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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 18 novembre 1998

• 1534

[Traduction]

Le vice-président (M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous accueillons aujourd'hui des témoins de Time Canada Ltd. et de Reader's Digest. Les témoins ont demandé, comme c'est leur droit, que chaque groupe puisse présenter son exposé et répondre aux questions séparément.

Nous commencerons par Time Canada Ltd. Je crois qu'aucun des témoins ici présents n'y voit d'inconvénient.

C'est M. Brown qui commencera—plutôt M. Russell.

• 1535

Monsieur Russell, vous pourriez peut-être, d'abord nous présenter vos collègues.

M. George Russell (rédacteur en chef, Time Canada Ltd.): Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité.

Je témoigne ici aujourd'hui au nom de Time Canada Ltd., qui a son siège social à Toronto. Je suis accompagné de Donald F. Brown, qui est président de Time Canada Ltd. depuis quatre ans, ainsi que de celui qui est depuis longtemps notre conseiller juridique canadien, l'honorable Ron Atkey, ancien député de la Chambre des communes et maintenant associé principal au cabinet d'avocats canadien, Osler, Hoskin et Harcourt.

Notre mémoire complet, qui fait environ 21 pages, a été remis au greffier du comité hier, et ce, dans les deux langues officielles. Je crois qu'il a maintenant été remis à tous les membres du comité. J'ai ici le texte de mon exposé, qui résume notre mémoire. Les députés pourront l'obtenir du greffier.

Nous sommes heureux d'être les premiers témoins du secteur privé à témoigner devant vous, suivant la comparution hier de la ministre et de ses collaborateurs. Time Canada Ltd. occupe depuis plus de 55 ans une place importante dans le secteur canadien des magazines. Pendant ce temps, nous avons été témoins d'une multitude de mesures gouvernementales, depuis les commissions royales d'enquête jusqu'aux comités sénatoriaux spéciaux, en passant par des groupes de travail et des comités parlementaires.

À notre avis, aucune des mesures gouvernementales qui ont été étudiées ou recommandées par ces divers groupes n'a eu d'effet aussi néfaste sur notre activité qu'en aura le projet de loi C-55, dont vous êtes saisis, et aucune mesure envisagée par le passé ne compromet autant, à notre avis, certaines valeurs canadiennes importantes.

Avant de vous faire part des graves inquiétudes que nous avons, je voudrais, pour bien situer mes propos, vous résumer ce qui se trouve dans notre mémoire.

Time Canada Ltd. publie une édition canadienne hebdomadaire du magazine Time depuis le 15 février 1943. Aujourd'hui, Time Canada Ltd. compte 305 000 abonnés, dont la quasi-totalité sont au Canada, et vend 13 000 exemplaires additionnels du magazine chaque semaine dans les kiosques à journaux. Nous sommes ainsi le sixième magazine en importance au Canada si on combine les abonnements payés et les ventes dans les kiosques. Time Canada Ltd. emploie directement 54 Canadiens qui exercent diverses fonctions: vente de services publicitaires, sollicitation d'abonnements, surveillance de l'impression et coordination de la diffusion par la poste et de la distribution aux kiosques.

Notre président, M. Brown, est un ressortissant américain et réside à Toronto. M. Brown a acquis une expérience considérable auprès de Time dans des fonctions analogues, à Hongkong, au Japon et dans des centres régionaux des États-Unis.

Je suis moi-même Canadien et je vis à New York. Je coordonne, avec les autres membres du personnel rédactionnel supérieur de Time à New York, le travail sur l'édition canadienne du magazine. Je suis né au Canada et j'y ai grandi. Diplômé de l'Université de Calgary, j'ai entrepris ma carrière de journaliste professionnel à Ottawa, en tant que chef du bureau national des Presses universitaires canadiennes, avant de me joindre à l'effectif du Globe and Mail. Pendant quelque temps au début des années 70, j'ai été membre de la Tribune de la presse parlementaire à titre de correspondant du Globe and Mail. J'avais d'ailleurs mon bureau dans cet édifice. Je travaille pour Time depuis 1974.

Quand le magazine a été créé en février 1943, plus de deux ans avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la version canadienne était la deuxième édition internationale du magazine, après l'édition latino-américaine, établie en 1941. Peu après son lancement, Time Canada Ltd. publia une section spéciale intitulée «Le Canada en guerre». Le magazine obtint un succès immédiat et fut tout de suite accepté.

La copie rédactionnelle de Time Canada Ltd. a toujours été une combinaison hybride de reportages, photographies et articles canadiens à saveur locale, doublée de dossiers provenant du bassin mondial de rédacteurs de Time et constituée à New York et ailleurs. L'objectif était de produire un «Time destiné aux Canadiens». Time ne s'est jamais présenté à ses lecteurs comme un magazine canadien, mais comme l'édition canadienne d'un magazine basé aux États-Unis, dont les perspectives et activités éditoriales embrassaient le monde entier. D'ailleurs, divers reportages figurant dans l'édition canadienne de Time sont apparus dans d'autres éditions du magazine à travers le monde.

Si Time Canada Ltd. a connu un grand succès à ses débuts, il a fait l'objet de certains commentaires négatifs dès 1961, lorsque la Commission royale sur les publications, appelée Commission O'Leary, a exprimé son inquiétude à propos du fait que Time Canada Ltd. et Reader's Digest n'appartenaient pas à des intérêts canadiens, compte tenu de leur prééminence sur le marché à l'époque.

Fait significatif, la Commission O'Leary a rejeté l'idée d'expulser les deux publications pour le motif que:

    Recommander l'expulsion de deux sociétés qui font des affaires au Canada depuis près de trois décennies, et qui le font avec flair, équité et distinction, nous est apparu comme un acte quelque peu incompatible avec le tempérament canadien.

La commission a conclu que:

    Dans un domaine aussi vital et aussi sensible que celui de la presse, il fallait toujours agir de manière constructive et non négative, l'objectif étant la promotion des périodiques canadiens, et non la suppression des périodiques étrangers.

• 1540

Sur la recommandation de la Commission O'Leary, le Parlement adopta en 1965 l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui limitait la possibilité pour les annonceurs de déduire leurs frais se rapportant à leurs annonces publicitaires dans des périodiques non canadiens, lorsqu'elles s'adressaient en premier lieu au marché canadien. Time Canada Ltd. et le Reader's Digest étaient soustraits à l'application de cette disposition, en raison de leur présence déjà ancienne au Canada et de l'approbation générale de la Commission à leur endroit.

La position de Time Canada Ltd. et du Reader's Digest fut de nouveau examinée par le Parlement au début des années 70, en l'occurrence par le comité sénatorial présidé par le sénateur Keith Davey. Le comité Davey recommanda la suppression du régime de droits acquis accordé à Time Canada Ltd. et au Reader's Digest au regard de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le régime d'exception fut supprimé au moyen d'une modification législative en 1976.

Peu après, Time Canada Ltd. fermait ses services de presse de Montréal et faisait passer de quatre à un seul, à Ottawa, le nombre de ses bureaux de rédaction dans le pays. Ainsi, la quasi-totalité du corps rédactionnel fut désormais produit à New York, avec l'aide d'un seul correspondant et de journalistes locaux.

Au début de la décennie 1990, le bureau d'Ottawa ferma ses portes, mais en 1996, un bureau de rédaction fut ajouté à Toronto, dont le chef, Andrew Purvis, un Canadien né à Montréal qui a acquis ailleurs auprès de Time une expérience internationale considérable, coordonne les nouvelles nationales.

Même après la fermeture de ses bureaux de Montréal, cependant, Time Canada Ltd. n'est pas devenu le miroir de l'édition américaine de Time. Time Canada Ltd. est resté associé au personnel des éditions internationales de Time et continuait d'être publié sous sa direction. Le magazine se distinguait nettement de l'édition américaine, et cela de plusieurs façons. Les nouvelles non américaines et les reportages intéressant les sciences sociales étaient toujours plus approfondis que dans l'édition américaine, les rédacteurs sachant que les lecteurs canadiens ont un point de vue plus internationaliste que nombre de lecteurs américains.

L'édition canadienne a pris part à des projets spéciaux coordonnés par les éditions non américaines de Time partout dans le monde, notamment à une analyse détaillée du Cinquantième anniversaire des Nations Unies, analyse qui a été facilitée par le rôle du ministère canadien des Affaires étrangères, pour l'avantage de tous les lecteurs de Time international à travers le monde.

Time Canada Ltd. et Time Amérique latine ont collaboré au compte rendu sur le Sommet des Amériques et, grâce à cette collaboration, l'actualité se rapportant à la nouvelle place éminente du Canada sur le continent a pu faire la une non seulement au Canada, mais également dans toute l'Amérique latine. Il en a été de même pour le voyage du premier ministre Chrétien à Cuba. Les reportages culturels spéciaux ont été diffusés mondialement. Ainsi, des institutions canadiennes comme le Cirque du soleil ont pu bénéficier pour la première fois de reportages internationaux.

Dans l'ensemble, le contenu rédactionnel spécifiquement canadien est demeuré relativement modeste si l'on s'en tient au nombre total de pages du magazine, mais Time Canada Ltd. pouvait être jusqu'à 40 p. 100 différent de l'édition américaine et la plupart du temps était notablement différent.

Time Canada Ltd. a conservé aussi sa liberté de présenter des reportages spéciaux approfondis sur l'actualité canadienne pour ses lecteurs, lorsque les rédacteurs du magazine jugeaient que ses perspectives rédactionnelles pouvaient apporter une importante contribution, et sa liberté de recommander des articles canadiens aux autres éditions du magazine. Les premiers ministres canadiens Pierre Trudeau et Brian Mulroney ont tous deux figuré sur la couverture américaine de Time. Time Canada Ltd. n'a pas manqué de faire son article de fond d'événements tels que la participation canadienne aux Jeux olympiques, les élections nationales canadiennes et l'évolution politique au Québec.

Sur le plan culturel, les éditions canadiennes et internationales de Time ont été les premières grandes publications en dehors du Canada à reconnaître Céline Dion comme l'une des «divas mondiales du POP»—expression de Time Canada Ltd. et des éditions de Time de par le monde ont fait état des réalisations du paléontologue canadien Phil Currie.

En 1997, les éditions canadienne et asiatique de Time ont reconnu Vancouver comme—et je cite—«la plus récente capitale asiatique sur le bord du Pacifique». En mai 1998, Time Canada Ltd. a publié un reportage spécial sur la fuite des cerveaux vers les États-Unis, reportage qui a permis de lancer un important débat national.

Plusieurs collaborateurs de marque, notamment le négociateur commercial canadien Simon Reisman, ont récemment écrit pour Time Canada Ltd. Dans l'édition courante du magazine, l'ancien président de la Société Radio-Canada, M. Patrick Watson, s'exprime sur l'autonomie de la SRC.

De façon générale, l'idée qui sous-tend cette stratégie rédactionnelle a toujours été la diffusion d'un «Time destiné aux Canadiens», c'est-à-dire d'un magazine qui ne cherche pas à imiter les publications canadiennes, mais plutôt oriente les perspectives mondiales et continentales de Time, ainsi que ses normes de rédaction, vers des sujets d'actualité canadiens lorsque les rédacteurs estiment que cela est pertinent et justifié.

En janvier 1993, Time Canada Ltd. a voulu élargir ses activités en annonçant son intention de publier Sports Illustrated Canada, après s'être assuré auprès du gouvernement du Canada que cette action n'enfreindrait pas le droit canadien.

Il en a résulté des pressions importantes de la part de la Canadian Magazine Publishers—qui doit venir témoigner devant vous la semaine prochaine—pressions qui à leur tour conduisirent le gouvernement à annoncer le 26 mars 1993 l'établissement d'un groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques, à peine cinq jours avant que le premier numéro de Sports Illustrated Canada ne soit distribué dans les kiosques ou ne soit reçu dans les foyers canadiens.

• 1545

Le 18 avril 1993, une semaine après la publication de l'édition inaugurale de Sports Illustrated Canada, le sous-ministre de Revenu Canada nous écrivait, déclarant que la nouvelle publication était parfaitement légale dans le contexte des dispositions tarifaires.

En juillet 1993, le gouvernement a publié en vertu de la Loi sur Investissement Canada des lignes directrices qui prévoyaient qu'un investissement fait par un non-Canadien visant, notamment, la publication d'un périodique au Canada, devait faire l'objet d'une notification, ce qui rendait un tel investissement sujet à examen et susceptible d'opposition de la part du ministre de l'Industrie. Sports Illustrated Canada avait fait l'objet d'une confirmation écrite d'Investissement Canada qu'il ne serait pas assujetti à la Loi sur Investissement Canada puisqu'il s'agissait d'un élargissement des activités existantes de Time Canada Ltd.

Le 24 mars 1994, le groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques remettait son rapport final, dans lequel il préconisait une taxe d'accise de 80 p. 100 sur les annonces publicitaires contenues dans les éditions à tirage dédoublé des périodiques, mais qui permettait à Time Canada Ltd. et d'autres publications antérieures au 26 mars 1993 de jouir d'une protection complète des droits acquis et à Sports Illustrated Canada de bénéficier d'un régime de protection des droits acquis pour un maximum de sept numéros par an, le nombre effectivement publié en 1993.

Au cours des 18 mois qui ont suivi, le gouvernement a entrepris de donner suite au rapport du groupe de travail, mais sans aucun régime d'exception pour Sports Illustrated Canada en ce qui avait trait à la taxe d'accise de 80 p. 100.

Malgré des arguments soulevés devant le Comité permanent des Finances de la Chambre et le comité sénatorial des banques et du commerce, arguments qui appelaient à l'équité en faveur de Sports Illustrated Canada, et malgré la possible invalidité du projet de loi au regard du droit commercial international, le projet de loi devint loi et entra en vigueur le 15 décembre 1995.

Peu après, en raison de l'effet punitif de la taxe d'accise de 80 p. 100, Time Canada Ltd. suspendit la publication de Sports Illustrated Canada, qui cette année-là avait publié 12 numéros et avait annoncé la possibilité de 18 numéros pour 1996, puis un objectif à plus long terme d'un numéro par semaine.

Depuis le début de 1996, les abonnés canadiens et les clients des kiosques reçoivent l'édition américaine de Sports Illustrated avec du retard, et le contenu canadien a diminué considérablement.

D'autres vous ont déjà parlé de la défaite qu'a essuyé le Canada à l'Organisation mondiale du commerce au regard du droit commercial. Nous nous contenterons de signaler que l'Organisation mondiale du commerce n'a pas examiné la validité de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui limite le droit pour les annonceurs de déduire les frais de leurs annonces publicitaires paraissant dans les périodiques non canadiens lorsque de telles annonces s'adressent surtout au marché canadien, étant donné que cet aspect n'était pas contesté par le représentant américain au Commerce. La ligne directrice de juillet 1993 adoptée en vertu de la Loi sur Investissement Canada, une ligne directrice qui limitait l'établissement d'un nouveau magazine au Canada par des non-Canadiens, ne fut pas contestée elle non plus. Ces deux moyens d'action du gouvernement du Canada demeurent en vigueur aujourd'hui et procurent aux périodiques canadiens un avantage commercial appréciable.

En outre, à en juger par les mesures qu'il a prises pour se conformer aux décisions de l'OMC au plus tard à la date limite fixée au 30 octobre 1998, le gouvernement canadien semble avoir trouvé le moyen de maintenir la subvention postale, qui s'élève à quelques 47 millions de dollars par an, en la transformant en subvention directe versée par le ministère du Patrimoine canadien dans les comptes de dépôt des magazines canadiens auprès de la Société canadienne des postes.

En résumé, le gouvernement dispose de trois importants moyens d'action pour promouvoir, aider et soutenir les périodiques canadiens: l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la ligne directrice d'investissement Canada et la subvention postale.

Avant d'aborder les dispositions proprement dites du projet de loi C-55, permettez-moi de vous exposer les conditions actuelles dans lesquelles Time Canada Ltd. exerce son activité. À l'échelle mondiale, Time a un tirage hebdomadaire de près de 6 millions d'exemplaires dans près de deux cents pays. Time Canada Ltd. rejoint 320 000 personnes au Canada, soit 1 p. 100 de la population canadienne. Le droit de vendre de la publicité—sans restrictions—existe dans presque tous les pays (près de 200) où est distribué le magazine Time. Des publicités locales importantes paraissent régulièrement en France, en Allemagne, à Hong Kong, en Australie, au Pakistan, en Inde, en Afrique du Sud, au Brésil et au Mexique.

Au Canada, nous n'avons jamais pu bénéficier de tarifs postaux préférentiels depuis le lancement de notre premier numéro en 1943. Comparons, dans le contexte actuel, le coût net de l'envoi par la poste d'un numéro du magazine Maclean's, une fois la subvention postale déduite, c'est-à-dire 8,2 cents, au coût de l'envoi d'un numéro de Time Canada Ltd., qui est d'environ 30c.

Nous sommes assujettis depuis le milieu des années 70 à un régime fiscal discriminatoire—en vertu de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu—qui défavorise nos annonceurs et qui, partant, a des incidences négatives sur le volume et la rentabilité de notre publicité. Le prix de la publicité demandé par Time Canada Ltd., lequel est établi selon le coût du tirage par millier, est 9 p. 100 plus élevé que le prix demandé par d'autres grands magazines d'information comme Maclean's, et entre 30 et 60 p. 100 plus élevé que celui de la plupart des autres magazines canadiens. La situation est tout le contraire de l'accusation lancée par la Canadian Magazine Publishers Association.

Il y a tout lieu de croire que les lecteurs canadiens tiennent vraiment à notre magazine, étant donné qu'ils paient un prix de base de 77 dollars pour un abonnement d'un an, soit un tiers de plus que le concurrent canadien le plus proche, Maclean's, qui demande 51 dollars.

• 1550

De fait, notre prix d'abonnement est 28 p. 100 plus élevé que l'édition principale américaine. Notre stratégie de prix ne doit d'aucune manière être interprétée comme une tentative visant à vendre moins cher qu'une autre publication canadienne.

La ministre Copps a, avec bien d'autres personnes, fait grand cas de la présence de magazines non canadiens dans les kiosques à journaux. Mais, lorsqu'on compare les magazines canadiens avec les magazines non canadiens vendus au Canada, on devrait se concentrer surtout sur le nombre d'exemplaires distribués aux ménages canadiens, qui représente environ les trois quarts de tous les périodiques, et du fait que moins du quart des périodiques sont vendus en kiosque. Suivant notre meilleure estimation du pourcentage de magazines distribués aux ménages canadiens, en tenant compte à la fois des abonnements payés et du tirage réglementé, nous concluons qu'entre 80 et 85 p. 100 des magazines appartiennent à des intérêts canadiens et sont publiés au Canada.

Dans un article souscrit du Los Angeles Times d'aujourd'hui, la ministre Copps a elle-même déclaré que 75 p. 100 de tous les magazines vendus au Canada sont canadiens.

Le nombre de magazines canadiens dont le tirage est supérieur à 500 000 n'est que de onze. De ce nombre, cinq publications sont distribuées gratuitement aux consommateurs; ce sont des périodiques à tirage réglementé. Il semble que ce phénomène soit unique au Canada. Nous sommes d'avis qu'on sous-estime le rôle que ce phénomène joue sur les problèmes de l'industrie canadienne du magazine. La prédominance des magazines à tirage réglementé au Canada est le signe que les éditeurs canadiens misent beaucoup sur les recettes publicitaires, qui sont artificiellement soutenues par les tarifs postaux préférentiels, et qu'ils accordent moins d'attention à l'attachement des consommateurs à leur magazine, attachement qui se mesure au nombre de ceux qui l'achètent.

Il s'agit d'une question de choix, mais c'est là un choix qui défavorise énormément les magazines. Les annonceurs ne prisent pas les magazines à tirage réglementé autant que ceux qui sont achetés par les consommateurs. Quand un éditeur renonce à l'une de ces deux sources de revenu ou encore la minimise, cela se solde souvent par des articles de fonds médiocres, un plan financier et commercial faibles et un plan de publicité peu alléchant. Cet état de fait rend à son tour toute l'industrie canadienne de la publicité moins attirante.

Si la stratégie de prix de Time Canada Ltd. ne constitue nullement une menace pour l'industrie canadienne de la publicité, on peut affirmer la même chose avec encore plus de vigueur en ce qui concerne la menace qu'elle constitue pour le marché de la publicité. Malgré les hauts cris que poussent les membres des groupes de pression de la CMPA, qui prétendent que les éditions canadiennes des magazines étrangers donneraient lieu à la fixation de prix abusifs qui permettraient d'évincer des concurrents du marché canadien, ces prétentions sont dénuées de tout fondement.

À cet égard, il convient de souligner qu'il ressort de la consultation des pages publicitaires de magazines canadiens de langue anglaise qu'ont effectuée des annonceurs canadiens de premier plan que la part du marché occupée par Time Canada Ltd. est passée de 6,9 en 1992 à 3,3 p. 100 pour la première fois au cours des neuf premiers mois de 1998. La publicité-médias canadienne totale pour 1997—y compris la télévision, la radio, la publicité extérieure et les journaux—se chiffrait à 5 milliards de dollars. La part de Time Canada Ltd. est infinitésimale et ne s'établit qu'à 0,04 p. 100, ou moins de la moitié du chiffre total auquel nous arrivions à l'époque du comité Davey en 1970.

Nous exhortons les membres du comité à examiner de près une étude confidentielle commandée par le ministère du Patrimoine canadien et soumise à celui-ci le 15 janvier 1998, et préparée par l'agence publicitaire Harrison, Young, Pesonen, Newell de Toronto. L'étude renferme des constatations importantes qui militent contre le genre de mesures protectionnistes que l'on retrouve dans le projet de loi C-55. Elles contredisent également les prétentions de la Canadian Magazine Publishers Association.

Voyez vous-même.

D'après l'étude, les recettes publicitaires actuelles des magazines sont faibles au Canada, mais pourraient augmenter de façon appréciable avec la mise en place de la publicité par tirage dédoublé. De fait, les recettes publicitaires des magazines pourraient connaître une croissance de 61 p. 100 en trois ans.

L'état de sous-développement dans lequel se trouve l'industrie du magazine au Canada s'explique surtout par:

    [...] la pénurie d'articles dont disposeraient les annonceurs et par le fait qu'il y a peu ou point de chroniques rédigées par des Canadiens, plus précisément celles visant les hommes, les sports, la mode et les jeunes.

Avec un marché plus ouvert au Canada anglais, précise l'étude, les magazines qui ont les meilleures chances de survie seraient les publications canadiennes qui réussissent le mieux à réagir aux prix, celles qui offrent des articles de fond uniques et celles qui ont ciblé leur clientèle.

Si les articles canadiens ne sont pas «articles de fond uniques», nous nous demandons bien quels sont les textes qui peuvent répondre à cette définition.

Nous faisons ressortir ces points pour nous défendre contre certaines des assertions lancées contre les magazines à tirage dédoublé, dont nous sommes le principal exemple actuellement au Canada. L'essentiel toutefois, quant à nous, est l'article 21 du projet de loi. Cette disposition ne reconnaît aucun droit acquis à notre magazine et revient à paralyser ses activités.

Lors de la présentation du projet de loi C-55, le 8 octobre 1998, le gouvernement a publié un document d'information dans lequel on trouve ce qui suit:

    La Loi ne s'appliquera pas aux éditeurs étrangers qui fournissent déjà des services publicitaires destinés au marché canadien. Ces éditeurs étrangers pourront maintenir leurs activités actuelles au Canada.

• 1555

Délibérément ou non, cette affirmation ne correspond pas au libellé effectif de l'article 21. Cet article dispose que la loi n'a pas pour effet d'interdire à l'éditeur étranger comme Time Canada Ltd.:

    qui fournissait légalement des services publicitaires destinés au marché canadien dans l'année précédant la date du dépôt de la présente loi devant la Chambre des communes de continuer à le faire, pour autant qu'il ne le fasse pas dans une plus grande mesure.

Loin de constituer une clause de droits acquis traditionnelle, cette disposition a plutôt pour effet de paralyser les activités commerciales de Time Canada Ltd.et des quelques autres éditeurs étrangers qui fournissent des services publicitaires destinés au marché canadien. On ne précise pas le sens de l'expression «services publicitaires», qui sera définie plus tard par règlement; plutôt, on impose un plafond. Ainsi, Time Canada Ltd. risque fort d'exercer une activité commerciale légitime un jour et d'être considérée le lendemain comme ayant enfreint la loi relativement à la même activité.

L'article 21 est un exemple flagrant de disposition législative arbitraire et injuste. Pour ceux qui connaissent bien le mode de fonctionnement de la publicité dans les magazines, cet article est susceptible de placer les éditeurs dans une situation où ils risquent d'enfreindre la loi trois fois, quatre fois ou un nombre indéfini de fois dans une période déterminée, lorsque les annonceurs préparent une annonce et la placent longtemps avant la date de parution. Il arrive souvent que Time Canada Ltd. ne connaisse pas avec certitude avant la semaine même de publication le total cumulatif de ses annonces publicitaires.

Cet article ne permet pas non plus de savoir avec précision ce que tout éditeur étranger est contraint d'envisager à l'approche du blocage. Devrait-il suspendre la publication? Time Canada Ltd. devrait-il publier des magazines sans publicité pour le reste de l'année?

De fait, il est évident qu'après l'entrée en vigueur de l'article 21 de la loi, Time Canada Ltd. sera la première, voire la seule publication, qui fera l'objet des enquêtes envisagées aux articles 4 à 6, des mises en demeure et des procédures judiciaires visées par les articles 7 à 9 et des infractions et sanctions prévues aux articles 10 à 16.

La raison en est simple. De façon générale, le projet de loi C-55 se veut une loi dissuasive assortie de dispositions draconiennes visant à inciter les éditeurs étrangers à y penser à deux fois avant de lancer une édition canadienne. Mais, dans le cas des publications non canadiennes qui existent déjà et dont Time Canada Ltd. est sans conteste la plus importante, le plafond arbitraire imposé aux activités commerciales par l'article 21 sert d'élément déclencheur à l'application de cette loi sévère. Et, ainsi que nous l'avons déjà souligné, nous risquons fort de dépasser cette limite avant même de nous en rendre compte.

Le sous-ministre adjoint de Patrimoine Canada chargé de l'élaboration du projet de loi, ainsi que des représentants de la Canadian Magazine Publishers Association ont d'ailleurs déjà reconnu en privé devant nous la trop grande portée de l'effet de blocage créé par l'article 21.

Nous trouvons quelque peu rassurantes les préoccupations exprimées à plusieurs reprises par des députés de l'opposition lors des débats qui se sont déroulés à la Chambre des communes les 22 et 29 octobre au sujet de l'article 21 et du risque d'arbitraire que comporte le pouvoir de prendre des règlements qui est prévu à l'alinéa 20c). En paralysant de la sorte les activités commerciales de Time Canada Ltd., le législateur ne tient par ailleurs aucun compte des forces concrètes qui président au fonctionnement des entreprises en dehors, peut-être, du cadre d'un monopole réglementé.

Time Canada Ltd. n'a pas perdu d'argent au cours des 12 mois qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi à la Chambre, mais il en perd depuis quelque temps. Les restrictions imposées par le plafond, outre qu'elles donnent lieu à l'imposition de peines sévères, empêchent l'injection de sommes supplémentaires d'argent dans le produit, ne permettent pas d'en améliorer la qualité, ne tiennent pas compte d'éventuelles augmentations de coûts, ni—Dieu nous en protège!—d'un retour de l'inflation. En fait, l'article 21 place Time Canada Ltd. dans une situation qui, à plus ou moins longue échéance, aura pour effet de détruire une entreprise et une publication qui prospère au Canada depuis plus de 55 ans.

Lors des débats qui ont eu lieu à la Chambre des communes le mois dernier, on a beaucoup parlé des sanctions commerciales qui pourraient être infligées par les États étrangers, notamment par les États-Unis, si le projet de loi C-55 est adopté. À notre avis, le débat tourne autour des choix qui s'offrent au représentant commercial des États-Unis, en l'occurrence s'adresser à l'Organisation mondiale du commerce pour obtenir réparation ou prendre des mesures de représailles en vertu de l'article 2106 de l'ALÉNA.

Toutefois, si le texte de l'article 21 demeure inchangé, force nous est d'envisager la possibilité qu'une autre réparation commerciale soit réclamée en vertu de l'article 1110 de l'ALÉNA ou de l'article 1605 de l'ALÉ. Un tel recours serait fondé sur le fait que l'article 21 du projet de loi C-55, du moins dans le cas de Time Canada Ltd. , reviendrait à exproprier l'investissement important et substantiel effectué par un investisseur au Canada.

• 1600

L'article 1110 prévoit que si le Canada a directement ou indirectement exproprié un tel investissement, l'investisseur américain peut réclamer une indemnité équivalant à la juste valeur marchande de l'investissement exproprié immédiatement avant que l'expropriation n'ait lieu. L'indemnité en question doit être versée sans délai et est pleinement réalisable.

Nous ne souhaitons nullement déclencher un différend commercial de ce genre avec le Canada. La meilleure solution, que nous recommandons au comité et au gouvernement, consisterait plutôt à modifier l'article 21 et à le remplacer par une véritable disposition de droits acquis qui prévoirait simplement que la loi ne s'applique pas aux éditeurs étrangers énumérés dans une annexe de la loi où figurerait le nom de Time Canada Ltd. et d'autres éditeurs étrangers qui fournissent des services publicitaires destinés au marché canadien qui exerçaient déjà leur activité au Canada avant le dépôt du projet de loi C-55.

Outre notre principal grief concernant l'insuffisance de la disposition relative aux droits acquis, nous estimons que le projet de loi C-55 dans son ensemble aura pour effet de restreindre la liberté de la presse au Canada et que celui-ci devrait faire l'objet d'un examen attentif et prudent par les membres du comité avant d'aller plus loin.

Le gouvernement et le ministre ont beaucoup insisté sur le fait que le projet de loi C-55 vise à promouvoir le contenu canadien et à favoriser l'établissement de la culture canadienne. Reconnaissant que les recettes publicitaires constituent la pierre d'assise des magazines canadiens, ils prétendent que le projet de loi C-55 donnera aux Canadiens «la chance de lire des articles qui les concerne personnellement et d'entendre leurs propres créateurs, de voir leurs propres créateurs à l'oeuvre et faire valoir leur point de vue tant ici qu'à l'étranger». Ce sont là des objectifs louables, et nous ne les désavouons pas, mais, comme nous l'avons déjà signalé, dans au moins un domaine précis, celui des sports, aucun éditeur de magazines hormis les éditeurs de Sports Illustrated Canada n'a encore ressenti le besoin de faire entendre ce point de vue, ce qui ne permet guère de conclure à la nécessité d'une protection accrue en la matière.

Mais, ce qui est vraiment en cause ici, c'est le moyen que le gouvernement a pris pour atteindre l'objectif qu'il s'est fixé, pas l'objectif lui-même. Et, à cet égard, il y a lieu de tenir expressément compte de certains des effets secondaires de cette façon particulière d'aborder le problème. En essayant, dans ce projet de loi, d'éviter de recourir aux tarifs préférentiels ou à des taxes spécifiques pour atteindre ces objectifs culturels, le gouvernement a peut-être créé un instrument qui cause un tort encore beaucoup plus grave à la structure de la société et des valeurs canadiennes. Une de ces valeurs est, à notre avis, la liberté de la presse.

J'invite instamment les membres du comité à examiner les répercussions négatives que cette unique disposition peut avoir sur la liberté de la presse.

Aux termes de l'article 11, même les personnes physiques qui «ont consenti» à la fourniture, par un éditeur étranger, de services publicitaires destinés au marché canadien sont susceptibles d'être reconnues coupables et d'être condamnées à une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 $ et ce, même si, chose remarquable, l'éditeur étranger lui-même n'est pas poursuivi. Le projet de loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par «ont consenti», ni qui peut être condamné à ce titre. Mais ce libellé vague pourrait bien s'appliquer aux membres du bureau de rédaction de la publication étrangère accusée qui exerce des activités au Canada ou même ailleurs, étant donné que le projet de loi a, de par son texte même, une porté extraterritoriale. Il est difficile de voir autre chose que de l'intimidation dans cette disposition.

L'effet cumulatif de ces pouvoirs ministériels et judiciaires en matière d'enquête et d'administration de la preuve—qui sont censés favoriser le contenu canadien et l'épanouissement de la culture canadienne—est de porter intrinsèquement atteinte à la liberté de la presse au Canada, indépendamment de la définition que l'on donne à la notion de «presse».

Il ne fait aucun doute que Patrimoine canadien et d'autres soutiendront avec vigueur que, ce qui est visé ici, ce n'est pas la presse, mais une série de pratiques commerciales, et que ce que la loi tente de faire, c'est de contrôler certaines pratiques commerciales. À cet argument, nous répondons que, dans la plupart des régimes dans lesquels le contrôle de la presse est systématiquement pratiqué, ce contrôle est précisément exercé par le biais des pratiques commerciales pour mieux se soustraire à l'opprobre international et pour éviter d'être accusé de violer les obligations de la Charte des Nations Unies.

Nous avons observé que les pressions ainsi exercées ailleurs se traduisent notamment par des impôts sélectifs, le contrôle des fournitures et de fabrication du papier journal et des permis d'importation, de même que par des mesures de contrôle de la distribution, et ainsi de suite.

Nous ne voulons pas laisser entendre que le Canada cherche à ajouter son nom à la liste peu enviable des pays où la liberté de presse est facultative. Nous voulons plutôt faire valoir que l'adoption d'une mesure aussi draconienne et abusive que le projet de loi C-55 entrave la liberté de la presse. Aujourd'hui, ce sont les magazines qui sont visés par la loi. Demain, ce pourrait être les journaux. En règle générale, la criminalisation de l'industrie de l'édition est, au mieux, une entreprise hasardeuse qui ne s'accorde guère avec la tradition canadienne de protection de liberté de la presse.

On trouve un bon exemple d'une protection contre ce type d'atteinte à la liberté de la presse à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui dispose:

    Chacun a la liberté fondamentale suivante:

    liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication.

Faisant fi de cette déclaration, le projet de loi C-55 interdit à une catégorie entière de personnes, les annonceurs canadiens, de passer des annonces dans des magazines qui relèvent d'éditeurs étrangers. Il s'agit là d'une restriction manifeste de leur liberté d'expression. Il ne sert à rien de dire que les annonceurs canadiens sont libres d'annoncer dans des magazines canadiens.

• 1605

À notre avis le projet de loi constitue une violation grave de la liberté de la presse. Il dicte à la presse représentée par les magazines les types d'annonces qu'elle peut autoriser. Les annonceurs canadiens se voient interdire complètement d'annoncer dans certains magazines lus par des Canadiens. Il ne sert à rien de répondre que les restrictions imposées à la publicité ne constituent pas une attaque aux libertés protégées parce que le contenu rédactionnel n'est pas touché. Dans les faits, la publicité et le contenu rédactionnel font partie d'un tout inséparable, comme l'a affirmé le comité spécial de l'OMC dans sa décision de 1997 sur les magazines canadiens.

En résumé, nous sommes d'avis que le gouvernement n'a pas besoin du projet de loi C-55 pour appliquer ses politiques aux magazines canadiens, en raison des autres moyens d'action dont il dispose déjà. Nous estimons par ailleurs que le projet de loi n'est pas nécessaire étant donné que les éditeurs canadiens dominent déjà le marché. Je le répète, le gouvernement dispose de trois moyens d'action importants qui font déjà pencher la balance en faveur des éditeurs canadiens: l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la subvention postale de 47 millions de dollars et la ligne directrice sur les magazines qui découle de la Loi sur Investissement Canada.

Pourquoi le secteur des magazines canadiens continue-t-il d'exercer des pressions en vue d'obtenir une protection encore plus grande que la protection quasi totale dont il jouit déjà?

Merci de votre attention. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Russell.

Nous suivrons la procédure habituelle et nous commencerons par les questions de l'opposition. M. Penson sera le premier intervenant.

À cause des contraintes de temps, je ne pourrai malheureusement accorder que cinq minutes à chaque intervenant.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Pour les questions, monsieur le président?

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Oui.

M. Charlie Penson: Cela ne nous donne pas beaucoup de temps, n'est-ce pas?

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je sais. Nous avions dit aux témoins que nous préférons des exposés d'au plus 10 minutes, mais ils sont libres de décider de la façon d'utiliser le temps qui leur est accordé. Nous devons toutefois réserver du temps pour Reader's Digest. C'est l'engagement que nous avons pris.

M. Charlie Penson: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir permis d'être des vôtres ici aujourd'hui, et je remercie les témoins d'être venus nous parler de cette question importante.

Je tiens tout d'abord à signaler que l'Opposition officielle estime que la mesure proposée est régressive. Nous croyons qu'il est bien plus important de promouvoir notre culture que de la protéger. Il est très important pour nous de saisir les occasions de faire la promotion de notre culture et de permettre à nos artistes de gagner leur vie dans les divers pays du monde.

Aussi, nous craignons que d'autres pays prennent des mesures protectionnistes. Il me semble qu'il faut, qu'il incombe d'ailleurs au comité, de s'interroger sur l'incidence de lois de représailles qui pourraient éventuellement être adoptées par d'autres pays.

J'aimerais que les témoins nous disent quelle forme pourraient prendre ces représailles, si tant est qu'elles se concrétisent. Je tiens également à préciser que le Canada est au nombre des principaux défenseurs des règles commerciales internationales comme moyen d'imposer une certaine discipline aux échanges commerciaux, et ce, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous venons tout juste d'obtenir, vers 1993, que l'agriculture soit aussi soumise à ces règles. Le Canada a joué un rôle important à cet égard.

Je crois savoir qu'aux termes de l'Accord sur l'investissement de l'ALÉNA, au chapitre 11, votre société pourrait intenter des poursuites au titre des mesures d'expropriation; vous pourriez invoquer le fait que la loi en question vous fait perdre une partie de vos clients et donc intenter des poursuites. Les États-Unis pourraient également se plaindre à l'Organisation mondiale du commerce.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus, dans les limites du temps dont nous disposons, au sujet de la forme des représailles auxquelles nous pourrions nous exposer, de ce que ces mesures de représailles pourraient coûter au Canada?

M. Ron Atkey (Osler Hoskin et Hancourt, conseiller juridique auprès de Time Canada Ltd.): Monsieur Penson, il serait difficile de traiter d'un sujet aussi complexe en deux minutes, pendant une période de questions de cinq minutes. Je vous recommande, cependant...

M. Charlie Penson: Si nous n'avons pas le temps, est-ce que le président pourrait demander au groupe ici présent aujourd'hui de nous faire parvenir une réponse par écrit, puisqu'il s'agit d'une question qui mérite une analyse approfondie.

M. Ron Atkey: Permettez-moi de vous faire une suggestion.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Vous pourriez peut-être répondre brièvement à la question de M. Penson maintenant, mais si vous voulez bien nous soumettre un mémoire, nous nous engageons à le verser au procès-verbal.

M. Ron Atkey: Nous nous engageons à présenter un mémoire sur la situation de l'investisseur privé assujetti à l'ALENA—uniquement au chapitre 11 de l'ALENA.

Pour ce qui est de l'autre volet de la question, beaucoup plus vaste, cela relève de l'État—c'est-à-dire du gouvernement.

Mon avis, franchement, c'est qu'il y a des experts au sein du gouvernement canadien—au ministère des Affaires étrangères et du commerce international, en particulier, qui sont intervenus, plus tôt, à Genève, dans l'affaire des magazines—qui estiment que ces questions se portent non seulement sur les périodiques, mais aussi sur toute une série de problèmes.

• 1610

Je crois qu'il serait intéressant de convoquer des représentants du ministère pour leur demander leur point de vue. Je serais tout à fait disposé à accepter leurs explications, sur les points de droit et de pratique, au sujet du fonctionnement du système, à la fois devant l'Organisation mondiale du commerce, et devant les panels binationaux créés en vertu de l'ALENA, ou dans certains cas, L'ALE.

Il s'agit d'un domaine complexe. Je crois que le comité aurait besoin de conseils, et nous pouvons en obtenir ici à Ottawa.

M. Charlie Penson: Merci de cette suggestion. Je ne sais pas comment nous allons faire, vu le peu de temps dont nous disposons, mais il me semble qu'il nous faut savoir ce que ce genre d'intervention pourrait nous coûter.

Dans l'ALENA, abstraction faite du chapitre 11, il est censé y avoir une exemption culturelle, mais on dit bien aussi que d'autres pays peuvent prendre des mesures de représailles, si bien que ce n'est pas nécessairement dans le domaine culturel que le Canada pourrait être touché.

Êtes-vous d'accord?

M. Ron Atkey: Vous avez raison. En vertu de l'ALENA, le représentant commercial des États-Unis peut recommander au gouvernement des mesures qui auraient un effet commercial équivalent. Ces mesures peuvent frapper tout secteur commercial ou toute activité du Canada et priver de certains avantages les Canadiens qui fournissent aux États-Unis des biens ou des services.

M. Charlie Penson: C'est donc une industrie qui n'a rien à voir avec la situation, une industrie vulnérable qui pourrait être frappée? Les agriculteurs canadiens, par exemple, pourraient être la cible de représailles.

M. Ron Atkey: C'est exact. Pour l'instant, il n'existe aucun précédent. Il s'agit d'un domaine qui est relativement nouveau, et ni l'un ni l'autre des deux gouvernements n'a encore exploré la portée ni de l'exemption culturelle ni du droit de représailles, mais le libellé autorise des mesures extrêmes des deux côtés de la frontière.

M. Charlie Penson: Monsieur le président, il me reste combien de temps?

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je peux vous accorder encore une ou deux minutes. Cependant, je vous demande d'être bref.

M. Charlie Penson: J'ai une courte question à laquelle ils pourront peut-être répondre par écrit.

À la page 6 de votre mémoire, vous parlez de l'échec à l'OMC, ainsi que de quelques questions qui n'y avaient pas été abordées, à savoir que l'OMC ne s'est pas prononcée sur la validité de l'article 19 de la Loi de l'impôt, qui limite les déductions de dépenses des annonceurs pour les périodiques non canadiens. Est-ce que c'est parce qu'on ne lui a pas demandé de le faire? Pourrait-ellle être invitée à trancher, et sa décision risque-t-elle de nous être défavorable?

M. Ron Atkey: Il paraît que le gouvernement américain a décidé, pour des raisons qui lui sont propres, de ne pas poursuivre la contestation à ce chapitre.

M. Charlie Penson: Très bien.

J'ai terminé, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Penson.

Nous prenons note de votre suggestion, monsieur Atkey, et surtout de la confiance que vous avez dans le système de rapports sur les aspects techniques des services gouvernementaux. Nous pourrons peut-être y donner suite.

[Français]

Monsieur de Savoye du Bloc québécois.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): J'ai écouté votre présentation avec attention et j'ai deux questions à vous poser à ce moment-ci, monsieur Russell. À la page 8 de votre présentation, vous dites:

[Traduction]

    Les recettes actuelles découlant de la publicité dans les revues sont faibles au Canada et pourraient s'accroître considérablement avec l'entrée en vigueur de la concurrence des doubles tirages. En fait, les recettes tirées de la publicité dans les revues pourraient augmenter de 61 p. 100 au cours d'une période de trois ans.

[Français]

Monsieur Russell, à moins qu'il y ait quelque chose de magique, l'assiette publicitaire du Canada ne grossira pas d'une façon aussi considérable en trois ans du seul fait que des split-run magazines seront publiés au Canada. Si la tarte publicitaire, à 61 p. 100, passe aux split-run magazines, qui sera perdant?

[Traduction]

M. George Russell: Y a-t-il un deuxième volet à la question? Vous avez dit que vous aviez deux questions.

M. Pierre de Savoye: J'ai deux questions. C'est la première.

M. George Russell: Vous préférez une réponse à la fois?

M. Pierre de Savoye: S'il vous plaît.

M. George Russell: Ce n'est pas moi qui suis l'auteur de l'étude Harrison Young Pesonen Newell. Cette étude a été commanditée par le ministère du Patrimoine canadien, et je vous invite tous à demander au ministère de vous en faire parvenir un exemplaire.

• 1615

L'étude, d'après mon interprétation, stipule que les fonds proviendront de la télévision et des journaux, ou de la câblodistribution, pour être exact. C'est ce dont je me souviens mais je n'en ai pas le texte sous les yeux.

Il est dit également dans l'étude que ce sont les secteurs qui ont le plus profité, de façon asymétrique peut-être, de la faiblesse du marché canadien des revues. Autrement dit, ce ne serait pas des fonds qui vont apparaître comme par magie, vous vous en doutez bien—même si j'ai un tour de magie que je vais faire dans un instant à ce sujet—mais d'après l'étude, cela permettra de rétablir l'équilibre concurrentiel entre les revues et les autres secteurs des médias canadiens, qui ont profité de façon excessive de la faiblesse du secteur des revues.

D'après mon expérience, et en extrapolant les données d'une autre partie de cette étude, j'ajoute qu'il y est signalé qu'il n'existe aucune revue dans les secteurs importants où il se fait généralement beaucoup de publicité, c'est-à-dire les revues pour hommes, les revues sportives, les revues de mode et celles pour les jeunes. On peut supposer que même si les nouveaux fonds publicitaires ne vont pas apparaître comme par magie, l'apparition de nouveaux produits incitera de nouveaux annonceurs à voir sous un nouveau jour ce marché, ce que l'expérience nous a prouvé, soit dit en passant, quand d'autres revues ont été lancées sur le marché américain.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Ce que vous suggérez ainsi, monsieur Russell, c'est de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je ne suis pas sûr que cela est heureux.

J'en viens à ma deuxième question. Toujours à la page 8 de la même étude, on dit:

[Traduction]

    Si le marché est plus ouvert dans le Canada anglais, les revues les plus susceptibles de survivre seront celles... les publications les mieux en mesure de réagir au niveau des prix...

[Français]

Les split-run magazines posent ici un problème. Pour les organisations comme la vôtre, les coûts de production de la deuxième édition, de l'édition canadienne, sont moindres que si elles avaient à produire le magazine directement, à partir de rien, parce qu'il y a déjà eu un amortissement de certains coûts par la publication américaine. Par conséquent, vos coûts seraient nécessairement plus bas que si vous produisiez un magazine authentiquement et exclusivement canadien. Par conséquent, la capacité d'un magazine canadien de vous battre au plan du prix serait très mince. Il serait très difficile pour un magazine canadien de s'affirmer pricewise devant un split-run magazine.

Donc, l'étude dit qu'à court terme, les magazines canadiens disparaîtraient. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus, monsieur Russell?

[Traduction]

M. George Russell: Pas exactement.

Je vais dire quelques mots et je donnerai ensuite la parole à mon collègue M. Brown.

Tout d'abord, il ne s'agit pas de prendre à Pierre pour donner à Paul. Nous demandons à Pierre de rendre l'argent qu'il a pris à Paul au départ.

M. Pierre de Savoye: Le résultat n'est-il pas le même?

M. George Russell: Non, pas nécessairement. Si le secteur des revues est faible et que vous avez l'intention de le protéger, je ne comprends pas pourquoi vous dites que l'effet sera le même.

M. Pierre de Savoye: Très bien. Vous ne comprenez pas, c'est là la réponse.

M. George Russell: Pour répondre à l'autre aspect de votre question, le rapport entre le soi-disant prix de la revue et l'attrait qu'elle offre pour les annonceurs, c'est là deux choses entièrement différentes, à mon avis. Ce n'est pas le prix de notre revue—lequel, soit dit en passant est élevé—qui pousse les annonceurs à se ruer pour l'acheter. Et si nous abaissions à 25c. le prix de notre revue, cela n'inciterait pas nécessairement les annonceurs à y faire de la publicité.

Toutefois, il existe au Canada un instrument qui influe déjà considérablement sur l'équation dont vous parlez, et dont le ministère du Patrimoine ne s'est nullement préoccupé. Je veux parler de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

M. Brown, pourra vous expliquer comment l'article 19 nous permet déjà, et ce depuis 20 ans, de rendre les règles du jeu équitables pour tous, comme vous le souhaitez.

M. Donald Brown (président, Time Canada Ltd.): Si vous le permettez, j'aimerais étoffer un peu la réponse à votre première question.

Je vous présente mes excuses parce que c'est écrit en tout petits caractères, mais il est dit ici que nous avons examiné les 12 numéros de Sports Illustrated en 1995. Cette année là, Sports Illustrated a rapporté environ 2,2 millions de dollars canadiens provenant d'annonceurs canadiens. Nous sommes allés vérifier les numéros actuels, et il y avait environ 80 annonceurs dans les 12 numéros de 1995.

Ceci est la liste de quelque 15 à 18 annonceurs qui, à l'heure actuelle, ne font paraître aucune annonce dans les revues au Canada: Adidas, Champion Sports Wear, Cobra Golf Products, Champion Scalp Massager, Franklin Sports, John Hancock, Mizuno Sports Equipment, Nationsbank, Novel Teez Design, Royal Canadian Golf Association, Starter SW, Strength Footwear, Wheaties, et Strength Training Systems.

Ce ne sont là que quelques exemples, que nous avons trouvés et documentés grâce à nos recherches, d'annonceurs qui ne font plus rien paraître dans les revues.

• 1620

En second lieu, si vous me permettez d'étoffer encore un peu, la principale catégorie sur le marché canadien est l'automobile. Le secteur automobile produit énormément de recettes publicitaires pour la télévision, les journaux, les revues et la radio—au total, près de 655 millions de dollars canadiens en 1997.

Le premier diagramme à barres indique que la télévision produit 45 p. 100 de ces recettes, soit près de 295 millions de dollars, suivie de près par les journaux, avec 44 p. 100 du total, et enfin les revues, avec 6 p. 100.

Dans la plupart des autres pays du monde, si ce secteur a du mal à prendre de l'expansion par rapport aux autres, c'est à cause du manque de produits susceptibles de toucher les personnes qui achèteraient plus souvent et plus d'automobiles.

Pour répondre à votre question au sujet de prendre à Pierre pour donner à Paul, ce qui se passe à l'heure actuelle, c'est que, dans le secteur des revues, ils se font concurrence entre eux. Ils ne vont pas de l'autre côté de la rue pour voir dans le secteur de la télévision et des journaux s'il est possible d'accroître leur part. Ce n'est qu'un seul secteur. Il y a de nombreuses preuves à ce sujet.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Brown. Pouvez-vous nous remettre cette étude?

M. Donald Brown: Oui.

M. Ron Atkey: Monsieur le président, vous en trouverez des copies à la fin de notre mémoire, que tous les députés ont reçu.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): De ce mémoire-ci?

M. Ron Atkey: Oui. C'est en noir et blanc, pas en couleurs brillantes, mais les renseignements sont les mêmes.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): C'est clair. Merci beaucoup.

M. Muise, du Parti progressiste-conservateur.

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à remercier nos témoins d'aujourd'hui. J'ai personnellement la même préoccupation que celle de mon collègue du Bloc, au sujet de prendre à Pierre pour donner à Paul.

Je suis vraiment très inquiet des répercussions que peut avoir la situation des revues à tirage dédoublé. Mais si on examine de plus près le projet de loi C-55, je suis préoccupé par l'article 21, concernant les droits acquis. J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne, si possible, en nous disant quelles modifications il faudrait apporter à cette disposition, selon vous, pour calmer vos inquiétudes à ce sujet.

M. George Russell: Je dirai simplement que, en tant que rédacteur de la revue, j'ai dû réfléchir de façon concrète aux répercussions que cette loi pourrait avoir sur moi, de façon peut-être plus précise que je le pensais avant d'avoir lu l'article sur l'assentiment.

Tout ce que nous demandons, c'est qu'on nous laisse tranquille, et c'est ce que nous pensions avoir compris, d'après les observations initiales du ministère du Patrimoine canadien et de ce nous avions entendu en privé des représentants de la Canadian Magazine Publishers Association. Comme nous l'avons signalé—et je dois dire que c'est sans doute avec une certaine tristesse de la part de mon partenaire du côté commercial—notre part du marché des publicités dans les revues canadiennes a en fait diminué de 50 p. 100 au cours des cinq dernières années. Il nous est donc difficile de nous considérer comme un prédateur menaçant.

Nous ne voyons pas pourquoi, dans ces conditions, on ne pourrait pas simplement avoir une clause qui maintienne les droits acquis, qui fasse ce qu'elle prétend faire et qui nous laisse continuer à fonctionner comme auparavant.

M. Ron Atkey: Monsieur Muise, à la page 15 du mémoire, à la deuxième phrase du premier paragraphe complet, vous verrez quelle est la technique que nous suggérons. Il s'agit simplement d'établir la liste des éditeurs étrangers qui seraient exemptés de l'application de cette loi. Il suffirait d'avoir un bref article de deux lignes à peine, qui serait assorti d'une liste incluant tous les éditeurs étrangers déjà établis au Canada. C'est la façon la plus nette et la plus équitable de procéder.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Il vous reste deux minutes.

M. Mark Muise: Avant le dépôt de ce projet de loi-ci, a-t-on communiqué avec vous pour savoir ce que vous pensiez du projet de loi en totalité ou en partie, ou du maintien des droits acquis, ou de quelque autre article?

M. George Russell: Non, pas du tout. En fait, le ministère du Patrimoine a dit publiquement à plusieurs reprises qu'il resterait muet sur ses intentions, de crainte que le gouvernement américain ne les découvre.

• 1625

En cours de route, on nous a avertis que nous serions informés par courtoisie, de la teneur du projet de loi avant qu'il ne soit déposé à la Chambre, mais notre informateur était dans l'erreur. En effet, nous n'avons rencontré qu'une seule fois les représentants du ministère du Patrimoine canadien. M. Wernick, lorsqu'il est venu à New York, a communiqué avec nous le lendemain du jour où le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes. Voilà jusqu'où sont allées les consultations au sujet du projet de loi.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Muise.

Nous passons maintenant aux députés ministériels.

Monsieur Bonwick, cédez-vous la place à M. Bélanger?

Si vous êtes brefs, nous pourrons vous entendre tous les deux. Qui commencera—Monsieur Bélanger?

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Allez-y, monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur Russell, vous avez mentionné une étude, et il n'y a rien de nouveau là-dedans. Il n'y a pas si longtemps, on parlait de cette même étude dans une chronique de l'un de nos quotidiens.

Vous avez mentionné que l'ouverture du marché aurait pour effet d'augmenter votre part de la publicité d'un pourcentage donné, comme le concluait l'étude.

M. George Russell: Non, je n'ai pas dit cela. Cela aurait pour effet d'augmenter la part des revues dans l'ensemble de la publicité, mais au début, toujours d'après l'étude, cette part proviendra d'autres secteurs.

M. Mauril Bélanger: D'accord.

Si j'ai bien compris la chronique que j'ai lue, la même étude conclut qu'une bonne part de ces revenus, auxquels on ajouterait les revenus actuels, et qui pourraient chercher jusqu'à 40 p. 100, s'appliqueraient à l'équivalent des revues faisant l'objet d'un tirage fractionné, c'est-à-dire essentiellement aux publications étrangères vendant des services de publicité.

Êtes-vous au courant de cette conclusion que tire l'étude?

M. George Russell: Je sais que l'étude affirme cela, et je sais aussi quelle est la méthode qu'a suivie l'étude pour aboutir à cette conclusion: on a supposé au départ que toutes les revues américaines dont le tirage canadien est de plus de 50 000 exemplaires feraient désormais l'objet d'un tirage dédoublé.

M. Mauril Bélanger: Et vous n'êtes pas d'accord avec cette conclusion.

M. George Russell: Non, étant donné que l'étude n'aurait pas tiré cette conclusion si elle avait tenu compte de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu. D'après ce que j'ai compris, on n'a pas tenu compte de l'article 19 dans les paramètres de l'étude.

Nous pouvons démontrer avec assez de clarté qu'il était tout à fait possible de transmettre des revues au Canada par satellite—je vous rappelle que c'est cela qui a suscité le tollé juridique—dix ans avant que quiconque songe à le faire. En fait, au cours de cette décennie pendant laquelle l'article 19 s'appliquait et pendant laquelle il était possible de faire circuler par ce moyen des revues au Canada, un seul éditeur a tenté l'expérience. Il l'a fait sur une base expérimentale, en choisissant une catégorie de revue qui n'avait pas son équivalent au Canada.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais que le témoin soit bref, puisque nous sommes limités à deux minutes chacun.

M. George Russell: Permettez-moi de demander à M. Brown de vous expliquer pourquoi si peu de revues entraient au Canada.

M. Mauril Bélanger: Non merci. J'ai l'impression que vous choisissez dans une même étude les éléments qui vous plaisent, en écartant ceux qui ne vous plaisent pas. Personnellement, cette façon de faire ne me plaît pas.

De plus, lors de son témoignage d'hier, la ministre a expliqué que l'on pouvait appliquer avec une certaine souplesse l'article qui vous préoccupe. C'est bien cet article là qui vous préoccupe, n'est-ce pas, et non pas l'ensemble du projet de loi? Est-ce que je me trompe?

M. George Russell: Est-ce une question à laquelle vous voulez que je réponde?

M. Mauril Bélanger: Non. Je voudrais savoir si vous maintiendriez votre suggestion d'énumérer dans une annexe les éditeurs étrangers si nous devions opter pour les publications étrangères plutôt que pour les éditeurs.

M. George Russell: M. Atkey vous répondra.

M. Ron Atkey: Cela nous conviendrait beaucoup mieux que le libellé actuel de l'article 21. Cela permettrait de maintenir véritablement les droits acquis.

M. Mauril Bélanger: Si nous parlions de publications plutôt que d'éditeurs.

M. Ron Atkey: Oui, si vous donniez la liste des publications.

M. Mauril Bélanger: Bien.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Monsieur Bonwick, soyez bref, car j'aimerais avoir une deuxième ronde de questions qui sera la dernière.

M. Paul Bonwick: Je devrai poser mes questions et attendre la réponse par écrit.

Merci beaucoup du temps que vous nous consacrez. Pour ce qui est du peu de temps qui vous est consacré aujourd'hui, avant la séance d'aujourd'hui, avez-vous eu l'occasion de discuter de la question avec des membres du comité, par l'intermédiaire d'un de vos agents, ou l'occasion d'informer les députés ou de les mettre à jour sur la question?

M. George Russell: Je ne sais pas ce que vous considérez comme un agent, dans les circonstances, mais je n'ai pas eu l'occasion moi-même de le faire.

M. Paul Bonwick: Par agent, j'entends quelqu'un qui représenterait votre entreprise.

M. George Russell: M. Atkey nous représente.

M. Ron Atkey: À titre de conseiller juridique, j'ai reçu plusieurs demandes de députés dont certains sont membres de ce comité. Ils me demandaient de les informer sur les activités de Time Canada Ltd. Je leur ai fourni, à leur demande, cette information dont une bonne part traite de la controverse d'il y a trois ans sur Sports Illustrated.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Si je comprends bien, personne n'a laissé entendre qu'il s'agissait-là d'une communication inappropriée.

M. Paul Bonwick: Non. Je voulais qu'on me réponde par oui ou par non.

M. Ron Atkey: Je n'ai pas eu de demande de votre part, monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick: Non, je voulais savoir si on s'inquiétait des délais serrés.

• 1630

J'ai beaucoup d'autres questions, mais je devrai les envoyer par écrit.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je pourrais vous accorder une minute supplémentaire, mais je souhaite vraiment qu'il y ait un deuxième tour. Prenez donc une minute de plus.

M. Paul Bonwick: Commençons par le message canadien dont nous avons parlé ou par les contenus canadiens: croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait s'assurer que les Canadiens aient accès à des contenus canadiens et s'assurer, de plus, que ces contenus canadiens sont publiés dans des véhicules canadiens?

M. George Russell: Bien sûr.

M. Paul Bonwick: Ne diriez-vous pas que vous pouvez tirer un avantage de votre coût de production, tout simplement en raison du grand nombre d'exemplaires que vous produisez par rapport à ce que serait le nombre d'exemplaires de publications canadiennes?

M. George Russell: Non.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je remercie le député et le témoin d'avoir été aussi succincts.

Nous avons assez de temps pour un bref deuxième tour de questions.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'imagine que je dois m'adresser à M. Atkey.

Vous avez sans doute eu certaines discussions à ce sujet, et je suis curieux de savoir ce que d'après Time Canada Ltd., le comité devrait faire pour évaluer la validité constitutionnelle de ce projet de loi en particulier.

M. Ron Atkey: Tout d'abord, vous êtes très chanceux d'avoir comme vice-président un constitutionnaliste réputé. Je suis heureux que M. McWhinney puisse jouer ce rôle. À mon avis, il possède une expérience précieuse dont l'ensemble du comité peut tirer parti.

Le comité compte aussi parmi ses membres un député qui a déjà été rédacteur en chef du Financial Post. Par conséquent, il sait ce qu'est sur le plan pratique une presse libre.

Cependant, il y a d'autres éminences canadiennes qu'il serait utile de convoquer à comparaître. Je ne citerai pas de noms, mais il y a des professeurs de droit constitutionnel qui sont des experts de la Charte des droits et libertés et du partage des pouvoirs. M. McWhinney les connaît, et je propose qu'on leur demande de comparaître devant le comité. Vous devriez les sonder quant à la validité du projet de loi.

M. Eric Lowther: Pensez-vous que la mesure risque d'être contestée? Est-ce une possibilité sérieuse, monsieur Atkey?

M. Ron Atkey: Selon Time Canada Ltd., le projet de loi porte atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de presse protégées par la disposition 2(b) de la Charte, et ne résistera pas à une contestation judiciaire.

M. Eric Lowther: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je remercie les témoins.

Soit dit en passant, il convient de mentionner que M. Atkey, qui a cumulé diverses carrières, est l'un de nos plus brillants jeunes constitutionnaliste. Il a aussi été ministre de la Couronne dans le gouvernement de Joe Clark.

Vous étiez député de Toronto—Saint George...?

M. Ron Atkey: Saint Paul.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Saint Paul, oui. Vous êtes maintenant en pratique privée. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage. Je vous remercie de vos réponses succinctes et réfléchies.

Merci beaucoup à tous.

Mesdames et messieurs, nous allons maintenant accueillir nos prochains témoins, de Reader's Digest Magazines.

Lorsqu'ils ont déjà soumis des mémoires écrits, il serait bon que les témoins nous en donnent un résumé au lieu de les lire intégralement. En effet, lorsqu'on lit tout un mémoire, on réduit le temps disponible pour les questions.

Cela dit, c'est à vous qu'il appartient de décider comment utiliser votre temps de parole. Ce n'est qu'une suggestion que je fais. Je ne voudrais certainement pas vous imposer quoi que ce soit.

• 1635

Qui va commencer? Sur ma liste, Mme Robins est la première.

Allez-vous donner le coup d'envoi à l'exposé?

Mme Barbara Robins (vice-présidente et conseillère juridique principale, Sélection du Reader's Digest (Canada) Ltée): Oui.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je vous demanderais de vous présenter, ainsi que vos collègues.

Mme Barbara Robins: Oui.

Bonjour, monsieur le président, membres du comité.

Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Paul Lalonde et de M. Michael Flavell, tous deux avocats au cabinet Flavell Kubrick et Lalonde d'Ottawa.

[Français]

J'aimerais, au nom du président de Reader's Digest Canada, M. Bernard Poirier, ainsi que des plus de 300 employés qui travaillent à la grandeur du Canada, mais principalement à Montréal et à Toronto, remercier le comité de nous entendre aujourd'hui.

[Traduction]

Le Reader's Digest est implanté au Canada depuis plus de 50 ans maintenant. En raison de ses antécédents et de cette expérience, nous en sommes venus à comprendre réellement et à appuyer sans l'ombre d'une hésitation les objectifs politiques que visent le gouvernement et la ministre du Patrimoine.

Reader's Digest, comme de nombreuses autres publications, dépend des revenus tirés de la publicité. C'est cette source de financement qui nous permet de publier un magazine rentable, populaire et abordable pour l'abonné.

C'est toute la gamme de nos magazines populaires qui assure les assises financières de toutes les autres activités de Reader's Digest, soit ses volets livre, vidéo et musique. Il faut comprendre que le magazine, compte tenu de la façon dont l'entreprise est structurée à la fois ici et ailleurs dans le monde, est ce qu'on appelle dans notre jargon la «publication-vedette» de la société.

Il s'ensuit que le sort du magazine est étroitement lié au sort de l'entreprise. Tout déclin relatif au magazine se traduira indéniablement par un déclin du succès de la société dans son ensemble.

Nous avons certaines préoccupations générales, d'autres précises, en ce qui concerne le libellé actuel du projet de loi. Nous y reviendrons tout à l'heure. D'ici là, je pense qu'il serait bon que je vous fasse un résumé de notre mémoire. En fait, c'est un résumé en ce sens que je me bornerai à vous donner les grandes lignes de notre structure corporative au Canada et vous faire comprendre comment le magazine est monté tous les mois.

Pour ce qui est de la structure de l'organisation, en 1976, lorsque le gouvernement de l'heure a présenté des mesures en vue de promouvoir l'industrie du périodique—plus précisément, l'article 19—, la direction de Reader's Digest a délibérément pris la décision de faire en sorte que l'entreprise soit considérée comme une entreprise canadienne. Ainsi, le magazine serait considéré comme un périodique canadien, ce qui permettrait à tous ses commanditaires de bénéficier d'une déduction fiscale.

C'est ainsi qu'est né Reader's Digest Magazines, Périodiques Reader's Digest, une société canadienne. 75 p. 100 de ses actions sont la propriété de la Fondation Reader's Digest du Canada, qui est elle-même une fondation canadienne sans capital-actions, dont les objectifs s'articulent autour d'entreprises liées essentiellement à l'édition et au journalisme. Sélection du Reader's Digest (Canada) est propriétaire des 25 p. 100 qui restent.

Depuis 1976, le conseil d'administration du magazine et de la Fondation est composé de membres dont les trois quarts au moins sont canadiens, en sus du président ou du président de séance. À notre avis, Reader's Digest Magazines Limitée, la société qui est la maison d'édition officielle et traditionnelle de Reader's Digest et de Sélection, est une société véritablement canadienne.

Il est malheureux—et vous avez sans doute lu des articles en ce sens—qu'en raison de nos rapports avec une société américaine, Reader's Digest, on affirme parfois à tort que nous ne sommes pas suffisamment canadiens. Nous sommes convaincus que Reader's Digest Magazines est une société tout à fait canadienne.

• 1640

Pour ce qui est des questions liées à la production du magazine et des pratiques de l'équipe de rédaction, permettez-moi de dire que nous avons deux équipes de rédacteurs à temps plein que l'on retrouve surtout à Montréal et dont la seule tâche, cinq ou sept jours par semaine, est de sortir le magazine. Chaque jour, chaque semaine et chaque année, ils sont aidés par des centaines de pigistes, de recherchistes, de photographes d'illustrateurs et d'autres collaborateurs canadiens. Dans le document que nous vous avons remis, vous en trouverez des exemples, ainsi que des listes de ces personnes.

Évidemment, le magazine s'appelle Reader's Digest—et Sélection en français—, ce qui est une marque très bien connue. La marque elle-même est la propriété de la société américaine Reader's Digest, tout comme Sélection et le logo Pégase. Nous sommes autorisés à utiliser ce nom en vertu d'un contrat de licence conclu avec la société.

Ce contrat ne nous dicte aucunement le contenu des numéros du magazine, mais vous comprendrez aisément qu'à titre de propriétaires d'une marque, compte tenu de la bonne volonté qui y est associée, il nous faut assurer l'intégrité de cette marque. Par exemple, il peut arriver que l'on traite un jour de la question de savoir s'il est opportun pour le magazine d'accepter les annonces de producteurs de tabac. Mais c'est simplement un exemple qui montre que nous souhaitons assurer et préserver l'intégrité de la marque.

Pour en revenir à notre équipe de rédaction à temps plein, où ces journalistes puisent-ils les articles du magazine? Par définition, une sélection est un ouvrage qui reproduit des articles ou qui les réimprime. Par conséquent, il y a dans chaque numéro du magazine un pourcentage d'articles repris d'autres sources. Bien souvent, il s'agit de sources canadiennes, que ce soit Elm Street ou Maclean's, ou d'autres encore.

Mais même dans ce contexte de repêchage ou de processus d'abrégement, il ne suffit pas de prendre un article et de le plaquer dans le magazine. Il y a tout un processus connexe—la sélection, la révision, le résumé, la recherche et, parfois, la traduction, selon la langue originale de l'article.

En ce qui concerne la recherche, pour le cas où vous ne le sauriez pas, lorsque nous choisissons un article, indépendamment de sa source, même si elle est excellente, nous le soumettons à de nouvelles recherches et chaque fait doit être corroboré auprès de deux sources indépendantes. C'est pourquoi nous pensons que les articles que nous publions atteignent un très haut degré de fiabilité.

Comme je l'ai dit, toutes ces opérations sont effectuées avec l'aide de nombreux pigistes des différentes régions du pays.

Nous produisons également une grande quantité de documents originaux. Il s'agit de documents pour lesquels nous traitons avec un auteur canadien. Très souvent, ils portent sur un sujet canadien dont nous pensons qu'il peut intéresser les Canadiens.

Nous tenons une comptabilité très détaillée de ce contenu canadien, si l'on peut dire, depuis 1976. Nous nous situons très largement au-dessus de la limite des 50 p. 100 dans chaque numéro et pour chaque année.

Il est intéressant de remarquer qu'en ce qui concerne les articles choisis, si nous en prenons un chose dans Elm Street, cela permet à un auteur canadien, quel qu'il soit, de se faire connaître une deuxième fois. Une publication dans le magazine du Reader's Digest permet à l'auteur de se faire lire par plus d'un million de Canadiens. Nos magazines jouissent d'une très large diffusion.

Compte tenu de la nature même du magazine, avec ses articles condensés, il est sans doute regrettable que dans tout le débat des dernières années sur le magazine Sports Illustrated, on l'ait qualifié de «tirage dédoublé». C'est tout à fait faux. Ce n'est que si l'on ne prend pas le temps de bien comprendre comment nous produisons notre magazine, ni de se renseigner sur les sources, le personnel de rédaction et toutes les différentes activités, qu'on peut en venir à une telle conclusion.

Nous avons travaillé très fort pour essayer de rétablir les faits. Dans les cahiers qui vous ont été remis, vous trouverez une lettre type que nous avons diffusée pour nous faire comprendre. J'insiste sur le fait qu'il n'y a pas un seul auteur des articles que nous avons lus dans les médias qui nous ait jamais appelés ou qui ait pris le temps de nous rendre visite avant de se faire une idée sur nous.

On nous a affublés de ce qualificatif, mais nous nous considérons comme un magazine véritablement canadien. Ce ne fut pas une décision unilatérale de notre part. Ce n'est pas par fantaisie que nous avons décidé de procéder de cette façon. Les activités et la structure sociale ont été acceptées et reconnues par le gouvernement en 1976 dans le cadre d'une décision que nous avons reçue et dont vous trouverez copie dans le cahier. Encore une fois, cette décision ne nous confère pas de statut particulier. En revanche, elle indique une recette permettant à une publication d'articles condensés de rester un périodique canadien.

Vous constatez, d'après nos propos, que nous voulons qu'on continue à nous considérer comme un périodique canadien aux termes du projet de loi C-55. Jusqu'à maintenant, nous n'avons entendu aucun représentant d'associations ou d'industries qui s'y oppose et nous espérons sincèrement qu'aucun des témoins qui comparaîtront devant ce comité dans les prochains jours ou les prochaines semaines ne s'y opposera.

• 1645

Compte tenu de notre longue histoire et de nos antécédents au Canada ainsi que de nos contributions au domaine de la création et au monde des périodiques en général, nous ne pouvons nous contenter de la reconnaissance des droits acquis de l'article 21.

Une telle formule ne nous semble pas juste. À notre avis, il convient de prendre un peu de recul pour considérer ce que nous avons fait, pour reconnaître que notre société a toujours observé la loi de façon exemplaire et qu'elle veut continuer à faire son chemin au Canada.

Je vais maintenant céder la parole aux deux personnes qui m'accompagnent et qui vont vous parler de certaines mesures que nous proposons afin de rendre le projet de loi plus acceptable compte tenu de la nature de nos activités et de nos publications.

N'oublions pas qu'il existe un précédent en ce sens que lorsque le ministre du Revenu, Bud Cullen, a comparu devant le Comité sénatorial en 1976 pour évoquer le thème de l'article 19 et les magazines d'articles condensés, il a déclaré explicitement que le gouvernement n'avait pas l'intention d'écarter par erreur ou par inadvertance les magazines d'articles condensés, mais que des précisions étaient nécessaires, à cause de la nature du produit.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Monsieur Lalonde.

[Français]

M. Paul M. Lalonde (avocat, Flavell Kubrick & Lalonde, avocats; conseiller juridique de Sélection du Reader's Digest (Canada) Ltée): Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

[Traduction]

En ce qui concerne le caractère canadien du Reader's Digest, je voudrais vous signaler que Mme Robins est une Canadienne trilingue de Moose Jaw. Qui peut prétendre être plus Canadien qu'elle?

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Vous avez dit trilingue?

M. Paul Lalonde: Oui, trilingue. Elle parle magnifiquement l'italien, pour le cas où vous souhaiteriez entendre une intervention dans cette langue.

En ce qui concerne la lettre que nous avons envoyée aux rédacteurs en chef de différents journaux qui ont qualifié le Reader's Digest à tort de magazine à double tirage, nous sommes heureux de voir qu'on a cessé de nous affubler de ce qualificatif dans les plus récents articles. Nous en sommes très heureux et nous espérons nous être définitivement débarrassés de ce vocable inapproprié.

Comme l'a dit Mme Robins, le Reader's Digest est favorable à la démarche entreprise par le gouvernement dans le cadre du projet de loi C-55. Nos préoccupations concernent certains détails techniques du projet de loi qui créent des ambiguïtés que nous jugeons préoccupantes. J'ai pour tâche d'indiquer ces ambiguïtés aux membres du comité.

Le Reader's Digest est certainement un joueur très important dans l'industrie canadienne des publications. Comme l'a expliqué Mme Robins, il offre toutes sortes d'occasions extraordinaires à des auteurs canadiens de toutes les régions du pays. Le Reader's Digest mérite d'être reconnu en tant qu'éditeur canadien d'un magazine canadien.

Nous intervenons aujourd'hui pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune ambiguïté à cet égard dans le projet de loi une fois qu'il sera adopté.

Nous considérons que le Reader's Digest, tel qu'il existe actuellement, répond à la définition de l'éditeur canadien aux termes du projet de loi C-55, mais il reste un certain nombre de détails de formulation qui nous inquiètent. Le premier concerne la définition de «canadien» et de «société canadienne» à l'article 2.

La définition de la «société canadienne» exige que «plus de» 75 p. 100 des actions de la société soient détenues par des Canadiens. Le problème, comme l'a expliqué Mme Robins, c'est que 75 p. 100 exactement des actions de l'éditeur du magazine, à savoir Reader's Digest Periodical Limited, sont détenues par une société canadienne, et les 25 p. 100 restant par Reader's Digest Association Canada, filiale en propriété exclusive d'une société américaine.

Comme l'a expliqué Mme Robins, cette proportion de 75-25 est conforme à l'article 19 de la loi de l'impôt sur le revenu, et c'est pour se conformer à cette disposition que la société a initialement été constituée de cette manière. Nous nous étonnons de cette déviation par rapport à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui exige une proportion d'«au moins» 75 p. 100, et non de «plus de» 75 p. 100 des actions détenues par des Canadiens.

Comme l'a expliqué Mme Copps hier, le modèle que nous avons utilisé, à savoir la répartition 75-25, provenait initialement de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous aimerions donc savoir pourquoi on est passé de la formule «au moins» à la formule «plus de».

• 1650

Cela nous pose un problème, car il faudrait soit modifier le projet de loi pour remplacer «plus de» par «au moins», comme dans la Loi de l'impôt sur le revenu, soit réaménager nos catégories d'actions. Il est assez difficile d'expliquer à une société pourquoi on est obligé de la priver d'un certain montant d'actions. Nous ne voyons pas quel est l'objectif visé par cette mesure, ni le problème qu'on pourrait créer en remplaçant «plus de» par «au moins» dans la définition de la société canadienne à l'article 2.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Comme avocat, savez-vous s'il y a de jurisprudence sur ce point? Par exemple, savez-vous si un tribunal a déjà exigé que ce soit au moins 75,1 p. 100, ou est-ce entièrement terra incognita sur le plan de la jurisprudence?

M. Paul Lalonde: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question. Le libellé de l'article 2 est limpide. Pour être réputé Canadien, le degré de propriété des actions par les Canadiens doit être de plus de 75 p. 100.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je vous demande s'il y a, à votre connaissance, de la jurisprudence concernant l'expression «plus de» dans ce contexte.

M. Paul Lalonde: Je n'ai pas cherché de jurisprudence sur l'interprétation de l'expression «plus de», mais ces mots me semblent plutôt clairs. «Plus de» signifie «plus de»—pas «exactement» ni «au moins».

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Rien n'empêche un tribunal de donner une interprétation de sens courant, cependant. Je me demandais s'il y avait de la jurisprudence.

Merci beaucoup.

M. Paul Lalonde: L'autre chose qui ne nous convient pas dans le libellé du projet de loi figure au paragraphe 3(2). De fait, les paragraphes 3(2) et (3) sont deux dispositions où l'on retrouve la formule «est réputée». Dans les cas litigieux, l'éditeur est réputé être un éditeur étranger. Ces deux dispositions nous inspirent des réserves.

Tout d'abord, le paragraphe 3(2) prévoit que

    est réputée un éditeur étranger [...] la personne qui édite ou publie directement ou indirectement un périodique dans sa totalité ou en grande partie en vertu d'une licence ou autorisation quelconque accordée par un tel éditeur.

Nous voyons ce que le gouvernement essaie de faire ici, et nous n'avons rien à redire contre l'objectif visé. Il veut éviter que l'on puisse se soustraire aux textes de loi. Très bien. En revanche, il faut que le comité comprenne que pour une publication d'articles condensés comme la nôtre, nous intégrons à chaque numéro, comme Mme Robins l'a si bien expliqué, des articles extraient d'autres publications que nous révisons et modifions considérablement. En vertu de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu, des mécanismes qui sont ici et de la décision, qui est jointe aux documents que nous vous avons remis, il y a des limites précises quant à la quantité de documents étrangers que nous ne pouvons utiliser et quant aux modalités de leur utilisation, comme Mme Robins l'a expliqué.

Ce que nous craignons, c'est qu'en raison du libellé vague du paragraphe 3(2), et malgré notre respect rigoureux des règles de l'article 19 et de la décision qui en découle, les résumés que nous produisons d'articles étrangers pourraient en inciter certains à prétendre que Sélection Reader's Digest est un éditeur étranger. Cela nous inquiète beaucoup.

M. Flavell nous dira ce que nous suggérons pour clarifier la formulation, pour faire en sorte que vu la nature de notre publication, nous ne risquions pas d'être pénalisés pour avoir cité textuellement des passages d'articles provenant d'éditeurs étrangers.

L'autre question qui nous préoccupe porte sur le paragraphe 3(3), dans lequel il est dit:

    est également réputée un éditeur étranger [...] la personne... qui se trouve dans une situation qui confère une maîtrise de fait à une personne ou entité autre qu'un Canadien [...]

Nous comprenons ici aussi l'objectif visé par le gouvernement, et nous n'avons rien à y redire, mais nous craignons un peu qu'à cause de l'entente conclue avec la société américaine concernant l'usage et l'intégrité des marques de commerce, cet accord soit retenu contre nous et qu'on nous accuse de façon injustifiée d'être sous la maîtrise de fait d'une société américaine, ce qui n'est pas le cas. Nous ne voulons même pas d'une ambiguïté qui pourrait nous rendre vulnérables à pareille assertion. Nous avons donc des suggestions sur la façon de lever cette ambiguïté.

En fin, en ce qui concerne la disposition sur les droits acquis, nous venons de l'éplucher pendant une heure. Là aussi nous avons des suggestions sur la façon d'en lever l'ambiguïté.

Mme Copps a mentionné la possibilité de jouer avec l'énoncé. Dans l'éventualité peu probable et regrettable où on nous considérerait comme un éditeur étranger—ce qui, à mon avis, n'est absolument pas le cas—le caractère très vague de la clause de droits acquis pourrait nous préoccuper. Nous avons tenté d'aider le comité en faisant des suggestions à ce sujet, ou du moins M. Flavell en fera-t-il pendant son exposé.

• 1655

C'est tout ce que j'avais à dire, et je cède maintenant la parole à M. Flavell qui a des suggestions à faire à propos de l'énoncé et qui va conclure notre intervention.

Merci.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Monsieur Flavell.

M. C.J. Michael Flavell (avocat, Flavell Kubrick and Lalonde, conseiller juridique de Reader's Digest périodiques Ltée): Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité.

On m'a laissé la tâche la plus ennuyeuse, celle de vous présenter un document que vous avez déjà reçu et de vous l'expliquer un peu plus en détail.

Les changements proposés aux paragraphes 3(2) et (3) ont pour but d'aider le Parlement à sévir qu'il le souhaite, mais sans toutefois pénaliser une compagnie comme Reader's Digest qui n'est pas visée par cette mesure.

D'après ce que nous savons de la situation, d'après ce que nous avons appris de nos nouveaux amis au ministère du Patrimoine, entre autres, personne ne vise le Reader's Digest, car on reconnaît unanimement qu'il s'agit d'une entité canadienne, une entité canadienne de grande valeur, et que le seul problème, c'est ce lien marginal, principalement une question de marque de commerce, que nous avons avec une compagnie américaine. Si on lance le filet trop loin pour éviter que certaines compagnies se défilent, on risque d'attraper le Reader's Digest, pour ainsi dire par erreur.

Je vous soumets ici un énoncé, je peux en donner des exemplaires à ceux qui n'en ont pas, un énoncé qui pourrait lever ce risque. Je ne veux pas m'appesantir sur ce texte, que vous avez d'ailleurs sous les yeux, mais je le répète, ce qui est visé ici, ce sont les tirages dédoublés, ces tirages dont la presse a dit que ce sont: «des publications américaines sans aucun contenu rédactionnel canadien, ou très peu, mais qui sont revendus comme si c'était des éditions canadiennes». Je crois que c'est une bonne description du secteur que vous visez.

Ce que j'ai essayé de faire au paragraphe 3(2), c'est m'assurer que vous attrapez bien ce que vous visez, mais sans pour autant attraper également le Reader's Digest à cause de cette entente sur les marques de commerce avec la société américaine. Avec l'énoncé dont M. Lalonde vient de parler, ce serait précisément le cas.

Je le répète, je fais une suggestion au sujet de la deuxième phrase du paragraphe (3) et je me contente de reprendre la terminologie de la Loi de l'impôt sur le revenu dont nous pensons qu'elle serait utile. Sans vouloir leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit, je crois que nos amis du ministère du Patrimoine n'ont pas accueilli cette suggestion avec froideur.

La dernière phrase du nouvel énoncé pour le paragraphe (3) tente de préciser que le Reader's Digest n'est pas considéré comme une compagnie étrangère, n'est pas considéré comme étant contrôlé par une compagnie étrangère, simplement à cause de son statut fiscal qui, depuis de nombreuses années, permet de considérer que c'est une compagnie canadienne.

Comme Mme Robins l'a expliqué, le Reader's Digest s'est réorganisé de façon fondamentale pour respecter la notion d'éditeur canadien selon le gouvernement. Après avoir pris cette peine, nous ne voudrions pas nous trouver balayés par un excès de zèle rédactionnel.

Nous apprécions les problèmes de nos amis chargés de la rédaction de ce texte, car ils ne doivent pas laisser s'échapper certaines compagnies qu'on cherche prendre au filet. De notre côté, tout ce qui nous intéresse, c'est de ne pas nous retrouver dans ce filet alors que nous ne devrions pas y être. Et cela m'amène à l'article 21 et à la clause des droits acquis.

À première vue, et avant d'avoir entendu les arguments soumis aujourd'hui par Time Canada Ltd., nous avions pensé que leur suggestion était assez logique, que pour donner des droits acquis à certains, il suffisait de dresser la liste de ces gens-là. L'idée est séduisante par sa simplicité. Encore une fois, vous ne risqueriez pas d'attraper certaines compagnies par mégarde.

Évidemment, nous ne serions pas sur cette liste, ce qui rend nos remarques à ce sujet un peu bizarres, mais dans la mesure où nous sommes ici et dans la mesure où nous essayons d'apporter notre aide en même temps que nous défendons notre position, il nous semble que ce serait une bonne façon de confirmer des droits acquis.

• 1700

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Flavell.

Nous allons commencer le premier tour de questions; j'espère avoir du temps pour un second tour, et je demanderai donc à tout le monde de s'en tenir à cinq minutes.

Monsieur Lowther, de l'opposition officielle.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président. Je serai très bref; j'aurai peut-être l'occasion de poser d'autres questions au deuxième tour.

Il m'est arrivé de lire le Reader's Digest, et c'est une lecture que j'ai appréciée. Ce que j'ai entendu aujourd'hui m'a un peu ouvert les yeux, car je ne savais pas qu'il y avait une telle différence de contenu avec l'édition de l'autre côté de la frontière. Jusqu'où va cette différence? N'y a-t-il aucun article qui soit identique dans la version américaine? Y en a-t-il quelques-uns, ou est-ce que tous les articles sont différents?

Mme Barbara Robins: L'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui confirme la décision en question, autorise n'importe quel éditeur de revue, de périodique ou de journal à reprendre 20 p. 100 du contenu d'une publication étrangère, c'est-à-dire publiée à l'extérieur du Canada. Par conséquent, en théorie, on pourrait trouver dans l'édition canadienne de la revue 20 p. 100 de l'édition britannique ou de l'édition australienne ou de l'édition américaine.

M. Eric Lowther: Mais 80 p. 100...

Mme Barbara Robins: Mais de ce que vous lisez dans la revue au cours d'un cycle de 12 mois, et même la plupart du temps dans chaque revue, au cas où la proportion ne serait pas exacte pendant un mois donné, 80 p. 100 proviennent principalement de deux sources. Il y a d'une part des articles originaux qui sont rédigés pour nous et/ou des articles tirés d'autres publications, par exemple Elm Street, The Economist ou le Time, et que nous abrégeons.

M. Eric Lowther: Mais en même temps, n'est-il pas vrai que le projet de loi C-55 vous permet de respecter le critère des 80 p. 100, à condition que ce soit différent? Il ne doit pas forcément s'agir d'articles canadiens car le critère est fondé sur la propriété. Il n'est même pas question de contenu.

Autrement dit, si 80 p. 100 de vos articles sont différents, vous respectez tout de même le critère, n'est-ce pas?

Mme Barbara Robins: Il y a un critère de propriété, mais l'article 3 dont ces messieurs viennent de parler mentionne la façon dont une revue ou un périodique est publié. Ces dispositions portent sur le contenu. On ne parle pas de «contenu» mais la notion est là.

M. Eric Lowther: Cet article n'exige pas spécifiquement un contenu canadien, n'est-ce pas?

Mme Barbara Robins: Non, pas plus que l'article 19, et c'est justement ce qu'on voulait.

M. Eric Lowther: Autrement dit, toute cette affaire est fondée sur la notion que les Canadiens doivent pouvoir lire plus d'articles canadiens, mais ce n'est probablement pas le but atteint. Vous pourriez nous donner 80 p. 100 d'articles différents, des articles américains, allemands, ou des articles venus d'ailleurs, mais ce que nous avons ici, c'est une exigence technique qui risque de ne jamais avoir le moindre effet sur le contenu canadien. C'est intéressant.

Mme Barbara Robins: Ce n'est pas ce que nous faisons. Est-ce que vous parlez de ce projet de loi en général?

M. Eric Lowther: Je parle de l'efficacité de ce projet de loi qui est censé fournir à notre ministre des articles canadiens qu'elle pourra faire lire à sa fille de 11 ans. J'ai l'impression que nous ratons le but d'un bon mille. Cela dit, j'en resterai là et je cède la parole à un collègue.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Monsieur Lalonde.

M. Paul Lalonde: Très rapidement, je ne veux pas faire de procès d'intention au gouvernement, je ne me le permettrais pas, mais si des représentants du gouvernement étaient parmi nous, ils nous diraient sans doute qu'on peut s'attendre à ce que les propriétaires canadiens de périodiques publient des articles sur des sujets canadiens. Voilà pour une chose.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 19 de la Loi sur l'impôt sur le revenu, le Reader's Digest continuera, et souhaite continuer à s'y conformer. Par conséquent, du point de vue du Reader's Digest, les exigences relatives au contenu existeront toujours.

Mme Barbara Robins: Absolument.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président. J'avais l'intention d'abandonner le sujet, mais puisque M. Lalonde a jugé bon de prolonger la discussion... j'apprécie d'ailleurs ses observations. Mais il ne faut pas oublier non plus que le libellé dit: «plus de» 75 p. 100, ce qui pourrait vous éliminer du processus. Si par contre il s'agissait de «moins de» 75 p. 100, cela vous engloberait. C'est strictement un critère de propriété. Cela n'a rien à voir avec le contenu canadien.

Nous tenons pour acquis que la proportion de contenu canadien est la même que la proportion des actionnaires. C'est peut-être le cas, mais pas nécessairement, et ce n'est certainement pas une conséquence automatique. Et pourtant, le projet de loi est construit sur cette prémisse.

Il m'a semblé important de souligner que c'est en réalité une question de propriété.

Merci.

• 1705

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Lowther. Vous m'avez rappelé la thèse de l'aptitude et des moyens dont on parlait il y a 60 ans, la distinction entre propriété et contrôle.

[Français]

Monsieur de Savoye du Parti québécois.

M. Pierre de Savoye: Du Bloc québécois, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Je m'excuse.

M. Paul Lalonde: Monsieur le président, vous avez regardé le débat d'hier soir un peu trop attentivement.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.):

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Pierre de Savoye: Monsieur Godfrey, vous n'êtes plus au Globe and Mail.

Madame Robins, monsieur Lalonde et monsieur Flavell, quand j'étais tout jeune, mes parents étaient abonnés à Sélection et j'attendais chaque mois que Sélection arrive pour pouvoir le lire. Je le dévorais et j'étais pris pour attendre encore une fois la prochaine édition.

J'ai examiné les deux publications, l'américaine et la canadienne. Effectivement, les contenus sont tout à fait différents, mais je partage tout de même la préoccupation de mon collègue du Parti réformiste. Quand j'étais jeune, les articles que je lisais portaient sur des sujets qui, la plupart du temps, n'avaient rien à voir avec ce qui se passait au Canada. On me racontait une expédition dans l'Antarctique ou encore on me parlait de nouveaux développements dans le domaine des automobiles expérimentales. Bref, c'était très instructif et ce n'est sans doute pas étranger au fait que j'ai réussi à m'intéresser à toutes sortes de choses. Cependant, en termes de culture canadienne ou québécoise, ce n'est pas évident qu'on y trouve son compte.

Par ailleurs, le projet de loi qu'on a devant nous vise davantage à éviter une invasion de périodiques produits aux États-Unis et, pour parler en bon français, «dompés» au Canada. Comment réagissez-vous à ça? Est-ce qu'on frappe sur le bon clou? Vous êtes dans l'industrie de l'édition. Est-ce qu'on frappe sur le bon clou avec ce projet de loi ou si on frappe sur le mauvais clou? J'aimerais avoir votre opinion de spécialistes.

Mme Barbara Robins: J'aimerais commenter votre propos sur vos lectures d'enfance. Je me demande si vous lisiez Sélection avant 1976 ou après 1976.

Des voix: Ah, ah!

Mme Barbara Robins: Je ne cherchais pas des renseignements confidentiels. On sait qu'il y a eu un autre projet de loi sur ce sujet-là. C'est simplement pour vous dire que l'article 19 est efficace, parce qu'à partir de 1976, on a pris la décision de publier du contenu canadien et même québécois. On va continuer ainsi, peu importe le sort du projet de loi C-55, parce qu'on veut que les gens qui mettent des annonces publicitaires dans notre revue puissent recevoir un bénéfice fiscal. C'est simplement pour vous éclairer sur le sujet.

M. Pierre de Savoye: Ce que vous dites, c'est que ce projet de loi-ci frappe sur le bon clou.

Mme Barbara Robins: Je n'ai pas vraiment parlé de ça lorsque j'ai dit...

M. Pierre de Savoye: C'était ma question.

Mme Barbara Robins: Oui, mais comme je vous l'ai dit au début, nous appuyons les efforts du gouvernement et nous comprenons, à cause de la perte qu'ils ont eue dernièrement, en avril, la nécessité d'adopter une autre stratégie, c'est-à-dire mettre l'accent sur les services plutôt que sur les biens.

M. Pierre de Savoye: Je vais reformuler ma question. Imaginons que le projet de loi n'est pas adopté. Imaginons que les split-run magazines puissent effectivement être publiés sans difficulté et que l'étude dont on faisait mention avec le témoin précédent soit exacte, c'est-à-dire que davantage de revenus aillent du côté du magazine. Comment Reader's Digest ou Sélection seraient-ils affectés financièrement dans de telles circonstances?

Mme Barbara Robins: Tout d'abord, je dois dire que je n'ai pas lu l'étude. J'aimerais bien la lire, mais pour nous, c'est loin d'être certain. Selon certaines études, les revenus d'autres médias vont aller aux revues et nous allons en bénéficier. On est loin d'en être sûrs. Il y a de la concurrence. Nous devons nous battre pour aller chercher chaque dollar de revenu publicitaire. Ce n'est pas facile. Ce n'est pas sûr que, lorsqu'il y aura plus de poissons dans la mer, ce sera plus facile pour nous.

• 1710

Par contre, je reconnais qu'il y a une difficulté ou une faiblesse par rapport aux perceptions que les autres médias peuvent avoir des revues. La solution n'est peut-être pas de dire qu'il ne faut pas laisser entrer les autres. Il s'agit peut-être simplement de trouver le moyen, à l'intérieur de l'industrie des périodiques, de vendre davantage ce média.

M. Pierre de Savoye: Pour l'essentiel, ma question est de savoir comment notre industrie canadienne, dont vous êtes—vous nous le dites vous-mêmes—un des acteurs importants, réagirait si effectivement on permettait aux split-run magazines de venir sur notre marché sans difficulté. Serait-ce bénéfique pour vous, serait-ce maléfique pour vous ou serait-ce neutre? Vous devez bien avoir une opinion.

Mme Barbara Robins: Honnêtement, je pense que ce serait difficile pour nous. Cela nous causerait des problèmes.

M. Pierre de Savoye: Donc, on frappe sur le bon clou.

Mme Barbara Robins: En ce sens, oui.

M. Pierre de Savoye: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci.

Monsieur Muise, du Parti progressiste conservateur.

M. Mark Muise: Merci, monsieur le président, et je remercie également nos invités.

Je reviens aux questions de mon collègue: si ce projet de loi était rejeté, si les éditions dédoublées continuaient, bien que le Reader's Digest soit une publication canadienne, rien ne l'empêcherait de ne produire qu'une seule édition aux États-Unis sous le prétexte d'économiser?

Mme Barbara Robins: Non. Non, car nous savons maintenant que nous avons intérêt à respecter les dispositions de l'article 19. Même si ce projet de loi était rejeté, je vois mal pourquoi nous nous débarrasserions d'une structure qui nous sert depuis plus de 22 ans.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci, monsieur Muise.

[Français]

Monsieur Bélanger du parti gouvernemental, s'il vous plaît.

M. Mauril Bélanger: Je vais poser la question, moi, mais je voudrais auparavant remercier M. Flavell, Mme Robins et M. Lalonde de leur approche assez positive et constructive et de leurs suggestions très spécifiques. J'espère qu'on pourra s'y attarder lorsqu'on attaquera le projet de loi article par article.

M. Paul Lalonde: On compte sur vous, monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: C'est très utile. En tout cas, je vais m'en servir. J'espère pouvoir convaincre suffisamment de gens autour de la table de regarder cela d'un bon oeil, surtout mon collègue en face.

En 1976, s'il n'y avait pas eu cette initiative, cette détermination du gouvernement canadien de conserver, protéger et encourager l'industrie des périodiques canadiens, est-ce que Reader's Digest aurait fait ce qu'il a fait? S'il n'y avait pas eu à ce moment-là cette pression gouvernementale, cette volonté des Canadiens qui s'exprimait par la voix de leur gouvernement, est-ce que Reader's Digest aurait agi de la même façon?

Mme Barbara Robins: Comme on dit, hindsight is 20-20. Je peux simplement dire qu'au moment de l'adoption du projet et de l'article 19, on avait déjà une publication canadienne. On n'était pas sur le point de décider ce qu'on allait faire.

On peut dire qu'on aurait peut-être eu moins de contenu vraiment canadien, dans le sens de matière, et qu'on aurait peut-être été moins attirés par l'idée de connaître et de développer les artistes canadiens ainsi que leur apport. C'est probablement la réponse honnête.

M. Mauril Bélanger: Je crois que cela va de soi parce qu'on voit les résultats de ces initiatives. On a maintenant une industrie qui se tient.

Mme Barbara Robins: En Colombie-Britannique, on a une personne dont la seule tâche est d'essayer de trouver de nouveaux écrivains.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, notre collègue du Parti réformiste tente de nous amener sur un terrain autre que la réalité, c'est-à-dire sur le contenu. Il n'a aucunement été question, à aucun moment, à ce que je sache—à moins que les réformistes veuillent devenir les censeurs de tout le Canada—, de s'attaquer à ce problème dans la perspective du contenu ou d'imposer un contenu. Il est question de parler de choses au niveau international dans une optique canadienne. C'est parfaitement valable et c'est ce qui va normalement se produire lorsqu'il y aura des publications canadiennes. Mais de là à dire que les périodiques doivent publier tel ou tel article... Nous, du gouvernement, ne sommes pas prêts à faire ce genre d'exercice. Merci.

• 1715

Le vice-président (M. Ted McWhinney): C'est tout, monsieur Bélanger?

Nous pouvons donc commencer le deuxième tour. Monsieur Bonwick.

[Traduction]

M. Paul Bonwick: Merci, monsieur McWhinney.

J'ai trouvé très drôles les observations de M. Flavell: «pris au filet, échapper au filet». Pour continuer dans cette note humoristique, je me demande combien d'éditeurs se trouvent à moitié dans le filet.

Les représentants de Time sont eux aussi venus répondre à nos questions, et je me demande si vous pourriez nous donner votre opinion, d'après ce que vous connaissez de ce secteur.

Premièrement, pensez-vous que les coûts de production d'une publication étrangère qui paraît en 20 millions d'exemplaires sont plus favorables que ceux d'une publication canadienne qui n'en imprime que 300 000?

Mme Barbara Robins: Oui. Effectivement, ces chiffres se passent de commentaires. Il est certain que, dans notre secteur, les coûts de rédaction occupent la part la plus importante.

Je peux vous citer un exemple qui nous concerne. Il y a quelque temps, nous avons publié un article sur l'honnêteté des dentistes canadiens. Pour ce genre de choses, il faut commencer par embaucher un rédacteur et s'occuper de lui verser un acompte. Pour un article de cette nature, il faut ensuite penser aux voyages que cela suppose dans tout le Canada, à la recherche nécessaire, etc. Donc, c'est certain, la rédaction coûte très cher.

M. Paul Bonwick: Les gens de la revue Time nous ont dit que non, les grosses publications n'avaient pas un avantage particulier sur les petites publications en ce qui concerne les coûts. On nous a donné une réponse très simple: c'est non.

M. Michael Flavell: Ce n'est pas ce qu'elle vous a dit, ou du moins ce n'est pas ce qu'elle a voulu dire.

M. Paul Bonwick: Non, pas elle, les représentants de Time.

M. Michael Flavell: Oh, excusez-moi.

M. Paul Bonwick: Lorsque les représentants de Time nous ont parlé plus tôt, ils nous ont donné une réponse très simple: «non», non, un gros tirage n'a pas un avantage sur un petit tirage.

Cela n'a aucun sens, et d'ailleurs je ne l'ai pas cru.

Pouvez-vous me dire également ce que vous pensez du rôle du gouvernement. Plus précisément, pensez-vous que ce dernier a une responsabilité envers les Canadiens, envers la société canadienne? Pensez-vous qu'il soit important pour le gouvernement de mettre ces articles, ces articles canadiens, ces articles régionaux à la disposition des Canadiens, et en même temps, comme je l'ai dit plus tôt, de s'assurer que des publications canadiennes existent pour acheminer ces messages?

Mme Barbara Robins: Absolument. Après tout, j'aurais du mal à dire le contraire quand je travaille pour une compagnie qui publie chaque mois une montagne de contenu canadien, de sujets véritablement canadiens. Cela dit, quand on parle de «contenu canadien», il faut prendre garde: quelle est notre définition de ce terme?

Pour moi, une des politiques dont on discutait à l'époque, avant l'article 55, une politique dont on reparle périodiquement, vise à lier tout cela à un critère de contenu canadien.

À titre d'éditeur, convaincue de la nécessité de bien servir les intérêts des lecteurs canadiens, je me demande ce qu'il faut faire au sujet des recettes de cuisine. Est-ce que je publie une recette de tarte aux pommes qui utilise des pommes canadiennes? Cela a l'air idiot, mais quand on pose ce genre de question, la définition du contenu canadien, on s'aventure sur un terrain très épineux.

Sur le plan des principes, la réponse est claire: oui, absolument, et ces mesures sont destinées à stimuler le secteur canadien des périodiques, ce qui ne peut qu'avoir des effets favorables pour la communauté.

M. Paul Bonwick: Est-ce que j'ai encore le temps de poser une question?

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Oui, une dernière.

M. Paul Bonwick: Encore une fois, en vous fondant sur votre connaissance de ce secteur, pouvez-vous nous dire si les publications étrangères qui ont des éditions dédoublées accordent fréquemment des tarifs encart différents à leurs marchés secondaires et à leurs marchés primaires?

Par exemple, supposons une publication étrangère qui paraît en 100 millions d'exemplaires dont 500 000 seulement sont destinés au marché canadien; je me demande si le tarif encart, le tarif linéaire ou le tarif dimensions des annonces publicitaires est différent pour les marchés secondaires ou peut être escompté.

• 1720

Mme Barbara Robins: C'est possible, mais je préférerais consulter les experts de notre société avant de vous envoyer une réponse par écrit. Je ne suis pas suffisamment sûre de la réponse.

M. Paul Bonwick: Si cela ne vous dérange pas.

Mme Barbara Robins: Certainement, je vous ferai parvenir une réponse.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Si vous nous soumettez un complément d'information par écrit, nous pouvons l'insérer dans notre procès-verbal.

Merci, monsieur Bonwick.

Nous poursuivons le second tour avec M. Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

J'ai une question qui s'adresse à Mme Robins ou à un autre témoin.

Vous avez dit que sans le recul du temps, il était difficile de voir les choses absolument clairement. Vous avez dit, et je vous cite très approximativement, que même sans le critère qui vous régit depuis plusieurs années, vous auriez probablement un certain contenu canadien.

Dans ces conditions, il est probablement difficile de savoir exactement combien de contenu canadien vous publieriez aujourd'hui si vous aviez constaté que vos publications se vendaient mieux lorsqu'elles avaient plus de contenu canadien. Peut-être que cela n'aurait rien changé, nous ne le saurons jamais.

J'apprécie donc ce que vous avez dit à ce sujet. En l'absence des conditions qui vous sont imposées actuellement, dans quelle mesure le contenu canadien que vous publiez serait-il différent?

Mme Barbara Robins: Vous voulez dire des sujets canadiens et/ou des auteurs canadiens? C'est bien ce que vous voulez dire?

M. Eric Lowther: Eh bien, nous avons déjà établi qu'en fait, le principe important, ce n'est pas le contenu canadien, c'est qu'il s'agisse d'un contenu qui n'a pas déjà été publié ailleurs. C'est le critère de ce projet de loi.

M. Mauril Bélanger: C'est vous qui avez établi cela.

M. Eric Lowther: Non, ce n'est pas moi.

M. Mauril Bélanger: Si, c'est vous.

M. Eric Lowther: Excusez-moi.

Monsieur le président, si j'ai bien compris, nous sommes ici pour poser des questions aux témoins. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans un débat partisan avec M. Bélanger. S'il veut me faire des observations, à moi ou à mon parti, il devrait choisir un moment plus approprié.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Vous avez tout à fait raison. Je m'excuse de ne pas avoir appliqué le règlement. Il est évident que les députés doivent poser leurs questions aux témoins, et il n'est pas convenable de tenir des discussions de part et d'autre de la table.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Mme Barbara Robins: Je crois pouvoir dire qu'évidemment nous aurions continué à cultiver les auteurs et les articles canadiens, mais il aurait sans doute pu y avoir un écart de, je ne sais pas, 25 p. 100 à 30 p. 100 de moins, sans l'article 19.

M. Eric Lowther: Cela dépend aussi de la réaction du marché. S'il existait une plus grande demande d'articles canadiens, ou si les ventes augmentaient lorsque le contenu canadien était rehaussé, vous l'auriez peut-être changé. Donc, vous n'en êtes pas certaine.

Mme Barbara Robins: Non. Ce sont des suppositions, sans aucun doute.

M. Eric Lowther: D'accord.

Merci.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci beaucoup.

Nous avons terminé le deuxième tour. J'aimerais remercier les témoins de leurs réponses franches et spontanées, et j'aimerais remercier tous les députés, tant du côté du gouvernement que de l'opposition, d'avoir soulevé des questions intéressantes.

J'attends, madame Robins, que vous nous communiquiez ce complément d'information par écrit, et nous nous chargerons de l'intégrer dans le procès-verbal.

Mme Barbara Robins: Absolument.

Le vice-président (M. Ted McWhinney): Merci beaucoup.

La séance est levée.