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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 mars 1998

• 1540

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance est ouverte, le Comité permanent du patrimoine canadien reprend son étude sur la culture canadienne à l'approche du millénaire.

Toutes nos excuses à nos invités pour ce retard, particulièrement à ceux qui ont fait une longue route. Il y avait un débat à la Chambre qui exigeait la présence de nos députés pour le cas où il y aurait eu vote ou pour le cas où l'on aurait eu besoin du quorum. Voilà pourquoi nous sommes en retard. Nous espérons que nos autres collègues seront très bientôt des nôtres.

[Français]

En attendant, je voudrais vous expliquer brièvement comment nous comptons procéder cet après-midi, mais je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence. Nous vous accueillons ici avec beaucoup de plaisir et nous vous remercions pour le temps que vous nous donnez, considérant la position éminente que vous occupez dans l'industrie de l'édition.

Au lieu du format habituel des audiences où nous écoutons les témoins et recevons les mémoires, nous allons avoir ici une table ronde où les partis politiques seront mêlés avec les invités, où il n'y aura pas d'ordre de préséance de parti et où on interviendra à son gré, afin que tout le monde puisse participer à un échange qu'on espère assez vibrant.

Nous avons commencé cette étude avant l'élection, il y a peut-être un an de cela, et le comité actuel qui a remplacé l'ancien comité a décidé de la continuer.

L'étude a pour but de voir comment l'appareil fédéral qui soutient actuellement les programmes culturels et l'industrie culturelle pourra fonctionner face aux grands défis du prochain siècle.

[Traduction]

Nous avons décidé de porter notre attention sur les défis qui attendent la culture et les industries culturelles dans trois principaux domaines: premièrement, l'avènement des nouvelles technologies; deuxièmement, l'évolution de l'économie globale et du commerce international; et troisièmement, l'évolution démographique de notre pays.

Il y a quelque temps, nous avons entendu une série d'exposés de fonctionnaires et d'experts sur divers aspects apparentés à ces questions, et cette semaine, nous tenons des tables rondes. Nous en avons eu deux ce matin, une sur le secteur des arts et l'autre sur le secteur du patrimoine, des musées et des archives. Nous en sommes maintenant à la table ronde sur l'édition. Plus tard, nous en aurons une sur le cinéma et le vidéo et une autre sur la radiotélédiffusion et l'enregistrement sonore.

Après quoi, nous allons entendre des témoins des diverses institutions culturelles fédérales, et pour terminer, nous allons parcourir le Canada et rencontrer les intervenants culturels chez eux, particulièrement dans les petites localités du Canada.

Vous représentez un échantillonnage important de votre secteur. Vous êtes des intervenants de première ligne dans votre secteur. Nous espérons donc que vous pourrez répondre à certaines des questions que nous avons posées à l'arrière de votre programme.

Nous avons dégagé cinq grandes questions qui sont explicites. Vous n'êtes pas obligés de vous prononcer sur chacune d'elles. Vous pouvez choisir celle que vous jugez la plus importante en ce qui vous concerne. Si vous voulez prendre la parole, vous n'avez qu'à lever la main, et chacun parlera à son tour.

• 1545

Vous pouvez bien sûr parler

[Français]

en français ou en anglais, comme cela vous convient. Pour débuter, je vais demander à chacun de se présenter brièvement,

[Traduction]

seulement votre nom et le poste que vous occupez en ce moment.

[Français]

Peut-être pourrait-on commencer par vous, madame L'Espérance-Labelle, s'il vous plaît.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle (actionnaire, Québecor DIL Multimédia): Je suis actionnaire de Québecor DIL Multimédia et, depuis 1984, engagée dans la diffusion, la distribution, l'édition multimédia, ainsi que dans le commerce électronique, dans l'inforoute. Je suis aussi designer pédagogique de logiciels éducatifs et culturels. Voilà.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Je m'appelle Mark Muise. Je suis député de West Nova, en Nouvelle-Écosse, et je suis critique en matière de patrimoine pour les conservateurs.

[Traduction]

M. Larry Stevenson (président et chef de la direction, Chapters Inc.): Monsieur le président, je m'appelle Larry Stevenson. Je suis le président de Chapters, une chaîne de librairies canadienne.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Suzanne Tremblay, députée de Rimouski—Mitis et porte-parole au patrimoine canadien pour le Bloc québécois.

[Traduction]

M. Jack E. Stoddart (président et éditeur, General Publishing Co. Ltd.): Jack Stoddart, président et éditeur de Stoddart Publishing.

M. Scott McIntyre (président et éditeur, Douglas & McIntyre Ltd.): Scott McIntyre, président et éditeur de Douglas & McIntyre, une maison d'édition de Vancouver.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Jacques Saada, député de Brossard—La Prairie, Québec.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Jim Abbott, député fédéral de Kootenay—Columbia, critique du Parti réformiste pour le Patrimoine, et comme c'est mon titre, je me demande pourquoi il n'y a personne autour de moi.

Le président: C'est le traitement réservé aux vedettes, Jim.

Mme Sylvia Fraser (auteure): Je m'appelle Sylvia Fraser. Je suis écrivaine. J'ai écrit 10 livres, fiction et non-fiction, et pour enfants. J'écris aussi parfois pour des revues.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): John Godfrey, secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien.

[Français]

M. Hervé Foulon (président, Éditions Hurtubise HMH Ltée): Hervé Foulon, président des Éditions Hurtubise HMH à Montréal.

[Traduction]

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Bonjour, je m'appelle Sam Bulte. Je suis la députée de Parkdale—High Park, et dans ma vie antérieure, j'étais, et je demeure, une militante acharnée et passionnée des arts et des industries culturelles au Canada.

M. Sean Fordyce (éditeur, Voyageur Publishing): Sean Fordyce, président et éditeur de Voyageur Publishing.

Mme Mary Joe Anderson (propriétaire de Frog Hollow Books, Halifax): Je m'appelle Mary Joe Anderson. Je possède une petite librairie indépendante à Halifax, Frog Hollow Books.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Mauril Bélanger, député d'Ottawa—Vanier, en Ontario.

[Traduction]

Le président: Nous pouvons donc commencer. Vous avez la parole. Qui veut lancer le débat? Pas de timidité, s'il vous plaît.

Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart: Je ne sais pas très bien où commencer parce qu'il y a une multitude de questions.

J'imagine que la première chose à dire, c'est que l'édition, ou disons l'industrie du livre—expression qui convient mieux à mon avis qu'édition car elle désigne une industrie qui comprend le commencement, la première idée, et qui lui donne ensuite un sens commercial, qui conduit à la lecture du livre ultime, ou quel que soit le support—est importante au Canada.

Même si les ventes dans le secteur de langue anglaise sont dominées par des livres qui proviennent de l'étranger, environ 30 p. 100 de tous les livres vendus chez nous sont des livres d'auteurs canadiens. Au départ, c'est une position très importante parce que je ne crois pas qu'il y ait d'autres industries culturelles où c'est le talent créatif canadien qui contrôle 30 p. 100 du marché. Je pense qu'il y a lieu de s'en féliciter, de s'en réjouir, et d'être rassuré par le fait qu'il s'est fait beaucoup de choses dans ce domaine au cours des 25 dernières années.

Je crois d'ailleurs que les résultats sont encore meilleurs au Québec, et peut-être qu'Hervé voudra vous en parler.

Il faut bien savoir que pour beaucoup de gens, l'intervention gouvernementale dans n'importe quelle industrie est une mauvaise chose. Je crois pour ma part que sans la politique ou la réglementation gouvernementale, ou sans une série de circonstances diverses, nous en serions encore au bon vieux temps des années 70 où les livres d'auteurs canadiens ne comptaient que pour 3 ou 5 p. 100 des ventes.

• 1550

Je me rappelle cette époque. On vendait des tas de livres américains et britanniques, mais nous n'avions pas je crois le nombre d'auteurs que nous avons dans notre pays aujourd'hui. Je crois que nous avons non seulement une industrie vitale et importante dans notre pays, avec des libraires, des éditeurs et des auteurs qui sont résolument canadiens, mais aussi une politique gouvernementale, encouragée par une série de gouvernements et de circonstances, qui a joué un rôle très important dans le développement de cette industrie. Ce pourrait être là le point de départ de votre discussion.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoddart.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'aimerais profiter de l'occasion pour demander aux gens du monde du livre s'ils se sont penchés sur la question de l'AMI. Quelles seraient les conséquences pour vous si le Canada signait ce traité entre gouvernements qui permettrait, sans tenir compte de notre gouvernement, de passer des lois et d'en abroger d'autres? C'est un peu caricatural, mais je pense que ce n'est pas exagéré. Est-ce que vous pourriez m'éclairer là-dessus en me donnant le point de vue de votre industrie?

M. Hervé Foulon: Il est certain que l'AMI entraîne un grave problème pour l'industrie du livre. D'ailleurs, ça peut faire suite parfaitement bien à ce que Jack Stoddart vient de dire pour dépeindre un peu notre industrie.

On est partis, non pas de zéro mais de pas grand-chose pour arriver, avec l'aide des gouvernements, à créer une industrie du livre avec tous les composants au Canada, c'est-à-dire avec tout ce que cela représente au niveau de l'industrie, du monde que ça fait travailler et également de la défense culturelle de notre identité.

Je souris d'ailleurs en voyant l'acronyme de l'AMI parce que j'ai toujours envie de dire qu'on n'a pas forcément les amis que l'on choisit.

Une voix: Ah, ah!

M. Hervé Foulon: Je dirais d'ailleurs que la meilleure manière de conserver cette amitié serait de respecter celui qui est en face, entre autres dans sa personnalité et dans son identité culturelle. Je crois que personne n'a envie d'avoir demain un monde qui soit uniformisé et qui pense exactement la même chose. Ça n'aura plus grand intérêt. Là je parle d'un point de vue purement d'identité culturelle.

D'un point de vue économique, il y a tout un problème. Si demain, on se retrouve avec une liberté totale, sans que l'on puisse aider pour pouvoir obtenir ce que l'on veut, je ne vois pas quelle entreprise—et je vais parler de la distribution même avant l'édition—pourra faire face à ce qu'on appelle les majors américains ou les multinationales européennes comme Havas ou autres, qui vont pouvoir investir fortement dans la distribution.

On sait très bien que ceux qui détiendront les cordons ou les ficelles de la distribution arriveront après à nous imposer quoi vendre et comment le vendre. Je pense que ce serait catastrophique pour cette industrie qui a été créée à bout de bras au fil des années et qui aujourd'hui est en train de faire ses preuves. Non seulement au Canada mais également à l'exportation, on voit que les chiffres de ventes sont présents et que les auteurs canadiens se font de plus en plus connaître à l'exportation. On remettrait donc en cause tout ce gain en fin de compte.

[Traduction]

Le président: Monsieur Fordyce.

M. Sean Fordyce: J'ai une préoccupation fondamentale, et j'ai peut-être une solution à cela aussi. Quand j'explique aux gens en quoi consiste l'industrie de l'édition, j'emploie toujours le même exemple. Tout le monde sait comment vit un dépanneur, comment il achète et revend des choses, c'est donc l'exemple que j'emploie. Alors imaginez que vous êtes propriétaire d'un dépanneur et qu'en face de chez vous, il y a un dépanneur Mac's Milk, et ce Mac's Milk est subventionné par le gouvernement pour vous faire concurrence. J'imagine que cela vous déplairait beaucoup. Voilà qui décrit fort bien la situation dans laquelle se trouvent les petits éditeurs qui veulent prendre de l'expansion et être concurrentiels dans un marché qui privilégie, le plus souvent, des éditeurs jaloux de leurs subventions gouvernementales. Même si je crois que ces subventions sont importantes, j'ai la conviction qu'on a tendance à oublier une foule d'autres choses.

• 1555

Il y a deux ans, j'étais membre de l'une des associations commerciales, à l'époque où l'on discutait en Ontario des changements qui allaient se produire dans le domaine du financement public. J'ai dit alors qu'il fallait discuter de changements comme celui qu'il fallait apporter au taux d'expédition du livre: en 1993, le coût de l'expédition des livres a augmenté de 700 à 800 p. 100. J'ai dit alors qu'il fallait négocier avec les détaillants pour obtenir une plus grande coopération relativement à la mise en marché. Beaucoup de détaillants trouvent exaspérant de recevoir des livres sans ne pouvoir compter sur de l'aide pour les écouler.

À l'époque, toutes les associations que je rencontrais me disaient simplement: «Écoutez, ce qui compte pour nous en ce moment, c'est de recevoir des subventions et s'assurer qu'elles continueront.»

Il faut bâtir une industrie viable sur le terrain, sur le marché, parce que la raison d'être de la culture, c'est la communication. Si nous payons pour produire des livres qui ne sont pas lus, le pays n'y a rien gagné.

C'est pourquoi la principale raison pour laquelle je suis ici c'est pour dire que nous avons besoin d'aider la mise en marché, la distribution et la demande de livres canadiens par opposition à simplement les produire et les entreposer. Il faut aussi examiner l'accès à l'industrie. Pour accéder au gros marché, les obstacles sont énormes pour un éditeur comme moi. Je ne suis pas admissible à la plupart des programmes, comme l'AELC, à cause de ma taille. J'ai un livre qui va sortir et que nous allons mettre en marché aux États-Unis. Nous allons le faire tout seul. C'est la même chose au Canada, parce que la plupart des subventions sont basées sur l'ampleur de l'aide, et ces compagnies prennent l'argent et l'utilisent pour soutenir leurs propres efforts, en majorité.

Si l'on travaillait avec des fonds publics, il serait sensé de bâtir un marché qui serait viable et auquel tout le monde aurait accès.

Le président: Et d'après vous, comment devrait-on s'y prendre?

M. Sean Fordyce: L'AECL est réservée aux gros éditeurs qui exportent des livres. Dans un pays comme le nôtre, on pourrait peut-être affecter des sommes de ce genre ici au Canada, au profit de beaucoup plus d'éditeurs.

Et puis, en 1993, le tarif-livres a été supprimé et remplacé par un programme qui coûte huit fois plus cher. Depuis, pendant un certain temps, après la fusion qui a créé Chapters, le gouvernement a dit qu'il essaierait de les empêcher d'ouvrir et de négocier avec les éditeurs des changements qui étaient devenus nécessaires, parce que le marché lui-même avait tellement changé, vu le coût des expéditions et la nécessité d'évaluer toutes les choses. Je pense que ce n'est plus le cas. Nous sommes maintenant capables de faire ces négociations.

Un autre exemple, c'est d'utiliser Internet comme on ne l'a pas fait jusqu'à présent. Il pourrait y avoir un site central qui relie tous les éditeurs pour que tous les livres produits y figurent et que les lecteurs puissent s'y rendre, comme cela se fait au niveau du détail avec Amazon.com, aux États-Unis. On n'a rien de semblable ici.

Le président: Après un début assez tranquille, on dirait que ça s'anime. Veulent intervenir, dans l'ordre, Mme Bulte, Mme Anderson, M. Bélanger, M. Abbott, M. McIntyre, M. Muise et M. Godfrey.

C'est parti. Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.

J'aimerais parler de l'AMI. Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas lu à propos des effets dévastateurs qu'il aurait sur la culture s'il était signé et si la culture était sur la table, il faut que vous lisiez le rapport de Garry Neil sur la Conférence canadienne des Arts.

J'ai siégé au sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et de l'investissement, qui a passé en revue le projet d'accord. D'après les témoignages que nous avons entendus, surtout dans le domaine de la culture, y compris une séance à laquelle assistait M. Stoddart, ce serait très dévastateur, non seulement pour l'édition mais aussi pour la culture canadienne.

Nous nous demandions s'il devrait y avoir des subventions, mais si la culture fait partie de l'accord, beaucoup des subventions et les crédits fiscaux seront radicalement touchés.

Pour cette raison et vu les recommandations que le comité a faites, le Canada, s'il signait l'accord... Le ministre du Commerce international a dit qu'il n'y a pas de limites dans le temps, aucune échéance actuellement, et que ce ne sera pas signé prochainement de toute façon, que l'on signe ou non. Mais il m'a bien dit à la Chambre à moi et à la population canadienne qu'il ne signera pas une entente où la culture est sur la table. Il a aussi dit que le Canada, comme les autres pays qui soutiennent une exception généralisée semblable au principe français, choisira d'abord cette option, et sinon, si ce n'est pas possible, la moindre des choses que le Canada acceptera sera une réserve sans limite par pays sur la culture.

• 1600

Il faut dire que le gouvernement quittera la table de négociation si c'est le cas, si la culture vient sur la table.

J'aimerais maintenant parler des subventions puis passer à autre chose, la mise en marché et la distribution. Ce matin, nous avons entendu des gens des arts de la scène et on a notamment parlé du public, comment on développe un public, et je vois qu'ici on parle de développer un lectorat. Comment le gouvernement d'après vous pourrait-il participer au développement de ces marchés, de ces publics ou de ce lectorat.

Le président: Nous allons demander à ceux qui sont sur la liste de répondre puis nous reviendrons à vous, monsieur Fordyce.

Vous voudrez peut-être répondre à cette question pendant votre intervention, madame Anderson.

Mme Mary Joe Anderson: C'est ce que je comptais faire. Je suis venue ici en partie pour répondre à ces questions et en poser moi-même quelques-unes. Je tiens aussi à féliciter le ministère du Patrimoine du travail qu'il a fait et à l'encourager à continuer. D'abord, comme libraire, je dois dire que je suis quelqu'un de très pragmatique. J'aime avoir quelque chose entre les mains et je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler de ces problèmes.

Je tiens d'abord à vous remercier du programme d'aide à la distribution des publications, qui m'a beaucoup aidée à mettre en marché des livres canadiens et à y consacrer une somme égale à ce que j'ai reçu du gouvernement. Je suis très déçue que le programme ait été suspendu l'an dernier. J'aimerais qu'il revienne, et soit même peut-être doté d'un budget plus important.

L'aide à la distribution couvre le problème dont Sean a parlé à propos du transport. C'est quelque chose de critique pour l'édition. Je pense que les éditeurs seront d'accord avec moi. Des éditeurs devraient être subventionnés, mais il faut aussi que les libraires bénéficient à nouveau du tarif-livres.

Comme libraire, je tiens à vous remercier des fonds versés par le Conseil des Arts, qui viennent aider l'éditeur et qui me permettent d'obtenir sur la côte Est des auteurs que je ne pourrais pas avoir autrement. Je participe aussi à des conférences avec des bibliothèques et d'autres associations. J'ai de plus en plus besoin de cela. Je suis venue pour vous dire que ce qui existe doit être maintenu et que ce qui a été éliminé doit être rétabli, soit comme c'était, soit avec plus de fonds.

Il est très difficile pour moi d'être ici et de ne pas parler de la TPS. Je trouve indéfendable que nous ayons une taxe sur les livres. C'est le plus gros problème dans l'édition et il faut s'en occuper. Par exemple, à Ottawa, je sais que le ministère du Patrimoine a beaucoup contribué au financement d'un programme extraordinaire qui a permis aux libraires indépendants de faire une campagne de mise en marché phénoménale deux années de suite; le ministère a contribué plus de 70 000 $. C'est un programme phénoménal qu'il faut applaudir et qui devrait être monté à l'échelle nationale.

Il y a des publications financées par le ministère du Patrimoine expressément destinées aux éditeurs régionaux; ceci, ce sont des dépliants de Noël, qui sont essentiels à nos ventes. Par exemple, pour Atlantic Books Today, une publication consacrée expressément aux livres de l'Atlantique, ces fonds sont essentiels.

Aussi, notre salon du livre Word on the Street, qui commence ici à Ottawa cette année, je crois, est un énorme festival d'alphabétisation qui reçoit des fonds de lancement chaque année du ministère du Patrimoine et du secrétariat à l'Alphabétisation. Malheureusement, nous en sommes à la quatrième édition, et l'on estime que nous sommes financièrement viables. Nous ne sommes pas à Halifax. Nous ne recevons pas de dons d'entreprises commanditaires. Il nous faudrait de l'argent de base.

Je ne veux pas m'éterniser, mais je suis particulièrement reconnaissante des programmes qui existent et je voudrais demander que d'autres programmes pragmatiques comme ceux-là continuent à être financés et que leurs budgets soient majorés.

Le président: Merci.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Si vous me permettez une digression, monsieur le président, je dois féliciter Mme Anderson de ses boucles d'oreilles, au cas où personne ne l'aurait remarqué.

[Français]

Mme Mary Joe Anderson: Merci.

M. Mauril Bélanger: Il n'y a pas de quoi.

[Traduction]

Le président: Les livres sont cachés, par contre, d'un côté.

• 1605

M. Mauril Bélanger: Eh bien, c'est le nouveau genre de livre, qu'on écoute.

Quoi qu'il en soit, je voudrais soulever deux questions, monsieur le président. La première a rapport avec la technologie. Je veux poser des questions aux représentants de l'édition.

J'entends dire que c'est un secteur qui est assez prospère. Dans les années soixante, nous détenions peut-être le contrôle de 5 p. 100 de la vente de livres au Canada, alors qu'aujourd'hui c'est environ 30 p. 100. Le secteur va donc très bien. J'aimerais savoir si vous faites des recherches sur l'avenir du livre.

Je vais m'acheter un peu de science fiction cette année, et c'est une autre chose que j'aimerais savoir. Pourquoi n'y a-t-il pas d'aussi bonnes sciences fictions ici qu'aux États-Unis? Mais c'est autre chose.

J'imagine très bien que dans dix ans j'irai dans une librairie pour acheter un livre bien relié qui va me durer toute la vie. Je vais pouvoir mettre dans ce livre n'importe quel roman ou quoi que ce soit d'autre que j'achèterai de n'importe quel éditeur. Je ne suis pas certain si je vais pouvoir le mettre tout d'un coup, ou s'il va s'autodétruire pour que vous puissiez protéger le droit d'auteur. Je ne sais jusqu'où on en est dans cette voie.

Est-ce qu'il se fait des recherches au Canada sur l'avenir du livre au pays ou dans le monde? Dans l'affirmative, quel genre de recherche? Dans la négative, n'est-il pas temps de s'en occuper? C'est ce que je voulais dire puisque cela pique ma curiosité.

[Français]

En deuxième lieu, monsieur le président, je reviens à cette notion que les choses vont mieux dans l'industrie du livre et qu'à peu près 30 p. 100 de ce qui est vendu au Canada émane du Canada. La question que je me pose, c'est s'il y a un niveau optimal. Est-ce qu'à un moment donné, on pourrait atteindre un seuil ou un plafond qui permettrait de dire que c'est suffisant, parce qu'on risquerait autrement de promouvoir l'insularité?

Est-ce que cela existe? Est-ce qu'il y a eu des recherches ou des réflexions de faites sur le sujet, dans l'industrie ou ailleurs? Pour la santé mentale nationale, combien de nos lectures doivent provenir de chez nous et combien d'ailleurs pour qu'on puisse quand même rester ouverts sur le monde?

Je vais revenir à ma première question, parce que je voulais poser une question à Mme L'Espérance-Labelle. Dans ce livre virtuel de l'avenir, quel est le rôle du multimédia et qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour aider, au moyen de sa législation ou sa réglementation, le Canada à prendre une place d'importance dans toute cette industrie à venir?

Merci.

Le président: Monsieur Bélanger, afin de bien nous comprendre, quand vous parlez du livre de l'avenir, parlez-vous seulement du livre virtuel ou si...

M. Mauril Bélanger: Moi, je suis un romantique. On ne m'empêchera jamais d'avoir mon livre de papier, mais j'imagine qu'il va devenir de plus en plus coûteux au fur et à mesure qu'on voudra protéger le papier et les arbres. J'imagine aussi qu'il s'en produira peut-être de moins en moins. Alors, qu'est-ce qui va le remplacer? C'est ce que je cherche à savoir.

Le président: Madame L'Espérance-Labelle, on va attendre votre tour. Je vais vous inscrire.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: D'accord.

Le président: C'est une question bien intéressante, dont nous voudrions bien entendre la réponse, de même que ce que M. Stoddart aura à dire sur le livre traditionnel dans de telles circonstances.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: Puis-je demander qu'on précise la deuxième question, à savoir quoi faire pour encourager...

M. Mauril Bélanger: ...le Canada à prendre vraiment une place de leadership dans toute l'intégration de l'industrie du multimédia à l'industrie du livre ou à d'autres industries. Qu'est-ce qu'on peut faire comme gouvernement pour faciliter la réalisation de cette chose?

[Traduction]

Le président: Il y a deux questions importantes auxquelles je vais vous demander de répondre. Quel genre de livre voyez-vous dans l'avenir? Quel effet cela a-t-il sur vous? Si vous n'êtes pas dans l'édition du livre virtuel multimédia, que faites-vous? Aussi, quel serait d'après vous le pourcentage optimal de contenu canadien ou d'édition canadienne?

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président. Ce matin, avec les autres témoins, on a parlé du public. Il a été très intéressant de soulever la question de la mise en marché et de la distribution parce que cela entre justement dans la même catégorie.

Je suis de ceux qui pensent que l'on ne peut pas tout d'un coup imposer une mise en marché et une distribution ou simplement déclarer qu'il va y avoir des gens qui vont acheter des billets ou même qu'il y aura un public.

• 1610

Cela dit, et au risque de mettre un des détaillants que je vois sur la liste sur la sellette, je me demande si M. Stevenson pourrait nous aider à comprendre...

Avant l'approbation de la fusion qui a mené à Chapters, on craignait une domination de Chapters dans le marché au détail. Dans le secteur de la mise en marché et de la distribution et surtout considérant l'excellente question posée par M. Bélanger sur l'avenir du livre—vous voyez où je veux en venir—, je me demande si M. Stevenson pourrait nous aider à comprendre ce que le gouvernement pourrait ou devrait faire. D'après M. Stevenson, quelle est la responsabilité du gouvernement? Je suis sûr que les éditeurs ont des points de vue légèrement différents. Qu'est-ce que le gouvernement pourrait ou devrait faire pour examiner comment le public est servi? Autrement dit, comment le produit devrait-il être promu?

Quel rôle peut jouer dans cette équation une mégachaîne dotée de magasins à grande surface? Que nous réserve l'avenir? Comment le gouvernement peut-il régler le problème pour que nous puissions rendre accessible la meilleure gamme de produits possible pour la clientèle intéressée à en faire l'achat?

Le président: Excusez-moi, monsieur Abbott, saviez-vous que nous avions ici un autre détaillant, propriétaire d'une petite librairie? Je suppose que vous posez la question précisément pour...

M. Jim Abbott: Je m'intéresse vivement à la perspective du petit détaillant, pour voir s'il y a un mariage possible.

Le président: Bien sûr, car c'est précisément la raison pour laquelle nous entendons les deux sons de cloche.

Allez-y, monsieur Stevenson.

M. Larry Stevenson: En tant que détaillant, j'estime que le gouvernement pourrait faire deux choses utiles. Permettez-moi d'aborder la question de l'avenir du livre.

Je rêve peut-être, mais je crois que le livre sera encore là dans 50 ans. Dans certaines catégories, comme les ouvrages de référence, on peut d'ores et déjà consulter plus facilement l'encyclopédie Britannica sous forme multimédia qu'en volumes. La même chose vaut pour les livres de cuisine et les atlas. Manifestement, en raison des frontières entre les pays, il y a de nombreux genres de livres qui évoluent quotidiennement. De nos jours, un atlas sur support papier n'est pas quelque chose de pratique.

Mais je ne suis pas de l'école Negroponte, qui prédit la disparition du livre. Selon ses adeptes, il n'y aura qu'un livre unique que nous pourrons télécharger. Le fait de posséder un livre procure une certaine satisfaction. Il permet aussi de lire dans la baignoire sans crainte de s'électrocuter.

Des voix: Oh, oh.

M. Larry Stevenson: Il y a mille et une raisons pour lesquelles je suis convaincu que le livre ne disparaîtra pas. Cela dit, il y aura indéniablement une croissance phénoménale des multimédias—peu importe comment on définit le terme—, de l'Internet et d'autres façons d'accéder à l'information.

En tant que détaillant, je crois que le gouvernement peut faire deux choses sur le plan commercial pour aider l'industrie du livre. Tout d'abord, il peut promouvoir des incitatifs à la lecture.

La question est de savoir comment élargir notre clientèle. Je siège au conseil d'administration du festival Shaw, et chaque année, nous réfléchissons aux divers moyens à prendre pour inciter les gens à venir à Niagara-on-the-Lake. Je pense qu'il faut faire la même chose dans le monde du livre.

À mon avis, notre lectorat est pénalisé, et je suis d'accord avec Mme Anderson. Si l'on pense à la TPS, c'est un obstacle à la lecture. C'est un frein à la lecture. Il serait facile de remédier à ce problème. Tous les intervenants du secteur vous diront sans doute qu'au lieu d'essayer de trouver de nouvelles façons de stimuler l'effectif-lecteurs, on pourrait au moins supprimer l'un des instruments de dissuasion qui existent à l'heure actuelle.

Et si, pour des raisons de prudence financière, le gouvernement... Évidemment, je ne connais pas en détail les raisons qui font que cela serait ou non possible. Mais à tout le moins, on pourrait prévoir une remise de cette partie de la TPS pour les livres d'auteurs canadiens...

Encore une fois, j'ignore si cela serait autorisé aux termes de l'AMI. Il n'en demeure pas moins qu'il faudrait offrir des incitatifs aux intervenants qui peuvent peser dans la balance—en général, les maisons d'édition et les libraires—et appuyer en particulier les nouveaux auteurs canadiens.

Deuxièmement, il suffit de sensibiliser la population. Il y a déjà eu dans le secteur du livre canadien de belles initiatives, notamment cette idée de la Journée du livre au Canada lancée par Lawrence Martin, à Ottawa. Ce genre d'initiative de sensibilisation à l'écrit pourrait être financée par le gouvernement. Ce dernier pourrait en financer la promotion à l'échelle de l'industrie, au lieu de privilégier une seule organisation.

Si l'on songe aux retentissements du Prix du gouverneur général et du Giller Prize, grâce à Jack Rabinovitch, c'est l'ensemble du monde de l'édition qui en a profité. Tout ce qui permet de mousser d'excellents livres auprès du grand public est une bonne chose.

Je préconise qu'on utilise une partie des fonds disponibles et que cela ne soit pas axé vers une maison d'édition en particulier. En fait, on récompense les éditeurs qui produisent d'excellents livres. Ainsi, je dirais qu'investir certains fonds de promotion pour le Prix du gouverneur général, le Prix Giller et le Jour du livre au Canada est une chose fort utile. Les détaillants aident les maisons d'édition et aident également les auteurs.

• 1615

Le président: Merci.

Madame Anderson, pourriez-vous répondre brièvement, étant donné que j'ai court-circuité M. McIntyre, et que ce n'était pas mon intention. Vous pourriez peut-être répondre très brièvement à M. Abbott.

Mme Mary Joe Anderson: Je suis d'accord avec M. Stevenson. Il y a une énorme différence entre la perspective d'une librairie indépendante et celle d'une grande chaîne de magasins. Je ne pense pas que nous ayons le temps d'aborder cette problématique.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il serait bon que le gouvernement maintienne son aide à la mise en marché et à la distribution.

En tant que détaillant, je fais face à de multiples problèmes. Les clients entrent maintenant dans mon magasin pour se procurer des livres de partout dans le monde dont ils ont appris l'existence par l'Internet. Pourtant, il m'est pratiquement impossible d'avoir accès à ces livres en raison de problèmes de distribution.

À mon avis, il faut régler les problèmes à tous les niveaux, car c'est à tous les niveaux qu'il y a des problèmes, et je ne parle qu'à titre de détaillant. Il y a des problèmes de service et de distribution, de mise en marché et de promotion, de financement pour les auteurs, cela n'en finit plus.

Voilà, c'était une brève réponse générale.

Le président: Monsieur McIntyre, vous avez été très patient.

M. Scott McIntyre: Merci, monsieur le président. La joie d'une table ronde, c'est évidemment que les choses que vous vouliez dire huit intervenants auparavant... Je ne me retrouve plus dans mes notes. Je vais essayer d'aborder les divers sujets qui ont été évoqués sans accaparer plus que ma juste part de temps de parole.

Tout d'abord, je voudrais revenir à l'AMI. En guise de châtiment pour mes pêchés, j'ai été président—maintenant ex-président—du Groupe consultatif sectoriel sur les industries culturelles qui est chargé de faire rapport au ministre Marchi. D'une façon ou d'une autre, j'ai participé à toutes les négociations sur le libre-échange depuis l'ALE. Pourquoi quelqu'un ferait-il cela, on se le demande.

Dans le contexte de l'AMI, la question critique pour les industries culturelles me semble être la propriété et ses diverses répercussions. À mon sens, on peut établir sans conteste, particulièrement dans le monde de l'édition, qu'il existe un lien direct entre la propriété et la création du contenu.

Je sais que le ministre Marchi tient mordicus à ce que les industries culturelles soient intégralement soustraites à l'application de l'AMI. Pour lui, c'est ça ou rien.

Il y a d'autres possibilités, dont l'une pourrait être beaucoup plus intéressante. Elle permettrait au Canada de prendre davantage l'initiative dans l'élaboration d'un régime culturel qui permettrait à la souris à tout le moins de tenir son bout face à l'éléphant.

Je pense que nous perdons de vue le fait qu'en tant que pays nous avons déjà réussi de façon remarquable à équilibrer tout cela.

Je dirai deux choses au sujet de l'AMI. Premièrement, il est absolument essentiel que Patrimoine Canada et Affaires étrangères et Commerce international collaborent ensemble, car indépendamment de ce que disent les ministres, l'issue sera décidée à Genève, derrière des portes closes, et les négociateurs seront aux prises avec de difficiles compromis. Ce genre de conviction doit être sur la table. Ce n'est pas facile lorsque c'est la dernière ronde, qu'il est 4 h et qu'il faut que quelque chose se passe.

Il y a autre chose. De façon générale, les accords sur le commerce international sont extrêmement complexes. Ils sont remplis d'annexes qui ne sont pas nécessairement compatibles les unes avec les autres.

Comme nous l'avons constaté à la suite de la décision de l'OMC dans le cas des magazines et comme nous risquons de le constater encore une fois avec la décision sur Polygram, au bout du compte, c'est dans l'annexe que le crocodile va avoir raison de vous, car on a été oublieux des répercussions qu'il y avait là. J'insiste donc pour que l'on partage cette conviction dans le partenariat entre Affaires étrangères et Commerce international et Patrimoine Canada.

Je ne suis pas venu pour devenir négociateur en matière de commerce. On a parlé plus tôt du caractère équitable des critères d'accès aux programmes gouvernementaux existants, que ce soit ceux du Conseil des Arts ou de Patrimoine Canada. Permettez-moi de vous dire que, dans certains cas, ces critères comptent parmi les plus démocratiques, les plus raisonnables jamais inventés par l'esprit humain. Ils tiennent compte des réalités régionales et n'imposent que des exigences de base en matière de compétence professionnelle. J'ai participé à l'élaboration de certains d'entre eux et je puis donc vous dire que j'ai constaté beaucoup de sensibilité et de volonté d'adaptation dans les débats visant à assurer l'équité entre le Québec et le Canada anglais ainsi qu'entre les régions.

Pour ce qui est de l'avenir du livre et de limites à envisager, je ne crois pas qu'il puisse jamais y avoir trop de livres, quelle qu'en soit la provenance. En matière d'importation du savoir, nous sommes le pays le plus ouvert au monde. Nous avons tendance à l'oublier. Le marché du livre est le plus concurrentiel qu'on puisse trouver, selon moi, et c'est d'autant plus vrai au Canada, pratiquement le seul pays du monde anglophone où presque tout ce qui est produit en anglais est disponible. Le public ne risque pas tellement d'être étouffé par le contenu canadien. Je ne vois pas comment on pourrait imposer des limites. La seule réponse, d'après moi, c'est d'avoir de merveilleux auteurs et un secteur de l'édition plus dynamique.

• 1620

Pour ce qui est du mode de diffusion du livre, en plus d'être un romantique, je suis de ceux qui pensent qu'il faut briser le moule et le faire allègrement. Je vois peut-être le monde de l'édition d'une façon plus large. En effet, publier veut dire «rendre public». Ainsi, dans un monde numérisé, nous ajoutons une certaine valeur à l'ouvrage, nous le préparons pour la publication, nous accordons des droits, et nous assurons la diffusion. Puisque maintenant tout est numérique dès le départ, pourquoi l'éditeur ne pourrait-il pas envisager toute une panoplie de moyens de diffusion du contenu?

Le droit de propriété est une question cruciale. C'est également le cas du droit d'auteur. La désuétude de bon nombre de contrats d'éditeurs mérite également qu'on s'y arrête.

Je suis persuadé que le livre va survivre. Il y a environ 25 ans, Marshall McLuhan déclarait que le livre allait mourir dans les cinq ans qui suivraient. Il en était certain. Ceux qui parlent de l'agonie du livre semblent oublier qu'il s'agit sans doute de l'instrument de diffusion le plus efficace et le plus rentable jamais inventé et que tout ce qui se passe actuellement sur l'Internet ne concerne en réalité que le monde industrialisé. Dans le reste du monde, dans le tiers monde, la magie du livre aura encore sa place pour bien des années, à mon avis.

Les choses vont changer. L'édition de bases de données va prendre une importance très considérable. Pour l'information courante, on consultera Internet. Par contre, la magie du livre comme artefact, comme recueil, n'est pas prête à disparaître.

Que pourrait faire le gouvernement à l'avenir en matière de politiques? Dans l'ensemble, je dirais que le Canada s'est plutôt bien tiré d'affaire. En bref, j'estime qu'il y aurait lieu de favoriser la création de contenus et de veiller à ce que les voix canadiennes touchent les auditoires auxquels elles sont destinées.

Je crois que cela suffit pour le premier tour, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Je donnerai la parole à M. Muise, M. Godfrey et Mme Fraser.

M. Mark Muise: Je comprends le collègue qui parlait tout à l'heure d'être le septième ou huitième à intervenir.

J'aimerais commenter ce qu'a dit M. Bélanger et pousser peut-être un peu plus loin. Je m'interroge sur l'incidence d'Internet et d'autres nouvelles technologies—je pesais ce que vous disiez—sur les droits d'auteur ou la diffusion. Nous pourrions peut-être ajouter à la liste les tendances démographiques. Nous ne nous y attardons peut-être pas souvent, mais elles auront certainement d'énormes répercussions. Nous commençons à peine à les entrevoir. Je me demande si quelqu'un aurait des commentaires à faire à ce sujet.

Merci.

Le président: Allez-y, Jack. Je crois qu'ils nous signifient qu'ils vont être patients.

M. Jack Stoddart: Les tendances démographiques ont leur importance. À titre de propriétaires de la maison d'édition à qui l'on doit Boom, Bust, and Echo, la question nous intéresse au plus au point.

Disons tout d'abord que la lecture est plus essentielle que jamais aujourd'hui. On ne peut rien faire aujourd'hui si on ne sait pas bien lire. Qu'il s'agisse d'un livre ou d'un support électronique, peu importe. La survie du livre dans sa forme actuelle m'importe peu. L'édition et la vente au détail vont continuer. Il se peut que le mode de présentation change. Dans le domaine de la musique, nous sommes passés du 78, au 33 et au 45 tours, puis du ruban au ruban numérique et au DC. Or, dans le secteur de l'information et du divertissement qui est le nôtre, le livre continue d'être très important.

Les choses vont changer, je suppose. Mais, ce qui a véritablement changé dans notre secteur, c'est la technologie qui sert à faire des livres. Je pense ici à la capacité de composition et aux techniques de balayage qui permettent de produire des livres à moindre coût qu'auparavant. Nous pouvons produire des livres en deux semaines, ou même deux jours, si cela est vraiment nécessaire. La technologie a ainsi permis au secteur de l'édition d'améliorer sa capacité de produire des livres.

L'évolution technologique nous permet de transporter des livres plus rapidement d'un bout à l'autre du pays. Lorsqu'on ouvre une boîte, un balayage externe permet d'en connaître le contenu. Il n'est pas nécessaire de compter chaque livre. Ainsi, les anciens systèmes de distribution disparaissent rapidement.

• 1625

Dans une perspective à long terme, je ne crois pas que nous devrions nous inquiéter de la forme ou du mode présentation du livre. Nous devrions plutôt nous soucier des compétences en lecture des enfants qui grandissent à l'heure actuelle.

Autre aspect important: l'accès à l'écrit, sous quelque forme que ce soit. Nous nous inquiétons beaucoup, par exemple, du fait que les bibliothèques achètent surtout des livres étrangers, et notamment américains, plutôt que des livres canadiens. Les collections d'ouvrages canadiens semblent nettement à la baisse. Pourquoi les Canadiens devraient-ils payer pour l'achat de Danielle Steel au lieu de Margaret Atwood ou bien d'autres?

Du point de vue du libraire, le gouvernement actuel—le gouvernement précédent, je suppose—a pris une décision lourde de conséquences lorsqu'il a tranché au sujet de l'entrée de Borders au Canada. Il ne s'agit pas de savoir si nous devrions avoir de grandes surfaces ou non; il s'agissait de décider de la venue au Canada de l'entité étrangère qu'est Borders.

Si la chose est importante, sur le plan des réalités démographiques, c'est que dans les états de vente au détail de l'entreprise, le Canada n'existait même pas. Toronto faisait partie de l'ensemble de Buffalo, Rochester, Cleveland, etc., et Vancouver faisait partie de Portland, etc. Or, si le détaillant ne sait pas que les consommateurs du pays achètent telle ou telle chose, je ne vois pas comment il peut effectuer ses achats.

La technologie rend possible bien des choses. Elle peut également en détruire bien d'autres. La technologie dont on se sert aujourd'hui dans le secteur de la vente au détail peut fournir toute une gamme de renseignements, mais si on les utilise à mauvais escient ou si on veut les utiliser tout simplement en fonction d'un ensemble plus vaste, pour augmenter le chiffre d'affaires partout dans le monde, alors nous risquons de perdre notre pays. Nous devons également veiller à ce que les Canadiens fassent partie du réseau. C'est pour cette raison qu'il existe des règles en matière de contenu canadien à la radio et à la télévision, etc.

Pour revenir maintenant à la question de Jim sur la mise en marché, le ministère du Patrimoine canadien et les intervenants du secteur examinent actuellement le nouveau Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition, qui relève d'eux.

Or, les intervenants du secteur ont formulé une recommandation qui sera vraisemblablement acceptée, à mon avis, à savoir que 20 p. 100 des subventions doivent être consacrées à la mise en marché, et non pas à la production ou au développement.

Je ne sais pas si nous produisons suffisamment. Je ne sais pas si nous avons atteint le maximum possible. Si nous étions à 70 p. 100, nous serions trop loin. Je ne sais pas où nous nous situons au juste.

Pour la prochaine période, l'objectif doit consister à vendre davantage de nos livres pour faire valoir le travail de nos auteurs plutôt qu'à produire davantage de titres. La production d'ouvrages est déjà très considérable.,

En proposant que le volet mise en marché corresponde à au moins 20 p. 100 du nouveau programme, les représentants du secteur de l'édition ont pris l'initiative de proposer une norme qui n'existait pas auparavant, ce qui signifie que les intervenants du secteur sont d'accord pour accorder un rôle considérable à la mise en marché dans tout le processus allant de la production à la vente des livres.

Le président: Merci, monsieur Stoddart. Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: J'aimerais rester dans le sujet de la démographie. En effet, parmi les divers secteurs culturels sur lesquels nous allons nous pencher, on peut parler véritablement de réussites exceptionnelles dans le cas du pourcentage très élevé constaté aujourd'hui par rapport à celui d'il y a 30 ans. La chose est attribuable à une combinaison de facteurs—notamment les forces du marché et la politique gouvernementale—mais, nous avons trouvé la formule gagnante d'une manière quelconque et nous devons poursuivre sur cette lancée.

Cela dit, je me demande tout de même comment a évolué l'effectif-lecteurs au cours des 30 dernières années. Nous parlons en effet de 30 p. 100 ou de 3 p. 100 d'une population de lecteurs. Je suis donc curieux de savoir, chiffres à l'appui, avec corrections pour l'inflation et la croissance démographique, si nous lisons davantage ou moins ou si nous achetons davantage ou moins. La question me semble tout à fait pertinente par rapport au thème de la mise en marché.

Un démographe de la culture, M. Terry Cheney, a comparu devant nous et nous a déclaré que, selon une projection d'avenir en fonction de deux variables, soit l'âge et la scolarité, on pouvait envisager un recul progressif du nombre de téléspectateurs et une augmentation des effectifs-lecteurs, ce qui semble essentiellement être une bonne nouvelle pour vous.

Ma deuxième observation—qui correspond à ce que vous pensez, me semble-t-il—c'est que la réalité démographique évolue à votre avantage.

Ma troisième observation porte sur la distribution. Elle a rapport à une question quelque peu espiègle posée ce matin par deux des auteurs qui ont comparu, Myrna Kostash et Carol Shields. M. Stevenson et Mme Anderson ont une belle occasion de se faire valoir.

• 1630

Lorsqu'on crée un phénomène culturel d'un genre nouveau, comme c'est le cas des mégalibrairies, a-t-on pu vérifier—ou le pourra-t-on jamais—qu'une augmentation véritable de la clientèle peut résulter d'un phénomène nouveau où le livre est associé au café, aux rencontres de célibataires, ou à je ne sais trop quoi d'autre qui peut avoir lieu dans votre commerce, monsieur Stevenson? Êtes-vous en train d'élargir le bassin des lecteurs? Êtes-vous en train d'élargir le marché et quelles preuves en avez-vous? Allons-nous pouvoir porter le groupe de réflexion à un sommet de perfection? Comment savoir?

Voilà trois questions connexes qui ont toutes rapport au public lecteur.

Le président: Nous allons remettre à plus tard les réponses à ces questions.

Madame Fraser, vous avez été fort patiente.

Mme Sylvia Fraser: J'aurais deux observations à faire. La première saute aux yeux, mais elle mérite d'être dite. Lorsque nous parlons de protéger la culture canadienne, nous ne parlons pas de nous protéger contre ce qu'il y a de meilleur à l'extérieur. Nous cherchons à nous protéger de la crétinisation de la culture, et plus précisément de la crétinisation de l'édition. Et il suffit de jeter un oeil du côté des États-Unis pour voir à quel point la culture pop s'insinue partout. L'édition n'est tout simplement qu'un segment du monde du divertissement—un monde où la crétinisation avance à grands pas. Voilà ce que nous avons à affronter.

Il ne s'agit donc pas de protéger un créneau particulier du marché. Les enjeux sont tout à fait considérables, notamment en matière d'alphabétisation.

Mon autre observation porte sur un point très particulier. On a proposé à un moment donné que le volet technologie de cette conférence porte tout particulièrement sur les livres et les magazines. Or, le monde du magazine nous offre un exemple extrêmement important qui touche les auteurs. Autrefois, l'auteur indépendant pouvait vendre à un magazine les droits pour une zone géographique donnée tout en conservant son droit d'auteur. Aujourd'hui, l'auteur est invité à signer un document par lequel, pour une dizaine de dollars, il renonce à ses droits d'édition électronique. Essentiellement, il renonce au droit de diffusion mondial et aux droits d'auteur pour l'oeuvre dont il est l'auteur.

Face à une telle situation, l'auteur est à peu près impuissant. Son interlocuteur n'est même pas un éditeur ou un rédacteur en chef. De plus en plus, il s'agit d'un conglomérat, d'une multinationale qui possède de nombreuses chaînes de journaux ou de magazines. Ce n'est vraiment pas le genre de combat que l'on peut mener seul. Il me semble extrêmement important que le gouvernement intervienne et participe à la formulation d'une politique équitable non seulement pour l'auteur mais aussi pour l'éditeur.

Nous ne savons pas ce que l'avenir réserve au livre, mais nous pouvons peut-être tirer une leçon de ce qui se passe dans le domaine du périodique. Les contenus des magazines ou des journaux sont vendus au jour le jour à des banques de données qui, à leur tour, vendent des droits de téléchargement à des particuliers qui sont des abonnés. On constate donc que le marché du périodique se rétrécit de plus en plus mais que, parallèlement, le marché électronique prend beaucoup d'ampleur. Or, l'auteur n'y a nullement accès et n'en tire aucune rémunération.

À des fins de statistique, je vous rappelle que l'auteur indépendant type est âgé de 45 ans, a deux diplômes d'études postsecondaires, dix ans d'expérience et gagne 26 100 $ par année. Il s'agit donc là d'un aspect fort important... Mais, je me répète.

Le président: L'auteur moyen?

Mme Sylvia Fraser: Selon la PWA, soit la Periodical Writers Association, l'auteur a 45 ans, deux diplômes d'études postsecondaires, dix ans d'expérience et gagne 26 100 $ par année. Et l'Association emploie le féminin pour parler de cette personne. Je ne sais si, dans ce cas, le féminin englobe les deux sexes ou s'il s'agit de la situation des auteurs de sexe féminin.

Le président: Merci.

Madame L'Espérance-Labelle, il me semble qu'il serait intéressant d'entendre ce que vous avez à dire, étant donné que M. Abbott et, plus particulièrement, M. Bélanger ont posé des questions au sujet du livre de l'avenir. Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez le livre de l'avenir et quelle part il peut avoir dans votre monde.

• 1635

Ainsi, compte tenu des questions de M. Abbott et de M. Bélanger, pourriez-vous nous dire comment vous voyez l'avenir du livre et comment cela correspond à la réalité qui est la vôtre.

[Français]

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: Puis-je profiter de l'occasion pour soulever d'autres points?

Le président: Bien sûr. Sentez-vous bien à l'aise. La parole est à vous.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: Merci. Je vais en profiter pour parler d'autres points que je voulais souligner et, en même temps, je pense que je pourrai répondre à vos questions spécifiques, monsieur Bélanger.

Je pense qu'actuellement, il n'y a aucun doute que toutes les industries, que ce soit le livre, la musique, le vidéo, le film ou les magazines, convergent vers l'industrie du multimédia, puisque le multimédia se sert de toutes ces ressources pour trouver ses contenus.

Il m'apparaît donc important, dans un contexte semblable, que le gouvernement encourage le regroupement de ces industries pour que chacune d'entre elles y trouve son avantage dans l'avenir. Je pense que la protection de la culture passe justement par le phénomène économique. C'est-à-dire qu'on doit la véhiculer. Pour la véhiculer, il faut être capable de la vendre. Il faut donc s'assurer également que les contenus sont de qualité. Je pense que, dans le domaine des contenus, que ce soit le livre ou le multimédia—Internet, CD-ROM ou autre—, il ne fait aucun doute que c'est le véhicule parfait pour avoir une diffusion immédiate mondiale.

Mais il faut se poser les questions suivantes, et l'intervention du gouvernement est extrêmement importante à ces deux niveaux.

Premièrement, il faut penser en termes de qualité de contenu. Il ne suffira pas de prendre un livre et de le mettre sur Internet ou sur un support CD-ROM. Il faut penser que la concurrence nous oblige à prévoir l'interactivité. Donc, à ce moment-là, il faut que le médium traditionnel se retrouve sur le multimédia. Il faut faire non seulement un contenu véhiculé via les nouveaux médias, mais aussi un contenu de qualité et interactif, puisque c'est l'objectif principal du multimédia.

Maintenant, l'autre défi que le gouvernement doit relever, c'est que ces nouveaux médias nous permettent d'avoir accès et de donner accès simultanément au monde entier. Ici même, au Canada, ils permettent à nos gens, immigrants, francophones ou anglophones, de donner accès à un contenu en français ou en anglais qui peut être traduit instantanément dans l'autre langue. À ce moment-là, il faut se préoccuper de la qualité des outils qui vont servir à traduire instantanément ces contenus, parce qu'on risque de perdre beaucoup sur le plan de ce qui sera véhiculé et traduit, en termes linguistiques, mais aussi, évidemment, en termes culturels.

Maintenant, vous vous demandiez quoi faire pour que le Canada prenne le leadership et facilite la diffusion du livre sous toutes ses formats via le multimédia. Il existe actuellement un fossé très grand entre le développeur de contenus multimédias, qui devraient être édités, et le réseau de distribution. Il y a le réseau de distribution traditionnel et il y a le développeur. Au Canada, il n'existe pas...

Le président: Excusez-moi.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle : Oui.

Le président: Le développeur, c'est qui?

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: Le développeur, c'est la personne qui développe les contenus multimédias selon une technologie donnée, soit sur Internet, soit sur CD-ROM, soit sur DVD. C'est la personne qui développe le contenu. Il faut ensuite l'éditer, évidemment, le mettre en marché et le distribuer. Actuellement, dans le domaine du multimédia, les contenus mis au point par les développeurs et sont édités par des maisons américaines, pour ce qui est des productions anglaises, ou édités la plupart du temps, dans près de 99 p. 100 des cas, par de grands éditeurs français qui viennent de France.

Il existe donc une très grande lacune, un très grand fossé actuellement. Le gouvernement doit absolument encourager et aider les maisons d'édition à éditer les contenus canadiens pour les diffuser ensuite à l'étranger. C'est quelque chose de très important.

• 1640

Comme il n'y a pas de véritables éditeurs de contenu multimédia au Canada, que ce soit en français ou en anglais, ce sont évidemment les contenus qui nous viennent d'ailleurs qu'on adapte pour nous. Donc, on importe plus qu'on exporte. Il est donc important, sur le plan de la protection de notre culture, que nos éditeurs puissent éditer nos contenus, pour les véhiculer ensuite vers l'étranger et les exporter. Ce serait un équilibre à rétablir.

Je dirais aussi que bien qu'il soit important d'aider le développement des contenus, si on n'a pas d'aide pour les mettre en marché et les commercialiser, il sera difficile de les vendre. Or, j'ai dit au début de mon intervention que le meilleur moyen de protéger la culture, c'est d'être capable de la vendre. Il m'apparaît donc important d'aider la commercialisation. Lorsque le gouvernement donne des subventions au développement d'un produit, quel qu'il soit, il doit aussi penser à aider à sa commercialisation.

Je me réjouis, par ailleurs, de voir toutes les initiatives qui ont été prises sur le plan de l'éducation, parce que, si on veut préserver notre culture, il faut penser d'abord aux enfants, à nos enfants.

Actuellement, je vois autant le ministère de l'Industrie que le ministère du Patrimoine canadien se préoccuper de ces aspects. Qu'on pense, par exemple, à des réseaux comme SchoolNet, Rescol ou à d'autres initiatives semblables qui m'apparaissent extrêmement importantes. On doit mettre l'accent sur l'éducation. En d'autres termes, tout passe par l'école. Cela commence là.

C'est important de faire le ralliement des entreprises également, de travailler de très près avec les organismes du milieu et d'être partout sur le terrain. Si on veut réussir à préserver notre culture, les gens qui sont engagés dans sa diffusion ou dans son développement ont besoin d'aide, d'aide sur le terrain, d'aide à la gestion, d'aide dans la formation de partenariats, d'aide à l'exportation, etc.

Voilà, je pense avoir fait le tour de la question. Directement ou indirectement, j'ai répondu à la question, je crois.

Le président: Monsieur Bélanger, c'est à vous.

M. Mauril Bélanger: Lors d'une autre séance, il y a peut-être un mois ou deux, j'avais soulevé la question de l'interprétation ou de la traduction immédiate, par rapport à Internet, par rapport à l'importance que cela peut avoir pour le Canada. À ce moment-là, on m'avait dit que c'était encore à l'état d'idée, mais qu'il n'y avait pas de travail de fait. C'est du moins ce que disaient les gens qui étaient avec nous à ce moment-là. Je crois comprendre que ce n'est pas tout à fait le cas.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: C'est très avancé.

M. Mauril Bélanger: Je me dirigerai vers vous à un moment donné, si vous le permettez, madame.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: C'est déjà sur le Net.

M. Mauril Bélanger: Bon, d'accord. Monsieur le président,

[Traduction]

Je voulais tout simplement adresser une gentille remontrance à l'un de nos...

Le président: M. McIntyre, peut-être?

M. Mauril Bélanger: J'approuve à 99 p. 100 ce que vous avez dit, monsieur, mais il y a tout de même une expression qui m'horripile—«Le Québec et le Canada anglais». Je ne m'y retrouve pas du tout, monsieur, avec tout le respect que je vous dois. Je suis un francophone, un Canadien français de l'Ontario qui représente une circonscription où les Canadiens français constituent 40 p. 100 de la population. Il y a au Canada des centaines de milliers de francophones qui n'habitent pas le Québec. Il n'y a qu'une province qui soit bilingue officiellement—le Nouveau-Brunswick. Où est-ce que ces gens peuvent se retrouver dans cette définition ou cette expression?

Merci.

Le président: Madame Anderson.

Mme Mary Joe Anderson: J'aimerais revenir sur certaines questions très précises, et en soulever certaines autres qui sont nouvelles. Selon moi, il ne faut pas se demander si le livre est moribond. Il faut plutôt se demander quels sont les éditeurs et les libraires qui vont disparaître.

À brûle-pourpoint, je peux vous dire qu'il y a de 15 à 20 libraires indépendants un peu partout au pays qui ont fermé boutique au cours des 12 derniers mois. Je crois que c'est le début d'une vague qui augmentera de façon spectaculaire pendant les cinq prochaines années. Je ne serai peut-être plus libraire dans deux ans. Il y a déjà beaucoup de clous dans mon cercueil.

Je suis commerçante au détail et femme d'affaires et je comprends que le marché est concurrentiel. Je suis prête à accepter une certaine responsabilité pour mes succès et mes échecs dans le monde des affaires, mais il y a certains clous potentiels qui peuvent vraiment servir à fermer mon cercueil. Et la question que je dois me poser est la suivante: Est-ce le gouvernement qui manie le marteau? Et la réponse est affirmative, dans bien des cas.

• 1645

La TPS est un de ces clous. Le monopole que l'on permet à certaines chaînes d'exercer, où la pratique des prix est tout à fait différente de la mienne, constitue un autre clou. Il y a le troisième clou, celui de la technologie, et je suis sûre que j'en oublie beaucoup d'autres. Pour survivre pendant la prochaine décennie dans notre industrie, il faut nous rallier à l'informatique et beaucoup de libraires indépendants se démènent soit pour se faire installer un ordinateur, soit pour améliorer le système qu'ils ont déjà.

Je sais que l'industrie devrait être normalisée pour que nous nous servions tous du même système et de méthodes comparables pour passer les commandes. Telebook, le système de passage de commandes canadien, est un véritable fiasco et ce, depuis bien des années. Jack a dit que les libraires n'effectuent même plus leurs achats sur le marché national, alors, que dire de les amener à le faire sur le marché provincial, comme ils le font au Québec.

Mais tout cela est peut-être sans importance lorsqu'on songe à ce clou énorme qu'est l'AMI. Cette chose est suspendue au-dessus de nos têtes au moment même où nous nous parlons.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Anderson.

[Français]

Monsieur Foulon et monsieur Saada

[Traduction]

et ensuite, M. Abbott.

[Français]

M. Hervé Foulon: Merci, monsieur le président.

Je voudrais juste revenir sur quelques points. On a parlé du livre et du multimédia. On en parle tous les jours et on se pose tous les jours la question de savoir ce que deviendra l'imprimé face au multimédia. Je ne pense pas, comme cela a déjà été dit, que cela va mettre en péril l'avenir du livre, mais qu'il y a une complémentarité qui est en train de se créer.

Je discutais encore ce midi avec une personne—ça tombait bien puisqu'on est en train de faire le lancement d'un de nos livres, qui est un livre de consultation—qui me posait exactement cette question. C'est une journaliste. Je lui ai demandé ce qu'il en était pour elle. Elle m'a répondu qu'elle consultait toujours notre livre. Je lui ai dit que j'étais rassuré. En fait, elle s'aperçoit qu'il y a aussi une question de rapidité de consultation.

Il est excellent de pouvoir travailler, aujourd'hui en tout cas, avec le multimédia quand vous êtes en train de faire une recherche. Si nous sommes en train de discuter autour d'une table et qu'on a besoin de définir un mot ou un problème, j'aurai beaucoup plus vite fait d'aller chercher dans mon dictionnaire traditionnel ou dans mon encyclopédie traditionnelle.

Donc, je pense que ça dépend de la façon dont on travaille et de la situation dans laquelle on se trouve. C'est pour cela que je parle de complémentarité aujourd'hui. Je ne sais pas si dans 10 ou 20 ans, on va me proposer un livre dont je pourrai tourner les pages virtuellement. À ce moment-là, on pourra se rasseoir et en reparler.

Vous posiez aussi la question de savoir si l'industrie allait mieux et jusqu'où elle pouvait aller mieux.

D'abord, sur «l'industrie va mieux», je dirais oui, mais ça dépend encore dans quel domaine. Quand on parle de l'industrie du livre, on parle de littérature, de littérature jeunesse, de livres scolaires. Ce sont des domaines qui sont très diversifiés. S'il y a effectivement certains secteurs qui vont mieux qu'ils n'allaient, je peux vous dire qu'il y en a d'autres qui vont moins bien.

Dans le domaine francophone, et je spécifie francophone et non pas québécois, l'édition scolaire, actuellement, traverse des phases plus difficiles, pour différentes raisons, et ça pose des problèmes parce qu'on pense toujours que les éditeurs scolaires sont de gros éditeurs qui reposent sur un solide coussin d'argent.

Il faut aussi savoir ce que représente l'investissement pour le développement d'un livre scolaire. Vous pouvez publier un roman avec 10 000 $; vous ne pouvez pas faire un livre pédagogique avec 10 000 $. Vous parlez, à ce moment-là, d'un investissement de 300 00 $ ou 400 000 $. Donc, le problème est totalement différent. C'est pour ça qu'il faut faire attention quand on dit que l'industrie va mieux. Il faut, je pense, moduler en fonction des secteurs et il faut aussi moduler—et là je parle spécifiquement du Québec—dans le sens que le Québec se trouve dans une situation quasi générale, comme le disait Jack Stoddart au niveau de la littérature générale; c'est-à-dire qu'à peu près 30 p. 100 du marché a été réoccupé, je dirais, par l'industrie nationale et que 70 p. 100 reste de l'importation. En ce qui concerne l'édition scolaire, on dit que, grosso modo, de 80 à 85 p. 100 de l'édition scolaire est entre les mains d'éditeurs locaux; et je dis locaux, et pas forcément canadiens. C'est là qu'il y a une différence, et ça revient au problème de l'investissement.

De gros éditeurs dans le domaine scolaire, parce que c'est un gros marché, sont de propriété étrangère et, comme par hasard, ce sont les éditeurs les plus importants. Il faut donc en tenir compte quand on parle de la santé d'une industrie, et cela a toujours été le cas dans la politique qui a toujours été mise de l'avant pour essayer d'aider les intérêts canadiens à prendre en main leur propre industrie.

• 1650

M. Stevenson a parlé tout à l'heure d'encouragement à la lecture. J'espérais que cela irait un peu plus dans ce sens-là, parce que je pense que c'est effectivement très important.

On sait que le taux de natalité est ce qu'il est. Je ne pense pas que c'est nous qui pourrons, demain, y changer quelque chose et que ce n'est pas subitement qu'une famille fera quatre ou cinq enfants et...

[Note de la rédaction: Inaudible] ...d'ailleurs.

Par contre, il y a des possibilités d'augmenter le marché sur lequel on peut compter en tant d'industrie. Ce n'est pas 90 p. 100 des gens qui passent leur temps à lire; on est malheureusement loin de ce chiffre. Je crois qu'il y a tout un travail au niveau de la promotion, et du livre, et de la lecture. Pourquoi le livre et la lecture? Je ne sais pas; sans doute parce qu'il y a aussi une promotion du livre en tant qu'objet. Trop souvent, le livre est trop peu considéré. Combien de fois entendons-nous: «Ah! le livre est trop cher!» C'est à peu près ce qu'on entend quotidiennement, alors que je n'entends jamais cela à propos d'un autre produit.

Les parents ont leurs enfants à l'école; ils ont à dépenser 5 $ ou 10 $ pour un livre. C'est un scandale! Mais ce n'est jamais scandaleux quand on leur demande d'équiper leurs gamins pour jouer au hockey, alors qu'il faut payer 200 $ pour une paire de patins.

Il y a toute une mentalité à changer, à laquelle nous sommes partie prenante comme tout le monde. Je parle de l'école, parce que c'est aussi l'endroit où un enfant a le premier contact avec un livre. Je trouve d'ailleurs que ce premier contact est assez malheureux en ce moment, par les temps qui courent, où on nous dit qu'il manque des livres. Je ne parle pas seulement de livres scolaires, mais aussi de livres de lecture, de livres de bibliothèque. Nous avons tous entendu dire que des bibliothèques offraient des livres où on annonçait qu'on allait bientôt envoyer des hommes sur la lune, etc. Quand un enfant a cela comme premier contact, sans compter le manque de livres ou le piètre état des livres, comment pouvons-nous espérer le sensibiliser à la lecture et l'amener à l'aimer? On m'a toujours appris qu'il fallait avoir de bons outils pour apprécier de faire quelque chose.

Alors, je crois qu'il y a tout un travail sur le plan de cette promotion, et du livre en tant qu'objet, et aussi de la lecture. Ce n'est pas du tout faire concurrence aux nouveaux outils qui sont à la disposition des gens. À un certain moment, on disait que la télévision tuerait le livre. La télévision existe depuis de nombreuses années et le livre est toujours là. On s'aperçoit même que la télévision peut avoir un effet bénéfique sur le livre. Il suffit de regarder certaines émissions littéraires qui ont un impact immédiat sur la vente de livres ou de voir comment, quand des séries adaptées de livres passent à la télévision, le livre connaît une seconde vie quasi immédiatement.

Donc, je suis certain qu'en faisant des études, on pourrait s'apercevoir que les nouvelles technologies comme le multimédia ou Internet peuvent aussi avoir un impact favorable sur la lecture et sur le livre en général. Donc, c'est pour cela que je parle toujours de complémentarité et non pas de remplacement.

Dans les moyens qui favoriseraient la lecture, on a parlé aussi de la TPS. C'est effectivement un point très important. On tient toujours des discours et on est le premiers à dire dans d'autres pays, entre autres les pays du Sud, qu'il faut garantir la libre circulation du livre au moindre coût. Chez nous, le livre n'était pas taxé, mais on s'est empressé de lui mettre une taxe. Il y a quelque chose, à mon avis, de paradoxal dans ce discours. De plus, c'est une barrière supplémentaire que l'on met à l'accessibilité du livre. Donc, je pense qu'il serait important de revoir ces politiques.

On a abordé le problème des librairies. C'est un problème d'actualité un peu partout au pays. Il est certain qu'on n'est pas pour dire que demain il ne faut qu'une seule sorte de vendeurs de livres. Est-ce qu'il faut seulement des grandes surfaces? Je pense que tout le monde est ravi de pouvoir multiplier le nombre de points de vente, là aussi pour rendre le livre plus accessible.

Par contre, il faut faire attention de conserver la diversité des titres que l'on peut trouver. On sait très bien que lorsqu'on parle de grandes surfaces—le débat est très chaud au Québec actuellement, si on parle de Club Price, pour ne nommer qu'eux—, ces commerces ne distribuent à peu près que de 150 à 200 titres. Naturellement, ils choisissent les meilleurs vendeurs, les best-sellers.

• 1655

C'est autant de titres qu'un libraire traditionnel va vendre en moins, des titres sur lesquels lui pouvait s'appuyer pour faire une marge de profit suffisante pour offrir à sa clientèle des livres que j'appellerais des livres de fond, dont la vente est peut-être plus lente mais qui font partie de la culture et de la diversité de ce que l'on peut offrir. Cela inclut les essais et une multitude de bouquins. Il serait dangereux de voir disparaître ce genre de distribution, parce que ce ne sont certainement pas des chaînes comme Club Price qui s'amuseront demain à diffuser des essais comme ce que j'ai pu éditer sur le dictionnaire des esclaves en Amérique du Nord. C'est à titre d'exemple.

Voilà les points que je voulais souligner.

Le président: Merci, monsieur Foulon. Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Ma première remarque fait d'abord allusion à une phrase qu'a prononcée M. Foulon au début de sa première intervention. Il a dit: «On n'a pas toujours les amis qu'on choisit.» Je me suis posé la question à savoir comment les traducteurs s'en étaient sortis en arrière.

Des voix: Ah, ah!

M. Jacques Saada: J'ai plusieurs questions, mais je n'en poserai que deux ou trois. Est-ce qu'il y a une différence dans les tendances en matière de livres français par rapport aux livres anglais au Canada? Est-ce qu'on remarque des différences d'évolution de marché et ainsi de suite? C'est une question que je pose en toute honnêteté.

La seconde question, à laquelle M. Foulon a fait allusion dans sa deuxième intervention, c'est le rôle de la télévision dans le développement de la lecture. À moins que je ne me trompe ou que je sois absolument ignorant de ce qui se passe à la télévision au Canada, et en particulier au Québec, il me semble qu'il y a très peu d'émissions littéraires de qualité. Est-ce que ce n'est pas un handicap à l'épanouissement du livre que d'avoir une télévision qui est finalement extrêmement pauvre sur ce plan?

Troisièmement, il est évident que tout le monde est là pour faire un profit. On sait, par exemple, qu'il y a un goût extrêmement développé parmi le lectorat pour des livres de moins bonne qualité, du genre biographies très faciles. Est-ce que les éditeurs eux-mêmes, en publiant et en encourageant la production de ce genre de livres, ne sont pas en train d'augmenter le problème de l'appauvrissement de la qualité du livre?

Enfin, j'ai beaucoup entendu parler de la TPS. Je ne veux pas citer tous ceux qui en ont parlé, mais ils sont nombreux. Y a-t-il d'autres mesures financières? Je pense en particulier à...

[Traduction]

Mme Anderson nous a parlé d'un certain nombre de programmes que nous avons constitués et qui sont valables. Je crois que vous nous avez touché mot de leur entretien et leur expansion. Y a-t-il des mesures non financières—en d'autres termes, des mesures de nature purement politique—qu'il faudrait prendre, à votre avis, pour vous aider au cours des cinq ou dix prochaines années, mis à part les mesures financières, au niveau des politiques?

Je suis désolé, j'ai encore beaucoup d'autres questions, mais je m'arrête là.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Saada. Nous allons faire le tour et

[Traduction]

nous vous rem:\1intp\int\CHER21E.12viendrons.

[Français]

Je pense que vous avez posé des questions bien pertinentes.

[Traduction]

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: Merci.

Très brièvement, avant de dire ce que j'ai à dire, sachez que je me rallie de façon générale à la direction proposée par M. McIntyre au niveau de l'AMI. Cet accord nous offre certainement des occasions plutôt uniques. Trop souvent, nous, Canadiens, nous nous voyons dans le rôle de porteurs d'eau et de coupeurs de bois, sans talent pour le commerce mondial, et je crois que c'est un crime. Nous sommes les meilleurs, tabarouette, et quand nous aurons vraiment décidé ce que nous voulons faire au niveau des marchés internationaux, nous nous retrouverons en première place. Regardons les choses en face et soyons sérieux.

Moi, les murs me font peur. Si quiconque croit que les exemptions nationales que nous nous accorderions ne seraient pas contrecarrées par d'autres exemptions nationales que s'accorderaient les 28 autres pays de l'OCDE, alors je ne sais pas ce qu'on met dans sa pipe, mais ce n'est pas du tabac.

• 1700

J'aimerais aborder le sujet des différences entre les librairies indépendantes et l'énorme et épouvantable monopole de Chapters. Je me demande quel rôle le gouvernement devrait jouer. Il y a cette cruelle réalité que les petits ports isolés de Terre-Neuve ne survivront probablement pas. Dans l'ouest du pays, la ferme familiale disparaît au profit du complexe agroindustriel. Partout au Canada, la petite épicerie du coin se fait remplacer par des 7-Eleven et des magasins Mac's.

Dans une autre vie, à une autre époque—trop loin pour que je me rappelle les détails—, j'avais un magasin indépendant de vêtements pour hommes. Je ne sais pas combien il existe de magasins indépendants de vêtements pour hommes aujourd'hui, mais est-ce que le petit libraire indépendant joue un rôle suffisamment important dans notre société pour que le gouvernement doive faire certaines choses, doive mandater certaines choses et doive poser des gestes pour les appuyer de façon plus soutenue qu'il ne l'a fait dans le cas de la ferme familiale, du petit magasin du coin ou du magasin indépendant de vêtements pour hommes?

Pour me conformer à la pratique de M. Godfrey qui pose toujours des questions tendancieuses, j'aimerais savoir pourquoi on ne pourrait pas envisager d'ouvrir nos marchés aux compagnies Borders et Barnes & Noble qui pourraient mettre un nombre énorme de livres sur le marché? Chapters a une très grande part du marché et j'aimerais savoir quel est le pourcentage exact que cette compagnie détient.

Le président: Monsieur Abbott, je dois dire que vous rendez le débat beaucoup plus animé.

Monsieur Stevenson, avez-vous une réponse à cette question.

M. Larry Stevenson: Monsieur le président, je suis heureux d'avoir l'occasion de répondre de M. Abbott. Il va sans dire que je m'oppose toujours à l'utilisation du terme péjoratif «monopole», puisque le gouvernement a beaucoup de statistiques sur la taille de l'industrie du livre. Nous sommes une société ouverte et les chiffres de nos ventes sont rendus publics.

Si par hasard vous n'avez pas ces chiffres je peux vous dire que nos ventes de livres ne représentent que 400 millions de dollars dans un marché de 2 milliards de dollars. Nous avons fait faire quatre études par des économistes ici à Ottawa et nous serons heureux de vous en faire part. Le marché est très fragmenté, et il est donc assez facile de déformer la situation réelle car le fait est que nous vendons moins de 20 p. 100 des livres achetés au Canada. Je serai très heureux de vous parler officieusement de ces questions.

Je pense que les librairies indépendantes ont un rôle à jouer, tout comme les magasins indépendants de vêtements pour hommes ou toute autre entreprise indépendante. Si vous regardez la remontée du secteur de la vente au détail, vous verrez que dans la plupart des cas, les deux gagnants ont été les entreprises qui sont très petites et qui offrent des produits hautement spécialisés et celles qui sont très grandes. Les entreprises les plus durement touchées sont celles qui se trouvaient au milieu. Je crois que les entreprises indépendantes ont un rôle à jouer, et si un grand nombre d'auteurs se sont fait connaître, il faut dire en toute franchise que c'est grâce aux librairies indépendantes.

Certains des plus grandes librairies qu'on construit actuellement au Canada n'appartiennent pas à des sociétés comme Chapters. Parmi les meilleures librairies à grande surface il faudrait inclure McNally Robinson à Winnipeg, le magasin de Mel Bolen à Victoria et celui de Celia Duthie à Vancouver. Ce n'est pas une question de grandes librairies par opposition à de petites; elles sont différentes.

J'aimerais revenir à la question des titres vendus. Dans le cas d'une grande librairie comme celle qui est située à l'angle de Rideau et Sussex, avec une superficie de 42 000 pieds carrés et 127 000 titres, elle présente automatiquement toute une gamme d'auteurs et de titres qui autrement n'auraient pas été mis à l'étalage. Moins de 5 p. 100 des livres qui y sont vendus sont des best-sellers d'auteurs comme Danielle Steel, Grisham ou Clancy. J'estime donc que c'est une bonne chose.

En réponse à la question de M. Godfrey qui demandait si cela contribue à l'expansion du marché, je répondrai à deux niveaux, au niveau macro-économique et au niveau micro-économique.

Au niveau macro-économique, évidemment je n'ai à ma disposition que nos propres chiffres d'affaires. Une comparaison des chiffres de 1997 avec ceux de 1996 montre une augmentation de 22 p. 100 dans nos achats nets des éditeurs. J'ai 16 ans de données des compagnies qui nous ont précédés, et c'est la première fois que nous avons une augmentation en deux chiffres. Donc globalement il y a une augmentation.

Chose plus importante, nos achats nets des 35 petites maisons d'édition canadiennes avec lesquelles nous faisons affaire ont augmenté de 102 p. 100 entre 1996 et 1997. Cela confirme qu'il y a eu une explosion dans le nombre de livres vendus qui auparavant n'avaient peut-être pas accès au marché.

• 1705

Sur le dernier point, et je parle maintenant du point de vue micro-économique et de la compagnie dans son ensemble, puisque je n'ai pas accès aux chiffres pour tout le marché ou pour les ventes de nos concurrents. L'exemple le plus proche que je puisse utiliser est celui de notre librairie à Burlington. C'est la première des grandes librairies que nous avons construites.

À ma connaissance, des livres d'une valeur totalisant 4 millions de dollars ont été vendus à Burlington en 1994. C'était avant l'ouverture de notre première grande librairie en novembre 1995. Nous vendons pour plus de 6 millions de dollars de livres à la librairie de Burlington que nous avons ouvert. Quant à notre expansion, nous savons ce que nous avons vendu aux librairies Coles et SmithBooks. Les ventes ont baissé de 600 000 $. Nos ventes ont baissé de 600 000 $, mais nous avons bâti une librairie où les ventes ont augmenté de 6 millions de dollars.

Même si tous les autres vendeurs de livres à Burlington avaient perdu leurs ventes—et je ne crois pas que cela soit le cas car j'ai discuté avec des gens à Wal Mart, Price Costco, et d'autres qui sont présents sur le marché à Burlington—, le marché a été élargi. Cela s'explique en partie, je crois, parce que nous avons de longues heures d'ouverture. Mais c'est aussi parce que plus on passe du temps entouré de livres, plus on a tendance à en acheter. Si on peut créer une espèce de centre communautaire avec des fauteuils et un café, des événements et de l'éducation permanente, car nous le faisons à notre librairie de Burlington, les gens ne viendront peut-être pas pour acheter un livre, mais après avoir passé 45 ou 60 minutes à la librairie, ils finissent par en acheter.

Le deuxième aspect, je crois, est très différent de ce qui existe dans d'autres secteurs de la vente au détail. Il y a tellement de livres en librairie que si vous pensez aux autres secteurs de la vente au détail, vous n'allez pas chez un détaillant comme Rona Dépôt et dire que vous ne saviez pas qu'il vendait des marteaux. Évidemment ce magasin vend des marteaux. Il n'a que quinze différents types de marteaux. La différence dans le cas d'une librairie, c'est lorsque quelqu'un entre et voit 127 000 titres, il va voir bien des titres dont il ignorait l'existence même. Je pense d'ailleurs que les grandes librairies et les petites librairies se complètent, mais elles font également croître le marché.

Le président: Brièvement, M. Abbott a posé une autre question qui mérite d'être examinée. Il a demandé si l'on devait avoir Barnes & Noble et les grandes librairies américaines. Deuxièmement, à Burlington, par exemple, pourriez-vous nous dire si vous êtes au courant de petites librairies qui ont fait faillite ou survécu au moment où vous avez augmenté vos ventes à 6 millions de dollars?

M. Larry Stevenson: Je ne peux pas dire exactement ce qui s'est passé au niveau de leurs ventes. Je sais, par contre, qu'aucune librairie à Burlington n'a fait faillite. Je crois qu'il y en a un qui se prépare à fermer ses portes, mais c'est peut-être une question de coïncidence. Elle se trouve à Waterdown, qui est juste au nord de Burlington et c'est peut-être à cause de Chapters.

À ma connaissance, les ventes de tout le monde ont baissé un peu. Je connais des gens qui vendent des livres non traditionnels à Burlington et leurs ventes ont baissé; pour certains, la baisse a été de l'ordre de 15 p. 100. Mais je ne connais pas la situation des plus petites librairies et je ne sais pas ce qu'elles sont devenues à Burlington.

Quant à l'entrée des grandes surfaces américaines, je crois que M. Abbott était là quand j'ai eu l'occasion de comparaître devant un comité semblable il y a quelques années, et ma réponse aujourd'hui est la même. Si elles suivent les règles du jeu, je crois que ces librairies devraient pouvoir entrer au pays, je crois que ce serait juste. Si elles doivent distribuer des livres canadiens et obtenir des livres des distributeurs canadiens, je crois que ce serait juste. Si vous me dites qu'elles vont acheter des livres aux prix américains et les envoyer dans une librairie canadienne à partir de Ann Arbor, ce serait injuste au plan de la concurrence. À l'époque—et évidemment je n'ai pas pris connaissance des discussions détaillées, je n'ai entendu que des rumeurs—ce n'était pas leur intention. Bref, je suis contre si on n'est pas tous sur un pied d'égalité. Est-ce que je pense que nous pouvons nous mesurer à elles? Absolument.

Je dirais la même chose à propos de la propriété—pourvu que les conditions soient les mêmes pour tout le monde. Là où je ne suis pas d'accord—et l'ai dit à l'époque—c'est que nous devons maintenir une certaine propriété canadienne, alors qu'un autre n'est pas obligé de le faire. Nous devons nous assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, qu'il s'agisse de propriété ou de distribution, ou encore de l'absence de règles, et que tous puissent livrer concurrence.

Le président: Monsieur Fordyce et ensuite M. Stoddart.

M. Sean Fordyce: Pour revenir à la discussion qui portait sur Chapters, je ne suis pas aussi rassuré que M. Stevenson quant à l'arrivée de Borders ou de Barnes & Noble ou d'autres, parce que nous avons notre tradition. C'est-à-dire que j'ai confiance en tant que petit éditeur, je peux appeler cette grande chaîne et on continuera à me parler. Je ne suis pas sûr que les autres en feraient autant, qu'ils s'approvisionnent au niveau local ou pas, qu'ils achètent d'un distributeur à la frontière ou non.

Chaque fois que j'entre à Chapters, je vois leur engagement vis-à-vis des livres canadiens. Je ne crois pas pouvoir compter sur un engagement pareil de la part d'une librairie américaine. Comme on a déjà dit, les Américains ont du mal à comprendre qu'il y a une frontière entre les deux pays, donc cela m'inquiète beaucoup.

• 1710

Quant à la concurrence entre les petites librairies et les grandes, je suis d'accord avec M. Stevenson sur la question des titres. Cela a eu un impact direct sur mon entreprise au niveau des livres que je ne vendais pas depuis des années. Des livres de la liste des ouvrages disponibles sont remis sur les tablettes à cause de ces types de librairie, donc je serai d'accord là-dessus aussi.

Les petites librairies et les grandes ne sont pas sur un pied d'égalité. C'est en partie à cause des coûts d'exploitation—frais d'expédition—et c'est là où il faut tenir compte des frais d'expédition. Ce n'est pas beaucoup plus cher d'expédier une boîte de 10 kilos qu'une boîte d'un kilo, donc une grande librairie peut faire des achats et avoir des coûts d'expédition beaucoup moins élevés.

Je ne sais pas quel pourcentage des ventes Chapters a obtenu au pays, mais le pourcentage de mes ventes à Chapters est très très élevé. Cela s'explique en partie parce que les plus petites librairies ne peuvent pas se permettre de payer les coûts d'expédition. Même avec la réduction de 40 p. 100 que nous avons, qui est seulement de 5 p. 100 de moins que Chapters. Ce n'est donc pas une question de réduction; c'est l'expédition qui rend les choses difficiles.

Je pense qu'il faut examiner cet aspect-là. La TPS est un autre aspect. Je déteste la TPS, comme la plupart des gens, mais j'étais frappé de voir que les frais d'expédition depuis 1993 ont augmenté de 1 000 p. 100. Personne n'en a parlé. La TPS est devenue est un faux-fuyant. Ce n'est qu'une différence de 7 p. 100.

Un des problèmes liés à la TPS qui n'a pas été reconnu, c'est que ces ventes sont conditionnelles. Ce sont des ventes à crédit et il y aura des retours. Cela veut dire que... M. Stevenson n'est peut-être pas au courant, mais j'ai eu une commande de Chapters au mois d'août que j'ai reçue le 12 août. J'ai dû remettre l'expédition jusqu'au 1er septembre, car autrement j'aurais dû payer la TPS le 15 septembre ou une pénalité, en fonction d'une somme d'argent que je ne recevrai peut-être jamais parce que le produit peut être retourné.

Comptes débiteurs: Quant à tous mes comptes débiteurs, je ne peux pas exercer des pressions sur ces gens s'ils ont un produit qu'ils peuvent retourner. Si vous exercez des pressions sur quelqu'un, tout à coup le 60e jour on renvoie tous les livres.

Si nous ne pouvons pas éliminer la TPS complètement, il faudrait au moins pouvoir reconnaître que ces ventes sont conditionnelles. Tant que les conditions ne sont pas remplies, le gouvernement ne devrait pas percevoir la TPS et ne devrait pas traiter ses ventes comme des ventes au comptant. Ces ventes sont à crédit—on ne peut pas obliger les acheteurs à payer et on ne peut...

[Note de la rédaction: Inaudible]... en cours de traitement pendant longtemps.

J'aurais aussi une remarque à faire au sujet des subventions, ces subventions démocratiques. Le PADIE, qui est le programme le plus ancien et le plus important, et qui a reçu la plupart des nouvelles allocations de fonds annoncées l'automne dernier, établit une limite pour les ventes qui se situe à près de 250 000 $. Pour moi, cela n'est pas démocratique.

Au cours des dernières années, en créant une politique pour appuyer les grands éditeurs—qui méritent bien notre appui—, nous avons collé une étiquette sur les petits éditeurs, qui sont très très nombreux. Demandez à la Bibliothèque nationale. Les numéros d'identification, les ISBN, qu'ils doivent distribuer permettent de savoir combien il y a de petits éditeurs aujourd'hui.

Avec ces catégories qu'on est en train de créer, on devra tous fermer nos portes. On nous dit qu'on appuie les petits éditeurs. Mais pour être un petit éditeur, vous devez avoir des chiffres d'affaires de 200 000$ à 400 000 $. Moins que cela, et vous n'êtes pas un éditeur du tout.

De plus, quand on dit que c'est une question de qualité—que cet appui sera basé sur des critères de qualité—, c'est presqu'une insulte vu ce qui se passe réellement.

Au Conseil des arts, on dresse la liste de tous les éditeurs et on appuie ceux qui ont le meilleur produit. Si on demandait à un des grands éditeurs qui sont présents ici s'ils ont besoin de ces subventions, ils diraient tous: «Oui. Nous ne pourrions pas produire des livres de cette qualité et de ce genre sans cet argent».

Comment pourrais-je donc leur livrer concurrence, et produire des livres de la même qualité, quand ils insistent qu'ils ont besoin de cet argent, malgré tous les autres avantages qu'ils ont déjà—entre autres, ils sont connus, ils sont grands et ils sont efficaces. Donc pour obtenir cet argent, je dois pouvoir faire mieux qu'eux.

• 1715

Comme cet argent vient sous la forme de subventions, il n'y a aucune exigence légale de... Nous avons même songé à demander au Conseil des Arts si nous pouvions insister pour qu'il y ait un critère comme l'optimisation des ressources. On nous a dit que non.

Le président: Je ne veux pas vous interrompre, monsieur Fordyce, mais il ne nous reste que 15 minutes, et nous aimerions voir comment les autres participants réagissent à vos propos. Vous avez soulevé une question qui a certainement deux côtés, et j'aimerais entendre les commentaires des autres.

M. Sean Fordyce: Puis-je ajouter deux phrases?

Le président: Oui.

M. Sean Fordyce: Je ne comprends pas pourquoi nous ne recevons pas nos commandes par courrier électronique. Nous parlions de la technologie. Je ne reçois aucune commande par courrier électronique, même pas de Chapters. Évidemment, Chapters est une grande librairie, mais c'est quelque chose sur laquelle nous pourrions nous pencher avec les petites libraires aussi. Le courrier électronique faciliterait beaucoup nos opérations.

Par ailleurs, pour ce qui est de la mise en marché, il faudrait considérer les librairies non comme des clients, mais comme des partenaires qui nous aident à obtenir des clients. N'oublions pas qu'elles retournent les livres qui ne sont pas vendus. Si on pouvait atteindre le consommateur directement en utilisant des catalogues, ce serait merveilleux. Par exemple, si le gouvernement voulait appuyer l'industrie et en avoir beaucoup pour son argent, il pourrait subventionner des catalogues de livres produits au Canada; ces catalogues seraient envoyés directement aux consommateurs. C'est une mesure qui pourrait engendrer des ventes réelles et augmenter la demande pour la culture canadienne. Cette mesure donnerait de meilleurs résultats qu'un appui direct aux éditeurs.

Le président: On vient de me dire que nous n'aurons pas besoin de quitter la salle à 17 h 30. On pourra donc continuer ce débat, qui devient très intéressant.

Vous parliez des petits éditeurs par opposition aux grands éditeurs...

M. Sean Fordyce: Opposés aux grands éditeurs?

Le président: Non, pas vraiment opposés...

M. Sean Fordyce: Quand nous parlons d'argent, c'est l'un contre l'autre, oui. Quand je vous demande une partie de l'argent que vous leur donnez, on pourrait dire que c'est le grand contre le petit...

Le président: Non, non, pardon—les petits éditeurs par rapport aux grands. Je faisais le lien entre vos propos au sujet des petits éditeurs et les grands éditeurs. J'aimerais bien savoir ce que pensait Mme Anderson pendant que vous parliez. Cela devrait être intéressant.

La liste des intervenants est donc la suivante: M. Stoddart, suivi de M. Muise et M. McIntyre et plus tard, mesdames Anderson, L'Espérance-Labelle et Fraser.

M. Jack Stoddart: Pour répondre à l'observation de Sean, le programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition avait effectivement un plancher de 25 000 $ à une époque. On peut dire qu'il existe toujours à un certain égard mais puisque nombre de nos maisons d'édition sont assez petites, et à titre du président de l'Association des éditeurs je suis bien placé pour le savoir, il existe une autre directive concernant le rapport vente/stocks. Certains de nos éditeurs qui ont un chiffre annuel de 50 000 $ font partie du programme PADIE. Les représentants du secteur et du ministère travaillent avec acharnement depuis trois ans pour obtenir ce genre de rapport en même temps qu'un chiffre qui était acceptable comme plancher, ou bien les deux ou bien l'un ou l'autre. Alors, aujourd'hui il est possible d'avoir un chiffre d'affaires annuel de 50 000 $ et de faire tout de même partie du programme PADIE.

M. Sean Fordyce: Vous nous demandez d'être plus efficaces que vous en ce qui concerne le rapport vente/stocks, ou bien de dépenser davantage d'argent...

M. Jack Stoddart: Je ne vous demande rien du tout. Je vous décris le système qui a été mis en place par le ministère du Patrimoine canadien à titre indépendant.

Sur nos 120 membres, il y en a probablement une centaine qui participent au programme tout en ayant un chiffre inférieur à 1,5 million de dollars et la plupart se trouveraient dans la fourchette de 50 000 $ à 250 000 $. Alors on peut dire que l'accès est bon et Hervé vous dira la même chose concernant les membres de l'ANEL—c'est la même situation. Il y a donc un bon accès qui n'a rien à voir avec la taille de l'entreprise. Il s'agit plutôt de la façon dont les gens gèrent leurs stocks.

M. Sean Fordyce: Mais cela ne vise qu'environ 10 p. 100 de tous les éditeurs au Canada. La définition exclue automatiquement les autres en...

M. Jack Stoddart: Je voudrais revenir à l'observation faite par Jim Abbott au sujet de Borders et Barnes & Noble. Vous sembliez être d'accord quand Larry a dit, je crois, «Et bien, si les règles sont les mêmes...».

En fin de compte, la demande de Borders a été rejetée parce que les règles n'étaient pas les mêmes. Ce n'était pas la question de propriété, c'était une entreprise à propriété canadienne à plus de 50 p. 100 mais lors de l'examen d'Investissement Canada... Il faut dire que depuis 10 à 15 ans cet organisme fait preuve de beaucoup d'ouverture à l'égard de nouveaux investissements au Canada. À notre avis, c'est un aspect positif. On a déterminé que Borders n'avait pas l'intention de changer ses pratiques et d'avoir recours à un système d'achat canadien. Son système d'achat était tellement dominé par l'informatique qu'il pouvait ni ne voulait changer. C'est pour cette raison que sa demande a été rejetée.

• 1720

Il y a donc un certain accord à ce sujet mais même si nous avons changé récemment la Loi sur le droit d'auteur, le nouveau régime sera bientôt en vigueur, cela n'empêche pas les livres édités ailleurs d'être importés au Canada si l'éditeur étranger décide de soutenir quelqu'un d'autre sans avoir recours à un agent canadien. Ainsi la maison Random House de New York peut accorder tel ou tel tarif à Borders mais Chapters doit acheter le même livre au Canada à un tarif différent. Rien ne l'empêche dans la Loi sur le droit d'auteur.

Si cette loi était légèrement différente, il serait sans doute plus facile d'avoir les mêmes règles pour tout le monde. Mais sous sa forme actuelle... et s'il y avait moyen de le faire, nous serions ravis de l'apprendre parce que c'est tout ce que nous voulons.

J'aimerais aussi faire une observation sur deux autres choses. Les livres scolaires et les librairies universitaires. Chapters vient d'annoncer qu'il allait assumer la gestion de la librairie de l'Université McGill. Encore une fois, c'était des détaillants américains qui voulaient prendre cette affaire en main. Nous étions bien contents de voir que finalement ce serait Chapters ou, plus précisément une société canadienne, qui s'en chargeait.

Mais je crois que le comité devrait se préoccuper du fait qu'au moins la moitié des librairies universitaires au Canada cherchent maintenant des contrats de gestion et que beaucoup de ces contrats seront accordés à des sociétés américaines si on ne fait rien.

Je sais que votre comité et votre président se sont déjà exprimés concernant la situation à McGill, et je voudrais simplement vous alerter car c'est un problème majeur. Les librairies universitaires comme celle de l'Université de Toronto et de l'université York et de presque toutes les universités de la côte est cherchent maintenant des sociétés de gestion américaines. C'est une situation qui devrait nous préoccuper sérieusement.

L'éducation n'est pas un domaine de compétence fédérale mais comme Hervé le faisait remarquer, l'édition des manuels scolaires est très importante, non seulement pour nos affaires et pour nos auteurs qui rédigent ces manuels mais aussi pour l'éducation des enfants canadiens.

L'Ontario est actuellement en train de revoir son programme d'études. Avant qu'on y mette le holà, l'Ontario avait même engagé des entreprises américaines pour mettre au point son nouveau programme d'études. Si les personnes chargées de préparer ce nouveau programme d'études étaient aussi des maisons d'édition scolaires américaines, le résultat final de cet exercice n'aurait pas été une surprise. Je pense que vous avez mentionné tout à l'heure que 80 p. 100 des livres et manuels scolaires utilisés au Québec étaient édités par des maisons québécoises, l'Ontario, et toutes les autres provinces à un degré moindre, utilisent en grande partie des manuels canadiens.

Nous sommes sur le point de perdre ce marché et nous allons retrouver des manuels américains partout au Canada. Je vous mets au défi de me montrer comment, en utilisant des manuels américains dans nos écoles, nous allons pouvoir constituer une société différente dans 20 ans. Cela ne relève peut-être pas du mandat du comité mais c'est un sujet qui nous préoccupe beaucoup et je pense que cela devrait intéresser au plus haut point le ministère du Patrimoine étant donné ses responsabilités en matière de culture et de patrimoine.

Malheureusement, Sarmite Bulte est partie et je ne suis pas sûr de l'avoir comprise mais je tiens à faire une précision. Il me semble qu'elle a dit que la première exemption, dans les négociations de l'AMI, était l'exemption française. C'est l'exemption numéro trois ou quatre en ce qui concerne l'industrie culturelle. Le premier choix c'est une exclusion totale et c'est vraiment la seule...

M. Mauril Bélanger:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Jack Stoddart: Très bien. Pourquoi a-t-elle mentionné la position française, dans ce cas?

M. Scott McIntyre: Cela représente la position française.

M. Jack Stoddart: Non mais...

M. Mauril Bélanger: C'est-à-dire, prévoir une exclusion totale dans l'accord.

M. Jack Stoddart: Mais le libellé de l'exception française ne permet pas d'assurer cette exclusion. C'est simplement un énoncé de principe sans portée réelle.

M. Jacques Saada:

[Note de la rédaction: Inaudible]... à laquelle elle faisait allusion.

M. Jack Stoddart: Cela me rassure parce que c'est quelque chose de très important. Lors d'une autre audience du comité du patrimoine concernant l'AMI elle a posé une très bonne question. Elle a lu un extrait du rapport de Garry Neil et a fait remarquer que si l'exclusion totale n'était pas possible, il suffirait d'avoir une exemption spécifique à chaque pays.

• 1725

Garry parlait au nom de la Conférence canadienne des arts, un groupe artistique qui ne parle pas au nom des industries culturelles. Je tiens à dire très clairement que les industries culturelles n'estiment pas qu'une exemption nationale correspond à nos besoins. Il a rédigé un excellent rapport mais il s'adressait à la communauté artistique et non aux industries qui font des produits culturels. Je fais donc cette précision.

Merci.

Le président: En conclusion, nous allons entendre les intervenants suivants: M. Muise, M. McIntyre, Mme Anderson, Mme L'Espérance-Labelle et le dernier mot reviendra à Mme Fraser.

Monsieur Muise.

M. Mark Muise: J'aimerais tout simplement demander une précision à Mme Anderson.

Vous avez mentionné plus tôt que vous pensiez que l'AMI vous porterait le coup de grâce. Je suppose que vous vouliez parler d'un AMI sans exemption culturelle.

Mme Mary Joe Anderson: Oui

M. Mark Muise: D'accord, merci.

Le président: Monsieur McIntyre.

M. Scott McIntyre: Pour revenir à l'AMI, je voulais dire deux choses à M. Abbott.

D'abord, j'espère qu'il est clair que si nous ne pouvons pas trouver quelque chose de mieux, j'opterais pour une exemption culturelle totale. Il est tout à fait raisonnable de considérer la culture et l'identité sur le même plan que la santé et la défense. Dès les premières négociations, nous avons essayé de faire accepter ce langage, mais bien sûr nous n'y sommes pas parvenus.

Je crois néanmoins qu'il pourrait y avoir—et j'insiste sur le mot «pourrait»—une façon plus innovatrice de procéder, comme le Canada l'a toujours fait, en conciliant avec bonheur des intérêts divergents avec la politique officielle... Par exemple, les règles concernant le contenu canadien sont récemment devenues un modèle pour la France, sous une forme renforcée.

Je voudrais en venir au point que vous avez soulevé concernant l'exportation. Je crois que nous avons tendance à nous voir comme les autres nous voient et de croire que nous pourrions vraiment faire mieux avec un peu d'effort.

De nombreux aspects du régime culturel que nous avons bâti en 50 ans de politique officielle sont en train d'être découverts par le reste du monde. Au fur et à mesure que la culture populaire américaine devient une force irrésistible... Il faut se rappeler que la seule guerre commerciale que les Américains vont gagner, c'est la culture populaire, et ils savent que nous sommes l'un de leurs irritants surtout ce qui concerne l'Union européenne et, très bientôt, le monde musulman. Nous avons une carte à jouer là-bas. Dieu sait que j'ai tenu ces propos assez souvent, et je crois que les ministres comprennent cela et qu'ils sont en train de relever le défi.

Pour revenir à l'exportation, l'exportation des livres canadiens a triplé au cours des quatre dernières années, et si on ajoute les droits et les produits finis, étant donné la valeur actuelle du dollar canadien, l'imprimerie, etc., les exportations totalisent environ 350 millions de dollars. Je vous dirai que, je peux très bien faire concurrence aux éditeurs américains ou allemands, mais puisque notre marché national est si restreint et si fermé il faut être plus compétitifs. Ce n'est pas l'approche traditionnelle au Canada, mais je peux vous dire, pour ne citer qu'un seul exemple, que tout le programme de livres illustrés du Club Sierra est créé par ma compagnie à Vancouver. Les livres sont fabriqués en Asie, pourtant.

La réussite d'auteurs canadiens, de livres pour enfants et de livres illustrés publiés par des éditeurs qui sont animés par le désir de créer plutôt que par des considérations financières est tout à fait remarquable. Là encore, il y a une synergie directe—un mot tabou—entre la politique publique et ce genre d'effet.

Très vite, je voudrais revenir en arrière et tâcher de répondre à la question de M. Saada. Que pourrait-on faire au moyen de la politique gouvernementale, sans dépenser beaucoup d'argent, au cours de la prochaine décennie, pour aider les industries culturelles en général et l'édition en particulier? Comme je ne suis pas timide, je dirais que j'y vois des problèmes structurels évidents.

En ce qui concerne le droit d'auteur, j'espère qu'on donnera la priorité d'abord au créateur, ensuite au producteur, et en troisième lieu au consommateur, mais il faut lutter pour maintenir un marché souverain, chose difficile dans l'ère de la révolution digitale, mais c'est faisable.

La politique commerciale devient essentielle. Je ne vais pas employer le mot «protection», parce que je le déteste, mais il faut trouver des mesures de compensation qui vont soutenir l'industrie et faire en sorte que nous ayons un marché national qui fonctionne bien. Du côté des films, nous avons 5 p. 100 du temps d'écran, mais dans le domaine du livre, nous avons 35 p. 100 de notre marché; cela reflète les mesures qui visent à soutenir un marché, ce qui ne veut pas dire qu'on ferme nos portes. Chaque fois qu'on emploie le mot «protection», il est retourné contre nous. Il faudrait le rayer de notre vocabulaire.

J'aimerais voir quelque chose de simple, par exemple, le libre-échange entre les provinces.

Des voix: Oh, oh!

M. Scott McIntyre: Personnellement, j'aimerais qu'on mette en place un programme d'études national essentiel. Je sais bien qu'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale et que la question est délicate. Finalement, j'aimerais bien sûr, que le MAECI fasse marche arrière et rétablisse la culture en tant que troisième élément central de notre politique étrangère; cette démarche a été amorcée, mais elle a avorté.

• 1730

Je vais m'arrêter là. Merci de m'avoir écouté.

Le président: Merci. Madame Anderson.

Mme Mary Joe Anderson: Je vais m'efforcer d'être brève. Je voudrais revenir sur les propos de M. Abbott qui dit qu'on devrait protéger les libraires indépendants, alors qu'on ne protège pas le producteur agricole.

Oui, je crois que c'est une excellente question, ne serait-ce que du point de vue de la protection de mon gagne-pain. Vous devriez me considérer non pas comme une libraire, mais comme un élément de l'industrie culturelle.

Comme l'a dit Scott, c'est très bien que Mme Fraser soit la dernière intervenante sur ce sujet. La question primordiale dans tout ce débat, c'est le travail de l'artiste; je ne fais que transmettre le fruit de son travail à mon lecteur. Tout ce que je demande, c'est qu'on me permette de bien faire mon travail, c'est-à-dire de remettre un livre canadien entre les mains de lecteurs canadiens. Dans mon cas, qui est différent de celui de Scott, il faut six semaines pour recevoir à Halifax l'envoi d'un éditeur de Vancouver. Notre pays me pose des problèmes incontournables. Je dois payer 7 $ pour faire venir un livre de Toronto.

Sean a parlé des coûts. Ces coûts ne sont pas retransmis au consommateur. C'est moi, la libraire, qui les absorbe. Je ne peux rien faire d'autre que de les absorber. La marge bénéficiaire finale d'un libraire indépendant moyen est inférieure à 2 p. 100. Ce n'est pas grand-chose. Comme d'autres l'ont dit aujourd'hui, je suis une romantique et je me considère véritablement comme un bien petit rouage dans la machine culturelle canadienne.

Je pense qu'il aurait fallu protéger les producteurs laitiers, et d'autres producteurs. Pensons, par exemple, à l'industrie de la pêche. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas nous protéger.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Madame L'Espérance-Labelle.

Mme Micheline L'Espérance-Labelle: Je voudrais revenir sur un point, celui de la protection de notre culture, afin de le rendre plus concret. Je l'ai déjà dit: protéger notre culture, quant à moi, c'est la rendre accessible et la faire connaître, et donc créer une demande. En 1984, dans le domaine du multimédia, j'ai vécu une expérience. Lorsque les intervenants gouvernementaux me demandaient ce qu'il fallait faire pour nous aider à promouvoir le multimédia, je leur disais qu'ils devaient nous aider à informer le public, à lui faire savoir quel usage il pouvait en faire, comment cela pouvait lui être utile. À ce moment-là, on parlait de logiciels et j'avais l'impression de parler chinois.

Mais il n'empêche qu'avec les années, avec le recul, l'explosion du multimédia s'est produite parce qu'on a fait savoir aux gens comment ils pouvaient concrètement l'utiliser, comment il pouvait leur être utile. Voilà un rôle important, je pense, que le gouvernement pourrait jouer, soit de faire connaître la culture, à quoi elle sert et pourquoi on doit la protéger et la conserver.

J'aimerais aussi, pour montrer à quel point c'est important de le faire savoir, vous donner brièvement des données. Je me répète: la culture, l'éducation, ça se vend et ça s'achète. Quand on regarde les chiffres, on voit que 43 p. 100 en achètent pour en offrir en cadeau, que 38 p. 100 en achètent pour les utiliser eux-mêmes et que 11 p. 100 en empruntent. Mais quel en est le contenu? Telle est la vraie question. Est-ce que ce sont des contenus canadiens? Est-ce que ce sont des contenus québécois?

Je n'ai pas de réponse à cela. Toutefois, je pourrais faire une comparaison fondée sur l'expérience. En 1996, 2 p. 100 des ventes de Québecor DIL Multimédia étaient des ventes québécoises, de logiciels québécois. Comment a-t-on fait pour qu'en 1997, 25 p. 100 de notre chiffre d'affaires soit constitué de ventes de logiciels québécois? On a simplement affiché aux points de vente «Qualité Québec», pour faire reconnaître ce sceau, devant la boîte de CD-ROM à contenu québécois. Cela nous a donné une augmentation de 23 p. 100.

Je trouve que cela vaut la peine d'être mentionné. Cela démontre jusqu'à quel point il peut être profitable de faire savoir à quel point les contenus sont importants et de faire connaître notre culture.

Un autre point, à propos de l'exportation cette fois-ci, c'est que le gouvernement doit encourager la collaboration des alliances stratégiques avec des étrangers, parce que le coût de développement du multimédia, d'un produit de qualité exige que ce produit soit vendu sur les marchés internationaux pour être viable.

• 1735

En s'associant pour le développer avec une compagnie étrangère assez importante, en Europe ou aux États-Unis, on s'assure non seulement d'avoir principalement un contenu canadien, ce qui est notre priorité pour notre marché, mais aussi de pouvoir l'exporter. On peut prévoir, dès le point de départ, qu'il sera facilement adaptable pour l'exportation. Il m'apparaît extrêmement important d'encourager cela.

En dernier lieu, j'adresserai une question à M. Stevenson. J'aimerais savoir, du côté du marché du détail, quelle est l'évolution du CD-ROM.

[Traduction]

J'aimerais bien savoir comment évoluent les CD-ROM. En l'occurrence, avez-vous une idée de la proportion de CD-ROM dans votre chiffre de vente en 1996 par rapport à 1997, et savez-vous quel est l'espace réservé aux CD-ROM dans vos magasins par rapport à l'espace réservé aux livres?

M. Larry Stevenson: Je pourrai vous donner des chiffres exacts lorsque j'aurai regagner mon bureau. Les ventes de CD-ROM ont augmenté considérablement, mais nous avons aussi ajouté 18 gros magasins à notre chaîne. Seuls les gros magasins proposent des CD-ROM. Nous avons certainement augmenté nos ventes de CD-ROM en 1997 par rapport à 1996, par un facteur de plus de 3, mais c'est essentiellement une question d'espace.

En ce qui concerne l'espace, les CD-ROM en occupent environ 8 p. 100 dans nos plus grands magasins. Dans l'ensemble de nos magasins, la moyenne est davantage de l'ordre de 4 p. 100 à 6 p. 100.

Le président: Monsieur Stevenson—et les propos s'adressent également à tous ceux qui voudraient envoyer de l'information au comité—vous pouvez transmettre ces renseignements au greffier, qui en fera part à tous les membres du comité, quelle que soit leur affiliation politique.

Madame Fraser, comme vous êtes patiente.

Mme Sylvia Fraser: Lorsque quelqu'un de l'extérieur pénètre sur le marché de l'édition—et quand je dis «de l'extérieur», c'est parfois quelqu'un qui vient de l'étranger, comme Barnes & Noble, ou quelqu'un qui vendait de la poudre à laver et qui se lance dans l'édition; et je parle de joueurs importants, qui commencent par faire des déclarations assez arrogantes dans les journaux et qui dénoncent les règles du jeu. Mais on observe tout un changement lorsqu'ils commencent à apprendre les règles et qu'ils comprennent pourquoi elles ont été mises en place. Ils commencent à comprendre véritablement la situation. Généralement, alors qu'ils ne connaissaient rien au début et qu'ils ne voulaient rien savoir, ils deviennent un élément très efficace et très attentionné du monde de l'édition. Je crois qu'on aurait bien tort de permettre à des gens comme Barnes & Noble, qui peuvent avoir un effet désastreux sur l'ensemble du monde de l'édition, de s'installer sans passer par ce processus d'apprentissage et sans avoir l'occasion de comprendre ce qu'ils risquent de détruire s'ils ne respectent pas les éléments déjà en place et dont nous vous pouvons être si fiers quand tout va bien.

[Français]

Le président: Monsieur Saada, vous m'avez demandé...

[Traduction]

M. Jacques Saada: M. McIntyre a partiellement répondu à l'une des questions que j'avais soulevées. Je suis frappé du fait qu'il nous a fallu une heure et 45 minutes, lorsque l'on a parlé des programmes d'études essentiels, pour régler une question concernant la Constitution de notre pays.

Le président: C'est assez réconfortant.

M. Jacques Saada: Oui, particulièrement ici, à Ottawa.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'aux trois ou quatre questions que j'ai soulevées, je n'ai reçu aucune réponse. Je suppose que ce que j'ai dit du rôle de la télévision a été approuvé, puisque personne n'a abordé ce sujet; il s'agissait de l'impact que peut avoir la télévision sur la durabilité de l'industrie du livre et de l'édition.

Je déplore aussi le fait que personne n'ait relevé l'argument concernant ce qu'il faut faire pour réaliser des profits; au nom de cet argument, on permet aux éditeurs de diffuser à une grande échelle des ouvrages de moindre qualité. Ensuite, c'est un cercle vicieux. Plus on publie de ces livres pour répondre à la demande du public, plus le public en lit et moins il a tendance à s'intéresser à des ouvrages de meilleure qualité.

• 1740

Personne n'a fait le moindre commentaire à ce sujet. J'aimerais pourtant avoir votre opinion. Est-ce que je me trompe? Je voudrais vous poser une question bien simple: comment peut-on comparer l'évolution de la situation?

[Français]

dans l'ensemble du Canada? On a parlé de 5 à 30 p. 100 en l'espace de quelques années. Est-ce que cette situation est comparable à celle du Québec? Je reviens avec mes questions parce que j'aimerais vraiment avoir des réponses, si c'est possible.

Le président: Monsieur Foulon, vous pourriez peut-être répondre brièvement à la dernière question et je vais laisser M. Stoddart répondre aux autres.

M. Hervé Foulon: Comme je le disais plus tôt, en ce qui concerne le marché du livre littéraire ou le marché de librairie, la comparaison est tenable parce qu'on estime qu'aujourd'hui, le marché québécois est occupé à 30 p. 100 par les éditeurs nationaux au niveau littéraire. On était parti, grosso modo, de 5 à 10 p. 100. Soixante-dix pour cent sont donc essentiellement importés de France.

Vous avez soulevé la question de la télévision et de son rôle en vue de promouvoir le livre. C'est une question qu'on se pose effectivement très souvent. On est un peu étonné parce qu'il y a des émissions littéraires, mais elles sont toujours reléguées à des horaires moins intéressants en raison de leur faible côte d'écoute. On se trouve donc dans une situation un peu délicate. Les émissions à grande écoute parlent très rarement, sinon pas du tout, du livre.

Je me suis toujours demandé pourquoi, comme le font d'autres pays, il ne serait pas possible que nous parlions aussi lors de nos émissions d'information, du journal télévisé ou d'autres émissions d'un livre qui correspond à l'actualité. Pourquoi ne prenons-nous pas 10 ou 20 secondes, ne serait-ce que pour le mentionner et dire qu'il existe? Je crois que ça ferait partie des promotions faciles et intéressantes. On pourrait diffuser des informations qui concernent et touchent directement le livre. Ce serait relativement aisé à faire, sauf que là on se heurte à un problème vis-à-vis des télévisions qui craignent de faire la promotion d'un livre pour un tel ou un tel. Là, ce n'est plus de la promotion; il faut faire la part entre ce qui est promotion et ce qui est information.

Le président: Est-ce que vous avez des émissions télévisées comme l'émission française qui consacre son temps au livre?

M. Hervé Foulon: Il y a des émissions littéraires, mais on leur accorde malheureusement des heures d'écoute peu enviables parce qu'on se trouve toujours pris dans ce dilemme de la côte d'écoute. Face à un talk-show quelconque, une émission littéraire ne fait pas le poids. Il faut qu'il ait côte d'écoute.

M. Jacques Saada: J'aimerais ajouter un commentaire, si vous me le permettez, monsieur le président. Cela pose la question profonde du rôle d'une télévision d'État par rapport à la télévision privée, et de la vocation pédagogique d'une société d'État par rapport à une société privée. C'est la raison essentielle pour laquelle j'ai posé cette question.

On n'a pas le temps de creuser ça maintenant et ça déborde peut-être le cadre du monde de l'édition, mais c'est la vraie question qu'il faut se poser. Quand on parle de société privée, on parle encore une fois de profit. Bien sûr, c'est normal et je comprends cela.

Ça veut donc dire que si ce n'est pas valable pour le public, on a tendance à ne pas s'y intéresser. Mais on manque le bateau quelque part et je crois qu'il y a un rôle pédagogique à la télévision qui s'inscrit une fois de plus dans ce cadre-là et qu'on sous-estime. J'aimerais qu'on y revienne un peu plus tard.

Le président: Voulez-vous conclure brièvement, monsieur Bélanger?

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, si on doit tenir ce débat, il ne faut surtout pas oublier le rôle de la radio par rapport à la télévision. La radio s'y prête beaucoup mieux.

Sur la chaîne nationale dans le coin—sans la nommer—, on parle régulièrement de livres, des derniers best-sellers ou de livres en particulier qui ne sont pas nécessairement des best-sellers. On demande aux auditeurs d'appeler pour gagner un livre. On le fait régulièrement, à tout bout de champ, presque tous les jours. Je pense que ça fonctionne très très bien. J'imagine que c'est la même chose du côté de la radio nationale anglaise. Autant le livre n'est pas présent à la télévision, autant il l'est à la radio. Il ne faudrait pas négliger cela.

[Traduction]

Le président: Monsieur Stoddart, c'est à vous de continuer. Je crois que M. Fordyce m'a demandé une brève intervention. Vous le garantissez, n'est-ce pas?

• 1745

Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart: Je ne peux pas entrer tout de go dans le débat sur la télévision publique par opposition à la télévision privée.

Je vous prie de nous excuser si nous n'avons pas répondu aux questions posées. Je crois que c'est à cause de la façon dont le débat se déroule; on a tendance...

Si je peux me prononcer sur quelques questions que vous avez soulevées concernant le rôle de la programmation télévisée en faveur des livres, je crois que nous vivons actuellement une période très intéressante. À cet égard, le CRTC fait un excellent travail. Les canaux spécialisés doivent présenter de la programmation canadienne puisque c'est leur mission première, et ils sont constamment à la recherche de produits canadiens, c'est-à-dire qu'ils veulent avoir des manuscrits; ils veulent des livres que nous avons déjà publiés. Ce que l'on voit à la télévision, ce n'est pas nécessairement une émission littéraire où on va parler de sujets littéraires, mais des émissions sur toutes sortes de sujets, que ce soit la religion, la nature ou l'histoire.

Quant aux ouvrages de nos auteurs, une bonne partie d'entre eux réapparaissent au bout de deux ou trois ans sous la forme d'émissions de télévision grâce aux canaux spécialisés, qui sont plutôt de nature privée que publique. Des émissions comme celles de TVO ont été très efficaces pour mettre à l'avant-scène d'excellentes oeuvres d'auteurs canadiens.

Si l'on tient compte du fait que les télédiffuseurs doivent présenter en permanence des productions canadiennes, on peut dire que leur action est favorable à la communauté des écrivains et qu'elle peut assurer la pérennité de nos industries culturelles.

Sur la question de la qualité, quelqu'un a parlé de ce que font les éditeurs américains en matière de diffusion de masse; c'est-à-dire que les entreprises américaines d'édition se sont regroupées pour devenir d'énormes sociétés mondiales, mais de toute évidence, la qualité a régressé dans leur production, à mesure qu'ils mettaient de plus en plus l'accent sur les sursis de librairie.

Je ne pense pas que cette affirmation ait été faite à l'endroit de l'édition canadienne, que ce soit en anglais ou en français. Je pense que la qualité des éditions canadiennes dans les deux langues est meilleure que jamais et que c'est le fruit du programme appliqué depuis 10 ans.

Je ne sais pas qui a parlé de la qualité, mais je ne pense pas que cette intervention visait les auteurs et les éditeurs canadiens; elle concernait plutôt ce qui se passe aux États-Unis, avec les très nombreuses fusions parmi les maisons d'édition.

Je voudrais aussi préciser des propos que j'ai tenus tout à l'heure. Apparemment, la Conférence canadienne des arts, ou CCA, a officiellement demandé une exemption totale; elle n'approuve que le principe d'une exemption spécifique à chaque pays. Je ne sais pas si cela a été dit publiquement aujourd'hui ou si on l'a dit devant ce comité, mais c'est ce dont je parlais tout à l'heure. La Conférence vient de changer d'avis et demande maintenant une exemption totale. C'est une chose importante.

Le président: Elle a dit la même chose lorsque ses représentants ont comparu devant nous. Ils ont demandé une exemption totale.

M. Jack Stoddart: C'est à cause du rapport de Garry Neil, et je tenais à le préciser parce que je me suis trompé lorsque j'ai dit que c'était peut-être leur point de vue.

M. Mauril Bélanger: Nous le savions dès le début.

M. Jack Stoddart: Bien. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Fordyce, brièvement s'il vous plaît.

M. Sean Fordyce: Je voudrais peut-être aborder toute cette question d'un point de vue légèrement différent en disant qu'en matière de soutien de la culture, il s'agit de savoir s'il faut abandonner ceci ou cela ou si l'on parle des petites librairies, des petites maisons d'édition ou plutôt des grosses, sinon de l'ensemble de l'industrie. Dans un pays où la majorité des Canadiens se définissent eux-mêmes par la référence à l'assurance-maladie, il faut considérer que le soutien apporté à la culture est une question d'unité nationale et il faut en tenir compte dans le débat sur l'utilisation des ressources budgétaires.

Le débat d'aujourd'hui était extraordinaire du point de vue de la représentativité des gens qui ont participé et du sujet abordé. Je tiens à vous en remercier.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fordyce.

Pour conclure et pour résumer les notes que j'ai prises à partir des interventions d'aujourd'hui, il semble que tout le monde soit d'accord pour dire que le gouvernement doit intervenir d'une façon ou d'une autre, que ce soit par des subventions ou par des allégements fiscaux. Il peut y avoir des divergences d'opinion parmi nos invités quant aux destinataires de cette intervention gouvernementale et aux priorités à établir, mais nous sommes d'accord sur le principe d'une intervention du gouvernement en matière culturelle.

• 1750

J'ai remarqué une forte détermination de part et d'autre à demander l'abandon de la TPS sur les livres. J'espère que cette détermination va se matérialiser et j'en ferai part à notre ministre des Finances.

On a fait d'autres propositions concernant les tarifs d'expédition, notamment, mais leur réalisation sera beaucoup plus difficile, compte tenu des décisions de l'OMC; quoi qu'il en soit, tout cela a été pris en note.

En ce qui concerne l'AMI, vous avez dit que le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Patrimoine canadien devraient travailler en collaboration beaucoup plus étroite. Je répète ce que nous avons déjà entendu, monsieur Stoddart, et je crois que c'est un sentiment partagé par la majorité des témoins que nous avons écoutés: si le Canada signe cet accord, ce qui ne serait pas le choix préféré des participants, il devrait envisager une exemption totale pour la culture.

J'ai été très impressionné par la déclaration de Mme Fraser qui affirme que la protection de la culture va à l'encontre du nivellement par le bas, et non l'inverse. Je crois que c'est un élément important à retenir.

Vous avez dit aussi que les droits que vous avez en tant qu'auteurs sont cédés à des bases de données, qui les transmettent elles-mêmes à d'autres médias pour en faire des droits mondiaux. Il faudrait rappeler cette idée lorsque nous en serons à la troisième étape de l'étude du droit d'auteur.

On a soulevé la question sur la qualité. M. Saada, Mme L'Espérance-Labelle et M. Stoddart, entre autres, ont souligné que la qualité doit être notre souci principal dans tous les secteurs de l'industrie culturelle.

On a également parlé de la question des rapports entre les grandes librairies et les petites et les grands éditeurs par rapport aux petits, une question qui nous préoccupe tous. C'est un aspect qui touche bien d'autres secteurs de la vie canadienne aujourd'hui. Je pense qu'on nous a bien fait comprendre les problèmes autant pour les petits, comme M. Fordyce et Mme Anderson, que pour les autres, c'est-à-dire M. Stevenson, M. Stoddart etc. qui doivent aussi faire face à leurs propres défis dans une société et un marché libres.

Par ailleurs, nous reconnaissons qu'il y a des contraintes pour les deux et il faut que nous en soyons conscients lorsque nous formulerons des recommandations, afin d'envisager des instruments susceptibles d'assurer une part plus juste pour tout le monde.

Il nous semble que, par exemple, que...

[Français]

la promotion non seulement du livre mais de la lecture est un point très très important. Il faut éduquer les jeunes et changer les mentalités. Tout cela est un travail d'ensemble, en fait, où tous les secteurs doivent être mis à contribution. Je pense que toute cette question de la démographie changeante et des différentes textures du Canada par rapport à l'instrument de sensibilisation est très importante. Si on ne réussit pas à sensibiliser les Canadiens aux enjeux auxquels la culture fait face, à faire justement une promotion de la lecture et de la connaissance de la culture, je pense qu'on va subir des défis qui seront de plus en plus grands.

• 1755

[Traduction]

Parmi les autres défis que vous avez mentionnés, monsieur Stoddart, il y a toute cette question des librairies universitaires où on constate une tendance de plus en plus répandue à confier la gestion de ces librairies à des sociétés américaines, ce qui est certainement un sujet de vive préoccupation.

Tout cela pour dire qu'en fin de compte ces témoignages se sont avérés très utiles. Quand on vous écoute, on a parfois l'impression qu'il y a multiplicité de points de vue et on a du mal à discerner le fil commun. Mais quand on y regarde de plus près, on constate qu'il y a certaines grandes orientations qui se retrouvent dans les différentes tables rondes au cours de nos audiences. Nous vous sommes bien reconnaissants d'avoir pris la peine et le temps de venir nous parler.

Nous voudrions vous remercier sincèrement en disant que nous espérons que ce ne sera pas la dernière réunion. Si vous avez des idées, n'hésitez pas à nous les communiquer. Restez en contact avec nous. Encore une fois, je vous remercie d'être venus.

[Français]

Merci beaucoup pour votre participation.

La séance est levée.