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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 février 1999

• 1920

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.)): Cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte.

La journée a été très intéressante. Au nom de tous les membres du comité, je vous souhaite la bienvenue ici ce soir, vous les citoyens de ce pays. Pour commencer, je cède la parole à Wendy, la députée de Dartmouth.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup. Je suis très heureuse de pouvoir vous accueillir tous ici ce soir. J'ai eu la chance de pouvoir être ici toute la journée. Le Comité du patrimoine est sincèrement intéressé à ce que vous pensez de la santé de notre culture, de la participation du gouvernement fédéral dans ce domaine, de ce qui fonctionne et ne fonctionne pas, et des solutions qui pourraient être adoptées. Nous avons entendu des choses assez étonnantes hier et aujourd'hui, et je crois que nous aurons, à la fin de nos délibérations, tout un bagage d'information. Votre contribution est bienvenue et nous est très précieuse. Merci.

Allons-y.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup, Wendy. Avant de commencer, je vais demander à ceux qui sont ici présents de bien vouloir se présenter.

M. Gaston Blais (attaché de recherche du comité): Je m'appelle Gaston Blais. Je suis l'attaché de recherche du comité.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je m'appelle Joe Jordan. Je suis le député libéral qui représente la circonscription de Leeds-Grenville, dans l'est de l'Ontario. J'aimerais revenir sur une chose que Wendy a dite. Je ne crois pas qu'on doive s'attarder à ce qui marche. Nous en avons déjà une bonne idée. Nous devrions plutôt mettre l'accent sur les problèmes et les lacunes. Vous voudrez peut-être nous toucher quelques mots des mesures les plus efficaces, mais vous n'avez pas à vous y attarder. J'estime que nous devrions plutôt nous pencher sur les lacunes et les défis. Cela m'apparaîtrait plus utile.

Mme Mern O'Brien (directrice, Dalhousie Art Gallery): Je m'appelle Mern O'Brien. Je suis la directrice d'une galerie d'art universitaire et publique, ici à Halifax, la Dalhousie University Art Gallery. Nous célébrons cette année notre 45e anniversaire. La Dalhousie Art Gallery est une bénéficiaire reconnaissante de fonds importants provenant du gouvernement fédéral, surtout du Conseil des arts du Canada, mais aussi du programme d'aide aux musées, et ce, depuis 20 ans. Les subventions accordées par ces très importants organismes de financement nous ont permis d'organiser d'importantes...

• 1925

Le vice-président (M. Inky Mark): Mern, excusez-moi, mais j'aimerais d'abord que tous se présentent.

Mme Mern O'Brien: Excusez-moi.

Le vice-président (M. Inky Mark): Il n'y a pas de quoi.

Mme Susan Hanrahan (directrice exécutive, Nova Scotia Designer Crafts Council): Je m'appelle Susan Hanrahan. Je suis directrice exécutive du Nova Scotia Designer Crafts Council. J'occupe aussi d'autres fonctions dont je parlerai peut-être plus tard dans la soirée.

Mme Ingrid Jenkner (directrice, Mount St. Vincent Art Gallery): Je m'appelle Ingrid Jenkner. Je suis directrice d'une galerie financée par l'État, la Mount St. Vincent's University Art Gallery, à Halifax.

M. Andrew Terris (directeur exécutif, Nova Scotia Cultural Network): Je m'appelle Andrew Terris. Je suis directeur exécutif du Nova Scotia Cultural Network, qui est une nouvelle organisation s'intéressant à tous les aspects du secteur culturel, du patrimoine au design, en passant par les industries culturelles et les arts.

M. Al Chaddock (membre, Friends of Canadian Broadcasting): Je m'appelle Al Chaddock, je suis artiste et philosophe. Ce soir, je représente les Friends of Canadien Broadcasting et le Conseil des Canadiens.

M. Robert McCosh (premier vice-président, Canadian Symphony Musicians): Je m'appelle Rob McCosh. Je suis premier vice-président de l'organisation Canadian Symphony Musicians.

Mme Wendy Lill: Wendy Lill, députée de Dartmouth.

Mme Gay Hauser (directrice générale, Eastern Front Theatre Company): Je suis Gay Hauser, directrice générale de la Eastern Front Theatre Company, présidente de la Nova Scotia Professional Theatre Alliance et membre du Conseil des arts de la Nouvelle-Écosse.

M. Bernard Riordon (président-directeur général, Art Gallery of Nova Scotia): Je m'appelle Bernie Riordon; je suis directeur de la Art Gallery of Nova Scotia.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay et je suis députée de Rimouski—Mitis et porte-parole du Bloc québécois en matière de Patrimoine canadien.

Le greffier du comité: Je m'appelle Norman Radford et je suis le greffier du comité.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je suis Inky Mark, député du Manitoba, et je vais tenter de présider cette séance.

Cet après-midi, nous avons eu des échanges et une discussion très dynamique non seulement avec les témoins, mais aussi avec les gens de l'auditoire. Je devrais peut-être vous rappeler que nous voulons participer à une discussion, et non pas entendre des exposés. Je suggère donc à nos témoins qui ont des mémoires de bien vouloir les remettre à notre greffier ou de nous en donner brièvement les points saillants. Je vous prierais de vous en tenir à quatre minutes afin que nous puissions ensuite poser des questions et tenir une véritable discussion sur certaines questions très importantes qui seront soulevées.

Vous avez tous reçu un document au sujet de cette séance, document qui énonce cinq grandes questions. Nous tenterons de les résumer à trois questions. La première traite de toute la gamme des mesures de financement fédérales à l'appui de la culture qui sont actuellement en place et de votre expérience de ces mesures. La deuxième question comporte trois volets: le progrès technologique et son incidence sur votre secteur; la libéralisation du commerce, et les changements démographiques. La dernière question, qui est la plus importante à nos yeux, porte sur le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer pour appuyer le secteur culturel. Autrement dit, le gouvernement fédéral devrait-il jouer le rôle de législateur, d'instance de réglementation, de propriétaire et exploitant d'institutions nationales, ou d'autres devraient-ils le faire? Le gouvernement fédéral devrait-il être partenaire de financement, mécène des arts ou promoteur d'entreprises? Comment envisagez-vous le rôle du gouvernement fédéral dans ce vaste domaine du patrimoine et de la culture canadiens?

Vous aurez chacun quatre minutes, et nous ferons un tour de table avant de passer aux questions et à la discussion. Nous inviterons aussi les membres de l'auditoire à se joindre à nous plus tard.

Mern, voulez-vous commencer?

Mme Mern O'Brien: Merci. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes les heureux bénéficiaires de subventions du Conseil des arts du Canada dans le cadre du programme d'aide aux musées, et ce, depuis 20 ans. Les subventions de ces organismes nous ont permis, à la Dalhousie Art Gallery, par exemple, d'organiser des expositions importantes faisant parfois oeuvre de pionniers en présentant les oeuvres d'artistes canadiens contemporains et anciens, de présenter certaines de ces expositions un peu partout au pays, de publier des catalogues illustrés et complets contenant des documents et des travaux de recherche fondamentale sur les oeuvres d'artistes canadiens, d'acheter des oeuvres d'artistes contemporains pour notre collection permanente et, espérons-le dans un avenir rapproché, de numériser toute notre collection permanente afin de présenter des expositions de notre collection, que nous aurons organisées et préparées, dans le monde entier et de façon électronique.

• 1930

En ce qui concerne l'incidence des nouvelles technologies sur notre secteur, en août 1996, grâce à des fonds reçus du Conseil des arts, nous avons créé notre site Web, qui comprend un calendrier complet des événements, la liste de nos publications qui sont en vente et, de temps à autre, notre catalogue illustré actuel. Cette technologie nous a permis de communiquer avec un auditoire énorme de gens qui ne viennent peut-être jamais au musée, mais qui peuvent dorénavant commander des catalogues et nous demander par courriel des informations sur nos programmes.

Les musées d'art publics font beaucoup pour promouvoir, préserver, exposer, interpréter et rendre accessible à tous ce patrimoine culturel et historique contemporain du pays chaque année grâce aux subventions accordées surtout par le Conseil des arts du Canada.

Toutefois, je dois dire qu'il est difficile d'obtenir des fonds dans le cadre du programme d'aide aux musées, et que c'est une entreprise qui représente tout un défi et qui est souvent décevante. Saviez-vous que les quatre musées nationaux, le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée des civilisations, le Musée des sciences et de la technologie et le Musée de la nature, reçoivent 100 millions de dollars en subventions chaque année en comparaison du programme d'aide aux musées, qui est censé financer le reste du Canada avec un budget de seulement 9 millions de dollars?

Enfin, toute politique culturelle fédérale devrait fondamentalement prévoir des niveaux de financement adéquats et pour le Conseil des arts du Canada et pour le programme d'aide aux musées.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Susan.

Mme Susan Hanrahan: Je suis ici à titre de représentante du Nova Scotia Designer Crafts Council, un organisme caritatif composé de membres qui représentent la communauté provinciale des métiers d'art depuis 1976, l'année de sa création.

Je suis ici ce soir surtout pour vous parler du besoin qu'il y a d'avoir un organisme national des métiers d'art au Canada. La communauté canadienne des métiers d'art souffre énormément du manque d'un tel organisme national, et cette absence n'est que très récente. Les organismes nationaux, au Canada, remontent au début des années 1900. En 1974 un certain nombre d'organismes et d'associations se sont regroupés pour former le Conseil canadien de l'artisanat. Cet organisme a été financé par le gouvernement fédéral de 1974 à 1995 par l'entremise du ministère fédéral responsable de la culture. En 1996, tout financement destiné à cet organisme a été éliminé. Cet organisme a réussi à survivre pendant les deux années suivantes grâce à des bénévoles et au minuscule montant d'argent qui restait dans les coffres du Conseil canadien des métiers d'art.

En 1998, les conseils des métiers d'art provinciaux ont rencontré les bénévoles du Conseil canadien des métiers d'art ainsi que des représentants de la Conférence canadienne des arts et des organismes et ministères culturels fédéraux. On s'est alors mis d'accord pour transformer le Conseil canadien des métiers d'art en un organisme qui fonctionnerait surtout comme réseau national de communications électroniques pour les métiers d'art, et on l'appelle maintenant la Fédération canadienne des métiers d'art, ou Canadian Crafts Federation. Cet organisme, encore une fois, fonctionne sur une base de bénévolat.

Nous faisons des efforts pour trouver du financement pour cet organisme provenant de conseils de métiers d'art et d'artisans un peu partout au pays, mais l'organisme sait fort bien que la communauté des métiers d'art, par elle-même, ne pourra pas financer un organisme national.

Je tiens à souligner ce soir que si le gouvernement fédéral est sérieux au niveau de la création d'une politique culturelle fédérale, il doit être prêt à accorder de l'aide sous forme de financement opérationnel et, à mon avis, il devrait faire cela pour au moins un organisme représentatif pour chaque secteur culturel. Pour ce qui est des métiers d'art, cet organisme à l'heure actuelle s'appelle la Fédération canadienne des métiers d'art.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Ingrid.

Mme Ingrid Jenkner: Comme je l'ai dit plus tôt, je suis de la Mount St. Vincent University Art Gallery. Cette galerie est très semblable, au niveau de sa structure, à la Dalhousie University Art Gallery, et je ne répéterai pas ce que Mern a déjà dit. Je réitère tout simplement que les mécanismes de financement du gouvernement fédéral qui ont le mieux fonctionné pour cette galerie d'art ont été la méthode de financement indépendant accordé par un jury de pairs. Je ne puis trop insister là-dessus. Je ne représente pas ce qu'on pourrait, par convention, appeler le secteur du patrimoine. Je parle au nom de l'art contemporain, d'oeuvres d'artistes vivants, et je dois dire que le Conseil des arts du Canada a fait preuve d'énormément d'efficacité pour ce qui est de promouvoir son propre mandat dans ce domaine. La galerie en a profité, et nous en sommes très reconnaissants, comme le sont beaucoup d'autres ici aussi.

• 1935

Pour ce qui est de l'impact de la technologie, je crois que nous nous en servirons tous beaucoup plus comme mécanisme de distribution, et que non seulement nous occuperons des locaux, mais nous aurons aussi des locaux virtuels. Nous avons déjà fait un bon bout de chemin en ce sens.

Pour ce qui est du rôle que pourrait jouer le gouvernement à l'avenir—propriétaire, organisme de réglementation, mécène, etc.—je ne suis pas sûre du tout. Tout ce que je puis dire, c'est qu'à mon avis un contrôle politique de ce domaine de production culturelle ne sera probablement pas très productif, et si le gouvernement peut garder son indépendance vis-à-vis tout organisme de financement qui financerait ce domaine de production, ce serait très sage en effet.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Andrew.

M. Andrew Terris: Je vais lancer tout de go quelques chiffres qui me semblent très épeurants. Ils viennent de la Conférence canadienne des arts et se trouvent dans le rapport préliminaire du groupe de travail sur une politique culturelle pour le XXIe siècle. Ils sont cités dans un document de Victor Rabinovitch, l'ancien sous-ministre de Patrimoine Canada, document livré en octobre 1997 et concernant le pourcentage du marché canadien de la culture qui est réellement contrôlé par des Canadiens.

Voici ce que nous ne contrôlons pas: 70 p. 100 de la musique diffusée par les stations de radio canadiennes est d'origine étrangère; 60 p. 100 de tous les programmes de télévision en langue anglaise sont d'origine étrangère; 70 p. 100 du marché canadien du livre se compose d'importations. Nous ne contrôlons pas 83 p. 100 de tous les magazines qui se vendent au Canada; 84 p. 100 de la vente au détail des disques; 95 p. 100 des films à l'écran des cinémas canadiens; 86 p. 100 des dramatiques en langue anglaise qui passent à la télé canadienne aux heures de grande écoute; et 75 p. 100 des dramatiques à la télé de langue française aux heures de grande écoute. Nous vivons en pays occupé.

Si on veut en venir à la substantifique moelle de ce dont il s'agit ici pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, ce sont des questions dont le gouvernement fédéral devrait s'occuper. Il s'agit de questions interpellant le niveau fédéral parce qu'il s'agit de problèmes vécus à travers tout le pays.

Il y a deux questions sur la table. Tout d'abord, il y a la culture canadienne elle-même. Nous ne nous retrouvons pas dans les moyens de communication canadiens de masse dans nos industries culturelles. Cela signifie que l'argent et les emplois quittent notre pays pour des marchés étrangers. Si nous occupions ne serait-ce que 50 p. 100 du marché, cela signifie que beaucoup plus d'argent et beaucoup plus d'emplois demeureraient au Canada pour y être productifs.

Il s'agit donc du produit des industries culturelles américaines. Les Américains n'accepteraient jamais de retrouver ce genre de chiffres sur leur propre marché, et il est impératif, à mon avis, que notre gouvernement fasse preuve d'une grande fermeté en la matière. Il y a toutes sortes d'implications au niveau du financement pour la culture, la technologie, sans oublier les questions de libéralisation du commerce, de la mondialisation, de la démographie et du rôle du gouvernement fédéral. Il s'agit d'une question clé au niveau de la politique culturelle de notre pays.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

M. Al Chaddock: Évidemment, ce que vous saviez déjà, c'est que je suis d'accord avec tout ce qu'Andrew vient de dire.

En ma qualité d'artiste et de participant à une communauté d'artistes, nous sommes toujours en train d'inventer la technologie, et même la langue de la technologie. Ceux d'entre nous qui sont écrivains la réinventent toutes les fois qu'ils produisent une oeuvre. La raison d'être fondamentale de la technologie est de promouvoir le dialogue entre voisins. Mais j'aimerais bien que vous n'oubliiez pas que le pays lui-même, de la façon dont il est construit avec son enveloppe de moeurs sociales, d'histoire et de lois, est en soi une technologie. Jusqu'ici, parce que nous n'avons pas décrit d'avance à quoi cela ressemblerait dans une constitution, comme nos amis du Sud l'ont fait, nous avons évolué pour devenir une société très humaniste, malgré nous, ce qui nous attire des louanges de partout. Je crains que nous n'ayons encore une fois à décrire d'avance ce que nous sommes, et à nous exclure ainsi de certains accords commerciaux.

• 1940

Cette pratique est dangereuse. Le simple fait de jeter quelque chose sur le papier signifie que cette chose est déjà morte; la chose n'a plus de vie. C'est pour cela que la loi passe toujours pour imbécile, et ceux d'entre nous qui légifèrent essaient toujours de prouver qu'elle n'est pas faite par des imbéciles.

Le Canada est la technologie. C'est une façon d'être qui a toujours trouvé le moyen de s'adapter afin que nos valeurs clés d'humanisme puissent rayonner. Nous, artistes, sommes toujours en train d'inventer de nouvelles façons de livrer ce message à nos voisins au Canada.

Notre premier défi est d'amener les gens du monde des affaires et de la communauté politique à partager notre compréhension de cette vérité, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas permettre au Canada de se laisser décrire, que ce soit pour des raisons de traités commerciaux ou toute autre raison... Faire cela, c'est nous tuer, fermer toutes les fenêtres et les portes.

J'avais presque envie de demander à l'esprit de Marshall McLuhan de bénir notre réunion un peu plus tôt, ce matin. Il a beaucoup parlé de la technologie et de la façon dont tout est introduit comme outils d'humanisme, dans une démocratie, pour se transformer en outils d'oppression et de tyrannie. À l'heure actuelle, je crois que beaucoup d'entre nous sont conscients de l'effort désespéré que font les élites assoiffées de pouvoir pour essayer de s'accaparer l'Internet, parce que l'Internet fait la promotion de quelque chose qui les horripile—la démocratie, le dialogue, le dialogue mondial, et une véritable dimension humaine à ce que nous entendons par l'expression «village planétaire», une autre expression inventée par McLuhan, soit dit en passant.

J'aimerais qu'on continue d'y réfléchir. Le pays lui-même est technologique, et nous, les artistes, sommes le moyen par lequel il se recrée, différemment de la façon dont on le fait à la Chambre des communes et au Sénat. Nous sommes une paire; nous avons besoin l'un de l'autre. Sans l'intervention du gouvernement dans la société canadienne, nous en serons réduits à subir les lois du marché, et nous ne bénéficierons pas de chances égales.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Robert.

M. Robert McCosh: Différentes questions se posent maintenant pour les musiciens canadiens en ce qui concerne la SRC et la réduction de son financement. Celui-ci a des répercussions sur le plan individuel, pour ce qui est des revenus, ainsi que pour ce qui est des orchestres mêmes qui touchent des revenus de la radiodiffusion. L'incidence est bien réelle pour les partenariats que la SRC a conclus avec l'Union européenne de radiodiffusion et qui entraînent un déplacement vers les orchestres européens, où l'échelle de rémunération est inférieure à celle de la SRC.

On constate que le moral est bas au sein de la SRC, et cela pose un problème. On vit au jour le jour, sans savoir si on aura un emploi demain. D'une part le gouvernement fédéral semble avoir à coeur le sort de la SRC mais il doit d'autre part montrer qu'il y croit vraiment.

Pour ce qui est du Conseil des arts du Canada, il faut dire à sa décharge que quand des compressions ont été effectuées, c'est l'administration qui les a encaissées. On n'a pas touché aux orchestres. Parmi les programmes qui sont disparus ou qui ont fait l'objet de partenariats, mentionnons l'Orchestre national des jeunes du Canada, qui offre le principal programme de formation pour jeunes musiciens au Canada, ainsi que des programmes de chefs d'orchestre et des compositeurs en résidence.

Les musiciens des orchestres symphoniques canadiens doivent aussi faire face aux nouvelles technologies, aux questions relatives au droit d'auteur et à ce qu'on appelle les auteurs de disques compacts, la technologie MP3 et la capacité de protéger les produits sur Internet.

On se préoccupe aussi de la conclusion éventuelle d'un accord multilatéral sur l'investissement qui entraverait le soutien gouvernemental aux institutions culturelles. On se préoccupe également du régime fiscal et de la façon dont on pourra le modifier pour aider les musiciens et les artistes canadiens en ce qui concerne des choses comme la double imposition, la prise en compte de la rémunération et de ceux qui ont un emploi et de ceux qui travaillent à leur propre compte; le statut des dons de bienfaisance dans le cas des organismes sans but lucratif, comme les orchestres symphoniques; et de nouvelles façons novatrices de recueillir des fonds pour les arts au Canada, soit en taxant des produits comme le tabac. On perd des millions de dollars en partenariats alors que le gouvernement investit, lui, des millions de dollars. Il est hypocrite de dire que nous avons besoin du financement du secteur privé et qu'on ne peut pas accepter le financement du secteur du tabac. Nous avons les mains liées. Il faut chercher des moyens innovateurs, comme on l'a fait en Australie, où on perçoit une taxe sur les cigarettes pour financer les arts dans ce pays.

• 1945

À San Francisco, on a imposé une taxe aux hôtels parce que les hôtels et les restaurants bénéficient grandement des activités artistiques. On vient en ville voir des spectacles, on réside dans les hôtels, on mange dans les restaurants, on va dans les magasins et les musées; pourtant cela ne va que dans un sens.

Voilà le genre de problèmes que connaissent les musiciens des orchestres symphoniques au Canada. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Gay.

Mme Gay Hauser: Merci. J'aimerais répondre à ces questions. À l'échelle fédérale, nous avons l'appui du Conseil des arts du Canada. Nous en bénéficions grandement, et le système d'évaluation par les pairs a toujours été appliqué en ce qui concerne les théâtres au Canada. Le Conseil des arts, comme le disait Rob, a subi des compressions, mais on n'a pas l'impression que les artistes en aient subi les contrecoups. Il y a naturellement eu un soubresaut. Tout a été figé pendant quelques années, mais pas autant que dans d'autres organisations artistiques. Le Conseil des arts de l'Ontario a eu une grande influence en Ontario.

Le Conseil des arts du Canada a aussi, avec l'augmentation du financement du gouvernement fédéral, créé de nouveaux programmes dont le monde du théâtre profite. Nous sommes en mesure d'offrir des programmations très intéressantes.

J'ai aussi constaté une augmentation réelle dans le niveau des communications, partout au pays. Les directeurs artistiques peuvent voyager très facilement pour voir de nouvelles oeuvres dans d'autres régions du pays et mon théâtre peut faire venir des oeuvres d'autres parties du pays aussi.

Nous recevons également du financement du fédéral du ministère du Patrimoine canadien. Il semble y avoir une motivation politique. Il est beaucoup plus difficile de voir comment il est décidé qui obtiendra de l'argent. En fait, on ne sait pas qui va lire la demande de financement. De plus, lorsque vous préparez la demande, les critères ne sont pas très clairs. Je pense qu'il y aurait lieu d'améliorer cet aspect et de préciser.

Le programme de multiculturalisme du ministère du Patrimoine canadien n'a plus de composante culturelle et donc notre troupe de théâtre doit se prévaloir d'un projet éducatif et créer quelque chose qui s'insère dans le projet théâtral que nous mettons sur pied. C'est évidemment très excitant, mais c'est également très compliqué et souvent cela ne nous permet pas d'avoir recours à nos forces.

Les ressources humaines sont également un aspect important de notre fonctionnement car nous obtenons des stagiaires et des internes à court terme par l'entremise de Développement des ressources humaines Canada. Il s'agit parfois de programmes formidables offerts par l'entremise du Conseil des ressources humaines du secteur culturel. Nous pouvons embaucher quelqu'un pour un an. Après la formation d'un an, la personne acquiert une telle importance pour l'organisation que, évidemment, vous l'embauchez, ce qui est la raison d'être, je pense, du programme. D'autres programmes sont à plus court terme—trois mois ou sept mois.

• 1950

Bien que les programmes de ce genre soient formidables, le temps consacré par l'organisation à la formation ne commence à se rentabiliser qu'au cours des deux derniers mois et il est beaucoup plus difficile de mettre votre organisation en vedette suffisamment pour avoir l'argent nécessaire pour vraiment payer ces personnes.

J'aimerais également souligner que CBC a constitué une ressource énorme pour la communauté théâtrale au Canada, certainement dans cette province et très certainement dans la métropole. Les réductions des cinq dernières années au financement de CBC ont eu une incidence profonde sur les comédiens, les musiciens et les dramaturges. De plus, pour nous, compagnie théâtrale, CBC finançait de nombreux projets. La société finançait souvent une petite pièce pour la radio que nos compagnies théâtrales pouvaient alors reprendre et présenter sur scène. CBC permettait de lancer des choses, ce qui est beaucoup plus difficile dernièrement.

Sur le plan de la technologie, tout ce que je peux vous dire, c'est que la concurrence est très forte. La technologie progresse à un rythme beaucoup plus rapide que nous et nous aimerions beaucoup disposer de fonds pour les dépenses de capital afin de pouvoir informatiser nos bureaux selon nos besoins, mais nous ne voulons pas prendre à même le budget de programmation. Notre budget de fonctionnement sert à notre programmation; les sommes recueillies lors de levées de fonds servent à notre programmation. Nous voulons monter des pièces; nous voulons embaucher des dramaturges, des auteurs, des décorateurs, des acteurs et des techniciens. J'espère simplement qu'à la fin de l'année, je trouverai encore 2 000 $ de façon à pouvoir accroître ma capacité.

Troisièmement, vous avez dit ici que le gouvernement fédéral fait la promotion de la culture. J'aimerais que ce soit à tous les niveaux. Dans le dernier budget, il n'a pas été question de la culture. S'il en a été question, c'était vraiment en passant. Tout le monde regarde le budget à la télévision. Tout le monde dévore les journaux le lendemain. Pourtant, le budget ne fait aucunement mention de la culture et donc encore une fois nous sommes essentiellement invisibles.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Bernard.

M. Bernard Riordon: Tout d'abord, je vous remercie de cette occasion qui m'est offerte, monsieur le président.

Actuellement, l'Art Gallery of Nova Scotia a pour projet de construire une succursale à Yarmouth qui desservira tout le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse afin qu'on puisse y apprécier des artistes et la grande activité dans le domaine des arts dans cette région et, nous l'espérons, aider l'économie de cette région.

Nous considérons que l'accessibilité est très importante et que l'Art Gallery of Nova Scotia doit pouvoir rejoindre de nouvelles communautés; le même souci devrait prévaloir au niveau national en ce qui concerne les galeries régionales qui, à bien des égards, constituent nos galeries nationales.

Je voudrais féliciter le Musée des beaux-arts du Canada pour ses initiatives actuelles, non seulement son programme de tournées, mais également son esprit de coopération qui vise à émanciper les établissements artistiques ainsi que les artistes grâce à des prêts des collections du musée et à la diffusion du savoir-faire du musée dans l'ensemble du pays. La collaboration est indispensable au succès du développement culturel dans ce pays.

J'espère que le gouvernement fédéral réussira à faire changer les mentalités pour que nous nous fassions confiance et que nous nous sentions capables de résister à la concurrence mondiale. Nous avons une communauté artistique et des institutions de calibre mondial, nous devons en être persuadés, et le gouvernement doit essayer de mettre en place l'environnement propice à ce changement de mentalité.

En ce qui concerne les succès actuels dans mon secteur, celui des galeries d'art, je voudrais encore une fois féliciter le programme d'aide aux musées, l'Institut canadien de conservation, qui restaure des oeuvres pour les établissements artistiques de l'ensemble du pays, ainsi que la Commission d'examen des biens culturels et ses extraordinaires mesures incitatives qui favorisent les dons d'oeuvres, c'est-à-dire les certificats de propriété culturelle. Je vous demande de maintenir et d'étendre toutes ces activités.

• 1955

Évidemment, le Conseil des arts du Canada et le programme d'indemnisation des expositions ont fait la preuve de leur succès, tout comme le programme d'aide aux musées dont je parlais tout à l'heure.

En ce qui concerne les nouvelles technologies, de mon point de vue, la question essentielle dans le secteur que je représente est l'accès aux collections, non seulement pour le public que nous desservons et qui doit pouvoir accéder à nos collections, mais aussi l'accès aux collections pour tous les Canadiens et l'échange de collections d'une institution à l'autre et d'une province à l'autre, pour assurer une meilleure compréhension des différentes régions et pour renforcer l'identité canadienne.

En ce qui concerne l'évolution démographique, je constate dans mes activités que la population vieillissante accorde un soutien très dynamique aux institutions comme les galeries d'art, auxquelles elle envisage de faire des dons. Le gouvernement peut encourager cette bonne volonté en assurant une plus grande stabilité financière grâce aux dons privés et au mécénat.

En ce qui concerne l'option de souscription récemment accordée à titre d'incitatif fiscal, les cadeaux aux organismes à but non lucratif se sont avérés très précieux pour notre secteur.

Les campagnes visant à populariser les arts et à favoriser l'éducation artistique auprès des jeunes constituent évidemment des activités très importantes.

Par ailleurs, nous pouvons nous enorgueillir de nos trésors nationaux, que ce soit Alex Colville, Maud Lewis, David Askevold ou Al Chaddock. Nous sommes fiers du trésor national que constituent ces artistes et nous devons les reconnaître en tant que tels.

En conclusion, nous aimerions que l'on encourage davantage les partenariats avec les sociétés privées et avec les particuliers, et à cet égard, le gouvernement peut jouer un rôle pour favoriser ces partenariats qui assurent un soutien très positif à la communauté artistique.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Nous allons maintenant donner la parole à nos députés. Qui veut commencer?

Joe.

M. Joe Jordan: Je voudrais faire deux remarques sur des sujets différents; je les lance simplement dans la discussion et nous verrons bien les résultats.

Tout d'abord, je voudrais reprendre un argument que nous a soumis notre serveur pendant le dîner ce soir, et que j'avais déjà entendu avant. Je voudrais faire un parallèle avec l'entreprise privée pour le formuler.

L'un des problèmes que l'on constate en matière d'entrepreneuriat et de faillite d'entreprise, c'est qu'on peut trouver quelqu'un qui, au départ, est un très bon électricien, mais qui n'a pas les connaissances nécessaires en administration pour gérer une entreprise. À mesure que son entreprise prend de l'expansion, elle s'effondre petit à petit sous son propre poids; notre gestionnaire ne sait pas où aller chercher du crédit, etc.

Est-ce qu'on peut dire la même chose d'une entreprise artistique? Lorsque se termine la période des vaches grasses et que le gouvernement retire son financement, elles doivent assumer une plus grande partie de leur budget; peut-on prétendre qu'il faut alors leur proposer de la formation en gestion? Comment est-ce qu'on gère les bénévoles? Comment est-ce qu'on commercialise les produits et les services culturels? Comment est-ce qu'on lève des fonds? Ou est-ce simplement un prétexte pour justifier les compressions?

Je veux poser cette première question parce que le problème ne tardera pas à se manifester.

Mon deuxième argument—c'est plutôt le vôtre, Andrew—concerne, faute d'une meilleure expression, le rapatriement des industries culturelles dans notre pays. La difficulté, c'est que plus on signe d'accords, plus le réseau artistique devient complexe et toute action entraîne une réaction. L'un des arguments avancés dans le domaine agricole pour ne pas s'opposer aux importations d'huile, de beurre et de sucre, qui contournaient nos tarifs, c'est qu'on ne pouvait pas prendre unilatéralement une telle mesure car on nous la ferait payer dans d'autres domaines, non pas par des répercussions directes, mais en tirant parti du fait que le Canada est un pays qui se conforme aux règles. Je ne sais pas les règles de qui—celles de l'OMC. En tout cas, les choses ne sont pas si simples... On ne peut pas tout nationaliser. Il faut savoir comment on va se rendre du point A au point B. Certaines décisions très difficiles devront être prises en fonction des options que nous aurons choisies.

• 2000

Les statistiques sont alarmantes, mais j'imagine bien les arguments qu'on peut avancer pour justifier l'inaction. Ils seraient sans doute semblables à ceux que nous avons entendus dans d'autres domaines où s'appliquent des accords internationaux que nous avons signés sans en comprendre toutes les répercussions ou en considérant, à l'époque, que la question n'était pas bien importante. J'aimerais donc connaître les stratégies qui nous permettraient de résoudre cette difficulté.

Par ailleurs, mais toujours sur le même sujet, on parle souvent des forces du marché. Je crois que ces forces du marché peuvent être aussi très bénéfiques, mais il faut d'abord s'en assurer. Je siège également au Comité de l'environnement et j'ai beaucoup travaillé sur le projet de loi qui vise à contraindre les entreprises à prendre des mesures que le régime fiscal les incite à prendre. Il me semble que c'est un gaspillage considérable de temps, d'énergie et d'argent. Si l'on peut fixer des règles, laissons le marché agir, car la concurrence et le profit sont des facteurs d'autoréglementation. Mais je crois qu'on peut trouver la solution par le biais de la fiscalité. Je crois qu'il faut envisager de taxer les comportements qui nous semblent condamnables et prévoir des exemptions pour les comportements qui nous semblent souhaitables.

J'ai trouvé très intéressante la formule de la taxe sur le tabac pour essayer de résoudre le problème du tabagisme. D'un côté, on dit qu'on va aller chercher de l'argent, mais ensuite on dit qu'il ne faut pas faire payer ceux qui ont de l'argent. À cela s'ajoute la difficulté des différents niveaux de gouvernement, et je crois que l'imposition des cigarettes est de compétence provinciale. Mais je crois que les Canadiens se préoccupent de moins en moins de ces conflits de compétence. C'est donc une solution intéressante.

Je ne sais pas si je vous ai suffisamment donné matière à réflexion, mais si...

M. Robert McCosh: Je suis prêt à vous répondre. Vous avez posé une question concernant le financement de la formation des gestionnaires. On peut obtenir des fonds pour la formation des gestionnaires auprès de l'Association des orchestres canadiens. Elle propose un programme qui permet à des stagiaires de travailler pendant un certain temps auprès d'un orchestre et du cadre supérieur. On a donc ce genre de programme. Je crois que le problème consiste davantage à assurer les activités au quotidien. Les gestionnaires sont toujours sur la corde raide et n'ont jamais assez d'argent, car les ventes de billets ne couvrent pas tous les besoins. Les choses ne se passent pas ainsi. Il faut aller chercher des revenus dans les subventions pour dépenses courantes.

Je pense que certaines initiatives qui ont fait leurs preuves sont les subventions de stabilisation des arts, que l'on a commencé à utiliser en Colombie-Britannique et en Alberta. Ce que nous craignons, c'est de faire ensuite l'objet de chantage artistique si nous n'équilibrons pas le budget. Mais cela n'a pas été le cas, du moins dans les orchestres de ces provinces. Cela leur a permis de retrouver une certaine stabilité et de se donner une vision à long terme, ce qui pose vraiment problème pour bien d'autres orchestres et pour les organisations à but non lucratif. Donc, je pense que si le gouvernement fédéral pouvait encourager davantage ce genre de partenariats, comme Bernie l'a mentionné, entre les sociétés et les organisations à but non lucratif, cela serait sûrement utile.

Le vice-président (M. Inky Mark): La parole est à Andrew.

M. Andrew Terris: En ce qui concerne la question de la formation, je l'ai abordée en partie cet après-midi. Le Conseil des ressources humaines du secteur culturel a déterminé les aspects de la formation dont vous avez parlé, à savoir la formation pour la mise en marché, pour les exportations, pour une gestion saine, etc. Le problème, c'est l'absence d'argent. Donc, même si une organisation nationale a déterminé la nécessité d'une formation, on ne dispose pas des ressources nécessaires et nous n'avons pas les ressources nécessaires ici en Nouvelle-Écosse. C'est très bien de nous dire d'améliorer notre gestion interne et de suivre la formation qui nous permettra de le faire, mais les ressources n'existent pas. Je pense également que, dans une certaine mesure, il y a des gens qui ne veulent pas accepter entièrement l'argument selon lequel il y a de moins en moins de ressources au niveau fédéral ou au niveau gouvernemental. En fait, le Globe and Mail a publié un article très intéressant il y a quelques semaines où on indiquait que les dépenses gouvernementales par habitant consacrées aux programmes, pour les trois paliers de gouvernement, même lorsque l'on compense pour l'inflation, n'avaient pas vraiment diminué tant que cela.

• 2005

Le gouvernement continue de consacrer d'énormes sommes d'argent, aux programmes. On nous dit qu'il y a de moins en moins d'argent mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment le cas. Je pense qu'il y a une certaine hésitation à... nous nous abstenons d'agir sous prétexte que nous allons recevoir de moins en moins d'argent. Je pense qu'il existe de solides arguments qui militent en faveur d'un investissement accru de la part du gouvernement dans le secteur des arts et de la culture. Une partie de l'argument est d'ordre culturel, une partie est d'ordre social et une partie est d'ordre économique. Il ne fait aucun doute que la culture est un bon investissement.

Quant à savoir comment nous allons nous occuper de la domination étrangère des marchés culturels canadiens, je trouve intéressant que dernièrement, la Conférence canadienne des arts ait souligné l'importance de cette question. Ces derniers jours, le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, c'est-à-dire celui qui s'occupe des industries culturelles, a réclamé une entente internationale qui soustraira la culture et les industries culturelles à l'application des conditions des accords commerciaux afin qu'elles ne soient pas traitées comme un produit industriel.

Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Je n'ai pas les réponses à ces questions, mais je pense qu'il existe des solutions, et nous devons les trouver, parce que les niveaux de domination étrangère sur ce marché sont totalement inacceptables.

M. Al Chaddock: Il y a des aspects positifs. Je ne sais pas si vous êtes au courant du mécanisme de rachat prévu par l'ALENA. Si nous n'arrivons pas à protéger la culture dans le cadre de l'ALENA, si nous n'arrivons pas à développer une infrastructure d'entreprise dans le secteur privé pour prendre la relève du gouvernement pour ce qui est de favoriser les arts dans ce pays... C'est l'autre solution de rechange à la formation des artistes pour les préparer à le faire eux-mêmes—davantage une solution à l'américaine. En vertu de l'entente, si nous voulons récupérer 10 p. 100 de l'industrie cinématographique pour le Canada, si nous n'arrivons pas à maintenir cette exclusion, nous devrons compenser les participants internationaux quels qu'ils soient—il pourrait s'agir de la société Sony, ou d'une autre société—pour ce qu'ils estiment avoir perdu au cours de leur participation supplémentaire de cinq ans à ce niveau sur le marché canadien. C'est l'absurdité de cette entente.

Nous pourrions ne jamais avoir les moyens de racheter un pourcentage quelconque de ces secteurs de notre économie pour des raisons de sécurité nationale. C'est le principal argument que j'aimerais faire valoir.

Car il faut effectivement considérer les questions culturelles comme des questions de sécurité nationale d'une extrême importance. Nous parlons de l'identité même du pays, et si nous n'arrivons pas à protéger cette identité, à quoi servons-nous? Comment définir notre pays? C'est aussi simple que cela.

Je proposerais à chacun d'entre vous de lire au moins la partie de l'ALENA qui porte sur la façon de racheter des segments de l'économie canadienne, si on le veut, et également d'envisager comment abroger l'entente et les pénalités qui sont prévues. C'est essentiellement impossible.

Le vice-président (M. Inky Mark): Y a-t-il d'autres réactions? Mern, vous avez la parole.

Mme Mern O'Brien: Vous avez parlé un peu plus tôt de l'utilisation de bénévoles dans le secteur culturel, et j'ai toujours des réserves lorsque j'entends des gens parler de bénévoles, auxquels nous faisons beaucoup appel à la galerie d'art Dalhousie. Nous trouvons leur aide inestimable. Mais de plus en plus, il me semble, j'entends parler de recourir à des bénévoles dans des postes que je qualifierais de postes professionnels au sein du secteur culturel.

Autrement dit, si vous n'avez pas suffisamment d'argent pour engager un directeur ou un conservateur à temps plein, avez-vous songé à recourir à des bénévoles? Je pense qu'il faut faire attention car nous parlons de professionnels, de gens qui possèdent une formation poussée et de grandes compétences dans leur domaine. C'est un peu comme proposer à votre dentiste d'utiliser les services d'une hygiéniste bénévole au lieu d'une hygiéniste rémunérée. C'est une perspective assez effrayante si vous êtes la personne dans le fauteuil du dentiste. Et c'est une perspective assez effrayante si vous êtes un artiste, un interprète ou un danseur et que l'éclairagiste chargé de la réalisation de l'éclairage de votre performance est un bénévole.

• 2010

J'ai peut-être présenté un cas extrême, mais je tiens simplement à inciter à la prudence pour ce qui est de recourir largement à des bénévoles dans le secteur culturel, car nous parlons de professionnels hautement spécialisés.

Le vice-président (M. Inky Mark): Très bien.

Allez-y, Susan, puis Ingrid.

Mme Susan Hanrahan: Je voulais corroborer ce que Andrew et Al ont dit à propos de l'américanisation de la scène culturelle canadienne. Les statistiques présentées par Andrew sont effectivement inquiétantes.

Je voulais également signaler l'existence d'un problème de réciprocité, c'est-à-dire lorsque la culture canadienne veut s'exporter aux États-Unis, particulièrement dans le domaine de l'artisanat. Les artisans qui essayent de faire commerce aux États-Unis et qui essaient d'enseigner aux États-Unis ont beaucoup plus de difficulté à traverser la frontière que leurs homologues qui viennent au Canada. Je pense qu'il s'agit d'une injustice qui doit être examinée et corrigée.

Le vice-président (M. Inky Mark): Ingrid.

Mme Ingrid Jenkner: Je pense qu'il s'agit d'une série de déclarations qui ont réussi à provoquer des réactions.

J'aimerais répondre aux observations concernant la gestion que vous avez faite ou je pense qu'il s'agissait plutôt d'une proposition. Je soupçonne de plus en plus, car je n'arrête pas d'en entendre parler, que l'on part du principe que les entreprises culturelles sont mal gérées parce qu'elles sont culturelles et à but non lucratif. Je pense que les critiques concernant la gestion des organisations culturelles doivent être beaucoup plus précises, et indiquer qui sont les mauvais gestionnaires et pourquoi.

Le gouvernement est capable, et il se sert d'ailleurs de cette capacité, de déstabiliser l'environnement dans lequel ces organisations tâchent de survivre. Car il est vraiment trop facile de leur couper l'herbe sous les pieds et de les accuser ensuite de mauvaise gestion.

Je soupçonne que l'idée, c'est que les organisations culturelles sont destinées à être gérées différemment, de sorte que ce qu'elles produisent est essentiellement différent et correspond davantage à un modèle d'entreprise de production culturelle. Si c'est le cas, je pense que cela devrait être énoncé clairement.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Joe.

M. Joe Jordan: Je tiens simplement à préciser que j'ai dit cela parce que je voulais que vous me fournissiez des munitions pour contrer cet argument. Je ne le crois pas moi-même. D'après la réaction, vous avez de toute évidence entendu cela d'autres sources aussi.

Je ne sais pas s'il s'agit de mauvaise gestion ou du fait que les exigences de gestion ont été modifiées dans votre cas et si on a réussi à s'y adapter. Je n'attribuerais pas tant de mérite au gouvernement car je doute qu'il planifie d'accomplir quoi que ce soit. Je pense qu'il essaie de dépenser moins d'argent.

Mme Ingrid Jenkner: Peut-être, mais c'est une fausse économie. Et je tiens à ajouter que c'est une façon de prendre le pouvoir aussi.

M. Joe Jordan: D'accord. Je n'en suis pas sûr.

Mme Ingrid Jenkner: C'est ce que les derniers événements au Conseil des arts du Canada sembleraient indiquer.

M. Joe Jordan: Oui. Il y a 18 mois que je fais ce travail et je ne crois pas avoir vu le gouvernement montrer qu'il saurait quoi faire le cas échéant. Je ne crois pas qu'il ait vraiment de grands projets à cet égard.

Je crois que l'argument de la mauvaise gestion est une façon déguisée de dire: «Vous ne faites pas votre part. Pourquoi devrions-nous vous donner plus d'argent?» Je pense que c'est leur raisonnement. Cela ne va pas plus loin.

Tout ce que je dis c'est que ces critiques existent et que malheureusement vous devez pouvoir y répondre, comme je pourrai le faire désormais après avoir entendu vos réactions. Je pense qu'il s'agit d'un faux argument dans une certaine mesure. Je pense que cela évite au gouvernement d'avoir à déclarer s'il considère que ces choses ont de la valeur.

Si nous vous livrons aux forces du marché où règne la loi du plus fort, avec quoi nous retrouverons-nous? Nous nous retrouverons avec un hybride de Bill Gates et de Mickey Mouse. Je ne sais pas avec quoi nous nous retrouverons.

Je pense que le gouvernement esquive la question fondamentale, à savoir que tâchons-nous d'accomplir ici? À quoi accordons-nous de la valeur? Comment procède-t-on pour en assurer la protection? Ce sont là les questions auxquelles j'ai de la difficulté à répondre.

• 2015

Je tiens simplement à vous prévenir que je n'ai constaté aucun type d'effort concerté pouvant représenter une forme de complot quelconque. Je ne leur attribue pas tant de mérite. Vraiment pas. Je pense que c'est simplement une question de mauvaise gestion. Je pense qu'il s'agit simplement d'une série disparate de règlements n'ayant aucun rapport les uns avec les autres qui, une fois mis ensemble, n'ont aucun sens.

Mme Ingrid Jenkner: Mais c'est également du paternalisme.

M. Andrew Terris: Nous dire comment gérer nos affaires.

M. Joe Jordan: Oh, je n'en doute absolument pas.

Mme Ingrid Jenkner: Tout à fait. Je pense qu'il s'agit d'une réaction paternaliste à un problème donné, à savoir «Nous savons mieux que personne, et nous leur apprendrons comment s'adapter». Qu'est-ce que le gouvernement peut bien connaître à propos de la gestion culturelle?

M. Joe Jordan: Je ne dis pas que c'est faux, mais je dis que cette attitude ne vous aidera peut-être pas à passer du point A au point B.

Mme Ingrid Jenkner: Peut-être pas.

M. Joe Jordan: Donc, je ne sais pas où nous en sommes. Vous avez parlé de la nécessité de se prémunir contre un contrôle politique direct et je me demande en quoi cela consiste-t-il? Quel problème...

Mme Ingrid Jenkner: Je pense que Gay a mentionné certaines difficultés concernant... Elle a comparé les conditions qui entourent la demande et l'obtention de subventions du Conseil des arts du Canada à celles qui entourent les demandes faites à un ministère.

M. Joe Jordan: Oui, d'accord.

Mme Ingrid Jenkner: Je pense qu'elle a très clairement indiqué qu'il existe certains obstacles bureaucratiques à l'accès et certains malentendus possibles à propos des critères de financement. Je pense que c'est votre premier indice au sujet de ce qui se produit dans ce genre de situation.

M. Joe Jordan: En fait, cette déclaration m'effraie, parce que j'ai tâché d'obtenir de l'argent de Patrimoine canadien pour un théâtre dans ma circonscription et je n'y suis pas arrivé. C'est donc un commentaire à propos de...

Il ne faut pas oublier que les organismes indépendants font aussi l'objet de critiques. Essentiellement, ceux qui réussissent pensent que c'est une bonne chose et ceux qui ne réussissent pas pensent que c'est une mauvaise chose. Mais je ne crois pas qu'il y ait une vaste stratégie politique en vue de prendre le pouvoir. Mais je sais qu'il s'agit d'un secteur qui mérite une très grande attention.

Ce genre de déclarations m'inquiète toujours un peu. Et je pense que je suis d'accord avec vous sur ces questions.

Le vice-président (M. Inky Mark): Très bien, nous demanderons à Wendy d'intervenir, puis Suzanne.

Mme Wendy Lill: Il y a deux thèmes qui reviennent constamment. Il y a le thème général à savoir que nous sommes un pays occupé et que nous travaillons terriblement fort pour produire et créer ce que nous considérons comme des produits canadiens, mais parallèlement nous sommes submergés, et de plus en plus, par les produits culturels américains.

Andrew Terris semble dire que le rôle qu'il envisage pour le gouvernement fédéral, c'est de reprendre beaucoup plus solidement le contrôle de notre culture. Et Jim Lorimer de nous dire que Bertelsmann vient de s'emparer d'un autre morceau énorme de l'industrie de l'édition. L'industrie de l'édition canadienne a pratiquement disparu.

Donc, quel est le rôle du gouvernement fédéral? De toute évidence il doit jouer un rôle, car qui d'autre le fera, si on ne consolide pas la Loi sur la concurrence pour nous permettre d'empêcher ces énormes conglomérats d'éditeurs de prendre le contrôle?

Nous considérons ces ententes commerciales comme si elles remontaient à l'époque de Moïse. Mais voyons les choses en face, elles ne remontent toutes qu'à une quinzaine d'années ou moins. Il y a d'autres pays qui sont très militants, beaucoup plus que nous le sommes en fait, qui disent qu'ils en ont assez et qui veulent remanier les ententes commerciales. Nous disons que nous avons un esprit d'équipe dans ce pays. Nous jouons selon les règles. Toutes ces règles sont de très nouvelles règles.

Je suis persuadée que les artistes dans ce pays ont des idées intéressantes. Et si c'est ce que nous disent les artistes, alors écoutons-les et parlons-en très sérieusement.

Je pense que le ministre des Finances a promis qu'il éliminerait le déficit et il l'a fait, n'est-ce pas. Je veux dire qu'après l'appauvrissement de centaines de milliers d'enfants, le déficit est éliminé. Mais nous établissons des objectifs. C'est ce qu'il a fait, il a établi des objectifs. Pourquoi n'établissons-nous pas d'objectifs? Pourquoi ne disons-nous pas que 50 p. 100 de l'industrie cinématographique nous appartiendra dans une période de 10 ans et 50 p. 100 de l'industrie de l'édition? Cela pourrait être notre objectif.

Nous devons avoir des objectifs. Toutes ces annonces américaines à propos du basket-ball en parlent: «Osez rêver». Quel est notre rêve? La culture c'est une question d'estime de soi, c'est une question de ce dont nous sommes fiers. Au macro-niveau, nous devons faire beaucoup mieux que tâcher de nous accommoder de ce minuscule 10 p. 100 qu'on nous laisse pour exprimer notre créativité.

• 2020

En ce qui concerne toute la question de l'élimination de l'aide financière fédérale, Susan, cela se produit constamment. On retire de l'argent aux organisations vouées aux arts. J'en ai moi-même fait l'expérience dans le cas d'un syndicat d'auteurs dramatiques. Mais c'est également une expérience que j'ai constatée dans tous les petits musées qui existent. Tous ces musées ont démarré dans les années 70 et ont fait vraiment un incroyable travail pour ce qui est de faire la chronique de notre patrimoine dans l'ensemble du pays. Puis, les fonds se sont taris. Il n'existe maintenant qu'un petit musée qui est plus ou moins associé à une piscine. Le musée présente ses petites expositions pendant que les enfants vont à la piscine. Je ne pense pas que c'est un bon partenariat. Si nous poussons nos musées du patrimoine à s'associer à des piscines, à des salles de quilles et ainsi de suite, alors nous sommes devenus fous. C'est tout simplement inadmissible.

Il faut continuer à financer ces choses-là si vous leur accordez de l'importance. Nous valorisons notre patrimoine et nos objets d'art. Ces choses ont une durée de vie éternelle, n'est-ce pas? Nous souhaitons qu'elles durent toujours. On ne peut pas simplement les déposer dans des entrepôts humides. Il faut les conserver et cela constitue un engagement permanent.

Je ne parle que du financement du patrimoine, mais pour ce qui est du financement du gouvernement fédéral, il va sans dire qu'il est très difficile pour les organismes du monde artistique de voir du jour au lendemain leur budget réduit de moitié. Ensuite, si on les accuse d'incurie, ce n'est vraiment pas sérieux. C'est ce qui s'est produit en tout cas pour le Centre national des arts. Il ne faut quand même pas oublier que son budget a été réduit d'un tiers et que toute la litanie de problèmes qui se sont posés depuis est due en grande partie à cette coupure.

Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Wendy.

Suzanne, une brève remarque et nous passerons ensuite à l'auditoire. Je suis sûr que les gens sont impatients de participer au débat.

Mme Suzanne Tremblay: J'aurais aimé qu'on poursuive cette discussion encore un peu.

[Français]

La question du financement de la culture est, d'une certaine façon, beaucoup plus complexe qu'on peut l'imaginer. Le ministère de Mme Copps est doté d'un budget de quelque 2 milliards de dollars qui se répartit comme suit: 800 millions de dollars à la Société Radio-Canada; quelque 200 millions de dollars à l'Office national de film, à Téléfilm Canada et aux musées; 450 millions de dollars pour le programme des langues officielles; 40 millions de dollars pour le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs; peut-être 500 000 $ pour la visite d'un membre de la famille royale; et des fonds pour les parcs et le domaine de l'édition.

Quand on a tout enlevé, qu'est-ce qui reste vraiment pour la culture? Tout simplement des pinottes. On a annoncé cette semaine qu'au cours des trois prochaines années, on sera obligé de sabrer 30 milliards de dollars dans la santé, l'éducation et l'aide sociale. Les gens sont malades et ils veulent être soignés. Il y a de plus en plus de pauvres. Ça coûte de plus en plus cher pour aller entendre un orchestre ou voir une pièce de théâtre ou même un film.

Je me rappelle toutes les plaintes qu'on a entendues à Québec, lorsque la municipalité a fait ériger un monument. Les gens se disent: Puisqu'on n'a pas d'argent, pourquoi investir dans la culture? Cela fait aussi partie du problème. C'est une autre dimension du problème auquel on est confrontés.

Les personnes qui défendent la culture semblent avoir de la difficulté—Andrew nous a donné des chiffres à l'appui un peu plus tôt—à convaincre les personnes qui prennent les décisions que la culture est une industrie capitale pour l'avenir du pays: on n'a pas d'avenir si on n'a pas de culture. C'est donc une affaire importante.

Lors des délibérations du Sous-comité sur le sport, on n'a pas eu de difficulté à conclure qu'il fallait donner de l'argent au sport amateur. Cela a été reconnu à l'unanimité. Il y a longtemps que les athlètes peuvent répartir leurs salaires sur plusieurs années.

• 2025

Je suis députée depuis 1993. Chaque année, on demande au ministre des Finances de permettre aux artistes, aux écrivains, aux cinéastes et à d'autres personnes oeuvrant dans le domaine de la culture de faire la même chose. Ils devraient pouvoir répartir des revenus occasionnels plus élevés sur plusieurs années. Là, ils ont une bonne année et pendant les huit ou dix années suivantes, il doivent toucher des prestations de bien-être social.

Je vous demande de penser sérieusement à des arguments qui sauront convaincre les gens qu'on doit investir dans la culture et que c'est un bon placement. Que pouvez-vous nous répondre? Il nous faut de bonnes réponses; on en a besoin.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Allez-y, Al.

M. Al Chaddock: Mon plus grand regret, en tant que Canadien, c'est que le meilleur fichu premier ministre canadien-français que nous ayons jamais eu était René Lévesque. S'il avait pu tenir à Washington les mêmes propos qu'il a tenus à Ottawa et si tous les Canadiens pouvaient, pendant une seule année merveilleuse, parler français, nous constaterions que nous ne sommes pas des Américains. Le problème, c'est que nous parlons pratiquement la même langue et cela nous empêche de nous rendre compte—et surtout eux—que nous ne sommes pas des Américains. C'est vraiment terrible.

Mme Suzanne Tremblay: Ne soyez pas pessimiste. Il faut être optimiste. C'est une bonne réponse.

M. Al Chaddock: Nous parlons de gestion. Pour gérer, il faut disposer d'un stock. La première chose que nous avons dans notre boîte à outils, nous les professionnels, les artistes, c'est l'imagination, la créativité. Cela ne peut pas se mesurer. On peut à l'occasion s'en faire une petite idée.

Si votre secteur d'activité est la création de richesse... Je vais vous donner un exemple. Je suis sur le point de dépenser près de 50 000 $ pour créer ce qui rapportera, sans doute en deux ans, pour 8 millions de dollars de richesse aux gens de la Nouvelle-Écosse. Quand on sait qu'on a une telle capacité, on a tendance à avoir l'esprit large. On a tendance à ne pas appliquer des principes de gestion courants. Nous ne sommes pas des chasseurs en groupe, nous ne sommes pas des agriculteurs et nous ne sommes pas des comptables. Nous créons de la richesse. Certains soutiendront que de toutes les richesses dont dispose notre pays, la seule qui soit vraiment créée chez nous est notre richesse culturelle. Voilà qui nous sommes.

Lorsque nos expériences échouent, c'est au détriment de la société démocratique civile. Si cette expérience se solde par un échec, comme l'échec lamentable qu'on constate au sud de la frontière malgré la merveilleuse constitution de ce pays, les sages paroles d'Alexis de Tocqueville semblent vraiment avoir été écrites en lettres d'or. On ne peut pas mettre dans la même cage l'esprit d'une société civile démocratique et le capitalisme du laisser-faire et s'attendre à ce que l'un des deux ou les deux en ressortent indemnes, voire survivent à l'expérience.

Lorsque John Howe, éminent Canadien originaire de la Nouvelle-Écosse, a examiné l'Acte de l'Amérique du Nord britannique que l'on proposait d'adopter pour la nouvelle constitution de notre pays, il a regardé l'exemple américain et a compris que nous étions sur le point de perdre notre plus grande richesse, notre autonomie. Nous allions perdre en statut au sein du Commonwealth britannique, devenant une colonie au lieu d'être un pays frère de la Grande-Bretagne, comme l'étaient le pays de Galles et l'Écosse. C'est ce que souhaitait avant tout le Canada maritime, ne pas être ramené au rang de colonie. Nous avons perdu la bataille, manifestement. C'est parce qu'il a voulu signaler ce que nous risquions de perdre sur le plan des ressources culturelles qu'il a risqué la prison, poursuivi en justice les pouvoirs en place et gagné le droit de la liberté de la presse.

Vous m'avez demandé d'être bref et je veux l'être. Il m'est toutefois très difficile de me faire dire continuellement d'être bref quand je parle de la véritable passion de ma vie, et c'est une passion que nous partageons tous ici, je pense. Il est impossible d'évaluer la culture et les éléments nécessaires à son épanouissement au moyen des instruments d'évaluation dont nous disposons habituellement. Il faut apprendre à parler la langue de la création de la richesse. C'est une langue qui se meurt dans notre pays.

• 2030

Par conséquent, je vous demanderais de réfléchir un instant à ce qu'il nous faudrait changer dans notre système d'éducation officiel, où nous créons cette image de soi et la vision du monde qui détermine à l'avance tout ce que nous ferons ensuite en tant qu'adultes, y compris ce que nous faisons ici. Le gouvernement fédéral n'a aucun véritable rôle à jouer en l'occurrence, si ce n'est réorienter la richesse vers les provinces en espérant que celles-ci continueront d'enseigner l'humanisme dans leurs écoles.

Je peux vous dire que ce n'est pas le cas, comme je l'ai dit plus tôt. Au niveau gouvernemental, on dirait que l'on essaie de favoriser l'épanouissement de notre industrie culturelle, dont on reconnaît l'importance, mais qu'on lui coupe continuellement l'herbe sous le pied.

J'ai toujours souhaité que le gouvernement fédéral puisse intervenir pour obliger les provinces à se mettre au pas et promouvoir la créativité, l'imagination, l'individualisme et l'humanisme jour après jour, à chaque instant, pendant ces années très cruciales de la naissance officielle de nos plus récents concitoyens. Si les valeurs systémiques que nous apprenons quand nous sommes jeunes continuent d'être, comme par le passé, celles d'une usine totalitaire de l'ère industrielle et du fascisme, car il faut appeler les choses par leur nom, tout ce que nous souhaitons dire sera perdu. En fait, il est terriblement ennuyeux d'essayer de faire comprendre ces préoccupations et de transmettre ces idées aux enfants à l'heure actuelle, comme je l'ai fait hier dans une école privée. C'est un peu comme si nous ne parlions même plus la même langue.

Il y a à l'heure actuelle très peu d'activités artistiques dans nos écoles, où la créativité n'est pas récompensée dans quelque secteur que ce soit, et où les maigres ressources budgétaires qui restent servent à l'informatisation, même si le MIT, a publié dernièrement une étude révélant qu'il existe un parallèle direct entre la diminution de la créativité, de l'imagination et de la productivité et l'informatisation du travail. Nous sommes en train d'informatiser notre pays et de nous demander où nous allons trouver les réponses aux problèmes avec lesquels nous sommes aux prises aujourd'hui.

J'aimerais qu'on réfléchisse davantage à l'avenir en pensant à l'éducation de nos enfants au moment même où elle a lieu.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Je voudrais maintenant inviter les membres de l'auditoire qui le désirent à prendre la parole. Il y a deux microphones dans la salle. Je vous demanderai de parler devant un micro et de vous présenter.

M. Bill Forbes (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Bill Forbes. Je vais me présenter comme un artiste indépendant et c'est à ce titre que j'aimerais m'adresser au comité.

Ce qui m'inquiète principalement, c'est l'endroit du questionnaire où on nous demande si nous souhaitons être considérés comme un client ou une entreprise. En tant qu'artiste, je fais toutes sortes de choses qui sont en rapport avec mon secteur d'activités. Je suis conseiller régional de la Canadian Actors' Equity Association, l'Association des artistes de la scène, et je suis conseiller de l'ACTRA, l'Association des producteurs de films et de télévision. Je tiens ma propre comptabilité. Je vais frapper aux portes. J'envoie des curriculum vitae. Je passe les trois quarts de mon temps à diriger une entreprise, mais cela ne m'enthousiasme guère, c'est tout simplement une nécessité. Si j'ai de la chance, je consacre un quart de mon temps à la production artistique.

J'ai eu 40 ans en janvier. Je n'ai pas gagné mon premier million avant mes 40 ans, ce qui me déçoit beaucoup. Je pense que je n'atteindrai jamais ce premier million. J'aimerais tout simplement franchir le seuil de la pauvreté. Cela me ferait extrêmement plaisir, de terminer une année sans être pauvre.

Quelque part, je souhaiterais que mon travail soit considéré comme une entreprise car autrement, on le considérera comme un violon d'Ingres. En effet, on semble croire que puisque je semble prendre plaisir à créer des oeuvres d'art, il suffit d'attendre que je m'en lasse, et j'aurai tôt fait de trouver un véritable travail. Non, il n'en est pas ainsi. Mon art est une entreprise.

On pourrait peut-être remplacer le mot «entreprise» par le mot «vocation», même si cela peut sembler frivole ou bohème. Je suis toutefois un artiste à qui, je suppose, on permet parfois des crises d'hystérie.

• 2035

Je voudrais qu'on me reconnaisse tous les attributs qui figurent dans la Loi sur le statut de l'artiste.

Quand je prépare ma déclaration d'impôt, je ne veux pas à la lecture des diverses questions me sentir obligé d'attribuer une superficie au projet que je crée ou encore me sentir forcé de mesurer en tonnes ma production annuelle. Ces questions-là s'appliquent-elles à moi? Dois-je fouiller pour trouver les éléments qui s'appliquent à moi en qualité d'artiste?

Je voudrais pouvoir compter sur une aide financière. On parle sans cesse de l'épanouissement des arts mais je pense que le mot «épanouissement» nous a conduits à certains débordements. Tout le monde reconnaît que l'épanouissement des arts est une chose importante, mais il semble qu'on ait oublié que pour réaliser l'épanouissement des arts, il faut accorder une aide financière aux disciplines artistiques. Nous sommes tout à fait disposés à créer des artistes, à financer cela, mais une fois cela fait, on dit aux artistes, en les remerciant, de s'éclipser et de fermer la porte en sortant. Les compagnies théâtrales qui nous permettent de produire nos oeuvres reçoivent des fonds pour accentuer l'épanouissement des artistes mais plus tard, on refuse de donner aux artistes l'argent nécessaire pour qu'ils restent à flot.

On dit aux troupes de théâtre—et, j'en suis sûr, le message est le même pour les autres groupes dans d'autres disciplines artistiques—de former les gens à mieux gérer leur budget. Ainsi, il faut ajouter quelques comptables et quelques gestionnaires supplémentaires, peut-être encore quelques experts en commercialisation, pour que l'entreprise soit mieux tenue. Mais ensuite, la tentation est forte de présenter une performance en solo tandis qu'une troupe de théâtre qui n'a pas besoin de se consacrer énormément à l'aspect commercial peut présenter un spectacle mettant en scène 20 artistes, ou encore 10, ou encore 5. Voilà donc l'origine de ma frustration.

Si l'on s'impose des principes commerciaux, l'entreprise devient commerciale et non artistique. Les artistes qui parviennent à survivre connaissent les rouages et savent comment remplir un formulaire et présenter une proposition avec succès. Si nous continuons, nous allons créer d'excellents comptables, mais nous allons sans doute perdre nos meilleurs artistes.

Autre frustration: dans la région, on se rend compte que l'argent obtenu est jalousement gardé, que la région est jalousement protégée sous le vocable de région atlantique du Canada, où l'on veut conserver l'argent et procéder à un épanouissement chauvin. Notre pays est déchiré par les luttes politiques de loin en loin. Si nous pouvions partager la culture, les chanteurs, les écrivains, les peintres, dans les disciplines qui ne font pas si totalement appel à la langue, nous nous épargnerions énormément d'angoisse politique.

En terminant, je voudrais parler d'une chose qui me tracasse depuis les dernières élections fédérales et les débats pendant cette campagne-là, car je ne m'en suis pas encore pleinement remis. Pendant les débats sur le financement à l'occasion du millénaire, un des candidats a affirmé que si les artistes étaient loyaux à leur pays, tout comme les banquiers, le dentiste et bien d'autres, ils feraient don de leurs oeuvres. Cela m'a troublé, mais je l'ai été encore davantage car aucun participant au débat n'a rétorqué qu'il s'agissait là d'une déclaration révoltante.

C'est ce que je voulais dire. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres interventions de l'auditoire, des commentaires ou des questions? Nous sommes là pour vous écouter.

M. Mike Laleune (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Mike Laleune. Je suis impresario. Je travaille dans le domaine des arts du spectacle, tout particulièrement dans celui de la musique.

J'aimerais faire un ou deux petits commentaires peut-être un peu différents. Premièrement, il y avait une note du réseau culturel sur la déclaration faite par le ministre des Finances dans son nouveau budget à propos d'investissements dans les industries culturelles, selon l'expression utilisée. Pourtant je n'ai vu dans ce budget ni nouveau financement ni initiative nouvelle concernant les industries culturelles. Je trouve cela très déconcertant. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral pense au secteur culturel en termes très vagues. Il n'y a pas de politique cohérente.

• 2040

Je suis heureux de voir ici Gaston Blais que je connais depuis de nombreuses années.

Il est absolument essentiel que le fédéral élabore une politique culturelle si nous voulons faire quelque progrès que ce soit au Canada dans ce secteur où pour le moment il y a un vide énorme. Tant que ce vide sera là, nous ne ferons jamais de progrès ni sur le plan budgétaire, ni sur le plan législatif, ni sur le plan fiscal, ni sur le plan des investissements sans un énoncé d'objectifs et de politiques clair. J'aimerais qu'au moins un pas soit fait—peu importe que cela soit dans une direction ou dans une autre mais qu'au moins un pas soit fait, que quelque chose soit fait. Cela fait 25 ans que nous parlons de politique culturelle au Canada et il est temps de passer aux actes.

Personnellement, ce qui me préoccupe le plus, c'est la question des investissements dans l'infrastructure culturelle. Dans mon métier, il est tout particulièrement difficile de trouver de l'argent, que ce soit de l'argent privé ou de l'argent public et, à mon avis, il nous faut une politique pour régler cette question. Si le gouvernement fédéral abandonne son rôle de protecteur des arts ou de protecteur de la culture, il doit créer un environnement qui lui permette d'émettre des directives nationales en termes de politiques tout en prévoyant une infrastructure pour la participation d'autres partenaires.

Je n'en vois pas le moindre signe. Dans cette ville nous souffrons d'un cruel manque de salles de spectacles. Cela fait des années que ce problème m'inquiète. Nous avons d'excellents artistes dont beaucoup dans le domaine musical, mais il n'y a pas de lieux où ils puissent se produire devant leur public. Nous n'avons pas non plus de lieux dans cette ville pour recevoir d'autres cultures et les représentants d'autres régions de notre pays et, selon moi, c'est un gros problème.

C'est un problème pratique mais le problème qui est encore plus important c'est qu'au niveau fédéral il semble n'y avoir aucune politique. Ce problème ne concerne pas simplement Halifax. Nombre de mes collègues du Canada central, des Prairies, à Victoria rencontrent ce même problème. Il n'y a pas de fonds pour le régler.

Je veux parler de la nécessité d'investir dans une infrastructure. Il ne s'agit pas simplement de construire des salles; il y a aussi le problème de la distribution des films, les problèmes de l'industrie du disque. N'importe qui peut faire un disque et encore plus facilement aujourd'hui grâce aux nouvelles technologies.

Où sont les compagnies canadiennes d'édition, pas seulement pour les livres mais pour la musique? Où sont les compagnies canadiennes de distribution de disques? Où sont les compagnies canadiennes de distribution de films? Il n'y a pas d'infrastructure qui permette à notre propre culture et à nos propres industries d'être distribuées au Canada. Il est relativement plus facile d'être distribuées au sud mais ce n'est pas le Canada, c'est l'Amérique du Nord.

Je souhaiterais vivement qu'une politique fédérale réfléchisse à ce genre de problème pour permettre le financement nécessaire à une telle industrie. Il n'y a pratiquement aucun incitatif dans ce secteur encourageant les investisseurs privés à s'y lancer en espérant faire des bénéfices et c'est un problème fédéral.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup. Suivant.

[Français]

M. Alan Andrews (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Alan Andrews et je suis directeur du département de théâtre de l'Université Dalhousie. Puisque je pense en anglais, il m'est très difficile de m'exprimer en français. Je m'en excuse.

• 2045

[Traduction]

Quand je me compare à d'autres chefs de département de l'Université Dalhousie, et quand je considère les ressources qui sont mises à leur disposition par le gouvernement fédéral, je suis frappé par le fait qu'il y a des conseils de recherche subventionnaires qui injectent des sommes d'argent considérables dans la recherche scientifique, dans la recherche médicale, dans la recherche en sciences sociales et dans la recherche en sciences humaines. Mais pour ce qui est des arts, aucun organisme fédéral n'offre le même genre de soutien—et je pourrais ajouter que le soutien actuel ne finance pas simplement les activités de recherche mais souvent les congés pour activités professionnelles des chercheurs afin que de nouveaux enseignants puissent être engagés pour les remplacer.

Il me semble que dans tout argument en faveur de la culture, ou du moins dans le secteur universitaire ou pour les arts dans le secteur universitaire, l'inclusion d'une demande de financement parallèle pour les arts dans les universités serait des plus opportune. Permettez-moi par conséquent de vous suggérer un moyen qui d'après moi pourrait être utilisé et qui serait également avantageux pour les jeunes artistes dans le contexte universitaire. Je pourrais ajouter, en passant, que notre département de théâtre est celui qui a connu la plus forte croissance sur le plan des inscriptions à l'université cette année, ce qui est révélateur.

Il y a des moyens dont le financement fédéral pourrait être utilisé pour soutenir les arts, tout autant que l'enseignement des arts à l'université. Dans les années 70, sous l'égide du Conseil des arts, il y avait un programme d'artistes résidents dans les universités. Les écrivains résidents étaient aussi financés par ce programme. Je n'ai jamais compris les raisons qui avaient rendu souhaitable au niveau de la politique de mettre fin à ce programme. C'était peut-être pour des raisons financières. C'est peut-être aussi parce que le Conseil des arts avait sur sa liste des projets plus prioritaires. Il a peut-être aussi été estimé que les universités viendraient au secours de ces programmes si le gouvernement fédéral s'en retirait.

Je peux vous dire que dans le cas de l'Université Dalhousie, tout au moins, cela n'a pas été le cas, d'une manière générale, bien qu'à l'occasion il nous arrive d'embaucher des artistes professionnels pour mettre en scène des pièces de théâtre, par exemple. Il me semble qu'il pourrait être judicieux, voire logique, que le gouvernement fédéral envisage la possibilité de rétablir ce programme qui renforce les liens entre les artistes et les programmes d'enseignement de l'art dans les universités.

J'ai dit tout à l'heure qu'il nous arrive d'embaucher des metteurs en scène. Généralement, le genre de personnes que nous embauchons pour nous aider au département et pour mettre nos étudiants en contact plus direct avec des professionnels sont des jeunes qui sont au début de leur carrière, qui ont en fait un besoin de soutien supplémentaire dans le travail qu'ils font. Ma suggestion, pour ce qu'elle vaut, est qu'une des choses que le gouvernement fédéral pourrait faire, mais qu'il ne fait pas pour le moment, serait de restaurer ce programme d'artistes résidents ou d'écrivains résidents dans les universités. Cela sera tout bénéfice pour l'enseignement de l'art dans les universités. D'ailleurs on pourrait également l'étendre aux écoles. Personnellement j'appuierais fortement cette idée. Cela serait avantageux non seulement sur le plan éducatif, mais en plus cela assurerait aux artistes un moyen de subsistance supplémentaire.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Je crois qu'il y a une autre personne qui aimerait prendre la parole. Je vous en prie.

M. Geoff McBride (témoignage à titre personnel): Bonsoir. Je m'appelle Geoff McBride. Je porte un certain nombre de casquettes ce soir. Je suis acteur indépendant, producteur et écrivain et je travaille comme technicien de scène. Je suis membre du conseil de la Canadian Actors' Equity Association. Je suis aussi membre de la NSPTA et membre de plusieurs sous-comités.

J'aimerais commenter deux choses que j'ai entendues ce soir et répondre à certaines des questions.

Pour ce qui est de la nouvelle technologie, M. Chaddock a tout à fait raison. Les meilleures technologies dont je dispose sont mon esprit, mes mains et mon imagination. Pour faire mon travail, je dois veiller à la bonne santé de mon esprit et de mon corps.

• 2050

On nous pose souvent des questions sur les anciennes technologies. J'aimerais bien pouvoir me procurer certaines anciennes technologies avant d'obtenir les nouvelles. Je travaille dans une petite compagnie de théâtre dirigée par des artistes. Nous avons un budget très limité que nous gérons jusqu'au dernier sou. Cela dit, si vous n'utilisez plus ces boîtes de son après, je serais très heureux de vous en débarrasser.

Parlons maintenant des ressources, surtout des ressources humaines. J'ai participé à la conférence sur le théâtre de Saskatoon. Nous avons eu un certain nombre de discussions en petits groupes, sur divers sujets. Nous avons constaté entre autres que les ressources humaines sont très importantes. On a dit également qu'il faut être conscient de ce que nous imposons un travail énorme à nos bénévoles. On me verse un certain salaire pour le travail que je fais au sein de la compagnie de théâtre, mais je dois également effectuer ce travail pour que la compagnie puisse continuer d'exister. Cela nuit à mon travail et à ma capacité de le faire.

Il y a également un autre élément que mon collègue d'Equity n'a pas soulevé. C'est lorsqu'on demande aux organisations d'en faire moins que l'on commence à effectuer des compressions. À Equity, les règles qui régissent l'entreprise sont énoncées sous forme de manuel intitulé «Canadian Theatre Agreement». On y énonce les normes que doivent appliquer les théâtres professionnels. Les théâtres de notre région—et cela se fait partout au Canada—nous demandent souvent des conditions moins bonnes que ce qui est énoncé dans cet accord. Il peut s'agir de choses aussi simples que le montant du cachet d'un artiste, le temps consacré aux répétitions, etc. C'est dans ces domaines-là que les compressions nous touchent vraiment.

S'il n'est pas possible de tenir des répétitions pendant quatre semaines par manque d'argent, vous ne pourrez peut-être répéter que pendant deux semaines. Mais puisque vous ne répéterez que pendant deux semaines, vous devrez trouver un local moins coûteux pour les répétitions. Cela ne permet pas toujours de respecter l'intérêt de tous en matière de santé et de sécurité. Il en va de même pour les artistes visuels. Si vous utilisez des matériaux dangereux et que vous ne pouvez pas vous offrir un bon système de ventilation, votre santé s'en ressentira. J'espère que vous tiendrez compte de ces considérations dans votre examen.

Enfin, je souhaiterais répondre à la question sur l'analogie avec une entreprise. Cette analogie vise-t-elle à justifier des compressions? Oui, je crois que c'est le cas. Nous en avons vu les effets. On essaie d'appliquer ce modèle d'entreprise à d'autres établissements. On a pu constater les effets que cette approche peut avoir sur des institutions comme l'armée ou comme les soins de santé. Il est difficile d'appliquer ce moule aux arts et à la culture car alors il faut couper ce qui dépasse.

Nous ne faisons pas de profit parce que nous ne sommes pas une entreprise. Mais parce que nous ne faisons pas de profit, les gens croient que nous gérons mal nos affaires. Nous n'avons pas suffisamment d'argent pour mal le gérer. Qu'on me donne déjà les fonds pour que j'en aie suffisamment.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je tiens également à remercier tous les participants à cette discussion, car j'ai trouvé très agréable d'écouter, dans la salle, mes préoccupations reprises et exprimées. Je sais qu'elles seront inscrites au compte rendu de votre comité.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres interventions?

Mme Jane Condon (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Jane Condon. Je me décrirai comme une bureaucrate ou une administratrice des arts à la retraite. Je ne suis plus vraiment de première fraîcheur et je me suis demandé toute la soirée si je présenterais mon témoignage. J'ai participé à je ne sais plus combien de réunions de comités permanents par le passé, mais jamais à Halifax. Je suis très contente que vous soyez là.

Je suppose que je suis ici pour deux raisons. Vous nous avez demandé des raisons précises. J'en ai écrit quelques-unes, mais non pas parce qu'elles sont originales. Je les ai notées en entendant les gens parler et je me suis dit que j'essaierais d'en faire une synthèse. Et je voudrais également faire une observation, non pas aux membres du comité mais à tout le monde.

Les comités permanents ont davantage favorisé ce secteur à l'échelon fédéral que n'importe quel bureaucrate ou ministre que je puis nommer. Ils ont été solides, constants et ont exercé des pressions pour faire avancer les dossiers. Si vous, membres du comité, pouvez vous en tenir à cette ligne, nous pouvons sans doute compter sur quelque chose de positif. Vous l'avez fait côté fiscal—pas vous individuellement. Vos prédécesseurs ont fait avancer le dossier de la reconnaissance des artistes sur le plan de l'impôt sur le revenu et des droits d'auteur. Ce sont là les dossiers qui me reviennent à l'esprit. Ils ont également défini une politique pour les musées et je ne me souviens plus du reste.

• 2055

Mais la liste est longue. Votre passé est éloquent et madame Tremblay, bravo, continuez sur votre lancée. Ne vous arrêtez pas. Je suis désolée, mais je suis partie. Excusez-moi.

Ingrid, non. Ils ne sont pas suffisamment organisés pour parler de conspiration. C'est de l'indifférence. C'est de l'incompétence. Ce n'est pas une conspiration. S'ils veulent tant imposer une structure commerciale, s'ils veulent tant que le secteur à but non lucratif, les industries culturelles, le secteur du patrimoine artistique rentrent dans leurs frais, c'est parce que le Canada est le seul pays du G-7 ou des pays occidentaux industrialisés à n'avoir enregistré aucun gain de productivité au cours des cinq dernières années.

Qui nous dit que nous ne pouvons pas nous en sortir? Nos résultats sont fort bons. Notre bilan est meilleur dans le domaine des enregistrements sonores, de l'édition. Vous pouvez assister à des pièces de théâtre dans des théâtres canadiens, écouter des musiciens canadiens sur des scènes canadiennes. Tout cela n'existait pas il y a 20 ans, mais nous enregistrions une productivité industrielle. Eh bien maintenant, nous sommes les seuls à croître à l'heure actuelle.

Je n'ai fait que gribouiller des trucs, je suis désolée, je n'ai absolument pas de plan.

Nous savons que notre secteur contribue à une meilleure santé mentale et physique, que les enfants qui suivent des cours d'art obtiennent de meilleures notes en mathématiques, en histoire, en sciences, et ainsi de suite. Cela revient à ce que vous disiez à propos de l'imagination et de la créativité.

Nous sommes en train de passer à une économie fondée sur la matière grise. Nous apprenons à nos enfants—quel est le nouveau mot qui remplace dactylographier?—à saisir des données et à fabriquer des logiciels pour ordinateurs. Nous ne leur enseignons pas à faire une phrase qui se tienne. Nous ne leur enseignons pas à composer un paragraphe de façon logique, et nous leur expliquons encore moins quoi que ce soit de complexe. Ils auront des compétences techniques mais aucune culture. C'est ce que nous avons essayé de dire à Francis Fox en 1980. Je vieillis.

En outre, nous protégeons l'environnement à une époque où ce monde ne peut pas se permettre d'accepter la pollution provenant des autres ressources naturelles. Or, nous avons une ressource naturelle qui est constamment renouvelée, qui peut être constamment renforcée. Et nous avons décidé de ne pas le faire? Quelque chose doit m'échapper. Il y a un hiatus.

Que peut faire le gouvernement fédéral? M. Martin peut se pencher de nouveau sur son budget et proposer l'étalement des revenus d'un secteur dont les revenus sont en dents de scie et qui n'est pas absolument pas favorisé par les compressions budgétaires. Le gouvernement pourrait proposer des incitatifs fiscaux permettant de bonifier les dons individuels versés aux associations caritatives de notre secteur. De meilleurs mécanismes pourraient être mis en place pour offrir des capitaux aux petites entreprises et aux entrepreneurs qui veulent assurer leur croissance.

Les grosses entreprises ont également besoin d'incitatifs fiscaux. Ce sont les grosses entreprises qui sont dorénavant invitées—non pas directement par le gouvernement, mais nous devons le faire—à assumer une partie ou la totalité du rôle que le gouvernement jouait en faveur des arts.

Or, elles ont très peu d'incitatifs. Et ce, sans parler des accords internationaux qui avalent une plus grande partie de notre économie, de nos grosses entreprises qui ne sont plus canadiennes. Alors, nous allons voir ces entreprises et nous leur disons qu'elles devraient financer la culture canadienne parce qu'elle est importante à leurs yeux? Ce n'est pas le cas.

• 2100

Le gouvernement fédéral pourrait aussi être logique. On demande à tout le monde, et ce secteur n'y échappe pas, de dresser des plans d'entreprise. Ces plans sont dressés pour un an, idéalement pour deux ans, avec projection sur cinq ans. Or, dites-moi comment on a pu faire des projections dans ce secteur pour les huit dernières années? C'est impossible, absolument impossible.

C'est là le paradoxe. Les entrepreneurs oublient lorsqu'ils siègent à des conseils des arts. Nous portons le secteur capitaliste aux nues. Le gouvernement nous dit que nous allons devoir nous inspirer des entreprises. Il nomme des gens à des conseils parce qu'ils sont compétents. Ils savent gérer leurs entreprises. C'est le côté sexy de la chose qui doit les atteindre. Je ne sais pas ce qui se passe, mais ils oublient trop souvent. Une fois qu'ils siègent au conseil d'administration du théâtre, de l'orchestre symphonique ou de la galerie d'art local, ils oublient les principes élémentaires de gestion. Ils n'appliquent pas les mêmes principes malgré le fait qu'on leur a demandé de siéger à ces conseils. Cela ne vaut pas pour tout le monde. Les généralisations sont truffées d'exceptions, n'est-ce pas? Mais cela se produit beaucoup trop souvent et ceux qui les ont nommés se demandent ensuite pourquoi les choses ne tournent pas rond.

J'ai géré certains de ces organismes à but non lucratif et j'ai également travaillé dans le secteur privé. À mon avis, les organismes à but non lucratif étaient beaucoup mieux gérés et non pas simplement parce que l'argent manquait, mais parce que ceux qui s'en occupaient avaient les intérêts de l'organisme en question à coeur et faisaient tout pour rentabiliser chaque sou. Lorsque l'argent rentre, il doit servir à la production. C'est un tout autre état d'esprit et peu importe que la tirelire soit remplie ou non. Les gens s'en servent pour atteindre leur objectif premier qui, dans le domaine des arts, est la communication.

Droit d'auteur. Il serait bon de reconnaître le statut de l'artiste. Eh oui, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle qui va de soi, c'est celui de nous aider à diffuser nos oeuvres. Il faut donc financer les tournées et les expositions itinérantes. Je suis contente que nous ayons enfin les assurances voulues pour les expositions d'oeuvres d'art et pour les oeuvres du patrimoine. C'est une bonne chose. On n'aurait jamais dû les supprimer. Mais j'en reviens à la logique. Elle existe, elle n'existe pas, elle existe, elle n'existe pas, elle existe, elle n'existe pas. Et nous sommes censés établir des plans?

Je vous souhaite beaucoup de succès. Merci d'être venus. Vous avez du pain sur la planche, mais n'abandonnez pas.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci infiniment de vos bons conseils.

Nous avons commencé en retard et nous pourrions peut-être prolonger notre séance de cinq autres minutes. Quelqu'un d'autre voudrait-il intervenir?

Mme Jan Marontate (témoignage à titre personnel): Je suis professeur à la Acadia University. Je travaille dans le domaine de la sociologie des arts et j'ai enseigné l'histoire de l'art.

Brièvement, vous semblez chercher des arguments et je voudrais vous signaler trois programmes qui pourraient peut-être vous aider puisque je crois que vous tenez tous à trouver des solutions intéressantes ou du moins c'est ce que vous voulez.

Vous connaissez évidemment tous l'argument d'avant-guerre selon lequel en payant des salaires de plombier à des artistes, ils créeraient les meilleures oeuvres d'art au monde; vous savez aussi ce qui est arrivé aux artistes américains de l'après-guerre qui avaient été subventionnés pendant la Dépression. Vous savez probablement que cette idée reposait sur l'exemple mexicain du mouvement muraliste et sur la vision éclairée du ministre de l'Éducation lorsque ce projet a été lancé, un certain José Vasconcelos.

Vous devriez revoir ses arguments, qui étaient fort intéressants, mais qui étaient davantage à consonance idéologique. Il s'agissait d'amener les oeuvres d'art aux gens dans des écoles en plein air sans parler de myriades de programmes intéressants portant sur l'identité.

• 2105

Aux États-Unis, évidemment, le fond et la forme se sont mariés de façon très concrète non seulement en assurant le succès du secteur des arts mais de tout ce qu'il touchait. Je ne vais pas m'attarder là-dessus, mais à l'heure actuelle, aux Pays-Bas, il y a un projet intéressant appelé deuxième Plan Delta pour la préservation du patrimoine culturel, qui ne fait pas grand-chose pour les artistes vivants mais qui présente des arguments intéressants sur lesquels vous voudrez peut-être vous pencher.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Nous allons mettre fin à cette séance en passant la parole à quelques-uns de nos députés. Tout d'abord Joe et Suzanne, et Wendy, vous pourrez avoir le dernier mot.

M. Joe Jordan: Je voudrais faire deux observations. J'ai l'intention d'emprunter l'expression «Nous n'avons pas suffisamment d'argent pour nous permettre de mal gérer notre entreprise» car je pense que c'est une bonne façon de mettre les choses en perspective.

Pendant l'avant-dernière intervention, j'ai vu beaucoup de gens hocher la tête et j'ai eu l'impression qu'ils en avaient assez de parler logique à un mur. Je crois qu'en l'espèce, il faut tenir compte de la dimension politique et en partie... Premièrement, et je me porte à la défense du budget, le gouvernement a constaté qu'il valait mieux sur le plan politique en faire beaucoup pour peu et non en faire peu pour beaucoup.

Nous avons donc eu un budget d'éducation. Il aurait fallu avoir des consultations nationales avant de le financer, mais c'est ce que nous avons fait. Nous nous penchons sur d'autres secteurs comme l'environnement, comme l'éducation des enfants de 0 à 6 ans. Mais les décisions politiques sont des décisions politiques et cela ne devrait surprendre personne. Je crois que le ministre des Finances, sur le plan de la hiérarchie des besoins de Maslow, a descendu un peu le long de l'échelle et ce, pour une très bonne raison. Ce sont des domaines qui avaient été négligés. J'espère que maintenant nous remontons l'échelle.

Mais l'impression demeure que nous sommes en position minoritaire. Je ne sais pas si tel est le cas ou non, mais c'est ce qui transparaît. Si je parlais de ces choses-là en caucus, les gens voudraient sans doute m'inviter à leur prochaine soirée, mais ça n'irait pas plus loin. Si vous vous attendez à ce que la classe politique montre le chemin, pensez-y. Cela se produit-il souvent? Je crois que c'est un ensemble de choses.

Hier, on nous a donné une très bonne définition de la culture; cette femme nous a dit que la culture était l'estime de soi d'une société et que si nous nous connaissons et si nous nous comprenons, nous arriverons à survivre. Mais cela dépasse ce simple cadre. Les gens qui le comprennent, qui le croient... S'ils ne sont qu'une faible minorité ou s'ils sont perçus comme tels, où trouver la volonté politique pour faire avancer les choses?

Je fais partie d'un certain nombre de comités et ce comité est très intéressant car je crois que tous ceux qui y restent ont cette cause à coeur. Et c'est le comité le moins sectaire dont je fais partie. Un membre du Parti réformiste en est le président et Mme Tremblay parle avec éloquence de la nécessité de protéger la culture canadienne. Ce comité est donc fort intéressant.

Nous essayerons de lutter, mais il faut aussi relever le profil des arts chez les Canadiens parce que si vous voulez que les choses bougent rapidement, c'est ce qu'il faut faire. Nous n'avons pas le temps de nous pencher là-dessus maintenant, mais la pente est descendante. Nous n'accordons pas de valeur aux arts. Nous ne les protégeons pas, nous n'en avons pas. Cela a un effet Pygmalion. Nous n'en avons pas besoin.

Si le statu quo c'est de perdre, c'est précisément ce que nous faisons, car il est très facile d'ériger des obstacles. Il faut donc nous demander comment nous allons resserrer les liens avec la population et lui montrer que la culture est l'estime de soi de sa société. Je pense que les décisions politiques se feront longtemps attendre et je ne veux pas simplement parler des élus mais également de la bureaucratie.

• 2110

Nous avons toute une génération de fonctionnaires dont les promotions ont été fonction de la capacité de réduire, de dissimuler et de transférer les coûts. Alors cette situation existe. Il faut s'en rendre compte et il faut commencer à chercher les moyens de communiquer directement avec les gens. Al, certains de vos propos étaient nécessaires. Il fallait que ces choses-là soient dites et entendues. Collectivement—malheureusement—les niveaux de financement sont tellement faibles qu'il y a une concurrence féroce entre les organismes pour l'obtenir, ce qui est pathétique.

Hier, à St. John's, on nous a dit qu'on a essayé de mettre sur pied une exposition sur l'arrivée des Vikings en Amérique du Nord, et que le musée canadien les faisait payer pour se servir des artefacts tandis que le musée finnois ne le faisait pas.

Il y a alors beaucoup de choses à faire. Il y a beaucoup de pain sur la planche, mais il faut surtout trouver un moyen de créer la demande. Je vais faire preuve de prudence en vous faisant part de mes analogies commerciales, mais nous devons envisager comment le faire.

Un dernier point. Mike Harris a interdit la chasse aux ours du printemps en Ontario. Pour ceux qui ne viennent pas de l'Ontario, cela représente une volte-face en moins de six heures. Le Fonds mondial pour la nature a produit un vidéoclip montrant des ours qui se faisaient abattre au moment où ils mangeaient—c'est comme tirer des animaux au zoo; d'abord vous les habituez à venir manger dans un seau et puis un jour vous les abattez. On a également parlé du fait que ces oursons sont maintenant des orphelins. Le Fonds a préparé ce vidéoclip, qui n'a montré qu'un côté de la médaille, et ensuite il a envoyé ces 5 000 vidéocassettes dans les six circonscriptions les plus près de celle du premier ministre. Cette décision—je crois que vous aurez déjà compris de façon latente la valeur qu'accordent ce gouvernement, ces partis, à la culture. Dans le cas de Mike Harris, l'interdiction de la chasse aux ours au printemps n'était pas raisonnée. Il s'agissait d'une décision purement politique, une décision qui a été prise très rapidement.

Je ne sais pas si oui ou non on devrait envisager une telle stratégie, mais on devient très frustré à force de répéter les choses qui ont du bon sens mais dont on fait toujours fi. À un moment donné, il faut regarder comment sont prises les décisions. Plutôt que demander poliment des miettes, je crois que vous devriez adopter une approche plus agressive et je crois que nous pourrions vous être utiles à ce sujet.

Je vous lance cette idée. Malheureusement, il est déjà 21h15. Je pourrais peut-être soulever cette question devant une autre assemblée et voir où le débat nous mène. Si vous désirez consigner vos observations par écrit, je serais heureux de les recevoir.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Joe.

La parole est maintenant à Suzanne, et ensuite Wendy va résumer.

Mme Suzanne Tremblay: Premièrement, je demanderais aux personnes qui se sont présentées devant le microphone de nous faire parvenir leurs notes. Je vous en saurais gré. Je vous demande de consigner par écrit ce que vous avez dit et de nous le faire parvenir. Je vous en saurais gré. C'était fort intéressant, surtout la dernière dame qui a pris la parole, et tous ceux qui ont parlé au micro.

Je vous parle en anglais parce que bien des gens n'ont pas accès à la traduction. J'espère que vous allez comprendre même si je suis un peu fatiguée. Je dois dire que je suis toujours un peu attristée quand je vois l'attaque qu'on mène contre les écoles. Les écoles sont ce qu'elles sont. C'est nous qui les faisons. Les enfants ne sont pas responsables de ce qui se passe dans les écoles. Il faut assumer nos responsabilités. Si nous ne sommes pas contents de nos écoles, il faut demander au ministre de l'Éducation de changer le programme.

Depuis 20 ans au Québec, il est obligatoire, dans chaque école, que tous les enfants suivent au moins deux cours d'art. Ils ont un choix entre quatre cours: la danse, les arts dramatiques, la musique et les arts visuels. Ils ont des activités parascolaires en dehors de l'école. Ils ont du théâtre. Ils ont des visites aux musées. Ils ont toutes sortes de choses.

• 2115

Ils ont également accès à Internet, qui les fait voyager dans le monde entier: ils peuvent aller dans les que la plupart n'auront jamais l'occasion de visiter en personne. Je sais que de nombreux enfants au Québec ont visité le Louvre par l'entremise d'Internet. Il est important que ces enfants soient à l'écoute de leur époque. Nous ne pouvons pas vivre sans Internet maintenant. Nous devons apprendre comment vivre avec Internet. Mais il faut savoir comment en tirer profit. C'est ça qui est important.

Avant de faire le saut en politique, j'ai passé 35 ans de ma vie à former des enseignants au niveau préscolaire et primaire. Je disais toujours à mes étudiants: «N'ayez pas peur. Cela va être difficile, mais rappelez-vous que l'enseignant dans la salle de classe doit faire face à un grand défi: nous devons être mieux que ce que les enfants voient à la télévision.»

Ils doivent se servir de la craie et des tableaux pour faire des illustrations en géographie, en arts. Ils n'ont pas ces belles choses en trois dimensions. Ils doivent se servir des vidéocassettes, ils doivent présenter des films, ils doivent se servir de la télévision. Ce sont les outils d'aujourd'hui.

Si nous visitons ces écoles, nous allons constater que ces enfants, puisqu'ils entrent en communication avec les enfants des autres régions ou des autres pays du monde, doivent apprendre comment écrire. Il nous incombe de le leur enseigner. J'espère que nous allons travailler ensemble à cet égard.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Wendy.

Mme Wendy Lill: Je tiens à vous remercier tous d'être venus ici. Je vous remercie de nous avoir invités chez vous. C'est votre chez-vous. Nous vous avons écouté et nous allons ajouter ce que vous avez dit à notre masse de renseignements, une masse qui croît sans cesse. Il faut tenir compte de bien des choses au fur et à mesure que nous abordons ce travail. Je vous remercie de votre contribution. Merci. Bonsoir.

Le vice-président (M. Inky Mark): Au nom du comité, nous tenons à vous remercier de votre présence et de votre apport. Comme certains parmi vous le savent déjà, nous avons tenu trois séances aujourd'hui, et elles ont toutes été très dynamiques et très différentes. Vos réflexions ont certainement produit un impact sur nous, les membres du Comité du patrimoine. Nous allons certes tenir compte de votre message et le transmettre à Ottawa. Ce soir vous m'avez facilité la tâche. Merci beaucoup.

La séance est levée.