment FACTOR qui, je le répète volontiers, d'après nous, est extrêmement bien administré et équilibre bien son budget entre les frais généraux et la productivité, orienté sur sa clientèle, et très conscient de ses responsabilités.
Je répéterai d'autre part, comme tout le monde l'a fait, qu'il est nécessaire de constamment réviser les règlements en matière de droit d'auteur. La phase III est quelque chose qui nous amènera à harmoniser les règles du jeu internationales et qui sera bon pour les organisations canadiennes.
Une augmentation des budgets du PADES et de FACTOR aura un résultat très positif. Le secteur de la musique est un secteur financièrement très sérieux. Le facteur multiplicateur est très positif. Le rendement est rapide et supérieur à celui de beaucoup d'autres secteurs culturels. Les répercussions internationales sont plus importantes. J'aimerais aussi que l'on augmente l'assistance apportée par l'intermédiaire de ces organisations et je suis favorable à une loi sur le droit d'auteur. Ce sont les deux points essentiels sur lesquels je voulais attirer votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Petersen.
Madame Cecconi.
Mme Pegi Cecconi: Je voudrais simplement insister sur le fait que le contenu et l'industrie canadienne sont exactement la même chose. Nous avons commencé par une étiquette avec un artiste qui a réussi, sans aucun doute. Nous avons depuis eu beaucoup d'autres groupes. Leur réussite n'est pas aussi évidente mais nous avons un groupe d'artistes canadiens qui vivent dans ce pays et rapportent beaucoup d'argent. Plus de 90 p. 100 de notre revenu vient de l'extérieur du pays et vient ici où nous payons des impôts.
Il est très important que notre industrie survive. Si les sociétés moyennes comme la nôtre bénéficiait d'un peu plus de soutien, et si ce n'était pas simplement artiste par artiste, nous pourrions aller plus loin et garder plus d'argent au pays.
Aussi, quand j'entends dire qu'un chanteur country déclare: «Je ne suis plus Canadien»... Il faut savoir que ces règlements ont été adoptés en partie pour aider l'industrie à se développer. Nous avons d'excellents studios. Nous avons de bons auteurs de chansons. Nous pouvons être publiés par des Canadiens. C'est donc plus que d'être nés ici. C'est d'essayer d'aider à développer cette industrie et à conserver les recettes fiscales, les droits d'auteur et tout le reste au pays.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire pour le moment.
Le président: Merci beaucoup, madame Cecconi. C'est certainement très clair.
Monsieur Perlman, vous voulez intervenir?
M. Malcolm Perlman: Oui. Je serai très bref.
• 1220
Je voulais revenir sur ce qui avait été dit la semaine
dernière à l'occasion de la semaine de musique canadienne à propos
des clubs de livres. Jason y a fait allusion.
BMG—Columbia House et BMG sont des sociétés étrangères—s'étaient engagés à faire un certain nombre de choses qu'elles n'ont pas faites. Je ne sais pas si ces promesses avaient été faites à Investissement Canada ou à qui, mais personne ne s'est préoccupé de savoir si elles étaient tenues ou non si bien que ces sociétés font ce qui leur plaît. Elles ont complètement annulé la valeur perçue du produit artistique, tout comme leur concurrent Columbia House. Pour empirer les choses, ce sont des sociétés étrangères.
Avant de conclure, je voulais revenir sur ce qu'avait dit M. Abbott à propos de l'ALENA et sur l'article du Financial Post qu'il a lu. Je sais que nous parlons ici d'une industrie culturelle. Ce n'est pas un produit, c'est notre identité même. C'est pourquoi on considère cela séparément. Je crois que dans le contexte de l'ALENA, les questions culturelles sont exclues parce que nous voulons préserver et développer notre culture.
Mon dernier commentaire portera sur le commerce de détail. Nous ne sommes dans ce commerce que depuis 20 ans. Croyez-moi, ce n'est pas facile lorsqu'il faut faire face à la concurrence d'une multinationale. Il n'y a pas de réglementation. Je ne sais pas si Investissement Canada surveille ou non la pénétration de ce secteur mais le principal acteur dans le secteur du détail aujourd'hui prend ses décisions à Londres, en Angleterre. Cela n'aide pas du tout à ouvrir les marchés.
J'estime que notre culture s'en trouverait beaucoup mieux si ces gens-là venaient ici et se rendaient à Chicoutimi ou à Timmins pour ouvrir un magasin. Ils ne le font pas. Ils semblent aller dans des centres déjà bien établis. C'est d'ailleurs ce qu'ils font. Ils arrivent ensuite à vers leurs gros fusils et éliminent pratiquement les détaillants indépendants de la région en menant la vie très dure aux autres. Du point de vue commercial, leur but ultime est d'éliminer la concurrence et de remonter ensuite les prix.
Je crois qu'il est essentiel de porter cela à l'attention du gouvernement parce que nous sommes restés beaucoup trop muets à ce sujet. On n'a jamais rien dit. Nous devons à la prochaine génération d'assurer plus d'égalité dans ce domaine afin que nous ayons un certain contrôle sur notre culture.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perlman.
Monsieur Muise, vous vous êtes montré extrêmement patient.
M. Mark Muise: Merci.
Divers témoins, et pas nécessairement ceux de cette table ronde, ont déclaré qu'il fallait éviter d'ériger des murs ou des barrières, que la meilleure façon de nous faire valoir consistait à éviter les entraves tout en montrant notre valeur. Par contre, certains disent que bon nombre de nos artistes qui ont profité des règles sur le contenu canadien vivent maintenant à Los Angeles ou aux Bahamas, où ils sont contribuables. Que peut-on répondre à l'un ou l'autre de ces groupes? Je ne sais trop que penser. J'aimerais avoir des avis là-dessus.
Le président: Je vais maintenant permettre à ceux qui n'ont pas parlé depuis un certain temps d'intervenir brièvement pour répondre peut-être à certaines des questions qui ont été lancées.
Monsieur Mair.
M. Alexander Mair: Je vais m'efforcer d'aborder divers aspects.
Par rapport à ce que vient de dire M. Muise, j'ai l'impression que la plupart des gens qui disent qu'il ne doit pas y avoir d'entraves sont des usagers plutôt que des créateurs. J'ai peut-être tort, mais il semble toujours y avoir polarisation entre ceux qui estiment qu'il faut réglementer et ceux qui, pour des raisons commerciales n'en veulent aucune. Les radiodiffuseurs canadiens représentent bien ce point de vue: protégez-nous mais ne protégez personne d'autre.
En réponse à la question de Mme Bulte au sujet de la diffusion du contenu canadien dont nous avions parlé plus tôt selon elle; elle parlait du fait que la réglementation actuelle du CRTC couvrait une journée de 18 heures, soit de 6 heures du matin à minuit, mais qu'elle n'obligeait à aucune répartition de la musique au cours de la journée, de telle sorte que l'on diffuse beaucoup de musique canadienne entre 23 heures et 24 heures, alors que personne n'écoute, et très peu de musique canadienne aux heures de grande écoute le matin et l'après-midi.
Pour ce qui est de la question que M. Bélanger a posée à Jason, je suis convaincu que ce dernier va répondre. Cependant, il me semble important de souligner que Sam the Record Man a un inventaire qui englobe pratiquement tout ce qui existe comme disques canadiens. Sam doit-il y consacrer 30 p. 100 de son stock qu'il doit financer... Il peut en avoir une seule copie sans en avoir 20, à mois que le disque ne se vende bien.
Pour ce qui est des règles sur le contenu canadien et de l'augmentation de 30 p. 100 à 35 p. 100, cela veut dire en réalité qu'il faut faire jouer deux chansons canadiennes de plus par semaine. L'augmentation n'est pas très considérable.
M. Abbott a cité ce matin le Financial Post. J'avais l'article dans ma serviette, mais je ne l'avais pas lu. Il s'agit d'une citation d'un groupe de lobbyistes américains. Voici ce qu'il importe de relever, d'après moi:
-
[...] les États-Unis ont refusé de signer la Convention de Rome,
qui invite les 97 autres pays signataires à imposer des redevances
de radiodiffusion. Un attaché commercial américain de premier plan
a déclaré que le Congrès refuse de laisser signer le gouvernement
des États-Unis étant donné que les radiodiffuseurs américains
n'aiment pas l'idée de verser des redevances aux artistes.
Quelqu'un s'est demandé qui avait payé le déjeuner à M. Bélanger. Nous savons bien que les radiodiffuseurs américains paient le déjeuner à bien des gens et exercent une influence considérable sur leur gouvernement fédéral. Si 97 pays sont d'accord, on peut se demander pourquoi les États-Unis cibleraient le Canada.
Pegi a parlé de l'article du Financial Post de samedi dernier au sujet de la musique country. Si vous vous en souvenez, la réglementation du CRTC vise notamment à favoriser le développement du secteur de l'enregistrement au Canada. Comme elle l'a dit, si l'artiste enregistre ici en dépensant 100 000 $ ou 150 000 $, la production est admissible en teneur canadienne selon les critères MAPL.
Il faut noter que Shania Twain a vendu 2 millions de disques au Canada. Un ménage sur trois au Canada anglais a donc acheté le disque de Shania Twain. Et elle se plaint du manque de diffusion. Or, toutes proportions gardées, c'est plus que pour tout autre pays au monde.
La réglementation a favorisé le développement de l'industrie canadienne. Je pense à la notion de club-pépinière... Sarah McLachlan, de la province de M. Abbott, vient d'obtenir deux Grammy Awards. Elle vit toujours ici. Anne Murray, Gordon Lightfoot... Pegi n'a pas identifié son groupe, le groupe Rush.
Combien de disques Rush a-t-il vendu à l'étranger, Pegi?
Mme Pegi Cecconi: Quarante millions.
M. Alexander Mair: Quarante millions de disques. Or, ils ont choisi de rester ici.
Il va toujours falloir compter avec le fait que certaines personnes vont vouloir aller dans un autre pays, pour une raison ou pour une autre. Les gens cherchent à éviter l'impôt, c'est connu.
M. Muise s'est interrogé à ce sujet. Que faire? Pourquoi Brian Adams verse-t-il ses impôts en Irlande? C'est parce que dans ce pays un taux forfaitaire de 10 p. 100 s'applique aux artistes. Et ils ne sont pas obligés de séjourner là-bas. J'ai un ami qui est citoyen irlandais aux fins de l'impôt et qui n'a jamais les pieds en Irlande. Il verse 10 p. 100 de ses revenus mondiaux et il peut ensuite faire ce qu'il veut avec le reste.
Notre régime fiscal est très désavantageux pour les artistes, les petites sociétés.
• 1230
M. Denis a parlé du droit à l'erreur. Or, selon notre régime
fiscal actuel, l'artiste qui a une bonne année voit le gouvernement
percevoir immédiatement 50 p. 100 d'impôt. Si l'intéressé fait une
erreur l'année suivante, il doit à nouveau se présenter tête basse
devant son gérant de banque.
Un nombre important de questions ont été soulevées. Je laisse à d'autres celles abordées par John Godfrey. Elle est importante, mais je suis convaincu que mes autres collègues auront également des commentaires à faire.
Le président: Si le temps nous le permet, nous allons certainement y revenir.
[Français]
Monsieur Pilon, vous m'aviez demandé la parole.
M. Robert Pilon: J'aurais voulu d'abord répondre à la question de M. Bélanger.
Le président: Toutes nos délibérations sont transcrites.
M. Robert Pilon: Oui, il pourra en prendre connaissance.
M. Bélanger nous demandait de proposer d'autres solutions si la réglementation des nouvelles technologies, y compris l'Internet, s'avérait impossible. Je répète qu'il faut creuser cette question-là et aller au-delà des discours à la mode qui disent que c'est impossible sans pouvoir en faire la démonstration.
Je n'ai jamais vu une seule étude sérieuse par le gouvernement sur la question de la réglementation. Ce ne serait pas compliqué et cela ne coûterait pas une fortune. On pourrait convoquer un ingénieur et un économiste et leur demander de se pencher sur la question de la réglementation des nouvelles technologies, de la distribution du film, de la distribution de la télévision, de la distribution de la musique sur Internet ou des choses semblables. Demandons à un ingénieur, un économiste et un avocat de creuser cela d'un point de vue technique. Formons une équipe de trois personnes. Cela ne devrait pas coûter pas si cher. On aurait peut-être une meilleure idée de la chose et on pourrait cesser de dire des banalités et des généralités que personne n'a jamais vérifiées. Bien que je ne sois ni ingénieur ni avocat, d'après mes connaissances, il me semble que c'est possible et que c'est surtout une question de volonté politique.
Advenant que ce soit absolument impossible, quelles seraient les autres possibilités? Les autres possibilités, bien sûr, c'est de fournir un appui financier.
Les instruments de politique culturelle utilisés par le gouvernement canadien ont été de trois ordres: les aides publiques—subventions, avances financières et prêts—, les réglementations de contenu et les réglementations de propriété. À mon avis, c'est l'équilibre entre ces trois formes de politique qui explique le succès dans bien des domaines de la politique culturelle.
Il y aura un problème si on dit qu'on ne réglementera plus le contenu, mais en continuant à accorder des subventions. Je crois qu'il y a quelque chose de malsain quand on produit des films, des livres et des disques et qu'on ne maintient pas une fenêtre pour cela. Il y a quelque chose d'artificiel là-dedans. Je ne dis pas qu'il ne faut pas donner de subventions, bien au contraire. Notre secteur en particulier, le secteur de la musique populaire, reçoit 0,2 p. 100 de l'ensemble de l'aide publique accordée au Canada par tous les niveaux de pouvoir public. C'est minuscule.
[Traduction]
Nous sommes déjà les parents pauvres du secteur culturel. Le soutien devrait être plus considérable, mais les subventions à elles seules ne vont pas régler tous les problèmes. Il faut également une vitrine pour montrer les produits. Une certaine réglementation est donc nécessaire tant que la concurrence continuera d'être inégale entre les énormes multinationales établies aux États-Unis et les petites sociétés canadiennes.
[Français]
C'est cela qui est le problème: s'il n'y avait pas cette inégalité structurelle, on n'aurait probablement pas besoin de la réglementation. C'est cela, la base de la réglementation. On ne souhaite pas une réglementation par philosophie, par idéologie ou par principe. On la souhaite parce qu'elle est nécessaire.
M. Abbott disait qu'il y avait peut-être trop d'interventions.
[Traduction]
Il s'agit d'un choix sociétal. Tout dépend de ce que l'on veut. Tout dépend de ce que veulent les Canadiens. Si les Canadiens n'estiment pas qu'il importe d'assurer la diversité de l'expression culturelle et de rendre nos divers produits culturels accessibles aux Canadiens, s'ils estiment qu'il suffit d'avoir accès à la musique états-unienne et aux films d'Hollywood, alors, qu'il en soit ainsi. Si c'est le choix des Canadiens, ainsi soit-il. Par contre, le prix à payer est énorme; il est très considérable. Durant combien de temps allons-nous pouvoir être un pays différent des États-Unis? Il y a donc un choix à faire.
Nous, du milieu culturel, n'allons pas être en mesure d'obliger le gouvernement à faire quelque chose que la population ne souhaite pas.
[Français]
Si les citoyens ne veulent pas de quelque chose, les gens des industries culturelles vont se retirer. Les producteurs de disques iront ailleurs s'ils veulent faire des disques. Ils feront des disques avec des artistes américains ou ils feront autre chose. C'est une question de choix de société. Si on juge qu'il est important pour nous d'avoir des produits culturels qui reflètent les expressions de nos artistes et les préoccupations de nos citoyens, et qu'on veut partager ça avec le monde entier, il faut prendre les moyens.
[Traduction]
Le président: Monsieur Rosen.
M. Earl Rosen: J'aimerais commenter brièvement ce qu'a dit M. Abbott et ensuite répondre à la question de M. Godfrey.
Il est tout de même étonnant qu'une personne comme Terri Clarke se fasse dire par des radiodiffuseurs qu'ils ne vont pas faire jouer l'un de ses disques parce qu'il n'est pas considéré comme Canadien. Rien n'empêche les radiodiffuseurs de faire jouer cet enregistrement. Ils peuvent le faire pendant 70 p. 100 du temps d'écoute qui reste. Il est plutôt bizarre qu'un radiodiffuseur ne fasse pas jouer souvent les disques d'un Canadien ou d'une Canadienne sauf si la diffusion compte comme contenu canadien. C'est un choix que font les radiodiffuseurs.
En réponse à la question de M. Godfrey et à d'autres commentaires concernant l'importance de notre travail à l'étranger et de nos affaires à l'étranger, tout est question d'équilibre. Notre société ainsi que bon nombre d'étiquettes indépendantes ne pourraient exister sans l'infrastructure qui existe au Canada, en raison de la réglementation sur le contenu canadien, du soutien de FACTOR, et du soutien accordé par le Conseil des arts à certains types de projets. Voilà qui nous fournit une bonne assise ici même au Canada.
Je ne pourrais certainement pas gagner ma vie et assurer la viabilité de ma société en m'appuyant sur cette seule assise, en cherchant à vendre de la musique classique uniquement au Canada. Par contre, sans le marché intérieur, je ne serais pas alors en mesure d'aller vendre à l'étranger. Environ 80 p. 100 de mon chiffre d'affaires est attribuable aux affaires que je fais à l'extérieur du Canada et c'est parce que mon port d'attache canadien est très solide que je suis en mesure de rayonner à l'extérieur du Canada, de présenter des artistes canadiens partout dans le monde, et de leur donner l'occasion de développer leur carrière, étant donné qu'il est souvent impossible ou extrêmement difficile pour les artistes de donner une interprétation en direct à moins d'avoir des disques. Nous faisons donc plus que de vendre des disques. Nous donnons l'occasion à des artistes canadiens de développer leur carrière à l'étranger.
Nous nous efforçons donc d'assurer l'équilibre entre un marché canadien bien établi dont on se sert ensuite comme tremplin pour avoir accès au marché international.
J'aimerais dire en passant que, lorsque l'ALENA est entré en vigueur, cet accord n'a eu aucun effet direct sur mon entreprise, sinon un effet psychologique. Mon associé et moi-même avons décidé de considérer l'Amérique du Nord comme notre marché intérieur. Les États-Unis font donc partie de notre marché intérieur. Selon cette optique, nous avons très bien réussi à accroître notre chiffre d'affaires.
C'était en réalité une affaire de culture. Je suppose que certaines sociétés canadiennes craindraient peut-être de se lancer seules sur le marché américain. Dans notre cas, tout s'est passé très bien.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Rosen.
Monsieur Sniderman et ensuite monsieur Abbott.
M. Jason Sniderman: J'aimerais étoffer un peu ce qu'a dit Robert au sujet des fenêtres. En effet, il importe d'en créer. Dans mes commentaires sur les nouveaux modes de diffusion, j'aimerais faire valoir que ces fenêtres ne seront pas contrôlées par les personnes avec lesquelles nous entretenons un rapport émotif, à savoir les multinationales du disque. Même s'il nous arrive parfois, au Canada, d'être en conflit avec les sociétés multinationales du disque, au moins partageons-nous avec elles un préjugé favorable à l'égard des artistes canadiens.
Lorsqu'il s'agit d'AT et T et de Bell ou d'un autre transporteur, il n'est pas garanti que le transporteur de votre message par fibre optique s'intéresse de quelque manière que ce soit à ce que vous faites, ni sur le plan émotif, ni sur le plan culturel. Ainsi, en plus d'une réglementation qui assure le maintien de la fenêtre, il faut que celui à qui elle est destinée s'intéresse à la valeur culturelle de votre production. Si tel n'est pas le cas, aussi bien plier bagages.
Pour ce qui est maintenant de la teneur canadienne... Et je dois ici mettre le chapeau de Sam the Record Man, étant donné que je participe à la FACTOR depuis 15 ans et que j'en suis le président depuis six ans et que l'on ne m'autorise pas nécessairement à avoir quelque opinion politique que ce soit su sujet des exigences en matière de teneur canadienne. Cela dit, les membres du comité connaissent bien mon point de vue.
J'ai suivi avec intérêt les demandes au CRTC de décembre et j'ai eu de longues conversations avec M. Pilon. J'ai grandi pour ma part à une époque où le dossier du contenu canadien était tout nouveau. Je sais que mon père y a beaucoup travaillé. Lorsque j'avais dix ans et que l'accès à la bonne musique canadienne, dont nous pouvions tous être fiers, était limité pour une raison ou pour une autre, je peux comprendre que cette idée avait sa place.
• 1240
Cependant, en ce qui concerne les exigences en matière de
teneur canadienne ne représentent plus la trouvaille du siècle. Mes
enfants, qui sont âgés de 10, 11 et 12 ans, ne savent pas si la
musique qu'ils écoutent est américaine ou canadienne. Ils savent
tout simplement que c'est de la musique qu'ils aiment entendre.
On ne devrait avoir aucune difficulté à atteindre les 30 p. 100, ou même les 40 p. 100, 50 p. 100, ou 60 p. 100. La question n'est pas là. La question est la suivante, et Al pourrait peut-être me renseigner à cet égard.
A-t-on déjà fait une étude qui montre que le contenu canadien nuit à la cote d'écoute?
M. Alexander Mair: Aucune étude n'a été faite à cet égard par le CRTC ou les radiodiffuseurs.
M. Jason Sniderman: Qu'est-ce qui fait croire qu'il est nuisible de diffuser de la musique canadienne? Lorsqu'on pourra me le démontrer, je serai peut-être d'accord pour dire que le pourcentage devrait être de 30 p. 100, 35 p. 100 ou 25 p. 100. Tant que personne n'aura pu nous prouver que le fait de diffuser de la musique canadienne nuit à la cote d'écoute, comment pourrons-nous faire de telles suppositions. Comment peut-on passer des années, des jours, des heures et des mois à parler des exigences en matière de contenu canadien sans avoir vu le revers de la médaille? S'il était bien établi que le contenu canadien faisait du tort à la cote d'écoute et que les gens décrochaient de la radio en grand nombre, alors je pourrais comprendre.
Pour moi, l'idée de soutenir le talent canadien n'a jamais posé de problème. C'est comme ça que j'ai été élevé. Tous ceux qui sont ici autour de la table gagnent leur vie à force de soutenir le talent canadien. Cela va de soi. D'accord, c'est une question culturelle, mais également financière.
Les gens qui sont ici autour de la table, je les connais depuis des années. Il ne s'agit pas de savoir si nous soutenons le dollar canadien. Nous travaillons avec ces gens-là. Ce sont eux qui nous permettent de gagner notre vie. À mon avis, toute cette question de pourcentage est un faux débat.
Le président: Monsieur Bélanger vient de revenir.
Vous avez la réponse.
M. Mauril Bélanger: Oui. La personne qui m'a posé la question a maintenant la réponse.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Pour reprendre une expression de M. Pilon, il me semble qu'il est de bon ton pour le Bloc et d'autres adversaires de laisser entendre que le Parti réformiste est anti-canadien dans sa position au sujet des règles de contenu canadien ou à d'autres sujets. Rien n'est moins vrai.
Le président: Excusez-moi, monsieur Abbott. Vous n'étiez pas en train de dire que M. Pilon est membre du parti, n'est-ce pas?
M. Jim Abbott: Oh non. Ce serait à lui de le dire.
Voici ce que j'ai à dire. Comme le savent les membres du comité, puisque je l'ai dit à d'autres occasions, je suis tout particulièrement intéressé par la réussite des artistes canadiens. En effet, ma fille est mariée à un musicien compositeur. La famille, y compris mes deux petites-filles dépendent de son revenu. Je ne vois donc pas où vous pourriez trouver quelqu'un de plus intéressé à la réussite de votre secteur que je ne le suis moi-même.
Toutefois, je suis pragmatique. Soyons pragmatiques, en effet. Si j'ai utilisé le droit perçu sur les bandes magnétiques vierges comme exemple c'est que j'ai prédit—et j'ai malheureusement peur d'avoir eu raison—durant la deuxième phase des négociations sur le droit d'auteur que le fait de tenter d'obtenir un droit de 12 millions de dollars sur les bandes magnétiques vierges n'allait pas manquer d'attirer l'attention des intérêts commerciaux aux États-Unis. Or, ce sont des gens d'affaires qui n'ont pas peur d'évincer la concurrence. Ne nous y trompons pas.
M. Mauril Bélanger: Bonne prédiction.
M. Jim Abbott: Je me demande donc pourquoi nous avons mis une question du genre sur la table, en cherchant à obtenir 12 millions de dollars, comparativement aux 100 millions de dollars et plus que représentent à eux seuls les droits de la SOCAN. Dans le cadre de l'ALENA, la valeur de nos échanges se chiffre quotidiennement à plus de 1 milliard de dollars et, dans le secteur culturel, nos échanges avec les États-Unis totalisent un milliard de dollars par an. Cela dit, pourquoi ne sommes-nous pas plus pragmatiques? Pourquoi ne faisons-nous pas plus attention? Est-ce que nous veillons à ne pas aller trop loin en matière de protection?
M. Rosen représente le cas classique de l'homme d'affaire canadien qui dit que son marché intérieur englobe les États-Unis. Il en profite. Voilà de bons résultats. Notre commerce avec les États-Unis a été avantagé. Or, 80 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis et cela représente 50 p. 100 de notre produit intérieur brut. Toute vérité n'est peut-être pas bonne à dire, mais c'est pourtant la vérité.
• 1245
Comme je l'ai dit, j'ai un intérêt tout particulier à vous
voir réussir. C'est ce que je souhaite très sincèrement. Cependant,
il n'est tout simplement pas réaliste de vouloir créer toutes
sortes d'obstacles pour que des personnes comme M. Rosen continuent
à bénéficier du marché intérieur canadien et de s'imaginer que
l'Organisation mondiale du commerce ou l'ALENA n'existe pas.
Par conséquent, je dirai pour ma part à ceux qui estiment qu'il est de bon ton de prendre des mesures pour nous protéger, de créer des barrières et des obstacles qu'il faut évaluer les conséquences. Si nous jugeons en fin de compte que le coût en vaut la chandelle, alors allons-y, mais veillons à ne pas répéter ce que nous avons fait lors de la phase deux des négociations sur le droit d'auteur.
Le président: N'oublions pas que la phase II du projet de loi sur le droit d'auteur a été créé par une majorité qui pense de façon très démocratique.
Des voix: Ah, ah.
Le président: Monsieur Pilon.
M. Robert Pilon: Premièrement, monsieur Abbott, pour ce qui est des copies privées, à ma connaissance la disposition pertinente du projet de loi C-32 n'a pas encore été proclamée. La semaine passée, des bruits circulaient comme quoi ce serait fait, mais je ne sais toujours pas si c'est le cas. Nous attendons encore une confirmation officielle de cette proclamation.
Franchement, êtes-vous surpris?
M. Jim Abbott: Pas du tout. Je l'ai prédit.
M. Robert Pilon: Je ne suis pas surpris non plus. Ils nous ont dit qu'ils nous visaient il y a dix ans, huit ans, sept ans, trois ans, et six mois. Donc je ne suis pas surpris. Mais leur argument est-il valable?
C'est un peu drôle. Quelqu'un venant d'un marché énorme dans un pays énorme nous dit que chez lui, si un citoyen fait une copie privée illégale d'un disque de Céline Dion, ce n'est pas un problème pour nous. Céline Dion ne recevra pas un sou, et le producteur ne recevra pas un sou. Mais au Canada, si quelqu'un veut se faire une copie privée d'un disque de Bruce Springsteen ou de Madonna, alors d'un coup ça devient un problème. Eux, ils veulent leur argent. Mais ils ne veulent pas nous donner le nôtre.
Ils veulent changer leur projet de loi, changer leur loi, et nous obliger à leur envoyer de l'argent. Nous ne devrions pas être naïfs à ce point. Toutes les ententes internationales comportent la réciprocité, comme voulait le gouvernement. Ils n'auront pas gain de cause, mais ils essayent d'exercer des pressions sur nous. S'ils changent leur projet de loi, nous changerons le nôtre. Nous ne devons pas être assez naïfs pour leur envoyer de l'argent quand eux ne nous envoient rien.
Le président: Monsieur Godfrey, une dernière intervention?
M. John Godfrey: J'aurais deux commentaires, qui sont, si vous voulez, un aveu de culpabilité. Après coup, il me semble que
[Français]
toujours la moutarde après dîner,
[Traduction]
nous avons négligé deux facteurs importants pendant les négociations. J'utilise le mot dans son sens original. Nous avons déjà discuté d'un de ces facteurs—les gens de la radio commerciale. J'aurais bien aimé les avoir ici; ils n'auraient pas été très à l'aise de nous entendre parler des pratiques qu'ils utilisent pendant leurs représentations en matinée.
L'autre facteur, dont on n'a vraiment pas parlé du tout, est celui-ci: 90 p. 100 des entreprises d'enregistrement et de distribution sont étrangères et dominent le marché. Ici, nous avons les autres 10 p. 100. On aurait bien aimé avoir les autres 90 p. 100 pour nous parler un peu du secteur de l'enregistrement.
Cette table ronde a donc été utile, mais pas tout à fait réaliste parce que les mastodontes n'y sont pas représentés. Les gros n'y sont pas. Nous n'avons que les gentils gars. Je voulais simplement signaler qu'on aurait dû penser à cela avant la réunion.
M. Robert Pilon: J'espère que nous entendrons les représentants de l'association de l'industrie canadienne de l'enregistrement. Si je comprends bien, on les a invités. Ils auraient dû être là. Ils sont très importants dans l'industrie. Certaines compagnies ont investi beaucoup dans des artistes canadiens, entre autres Céline Dion. C'est très bien.
Soyons clairs—vous parlez de la stratégie, du modèle. Nous avons pu convaincre l'industrie indépendante, comme nous avions convaincu les télédiffuseurs... Lisons donc cet article sur Alliance, qui a paru dans le Globe and Mail ce matin: revenus annuels de 135 millions. Aucune compagnie d'enregistrement indépendante a un chiffre d'affaires pareil. Nous sommes très loin de là.
D'après nous, il devrait y avoir une base industrielle canadienne plus solide, pour qu'on puisse s'assurer qu'il y a un avenir pour la production des artistes canadiens. Cette base existe dans le monde du livre et dans la télédiffusion. Évidemment, nous n'allons pas livrer notre pays aux multinationales dès demain. Nous ne demandons pas qu'on fasse ce qu'on a fait aux télédiffuseurs en 1968, quand on a exproprié les multinationales. Nous demandons simplement que l'industrie soit mieux équilibrée. Si vous cherchez un meilleur équilibre entre le secteur indépendant et le secteur multinational, il faut d'abord avoir un secteur indépendant. Vous n'en avez pas un vraiment aujourd'hui car il est très fragile.
Le président: Je suis chargé de résumer la discussion mais nous avons entendu beaucoup de choses aujourd'hui. Je vais essayer d'en résumer les points saillants en commençant avec les propos de M. Beatty et M. Stein.
M. Beatty considère qu'on devrait accueillir les nouvelles technologies avec enthousiasme. Comme exemple, il citait l'enregistrement numérique et la radio numérique. Il propose que Radio-Canada ait le mandat de protéger les voix canadiennes dans les foyers canadiens. M. Stein déplore le fait qu'il y ait si peu de dialogue entre les diffuseurs de la radio et l'industrie de l'enregistrement sonore. Il considère que les partenaires devraient travailler plus étroitement. Mais nous avons entendu une opinion différente de M. Mair. Cela est toujours intéressant, parce que c'est en entendant des opinions différentes qu'on se décide.
J'essaierai de résumer vos propos, monsieur Mair. Vous estimez que les dispositions sur le contenu canadien doivent être maintenues. D'après vous, les radiodiffuseurs abusent des règlements, et le CRTC et les autres organismes devraient trouver des moyens de renforcer les directives et les règlements. Vous étiez aussi le premier à soulever la question du financement. D'après vous, le financement devrait être continu, et non ponctuel. M. Denis et d'autres participants ont soulevé le même point: ils estiment que le financement ne devrait pas être ponctuel.
Je pense que vous accueillez tous les progrès technologiques avec enthousiasme. Par ailleurs, tout le monde appuie la notion que les nouvelles technologies devraient être assujetties à une réglementation sur le droit d'auteur, pour qu'on s'assure que ces nouvelles technologies n'ouvrent pas la porte à des abus du droit d'auteur.
M. Pilon a soulevé une question très intéressante. Il se demande s'il est vraiment impossible de réglementer l'Internet, comme on a demandé. Pendant la troisième phase du projet de loi sur le droit d'auteur, il faudrait s'assurer qu'on se penche sur tous ces aspects-là. Il faut le faire très bientôt.
Pour ce qui est des facteurs démographiques, certains d'entre vous en ont parlé, et considèrent que l'évolution est positive. Vous avez souligné le rôle des disques pour enfants, et de leur évolution.
Tout le monde est d'accord pour dire que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle très proactif. Nous devrions nous pencher sur des incitatifs fiscaux et sur d'autres moyens de soutenir votre industrie.
Monsieur Mair, vous avez signalé qu'en ce moment la Commission du droit d'auteur ne compte que trois membres au lieu de cinq. De plus, deux de ces trois n'ont aucune expérience. J'ai pris note de cela, et je vais faire passer le message. C'est une question très importante.
• 1255
Nous avons aussi entendu des commentaires très intéressants de
M. Rosen.
[Français]
et M. Denis qui ont expliqué que vous oeuvrez dans un secteur spécialisé de votre industrie. Vous parlez de milliers de disques plutôt que de centaines de milliers ou de millions de disques. Vous recherchez la qualité et une spécialisation qui va vous donner une entrée dans un marché immense. Vous comparez cela à la poésie, à la prose et aux restaurateurs, ceux qui produisent des oeuvres dans le secteur de la restauration, qui est très spécialisé.
[Traduction]
Dans la même veine, vous avez proposé que peut-être votre base canadienne est essentielle parce qu'elle vous aidera à pénétrer dans un plus grand marché. Et quelqu'un d'autre a ajouté—peut-être c'était vous-même, monsieur Rosen—que le ministère des Affaires étrangères devrait jouer un rôle plus actif, et faire promouvoir la culture par les ambassades. Ceci était une question très importante.
Monsieur Sniderman, vous nous avez dressé un portrait excellent de votre monde. Vous nous avez montré des aspects que normalement, n'étant pas dans la profession, nous ne nous voyons pas très souvent. Nous étions très intéressés par votre point de vue sur le monde de l'enregistrement en tant que détaillant. Je remarque que vous n'étiez pas tout à fait d'accord avec les remarques de M. Stein au sujet du manque de dialogue. D'après vous, il y a un dialogue, mais nous devrions être prêts à changer d'approche, à accorder moins d'importance à la distribution physique des enregistrements et à nous tourner vers les nouveaux modes de distribution. Cela veut dire qu'il faudra relever à nouveau un défi important: le droit d'auteur. C'est une question qui revient toujours sur le tapis.
Vous avez indiqué aussi que les magasins de détail étrangers s'emparent graduellement du marché et que trois grands magasins canadiens ont fermé. Devrions-nous leur accorder la même protection que nous accordons aux librairies? Nous allons devoir nous pencher sur ces questions avec beaucoup d'attention.
Vous avez parlé des clubs de disques. Je crois que M. Bélanger a soulevé une question très importante: Pourquoi ne pas déterminer quelle politique s'impose ici au Canada afin de promouvoir ces clubs de disques et ces clubs de livres et d'autres? Il est évident qu'il existe un grave problème.
[Français]
Monsieur Pilon, vous avez renforcé toute l'idée de l'appui du gouvernement, et cet aspect est intéressant par rapport au contenu canadien que vous appuyez très, très fermement. M. Sniderman dit pour sa part:
[Traduction]
examinons cette question encore une fois; nous ne nous sommes jamais penchés là-dessus; vous croyez que la qualité va suffire.
Si je vous ai bien compris, vous n'aimez pas l'idée d'un règlement qui détermine un pourcentage fixe, mais vous préférez... Peut-être que je vous ai mal compris, mais j'avais l'impression que vous vouliez que l'on réexamine de très près les règles relatives au contenu canadien. D'après vous, 30 p. 100 serait peut-être un minimum. Pourquoi ne pas viser 30 p. 100, 40 p. 100, 50 p. 100 ou 70 p. 100?
J'ai également cru que cette question de la technologie... encore une fois, il ne faut pas faire de la technologie un mythe qui n'a rien à voir avec notre vision de notre culture.
Monsieur Perlman, je me souviens d'une phrase que vous avez dite. Je l'ai écrite parce qu'elle reflète très bien notre raison d'être. Vous avez répondu à M. Abbott ou à quelqu'un d'autre en disant que la culture n'était pas un produit mais notre identité même. Cela correspond très bien à notre réalité. M. Denis en a parlé aussi,
[Français]
la passion qui l'anime,
[Traduction]
et je crois que M. Rosen a soulevé cette question du système de valeurs également. C'est ce qu'on retient de toutes ces tables rondes: pourvu que nous ayons toujours la passion, la qualité et le système de valeurs, nous pouvons faire face à tout le reste—c'est-à-dire le produit et l'aspect divertissement.
Pour résumer, je dois dire que cette séance nous a été très utile, instructive et stimulante. On a lancé un bon nombre d'idées, mais nous ne pouvons pas toutes les saisir, alors si vous avez le temps, ou le désir, veillez nous écrire si vous avez autre chose à ajouter. Il faut tout adresser au greffier du comité. Nous serions très heureux de considérer—et il faut dire que nous accueillerons favorablement—toutes propositions concrètes supplémentaires que vous aimeriez nous faire.
Madame Cecconi, j'ai découvert quelque chose aujourd'hui. Lorsque vous parlez de 100 millions de disques, cela m'encourage beaucoup et j'en suis très fier. C'est formidable.
M. Robert Pilon: Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Lincoln?
Le président: Oui.
M. Robert Pilon: Nous ne connaissons pas très bien la façon dont procède votre comité. Vous vous orientez dans quelle direction? Quels résultats espérez-vous obtenir de ces audiences?
Le président: J'ai cru avoir tout expliqué au début, mais je vous l'expliquerez très brièvement.
Nous avons commencé cette étude il y a à peu près un an, comme vous le savez, avant les dernières élections. Ce nouveau comité était d'accord pour poursuivre cette étude, ce qui est vraiment formidable.
Lors de la première étape, on voulait mieux connaître trois domaines clés: la technologie en évolution; le secteur démographique; et le commerce international, c'est-à-dire la mondialisation du commerce. Nous avons entendu les témoignages de toutes sortes d'experts. Nous avons invité des fonctionnaires à comparaître afin de nous informer de la situation et de nous fournir une toile de fond, surtout pour les membres qui n'ont pas siégé à l'ancien comité.
La deuxième étape consistait en cette table ronde. Nous avons entendu des témoins de six secteurs différents. Naturellement, ces secteurs se chevauchaient parfois.
Nous sommes maintenant rendus à la troisième étape, qui nous permettra d'entendre diverses institutions fédérales très précises telles Telefilm, l'Office national du film, le CRTC et d'autres.
Ensuite, nous allons voyager à travers le Canada. Nous allons rencontrer des gens dans leur propre collectivité, surtout les petites collectivités, pour voir comment ils réussissent à maintenir la culture. Nous allons également nous rendre dans quelques grandes villes, mais nous visons surtout les petites collectivités. Puisque le Canada est tellement grand, nous allons faire cela en deux étapes, d'abord nous irons dans l'est du pays et ensuite nous irons dans l'ouest. Nous espérions avoir tout terminé d'ici la fin de juin, mais il paraît, étant donné tous ces voyages, que ce but est irréalisable. Par conséquent, nous allons reprendre ces voyages à l'automne.
J'en ai parlé avec la ministre, et nous espérons lui soumettre un rapport d'ici la fin de l'année, c'est-à-dire d'ici le 31 décembre. Naturellement, nous présenterons le rapport au Parlement. Ensuite, nous ne voulons pas réinventer la roue, nous ne voulons pas refaire la même chose que d'autres ont faite avant nous. Tout ce qu'on veut faire, c'est d'apporter un complément, de donner une nouvelle orientation à ces défis, dans l'espoir que ce sera utile.
La qualité de votre participation a été superbe. Vous nous avez donné de nouvelles idées, une nouvelle façon d'envisager les choses. Merci.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
La séance est levée.