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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 février 1998

• 1112

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte.

[Français]

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude sur la culture canadienne.

Tout d'abord, je désire m'excuser auprès de nos invités et des membres du comité de notre retard de 15 minutes causé par la prolongation de la séance du comité qui a précédé le nôtre.

[Traduction]

Je m'excuse du retard dû au changement dans le programme.

[Français]

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Michèle Martin, professeure à l'École de journalisme et de communications de l'Université Carleton.

[Traduction]

M. Terry Cheney, expert-conseil, comparaît à titre personnel. M. Conrad Winn, président-directeur général de COMPAS Inc., n'est pas encore arrivé, mais je propose que nous commencions sans lui.

[Français]

Madame Martin, est-ce que vous voudriez commencer?

Mme Michèle Martin (professeure, École de journalisme et de communications, Université Carleton): Très certainement. Je viens ici vous présenter ma vision d'une politique culturelle en tant que sociologue faisant des études en histoire des communications et de la culture. J'aimerais vous proposer ma vision d'une politique culturelle fédérale, qui est en fait une vision globale. Dans l'état actuel de la société, il m'apparaît difficile de ne pas penser en termes de vision globale.

Je n'ai pas préparé de texte, mais je vous ai fait parvenir une liste des thèmes dont je parlerai.

• 1115

D'abord et avant tout, je crois qu'avant de parler de politique culturelle, il faut se donner une définition de la culture ou de l'identité canadienne. J'ai cru noter une omission dans le document qu'on nous avait envoyé à titre de guide pour la discussion et j'en ai été très surprise d'ailleurs. Quel genre de culture canadienne voulons-nous? Est-ce qu'on tient encore au bilinguisme ou non? Est-ce qu'on veut un genre de melting pot comme aux États-Unis? C'est une question dont il serait très important de discuter en premier lieu. Mais aussi, en tant que culture différente des États-Unis, je crois qu'il faut insister et fonder notre politique culturelle sur le concept de justice sociale qui nous distingue vraiment des Américains, qui sont davantage orientés vers l'individualisme.

Ce concept de justice sociale tient compte justement du pluralisme culturel, du régionalisme, de l'égalité des classes et des deux sexes et ainsi de suite. Dans ce contexte, on a évidemment des responsabilités énormes dans la relation entre la culture, la technologie et les questions sociales. Une telle approche devrait être contextuelle plutôt que technologiquement orientée, telle que je l'ai ressentie dans ce document que je mentionnais auparavant, où l'on parle de la technologie qui influence telle ou telle chose, qui a un effet sur telle ou telle chose et ainsi de suite.

Je crois qu'on devrait plutôt parler en fonction des gens qui s'approprient les technologies et qui les utilisent de telle ou telle façon et ainsi renverser la relation entre la technologie et la personne ou l'individu, ce qui sera très important si on veut développer des politiques culturelles qui seront justes pour tous les groupes sociaux.

Dans mes études, je suis remontée jusqu'à la fin du XIXe siècle et je constate qu'historiquement, le développement de politiques s'est habituellement fait cas par cas, malheureusement. On a peut-être été obligé de faire ce genre de politique défensive ou réactive en raison de la proximité des États-Unis et de l'américanisme qui nous a envahis dès le XIXe siècle et même probablement avant cela. Il y a donc eu beaucoup de politiques cas par cas, beaucoup de politiques réactives. Quelques-unes sont proactives, mais elles sont peu nombreuses. Il y a évidemment eu des politiques relatives aux quotas qui étaient absolument nécessaires, ce que je ne saurais nier. Certaines politiques qui portaient sur le pourcentage de fonds étrangers dans différents secteurs culturels étaient aussi extrêmement importantes.

Je crois que dans la société dans laquelle on vit, il faut se tourner vers une approche plus globale, et c'est ce que j'aimerais vous proposer aujourd'hui: une politique globale et proactive au lieu de réactive, qui tienne compte, naturellement, des relations provinciales-fédérales. Ainsi, elle n'empiétera pas sur les différents domaines de compétence provinciaux, mais tiendra aussi compte de la globalisation, un mot qui est souvent utilisé de différentes façons.

Je me permettrai de vous mentionner que j'organise une conférence à la fin de mai à l'Université Carleton sur la communication internationale et la globalisation. Il est dommage que cette séance du comité n'ait pas lieu après la conférence; j'aurais alors sûrement pu vous apporter un point de vue plus général sur ce sujet. Lors de cette conférence, on essaiera d'en arriver au moins à une entente quant à notre définition de la globalisation et de la communication internationale. Je crois que c'est important dans le contexte du développement d'une politique canadienne en matière de culture. Malheureusement, tout le monde ne voit pas nécessairement l'importance de ce sujet-là. On a extrêmement de difficulté à se trouver des fonds. Si vous avez des idées, je vous invite à m'en parler après la séance du comité.

• 1120

Il est important de ne pas laisser à l'industrie seule les moyens de développer la culture au Canada. Il faut éviter ce genre de développement de consommation et plutôt développer une culture qui sera à la fois positive et juste pour tous les groupes sociaux, comme je le disais auparavant. De mon point de vue, cela veut dire une culture qui est aussi essentiellement reliée à l'éducation. Ce sont deux domaines absolument inséparables et, à mon avis, c'est le point le plus important dans une culture globale. Si on ne veut pas abandonner la culture à l'industrie, il faut l'intégrer d'une façon ou d'une autre ou du moins la relier au système d'éducation, sans toutefois empiéter sur les compétences provinciales, comme je vous le soulignais auparavant, parce que cela est important.

Je crois qu'à cette fin, des stratégies fédérales peuvent être élaborées afin de créer un certain type d'infrastructure du savoir au niveau national qui tiendra compte des différences régionales, culturelles et autres qui existent au Canada et d'aider les gens à acquérir un savoir qui puisse non seulement leur permettre d'analyser les phénomènes d'une façon informée et désintéressée, mais aussi à développer une compréhension intégrée du monde, et qui leur permettra de s'éveiller au fait que la culture canadienne est différente des autres cultures.

Je demande souvent aux étudiants de mes classes ce qu'est la culture canadienne. Ils ne savent me répondre que de façon négative. Cela m'inquiète beaucoup. Je pense qu'il y a des façons positives de répondre à cette question. Mais encore là, ce sont des choses qui se développent et non des choses innées. Je crois qu'un tel système d'infrastructure aiderait les gens à prendre conscience de leur propre culture.

Évidemment, nous avons besoin de ressources financières pour utiliser des ressources humaines qui existent déjà et qui sont disponibles à cause des réductions qu'on a connues à différents niveaux, tant culturel qu'éducationnel. Dans le document qu'on nous a remis, on nous demande comment cela se lie au travail. Je pourrais répondre que cela pourrait certainement créer des emplois à ces niveaux-là.

Quant aux utilisateurs de ce système, puisqu'on sait que la société canadienne devient malheureusement de plus en plus âgée et qu'on connaît la situation du système ambulatoire, ils pourront entre autres comprendre les gens âgés qui vont de plus en plus rester à la maison. Ils auront besoin de programmes non seulement afin de se distraire, mais aussi pour garder une certaine forme, peut-être pas en matière d'éducation, mais en matière d'information. Ce système d'infrastructures pourrait certainement avoir une tangente pour ce groupe de Canadiens.

J'appuie votre proposition visant à créer un institut national de la culture, un campus à distance qui pourrait couvrir tout le Canada. Ses services pourraient être accessibles sous forme écrite, à la télévision et, pourquoi pas, sur le Net. Je ne suis pas ici pour discuter des moindres détails, mais je crois que cela pourrait être un aspect important du développement de la culture canadienne. On pourrait aussi mettre des réseaux informatiques à la disposition de différents groupes d'intérêt social, ce qui nous permettrait aussi de couvrir les religions.

• 1125

Il existe des moyens d'offrir aux gens des réseaux qui leur feraient prendre conscience que le Canada est une société qui est—je n'ose pas dire distincte—différente de celle des États-Unis. De tels réseaux ou infrastructures pourraient intégrer tous les domaines culturels, autant le théâtre que la littérature, la musique et ainsi de suite.

Sur le plan juridique, la cohérence politique devrait évidemment entrer en ligne de compte. Un côté très important de ce genre de développement, c'est la stratégie de marketing. Il s'agit d'élaborer et d'offrir des produits à contenu canadien aux Canadiens, mais s'ils en ignorent l'existence et ne savent pas qu'ils sont intéressants, ils ne les consulteront pas. La stratégie de marketing dans ce genre de politique culturelle globale est extrêmement importante. Et pourquoi pas? On vit dans une société industrielle de consommation où tout le monde annonce son produit et dit que c'est le meilleur au monde. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose dans le cadre de cette stratégie culturelle? Cela exige évidemment un fonds monétaire culturel et éducationnel. Je n'ai pas tellement le temps de m'étendre là-dessus pour l'instant, mais je pourrai en parler un petit peu plus tard si vous le désirez.

Toutes ces interventions visent en fait à développer une conscience sociale canadienne ainsi qu'un sens civique critique face à notre société.

En fait, ce que je vous propose, c'est un petit peu une révolution tranquille de l'an 2000 à la canadienne, c'est-à-dire quelque chose qui nous offre un programme global qui inclue la culture, évidemment, mais aussi l'éducation, qui stimule les gens et qui leur fasse prendre conscience qu'ils sont tous membres de la même société.

L'élaboration d'un tel programme exige évidemment la présence d'une équipe dynamique dotée d'une vision. Et, pourquoi ne pas le dire, elle doit aussi être un peu audacieuse. Pour avoir une vision, il faut être un petit peu audacieux.

Voilà, c'est ce que j'avais à vous proposer ce matin. Mon collègue pourra peut-être vous parler de politiques un peu plus précises qui pourraient entrer dans mes stratégies de développement de la culture canadienne. Merci.

Le président: Merci beaucoup, professeure Martin.

Monsieur Cheney.

[Traduction]

M. Terry Cheney (témoignage à titre personnel): J'aimerais aborder le sujet à l'étude sous un angle novateur. Je vais d'abord vous présenter quelques faits assez précis et vous exposer ensuite quelles en seraient certaines conséquences pour la politique culturelle que nous pourrions nous donner pour les cinq à dix prochaines années. J'aimerais d'abord vous entretenir brièvement de certains aspects des changements sociaux qui constituent la toile de fond du sujet à l'étude, y compris certaines des grandes questions environnementales qui ont une incidence sur les changements sociaux et la politique culturelle. J'aimerais d'abord vous présenter certaines données démographiques se rapportant à la culture, vous décrire quelles ont été les tendances dans le domaine culturel ces 10 ou 20 dernières années et vous présenter les possibilités et la demande prévisibles pour les 10 ou 20 années à venir.

Je vais d'abord insister sur un aspect de la donne démographique qui, à mon sens, est celui qui revêt le plus d'importance pour la politique culturelle. Je ne parle pas de la génération du baby-boom, mais plutôt du niveau d'instruction de la population canadienne. Il s'agit de voir quelle est l'incidence de cette donnée démographique sur la demande culturelle. Je vais donc vous parler brièvement des conséquences de la donne démographique pour les créateurs et les travailleurs du domaine culturel.

• 1130

Pour simplifier les choses, je vais vous distribuer de très belles images et je prendrai quelques minutes pour vous les expliquer.

Avant de le faire, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet du contexte dans lequel s'inscrivent ces changements sociaux. Comme vous vous en êtes déjà rendu compte, le sujet des changements sociaux et de la politique culturelle est assez complexe...

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je vous prie de bien vouloir attendre que j'aie le document en main.

[Traduction]

M. Terry Cheney: Les documents seront importants pour la deuxième étape, mais ils ne sont pas essentiels pour l'instant.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Parfait.

[Traduction]

M. Terry Cheney: Il est difficile de savoir ce que devrait être la politique culturelle et ce qui constitue la culture, et il est aussi difficile de savoir ce qu'on entend vraiment par changements sociaux. Je formule quelques hypothèses là-dessus dans les notes que je vous ai remises.

Il importe de se rendre compte lorsque l'on étudie les changements sociaux qu'une bonne part des facteurs sur lesquels se fondent les analyses démographiques ne sont pas vraiment normatifs. Ils s'inscrivent dans un contexte très complexe, sans doute plus complexe que par le passé. C'est du moins une thèse qu'on peut soutenir. La technologie, les ordinateurs, les communications, la mondialisation des marchés et des populations actives, le rôle changeant des gouvernements, la situation économique, les tendances touristiques et la valeur du dollar canadien sont tous des facteurs qui ont une incidence sur le secteur culturel. Les changements sociaux ne constituent donc qu'un aspect de l'équation.

Que peut-on dire au sujet des changements sociaux au Canada? La façon dont on conçoit les changements sociaux est fonction de son domaine d'activité. Si vous travaillez dans le domaine des services de garde, le changement social qui importe, c'est le retour des femmes sur le marché du travail. Dans le domaine des services de santé, c'est le vieillissement de la population et l'augmentation de la demande en services qui en résulte.

Dans le secteur culturel, comme je l'ai dit, le plus important changement social ayant une incidence sur la vie quotidienne des Canadiens—c'est ce qui distingue pour moi un changement social d'une question macro-économique—est le fait que la population a maintenant un haut niveau d'instruction.

Le deuxième changement social important est la modification de la structure familiale, notamment la façon dont les familles se comportent, la façon dont on fait l'apprentissage de la vie, l'entrée des femmes sur le marché du travail et le fait que les Canadiens ont moins d'enfants et les ont moins jeunes que par le passé.

L'un des graphiques les plus intéressants que j'ai vus dernièrement portait sur le nombre de cousins que comptait une même famille sur une période de 100 ans. Il y a 100 ans, la plupart des gens avaient 50 cousins. Ce nombre est passé à 25 et ensuite à 10. Aujourd'hui, peu de gens ont plus de cinq cousins. Autrefois, c'est auprès de ces cousins, beaucoup plus qu'auprès des institutions sociales, qu'on apprenait la vie. Aujourd'hui, si vous avez des cousins, si quelqu'un a des cousins, ils sont sans doute à Vancouver en raison d'un autre facteur important: la mobilité.

L'urbanisation est vraiment un facteur important pour ce qui est de l'accès à la culture. Il y a polarisation économique de la société entre, d'une part, les nantis, et d'autre part, les pauvres. Les gens prennent leur retraite plus tôt que par le passé. Il y a aussi la question du divorce.

Les tendances en matière d'immigration changent également. Proportionnellement à sa population, le Canada comptait sans doute plus d'immigrants il y a 100 ans, mais la provenance des immigrants a changé.

La vie quotidienne et le système d'éducation ont aussi changé, il y a plus de chômage et on ne fait plus nécessairement la navette entre le travail et la maison.

Tous ces facteurs ont une incidence sur le revenu disponible et, par conséquent, sur les choix que l'on fait au point de vue culturel. Le facteur sur lequel tous ces changements ont le plus d'incidence, c'est le temps libre. Dans les années 60 et 70, divers auteurs prédisaient l'avènement de la société de la culture et des loisirs. Cette société n'est ni apparue dans les années 70 ni dans les années 80. En fait, les données montrent que le temps consacré aux loisirs diminue sans doute depuis 75 ans. Tous ces facteurs ont une incidence sur le secteur culturel.

Il ne faudrait pas non plus oublier que la société canadienne n'est pas la seule à avoir changé. Le phénomène est mondial. L'ampleur que prennent les changements sociaux dans le reste du monde aura aussi une incidence au Canada.

On est obsédé à l'heure actuelle au Canada avec la génération du baby-boom. Or, le phénomène n'est pas mondial; il ne touche que le Canada. La génération du baby-boom n'a pas causé de crise aux États-Unis, mais elle en cause une au Canada.

J'aimerais maintenant vous parler à proprement dit de l'incidence de la démocratie sur la participation culturelle sans pour autant chercher à vous donner une définition de la culture et à me prononcer, à savoir si le film québécois Les Boys qui, la semaine dernière, a été vu par beaucoup plus de gens que Mon oncle Antoine, peut être considéré comme une création culturelle ou non.

Je vais maintenant surtout vous parler de l'auditoire pour la culture. Les facteurs de taille et d'échelle déterminent le contexte culturel. Les gens ont tendance à croire que la culture est réservée à une élite, mais en fait, la culture, ce sont les bibliothèques publiques, les musées où l'on amène ses enfants, les livres et les magasines, la télévision, le cinéma, bref, la culture a une incidence sur la vie de tous les Canadiens où qu'ils se trouvent. Un nombre important de Canadiens s'adonnent à ces activités. Ainsi, 50 p. 100 des gens visitent un musée à un moment donné au cours de l'année.

• 1135

Qui s'adonne à des activités culturelles? Les données confirment que tout le monde le fait. L'auditoire est très démocratique. On a tendance à se représenter le client type des expositions artistiques ou des musées comme étant une dame aux cheveux blancs qui possède un diplôme en beaux-arts, mais il est peu probable que cette description convienne à la clientèle type des musées. Autant d'hommes que de femmes fréquentent les musées. Autant de diplômés en gestion des affaires que de diplômés en beaux-arts fréquentent les musées et le client type n'a peut-être même pas un diplôme d'études secondaires. L'auditoire des musées est sans doute beaucoup plus diversifié que ce qu'on pourrait croire ou que ce que les gestionnaires des établissements culturels pensent.

Les recherches montrent—et c'est le facteur qui exerce la plus grande influence sur la participation aux activités culturelles—que le niveau d'instruction de la population canadienne a beaucoup augmenté depuis 1960. On s'attendrait évidemment à ce que le marché pour la culture soit florissant en raison de l'augmentation de la population due au baby-boom.

Pour essayer de vous expliquer concrètement ce dont il s'agit, j'aimerais que vous regardiez ces deux graphiques. Ce que j'aimerais que vous reteniez de mon exposé, ce sont ces deux graphiques.

Le premier graphique est une case—dans ce cas il s'agit d'un rectangle—et un triangle. Les graphiques que je vous ai remis sont divisés en lignes. Voici la population canadienne. Voici le graphique démographique le plus important pour ce qui est de la politique sociale. La population canadienne est divisée en segments de 10 ans. Au haut du graphique, les gens ont 75 ans. Au bas, ils ont entre 15 et 24 ans. Les gens qui sont dans la case n'ont pas terminé leurs études secondaires et ceux qui se trouvent dans le triangle ont fait des études collégiales et universitaires.

Ce qui est intéressant à noter, c'est que le segment de la population qui est le plus âgé a aussi plus de personnes. Si votre produit s'adresse aux 45 à 55 ans, dans 10 ans, vous en vendrez davantage. C'est le segment de la population qui a fait des études postsecondaires qui croîtra. À un moment donné, à mesure que la population vieillira, la moitié du marché aura fait des études postsecondaires. Cela fait ressortir l'effet de l'instruction sur la population à mesure que celle-ci vieillit.

Le deuxième graphique présente un piège parce qu'il faut le tourner de côté pour que la flèche pointe vers le bas. Il porte également sur l'évolution de la population canadienne.

Je me suis muni d'un petit accessoire. S'il se trouve des Américains ici, il ne vient pas de La Havane.

Imaginons que la population canadienne se trouve dans cette case. À mesure que le niveau d'instruction de la population canadienne augmente, elle se déplace vers la droite. À mesure qu'elle vieillit, elle se déplace vers le bas.

Où se dirige la population canadienne? Au bas dans le coin. Son niveau d'instruction est déjà plus élevé et elle vieillit lentement. Les Canadiens perdent leurs cheveux et grisonnent. Ils ont des maux d'estomac. Leurs enfants quittent le nid familial. Ils finissent de payer leurs hypothèques.

La population se dirige ici. Toute activité dans ce coin-ci va se traduire par un marché plus fort. Le potentiel du marché en haut ici sera plus faible.

La question qui se pose évidemment est de savoir quelle est l'incidence des changements dans la population sur les activités culturelles. Nous avons résumé la tendance générale dans les deux graphiques qui suivent.

La photocopie n'est pas très belle. Ils étaient beaucoup plus beaux à l'origine. Comme ils sont un peu difficiles à voir, je vous ai donné des photocopies en noir et blanc.

Voyons rapidement quelle est l'incidence des changements sociaux et des changements démographiques sur les activités culturelles. À titre de comparaison, prenez la case du haut qui porte sur l'exercice. L'exercice est-il plus important ou moins important pour ces gens? La case ombragée représente la proportion de la population pour laquelle l'exercice est plus important. Plus les gens vieillissent, plus ils attachent de l'importance à l'exercice. Les jeunes attachent cependant aussi beaucoup d'importance à l'exercice. Le fait que les gens vieillissent et soient plus instruits les amènent à attacher de l'importance à l'exercice, mais à mesure que la génération du baby-boom vieillit, l'exercice devient de moins en moins important.

• 1140

Prenons l'exemple intéressant de la lecture. La lecture est représentée par un triangle. La population se dirige au coeur même de ce triangle, là où les gens attachent le plus d'importance à la lecture. Les enregistrements sonores sont essentiellement liés à la jeunesse et n'ont rien à voir avec le niveau d'instruction. Lorsqu'on est jeune, on écoute des disques et lorsqu'on est vieux, on a tendance à ne pas le faire. Les gens plus âgés qui ont fait des études regardent moins la télévision que les gens plus âgés qui n'en ont pas fait.

La dernière page présente plus d'intérêt pour ce qui est des activités culturelles. Pour vous aider à comprendre ces graphiques, je vous fais remarquer qu'avant de s'adonner à des activités culturelles, on commence par jouer à certains jeux et à aller à des événements sportifs. Le fait de participer à un événement sportif n'a rien à voir avec le niveau d'instruction. Les jeunes et ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge mûr vont à des événements sportifs. Il y a un lien évident avec ce que l'on appelle le cycle de vie familiale. Si on est jeune, on assiste à des événements sportifs. Si l'on a de jeunes enfants, on les amène à des événements sportifs. Quand on vieillit, on ne va plus à ce genre de spectacles.

Prenons certaines activités culturelles. Ce sont surtout les jeunes qui vont au cinéma. La fréquentation du cinéma cependant est liée au niveau d'instruction des gens. À mesure que les gens vieillissent, ils vont moins au cinéma.

Le niveau d'instruction a une incidence sur la fréquentation des bibliothèques, des galeries d'art et des musées. Les gens instruits ont tendance à fréquenter ces institutions davantage que la moyenne et cette tendance se maintient pendant toute leur vie. La clientèle des bibliothèques, des galeries d'art et des musées a donc crû dans les années 70 et demeurera à un bon niveau.

Il existe un lien important entre l'âge et le goût des arts de la scène, du théâtre et de la musique classique. Plus on vieillit et plus on est instruit, plus on a tendance à s'adonner à ce genre d'activité. Le marché pour le théâtre et la musique classique a dû être assez faible dans les années 60 et 70, mais s'est amélioré dans les années 80 et 90.

En se fondant sur les caractéristiques des segments de la population qui participent à des activités culturelles et les tendances en ce qui touche la population, on peut se faire une bonne idée de ce qui sera plus populaire et de ce qui le sera le moins et du type de clientèle pour chaque activité culturelle. Voilà donc quelques points de référence qui pourraient vous indiquer dans quels domaines il conviendrait d'axer les efforts et les ressources.

Il est évident que certaines activités comme les arts de la scène connaîtront une certaine croissance dans les années à venir après avoir connu un certain déclin. Les livres et les revues ont une clientèle plus stable. On peut s'attendre à ce que la fréquentation des événements sportifs et des cinémas diminue.

Je me permets de vous rappeler qu'il s'agit de prévisions et non pas de certitude. On prévoit depuis 20 ans la diminution du nombre d'amateurs de cinéma, mais même si cette diminution a bien eu lieu, les recettes tirées des films n'ont pas cessé de croître. Les ventes de shampoing pour bébé devraient diminuer parce que les gens ont moins d'enfants, mais il suffit de convaincre les adultes que le shampoing pour bébé est bon pour eux pour que ce produit continue de se vendre. Les prévisions peuvent vous aider à planifier, mais n'ont rien d'immuable.

Ce que ces données démographiques nous indiquent, c'est que les activités culturelles devraient devenir de plus en plus importantes à mesure que les membres de la génération du baby-boom prendront de l'âge. On peut aussi en déduire que le nombre de personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires ne diminue pas. L'auditoire auquel on s'adressera sera donc complexe à mesure que les membres de la génération du baby-boom vieilliront.

Avant de terminer, j'aimerais que nous parlions un instant des travailleurs du domaine culturel. Pour recueillir des statistiques sur la culture, il est beaucoup plus facile de s'adresser à une institution culturelle, de lui demander quel est son budget et de traiter ensuite ces données. Il est beaucoup plus difficile de savoir ce que le Canadien moyen fait en soirée.

Il est également difficile d'étudier ce qu'on appelle les travailleurs du domaine culturel parce qu'ils sont souvent des travailleurs autonomes. On ne peut pas demander à voir la liste de paye d'un établissement culturel. Il est difficile de savoir qui sont les travailleurs du domaine culturel. Les établissements culturels ont fait l'objet d'études approfondies, mais on ne peut pas en dire autant de l'auditoire pour la culture et des créateurs eux-mêmes. Soit dit en passant, je crois que c'est ce qui explique certaines lacunes en matière de recherche et de politique.

Quelles sont les caractéristiques particulières des travailleurs du domaine culturel? Comme vous le savez sans doute, leur nombre est étonnamment élevé. Même si on définit de façon assez étroite cette catégorie de travailleurs, elle représente environ 1,5 p. 100 de la population active, ce qui signifierait que les travailleurs de ce secteur sont encore plus nombreux que ceux des fameux secteurs des pêches, des mines et des forêts. Ce pourcentage pourrait être beaucoup plus élevé si on définit de façon plus large l'appartenance à ce secteur.

Qui sont ces gens? Le plus souvent, ce sont des travailleurs autonomes, comme je l'ai dit, ce sont des personnes qui ont un niveau d'instruction assez élevé. Parce que la population est devenue plus instruite, il y a plus de gens qui ont des occupations culturelles. D'après les données sur l'économie canadienne depuis 1971, ces occupations sont parmi celles qui croissent le plus vite.

• 1145

Étant donné qu'ils sont des travailleurs autonomes, ces gens ont des besoins particuliers. Ils ne peuvent pas s'inscrire à des programmes gouvernementaux. On ne peut pas toucher d'assurance- chômage quand on n'a jamais eu d'emploi rémunéré, qu'on a toujours été travailleur indépendant. S'ils ont besoin de s'initier aux nouvelles technologies, ces travailleurs ne peuvent pas compter sur des gestionnaires qui trouveraient les cours de formation voulus et qui les paieraient pour suivre ces cours. Les travailleurs autonomes n'ont même pas les moyens de savoir que ces cours existent. Ce sont là des caractéristiques bien particulières.

Sur le plan démographique, il y a une nouvelle tendance qui se dessine du fait que la génération du baby-boom vieillit et la population active aussi. Beaucoup de cadres supérieurs ont entre 50 et 60 ans et sont sur le point de prendre leur retraite. Comme il n'y a pas eu de promotions pendant 15 ans, il n'y a pas de bassin de personnes dans les rangs juste au-dessous d'eux pour prendre la relève. Nous sommes donc sur le point de nous retrouver dans une crise de compétences parmi la population active.

L'autre statistique intéressante provient du recensement de 1991. Le taux de croissance rapide qui caractérise la main-d'oeuvre culturelle depuis 20 ans commence déjà à ralentir. Ainsi, la main- d'oeuvre culturelle commencera à perdre de ses effectifs, et on verra une réduction du nombre de ceux qui veulent faire carrière dans le domaine culturel.

Dans l'ensemble, ces données sur le changement social, notamment la participation culturelle et l'auditoire culturel, nous donnent une meilleure idée, à mon sens, du rôle de la culture dans la société canadienne et nous indiquent si ce rôle prendra de l'ampleur ou s'il en perdra dans les 10 ou 20 années à venir. Elles nous donnent une idée des rajustements qui seront nécessaires— s'agissant par exemple d'élaborer des politiques culturelles, quels sont les domaines où les besoins seront sans doute plus grands et quels sont ceux où ils le seront moins dans les 5 ou 10 années à venir?

Pour ce qui est des questions qui se posent, je suis en partie d'accord avec la déclaration précédente. D'une certaine façon, la commercialisation, la promotion et l'éducation relatives à la culture sont finalement cruciales pour une multitude de raisons. La possibilité que la main-d'oeuvre commence à s'affaiblir au moment même où il en faudrait une plus forte est un des problèmes qu'on voit poindre à l'horizon.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cheney.

M. Winn nous a fait savoir qu'il sera en retard à cause d'une situation d'urgence. Je propose donc que nous commencions tout de suite à interroger M. Cheney et Mme Martin.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci. J'ai trouvé vos deux exposés extrêmement intéressants, et je vous remercie d'être venus nous rencontrer.

Pendant que je vous écoutais—et j'ai écouté très attentivement ce que vous disiez—j'essayais de me faire une image des personnes qui se trouvent ici dans cette salle. Il me semble qu'il y a là un lien très évident avec votre exposé. Je suppose que la plupart de ces illustrations remonteraient à 1910 ou 1920 environ—du moins, c'est ce qu'il paraît—et je crois qu'elles sont représentatives de la culture canadienne de cette époque. On n'y voit pas bien sûr d'écrans d'ordinateur. On n'y voit pas de personnes assises à leur bureau ou debout à côté d'une photocopieuse. On y voit plutôt des gens, dans le coin-là, qui sont emmitouflés comme on ne le serait pas si le Canada se trouvait près de l'équateur. Elles illustrent un mode de vie agraire. Elles illustrent le travail.

Notre société a évolué depuis, mais je dirais que ces illustrations reflètent la culture canadienne des années 10 et 20 et elles n'ont pourtant rien à voir avec la politique culturelle.

Par ailleurs, avant de faire la sottise de me lancer en politique, j'ai eu la chance de travailler à différents moments de ma vie pour deux très grandes multinationales japonaises. J'ai constaté que la culture japonaise ne fait aucune place au sarcasme. Le sarcasme n'existe tout simplement pas dans la culture japonaise. Prenons mon cas, par exemple. Comme vous pouvez le voir, je suis plutôt chauve, et au Canada, on pourrait être tenté de faire des remarques sarcastiques sur mon front dégarni. Aucun Japonais ne ferait de remarques pareilles, parce que ça ne fait pas partie de la culture japonaise. On pourrait aussi être tenté de dire que je devrais me lancer dans la vente de brosses à cheveux; encore là, c'est du sarcasme, et le sarcasme fait partie de notre culture.

Voici où je veux en venir. Ottawa tient à l'heure actuelle son festival d'hiver: le festival englobe diverses activités, dont certaines bénéficient de fonds publics, mais auxquelles l'entreprise privée apporte une aide financière importante et auxquelles les Canadiens sont libres de participer.

Calgary a son rodéo appelé Stampede, où le chapeau de cowboy et le jean sont de rigueur, tout comme la danse en ligne. Le Stampede est peut-être un excellent exemple de ce que je considère comme étant l'essence même de la culture canadienne de l'Ouest, et pourtant le gouvernement n'y joue aucun rôle.

J'ai noté un bout de phrase: «le rôle de la culture dans la société canadienne». Ce que je veux examiner, c'est le niveau d'intervention gouvernementale dans les efforts pour créer une culture canadienne. Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans les efforts en ce sens, étant donné les exemples que je viens de citer? Doit-il revenir au gouvernement de faire en sorte que tout le monde au Stampede de Calgary porte un chapeau rouge au lieu d'un chapeau blanc? À votre avis, quel doit être le rôle du gouvernement dans la création de la culture canadienne? Vous avez aussi parlé de la consommation de produits culturels. Qui participe à la culture? «L'auditoire des produits culturels». Selon moi, ces termes—et je ne veux pas manquer de respect à qui que ce soit—ne cadrent tout simplement pas avec le Stampede de Calgary, avec le festival d'hiver ou avec ces illustrations.

• 1150

D'après vous, le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans la création de la culture canadienne, ou devrions-nous plutôt encourager les Canadiens à poursuivre les activités qui les intéressent, sans y faire obstacle, et à refléter ces activités? Il y a une différence.

Le président: Votre question s'adresse-t-elle aux deux témoins?

M. Jim Abbott: Oui.

Le président: Madame Martin.

[Français]

Mme Michèle Martin: Personnellement, je ne pense pas que le gouvernement doive s'engager directement dans la création de la culture canadienne. Si c'est l'impression que j'ai donnée, elle est fausse. Ce n'était pas du tout mon intention.

Je crois que le gouvernement devrait s'engager dans la création d'infrastructures qui permettraient aux gens de créer de la culture canadienne. Ces infrastructures permettraient aux Canadiens de produire sur le plan culturel. Il s'agirait de leur fournir des moyens technologiques, d'établir des réseaux ou encore, comme je l'avais suggéré plus tôt, des institutions nationales. En plus de ces moyens techniques, il faudrait aussi fournir aux Canadiens des moyens financiers pour qu'ils puissent, selon leur culture et selon leur région, les utiliser à leur façon pour créer le genre de culture qu'ils veulent créer. Mes propos n'avaient pas pour objet de prétendre que le gouvernement devrait s'occuper de création culturelle comme telle.

Par contre, j'ai bien parlé de l'élaboration d'une identité canadienne. Je crois qu'il est important, au moins sur le plan général, qu'on sache qui on est et où on va. Donc, dans ce sens-là, je crois que le gouvernement a un rôle à jouer, mais cela ne coûte rien. Cela a déjà été déterminé. On l'oublie de plus en plus. Ce pourrait être simplement un rappel de ce que les Canadiens sont et un rappel sur le plan national. Voilà.

[Traduction]

M. Terry Cheney: La question touche en fait à certains des gros points d'interrogation relatifs à la politique culturelle et des questions concernant la nature de la culture, son effet sur la société ou sur les particuliers et le rôle du gouvernement à cet égard. La question que vous posez n'est pas une question de recherche à mon avis, mais cela ne m'empêchera pas de tenter d'y répondre.

Il me semble que l'élément clé du rôle du gouvernement relativement à la culture consiste à déterminer les objectifs légitimes et le rôle que peut jouer le gouvernement. J'ai demandé tout à l'heure s'il était légitime pour le gouvernement de participer à la production cinématographique, quelle qu'elle soit, parce qu'elle crée des emplois. J'ai cité en exemple le film Porky's, des années 70 ou 80. Ou bien son rôle est-il de ne produire qu'un certain type de films, comme ceux que produit l'ONF par exemple?

Il faut d'abord déterminer quels sont les objectifs à atteindre et décider ensuite ce que peut faire le gouvernement.

La première chose à faire serait de préciser les objectifs. Que voulons-nous avoir dans notre société? Voulons-nous un musée dans toutes les villes? Voulons-nous un seul musée pour le pays tout entier? Quel est le rôle du gouvernement à cet égard? Je suppose que le gouvernement ne voudrait pas se mettre à «créer la culture» comme vous le disiez.

Nous pourrions décider qu'il appartiendrait au gouvernement d'appuyer, de soutenir, d'encourager les activités, d'en faire la promotion, de fournir l'infrastructure nécessaire, de jouer un rôle sur le plan de l'éducation, voire de mettre en place des canaux de distribution, de sensibiliser les gens au rôle de la culture dans leur vie et de faire connaître les produits culturels. Il me semble qu'ils sont plutôt rares les Canadiens qui verraient ces illustrations et qui auraient le temps de réfléchir et de se demander ce qu'elles leur montrent de la vie au Canada.

• 1155

Il y a d'énormes questions qui se posent sur le plan de l'identité et de l'unité. Voici l'exemple qui vient aussitôt à l'esprit à cet égard. Nous avons peut-être un sentiment d'identité, mais nous n'avons sans doute pas de sentiment d'unité par rapport aux 30 millions d'autres Canadiens. Quel est donc l'objectif de la culture dans ce sens-là?

À mon avis, le gouvernement a manifestement un rôle à jouer dans la culture, qu'il s'agisse de la supprimer—on est libre de choisir les objectifs—, de la nourrir ou d'en faire la promotion active. Quand on est au gouvernement, il s'agit de choisir le contexte qui convient.

Je sais que c'est pousser les choses un peu loin, mais le souvenir qu'on a des civilisations passées tient généralement à leurs réalisations culturelles—la bibliothèque d'Alexandrie, les oeuvres de Shakespeare. Je ne crois pas que le Conseil des arts ait aidé Shakespeare; Shakespeare a tout fait lui-même. Quant à la bibliothèque d'Alexandrie, elle a sans doute été construite parce que quelqu'un a décidé que ce serait bien d'avoir cette bibliothèque pour la société dans laquelle il vivait.

Il me semble que le gouvernement a un rôle à jouer pour ce qui est de favoriser la réalisation de certaines de ces choses qui font que la vie vaut vraiment la peine d'être vécue, mais il faut décider des objectifs à réaliser et choisir le moyen d'y arriver. Cela ne doit certainement pas se faire par la force selon moi, car on n'obtiendrait tout simplement pas les résultats voulus ainsi. Ceux qui s'occuperaient de créer des produits culturels iraient ailleurs et produiraient eux-mêmes ce qu'ils veulent produire.

Le président: Merci.

Madame Tremblay, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je vous remercie de vos présentations et de votre présence ici. Depuis que nous, du Bloc québécois, sommes à Ottawa, nous faisons d'énormes efforts pour défendre la culture canadienne tout en ne perdant jamais de vue notre option souverainiste. Il y a de bonnes raisons à cela. C'est entre autres parce qu'on veut que le Canada arrive à être peuplé de Canadiens et non pas d'Américains et arrive à se définir de façon positive.

Nous avons fait l'expérience, nous aussi, de demander à des Canadiens: «Qu'est-ce que c'est, être Canadien par rapport à être Américain?» Nous nous sommes souvent fait répondre: «Au Canada, nous avons des francophones.» Nous avons souvent entendu dire qu'au Canada, il y avait des Québécois.

Donc, l'effort que nous consacrons à la formulation de nos questions aujourd'hui se fait toujours dans la perspective que le Canada en arrive à se donner une culture forte, parce qu'on veut un voisin qui ait une identité forte.

Mais quand on parle d'élaborer une politique canadienne de la culture, quelle définition de la culture devrions-nous nous donner? Une définition normative ou une définition anthropologique? Comment pourrait-on distinguer culture et propagande?

Comme il n'y avait pas de ministère de la Culture, on a créé celui du Patrimoine canadien, et depuis une couple d'années, on voit qu'on confond culture et propagande. On s'imagine qu'à coups de drapeaux, on va donner une identité au monde canadien, qu'en parlant d'identité et de culture, on va forcer l'unité. Avant qu'on soit capables de tirer cette question au clair, de pouvoir dire qu'on devrait mettre ceci et cela dans la culture canadien, il me semble qu'on devrait préciser un ensemble de concepts flous. Je ne sais pas quel est votre point de vue sur la question.

[Traduction]

M. Terry Cheney: C'est là toute une liste de questions. Je crois qu'on s'aventure—je ne pense pas que les champs de mine soient l'image qui convienne—sur des sables mouvants quand on se met à parler de culture.

La culture est certainement un des mots les plus fuyants de notre langue, et il est utilisé à toutes sortes de sauces. On a tendance à considérer les arts et la culture comme étant synonymes. «Les arts», c'est un terme qu'on entend souvent utilisé pour désigner, dans le contexte des biens culturels au niveau fédéral, les groupes à but non lucratif qui pratiquent les arts de la scène; ces groupes deviennent synonymes des arts, puis de la culture, et il y a là des milliards de dollars de retombées économiques.

Il y a une foule de raisons qui expliquent le caractère fuyant de la culture. Cela revient sans doute à cette question des objectifs. Doit-on y voir quelque chose d'anthropologique? C'est en partie ce que vous disiez. Doit-on y voir une échelle de valeur, soit entre le bien et le mal? Galbraith parle dans son livre d'une «société bonne». Doit-on y voir de la propagande? Il est facile à mon avis de s'en saisir et de l'utiliser à des fins de propagande.

Il me semble que la culture se fait toute seule. Si l'État façonne une culture et qu'il la donne aux Canadiens pour qu'ils puissent se sentir Canadiens, il n'obtiendra pas le résultat escompté. Le rôle du gouvernement consiste à fournir les graines, à les cultiver, à les aider à pousser. D'une certaine façon, la politique culturelle n'est pas à l'origine de l'art; elle aide les gens à appréhender l'art et la culture, à les apprécier, à former leur propre sentiment d'identité, que cela prenne six mois ou 600 ans. Je ne pense pas qu'on puisse la leur faire avaler à la hâte.

Voilà donc les grandes questions. Parlons-nous de quelque chose d'anthropologique? La soirée du hockey au Canada, c'est sans doute la composante la plus caractéristique de la culture canadienne, ou du moins ce l'était. Radio-Canada la diffuse-t-elle toujours? Quels sont au juste les objectifs de la politique culturelle? S'agit-il de favoriser un sentiment d'identité? S'agit-il d'objectifs anthropologiques? S'agit-il de créer un sentiment du bien social? S'agit-il d'objectifs économiques? Nous n'avons pas du tout parlé de cela encore.

• 1200

[Français]

Mme Michèle Martin: J'ajouterai seulement que je suis tout à fait d'accord avec mon collègue qui est ici. C'est vrai que la culture émerge de nos habitudes, de nos activités, de nos actions, de nos idéologies. C'est pourquoi je disais au tout début qu'il y a au moins un point qui nous distingue des États-Unis, et c'est ce fond de justice sociale. Je crois qu'il existe encore au Canada. Pour combien de temps? Je ne le sais pas, mais je crois que c'est un trait important de notre culture.

Il y a sûrement aussi le bilinguisme qui, encore une fois, existera pendant je ne sais combien de temps. Ce sont là deux points précis. Le reste est plutôt flou, comme vous disiez, parce que le milieu est pluriculturel. Il ne faut pas non plus, comme disait mon collègue, imposer une même culture à tout le monde. Il faut laisser l'originalité culturelle émerger des différents groupes, des différentes régions.

Vous faisiez mention de la différence entre culture et propagande, et je crois que c'est un point important. Justement, si le gouvernement fédéral se mettait à créer de la culture, à ce moment-là on pourrait peut-être parler de propagande. C'est pourquoi j'insistais, et mon collègue l'a fait aussi, sur le fait qu'il est important que le gouvernement s'engage dans le développement d'infrastructures, d'institutions et ainsi de suite, et laisse aux gens la possibilité de créer la culture.

Cela ne veut pas dire non plus que je pense que toute la culture devrait être créée par ces moyens-là. C'est évident qu'il y aura toujours de la culture qui sera créée par des industries privées. Ce serait idiot de ne pas s'en servir et cela n'arrivera pas non plus.

Donc, il faut faire attention, parce que si la culture était laissée entièrement entre les mains du gouvernement, je crois, pour employer une expression populaire, que cela pourrait friser la propagande. Cela, nous voulons l'éviter à tout prix, évidemment.

Comme je le disais, je voyais une politique culturelle développée à partir des gens et non à partir d'en haut. Si c'est développé à partir des gens, je pense qu'on évite par le fait même le danger de tomber dans la propagande.

[Traduction]

Le président: Madame Hardy, vous avez une question?

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): J'ai deux ou trois observations à faire.

Je suis du Yukon, et j'estime que le Nord a une identité culturelle très forte. Pendant que je vous écoutais, j'ai fait le total de tous les festivals et activités que nous avons chez nous, dans une région très pauvre du pays.

Nous avons des festivals de la musique qui se tiennent l'hiver, des festivals pour souligner une journée en particulier et un festival qui réunit des conteurs de divers pays du monde. Nous avons notre Sourdough Rendezvous et nos courses de traîneaux à chiens. Dans toutes ces activités, il entre une part de vision, d'entrepreneuriat et de bénévolat, et ces activités répondent à un besoin énorme chez une population qui alterne sans cesse entre la prospérité et la récession.

Les bénévoles sont des gens de la place. Ils n'ont pas de travail, mais ils sont prêts à consacrer leurs efforts à un festival qui réunit des conteurs du monde entier et qui est financé chaque année, dans une certaine mesure, par des subventions gouvernementales. Le Yukon offre des subventions aux artistes pour qu'ils puissent aller se perfectionner et revenir chez nous, enseigner à des chorales et se déplacer dans les différentes collectivités du Nord.

Tout cela contribue à créer des collectivités très unies. Il faut travailler ensemble, d'abord, et les activités réunissent des gens de tous les milieux qui viennent célébrer les contes et légendes des Premières nations.

Ce sont les Gwich'in, je crois, qui tiennent chaque année la plus ancienne manifestation culturelle que nous ayons. Il s'agit de la rencontre circumpolaire des Gwich'in, où les jeux traditionnels sont à l'honneur.

Je trouve vraiment fascinant de voir comme la culture fait partie intégrante de toutes les facettes de notre société et de la vie quotidienne des gens. On va travailler, puis on travaille comme bénévole; on participe à une pièce de théâtre, on coordonne les activités des enfants. Tout cela contribue à créer une communauté forte.

Je n'ai pas de question à poser, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce que je viens de dire.

• 1205

[Français]

Mme Michèle Martin: C'est-à-dire que vous avez un mélange d'interventions de l'État par les fonds qui sont donnés aux artistes et d'interventions de l'entreprise privée, de gens qui s'engagent volontairement et qui en arrivent à développer un sens très profond de la communauté et de l'identité communautaire.

Mais si vous aviez un système, des réseaux et des infrastructures qui vous aident, non seulement à avoir cette bulle culturelle dans le Nord, mais aussi à montrer aux gens ce qui se passe dans votre région, il me semble que cela pourrait constituer un avantage pour le reste des Canadiens.

[Traduction]

M. Terry Cheney: J'étais au festival des conteurs l'an dernier. C'était vraiment extraordinaire.

J'estime que vous avez soulevé deux points importants. D'abord, le sens véritable des activités de ce genre réside dans l'interaction sociale qu'elle favorise dans la collectivité. On peut sans doute entendre mieux comme musique à la télé ou obtenir un meilleur son de sa chaîne stéréo, mais les gens veulent sortir de chez eux et aller rencontrer d'autres membres de leur collectivité, leur parler, voir ce qui se passe et échanger avec eux. Comme voie de communication entre les membres d'une même société, les activités de ce genre sont très importantes, peu importe leur valeur strictement artistique.

L'idée voulant que les activités naissent ou poussent à partir de racines assez naturelles soulève une question intéressante: à quel moment peut-on dire que telle activité commence à être intéressante et aurait besoin d'être gérée. Il est alors possible d'exagérer du côté de la gestion. Pour assurer un juste équilibre sur le plan de la politique gouvernementale, il faut prendre garde de ne pas tomber dans une gestion excessive de sorte que l'activité s'éloigne de ses racines pour ne devenir plus que processus et système.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): J'ai moi aussi écouté les deux exposés et certaines des questions. Je voulais corriger ce qu'a dit mon collègue M. Abbott et le remercier pour la publicité. Il ne faut quand même pas se tromper de nom: c'est Bal de neige. Merci quand même pour la publicité. J'espère que vous participerez à certaines des activités, surtout celle qui se déroule sur la Colline. Nous avons vu ces sculptures représentant les provinces et les territoires commencer à prendre forme aujourd'hui. Ce devrait être intéressant.

Le soutien gouvernemental à la politique culturelle ou à l'expansion et à l'épanouissement de la culture peut être considéré dans l'optique de la fameuse bouteille qui est à moitié vide ou à moitié pleine... certains y voyant une intervention, et d'autres un soutien. À ce propos, nous devrons sans doute nous mettre d'accord pour ne pas être d'accord.

Monsieur Cheney, je n'ai aucun mal à reconnaître le bien-fondé de ce que vous dites au sujet des tendances que vous avez illustrées par des données démographiques et de ce que nous réserve l'avenir. Il est assez facile de vérifier que, au fur et à mesure que la population vieillit et qu'elle devient plus instruite, les gens auraient effectivement tendance à graviter vers certaines activités plutôt que d'autres. Je crois que la plupart des gens sont prêts à accepter cela.

Cela m'amène à une question que je veux adresser à Mme Martin et peut-être aussi à vous-même.

[Français]

Mme Martin disait qu'une politique culturelle devait être active plutôt que passive et qu'on devait cesser de régler certaines situations cas par cas. La question que je veux poser est la suivante: si on peut entrevoir d'ores et déjà, en se fondant sur les projections démographiques du pays, que certaines sphères culturelles, certains genres d'activités culturelles seront plus populaires et attireront une clientèle grandissante, est-ce que la politique culturelle de la nation devrait tenter de renforcer cette tendance ou plutôt tenter de combler les lacunes possibles ou s'orienter vers les faiblesses qu'on entrevoit?

Si on peut d'ores et déjà anticiper que lorsque les boomers auront atteint l'âge de la retraite, il y aura de grandes lacunes dans d'autres groupes d'âge de la société canadienne, est-ce que c'est plutôt vers ces groupes que devraient tendre les efforts de l'État afin de les appuyer en créant un cadre législatif, réglementaire ou incitatif? Ou est-ce qu'on devrait essayer de tout faire, ce qui n'est pas toujours facile?

Donc, si on pouvait prévoir l'orientation des événements, devrait-on aller dans cette direction et tenter d'aider là où cela a des chances de réussir, ou bien se diriger ailleurs?

• 1210

C'est grosso modo la question que je me pose et j'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires là-dessus. Merci.

Mme Michèle Martin: Je voudrais d'abord rectifier une toute petite chose; je n'ai pas dit qu'il fallait cesser de faire du cas par cas, mais qu'il ne fallait pas se limiter au cas par cas. Ce que je proposais, c'est qu'on ait une politique culturelle fédérale globale qui tienne compte de tous les domaines culturels et qu'on tente, comme vous venez de le dire, de voir où sont les lacunes et où sont les lignes de force.

Je pense—vous allez dire que je veux tout—qu'il ne faut pas se limiter à mettre l'argent là où il y a des lacunes ou encore à mettre l'argent là où il y a des lignes de force pour tenter de faire plus d'argent de ce côté. Je crois qu'une politique culturelle globale nous aiderait à établir un équilibre entre l'argent consacré aux lacunes et l'argent consacré aux lignes de force. Les analyses démographiques comme celles que fait mon collègue nous aideraient beaucoup à discerner nos points forts. Il faut continuer à agir là où on est forts. Il faut continuer à mettre de l'argent là où nous sommes forts.

Je pense que l'État devrait vraiment encourager ce qui existe déjà et ce qui est fort. Mais aussi, et j'y reviens encore parce que cela me semble tellement important, il me semble que le soutien de l'État devrait s'appuyer sur des groupes et non avoir un caractère d'intervention. Madame nous en donnait un exemple tout à l'heure. Dans le Nord, ce sont les groupes qui sont capables de s'organiser et de savoir ce dont ils ont besoin. S'il leur faut des études pour le découvrir, qu'on fasse des études. Il faudra engager des gens pour faire ces études et cela créera des emplois.

Je pense qu'il est important d'avoir une véritable vision de la façon dont on veut que la culture se développe et non se limiter au cas par cas. Quand je parle d'une politique proactive, je veux dire essayer d'encourager de nouveaux développements tout en continuant à appuyer ce qui va déjà très bien.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cheney.

M. Terry Cheney: Merci.

C'est une question intéressante. J'ai notamment fait partie du groupe de travail Bovey sur le financement des arts. Il est assez amusant de voir comment on fait pour amener les entreprises et le gouvernement à travailler ensemble au même projet. La mission peut paraître impossible. Aux entreprises, il faut dire qu'on a une réussite extraordinaire et qu'on les invite à y investir. Au gouvernement, il faut plutôt parler de quelque chose qui risque d'échouer et demander de l'aide. Il est difficile d'amener les gens à travailler ensemble à un projet commun.

Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que, pour décider des mesures à prendre, il faut d'abord avoir un plan ou une stratégie d'ensemble. La politique culturelle serait cette stratégie. Elle établirait les objectifs et les moyens à prendre pour y arriver. La stratégie ne permettrait toutefois pas de distinguer entre les forces et les faiblesses, car vous sauriez ce que vous chercheriez à accomplir. Il ne faut pas conclure par exemple que, du fait qu'un domaine est en déclin maintenant, il le sera aussi dans 20 ans. Le gouvernement doit penser à long terme, à ce qui se passera dans 20 ans.

Par exemple, les données des années 70 montraient une baisse constante de la fréquentation des salles de cinéma et une hausse radicale de la fréquentation des musées. Si vous aviez décidé à ce moment-là qu'il fallait choisir un domaine et tout mettre là- dessus, qu'il fallait, mettons, appuyer la production cinématographique parce qu'elle était en difficulté alors que la situation des musées était plus prometteuse... eh bien, la fréquentation des musées n'a pas du tout augmenté pendant les années 80. La production cinématographique s'est très bien tirée d'affaire. Même si l'on voulait choisir entre deux domaines, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas plein d'autres facteurs qui balayeront toutes vos prévisions. La réponse, c'est qu'on ne peut pas en favoriser un au détriment de l'autre.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le président: Monsieur Muise, avez-vous une question avant que nous passions au deuxième tour?

M. Mark Muise (West Nova, PC): Oui, si vous permettez, monsieur le président. Je vous prie aussi de m'excuser d'avoir dû m'absenter quelques minutes.

J'aimerais tout d'abord remercier nos témoins et nos invités. Ils nous ont donné beaucoup d'information même si je n'ai pas pu tout entendre.

• 1215

J'ai une question qui me semble très importante et qui est probablement plus générale que précise. C'est un domaine tellement vaste. Pour être très efficace, une politique culturelle couvre tout un éventail de sujets et de questions différents et je me demandais si vous pensiez que nous pourrions véritablement avoir une politique culturelle fédérale globale. Deuxièmement, quels principes et objectifs incluriez-vous dans une telle politique?

M. Terry Cheney: Je vais commencer et laisser à ma collègue le temps de réfléchir.

Je dirais que par le passé, la politique culturelle a toujours été, comme on l'a vu, faite petit à petit, au fur et à mesure que se posaient des problèmes. Si on veut faire les choses convenablement, il faut une politique culturelle globale. Il faut savoir jusqu'où il faut aller dans les détails. Les détails peuvent être assez flous mais il faut connaître les objectifs, la stratégie générale. Il faut connaître tous les acteurs en jeu. Ainsi, lorsque quelque chose de précis se présente, on est bien mieux placé pour savoir comment agir et s'il faut même agir.

Il faut un plan, ou une stratégie plutôt que tout un arsenal de programmes essayant de couvrir tous les moindres détails.

Mme Michèle Martin: Je suis d'accord avec mon collègue. Vous parlez de principes. Je dirais qu'un des principes les plus importants à inclure dans une politique culturelle est l'intérêt public avant de considérer les intérêts privés. Jusqu'à un certain point, la culture n'est pas négociable. Ce sont là deux principes qui me semblent très importants.

Le président: Très brièvement, monsieur Muise.

M. Mark Muise: C'est plus un commentaire qu'une question. Je crois que nous devons avoir une politique culturelle. Je m'inquiète simplement que nous ne parvenions pas à en concevoir une qui soit aussi bien qu'il le faudrait. Enfin, j'espère que je me trompe.

Le président: Je l'espère aussi. Nous essayons en effet de faire de notre mieux.

On m'a demandé un deuxième tour de questions.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Madame a dit qu'il y avait deux principes importants, mais je n'en ai entendu qu'un seul. Est-ce qu'elle pourrait les répéter?

Le président: Madame Martin.

Mme Suzanne Tremblay: Vous venez juste de dire que...

Mme Michèle Martin: Le premier, c'est que la culture est d'intérêt public et le deuxième, c'est que la culture ne devrait pas être négociable.

[Traduction]

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'aurais deux questions à poser à M. Cheney. La première porte sur la télévision et la deuxième sur le secteur culturel.

La première m'a été inspirée par un article écrit par un spécialiste de la science politique américain, Robert Putnam, qui s'intitule The Strange Death of Civic America dans lequel il essaie de comprendre pourquoi les institutions civiles ont tellement disparu aux États-Unis. Il émet la thèse que c'est à cause de la télévision, de ce qu'il appelle le gorille de 850 livres de loisirs. Il parle du nombre d'heures passées par les Américains devant la télévision et dit que cela a beaucoup augmenté.

Si l'on applique ce principe à vos petites cases, il me semble que ce que vous avez... Que la statistique la plus intéressante que vous présentez est celle qui touche la télévision parce que si vous voulez lui donner l'ampleur qu'elle représente dans les loisirs canadiens, ce serait une case énorme et l'autre serait toute petite en comparaison.

Ma première question porte sur le déplacement. C'est-à-dire que s'il est vrai que les gens plus âgés qui sont plus instruits regardent moins la télévision, cela vous permettrait-il de prévoir des conséquences majeures pour les autres cases, conséquences que vous n'auriez pu prévoir dans les années 70 à propos du nombre de gens qui regardent un film ou qui vont dans les musées ou s'agit-il simplement d'un effet marginal?

La deuxième question porte sur ceux qui travaillent dans le secteur culturel. Aux États-Unis, le National Endowment for the Arts vient de publier une étude sur l'évolution de l'art dans les 30 dernières années intitulée «The American Canvas Report» et c'est en fait ce que vous dites. Il y a comme un déclin dans bien des cas que l'on peut commencer à retracer dans les années 90 aux États-Unis pour plusieurs raisons dont certaines sont propres aux Américains.

• 1220

Mais une chose qui peut être une constante est le fait que l'une des raisons de l'explosion était qu'il y avait un groupe de jeunes qui étaient prêts à travailler pour rien dans les arts et à tout sacrifier et, dans un certain sens, à subventionner cela par leur jeunesse, par le fait qu'ils ne s'en préoccupaient pas. Mais que, au fur et à mesure qu'ils vieillissent et qu'ils ont des responsabilités familiales, que leurs attentes augmentent, ils veulent être payés convenablement et on ne peut plus compter sur cette subvention interne.

Pensez-vous que ce soit vrai pour la scène artistique canadienne aussi? Vous avez parlé du vieillissement du secteur culturel.

Voilà donc mes deux questions.

M. Terry Cheney: La question de l'échelle d'incidence est l'autre aspect des proportions et des taux de participation. Si vous gérez le secteur, vous voulez connaître le degré d'incidence, c'est certain. Même pour ce qui est de la proportion ou du rythme de changement, comme je le disais tout à l'heure, il y a 97 facteurs qui jouent dont l'évolution sociale ou la démographie, et j'ai parlé du plus important, qui est l'éducation. C'est quelque chose qu'il ne faut pas oublier quand on prend une décision. Il ne faut pas essayer de quantifier et de prescrire le changement. Certes, aussi, comme dans l'exemple que j'ai donné tout à l'heure, ce n'est pas parce que l'on prévoit quelque chose que cela va se produire.

Si vous considérez l'échelle de participation et d'activités, on repense à l'exemple de l'arsenal. Cela va très lentement. Il ne va rien se produire d'extraordinaire du jour au lendemain. Ce sera assez long. Cela dépendra d'un tas d'autres facteurs et ce que font vos amis aura probablement plus d'importance que toute autre chose.

L'échelle d'incidence, qui est intéressante pour l'exemple de la télévision, est probablement la lecture. Les gens vont dans les musées—les adeptes y vont cinq fois par an, et tous les autres emmènent des parents une fois par an si bien que cela a une incidence. Si l'on a des enfants, on y va peut-être cinq fois par an si bien que les enfants y sont très exposés. Mais la lecture, c'est quelque chose que l'on fait tous les jours si on lit si bien que dans les échelles d'activités, la lecture aura probablement une incidence culturelle ou sociale beaucoup plus importante qu'aller aux concerts. Vous pourrez remarquer des changements plus marqués dans la fréquentation des concerts mais pour ce qui est de l'échelle d'incidence, la lecture est beaucoup plus importante.

La question d'échelle est très importante. L'évolution sera lente. L'échelle est importante et influencera votre décision sur les priorités. Je vous répondrai donc rapidement lecture plutôt que concerts.

Pour ce qui est de la population active dans le secteur culturel, il y a certains éléments intéressants. Il me semble que de 1971 à 1981, par exemple, lorsque les métiers artistiques se développaient très rapidement, cela correspondait au moment où les gens nés après-guerre finissaient leurs études. Si l'on a 24 ans et que l'on est sans emploi, il est beaucoup plus agréable de dire qu'on est écrivain, peintre ou acteur que de dire que l'on est sans emploi. Les gens ont ainsi choisi des métiers qui n'exigeaient pas de certificat. Le fait que les chiffres sont restés assez élevés semble indiquer que ce n'était pas la seule raison pour laquelle tant de gens voulaient devenir artistes ou musiciens ou autre chose.

Je pense à deux choses pour ce qui est du travail dans le secteur culturel. D'une part, si l'on est très instruit et que l'on considère ce que font les autres autour de soi qui ont fait des études poussées, on peut être découragé de ce que rapporte son emploi. Et si l'on considère les années 80, qui étaient assez mauvaises du point de vue économique en général et de l'attitude vis-à-vis de la culture, cela diminuait peut-être aussi les avantages psychologiques. C'est probablement ce qui a un peu poussé les gens à quitter ces carrières s'ils le pouvaient.

Pour ce qui est de la jeunesse, un extrait intéressant de nos études sur la main-d'oeuvre culturelle, et qui porte sur le rôle du gouvernement ou d'une quelconque autorité, c'est: «Nous n'avons pas besoin de former la main-d'oeuvre culturelle. Nous avons des pigistes». Cela revient à votre question sur les étudiants. Il y a des gens qui étudient et qui travailleront sans se faire payer, alors pourquoi accepter quelque responsabilité que ce soit pour cela? Je pense que c'est une question qui n'est pas réglée. Le fait que le baby-boom passe et qu'en bonne partie, ces gens vont partir signifie que cette question prendra de l'importance.

Le président: Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci.

Je suis tout à fait ravi d'entendre votre opinion là-dessus. Ce que je crois pouvoir en retenir, c'est que la culture a une évolution qui lui est propre et qui nécessite peu d'intervention gouvernementale. Voilà ce que vous nous dites, à mon avis. J'espère que du côté ministériel, on en prendra bonne note.

Dans votre exposé, vous avez formulé des commentaires qui ont piqué ma curiosité et j'aimerais que nous y revenions. D'après vos données démographiques, ici, la population canadienne est de plus en plus instruite et de plus en plus âgée. Si l'on tient compte des commentaires de madame, qui dit que dans sa classe, les étudiants font des commentaires négatifs au sujet de la culture canadienne... Voyez-vous? La nouvelle génération a des sentiments négatifs au sujet de la culture canadienne, et pourtant, la génération plus âgée de la population s'y intéresse de plus en plus. Je ne sais pas si c'est vraiment bon pour nous ou si cela nous causera des problèmes à l'avenir.

• 1225

Vous avez aussi déclaré que la crise du baby-boom est particulière au Canada et ne se voit pas nécessairement partout ailleurs dans le monde. Dans la même veine, cela signifie qu'éventuellement, si c'est quelque chose de particulier au Canada qu'on ne voit pas à l'étranger, notre entrée sur les marchés étrangers ne pourra pas se faire. Nous ne pourrions pas atteindre le nouveau phénomène culturel qu'on voit à l'étranger chez les jeunes générations, parce que nous sommes des générations plus âgées qui voulons les rejoindre.

Ce genre d'affirmations et plutôt inquiétant. Quels sont vos commentaires?

Le président: Je présume que votre question s'adresse à M. Cheney.

M. Deepak Obhrai: Les deux peuvent répondre parce qu'ils ont tous deux parlé de ce petit problème démographique à un moment ou à un autre.

M. Terry Cheney: Je vais commencer. Au sujet de ce que j'interprète comme un sarcasme, ou presque, soit que les étudiants canadiens n'ont rien pour définir le Canada sinon par des propositions négatives—nous ne sommes pas des Américains, nous ne sommes ni ceci, ni cela—c'est presque une caricature, bien que ça rejoigne l'archétype, qui est le mythe partagé. Je pense que les deux choses qui en témoignent...

La culture canadienne et la politique culturelle canadienne, à mon avis, sont vraiment très importantes pour le genre de vie qu'on veut offrir aux Canadiens. Il ne faudrait pas croire que c'est extrêmement important pour M. Tout-le-Monde, à son lever, le matin.

J'ai travaillé récemment sur un projet environnemental, soit les changements climatiques. Quelle est l'attitude des Canadiens à ce sujet? C'est très peu important à leurs yeux. Le déficit, le chômage, les soins de santé et l'éducation viennent en premier, puis, on trouve l'environnement. Pour ce qui est de la culture, vous ne la trouverez qu'à la troisième page du questionnaire. C'est une chose importante, certes, et il faut agir, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'on en débatte 19 heures par jour à Radio-Canada.

Deuxièmement, la jeunesse. L'attitude des jeunes par rapport à l'environnement est presque inexistante. Ils s'inquiètent plus de leurs boutons, par exemple. L'environnement ne fait pas partie de leurs préoccupations, pas plus, je crois, que la culture. Je dirais donc en ce qui concerne les jeunes que c'est assez naturel et pas aussi complexe que dans le cas des gens plus âgés, par exemple.

Je pense donc qu'il est important quand on songe à la politique culturelle de savoir quel est son contexte et de ne pas se tromper sur les attitudes de la population. Je pense qu'une chose assez importante pour la politique culturelle, c'est de savoir ce que sont les attentes réalistes et si on y répond bien. Ne vous attendez pas à ce que tous les écrans canadiens montrent des films canadiens, vous seriez déçus. Que voulez-vous? Qu'obtiendrez-vous? Il faut connaître la réalité et cibler ses efforts en conséquence.

Le président: Madame Martin.

[Français]

Mme Michèle Martin: Je suis d'accord avec mon collègue. J'aimerais seulement ajouter que, finalement, si les jeunes sont moins préoccupés par la culture canadienne et peut-être moins conscients de la culture et de l'identité canadiennes que la génération des baby boomers l'était, c'est peut-être lié très directement à leur situation économique. Ils sont dans une situation où ils ont très peu d'espoir de trouver un emploi à leur goût. Ils pensent économie avant de penser à quoi que ce soit d'autre. Ils vont à l'université pour avoir le diplôme et non pas, malheureusement, pour avoir une vue d'ensemble de la société, une compréhension plus large et plus critique de la société. Ils veulent seulement avoir un diplôme pour pouvoir... Je les comprends. Ce n'est pas une critique. Je les comprends, parce qu'ils sont dans une situation beaucoup plus difficile que celle que nous avons vécue à leur âge.

Donc, cela entre beaucoup en ligne de compte quand on leur demande ce qu'est l'identité canadienne, ce qu'est la culture canadienne. Comme mon collègue le disait, ils n'ont pas vraiment le temps d'y penser. Entre essayer de s'organiser pour avoir assez de compétences pour se trouver une occupation et toutes les activités de jeunesse qui les intéressent, la culture canadienne prend très peu de place.

Ce qui les intéresse, par contre, et je pense qu'une politique culturelle pourrait peut-être s'orienter dans ce sens-là, ce sont les produits culturels modernes, les produits culturels canadiens qui illustrent la modernité canadienne, si je peux dire.

• 1230

C'est un thème qui revient toujours au cours des discussions. Nous avons toujours des jeunes qui nous disent, par exemple, que c'est bien beau les produits culturels canadiens, mais qu'ils commencent à en avoir assez de voir des patriotes ici, des chevaux, etc., qu'ils pensent qu'il existe une culture canadienne moderne qui devrait être illustrée dans les films et au théâtre.

C'est là un aspect de la culture qui les intéresse. Je pense qu'ils voudraient voir la dimension universelle de la culture canadienne dans nos produits.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci.

Mon carnet de notes est encore une fois plein de gribouillis. Chaque fois que nous recevons un groupe de témoins, je vois changer mes sentiments, ou certainement, mon opinion, au sujet de la culture canadienne et de son importance. Je pense que c'est une bonne chose. J'espère que ça continuera comme ça pendant de nombreuses années, puisque cela montre que j'apprends chaque fois que des témoins viennent nous parler et nous présenter leurs opinions. C'est très important.

Il y a une question qui nous tourmente depuis de nombreuses séances et qu'on présente à chaque groupe de témoins. On nous demande une définition claire de la culture canadienne. Je suis content de voir que jusqu'ici, personne n'a pu fournir une définition très claire, mais nous avons reçu des descriptions de la culture et de son importance.

Au sujet des commentaires de Mme Martin sur la diversité et la spécificité de notre culture, je ne peux qu'être d'accord avec elle. À mes yeux, elle est aussi diversifiée que l'ADN de chacun. Ici, ce n'est pas les États-Unis, ni la France, ni la Grande- Bretagne; c'est le Canada. Je pense qu'il est important que notre comité le comprenne. Nous parlons simplement de la culture canadienne. Nous ne nous comparons pas avec les États-Unis, ni avec la Grande-Bretagne ou la France; il s'agit simplement de la culture canadienne.

Au sujet des commentaires de M. Cheney sur les orientations des classes, je pense qu'il est important aussi que notre comité comprenne que la culture n'est pas fonction de la classe. Pour moi, l'expérience de la culture, c'est peut-être aussi simple qu'un parent devant le Parlement, devant une sculpture sur glace, consacrant quelques minutes à décrire la sculpture à son enfant. Pour moi, la culture peut être aussi simple que cela.

J'ai toutefois quelques préoccupations au sujet des répercussions économiques dont vous avez parlé et des tableaux et explications que vous nous avez fournis. C'est au sujet de votre commentaire selon lequel parce que dans cette industrie, il y a beaucoup de travailleurs autonomes, ceux-ci semblent ne pas avoir accès à l'information sur les programmes, à la formation, etc.

Cela va directement à l'encontre de votre commentaire antérieur, selon lequel les gens de cette industrie sont généralement très instruits. S'ils sont très instruits, ils doivent alors avoir accès à l'information. Je ne dis pas que les programmes et le soutien à la formation sont là, ou qu'il y en a suffisamment, mais ils ont certainement accès à l'information sur ce qui est disponible, que ce soit dans les bibliothèques, dans les universités ou ailleurs.

Je ne suis pas d'accord avec M. Abbott, au sujet de la création de la culture canadienne. Le gouvernement doit-il créer la culture? Ce n'est pas quelque chose qu'on fabrique en usine. En tant que gouvernement, nous ne produisons pas la culture. Je pense que le gouvernement a un rôle important à jouer en soutenant la culture.

Je viens de faire quelques brefs commentaires sur la simplicité de la chose. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de compliquer indûment les choses en définissant ou en décrivant la culture. J'ai ici un paragraphe que j'ai écrit au président, au début décembre, sur ce qu'était la culture pour moi. Je pense que la définition doit être très large et adaptable, parce que les choses vont changer aujourd'hui comme demain. Les choses ont déjà changé depuis que j'ai commencé à y songer.

La culture canadienne, c'est ce qui est chargé de signification ou d'importance pour quelqu'un, qu'elle s'incarne dans une personne, un groupe, une province ou dans le pays tout entier. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Une telle définition permet d'englober ce qui est important pour Caroline, mais ne l'est pas tellement pour moi, parce que c'est englobé dans notre culture.

J'envisage trois étapes qui permettraient à ce comité d'exercer une action considérable. Tout d'abord...

• 1235

Le président: Monsieur Bonwick, il faut que vous abrégiez, car le temps passe, il nous reste à peine 20 minutes et trois autres intervenants ont demandé la parole.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Comme Paul est un linguiste, je suis disposé à renoncer à mon temps de parole pour écouter ce qu'il a à dire.

Le président: Très bien.

M. Paul Bonwick: Je vais être bref.

M. Jim Abbott: Voilà qui sortira les libéraux de l'ordinaire.

M. Paul Bonwick: Je m'excuse, mais vous devez comprendre que c'est une cause qui me passionne; en quatre minutes il n'est guère possible de tout dire.

J'ai prévu trois étapes et j'aimerais ensuite entendre vos commentaires. En premier lieu, cette déclaration de mission vise à maintenir et rehausser la culture canadienne. J'ai élaboré cette formule en recherchant avant tout la simplicité.

La première étape consiste avant tout à en comprendre l'importance. Je n'ai qu'effleuré certaines des questions qui me tiennent à coeur. Le don de compréhension fait partie de notre caractère, de l'orientation de nos enfants. Il fera partie de notre propre orientation ainsi que de celle des futurs gouvernements canadiens; il est également au coeur même de notre économie. Si le comité et si notre pays parviennent à en saisir toute l'importance, ce sera un grand pas en avant.

La seconde étape consiste à déterminer les moyens de rehausser cette culture. Comme certains d'entre vous l'ont déjà proposé, il s'agit, par exemple, de donner notre soutien à un film, d'appuyer un allégement fiscal pour les bénévoles, ou les programmes de lecture ou d'alphabétisation, ou des investissements ou des infrastructures, qu'il s'agisse d'une patinoire, d'une bibliothèque ou d'un musée. Si vous avez d'autres recommandations à formuler sur les stratégies spécifiques que nous devrions adopter, j'aimerais que vous les présentiez par écrit et les déposiez également.

En troisième lieu, il faudrait amener le gouvernement à consentir à la première et à la deuxième étapes, et à les faire avancer dans l'ordre de priorité. La seule façon d'amener le gouvernement à mieux répondre aux besoins de la culture canadienne c'est de parvenir nous-mêmes à mieux comprendre sa signification, afin de proposer au gouvernement une stratégie permettant de maintenir et de rehausser cette culture. Une telle politique aurait des retombées non seulement à court terme, mais également dans un avenir très lointain, transcendant les générations.

Une de mes dernières recommandations, c'est à chacun d'entre vous d'essayer de lire un livre intitulé Castles in Spain and Other Screeds. Je ne sais si les membres du groupe d'experts ont eu l'occasion de lire ce livre, mais il y est question de viser l'avenir, sans s'attacher exclusivement à l'actuel. Il n'y est pas question seulement de bâtiments, mais d'un investissement spirituel dans les générations futures.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ma stratégie en trois étapes.

Le président: Je vais vous dire ce que je propose, monsieur Bonwick, pour ménager notre temps et permettre aux deux autres intervenants de prendre la parole. M. Saada vous a cédé son temps de parole; je voudrais demander aux deux spécialistes du groupe de bien vouloir tenir compte de ce qu'a dit M. Bonwick, et quand ils répondront aux deux intervenants ils pourraient peut-être faire un résumé de synthèse des diverses questions évoquées.

Monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'une question à poser, mais en préface je voudrais faire remarquer à nos collègues du Parti réformiste que, si j'ai bien entendu, les témoins ont mentionné à deux reprises au moins qu'il est essentiel d'élaborer une politique culturelle canadienne. Cette question est revenue au moins deux fois sur le tapis, mais il m'a semblé percevoir une certaine réticence parmi certains membres du comité quant à l'importance d'une telle politique. Personnellement, je ne m'associe pas à cette position.

Je voudrais ajouter quelques mots à la discussion que je n'ai pas entendue, à savoir la promotion et la protection de la culture. J'ai entendu tout à l'heure mentionner l'Ouest; permettez-moi donc de rappeler également un fait concernant l'Ouest canadien.

Ce sont les gouvernements de Macdonald et de Laurier, gouvernements qui préféraient agir plutôt que réagir, qui ont étendu leur protection sur l'Ouest canadien devant une grave menace d'annexion par les États-Unis. Le gouvernement canadien a, à mon avis, un rôle à jouer non pas en créant la culture—je comprends très bien cela—mais en protégeant et en encourageant la culture canadienne. C'est là un rôle que peut jouer le gouvernement, au même titre que les gouvernements de Macdonald et Laurier ont pris des mesures vigoureuses pour protéger l'Ouest canadien de telle sorte que celui-ci est, de nos jours, intégré à la nation.

Ne vous semble-t-il pas que de vivre à l'ombre d'une nation aussi puissante que les États-Unis impose au gouvernement canadien un rôle de protecteur de la culture canadienne?

Le président: Les membres du groupe d'experts pourraient peut- être répondre à ces deux questions, et je donnerai ensuite la parole à Mme St-Hilaire.

• 1240

Il est 12 h 40, et nous devons lever la séance vers 12 h 55, car nous avons une question à discuter et à régler.

M. Pat O'Brien: Monsieur le président, je me contenterai même d'un oui ou d'un non.

[Français]

Mme Michèle Martin: Premièrement, je voudrais parler des trois niveaux de développement d'une politique culturelle qu'on a suggérés et dire que je suis tout à fait d'accord sur cela.

Quand vous parliez de ce qui est important et signifiant pour quelqu'un, j'espère que vous vouliez parler de quelqu'un qui demeure au Canada. Vous avez dit «important and significant to one». C'est «one Canadian», je suppose. Était-ce bien le cas?

Je pense que les deux premiers niveaux sont très importants. Vous avez demandé si nous avions d'autres idées. Pour ma part, j'ajouterais au deuxième niveau du plan stratégique ce que j'ai suggéré dans ma présentation, soit la fondation d'un institut national de la culture. Ce n'était pas une blague, j'étais tout à fait sérieuse. Ce pourrait être un genre d'endroit où il y aurait, au niveau canadien, des échanges culturels qui seraient adaptés à chacune des régions. Je crois que ce pourrait être quelque chose de très intéressant sur le plan fédéral.

J'en viens à la deuxième intervention. Sur ce plan-là aussi, j'avais ajouté dans ma présentation une stratégie de marketing qui incluait, cela va sans dire, la promotion de la culture. C'est ce que je voulais dire par promotion.

Mais il faut être prudent. Je rappelle ici le commentaire de Mme Tremblay: il ne faut pas que cela devienne de la propagande. Il s'agit simplement de faire la promotion des produits culturels qui existent, de ce que les gens font, des activités culturelles qu'ils entreprennent. Je crois même que cette activité de marketing dans le domaine culturel peut, jusqu'à un certain point, modifier le choix que les gens feront entre regarder la télévision, faire une visite au musée ou aller entendre un concert.

Je pense que vous avez tout à fait raison. Pour moi, cela fait partie des stratégies qui viennent appuyer une politique culturelle globale. Quand à la protection, elle se fait d'habitude cas par cas. Mais cela, j'ai déjà dit ce que j'en pensais.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cheney.

M. Terry Cheney: Prenons d'abord la réponse la plus facile: sur la question de savoir si les travailleurs du secteur culturel sont au courant de cela, il existe des recherches assez approfondies, mais généralement rebutantes. Certes, ces gens ont une éducation très poussée, mais ils sont également spécialisés. D'après les conclusions de l'étude sur les besoins des gens engagés dans des activités culturelles, il était question de connaissances élémentaires en matière de gestion et de communication. Ces gens peuvent être d'excellents artistes, par exemple, mais il leur manque l'art de se débrouiller, de travailler en vue d'une carrière. Cela n'est pas étonnant, et correspond tout à fait au profil de cette catégorie.

Quant à la question plus vaste de savoir comment définir la culture, c'est essayer, pour présenter des statistiques sur le monde culturel, de regrouper les différentes définitions de la culture. C'est une tâche redoutable et plutôt que de parler d'une définition, on peut dire que la culture comporte presque un élément religieux ou visionnaire.

Quant aux programmes spécifiques, il a été proposé de les rendre aussi fructueux que possible, et je reviendrai au premier commentaire qui avait été fait. Il est impossible d'agir en isolement sur l'un ou l'autre domaine, mais on peut envisager certaines activités que je considérerais essentielles, ou de nature à relier divers domaines entre eux.

Prenons pour exemple le théâtre: le public des salles de concert est également un public de théâtre, le public de théâtre fréquente les musées, mais ceux qui fréquentent les musées ne sont pas nécessairement des mélomanes. Il y a donc certaines activités qui tendent à déborder un domaine précis, et l'on pourrait s'attacher en priorité à certains domaines qui joueraient, en un sens, un rôle de déclencheur, de stimulateur. Mais en ce qui concerne le gouvernement, il lui suffirait, à mon avis, de jouer, d'une façon générale, un rôle d'encouragement et de protection.

Ma définition de la culture englobe tout ce qui a été dit à ce jour. Il faut la protéger, l'encourager, assurer sa continuité et viser l'avenir.

Le gouvernement pourrait envisager la création de services destinés à encourager la culture, par exemple un institut de la culture qui se chargerait, entre autres, de la recherche, de la commercialisation, du suivi des activités diverses et des impacts de la technologie, afin qu'on puisse élaborer une stratégie, planter son enseigne et mettre un projet en oeuvre.

Le gouvernement peut jouer un rôle important en prenant la tête d'un tel mouvement, en jouant un rôle de promotion qui ne lui coûterait peut-être rien, encore que je n'ai pas vérifié cette question. C'est là que j'envisage le rôle du gouvernement, sans parler de la promotion, de la protection et de la recherche... Avec une bonne définition et un plan, l'action se conçoit aisément, et vous savez dans quoi vous allez vous engager. Comment, en effet, encourager ce que vous ne sauriez définir et expliquer?

• 1245

Le président: Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Tout d'abord, je veux remercier les deux présentateurs. Je dois cependant vous dire que vous avez soulevé des doutes et des interrogations dans mon esprit. Je vous poserai deux courtes questions, étant donné que je n'ai pas beaucoup de temps.

Premièrement, quand vous avez parlé des jeunes, vous avez mentionné le fait qu'ils étaient moins intéressés à la culture. Pourtant, plus tôt, au cours de la présentation, si j'ai bien compris, vous sembliez dire qu'avec les changements sociaux qui se produisent, les gens plus instruits s'intéressaient davantage à la culture. Je ne comprends pas très bien. Dans mon esprit, j'avais l'impression qu'on créait davantage et qu'on consommait davantage, qu'on était plus «consommateurs d'art». Donc, j'aimerais avoir des éclaircissements sur ce point.

Quant à vous, madame Martin, vous avez parlé tout à l'heure d'un institut national de la culture. Bien entendu, j'ai un problème vis-à-vis de cette proposition, probablement parce que je ne la comprends pas bien. Est-ce que cet institut imposerait des normes nationales aux artistes? En quoi un tel institut pourrait-il aider les artistes ou, en tout cas, subvenir à leurs besoins?

C'est tout. Merci.

[Traduction]

M. Terry Cheney: Je vais essayer de vous expliquer la contradiction apparente entre le fait que les jeunes gens sont moins intéressés, mais que les gens plus instruits le sont davantage. Or, les jeunes sont plus instruits et on peut se demander pourquoi ils ne sont pas plus intéressés? J'insiste sur le mot «moins» intéressés. Il ne faut pas en conclure que les jeunes ne sont pas intéressés du tout, mais que l'intérêt pour certaines activités culturelles comme la lecture et la fréquentation des musées tend à croître à mesure qu'on vieillit.

Comme le graphique l'indique, le seul fait d'être plus instruit amène les gens à s'intéresser davantage à ce genre d'activité. À mesure que les gens vieillissent, ils s'y intéressent cependant davantage. Il n'y a donc pas de contradiction, mais simplement un mouvement dans cette direction.

Il est sans doute assez important que la politique culturelle s'intéresse à la jeunesse. Pour diverses raisons dont nous avons parlé, on ne peut pas vraiment s'attendre à ce qu'un jeune de 15 ans se préoccupe beaucoup de la culture. Cela soulève cependant certaines questions intéressantes dont l'image qu'on se fait de la culture. Je ne pense pas que M. Tout-le-Monde, que les jeunes et que les politiciens comprennent vraiment cette image ou l'apprécient.

L'image qu'on se fait du secteur culturel est très importante étant donné que c'est l'un des principaux problèmes auxquels fait face le secteur. Les jeunes seront à la fois les spectateurs et les créateurs de demain. Il faut mieux comprendre comment ils envisagent la culture.

Je pense que les jeunes ne réfléchissent peut-être pas beaucoup à la culture quand ils ont 15 ou 20 ans, mais c'est aussi à cet âge qu'on songe à faire carrière dans ce domaine. À mesure que les jeunes vieilliront ou qu'ils auront eux-mêmes des enfants, ils s'intéresseront de nouveau aux activités culturelles.

Quelle est vraiment l'attitude des jeunes envers la culture? Il faudrait sans doute faire des recherches assez poussées pour le savoir et pour voir s'il y a un lien avec le système éducatif. Que faire pour amener les jeunes à s'intéresser à la culture? Il s'agit de trouver une façon de promouvoir la culture auprès des jeunes et de rehausser son image plutôt que de le leur imposer.

C'est une évidence.

[Français]

Mme Michèle Martin: Oui, et j'ajouterais qu'ils ne sont pas intéressés par la culture canadienne dans le sens du patrimoine. Ce n'est pas ce qui les intéresse. C'est une culture canadienne. Ils sont intéressés à acheter des produits canadiens, à aller voir des produits canadiens en autant qu'ils correspondent à ce qu'ils croient être une culture. Souvent, c'est plus relié à la culture populaire qu'à la culture avec un grand C, par exemple. Donc, il n'y a pas vraiment de contradiction entre ces deux aspects de la culture chez les jeunes.

Quant à mon institut, il ne faudrait surtout pas qu'il impose une vision de la culture canadienne. Je le voyais plutôt comme une infrastructure qui permettrait aux gens, premièrement, d'aller chercher de l'information pour savoir comment créer ou comment faire connaître un produit. Un tel institut aurait naturellement des sortes de filiales, non seulement dans chacune des régions, mais probablement aussi dans différentes villes, un peu comme l'Université du Québec. Cette présence serait ajustée selon les régions où l'institut se serait développé. Il est évident qu'on ne peut pas imposer la même vision de la culture à toute la population, qu'elle soit dans l'Ouest ou dans l'Est. Ce serait complètement irrationnel et irréaliste.

• 1250

[Traduction]

Le président: Avant de terminer, M. Muise voulait avoir quelques instants pour faire une correction.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Je vous remercie, monsieur le président.

Pour le compte rendu ainsi que pour la gouverne de mes collègues, je ne voudrais pas qu'on pense que je n'appuie pas l'idée d'une politique culturelle. Je suis tout à fait en faveur de ce principe.

Tout comme M. Bonwick et Mme St-Hilaire, chaque fois que j'entends un nouveau point de vue, cela m'amène à réévaluer ma position. J'appuie cependant sans réserve l'idée d'une politique culturelle.

Le président: Je vous remercie, monsieur Muise.

Maintenant...

[Français]

je voudrais remercier la professeure Martin de sa présence.

[Traduction]

Monsieur Cheney, je crois que l'expérience a été fort intéressante pour nous tous. Comme M. Bonwick l'a si bien dit, chaque fois que nous entendons un nouveau point de vue, cela nous amène à réfléchir et à nous poser d'autres questions. C'est naturel. C'est de cette façon que nous en arriverons éventuellement à une conclusion.

Je vous remercie beaucoup de votre contribution à nos travaux.

[Français]

Cette séance a été très intéressante pour nous tous. Merci beaucoup d'être venus.

[Traduction]

Je vous remercie beaucoup au nom du comité.

Avant de terminer,

[Français]

je dois porter à l'attention des membres du comité une ou deux questions. J'aimerais que M. Bélanger vous explique le contexte de la demande qu'il m'a présentée au sujet de la comparution de représentants du CRTC.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, plusieurs choses qui touchent le CRTC se passent. Il y a un bout de temps que ses représentants sont venus nous voir et, si le comité le veut bien, il serait peut-être opportun de les inviter. J'aimerais discuter avec eux de quelques sujets, dont la francophonie canadienne, l'application de la Loi sur les langues officielles et plus particulièrement l'article 41 de cette loi.

Si le comité pouvait trouver au cours de cette session le temps d'accueillir le CRTC, je lui en serais reconnaissant. Certains autres députés aimeraient peut-être discuter d'autres sujets avec les représentants du CRTC.

Le président: Madame Martin et monsieur Cheney, vous êtes excusés. Merci beaucoup. Vous n'êtes pas tenus de rester.

M. Mauril Bélanger: Mais vous pouvez rester si vous le voulez.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Je suis très heureux d'être en accord avec M. Bélanger. Beaucoup de questions se posent au sujet du CRTC—sa décision récente au sujet d'un troisième réseau de télévision national et la question du contenu canadien dans le domaine de la radiodiffusion... Beaucoup de questions se posent. Ce serait très intéressant pour ce comité ainsi que pour les Canadiens de comprendre ce sur quoi s'appuient les décisions du CRTC. J'irais même jusqu'à dire, et je ne blague pas, je suis absolument sérieux...

M. Mauril Bélanger: C'est à nous d'en juger.

M. Jim Abbott: Oui, c'est à vous d'en juger.

J'irais même jusqu'à dire que nous devrions peut-être consacrer un peu de temps à ces questions. Nous pourrions peut-être même y consacrer deux séances. Je crois que la question de l'impact que le CRTC cherche à avoir sur la politique de radiodiffusion canadienne est suffisamment importante pour cela.

Le président: Monsieur Godfrey, s'il vous plaît.

M. John Godfrey: Je suis d'accord avec l'idée de convoquer les représentants du CRTC. Nous pouvons évidemment discuter de la question, mais je me demande s'il ne conviendrait pas davantage que le Comité des langues officielles le fasse. Je suis prêt à discuter de la question, mais je vous signale simplement qu'il y a un autre comité que cela intéresse.

[Français]

Le président: Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je pense qu'on a là un os avec le CRTC. Depuis que je suis ici, je m'inquiète au sujet du CRTC.

• 1255

Le CRTC, qui est censé être au service de la population, qui est censé être le chien de garde des intérêts de la population, s'est mis au service des intérêts des corporations. Je voudrais que tout le monde en soit informé. J'en viens même à me demander si on ne devrait pas tout simplement abolir le CRTC.

Il faut que nous demandions des comptes au CRTC. Personnellement, je suis extrêmement inquiète de ce que le CRTC fait présentement, des décisions qu'il prend et des déréglementations qu'il impose. À mon avis, c'est un drame pour la culture canadienne.

Le président: J'aurais deux questions à vous poser. La Conférence canadienne des arts devait comparaître devant nous mardi prochain, le 17 février, dans le cadre de l'étude sur la culture, mais ils ont dû malheureusement se décommander parce que deux des personnes qui devaient comparaître doivent aller à l'UNESCO à Paris.

Nous avons donc un jour libre mardi prochain. Je vais vous faire part de deux suggestions. L'une vient de M. Godfrey, qui propose que nous ayons une autre séance sur l'AMI,

[Traduction]

L'accord multilatéral sur l'investissement, pour terminer. Il semblerait qu'il y ait consensus pour inviter des représentants du CRTC.

Je ne sais pas si, compte tenu de ce court préavis, les cadres du CRTC pourront venir comparaître devant le comité. Deux suggestions ont été faites. Une date est libre. J'aimerais savoir quelle séance nous devrions consacrer en premier à ce sujet pour que le greffier puisse...

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je préférerais qu'on prévienne le CRTC que nous voulons lui demander des comptes et qu'on lui donne un délai raisonnable pour qu'il se prépare à nous répondre. Je voudrais bien connaître l'opinion des autres, mais on est déjà au moins deux ou trois à être inquiets au sujet du CRTC. Si la majorité des membres du comité est également inquiète, il faut leur dire clairement que nous nous interrogeons sur leur utilité et que nous allons leur poser des questions.

Le président: Ils le sauront puisque c'est une séance publique.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Monsieur le président, je voudrais dire qu'il y a plus de deux ou trois personnes qui sont hostiles au CRTC. Je voudrais aussi dire qu'il serait utile que nous disposions d'une ou deux semaines pour nous préparer à cette rencontre.

Le président: Naturellement. Nous allons dire au CRTC que c'est à la demande générale que nous l'invitons au comité et que nous lui donnons une ou deux semaines de préavis pour que tout le monde puisse s'y préparer. C'est bien ce que vous voulez?

J'aimerais aussi vous indiquer que les prévisions budgétaires seront prêtes à la fin février. Nous allons donc avoir la possibilité d'interroger toutes les institutions fédérales. Si vous désirez prévoir des séances à ce sujet, il faudra le signifier au greffier

[Traduction]

pour pouvoir organiser nos travaux. Voulez-vous vous en tenir au CRTC ou poser aussi des questions à des représentants d'autres institutions gouvernementales?

Mardi prochain, j'ignore à quelle heure... Je voudrais savoir si la réunion aura lieu ou non parce que la Conférence des Arts a demandé à reporter sa comparution.

Je vous rappelle que nous visiterons les installations de CBC le jeudi 19 février comme je l'ai mentionné la semaine dernière. Nous serons accueillis par le président et le conseil d'administration de CBC. Nous aurons aussi l'occasion de leur poser des questions dans un cadre informel. Nous pourrons leur faire part de nos préoccupations au sujet de CBC et de Radio-Canada. J'espère que la plupart d'entre vous y seront.

• 1300

[Français]

Monsieur Bélanger, vous aviez des questions au sujet de la liste des participants pour le travail. Je vous écoute.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, vous vous souviendrez que

[Traduction]

lorsque nous avons discuté à l'origine—c'était lors de la législature précédente—de la possibilité d'étudier la politique culturelle, nous avions exprimé le désir d'aller dans différentes régions du Canada pour entendre...

[Français]

J'avais indiqué à ce moment-là qu'il serait peut-être bon d'aller au-delà des endroits habituels pour pouvoir rencontrer des témoins différents de ceux que l'on rencontre en général. J'aimerais que nous puissions aller dans le plus petit patelin du pays pour écouter des gens qui sont non seulement des producteurs, mais aussi des consommateurs.

Sans vouloir être mesquin pour ce qui est de la liste qui nous a été distribuée, je constate qu'on retrouve là essentiellement l'aristocratie culturelle du pays. Il ne faut pas être méchant, mais j'aimerais que nous puissions aller au-delà de cette liste. Je ne sais pas comment on peut s'y prendre, mais je remarque que la liste des noms qui nous a été soumise comporte essentiellement des gens qui oeuvrent quotidiennement dans leur domaine culturel respectif. Ce n'est pas une critique, mais je pense qu'il faut essayer de voir l'autre côté de la médaille et d'écouter des gens qui n'ont peut-être pas de parti pris et qui n'ont peut-être pas de grandes théories, mais qui sont, en fait, ceux que l'on vise dans notre exercice.

Encore une fois, je ne sais pas comment il faut s'y prendre, mais je voulais faire partager aux membres du comité mon idée de ne pas s'en tenir uniquement à l'écoute de l'aristocratie culturelle.

Le président: Je voudrais souligner que ces forums étaient prévus pour écouter des gens qui, justement, oeuvrent dans la culture en tant qu'experts.

En ce qui concerne le budget des voyages, j'ai assisté ce matin à une réunion avec les présidents de comité, et on a constaté que les budgets qui vont jusqu'au 31 mars était pratiquement épuisés. Pour l'année prochaine, en phase 2, il y aura peut-être quelques possibilités de voyages entre Pâques et le mois de juin. Si nous n'avions pas assez de temps pour nos déplacer nous-mêmes à cause des votes et du travail, on pourrait peut-être penser à faire venir des groupes ou des individus plus représentatifs. En tout cas, je partage entièrement votre opinion.

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je partage également l'opinion de M. Bélanger. Il faut dire que c'est peut-être un peu moins stimulant pour nous parce que nous avons souvent vu les mêmes personnes et abordé tous les sujets possibles. De nombreux comités voyagent et je pense que l'on s'organise un peu mieux pour aller rencontrer les gens là où ils sont. Il est important de pouvoir entendre les explications des gens qu'on n'a jamais eu l'occasion de rencontrer.

Je pense qu'il va falloir qu'on se montre assez créatifs. Si nous arrivons à savoir exactement ce que les gens attendent de nous et ce qu'ils souhaitent—parce qu'il ne s'agit pas de leur imposer quoi que ce soit—, nous produirons les sujets qui les intéressent.

Au sous-comité des sports, l'autre fois, on a parlé de rodéos, mais les gens qui voulaient en parler ont d'abord quasiment demandé la permission d'en parler. Il est certain que les rodéos ne sont pas très populaires à Rimouski, mais dans certains endroits du pays, cela fait partie de la culture et on peut en parler avec autant de fierté qu'on parle de l'épluchette de blé d'Inde qu'on fait partout ailleurs.

Je crois donc qu'il faut sortir des sentiers battus. Si on regarde les rapports qui sont faits depuis 20 ans, on constate que ce sont toujours les mêmes personnes qui sont consultées. Il faut reconnaître qu'elles nous ont bien aidés et qu'elles peuvent encore nous aider, bien sûr, mais je pense qu'il faudrait s'intéresser aux réactions d'autres personnes.

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C'est pourquoi l'idée de la phase 2 n'est pas mauvaise. Si on demande tout de suite des dépenses de voyage pour le prochain budget, cela va peut-être calmer certains comités qui voyagent chaque année depuis six ans.

Le président: Je pense que vos paroles reflètent la pensée de tous ceux qui sont présents ici. Vu que nous avons beaucoup de nouveaux membres au comité, on a pensé que ces forums seraient utiles, spécialement pour ceux qui n'ont pas oeuvré dans ce domaine autant que certains autres. Je pense qu'en phase 2, à partir de Pâques, on va essayer, avec l'aide du greffier, de décider d'un itinéraire qui nous permettra d'aller rencontrer des gens sur le terrain et de faire le travail que vous-même et M. Bélanger suggérez. Nous allons travailler là-dessus.

[Traduction]

Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.