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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 novembre 1997
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous recevons aujourd'hui les représentants du ministère du Multiculturalisme et de la Situation de la femme, qui vont nous présenter un aperçu général de ces deux portefeuilles.
[Français]
Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Hedy Fry, secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme. Madame Fry, je vous demanderais de nous présenter vos collègues du ministère, s'il vous plaît.
[Traduction]
L'honorable Hedy Fry (secrétaire d'État, Multiculturalisme et Situation de la femme, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais vous présenter Mme Florence Ivors, coordonnatrice, Situation de la femme, et Norman Moyer, sous- ministre adjoint, Multiculturalisme.
Le président: Madame Fry, vous avez la parole.
L'hon. Hedy Fry: Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis vraiment ravie de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de discuter avec les membres du comité des activités et de la raison d'être de notre ministère.
• 0910
Avant de commencer, je voudrais vous parler du Canada
d'aujourd'hui. Nous sommes une société fort diversifiée. Le
Canada compte à présent cinq millions d'immigrants. Des personnes
d'origine ni anglophone ni francophone représentent actuellement
42,7 p. 100 de la population. En l'an 2000, ce chiffre devrait
atteindre 55 p. 100. Le Canada est donc un pays qui évolue
continuellement. Plus de 50 p. 100 des immigrants qui
s'établissent au Canada viennent d'Asie. Nous savons également
que les femmes représentent 51 p. 100 de la population du Canada.
Nous savons par conséquent que nous répondons aux besoins et
préoccupations d'un segment important de la population.
Parlons un peu de notre mandat. Étant donné que nous vivons dans cette société très diversifiée, notre mandat consiste en réalité à promouvoir, refléter et maintenir les valeurs canadiennes fondamentales. Ces valeurs sont axées sur l'égalité.
Je voudrais tout d'abord vous parler de cette valeur fondamentale qu'est l'égalité, monsieur le président. L'égalité est le fondement de notre société canadienne, et de tout ce que nous avons essayé de promouvoir au Canada. Mais il faut également comprendre que l'égalité ne signifie pas que nous sommes tous pareils ou qu'il faut réserver le même traitement à tout le monde.
Nous savons que les gens font face à des obstacles différents selon leur sexe, leur race, leur religion, leur couleur, leurs compétences ou leurs handicaps, leur orientation sexuelle, et la région où ils habitant au Canada, et pour promouvoir l'égalité, nous devons donc être sensibles aux obstacles auxquels se heurtent les gens en raison de ces différences, et élaborer des stratégies qui vont permettre de les éliminer. Ainsi, il faut une série de stratégies différentes pour promouvoir l'égalité.
Dans ce contexte, l'aptitude à la conciliation est tout à fait essentielle. La capacité de respecter les différences que le Canada met en valeur ou considère comme un atout, et d'y être constamment sensible, fait aussi partie intégrante de la promotion de l'égalité.
La capacité de négocier, de faire des concessions mutuelles et de tenir compte de ces différences est essentielle pour favoriser la cohésion sociale, ce qui est notre objectif. S'employer à créer une société où chacun a sa place et a l'impression de pouvoir y créer quelque chose, et où les gens vivent dans un climat de compréhension et de respect mutuel, c'est faire valoir une valeur canadienne fondamentale. Comme je viens de le dire, cela implique obligatoirement l'élimination des obstacles auxquels nous faisons tous face, où que nous vivons, et quelle que soit notre situation. Il s'agit donc de donner aux Canadiens les moyens de se réaliser en tant qu'individus.
Donc, en ce qui concerne le travail de Condition féminine Canada et de Multiculturalisme Canada, nous parlons de l'ensemble des activités menées conformément aux lois canadiennes, entre autres la Loi canadienne sur les droits de la personne, notre Charte des droits et libertés, et notre Constitution, pour aider la société canadienne, que ce soit des groupes, des particuliers ou d'autres, et les institutions gouvernementales à se doter des compétences et outils qui vont nous permettre de tenir compte des différences qui existent, d'encourager la cohésion sociale et d'éliminer les obstacles à la pleine participation à la société.
Tout cela se fait dans le contexte de la saine conduite des affaires publiques. Si le bon fonctionnement du Canada est important—et il est effectivement important de s'assurer de gouverner de manière transparente, de manière à évaluer les résultats de notre action d'avoir une orientation et des objectifs clairs afin de favoriser les valeurs canadiennes fondamentales... Eh bien, en tant que nation, en tant que pays, nous devons absolument évaluer notre situation, non seulement pour créer la société dont nous parlons, mais aussi pour voir dans quelle mesure les Canadiens peuvent être un modèle de comportement pour le reste du monde.
Le fait que le Canada se soit placé au premier rang sur le plan du développement humain depuis quatre ans n'est certainement pas une coïncidence. C'est parce que nous sommes depuis fort longtemps un pays dynamique, en pleine évolution qui n'a pas peur de faire des expériences nouvelles. Nous avons toujours expérimenté de nouvelles façons de vivre ensemble, de nous respecter, et de répondre aux besoins des uns et des autres. Le Canada est devenu en conséquence un modèle envié par le monde entier. Continuer d'être un modèle pour les autres pays du monde constitue donc pour nous un objectif clé.
• 0915
Deuxièmement, nous devons assurer le respect de certaines
conventions internationales dont le Canada est signataire. Il
s'agit de conventions traitant de la discrimination, que ce soit
la Convention internationale sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes, qui relève de
Condition féminine Canada, de la Convention des Nations Unies sur
les droits de la personne, ou d'autres conventions traitant de la
discrimination dans le contexte du multiculturalisme ou des
droits des particuliers et de la société dans son ensemble, des
droits des enfants et des fillettes, ou des droits de la personne
et des femmes, le Canada a signé toutes ces conventions, et il
est donc essentiel que nous puissions remplir nos obligations
internationales.
Les objectifs que nous nous sommes récemment fixés à Condition féminine Canada mettent justement l'accent sur la saine conduite des affaires publiques. Nous sommes actuellement en train de voir comment nous pourrons nous fixer des objectifs très clairs en ce sens. Nous pourrons ainsi réexaminer les résultats de notre action à la fin de la période prévue, ou même régulièrement, pour voir si nous réalisons ou non les objectifs établis. Ils ont trois volets: accroître l'indépendance et le bien-être économiques des femmes; mettre fin à la violence contre les femmes et les enfants; et faire respecter les droits des femmes grâce à l'accès à la justice sociale, en accordant la priorité à celles qui ont des obstacles multiples à surmonter.
Monsieur le président, je voudrais maintenant aborder en plus en détail la question de l'accroissement de l'indépendance et du bien-être économiques des femmes.
Tous les indicateurs et toutes les données dont nous disposons indiquent que les femmes ne sont pas égales du point de vue de l'indépendance économique. Nous savons très bien que pour vivre, les femmes ont besoin non seulement des revenus associés à un travail rémunéré, mais de prestations de différents types, de pensions alimentaires pour les enfants et elles-mêmes, et de pensions. Ainsi, une bonne partie des revenus que requièrent les femmes pour survivre viennent de sources autres que le travail rémunéré.
Nous savons également que l'écart salarial se situe actuellement à 73 p. 100 pour les femmes qui participent à la population active. Cet écart s'explique en bonne partie par les enfants. Nous constatons que les femmes seules gagnent 94 p. 100 du salaire d'un homme seul de même âge, ou d'un homme qui fait le même travail dans la société. Par contre, nous constatons que les femmes qui ont des enfants ne gagnent que 69 p. 100 du salaire d'un homme ayant des enfants qui fait un travail équivalent.
Nous constatons également que les femmes consacrent une bonne partie de leur temps—presque cinq semaines ou 182 heures par année—à faire un travail qui n'est pas rémunéré. Ce travail englobe les soins donnés aux enfants et aux membres de la famille, les grossesses et les soins donnés aux personnes âgées. Il s'ensuit que les femmes ont moins de temps à consacrer à un travail rémunéré sur le marché du travail.
Nous savons également que 82 p. 100 des parents seuls sont des femmes, et que 65 p. 100 de ces femmes vivent dans la pauvreté. Nous sommes conscients du fait que les revenus des femmes revêtent une importance critique pour les familles à deux revenus économiquement faibles. En fait, nous constatons que si les femmes faisant partie de ces familles à deux revenus économiquement faibles n'avaient pas de gains, le nombre de famille vivant dans la pauvreté passerait de 157 000, c'est-à- dire le nombre actuel, à presque 600 000.
Donc, les femmes jouent un rôle critique, même dans les familles non monoparentales. Dans ces familles, leurs gains sont absolument critiques pour assurer le bien-être de la famille.
Voilà donc quelques statistiques qui nous permettent de mieux comprendre les nombreux défis que nous avons encore à relever dans ce domaine.
Pour ce qui est de la violence contre les femmes, il est clair que cette violence existe au foyer, en milieu de travail et dans la rue. Et les mesures que nous prenons dans ce secteur, non pas seulement au plan juridique en adoptant des lois, mais aussi en trouvant différents moyens d'aider les communautés à enrayer ce problème, sont extrêmement importantes dans le contexte de notre mandat.
Permettez-moi de parler maintenant de notre action en vue de faire respecter les droits des femmes. Encore une fois, il faut discuter des obstacles auxquels sont confrontées les femmes pour ce qui est d'accéder à la justice sociale. Qu'on parle de l'accès aux soins de santé, à la formation ou aux emplois, ou du respect des droits dont jouissent tous les Canadiens, les femmes continuent de se heurter à certains obstacles.
Ce n'est pas seulement en raison de leur sexe, monsieur le président; le fait est que certaines femmes ont des obstacles multiples à surmonter parce qu'elles sont membres d'une minorité, femmes de couleur, ou femmes handicapées, ou parce qu'on refuse de leur accorder un accès égal à la justice en raison de leur orientation sexuelle.
L'égalité des femmes n'est pas un enjeu isolé. Par conséquent, nous travaillons verticalement avec d'autres paliers de gouvernement et horizontalement avec des ministères fédéraux comme ceux de la Justice, du Développement des ressources humaines, des Finances et de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il n'y a pas de ministère fédéral qui n'accepte pas de responsabilités,
[Traduction]
... et parce que nous avons établi ce que nous appelons l'analyse des incidences sur les deux sexes. Autrement dit, chaque projet politique ou initiative ministérielle, et chaque loi que ce gouvernement propose d'adopter seront analysés pour déterminer si ces lois, politiques et initiatives vont aggraver la situation des femmes par rapport aux hommes, ou l'inverse.
C'est ce en quoi consiste l'analyse des incidences sur les deux sexes. Nous avons lancé cela l'année dernière, en mars 1997, c'est un outil qu'utilisent le gouvernement et l'ensemble des ministères pour s'assurer que les droits des femmes sont respectés.
Pour ce qui est du multiculturalisme, c'est-à-dire l'autre portefeuille, nous devons examiner les objectifs très clairs que nous avons établis pour nous assurer de favoriser la cohésion sociale et le respect des différences, et de créer chez les Canadiens un véritable sentiment d'appartenance à la société dans laquelle ils vivent.
Notre premier objectif consiste à créer un sentiment d'identité et d'appartenance. Il ne s'agit pas seulement de renforcer le sens de l'identité canadienne... nous voulons en réalité faire comprendre aux Canadiens qu'ils peuvent être qui ils veulent, avoir l'apparence qu'ils veulent, avoir la peau d'une autre couleur, être physiquement différents des autres, parler différentes langues ou parler avec des accents différents.
Être Canadien, c'est être soi-même—c'est avoir l'apparence qu'on veut, mais aussi sentir que ces différences sont bien acceptées et qu'on est membre à part entière de la société; c'est avoir le sentiment qu'on est Canadien, qu'on a sa place dans la société, qu'on est chez soir et qu'on a la possibilité de faire une contribution.
Le deuxième objectif consiste à voir de quelle façon nous pouvons aider les Canadiens, quelles que soient leurs origines, à participer pleinement à la vie économique, sociale, politique et culturelle de notre pays. Cela suppose nécessairement l'élimination des obstacles à la pleine participation à la vie canadienne.
Le troisième objectif est, bien entendu, l'élimination des obstacles que sont la discrimination, le racisme, l'intolérance et toute autre chose qui nous empêche d'édifier une société juste et équitable. Par exemple, nous savons que pour un travail équivalent, les hommes faisant partie de minorités visibles au Canada gagnent 8 p. 100 de moins que ceux qui n'en font pas partie. Nous constatons également que les hommes noirs au Canada gagnent 15 p. 100 de moins que des hommes qui n'ont pas la peau noire. Donc, il est clair qu'il existe certains obstacles.
Nous savons également que la langue et les différences culturelles empêchent certains Canadiens d'accéder aux soins de santé ou de répondre à d'autres besoins, si on ne crée pas un milieu de vie sensible aux différences culturelles.
Ensuite, nous devons nous demander dans quelle mesure les objectifs fondamentaux de l'action de Condition féminine Canada et de Multiculturalisme Canada répondent aux priorités du gouvernement, telles qu'elles ont été énoncées dans le discours du Trône... À cet égard, je voudrais vous entretenir de quatre grandes priorités annoncées par le gouvernement dans le discours du Trône, dont la première est la prospérité économique.
Par rapport à la pauvreté chez les enfants qui est l'une des principales priorités du présent gouvernement, nous sommes très conscients du fait que lorsque les enfants sont pauvres—et rappelez-vous les statistiques que je vous citais tout à l'heure concernant les mères seules—dans le cas de la quasi-majorité de ces enfants... c'est parce que leurs mères sont pauvres. La situation de l'enfant est étroitement liée à celle de la mère ou des parents économiquement faibles qui le font vivre. Par conséquent, si nous voulons nous attaquer au problème de la pauvreté chez les enfants, nous devons nécessairement être sensibles à la problématique homme-femme, et aux difficultés qu'engendrent les différences entre les deux sexes, quelles que soient les causes de ces différences.
Nous savons que la situation économique des femmes est également une considération clé. Nous sommes très conscients du fait que les femmes n'ont pas accès aux mêmes revenus que les hommes, puisqu'elles dépendent de sources de revenus autres que le travail rémunéré pour survivre—même les femmes qui ont un travail rémunéré ne gagnent pas autant que les hommes. Nous devons donc agir en vue d'éliminer ces problèmes.
Nous avons d'ailleurs réalisé de grands progrès dans ce domaine. Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la condition féminine ont mis deux ans à élaborer des indicateurs économiques qui nous ont permis de constater récemment que nous avons effectivement réalisé des gains.
Nous constatons en effet que la fiscalité a une incidence très positive sur les femmes. Nous constatons que par rapport aux hommes, les revenus avant impôt des femmes ayant un travail rémunéré sont inférieurs aux revenus après impôt. Après défalcation des impôts, les femmes s'en tirent beaucoup mieux.
• 0925
Nous constatons également qu'au niveau de la formation et de
l'accès à l'éducation, la situation des femmes qui travaillent
dans les secteurs à prédominance féminine s'est grandement
améliorée. Les femmes occupent à présent plus de 50 p. 100 des
postes dans les établissements postsecondaires et elles sont
également fortement représentées dans des secteurs à prédominance
féminine, tels que les soins infirmiers, l'enseignement et les
services, de même que dans les emplois dits des cols roses.
Nous nous rendons compte également que les femmes s'en tirent beaucoup mieux aussi dans les secteurs qui sont également ouverts aux hommes et aux femmes, tels que la médecine, les soins dentaires et le droit, bien qu'il existe toujours un écart important entre les hommes et les femmes du point de vue de la capacité de ces dernières de pénétrer les domaines scientifiques et technologiques, et le génie. À l'heure actuelle, le secteur du génie ne compte que 18 p. 100 de femmes, et celui des maths et des sciences, seulement 23 p. 100.
Vu les nouvelles technologies et les tendances qui se dessinent sur le plan de la croissance économique et de l'économie de demain, les femmes vont être complètement dépassées si nous ne prenons pas des mesures dès maintenant pour relever ce défi important. Nous risquons de constater dans une dizaine d'années que les femmes n'accèdent pas aux emplois à plein temps, qui sont bien rémunérés et durables, du fait de ne pas participer à cette nouvelle économie désormais axée sur l'innovation.
Il nous faut aussi nous attaquer au problème du chômage chez les jeunes appartenant à des minorités visibles, si nous voulons favoriser la prospérité. Le chômage chez les jeunes est déjà élevé, mais en plus, les jeunes appartenant à des minorités visibles ont un taux de chômage qui est beaucoup plus élevé, c'est-à-dire quatre ou cinq fois plus élevé que les jeunes qui n'appartiennent pas à des minorités visibles. Nous savons également que les jeunes femmes ont un taux de chômage plus élevé que les jeunes hommes.
Pour ce qui est du commerce, nous devons examiner les avantages du commerce du point de vue de la prospérité économique. Le Conference Board du Canada et la Fondation Asie- Pacifique du Canada ont d'ailleurs mené des études dans ce domaine. Dans le contexte de la mondialisation, étant donné que le Canada est l'une des plus importantes nations commerçantes du monde, puisque 45 p. 100 de son produit intérieur brut est attribuable aux échanges, il importe que nous soyons conscients des obstacles au commerce auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, entre autres la langue, la culture et les conditions de marché des nombreux pays avec lesquels nous avons des échanges commerciaux.
Au cours des 25 dernières années, le multiculturalisme a permis de créer une société dans laquelle des personnes venant de tous les pays du monde ont pu préserver leur langue, leur culture et leurs connaissances de leur pays d'origine, ce qui est certainement un avantage pour le Canada dans le contexte du commerce international. C'est un avantage que nous n'avons pas encore commencé à exploiter au maximum et nous souhaitons donc mettre davantage l'accent là-dessus pour que le Canada soit au premier rang des nations commerçantes.
La deuxième priorité énoncée dans le discours du Trône concerne les enfants et les jeunes. Je pense que nous avons déjà parlé des désavantages qui touchent les jeunes appartenant à des groupes minoritaires et les femmes qui travaillent, mais il importe de vous faire remarquer que nous devons nous intéresser aux problèmes liés non seulement à la discrimination raciale et sexuelle dont souffrent les jeunes des minorités visibles et les femmes, mais aussi à celle fondée sur l'orientation sexuelle et les handicaps. Cette discrimination empêche les jeunes de bénéficier d'un accès égal non seulement au marché du travail mais à la société en général et d'avoir le sentiment d'y appartenir.
Si la discrimination empêche les jeunes d'appartenir à la société, nous nous heurterons par la suite à la problématique des groupes marginalisés qui n'ont pas le sentiment d'appartenir à la société canadienne. Cela pourrait finir par influencer le développement de notre société et le degré d'appartenance sociale.
Jusqu'à présent, nous avons assez bien réussi. Je sais que bon nombre d'entre vous ont vu les récents sondages menés par le Conseil économique et social concernant la tolérance. C'est le terme «tolérance» qui a été utilisé dans le cadre des sondages, mais je l'emploie avec certaine réticence, car pour moi nous devons surtout parler de nos jours de respect dans le contexte du multiculturalisme. Le mot «tolérance» indique qu'on supporte quelque chose qu'on n'aime pas nécessairement; le mot «respect» signifie par contre que vous vous rendez compte que d'autres peuvent enrichir votre vie et qu'il n'est pas nécessaire d'assimiler tout le monde ou de faire en sorte que tout le monde soit pareil. Nos différences sont effectivement notre force.
Nous avons justement constaté que sur le plan de la «tolérance», aucune ville canadienne n'a une note inférieure à quatre, alors que cinq est la note attribuée à la société la plus tolérante. Cela prouve bien que nous avons réalisé des progrès considérables au cours des 25 dernières années pour ce qui est de créer la société qui nous tient à coeur, même si nous avons encore des défis à relever à cet égard. Le racisme existe toujours, de même que la discrimination, et nous devons nous y attaquer avec un regain d'énergie.
Favoriser l'inclusion dans la société canadienne de même qu'un sentiment d'appartenance à cette société constitue donc un objectif clé, surtout que les grandes villes du monde sont habitées par des jeunes de races différentes et que les jeunes appartenant à des minorités visibles ne souffrent pas des mêmes problèmes de discrimination que les jeunes Noirs.
• 0930
Nous devons nous assurer que les jeunes ont le sentiment
d'appartenir à la société canadienne. Même si les taux de chômage
sont plus élevés, il importe d'être sensible à la possibilité
d'exclusion et de non-participation. Nous devons nous intéresser
vivement à ce problème afin d'édifier une société inclusive.
La troisième priorité du discours du Trône par rapport à laquelle Multiculturalisme Canada et Condition féminine Canada ont un rôle à jouer, est celle des foyers et des rues plus sûrs. Encore une fois, nous avons parlé de la violence institutionnalisée dont souffrent les femmes au foyer, dans la rue et au travail. Notre gouvernement et Condition féminine Canada ont d'ailleurs pris de nombreuses initiatives en vue de nous attaquer à cette problématique, entre autres l'adoption de lois traitant du harcèlement criminel et de la mutilation des organes génitaux de la femme, et la mise sur pied de foyers d'hébergement et de transition où les femmes peuvent vivre en toute sécurité.
Pour ce qui est du contrôle des armes à feu, nous savons que la majorité des femmes tuées par suite de violence familiale le sont à l'aide d'armes à feu. Si je ne m'abuse, 70 p. 100 des femmes sont assassinées par un membre de leur famille, le plus souvent leur époux ou conjoint de fait, à l'aide d'armes à feu. Donc, contrôler les armes à feu était pour nous l'un des moyens... de créer des foyers et des rues plus sûrs; de nous attaquer au problème du harcèlement sexuel au travail; et de favoriser la prévention de la criminalité dans la société en général. Les femmes continuent à dire qu'elles ont peur de marcher dans la rue le soir, et il nous faut essayer de changer cette situation.
Nous avons toujours considéré l'exploitation sexuelle des enfants comme le problème des pays du tiers monde, où l'on exploite les jeunes enfants dans la rue parce que ces enfants vivent dans la rue. Mais ce problème envahit l'ensemble de nos grandes villes, qu'il s'agisse d'Edmonton, de Vancouver ou de Toronto. De jeunes enfants vivent à présent dans la rue au Canada, et se font exploiter.
Nous devons donc nous demander pourquoi ces enfants sont dans la rue et sont exploités par des gens qui veulent faire de l'argent, ou quelle que soit la raison de cette exploitation—que ce soit pour les amener à faire le trafic de la drogue... quoi qu'il en soit, ces enfants finissent par s'adonner à la prostitution. Il faut donc se poser la question que voici: comment se fait-il que les jeunes se sentent plus en sécurité dans la rue que chez eux? Je vous demande donc de réfléchir à ce problème épineux.
En ce qui concerne les crimes et les activités qui découlent de la haine et des préjugés, nous avons déjà commencé à organiser une table ronde qui se tiendra au printemps et à laquelle participeront des représentants de Justice Canada et du Bureau du solliciteur général, des victimes de crimes et d'activités découlant de la haine et des préjugés, et des organisations et institutions non gouvernementales qui oeuvrent dans ce domaine, afin de parler d'une stratégie nationale sur les crimes et les activités découlant de la haine et des préjugés, un problème qui se manifeste dans certains segments de la société et certaines régions du pays.
Par exemple, on fait brûler des croix à Kamloops, en Colombie-Britannique. Nous constatons que des groupes militants pour la suprématie blanche se multiplient dans certaines régions de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Nous devons donc nous défendre contre ce genre de choses. Le fait que nous ayons réussi à bien des égards à créer une société tolérante et respectueuse ne veut pas dire que nous pouvons maintenant nous reposer et simplement oublier certains phénomènes qui sont plus présents de nos jours. Nous constatons que l'angoisse, le chômage et d'autres facteurs économiques peuvent effectivement susciter des préoccupations au sein de la population et inciter certaines personnes à trouver des boucs émissaires.
Nous devons également parler des jeunes marginaux qui sont membres de minorités visibles. Encore une fois, nous avons l'impression que les jeunes participent pleinement à la société canadienne, mais en même temps nous savons, vu le problème du racisme et de la discrimination, qu'il y a le risque que les jeunes Noirs ou membres des minorités visibles se trouvent de plus en plus marginalisés et se tournent vers la violence du fait de se sentir exclus de la société.
Enfin, la dernière priorité du discours du Trône dont je voulais vous entretenir est celle de l'unité et du développement du pays. Édifier une nation est un projet qui n'a pas de fin. Au fur et à mesure que nous évoluons en tant que nation en raison de changements démographiques et autres, non seulement parce que nous avons plus d'immigrants et que notre population est plus diversifiée, mais aussi parce que toutes les régions subissent des changements, nous devons continuer d'examiner les moyens à prendre pour favoriser l'égalité en respectant les différences et en tenant compte au moyen de stratégies adoptées aux obstacles ou aux problèmes qui touchent différents groupes.
Nous parlons d'intégration et d'inclusion. Voilà justement le mandat de Multiculturalisme Canada et de Condition féminine Canada—nous sommes là pour aider les collectivités et les institutions à se doter des compétences et des outils qui vont permettre à tous les Canadiens de participer pleinement à la société et d'avoir le sentiment d'y appartenir. Nous nous sommes toujours employés effectivement à créer une société dont la force est sa diversité.
• 0935
Il y a aussi toute la question de la société qui cherche à
intégrer, plutôt qu'à assimiler—c'est-à-dire le melting pot.
Dans ce genre de société, si vous n'êtes pas comme tout le
monde... La notion selon laquelle il faut oublier ses origines et
devenir comme tout le monde est étrangère à la vision canadienne.
Au moment où le Canada a commencé à s'intéresser à sa population diversifiée, nous avons pris une orientation différente par rapport aux États-Unis. Nous avons essayé de respecter les différences. Par l'entremise des programmes de multiculturalisme et de la Loi sur le multiculturalisme canadien, nous nous sommes efforcés d'édifier une société dont la grande force serait sa diversité et où l'accent serait mis sur l'intégration. À la place du melting pot, nous avons opté pour le pot-pourri. Et à mon avis, nos efforts ont assez bien réussi.
Nous devons parler de l'avenir du Canada dans le contexte de la pleine participation à la société de tous les Canadiens. Si l'avenir du Canada dépend du développement de notre potentiel en matière de ressources humaines, nous ferions bien de nous rappeler que 51 p. 100 de ce potentiel réside dans un groupe en particulier qui se heurte à certains obstacles; nous devons nous demander comment nous pouvons tenir compte des différences entre les deux sexes et répondre aux besoins des uns et des autres en vue d'exploiter au maximum le potentiel de nos ressources humaines.
Dans une société dont 42,7 p. 100 des membres ne sont d'origine ni anglaise ni française, nous devons chercher des moyens de développer ce potentiel humain et de nous assurer que tous les Canadiens sont bien intégrés dans la société et y participent à part entière.
Je voudrais cependant demander au comité de réfléchir à un certain nombre de défis très importants. À mon sens, nous avons déjà fait de grands progrès.
Je serais très heureuse de répondre à vos questions. C'est une question très large, monsieur le président, et donc au lieu de continuer à vous parler et à vous ennuyer avec mon discours, il serait préférable que je commence à répondre à vos questions.
Je vous invite cependant à réfléchir à un certain nombre de défis importants. D'abord, les revenus des femmes, et le fait que leurs revenus ne sont pas tirés uniquement du travail rémunéré. C'est là qu'intervient la question de la saine conduite des affaires publiques, car le gouvernement doit effectivement s'assurer que les femmes ont accès aux avantages sociaux, aux pensions et à d'autres formes de soutien justes et raisonnables, comme les pensions alimentaires que ce soit pour les enfants ou pour les femmes, afin qu'elles continuent d'avoir des revenus suffisants.
Je vous invite également à vous pencher sur la question du travail non rémunéré. Comment établir la valeur du travail que font les femmes qui donnent des soins à la famille, surtout qu'il représente à peu près le double du travail des gens d'autres secteurs, d'après nos constatations? Nous devons nous demander si nous valorisons vraiment le travail non rémunéré. Est-ce important pour nous?
Les femmes élèvent les enfants, et s'occupent de plus en plus des malades et des personnes âgées au fur et à mesure que vieillit notre population. En raison du phénomène de la déshospitalisation, les gens quittent de plus en plus les établissements sanitaires et les hôpitaux. Le rôle des femmes va- t-il aller en s'accroissant dans ce domaine?
Et puisque ce travail n'est pas rémunéré, quelle en est l'incidence de cet état de choses sur les femmes à la fin de leur vie, ou quand elles prennent leur retraite, alors que nous savons en définitive que la participation des femmes à la population active est déterminée par les enfants?
Et cela va continuer tant que nous n'aurons pas accès à des techniques de reproduction qui font que les femmes ne sont plus les seules à avoir des enfants ou à devoir prendre des congés pour en avoir. Quand les femmes décident d'avoir des enfants, elles doivent en même temps décider de se retirer de la population active pendant un certain temps. Cela influe sur leur capacité de gravir les échelons de l'organisation et d'obtenir des promotions.
Nos indicateurs nous ont également permis de constater que les employeurs ne consacrent pas autant d'argent à la formation et au recyclage des femmes qu'aux hommes. C'est sans doute parce qu'ils se disent que les femmes vont quitter le marché du travail pour avoir des enfants et qu'elles ne seront pas là quand on a besoin d'elles. Tout cela a une incidence sur le revenu de retraite des femmes.
Nous constatons que de plus en plus de femmes deviennent des entrepreneurs. Nous avons des statistiques très intéressantes qui indiquent que trois fois plus de femmes que d'hommes lancent de petites entreprises. En réalité, elles créent quatre fois plus d'emplois que des hommes qui ont une petite entreprise. Selon une étude menée par la Banque de Montréal, les femmes auraient créé 1,7 million d'emplois l'année dernière dans le secteur de la petite entreprise, c'est-à-dire plus d'emplois que les 100 entreprises canadiennes les plus performantes.
Je vous invite également à réfléchir à l'un des défis qu'ont à relever les travailleurs autonomes de sexe féminin qui veulent avoir des enfants, et qui doivent donc se retirer de la population active sans avoir accédé au congé de maternité, et qui ne sont peut-être pas en mesure d'investir dans un fonds de pension pendant qu'elles sont en congé. Souvent les femmes n'ont pas des ressources financières suffisantes pour investir dans un REER quand elles décident de quitter la population active pour élever des enfants ou s'occuper d'autres membres de la famille.
Voilà donc quelques défis importants que nous avons à relever. Je vous demande d'y réfléchir de sorte que dans 10 ans, une secrétaire d'État à la Situation de la femme ne soit pas en train de vous parler des mêmes problèmes et de vous faire part des mêmes statistiques. Nous devons commencer dès maintenant à nous attaquer à ces problèmes et à y travailler de façon proactive, au fur et à mesure que les différentes tendances se précisent.
• 0940
Nous avons parlé de la participation à la population active.
Nous voulons aussi examiner le problème de la sécurité des
femmes, de toutes ces femmes qui sont nos enfants, nos soeurs,
nos mères et nos filles. Que pouvons-nous faire pour créer une
société accueillante où les femmes se sentent en sécurité?
Pour ce qui est du multiculturalisme, voici les principaux défis auxquels je vous demande de réfléchir. Il y a tout d'abord la nature changeante de notre société; nous savons que notre société est différente. Quelle est l'incidence de la discrimination sur cette société? Comment pouvons-nous continuer de renforcer le respect des différences qui est le propre de la société canadienne, étant donné que ces différences vont devenir plus visibles et que les gens ne se ressembleront plus autant. Nous savons, par exemple, qu'à l'heure actuelle plus de 57 p. 100 des immigrations canadiennes viennent d'Asie.
Comment entamer un débat sur tous ces enjeux? Comment analyser les stratégies et faire en sorte qu'elles soient bien adaptées à la situation et qu'elles permettent de régler ces problèmes? Nous devons nous attaquer, entre autres, à la problématique des crimes et des activités qui découlent de la haine et des préjugés, et examiner la question de la liberté d'expression au niveau individuel. Quel est donc le rôle de la liberté d'expression dans la société en général?
Le Canada a toujours cherché à établir un équilibre entre les droits individuels et le bien-être de la société. Nous n'avons jamais accepté de favoriser l'un au détriment de l'autre. Par conséquent, nous avons dû constamment nous efforcer de répondre aux besoins de chaque groupe et d'examiner d'un oeil critique l'ensemble de nos structures, et ce, parce qu'elles ne sont ni noires ni blanches, ni linéaires ni rigides.
Quelles conclusions devons-nous tirer au sujet des activités qui découlent de la haine et des préjugés, par rapport à la question de la liberté d'expression individuelle et au sujet de leur incidence sur la société, l'inclusivité, et le sentiment des Canadiens d'être des participants égaux libres de discrimination?
Comment régler le problème des jeunes marginalisés au fur et à mesure que nous nous approchons du prochain millénaire? Les jeunes marginalisés seront différents, à cause de leur couleur et du fait qu'ils auront peut-être une orientation sexuelle différente. Ont-ils l'impression d'être exclus? Et quel est le résultat de cette exclusion? Quelles mesures proactives pouvons- nous prendre dès maintenant pour éviter que cela devienne un problème majeur?
Parlons aussi de la mise en oeuvre des orientations du nouveau programme. Je vous disais tout à l'heure que nous nous sommes fixé de nouveaux objectifs. Réfléchissez donc aux mécanismes de financement des institutions, des groupes et d'autres paliers de gouvernement, comme les municipalités, que nous pouvons établir pour les aider à acquérir les compétences et les outils dont ils ont besoin.
Certains d'entre vous vont se faire dire dans leur région que cette nouvelle orientation va peut-être les empêcher de recevoir des fonds. Comment pouvons-nous lancer un débat là- dessus? J'aimerais que vous me disiez si tel est le message que vous transmettent vos électeurs, et s'il y a d'autres solutions qui nous permettraient de favoriser cette inclusion et de continuer à donner aux gens les compétences et les outils dont ils ont besoin sans les exclure.
Je vous invite donc à réfléchir à tous ces importants défis.
[Français]
La vision que se fait notre gouvernement de la société doit être fondée sur un sens des responsabilités mutuelles, le principe de l'égalité des chances, le respect de la diversité et l'équité pour toutes et tous si l'on veut être en mesure de profiter des possibilités qu'offre
[Traduction]
le XXIe siècle pour tous les Canadiens.
Comment aborder ce problème, étant donné que nous sommes une société diversifiée et que nous devons constamment être conscients du fait que ces différences peuvent constituer des obstacles à la participation et à l'intégration; de même, comment pouvons-nous développer nos ressources humaines?
Voilà donc un aperçu général des activités de Multiculturalisme Canada et de Condition féminine Canada. Voilà les questions qui nous préoccupent.
J'espère que vous serez en mesure de nous aider et de nous dire comment nous pouvons améliorer nos programmes et relever les défis auxquels nous serons certainement confrontés dans le contexte d'une société changeante, de la mondialisation et d'économies et de technologies nouvelles et novatrices. Comment pouvons-nous nous adapter proactivement au lieu de réagir aux événements? Comment devons-nous nous préparer pour le XXIe siècle?
Merci infiniment de m'avoir accordé cette occasion de vous parler, monsieur le président.
Le président: Merci, madame la ministre.
Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord remercier la ministre de sa présence et de nous avoir donné un aperçu général de son ministère.
• 0945
Je n'ai pas l'intention d'aborder la question de la
condition féminine. Certaines des initiatives qu'elle nous a
décrites méritent notre soutien, mais je ne vais pas m'y
attarder. Je préfère parler du multiculturalisme.
Elle nous a lancé un défi tout à l'heure, et je pense que nous saurons le relever, mais à mon sens, c'est grâce à nos différences que nous allons parvenir à relever tous ces importants défis. Après avoir écouté ses remarques, je me sens un peu déçu de constater qu'à la veille du XXIe siècle, les politiques du gouvernement n'ont pas évolué. Ce sont les mêmes vieilles politiques qui mettent en valeur nos différences sans faire la promotion de nos similitudes.
Elle dit que depuis 25 ans, le multiculturalisme nous aide à préserver notre culture. Je dois vous dire que je suis complètement en désaccord—et je dis bien complètement—avec cette affirmation. La culture a toujours été et continuera d'être préservée au Canada—et quand je dis «culture», je parle aussi du multiculturalisme—par les gens eux-mêmes, sans intervention gouvernementale.
En fait, au cas où elle ne le saurait pas, le multiculturalisme est en plein essor au Canada, mais pas à cause de l'intervention gouvernementale. En réalité, l'intervention gouvernementale joue un rôle tout à fait minime dans la préservation des cultures. Nous sommes tout à fait en mesure de préserver nous-mêmes notre culture; vous pouvez au moins nous en attribuer le mérite.
Quant à sa deuxième observation au sujet de l'immigration et du degré de tolérance, où elle disait qu'encore une fois tout cela était le résultat de ses politiques multiculturelles, je dois dire, encore une fois, que je suis tout à fait en désaccord. Si le degré de tolérance des Canadiens est plus élevé, c'est parce qu'ils reconnaissent l'importante contribution des immigrants à la société canadienne. Cela n'a absolument rien à voir avec la politique du multiculturalisme.
Ce que je veux dire, c'est que nous sommes d'accord pour reconnaître que le Canada est une société multiculturelle, que le multiculturalisme est en plein essor, et que le multiculturalisme est l'un des fondements de notre société. Par contre, nos opinions sont diamétralement opposées sur les méthodes à employer et sur le rôle majeur que ses politiques ont joué dans la promotion du multiculturalisme, comme elle le maintient. C'est tout à fait faux.
Vu mes antécédents, j'ai une grande expérience du multiculturalisme. Je travaille dans ce domaine depuis 10 ou 15 ans, et je sais donc de quoi je parle. Je suis donc bien placé pour savoir que le multiculturalisme a été abusé par d'autres gouvernements pour se faire élire, à telle enseigne que les Canadiens ont commencé à mal réagir et ne respectent plus beaucoup le terme «multiculturalisme». Voilà donc le véritable défi que nous avons à relever—pas celui des programmes, mais celui de l'acceptation par les Canadiens du «multiculturalisme» qui pour le moment n'est pas bien accepté.
Je me fonde sur mon expérience pour émettre l'opinion que les provinces—toutes les provinces—exécutent des programmes multiculturels d'une forme ou d'une autre. Toutes les provinces ont des programmes qui assurent un financement culturel ou qui favorisent le maintien du multiculturalisme. J'estime qu'une bonne partie de ce double emploi serait éliminé si le gouvernement fédéral confiait l'administration de ces programmes aux provinces. Même s'il y aurait encore un certain double emploi, ce transfert de responsabilité aux provinces serait une sorte de catalyseur, en ce sens que ce programme s'alignerait davantage sur les désirs des différentes communautés multiculturelles et du Canada dans son ensemble.
Le rôle du gouvernement fédéral devrait donc se limiter à celui de conseiller. Et la première étape consiste à éliminer le poste de secrétaire d'État au Multiculturalisme. J'ai eu le privilège de parler avec bon nombre de mes contribuables dans la province, et j'ai pu analyser leurs programmes. Il existe énormément de double emploi, mais leurs programmes sont davantage axés sur les besoins de la communauté multiculturelle que les vôtres, puisqu'ils sont exécutés plus près de la base et des organismes multiculturels que ceux qu'exécute le gouvernement fédéral.
J'ai écouté votre exposé et je vous ai entendu parler d'objectifs qui semblent très louables en théorie. On ne peut être en désaccord avec ces affirmations. Mais quand il s'agit de la mise en oeuvre de ces politiques, notamment par le gouvernement fédéral, et vu l'ingérence passée des responsables politiques dans tous ces programmes, je doits avouer que nous sommes vraiment très inquiets de voir de quelle façon la situation évolue et de constater que les gens voient dans le multiculturalisme quelque chose d'hostile.
• 0950
Mais comme je l'ai dit au départ, le Canada est une société
multiculturelle. Nous sommes en faveur du multiculturalisme, mais
non du multiculturalisme étatisé. Il se développe très bien seul.
Je recommande par conséquent que votre ministère envisage sérieusement de transférer aux provinces certains des excellents programmes que vous exécutez. Le programme de développement des jeunes membres des minorités visibles en est un excellent exemple, surtout que vous dites que le taux de chômage est particulièrement élevé dans ce groupe.
Ayant parlé avec de nombreux membres de la collectivité, je crois pouvoir affirmer que dans l'ensemble, le multiculturalisme est vraiment en plein essor. Les gens font un excellent travail. À mon sens, ils préféreraient que vous n'interveniez pas dans ce travail.
Merci.
Le président: Madame Fry.
L'hon. Hedy Fry: Merci, monsieur le président. Je voudrais réagir aux commentaires du député.
Je voudrais dire, tout d'abord, que le multiculturalisme subsiste au Canada sans l'intervention ou l'aide du gouvernement. En octobre 1996, nous avons célébré 25 ans de multiculturalisme au Canada. On peut donc difficilement dire que ce pays a réussi à survivre sans le multiculturalisme, alors que nous le pratiquons depuis 25 ans.
Si on examine la situation dans la période précédant l'adoption du multiculturalisme—cette politique a été lancée en 1971—nous constatons des différences très marquées par rapport à la situation actuelle, et ce ne sont pas des simples anecdotes. Je vous demande de vous référer à des études menées par diverses universités canadiennes et institutions internationales qui ont utilisé un certain nombre d'indicateurs clés pour mesurer l'intégration.
L'un de ces indicateurs est le taux de naturalisation; autrement dit, le rythme auquel les gens deviennent citoyens. C'est au Canada que la période moyenne d'adoption de la citoyenneté par les immigrants est la plus courte, c'est-à-dire entre trois et cinq ans... une période plus courte qu'en 1971, surtout récemment.
Il est intéressant de constater que dans la société d'aujourd'hui, il n'y a pas une grande différence entre le statut d'un immigrant reçu et celui d'un citoyen canadien du point de vue de leurs droits et de leurs responsabilités en tant que Canadiens, et de leur accès à l'ensemble des programmes et avantages qui existent dans ce pays. Ils ont exactement les mêmes privilèges que les citoyens. En réalité, les gens ont moins de raisons de vouloir devenir citoyens, alors qu'ils le deviennent plus rapidement que dans n'importe quel autre pays du monde. Le taux de naturalisation est deux fois plus élevé ici qu'aux États- Unis, et nous constatons en effet que de plus en plus de personnes veulent adopter la citoyenneté canadienne, l'année 1995 ayant été une année record à cet égard. Donc, il est clair que les gens veulent devenir citoyens canadiens, même s'il n'y a pas une grande différence de statut entre un immigrant reçu et un citoyen canadien.
Nous nous sommes également penchés sur une autre question, celle de la participation politique. Nous constatons qu'un nombre record de membres des communautés dites «ethniques» participent aux activités des organismes et partis politiques. En fait, ils sont membres des partis politiques traditionnels que le Canada a encouragés au fil des ans. Il n'existe pas de partis ethniques ayant comme membres des représentants de minorités ethniques. Les immigrants sont bien intégrés, participent aux activités politiques, votent à des niveaux records, et sont membres de plus de partis politiques traditionnels que dans n'importe quel autre pays du monde.
Quand nous examinons le phénomène des mariages mixtes, un autre indicateur utilisé par les universités, nous constatons qu'avant 1971, 42 p. 100 des Canadiens acceptaient les mariages interraciaux. À l'heure actuelle, les sondages indiquent que 89 p. 100 des Canadiens acceptent les mariages mixtes, et le fait est que ces mariages sont devenus beaucoup plus fréquents.
Nous constatons également que les deux pays du monde qui ont le mieux réussi à intégrer les immigrants de première génération sont le Canada, suivi de loin de l'Australie, et ce sont les deux seuls pays du monde à avoir des lois sur le multiculturalisme et des programmes de multiculturalisme. En fait, le programme australien suit de si près le programme canadien qu'on dit souvent pour rire qu'ils ont oublié à certains endroits d'enlever le mot «Canada» de leur texte législatif.
• 0955
De même, nous savons que des pays marqués par la ségrégation
raciale—l'Afrique du Sud, par exemple—envisagent d'examiner
notre politique et notre Loi canadienne sur le multiculturalisme
en vue de les adapter à leur situation et de créer une société
plus cohésive et intégrée.
Donc, nous sommes effectivement un modèle pour tous les pays du monde, et ce grâce aux programmes et projets que nous avons mis en oeuvre.
La deuxième observation de M. Obhrai, que j'ai trouvée bien intéressante, c'était que chaque province a son propre programme de multiculturalisme...
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais pour que tout le monde puisse avoir l'occasion de poser des questions, je vous demanderais de conclure en abordant l'une des questions principales de M. Obhrai, qui concernait le transfert de ce programme aux provinces? Ensuite, nous pourrons passer à un autre intervenant.
L'hon. Hedy Fry: Pour ce qui est de transférer ces programmes aux provinces, le fait est que toutes les provinces n'ont pas de programmes de multiculturalisme et que nous les transférerions dans certains cas à des provinces qui ne disposent actuellement d'aucune structure dans ce domaine.
En outre, par rapport aux objectifs nationaux que nous nous sommes fixés dans le domaine du multiculturalisme—objectifs que vous pourrez examiner sur notre site Web, si cela vous intéresse de le faire—il ne faut pas oublier que nous avons certaines obligations internationales en vertu de conventions que nous avons tous acceptées. Il serait donc très difficile de transférer ces responsabilités aux provinces, surtout que toutes les provinces n'ont pas de programmes de ce genre et que celles qui en ont les financent assez mal, puisque leurs budgets sont minimes.
[Français]
Le président: Madame St-Hilaire.
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Je voudrais remercier la ministre d'avoir pris du temps pour venir nous parler ce matin. Ce qui m'intéresse davantage, c'est la condition féminine, bien entendu.
Plusieurs questions ont été soulevées par la ministre. Par contre, je n'ai pas l'impression qu'il y a beaucoup de réponses. Je sens qu'elle est consciente de la réalité des femmes, mais elle ne donne pas beaucoup de réponses.
L'équité salariale est l'un des dossiers pour lesquels je demande que des actions soient prises. Elle dit travailler avec le ministre des Finances dans le but de promouvoir l'égalité des femmes et l'amélioration de l'autonomie économique des femmes. Je lui rappellerai que la question de l'équité salariale touche près de 70 000 femmes. Donc, je me demande quels gestes elle entend poser pour que ce dossier se règle.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: L'équité salariale est une réalité au Canada, notamment au sein de l'appareil fédéral et dans la fonction publique, qui relève de notre responsabilité. En fait, nous appliquons déjà le principe de l'égalité des rémunérations. C'est déjà une réalité.
Ce dont vous parlez, c'est la question actuellement à l'étude par la Commission canadienne des droits de la personne— c'est-à-dire une formule à appliquer pour la rétroactivité, question que nous débattons avec l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Comme vous le savez, notre gouvernement estime—et à cet égard, je travaille en étroite collaboration avec le Conseil du Trésor et le ministre des Finances—qu'une solution qui est acceptée par les deux parties, c'est-à-dire une solution négociée, est toujours préférable. Nous avons considérablement modifié notre position dans le cadre des négociations avec l'Alliance de la fonction publique du Canada, puisque notre offre est maintenant de 1,3 milliards de dollars. Nous allons continuer de négocier jusqu'à ce que nous arrivions à une entente, en attendant la décision du tribunal.
Je ne peux pas dire plus au sujet de la décision du tribunal, mais notre position consiste à en arriver à une entente négociée avec les syndicats afin qu'ils puissent verser aux femmes l'argent qu'elles attendent depuis si longtemps, avant que le tribunal n'annonce sa décision.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: J'espère qu'on va aller jusqu'aux deux milliards de dollars demandés par la fonction publique et non pas se limiter aux 1,3 milliard de dollars annoncés. J'espère aussi que le ministre des Finances a prévu une marge de manoeuvre face à ce dossier, mais j'imagine qu'on reviendra là-dessus à un moment donné.
J'ai des questions sur le programme de promotion des femmes. Certains groupes de femmes sont venus au Comité permanent des finances et ont demandé qu'on accorde deux dollars par Canadienne. Pensez-vous que cette mesure va être étudiée? Actuellement, on n'accorde que 60 cents par femme.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Je ne voudrais pas couper l'herbe sous le pied du Comité des finances, qui aura à prendre des décisions ou faire des recommandations à ce sujet, mais étant donné les défis importants qu'auront à relever les organismes féminins sur toute la question de l'égalité des femmes, je serais évidemment très contente qu'on y donne suite. Mais il faudrait également examiner cette recommandation dans le contexte du climat financier général et des priorités que le gouvernement s'est fixées.
Mme Caroline St-Hilaire: Vous parlez de la pauvreté chez les femmes. Il y a un dossier qui les touche plus particulièrement, et c'est celui de l'assurance-emploi. Proposez-vous des actions concrètes pour remédier à la pauvreté chez les femmes et les enfants?
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Nous avons déjà pris des mesures pour évaluer les incidences sur les deux sexes des changements apportés au programme d'assurance-emploi. Nous savons, par exemple, que de nombreuses femmes travaillent à temps partiel parce qu'elles ont des enfants. Par le passé, les personnes qui travaillaient 15 heures, ou même moins de 15 dans trois endroits différents, n'avaient jamais accès à l'assurance-chômage, aux prestations de maternité, ou aux soins de santé ou soins dentaires. Nous avons donc modifié la loi pour que toutes ces heures de travail soient prises en compte pour le calcul des prestations. Plus de 700 000 Canadiens qui n'ont jamais pu toucher jusqu'à présent l'assurance-chômage ou d'autres types de prestations y ont maintenant accès grâce au nouveau système que nous avons implanté.
De plus, nous tenons désormais compte du fait que la participation des femmes à la population active est interrompue quand elles décident d'avoir des enfants. La période pendant laquelle une femme peut être absente de la population active pour s'occuper de son enfant et ensuite retourner et participer à des programmes de formation en vertu du programme d'assurance- emploi... disons que nous avons allongé cette période, qui est désormais de cinq ans. Autrement dit, une femme peut quitter le marché du travail pendant un maximum de cinq ans pour s'occuper de ses enfants et bénéficier toujours des programmes de formation offerts dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Par le passé, la période maximale était d'un an.
[Français]
Le président: Si vous le voulez, vous pourrez revenir plus tard.
[Traduction]
Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Merci beaucoup d'être venue parler aux membres du comité. Je constate que tout le monde parle très très vite à Ottawa. Je ne sais pas si c'est une conséquence de la vie au Parlement, mais j'espère que nous aurons un compte rendu de cette discussion, afin que nous puissions nous y reporter par la suite.
J'ai quelques questions à vous poser au sujet des programmes de promotion de la femme. D'après ce qu'on m'a dit, le financement des centres féminins est passé de 13,5 millions de dollars à 8,2 millions de dollars depuis 1992. Il s'agit de centres de promotion et de sensibilisation de la femme. Comme vous l'avez dit, ils sont là pour aider les femmes à être sur un pied d'égalité et à devenir plus indépendantes en profitant des ressources que leur offrent ces centres. Mais leur financement a été réduit d'au moins un tiers. Quel était le raisonnement de ceux qui ont pris cette décision? Peut-on encore parler d'un engagement de la part de votre ministère, étant donné que ces groupes ont été si gravement touchés par les réductions budgétaires?
L'hon. Hedy Fry: Comme vous le savez, aucun ministère fédéral n'a échappé aux coupures budgétaires. Nous faisions face à un énorme déficit—soit 42 milliards de dollars—et il fallait bien qu'on prenne des mesures pour le réduire. Dans ce contexte, nous avons lancé l'examen des programmes. Nous avons essayé de voir de quelle façon tous les ministères pourraient rationaliser leurs activités. Nous avons décidé de réduire les frais administratifs, et de rendre des comptes à la population des stratégies que nous avons élaborées et de la façon dont nous les avons mises en oeuvre. Cette année marquait la dernière année de ces compressions budgétaires.
Malgré tout, Condition féminine Canada continue de financer 300 groupes, et a établi des partenariats avec d'autres paliers de gouvernement et le secteur privé pour faire avancer certaines initiatives qui nous semblent essentielles.
Nous avons également réussi à mettre davantage l'accent sur la diversité accrue de la population féminine. Nous savons que les femmes font face à de multiples obstacles, à cause non pas de leur sexe mais de leur diversité. Nous avons donc décidé d'inclure dans nos programmes de nouveaux groupes, tels que les personnes handicapées.
Donc, nous nous employons actuellement à réaliser des objectifs très clairs. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons voulu fixer trois objectifs bien précis—pour être en mesure d'évaluer la situation, les progrès accomplis et les éventuelles lacunes.
Mme Wendy Lill: Je continue. Je suis d'accord avec Mme St-Hilaire quand elle a dit que le gouvernement doit manifester son engagement vis-à-vis de l'équité salariale, et qu'il doit le faire maintenant.
Pour ce qui est de cette idée de punir des femmes, pour ma part, je pense que nous punissons les femmes chaque fois que nous les obligeons à payer la TPS sur les couches et les préparations pour nourrissons. Nous parlons ici de la situation de femmes que je rencontre tous les jours. Nous les punissons en les obligeant à s'occuper des personnes âgées et d'enfants handicapés sans rémunération. Les programmes qui étaient précédemment accessibles aux personnes handicapées ont été très durement touchés par le transfert aux provinces d'une bonne partie de ces responsabilités.
Pour moi, le monde évolue d'une manière qui ne peut qu'être préoccupante pour les femmes, et notamment les femmes dans la cinquantaine, car nous délaissons de plus en plus nos responsabilités collectives en matière de soins de santé. En tant que mère d'un enfant qui a des besoins spéciaux, je ne serais pas étonnée—à moins de commencer tout de suite à m'organiser et à faire du lobbying—d'avoir à m'occuper d'un adulte ayant une déficience mentale pendant une quinzaine d'années sans avoir accès à quelque ressource que ce soit. D'ailleurs, je connais déjà des gens qui sont dans cette situation.
• 1005
C'est donc en me fondant sur mon expérience personnelle que
je permets d'affirmer que les femmes n'ont pas l'impression de
constituer une priorité pour le gouvernement.
L'hon. Hedy Fry: Vous soulevez un certain nombre de points importants, et j'y faisais justement allusion tout à l'heure en parlant des défis que nous aurons à relever à l'avenir.
Nous travaillons beaucoup sur la question du travail non rémunéré et de la valeur du travail non rémunéré accompli par les femmes. Vous vous souviendrez peut-être qu'au dernier budget, le gouvernement a annoncé une longue série d'initiatives fiscales qui vont aider les personnes handicapées. Entre autres, nous avons prévu quelque 60 millions de dollars pour les aider à accéder aux emplois et à la population active, et pour aider ceux et celles qui s'occupent des personnes handicapées.
Donc, un certain nombre de mesures fiscales ont été prises pour leur venir en aide. J'ai d'ailleurs parlé des indicateurs qui nous ont permis de constater que les personnes marginalisées ont tendance à être en meilleure posture après avoir payé les impôts, plutôt qu'avant. Ces mesures vont donc contribuer à mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas offrir le choix aux femmes de dispenser des soins à leur famille ou de participer à la population active en ayant un travail rémunéré. Donc, l'un des défis que nous avons à relever dans ce domaine est de trouver des solutions et d'analyser l'information sur le travail non rémunéré.
Le président: Madame Lill, je vous donnerai un autre tour dans quelques minutes.
Mme Wendy Lill: Oui, j'ai un dernier point à soulever. La moitié des personnes handicapées au Canada—c'est-à-dire deux millions de personnes—n'ont pas de revenus, et par conséquent, notre régime fiscal n'a absolument aucun effet sur elles.
Le président: Monsieur Muise.
M. Mark Muise (West Nova, PC): Monsieur le président, je voudrais tout d'abord remercier Mme Fry pour sa présence aujourd'hui. Elle nous apporte des renseignements fort intéressants et utiles, et à mon sens, cette discussion s'imposait.
J'ai de nombreux points à soulever. Le gouvernement dit avoir reconnu que beaucoup d'enfants vivent dans la pauvreté. Lors de discussions avec elles, les représentantes de différents groupes féminins ont d'ailleurs attiré mon attention sur ce problème. Bon nombre de ces femmes s'efforcent d'améliorer leur situation pour ne plus dépendre de l'assistance sociale ou pour accroître leurs revenus, et on semble leur mettre des bâtons dans les roues à chaque instant.
Je parlais un jour à un groupe dont les représentantes me disaient qu'elles s'efforcent de rehausser leur niveau d'instruction, et elles me disaient qu'elles ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin. Pendant qu'elles allaient à l'école, les gains supérieurs à 200 $ par mois étaient défalqués de leur salaire. Autrement dit, elles n'avaient absolument aucune motivation, en dehors du désir de s'améliorer. Personne ne les aidait à sortir de ce cycle. En ce qui me concerne, c'est au gouvernement de supporter certaines dépenses dans l'immédiat pour enrayer à tout jamais ce problème. Si les enfants sont pauvres, c'est parce que leurs parents sont pauvres. À mon avis, le gouvernement doit absolument s'attaquer à ce problème d'importance primordiale.
Si les enfants continuent d'être pauvres, et si la situation s'aggrave au fur et à mesure qu'ils vieillissent, au lieu de s'améliorer, c'est encore pire. Je pense que nous devons chercher à travailler plus étroitement avec d'autres paliers de gouvernement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
L'hon. Hedy Fry: Vous avez fait valoir de très bons arguments.
Comme je le disais tout à l'heure, les enfants ne naissent pas dans les choux. S'ils sont pauvres, c'est parce que leurs parents sont pauvres. En tant que gouvernement, nous avons examiné ce problème et décidé d'investir 850 millions de dollars afin de compléter le revenu des parents économiquement faibles qui travaillent. Nous avons parlé de la situation des familles à deux revenus et du fait que les gains de la femme sont très importants. Nous travaillons également avec les administrations provinciales en vue de nous attaquer à d'autres problèmes, tout en continuant de suppléer aux revenus de travail des familles dont les enfants sont pauvres. Les autorités provinciales réexaminent également les avantages et services offerts aux familles et essaient de voir ce qu'elles peuvent faire à leur niveau du côté des soins à l'enfant et des services dispensés à ces femmes.
En ce qui concerne la réadaptation au recyclage des travailleurs en vertu du programme d'assurance-emploi, nous avons fait passer à cinq ans la période pendant laquelle les femmes peuvent quitter le marché du travail pour s'occuper de leur famille tout en conservant le droit de recevoir de la formation.
• 1010
Une partie de l'argent frais investi dans le programme
d'assurance-emploi servira à aider les femmes à devenir
entrepreneurs. Nous savons que les crédits investis dans certains
projets du ministère de la Diversification de l'économie de
l'Ouest, de l'APECA et d'autres régions servent à financer la
création de centres d'entreprise pour les femmes qui aident les
femmes qui souhaitent lancer leur propre petite entreprise.
L'avantage de la petite entreprise pour les femmes, c'est qu'elle leur donne la souplesse de lancer une toute petite opération si elles le désirent, de travailler à la maison—ce qui règle le problème de la garde d'enfants en même temps—et d'avoir un horaire plus ou moins souple, selon leurs besoins. L'aide accordée à ces femmes par le biais de ces centres d'entreprise pour les femmes sur le plan de la préparation des plans d'entreprise, de l'encadrement et de l'aide au démarrage est extrêmement importante.
De plus, si vous examinez les nouvelles mesures fiscales annoncées au dernier budget, vous verrez qu'il y est question de permettre aux gens en formation de déduire deux fois le montant précédemment accordé pour les frais de garde d'enfants. Même l'école secondaire est maintenant comprise. Nous travaillons également avec les provinces et les établissements scolaires dans le domaine de l'éducation à distance. Dans ce secteur, un certain nombre de projets sont déjà en cours qui devraient permettre aux femmes d'accéder à l'éducation au foyer, au lieu d'avoir à suivre des cours dans un établissement scolaire.
Le président: Monsieur Muise, je vous permets une dernière question.
M. Mark Muise: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que ce qui est fait à l'heure actuelle n'est pas positif. Je vous dis simplement que cela ne suffit pas. Si vous aidez ces femmes, dans quelques années vous récolterez ce que vous aurez semé, puisqu'elles seront complètement autonomes et paieront des impôts au lieu de faire appel au régime d'assistance.
J'encourage donc le gouvernement à aller un peu plus loin avec cette initiative. Comme Mme Lill, moi, aussi, j'ai un enfant handicapé et je comprends donc à quel point c'est important. J'ai beaucoup de chance, à mon avis, que ma femme puisse rester à la maison et s'occuper de notre enfant, mais si elle n'avait pas accès à ce genre de soutien, si ce soutien était réduit ou si elle était seule et devait survivre avec un seul salaire, les conséquences seraient certainement très graves.
L'hon. Hedy Fry: Vous soulevez un point important. Je ne prétends pas que le gouvernement connaît toutes les solutions. C'est justement pour cela que j'invite le comité à nous faire des suggestions sur les mesures à prendre pour relever les défis de l'avenir.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Bonjour, madame la ministre, et bienvenue.
[Traduction]
Je trouve intéressant que vous qualifiez certains des partis représentés à cette table de partis politiques traditionnels. Je ne suis pas sûr qu'ils soient tous d'accord avec vous. Mais tel n'est pas l'objet de la réunion d'aujourd'hui, n'est-ce pas?
Madame la ministre, pourriez-vous nous dire si Condition féminine Canada a fait une analyse des effets sur les hommes et les femmes des prestations de personnes âgées, et dans l'affirmative, quelles en ont été vos conclusions?
L'hon. Hedy Fry: Nous avons effectivement fait une analyse comparative entre les sexes des prestations de personnes âgées. Comme vous le savez, ces prestations revêtent une grande importance pour les femmes, étant donné qu'elles vivent plus longtemps. Nous savons maintenant qu'en raison de leur participation discontinue à la population active, de leur travail non rémunéré et des soins qu'elles dispensent à la famille, de nombreuses femmes ne sont pas en mesure de constituer un fonds de pension en prévision de leur retraite. Elles dépendent absolument de la sécurité de la vieillesse et du revenu de supplément garanti, qui ont été fusionnés pour créer les prestations de personnes âgées.
Il en découle tout de même un certain nombre d'éléments positifs. Grâce à cette analyse comparative entre les sexes et des changements que nous avons opérés par suite de notre examen de la question, les femmes âgées qui sont seules, et qui sont les plus pauvres de toutes les femmes âgées, vont être en bien meilleure posture financière que précédemment. En fait, les femmes seules vont en bénéficier plus que tout autre groupe de personnes âgées.
Mais la prestation de personnes âgées ne doit pas être la seule forme de soutien du revenu. À mon sens, la viabilité du Régime de pensions du Canada revêt une importance primordiale. Nous savons que le Régime de pensions du Canada est le seul régime de pensions—y compris dans le secteur privé—qui prévoit des dispositions de non-participation afin que les femmes puissent avoir des enfants et s'en occuper. Donc, cette disposition de non-participation est absolument essentielle et aide beaucoup les femmes.
Comme vous le savez, la viabilité du RPC a fait l'objet d'une étude pendant la phase I, qui a récemment pris fin. Pendant la phase I portant sur la viabilité, l'analyse comparative nous a permis de conserver certaines composantes qui sont avantageuses pour les femmes, telles que les prestations de survivant, le partage des droits à pension pour les couples divorcés, et la disposition de non-participation. Tous ces éléments ont été conservés. Pendant la phase II, nous procéderons à d'autres analyses comparatives pour nous assurer qu'elles font partie intégrante du revenu de retraite des femmes.
• 1015
En fait, lors de la réunion fédérale, provinciale et
territoriale tenue à Halifax il y a 15 jours, tous les ministres
responsables de la condition féminine aux paliers fédéral et
provincial ont prié instamment le ministre fédéral de même que
tous les ministres provinciaux des Finances de procéder à une
analyse comparative complète de l'incidence sur les deux sexes
des mesures prévues pendant la phase II de la réforme du RPC.
Quant aux prestations de personnes âgées, elles ne sont pas imposables—ce qui constituent un avantage important pour les personnes âgées, et plus particulièrement les femmes âgées—et vont profiter aux femmes âgées seules plus qu'à n'importe quel autre groupe.
M. Mauril Bélanger: Et qu'en est-il de la mise en commun des revenus?
L'hon. Hedy Fry: La mise en commun des revenus—et à cet égard, nous tenons compte des revenus des deux partenaires, c'est-à-dire du revenu familial global—ou l'évaluation de l'état des revenus familiaux profitera aux femmes puisque les chèques seront de montants égaux. Différents organismes féminins ont proposé que le montant du chèque soit inversement proportionnel au revenu. Autrement dit, si une étude du revenu permet de constater que la femme n'a aucun revenu, elle devrait toucher le montant intégral. Si elle touche 10 p. 100 du revenu familial, elle devrait recevoir 90 p. 100 du montant du chèque. Ce serait peut-être une façon de contrer l'iniquité qui pourrait en résulter. C'est du moins ce que nous ont fait valoir de nombreux organismes féminins.
M. Mauril Bélanger: J'ai une dernière question à vous poser qui sera très brève. Je ne sais pas dans quelle mesure vous pourrez y répondre, car la question est complexe.
Je voudrais savoir si votre organisation a pris position sur l'opportunité d'un revenu annuel minimum garanti.
L'hon. Hedy Fry: Non... à moins que Florence désire vous répondre.
Un certain nombre de groupes universitaires et communautaires sont actuellement en train de faire de la recherche, qui est parrainée par Condition féminine Canada, sur diverses questions liées au revenu des femmes, étant donné que le travail rémunéré n'est pas l'unique source du revenu d'une femme. Cette recherche se poursuit et pour le moment, nous n'avons pas encore de données qui nous indiquent les choix possibles pour l'avenir, mais c'est une question qui nous intéresse au plus haut point.
M. Mauril Bélanger: Merci.
Le président: Je vais maintenant donner la parole à M. Saada, M. Abbott et Mme St-Hilaire qui ont une dernière question à vous poser. Monsieur Saada, vous avez la parole.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'ai deux ou trois petits commentaires et une question pour Mme la ministre.
Premièrement, j'aimerais remercier la ministre et ses adjoints, mais surtout la ministre pour la présentation chargée d'émotion qu'elle a faite. Ce n'est pas seulement un ministère, mais aussi une vocation.
Le ministère et elle font un excellent travail dans ma circonscription. Comme vous le savez, ma circonscription est multiculturelle. Brossard, qui en fait partie, a été la première ville au Québec à se déclarer officiellement multiculturelle en 1986, et j'ai eu le plaisir de présider le comité qui a effectué ces travaux.
Deux commentaires de M. Obhrai m'ont profondément marqué. M. Obhrai a déploré le fait que le fédéral faisait une promotion active du multiculturalisme en disant que cela ne servait à rien parce que ce sont les gens qui font le multiculturalisme. Cependant, quelques secondes plus tard, il a vanté les mérites de l'intervention provinciale dans le domaine du multiculturalisme. Est-ce que ce sont les gens ou les gouvernements qui font la différence? Je suis heureux de voir, d'ailleurs, qu'il n'a pas fait de commentaires en matière de condition féminine.
Deuxièmement, un principe a été évoqué dans la présentation, à savoir que la Loi sur les armes à feu a été essentielle à la protection des femmes. Je crois comprendre qu'il y a une divergence bienvenue entre cela et la position traditionnelle de son parti à cet égard.
Madame la ministre, j'aimerais que vous répondiez à ceux qui prétendent qu'il faudrait éliminer le Secrétariat d'État au multiculturalisme et que le multiculturalisme tend à diviser plutôt qu'à unifier.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Merci infiniment de m'avoir posé cette question, qui est effectivement très importante.
Je voudrais tout d'abord vous dire qu'en ce qui me concerne, le titulaire du poste de secrétaire d'État au Multiculturalisme n'est pas important; il se trouve que c'est moi qui l'occupe actuellement. Ce qui compte vraiment, ce sont les efforts déployés par le ministère pour favoriser en permanence le genre de société qui a valu au Canada sa réputation internationale.
Le fait que depuis quatre ans le Canada soit nommé le meilleur pays du monde sur le plan du développement humain n'est certainement pas une coïncidence—et j'insiste sur le fait que le Canada n'est pas le meilleur pays du monde parce qu'il est le plus riche, ni parce qu'il a la plus grande armée; non, le Canada est le meilleur pays du monde en raison de son développement humain. Au cours des 25 dernières années, surtout si on compare la situation avant 1971 et celle d'aujourd'hui, nous avons en effet réalisé d'énormes progrès au Canada grâce au multiculturalisme.
• 1020
Les lois ne suffisent pas pour créer la société à laquelle
nous aspirons. C'est d'ailleurs bien connu. En réalité, les gens
se heurtent de nombreux obstacles qui les empêchent d'obtenir
justice ou de participer à l'économie, et à bien des égards,
comme je le disais tout à l'heure en vous présentant toute une
série de faits—et je pourrais vous en donner beaucoup plus—il
est très important, si nous croyons que le gouvernement peut agir
pour le bien de la société—et les Canadiens en sont fermement
convaincus; c'est la raison pour laquelle il est dit que le
mandat de notre ministère concerne les valeurs canadiennes
fondamentales—donc, si nous estimons que le gouvernement peut
agir pour le bien de la société en élaborant de bonnes politiques
gouvernementales, la capacité de ce dernier d'aider non seulement
les grandes institutions, mais les collectivités, les
municipalités et les groupes, à acquérir les compétences et les
outils dont ils ont besoin pour édifier à partir de la base le
genre de société que nous souhaitons réaliser du point de vue de
notre législation sur les droits de la personne, notre
Constitution, et nos lois en général, est tout à fait critique.
Nous sommes le seul pays à avoir agi de cette façon en 25 ans, jusqu'à ce que l'Australie embrasse le multiculturalisme il y a cinq ou six ans. Nous sommes maintenant au premier rang des pays du monde. Aucun autre pays n'a réussi aussi bien que le Canada à intégrer les immigrants de première génération. À l'heure actuelle, nous participons à un projet de métropole avec 18 autres pays, notamment l'Allemagne, la Suède, Israël, l'Australie, et les États-Unis, en vue d'étudier les différentes méthodes d'intégration des immigrants qui favorisent la pleine participation à la société. Ils s'intéressent à l'intégration des immigrants de deuxième génération, car jusqu'à présent, leurs efforts ont réussi seulement avec la troisième génération, et encore, pas tout à fait. Ils s'intéressent donc à l'intégration des immigrants de deuxième génération.
La situation au Canada, qui a si bien réussi l'intégration des immigrants de première génération, leur semble tout à fait extraordinaire. Ils savent bien cependant que si cela a pu se réaliser, c'est parce que nous avons créé des structures qui permettent au gouvernement d'aider les collectivités, d'autres paliers de gouvernement et les institutions à développer ces compétences et outils.
J'ai dans mon bureau une lettre de Nelson Mandela que je suis fière de mettre bien en évidence, et qui dit qu'en cherchant à éliminer la ségrégation et l'apartheid et à créer une société cohésive, l'Afrique du Sud—un pays connu pour son système d'apartheid et sa ségrégation raciale—s'appuie sur le modèle canadien du multiculturalisme et s'intéresse vivement à la structure que nous avons créée au Canada, non seulement en adoptant une loi mais en établissant des programmes qui favorisent l'édification d'une société comme la nôtre.
Pour moi, les faits sont clairs: la méthode que nous avons employée pour édifier notre société a été couronnée de succès. Pour en être convaincu, il suffit d'aller voir ce qui se passe aux États-Unis, où les gens ont été laissés à eux-mêmes et se sont plus ou moins bien intégrés, et où la ghettoïsation, la violence et l'exclusion des différents groupes en raison de leur couleur ou de leur race sont des phénomènes généralisés. Donc, je pense que nous avons réussi à créer une excellente société au Canada.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Madame la ministre, je vous invite à réagir à deux points. Je vais essayer d'être bref.
Je suis tout à fait d'accord avec vous que l'une des valeurs canadiennes fondamentales est l'élimination des obstacles, mais il me semble en même temps que cet énoncé est incomplet: il faudrait plutôt parler de l'élimination des obstacles «non nécessaires». Autrement dit, une personne comme moi, qui mesure 6 pieds 5 et pèse 250 livres ne devrait pas envisager de travailler comme jockey.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Il suffit d'acheter un plus gros cheval.
M. Jim Abbott: Je dois également vous dire que je suis profondément en désaccord avec vous lorsque vous dites que l'égalité ne signifie pas qu'il faut réserver le même traitement à tout le monde. Mon désaccord est si profond, d'ailleurs, que j'ai du mal à imaginer que vous disiez une chose pareille.
J'aimerais vous transmettre le message d'une femme jamaïquaine noire, qui mesure 4 pieds 10 et supervise un personnel important. Quand j'étais à un autre ministère, après avoir vu les locaux et le travail qui s'y faisait, elle m'a pris à part et m'a invité à prendre un café avec elle. C'est là qu'elle m'a dit: «Auriez-vous l'obligeance de dire à ces gens bien intentionnés»—et je vous épargne les autres adjectifs—«qui sont à Ottawa de nous ficher la paix?» Elle m'a expliqué qu'elle a décroché son emploi en raison de son talent, de son expertise, et de ses compétences, et que chaque fois que les gens à Ottawa élaboraient une nouvelle politique bien intentionnée, ils ne réussissaient qu'à la faire dénigrer et déconsidérer auprès des personnes qu'elle supervise.
Voilà donc ma première question ou commentaire.
L'hon. Hedy Fry: À mon avis, pour chaque personne qui ne s'est pas heurtée à des obstacles—économiques, sociaux, politiques, ou autres—qui l'auraient empêchée de participer pleinement à la société canadienne, on peut en trouver des milliers pour qui ces obstacles sont très réels.
Le simple fait qu'un Canadien noir gagne 16 p. 100 de moins qu'un Canadien de race blanche pour un travail équivalent—et les statistiques le prouvent—nous indique que la discrimination est présente au Canada. Le simple fait que le taux de chômage chez les jeunes membres de minorités visibles soit quatre fois plus élevé que chez les jeunes Canadiens de race blanche est également bien révélateur.
Il est intéressant de noter que les femmes... J'ai du mal à croire que vous puissiez affirmer que les femmes ne font pas face à des obstacles. Jusqu'à ce que les femmes cessent...
M. Jim Abbott: Madame la ministre, soyez juste; je me contente de répéter les propos de cette femme et d'autres personnes que j'ai rencontrées.
Je vais passer rapidement à ma deuxième question. J'avoue que j'ai du mal à accepter que vous utilisiez le terme «généralisé» pour décrire certains phénomènes. J'ai noté quelques-uns des énoncés de vos acétates, où il était question «d'éliminer la violence généralisée contre les femmes et les enfants», et encore un peu plus loin «la violence généralisée contre les femmes au foyer, dans la rue, et au travail». D'ailleurs, vous en parlez dans le contexte de l'exploitation sexuelle des enfants et des crimes et activités qui découlent de la haine et des préjugés.
Vous avez visité Preston dans ma circonscription électorale. Vous savez qu'on a eu un problème avec un groupe qui milite en faveur de la suprématie blanche à Yahk. Quand je travaillais avec mes électeurs pour les aider à faire face à l'atroce situation créée par une personne en particulier, je leur expliquais que cette dernière répondait à un besoin, et que les membres de la collectivité devaient essayer de voir pourquoi il réussissait à convaincre les jeunes de le suivre et trouver le moyen de répondre à ce besoin d'une autre façon.
Mon père disait toujours qu'on ne peut pas faire des lois pour imposer la moralité. En ce qui me concerne, madame la ministre, ce terme «généralisé»—il est vrai qu'il faut agir en vue d'éliminer la violence contre les femmes au foyer, dans la rue, et au travail, mais il faut surtout examiner le problème fondamental, à savoir la situation de la famille et les lois canadiennes et les lois—entre autres, les lois fiscales et pénales—qui nuisent à la famille.
Je ne peux pas vous dire à quel point je déteste ce terme, parce qu'il englobe vraiment tout... En tout cas, je le rejette catégoriquement.
L'hon. Hedy Fry: Vous avez parfaitement le droit de le rejeter, mais si vous regardez les statistiques, vous verrez que les femmes sont les victimes de la grande majorité des actes violents, et que 98 p. 100 des cas de violence familiale concernent des actes violents commis contre des femmes.
Quant aux jeunes femmes âgées de moins de 16 ans, 50 p. 100 d'entre elles disent qu'elles ont été victimes d'une forme ou d'une autre d'abus sexuel.
Si nous utilisons ce terme, c'est parce que c'est un phénomène qui est partout présent, dans toutes les couches de la sociétés et dans nos institutions; nous constatons qu'un groupe en est davantage victime que d'autres. Il est très clair, en ce qui nous concerne—et on n'a pas besoin d'être un génie pour le comprendre—que la violence est associée à un déséquilibre des forces. Tant que la situation économique des femmes ne sera pas égale à celle des hommes, et tant que les femmes n'auront pas autant de pouvoir que les hommes dans la société, elles vont continuer de souffrir de ce déséquilibre des forces.
Je ne suis pas en train de vous dire que vous êtes un sale type. Je ne parle pas de vous personnellement. Je vous dis simplement que ce phénomène est réel et que nous devons faire progresser la situation des femmes pour qu'elles détiennent des pouvoirs égaux au sein de la société.
Voilà donc ce que nous devons faire: nous devons examiner de plus près la situation économique des femmes et les raisons de ce déséquilibre des forces dans la société. Voilà ce à quoi on fait allusion quand on parle de la violence généralisée contre les femmes. Si vous regardez les chiffres, vous verrez qu'ils indiquent clairement que cette violence généralisée est réelle.
[Français]
Le président: Madame Tremblay, Madame St-Hilaire, je pense que vous allez partager le temps. Madame Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je voudrais d'abord faire un commentaire. On entend souvent dire que le Canada est le meilleur pays au monde. On est le meilleur pays au monde parce que lorsqu'on nous demande des renseignements, il y en a un qu'on garde secret. On ne dévoile pas notre taux d'analphabétisme. Si on dévoilait notre taux d'analphabétisme, on ne serait pas le meilleur pays au monde, mais le quatrième. Il faut être bien conscient que lorsqu'on occulte des réalités, on a de la difficulté à s'en occuper. On pense qu'il n'y a pas d'analphabètes au Canada. Or, l'OCDE nous a dit récemment qu'il y en avait 30 p. 100 dans les pays membres. Et on parle des analphabètes fonctionnels; il y a en plus les vrais analphabètes.
• 1030
Donc, je pense qu'on aurait intérêt
à déclarer les vrais chiffres, à dire la vérité, à
accepter qu'on est le quatrième pays au monde et à
faire tout ce qu'il faut pour devenir le vrai premier pays au
monde et ne plus avoir d'analphabètes dans notre
société. C'était là un commentaire.
Vous portez deux bonnets, celui de la condition féminine et celui du multiculturalisme. On sait très bien que le multiculturalisme a été mis au point par M. Trudeau pour amoindrir le bilinguisme. Il a voulu adopter sa loi sur le bilinguisme pour satisfaire les francophones et le multiculturalisme pour dire au reste du Canada: Vous savez, ce n'est pas si énervant, le bilinguisme; on va faire le multiculturalisme et cela va faire pareil.
Tous les pays au monde, à l'exception de la Suisse dont il faudrait essayer de comprendre la recette... Il y a certains pays qui ont voulu vivre cette expérience, et cela a été un facteur de division plutôt que d'unité. C'est probablement pourquoi le Canada se cherche une identité. Il n'en a pas, parce que 30 p. 100, je pense, des 30 millions de Canadiens ne sont pas nés au Canada. Mais ils vivent comme s'ils étaient restés dans leur pays. Ils ont leur drapeau, leurs couleurs, leurs danses et leur folklore. Tout cela est très beau, mais ils ne sont pas d'abord Canadiens. Ils sont des Ukrainiens au Canada ou des Écossais au Canada. Quand on se promène à travers le Canada, on apprend beaucoup de choses sur tous les autres pays du monde, sur la richesse de la culture que ces gens-là ont apportée chez nous. Je pense qu'il faut garder cette richesse-là, mais personnellement, je serais très favorable à la disparition du Secrétariat au multiculturalisme. Si on veut que Sheila Copps fasse son travail d'unité canadienne, il faut que l'autre disparaisse. Les deux ne peuvent marcher ensemble. Cela ne se peut pas, selon moi.
On vous a fait venir pour parler de la condition féminine. On savait bien qu'on parlerait un peu du multiculturalisme, mais on en parle plus qu'on le pensait. Vous, personnellement, dans quel secrétariat vous sentez-vous le plus à l'aise? À la condition féminine ou au multiculturalisme?
Des députés: Ah, ah!
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Je me sens tout autant à l'aise dans les deux, puisque ces deux ministères sont chargés de favoriser l'équité et l'égalité des chances. Par conséquent, ces valeurs canadiennes fondamentales revêtent une très grande importance pour ces deux portefeuilles.
Madame Tremblay, vous avez parlé d'analphabétisme, et vous avez tout à fait raison de dire que l'analphabétisme est l'un des nombreux indicateurs du développement humain. Mais le Canada est si bien coté par rapport à l'ensemble des autres indicateurs, que quand on fait la moyenne—en tenant compte également du taux d'analphabétisme—nous sommes toujours au premier rang.
Comme vous, cependant, je reconnais que l'analphabétisme est un phénomène important, d'autant plus que nous nous comparons au reste du monde. C'est pour cette raison que le gouvernement a doublé les crédits affectés cette année aux programmes d'alphabétisation, parce que nous voulons aider les Canadiens à surmonter cet obstacle.
Je trouve intéressant que pour vous, le multiculturalisme sème la division, alors que toutes les données empiriques, qui s'appuient sur des indicateurs établis par le gouvernement canadien et les universités, de même que sur des normes internationales, indiquent que le Canada est en réalité le pays le plus intégré.
Quand on fait passer des tests au sujet de l'histoire canadienne, le fait de connaître l'hymne national canadien et le Canada en général, on constate que chez les immigrants qui sont venus s'installer au Canada, les 42,7 p. 100 dont vous parlez connaissent beaucoup mieux ce pays.
Le Canada se définit par des qualités bien particulières. Pour le reste du monde, le Canada se définit par sa générosité, sa compassion et son respect pour les différences. Pour moi, madame, le terme «respect» est celui qui prime.
Quand vous cherchez à assimiler les gens, vous leur faites comprendre qu'ils ne seront acceptables à moins d'être exactement comme vous. Mais si nous respectons les différences, nous faisons comprendre aux gens que tout ce qu'ils nous apportent nous enrichit en faisant progresser notre savoir, nos connaissances, et l'évolution de ces connaissances et de ce savoir.
• 1035
Pour moi, un pays n'est pas statique. Édifier une nation
n'est pas quelque chose de statique. C'est un processus dynamique
en perpétuelle évolution. Les différences qui sont le propre de
notre mosaïque font de nous une nation dynamique, une nation
toujours vigilante, qui cherche à tous moments à tenir compte des
besoins des uns et des autres et à être juste envers eux. Nous
avons encore un problème d'identité nationale et c'est justement
cela que le multiculturalisme nous a permis de comprendre.
Le président: Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je sais que l'un des objectifs de Condition féminine Canada consiste à accroître l'autonomie économique des femmes, et l'un des éléments de cette autonomie serait peut-être un accès plus sûr à des services de garde d'enfants abordables et de bonne qualité. Je me rappelle qu'en 1993, quand vous et moi et un tas d'autres personnes avons été élus, notre campagne portait entre autres sur la possibilité d'un programme national de services de garde. Autant que je sache, ce n'était pas une offre en l'air; le fait est que nous n'avons pas réussi à convaincre les provinces de participer à cette initiative.
Quelle est donc la position officielle de Condition féminine Canada sur un éventuel programme national de services de garde d'enfants?
L'hon. Hedy Fry: Nous n'avons pas de position officielle sur un éventuel programme national de services de garde d'enfants. Nous estimons cependant que ces services sont indispensables si une femme veut pouvoir travailler et que c'est un facteur très important quand les femmes décident de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants.
Pour nous, quand on parle de soins à l'enfant, on ne parle pas simplement du fait de s'assurer qu'un enfant ne tombe pas dans l'escalier ou se brûle sur la cuisinière. Pour nous, c'est aussi une question de développement. Comme vous le savez, le gouvernement actuel lie le concept de la garde d'enfants et du développement de l'enfant et les considère comme faisant partie de la même activité.
La garde d'enfants relève des provinces et le gouvernement fédéral travaille donc avec les administrations provinciales en vue de garantir l'accès à des services et soins appropriés. Dans certaines régions, nous avons lancé des projets pilotes en collaboration avec les provinces. Dans ma propre province de la Colombie-Britannique, nous consacrons entre 30 et 40 millions de dollars à des projets pilotes qui vont étudier différents modèles de puériculture. Certaines provinces n'ont pas pu refuser. Par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons déjà créé 6 000 places de garderie.
On peut aussi parler de ce qui doit être fait pour garantir à un enfant ou un parent au Nouveau-Brunswick ou dans l'Île-du- Prince-Édouard que la qualité des services et des soins est la même dans tout le Canada, et qu'on insiste autant sur le développement de l'enfant, au sens propre du terme, dans toutes les régions du pays. Il y a également lieu de discuter avec les provinces, qui ont la responsabilité de la garde d'enfants, de questions telles que l'opportunité de normes uniformes dans ce secteur. Cela implique aussi les conséquences du choix d'une femme qui décide de rester au foyer pour assurer le développement de son enfant et lui donner les soins dont il a besoin. C'est là qu'intervient la question du travail non rémunéré et de l'opportunité d'une prestation nationale de garde d'enfants.
Comme vous le voyez, les 850 millions de dollars que nous avons injectés l'année dernière—et nous envisageons de prévoir un montant supplémentaire au prochain budget—sont absolument essentiels si nous voulons venir en aide à l'ensemble des familles à faible revenu. Le développement d'un enfant ne dépend pas uniquement de la personne qui s'en occupe; il est étroitement lié à la situation économique et aux possibilités de la famille, la pauvreté étant un facteur très important dans l'évaluation du développement et de l'état de santé de l'enfant.
Le président: Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Madame la ministre, étant donné que vous chapeautez Condition féminine Canada, je suis un peu surpris de constater que vous n'ayez pas parlé du fait qu'une femme qui reste au foyer pour élever ses enfants ne bénéficie actuellement d'aucun dégrèvement fiscal, alors qu'une femme qui travaille à l'extérieur et paie des services de garde d'enfants bénéficie d'un dégrèvement fiscal à cause des dépenses qu'elle a engagées. Je pense que c'est le genre de question qui devrait intéresser au plus haut point quelqu'un qui se préoccupe de l'égalité des femmes et du traitement qu'on leur réserve.
Étant aussi préoccupé que vous par la situation des enfants, j'estime que l'une des premières mesures à prendre, si vous voulez assurer un traitement égal aux femmes, serait d'encourager les mères à rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants, si elles souhaitent le faire. Mais vous n'en parlez pas du tout. Comment cela se fait-il?
L'hon. Hedy Fry: Je regrette que vous n'ayez pas remarqué les quelques références que j'y ai faites dans mon exposé, car j'en ai parlé. Quand nous disons que nous voulons tenir compte du travail qu'accomplissent les femmes, non pas seulement le travail rémunéré mais le travail non rémunéré... Nous avons justement parlé des soins donnés...
M. Eric Lowther: Êtes-vous en faveur d'un traitement égal, du point de vue de la fiscalité, pour les parents qui restent au foyer pour élever leurs enfants, par rapport à ceux qui font appel à des personnes de l'extérieur? Êtes-vous en faveur de cela?
L'hon. Hedy Fry: Je vais répondre tout d'abord à la première partie de votre question, avant de passer à la seconde.
M. Eric Lowther: Mais c'est la même question.
L'hon. Hedy Fry: Non, pas vraiment. Vous avez parlé d'une approche précise à envisager face à ce problème.
L'égalité des femmes repose sur les choix. J'ai mentionné à maintes reprises pendant mon exposé que nous devons chercher à déterminer la valeur du travail non rémunéré qu'accomplissent les femmes en dehors du marché du travail en s'occupant de leurs enfants. Comment faut-il en établir la valeur?
M. Eric Lowther: N'y a-t-il pas quelque chose d'inéquitable dans tout cela?
L'hon. Hedy Fry: Vous proposez une façon de valoriser ce travail, et c'est une proposition qu'il convient d'examiner, mais il y a aussi toutes sortes d'autres façons.
M. Eric Lowther: Je vous dis simplement que le traitement qu'on réserve à ces deux groupes n'est pas équitable du point de vue de la fiscalité. Êtes-vous prête à reconnaître que l'actuel régime fiscal est inéquitable
L'hon. Hedy Fry: Je suis prête à reconnaître que nous n'avons pas attaché beaucoup de valeur jusqu'à présent au travail non rémunéré que font les femmes. Nous avons récemment établi des indicateurs qui nous ont permis de constater l'ampleur de ce travail non rémunéré. Comment faut-il en déterminer la valeur? Vous avez fait une proposition, et je suis en train de vous dire que ce serait peut-être une bonne idée, si le comité voulait bien me proposer en même temps d'autres façons de rattacher une valeur à ce travail. C'est une méthode possible. Mais il peut y en avoir d'autres. Ce serait un travail intéressant.
Le président: Il ne nous reste plus que 10 minutes. Nous avons également deux questions administratives à régler avant de lever la séance.
Madame St-Hilaire et madame Lill.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: J'aurais deux petites questions rapides. Madame la ministre, les femmes ont perdu le Conseil consultatif canadien et vous n'êtes pas membre du cabinet. Donc, je me demande quand, où et comment on discutera des questions touchant les femmes au gouvernement.
Vous avez dit qu'il y avait sur la table 1,3 milliard de dollars pour l'équité salariale et votre collègue, le président du Conseil du Trésor, m'a dit en Chambre qu'il fallait que les femmes acceptent ce montant. Je ne pense pas que les femmes aient à accepter une offre à rabais. Je pense que les femmes s'attendent à ce que vous les défendiez et non à ce que vous défendiez votre gouvernement. Donc, j'aimerais savoir comment vous entendez les défendre auprès de votre collègue.
Le Budget des dépenses principal 1997-1998 prévoit pour la condition féminine au Canada, sous la rubrique Plans et priorités, comme troisième priorité, que la priorité sera accordée aux femmes doublement désavantagées. Dois-je comprendre que lorsqu'on est femme, on est désavantagée dès le départ? J'aimerais comprendre la signification de cela. Merci.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Je vais d'abord répondre à votre première question concernant notre capacité d'influencer les décisions qui sont prises.
D'abord, toutes décisions concernant les politiques du gouvernement sont prises par les comités du Cabinet. J'assiste à chaque réunion du comité du Cabinet chargé de la politique du développement social, où nous sommes justement appelés à discuter de ces questions, et par conséquent, je participe pleinement aux décisions qui sont prises concernant les priorités et les politiques du gouvernement. J'expose mes vues devant ce comité. En même temps, nous siégeons à des groupes de travail auxquels participent d'autres ministères qui étudient les différents aspects des politiques en voie d'élaboration, afin que nous puissions faire une analyse comparative des incidences sur les deux sexes, et faire intervenir les résultats de cette analyse et de notre étude des données dans la définition des politiques et des lois que proposent les différents ministères. Je participe donc à ce processus décisionnel au même titre que d'autres.
Vous dites que le président du Conseil du Trésor aurait dit que les femmes devront accepter les 1,3 milliard de dollars proposés. Je ne crois pas qu'il ait dit cela. En fait, je sais pertinemment qu'il n'a jamais dit cela. Nous sommes en négociation. Au début des négociations, nous avons proposé 60 millions de dollars. Le gouvernement a continué à augmenter son offre, de sorte qu'elle se situe actuellement à 1,3 milliard de dollars. Vous devriez savoir que nous voulons en arriver à un règlement négocié. Par contre, l'autre partie a proposé 2 milliards de dollars dès le départ et reste sur ses positions.
Ayant déjà été négociatrice, je suis bien placée pour vous dire que dans toute négociation, chacun doit faire des concessions. Chaque partie doit faire confiance à l'autre pour en arriver à des concessions mutuelles. Nous avons déjà modifié substantiellement notre position.
• 1045
Personne n'a jamais dit que 1,3 milliard de dollars
constitue notre dernière offre. Nous sommes prêts à parler à
nouveau aux représentants de ce groupe afin de voir si l'AFPC est
prête à revenir à la table des négociations pour régler cette
question.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Vous savez très bien que les deux milliards de dollars viennent d'un jugement de cour. Ce n'est pas une position de négociation.
[Traduction]
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Vous n'en savez rien.
Le président: À l'ordre.
Pourriez-vous conclure rapidement, madame la ministre?
L'hon. Hedy Fry: Oui.
Vous avez posé une autre question au sujet des femmes doublement défavorisées. D'après les statistiques que nous avons examinées au sujet des revenus des femmes, la violence dont elles sont victimes, l'accès à la justice sociale et d'autres facteurs, il est clair, pour le moment, que le sexe d'une personne peut être un désavantage. On dit qu'une personne est doublement défavorisée lorsqu'en plus de son sexe, qui crée déjà certains obstacles pour elle dans la société, la couleur de sa peau ou sa race lui en créent d'autres.
Par exemple, nous savons que 25 p. 100 des immigrantes qui sont membres de minorités visibles au Canada ont fait des études postsecondaires, comparativement à 13 p. 100 de femmes nées au Canada, alors qu'elles ne représentent que 6 p. 100 de la population active. Il est donc clair que la couleur de la peau et la langue peuvent constituer des désavantages. Voilà donc quelques-uns des facteurs auxquels nous devons être sensibles en prenant des mesures pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité.
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill: J'aimerais vous poser une question au sujet du multiculturalisme, et je me permets de parler pour nombre de mes électeurs. Ce sont des Noirs de la Nouvelle-Écosse qui habitent dans les localités de Preston et de East Preston. Je pense que vous avez d'ailleurs fait allusion à l'une des écoles secondaires de cette localité, madame Fry.
Quels programmes sont actuellement accessibles aux Noirs de la Nouvelle-Écosse, surtout que les membres de cette communauté connaissent actuellement un taux de chômage de 70 p. 100, de même que des taux d'incarcération très élevés? Quels genres de programmes innovateurs sont mis à la disposition de ces personnes par Multiculturalisme Canada en vue de régler les problèmes qui caractérisent actuellement Preston, une localité de ma circonscription?
L'hon. Hedy Fry: Les universités font beaucoup de recherche là-dessus, et certaines des données qu'on nous a fournies indiquent que la discrimination dont souffrent les Canadiens de race noire est très différente de celle qui touche les Canadiens qui sont membres d'autres minorités visibles. Étant donné que les critères établis pour le financement des projets concernent l'identité, le sens de l'appartenance et la participation civique, afin justement d'aider les Noirs de la Nouvelle-Écosse et d'autres à participer pleinement à la société et d'éliminer les obstacles structurels... Je n'ai malheureusement pas la liste des projets sous les yeux. Mais nous finançons de nombreux projets qui profitent aux Noirs de la Nouvelle-Écosse. Si je peux mettre la main sur une liste, je vous l'enverrai.
Nous avons collaboré avec les responsables de l'école de Cole Harbour pour régler le problème qui a surgi là-bas, et nous avons d'ailleurs déjà engagé quelque 300 000 $ en vue de collaborer avec la Gendarmerie royale du Canada, la province de la Nouvelle-Écosse, la Commission de police de la région de Halifax, et Développement des ressources humaines Canada et de trouver des façons de régler ce problème de discrimination.
Mais toutes sortes d'autres projets sont menés en Nouvelle- Écosse en collaboration avec la communauté noire, et je me ferais un plaisir de vous transmettre cette information.
Mme Wendy Lill: Donc, si mes électeurs proposent des projets qui, à notre avis, vont permettre d'avancer la cause de l'égalité dans leur localité, seriez-vous disposés éventuellement à en financer d'autres pour Preston et East Preston?
L'hon. Hedy Fry: Nous encourageons toujours les gens à être proactifs en essayant de régler des problèmes de ce genre. Si les projets en question respectent les critères en matière de financement, nous nous ferons un plaisir de les examiner.
[Français]
Le président: Monsieur Saada, vous avez une question très brève?
M. Jacques Saada: J'aimerais faire un petit commentaire très rapide.
Avec tout le respect que je voue à Mme Tremblay, je ne peux laisser passer le cliché selon lequel la politique sur le multiculturalisme a été faite pour contrer les francophones. On aura d'autres forums pour élaborer sur ce thème, mais je ne peux laisser passer cela. On a une politique sur le multiculturalisme depuis 25 ans, et quand on compare la position des francophones au Québec il y a 25 ans et leur position actuelle, on voit qu'ils ont beaucoup évolué. Il y a là une incompatibilité totale et absolue. Je voulais tout simplement mentionner cela, monsieur le président.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Sur le même thème, lorsque Mme Tremblay affirme qu'un tribunal a ordonné qu'on paye deux milliards de dollars afin de régler la question de l'équité salariale, cela est faux. Aucune décision n'a été rendue. Il n'y a qu'une demande de deux milliards de dollars de la part du syndicat, et on négocie actuellement. Donc, affirmer qu'il y a eu un jugement des tribunaux qui obligerait le gouvernement à débourser cet argent, c'est induire les gens en erreur.
Mme Suzanne Tremblay: C'est la Commission des droits de la personne qui a rendu une décision sur la méthode de calcul.
M. Mauril Bélanger: C'est cela.
Mme Suzanne Tremblay: Le gouvernement a décidé d'aller devant les tribunaux pour faire valider la période de calcul.
Il est exact que le vendredi avant la relâche, le ministre Massé—qu'on a le droit de nommer ici—s'est levé en Chambre et a dit à ma collègue Caroline St-Hilaire: Au lieu de poser des questions en Chambre, vous feriez mieux de demander au syndicat d'accepter les 1,3 milliard de dollars qu'on a mis sur la table. Je pense qu'on est en train de sauver 700 millions de dollars aux détriment des femmes pour trouver les 600 millions de dollars nécessaires à l'achat des hélicoptères.
M. Mauril Bélanger: Il faudrait corriger l'impression que Mme Tremblay a laissée.
Mme Suzanne Tremblay: Ce n'est pas erroné, ce que je dis.
Le président: Tout cela fera partie du compte rendu. Ce sera là.
Madame la ministre, je vais vous demander de conclure, parce que nous devons passer à d'autres travaux.
[Traduction]
L'hon. Hedy Fry: Merci, monsieur le président. Avant de conclure, je voudrais répondre à une question qu'a posée Mme Tremblay au sujet du multiculturalisme.
J'ai rencontré mon homologue de la province du Québec, et je suis contente de pouvoir vous dire que M. Boisclair s'est fixé trois objectifs très clairs pour son ministère qui sont tout à fait parallèles aux trois grands objectifs de Multiculturalisme Canada. Je présume donc que M. Boisclair les considère toutes aussi prioritaires dans sa province.
Monsieur le président, je voudrais vous remercier de m'avoir accordé le privilège de faire un exposé devant le comité. Je sais que nous avons discuté de nombreuses questions controversées. Mais j'espère que nous ne perdrons jamais de vue les valeurs canadiennes fondamentales. J'espère aussi pouvoir compter sur ce comité pour m'aider à trouver de nouvelles approches par rapport à l'information présentée. Je serais d'ailleurs heureuse de vous fournir toute autre information ou données détaillées qui pourraient vous être utiles. Je serais également heureuse de comparaître à nouveau devant le comité pour répondre à des questions précises concernant des enjeux bien précis, si vous le souhaitez.
J'espère que vous m'aiderez, ainsi que mon ministère à relever avec imagination les défis futurs, et j'attends avec impatience de recevoir vos commentaires à ce sujet. Merci infiniment.
Le président: Merci de votre présence, madame la ministre.
Nous avons quelques points administratifs à traiter. J'ai fait circuler une lettre de Mme Lill en date du 9 novembre 1997 qui se passe d'explication. J'ai également fait circuler un avis de motion de M. Abbott. Comme vous le savez, selon la règle, celui qui veut déposer une motion doit donner un préavis de 24 heures—et c'est justement ce qu'il fait—pour nous permettre de traiter de la motion. Nous nous réunissons demain pour discuter du projet de loi C-7, et à la fin de la réunion, nous pourrons justement discuter de la motion de M. Abbott et de la lettre madame Lill. Veuillez donc lire ces documents pour que le comité puisse en discuter demain.
Demain, nous nous réunissons à 15 h 30. On a déjà fait parvenir à vos bureaux un avis concernant le lieu de la réunion qui est convoquée en vue de l'examen article par article du projet de loi C-7.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: On vient de me faire une suggestion très utile. On me propose de remplacer, à la dernière ligne de la version anglaise, les mots «faire en sorte» par le mot «recommander». Cette ligne se lirait donc ainsi: «Troisièmement, de recommander que toutes les réunions futures du conseil d'administration de la Commission de la capitale nationale...». Ce changement se rapportait aux deux versions du texte.
Merci.
Le président: Si tous les membres sont d'accord, nous allons modifier le texte pour dire «recommend» en anglais et «recommander» en français.
Les membres du comité comptent-ils proposer demain des amendements au projet de loi C-7? Que je sache, il n'y en a pas. Nous procéderons donc à l'examen article par article du projet de loi C-7 demain.
[Français]
La séance est levée jusqu'à demain, 15 h 30.