CHER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 février 1999
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La réunion du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité permanent procède à une série de tables rondes sur l'évolution du rôle que joue le gouvernement pour appuyer la culture canadienne, dans un contexte national et international en constante évolution.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie d'être venus. C'est un honneur pour nous de nous retrouver parmi vous aujourd'hui.
Habituellement, nous écoutons les témoins nous présenter leurs exposés. Mais cette fois-ci, nous avons décidé de réunir les membres du comité et les orateurs invités en une table ronde, dans l'espoir de susciter un échange plus fructueux et d'aborder ensemble les questions qui ont de l'importance à vos yeux.
Notre comité entreprend actuellement une étude sur les défis suscités, en cette veille du XXIe siècle, par la mondialisation du commerce et de l'économie, les technologies nouvelles, Internet et d'autres facteurs, qui auront des effets sur notre culture et sur nos instruments culturels, sans compter les changements démographiques qui transformeront le Canada actuel en une société tout à fait différente au cours du XXIe siècle.
Le comité qui nous a précédés avait commencé cette étude avant les dernières élections et le nôtre a heureusement décidé de poursuivre ce travail. Nous désirons examiner d'abord les mesures de soutien déjà mises en place par le gouvernement fédéral et nous demander comment ces mesures nous permettront de faire face aux défis du prochain millénaire (par exemple la réglementation sur la propriété et le contenu culturel, les subventions aux institutions fédérales ou encore les incitatifs fiscaux).
[Français]
Comme je le disais, les trois principaux défis qui nous confrontent, du moins pour ce qui concerne les besoins de notre étude, sont l'arrivée de nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et du commerce international et, enfin, l'évolution démographique de notre pays.
Dans un premier temps, les membres de ce comité ont cherché à bien se renseigner. Il y a un an, nous avons tenu un forum parlementaire sur la politique culturelle, le commerce international et la technologie au cours du prochain millénaire. À cette occasion, nous avons organisé des tables rondes sur divers secteurs: les arts, la patrimoine, l'industrie de la télévision, le cinéma et la vidéo, ainsi que la radiodiffusion et l'enregistrement sonore.
Ce forum a donné de très bons résultats. Il a permis de dégager quelques grands thèmes que nous aurons, je l'espère, la possibilité d'examiner aujourd'hui ou ce soir avec vous.
[Traduction]
Nous avons entendu des représentants des institutions culturelles fédérales ainsi que des hauts fonctionnaires de divers ministères. Nous avons reçu des mémoires d'experts sur l'avènement des nouvelles technologies, le commerce international et l'évolution démographique.
Au cours de cette dernière phase, nous espérons, grâce à ces tables rondes, étudier certains sujets précis sur lesquels nous voulons vous consulter, vous qui êtes aux premières lignes de l'industrie culturelle. Nous voulons savoir comment vous faites pour survivre dans le milieu culturel et comment vous ferez pour relever les défis du siècle prochain.
Dans un cadre comme celui-ci et avec si peu de temps, il est bien entendu impossible de couvrir beaucoup de terrain, mais nous souhaitons avancer le plus possible. Au verso de vos programmes, vous trouverez cinq questions dont nous vous demanderons de traiter, mais vous n'êtes pas tous obligés d'aborder les cinq sujets. Vous pourrez traiter d'une ou deux questions, ou d'une combinaison de celles-ci.
Ce qui nous intéresse, ce sont vos opinions, et nous espérons, à la fin de la semaine, avoir obtenu quelques réponses quant au rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer à l'avenir pour appuyer le secteur culturel. Le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle d'organe de réglementation, de législateur, de propriétaire-exploitant d'institution nationale, de partenaire financier, de mécène, de promoteur ou d'organisateur d'entreprise?
[Français]
Naturellement, les deux langues sont de mise. Vous pouvez employer celle que vous préférez. Nous n'attendons pas des discours, mais plutôt des interventions brèves afin que l'échange d'opinions se déroule rondement.
[Traduction]
Pour commencer, je demanderais à chaque participant de se présenter très brièvement. Nous ne voulons pas un CV complet, mais simplement votre nom, ce que vous faites et votre rôle dans le secteur artistique et culturel. Puis je vous inviterais à faire quelques observations. Nous vous demandons d'être brefs, et de vous en tenir à deux ou trois minutes. Cela nous permettra d'avoir cinq ou six tours de questions et de nous pencher sur les divers problèmes qui en découleront.
Sans plus tarder, je vous demande de vous présenter.
Mme Rose Marie Sackela (représentante, Rocky Mountain House French Immersion Kindergarten Society; Rocky Mountain House Chapter, Canadian Parents for French): Je m'appelle Rose Marie Sackela. Je représente la Rocky Mountain House French Immersion Kindergarten Society (jardin d'enfants en immersion française de Rocky Mountain House) et la section Rocky Mountain House de l'association Canadian Parents for French ainsi que le programme d'immersion française de cette dernière.
Je suis institutrice pour l'Alberta Teachers' Association et je suis aussi journaliste à la pige à l'heure actuelle. J'ai enseigné les études sociales et les arts en langue anglaise dans les écoles publiques pendant un peu moins de 20 ans. J'ai deux enfants dans une école d'immersion française, un en 11e année et l'autre en 6e année.
Le programme de Rocky Mountain House sortira ses premiers diplômés en immersion française cette année, à la fin de la 12e année. Le programme est offert de la maternelle à la 12e, et c'est uniquement grâce à l'appui du gouvernement fédéral que nous avons pu mettre ce programme sur pied et continuer de l'offrir. Rocky Mountain House se trouve dans le milieu culturel du centre de l'Alberta.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez la bienvenue, et merci.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Eric Lowther et je suis député de Calgary-Centre, porte-parole adjoint du Parti réformiste pour les questions touchant le patrimoine. Une chose est certaine, je suis ici davantage pour m'instruire qu'en tant qu'expert. Je suis père de famille, j'ai deux filles et un fils qui s'investissent tous beaucoup dans le monde artistique, la musique, le dessin, les arts d'interprétation, les chorales, etc. Notre famille adore les arts, mais plus en tant que consommateurs que fournisseurs, jusqu'à récemment avec mes propres enfants. Je suis ici pour apprendre et poser des questions et je suis ravi de participer à ces discussions.
Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
[Français]
Mme Louisette Villeneuve (présidente, Association canadienne-française de l'Alberta): Bonjour. Je m'appelle Louisette Villeneuve et je suis présidente de l'Association canadienne-française de l'Alberta. Je représente les 60 000 francophones qui habitent en Alberta. Notre association est impliquée dans le domaine des arts et de la culture. Nous avons un secteur spécial pour les arts et la culture et nous aidons au développement artistique et culturel des francophones et francophiles de l'Alberta. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue.
[Traduction]
M. John Mahon (directeur exécutif, Conseil des arts d'Edmonton): Je m'appelle John Mahon et suis le directeur exécutif du Conseil des arts d'Edmonton. C'est un organisme qui regroupe plus de 250 membres, tous artistes. Il a été créé par la municipalité d'Edmonton en vue de distribuer les fonds alloués par celle-ci aux arts et aux festivals, et pour conseiller la municipalité sur la politique artistique et culturelle; le Conseil est là aussi pour participer à un maximum de forums et de tribunes, pour s'assurer que les artistes, les organisations artistiques et les arts et la culture sont bien desservis par la ville d'Edmonton.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez le bienvenu.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Benoît Sauvageau. Je suis député du Bloc québécois et je représente la circonscription de Repentigny, au nord-est de l'île de Montréal. Je suis aussi porte-parole en matière de Commerce international pour mon parti. Comme le disait mon collègue réformiste, nous faisons cette tournée surtout pour écouter et, effectivement, nous apprenons beaucoup. Donc, c'est un plaisir d'être parmi vous. Je vous remercie et je nous souhaite un bel après-midi.
[Traduction]
M. Peter Savaryn (président, Société commémorative ukrainienne de l'Alberta): Je m'appelle Peter Savaryn et suis le président de la Société commémorative ukrainienne de l'Alberta. Je m'intéresse à la culture en général et au multiculturalisme au Canada.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous vous souhaitons la bienvenue.
[Français]
Mme Adriana A. Davies (directrice exécutive, Association des musées de l'Alberta): Bonjour. Je m'appelle Adriana Davies. Je suis la directrice de l'Association des musées de l'Alberta, qui représente plus de 200 musées et plus de 500 membres individuels.
[Traduction]
Je m'appelle Adriana Davis. Je suis directrice exécutive des Musées de l'Alberta, l'association des musées de la province. Nos membres regroupent plus de 200 musées et plus de 500 particuliers.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez la bienvenue.
M. Mark Muise (West Nova, PC): Je suis heureux de retrouver le comité après une journée d'absence. Je m'en excuse.
Je m'appelle Mark Muise et je suis député de West Nova, en Nouvelle-Écosse. Je suis le porte-parole du Parti progressiste-conservateur pour les questions touchant le patrimoine et membre du Comité permanent du patrimoine canadien. Je suis heureux d'être des vôtres aujourd'hui.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bienvenue.
Mme Heather Redfern (directrice générale, Catalyst Theatre): Bonjour. Je m'appelle Heather Redfern et suis la productrice artistique du Catalyst Theatre à Edmonton. Si je participe à vos délibérations aujourd'hui, c'est parce que le financement de Patrimoine Canada a eu une incidence directe sur notre société. Nous ne recevons pas les fonds nous-mêmes, mais nous avons dû annuler une tournée dans l'est du Canada au printemps parce que le financement alloué au festival auquel nous devions prendre part a été réduit. C'est pour cette raison que je m'intéresse personnellement ou que mon entreprise s'intéresse à ce débat.
• 1115
En outre, nos activités sont assez avant-gardistes. Il existe
sans nul doute bon nombre de sociétés comme la nôtre dans le pays
qui ont eu beaucoup de chance en trouvant des endroits où présenter
leurs oeuvres à l'échelle internationale, mais dans notre propre
pays, il nous a été extrêmement difficile de voir ce que les autres
faisaient ou de trouver des endroits où présenter notre travail à
des auditoires dans le pays.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez la bienvenue, Heather.
M. Todd Janes (directeur exécutif, Latitude 53 Society of Artists): Bonjour à tous. Je m'appelle Todd Janes et je suis le directeur exécutif de la Latitude 53 Society of Artists. Nous sommes un centre artistique qui a été créé il y a 26 ans et qui représente plus de 300 artistes, auteurs et producteurs culturels dans tout le nord de l'Alberta.
Je suis ravi que le comité ait décidé de venir à Edmonton aujourd'hui pour tenir cette table ronde, et je félicite les membres du comité d'avoir entrepris cette étude permanente sur la culture dans notre pays. Ce qui m'intéresse vivement, c'est de savoir comment nous allons focaliser l'attention et les initiatives du secteur culturel en vue de favoriser, soutenir et développer les oeuvres expérimentales dans tout notre pays.
Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Soyez le bienvenu.
Mme Elizabeth Whitlock (directrice générale, Opéra d'Edmonton): Bonjour. Je m'appelle Elizabeth Whitlock et je suis la directrice générale de l'Opéra d'Edmonton. C'est l'une des deux sociétés professionnelles qui existent en Alberta et, cette saison, notre société fête son 35e anniversaire.
Comme vous le savez certainement, l'opéra est une activité très onéreuse. Nous comptons évidemment sur le financement gouvernemental ainsi que celui du secteur privé et les recettes aux guichets. Nous faisons de gros efforts pour sortir du cadre de l'opéra classique traditionnel sur scène, pour essayer de trouver des façons de promouvoir de nouvelles oeuvres canadiennes tout en offrant de nouvelles possibilités aux jeunes chanteurs canadiens. Nous souhaitons vivement, grâce à nos discussions avec vous, essayer de trouver des façons de le faire.
Je suis ravie d'être ici.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
M. Bob McPhee (président-directeur général, Association de l'Opéra de Calgary): Bonjour. Je m'appelle Bob McPhee, récemment nommé directeur général et principal responsable de l'Opéra de Calgary. Auparavant, j'étais président-directeur général du Winspear Centre de l'Orchestre symphonique d'Edmonton.
Pendant les 15 dernières années, j'ai travaillé dans le monde orchestral. Lorsque j'ai quitté l'orchestre pour m'occuper d'un opéra, quelqu'un m'a signalé que j'étais le directeur d'orchestre à avoir survécu le plus longtemps dans notre pays—et je pense que le terme «survécu» est approprié. Je pense donc que c'est l'un des problèmes dont nous devons traiter au cours de cette discussion.
Je suis ravi d'être ici.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Félicitations pour votre nomination récente et soyez le bienvenu.
M. Vincent Varga (directeur exécutif, Musée des beaux-arts d'Edmonton): Bonjour. Je m'appelle Vincent Varga et suis le directeur exécutif du Musée des beaux-arts d'Edmonton. Nous aussi fêtons un anniversaire cette année, le 75e. Nous sommes l'institution culturelle la plus ancienne de la province d'Alberta. Nous sommes très fiers de pouvoir le dire aux gens et de fêter cet anniversaire cette année, et comptons bien être encore là dans 75 ans, surtout en partenariat avec Patrimoine Canada.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Félicitations et merci.
Monsieur Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Mauril Bélanger, député d'Ottawa—Vanier et secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien. Je suis très content d'être ici et j'espère que j'en profiterai pour apprendre.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Je m'appelle Sarmite Bulte, mais tout le monde m'appelle Sam. Je suis députée de Parkdale—High Park, à Toronto. Je siège au Comité permanent du patrimoine canadien et j'ai l'honneur de présider le sous-comité qui se déplace dans l'Ouest. Je suis également présidente du Comité du commerce international, des différends commerciaux et de l'investissement. Enfin, dans une vie antérieure, j'étais présidente de la Canadian Stage Company. Je suis ravie d'être ici.
Avant de commencer, je tiens à signaler qu'il y a des microphones à l'arrière de la salle. Je donnerai également la parole aux membres de l'auditoire s'ils ont des questions à poser au cours de nos deux heures de réunion. Encore une fois, je vous demande de faire des interventions brèves, pour nous permettre d'avoir un échange de vues véritable et enrichissant.
Qui veut commencer? Madame Davies.
Mme Adriana Davies: Comme je l'ai dit, l'Association des musées de l'Alberta représente plus de 200 musées. Si l'on y inclut les musées en cours de création et d'autres organismes culturels, cela nous amène sans doute à près de 300 membres. Les deux tiers de nos musées sont entièrement dirigés par des bénévoles. Bien entendu, le financement fédéral ne les touche pas directement.
J'aimerais aborder certaines questions. Tout d'abord, le financement des musées. La nouvelle politique des musées de 1990, qui était le fruit de trois ans de consultation avec le milieu des musées, prévoyait d'importantes augmentations du financement des musées par le biais du programme d'aide aux musées. Il n'y a pas eu de suite. En fait, le budget de ce programme a continuellement diminué jusqu'à cette année, où nous avons assisté à une modeste nouvelle injection de fonds, qui est loin de permettre d'atteindre les objectifs de 1990, ni même de compenser la diminution du financement réel dû à l'inflation au fil des ans.
• 1120
Pour ce qui est des ressources humaines des musées, comme vous
le savez, dans tout le pays les musées ont recours à un grand
nombre de bénévoles. En Alberta, plus des deux tiers des 200 musées
et plus, membres de notre association, sont dirigés entièrement par
des bénévoles. Cela impose un énorme fardeau à nos professionnels
dans le système, et j'ai inclus mon propre organisme, qui offre un
service consultatif aux musées. Nous sommes neuf. Il faut se
pencher sur les besoins en personnel des musées—petits, moyens et
grands—ainsi que sur les besoins en formation professionnelle
continue des employés des musées., Le transfert aux provinces des
fonds alloués au recyclage a créé de sérieuses lacunes auxquelles
il nous faut remédier.
S'agissant du rôle des gouvernements dans les activités et le développement des musées, dans bon nombre de pays d'Europe, la culture est considérée comme une fonction essentielle de tous les paliers de gouvernement. J'aimerais signaler qu'en France, le réseau routier n'est pas un service essentiel—on paie des droits de péage pratiquement partout où on va—mais la culture, elle, est financée par les quatre niveaux de gouvernement. Ce pays a un programme régional de financement du secteur culturel.
Malheureusement, au Canada, le financement du secteur culturel est considéré comme une activité facultative et les frais d'utilisation sont censés financer la plupart des activités culturelles. Sauf erreur, dans son Livre rouge, le Parti libéral reconnaissait l'importance que l'on doit accorder aux arts et au patrimoine dans une société démocratique. Ces secteurs sont étroitement liés à notre identité et c'est ce qui distingue notre pays des autres.
Nous demandons au comité de se rappeler ce postulat du Livre rouge et d'envisager les moyens par lesquels nous tous, autour de cette table, pourrons affermir l'identité canadienne et contribuer à faire de bons citoyens.
Quant au rôle et aux responsabilités des organismes de service et des musées nationaux, comme vous le savez tous, nous disposons d'une ressource importante dans la région de la capitale nationale. Il faut faire en sorte de trouver des moyens créatifs pour que les autres établissements du patrimoine ainsi que tous les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, puissent y avoir accès. Le programme d'expositions itinérantes, par exemple, n'a pas un financement suffisant. Avec l'avènement des technologies nouvelles, les musées n'ont pas les fonds voulus pour mettre toutes leurs ressources utiles sous une forme accessible par Internet. En outre, dans le domaine des ressources humaines, il faut absolument développer dans tout le pays des possibilités de détachement, de stages pratiques et de partage d'emplois.
S'agissant des responsabilités fédérales-provinciales dans le domaine du patrimoine, je pense que nous n'avons même pas encore commencé à exploiter ce potentiel et nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont les paliers supérieurs des gouvernements—tant fédéral que provinciaux—peuvent apporter leur collaboration dans ce domaine. Il ne faut pas non plus oublier le rôle du niveau municipal, car bon nombre d'organisations culturelles sont liées aux municipalités.
Notre ministre Sheila Copps a beaucoup insisté sur les initiatives pancanadiennes et le milieu des musées, d'après moi, est prêt à donner suite à cette demande. Il y a une chose que nous aimerions. Comme vous le savez, les responsabilités à l'égard du patrimoine sont partagées. Il y a l'infrastructure, l'environnement naturel et il y a aussi toute la culture matérielle, l'ensemble des collections. Il faut examiner la question pour voir comment tous les ministères qui ont des responsabilités dans ce domaine peuvent joindre leurs efforts.
Enfin, en ce qui concerne le rôle des associations de musées, le financement fédéral ne concerne que les plus grands musées du pays. En allouant des fonds aux associations de musées pour la formation et d'autres activités, le gouvernement fédéral vient en aide à tous les musées du pays. Il conviendrait d'augmenter ce financement, et les associations ne devraient pas se trouver en concurrence avec leurs membres, les musées, en vertu du programme d'aide aux musées et d'autres sources de financement.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup d'avoir lancé le débat.
Qui veut prendre la suite, sur le même sujet ou sur un autre? Monsieur McPhee.
M. Bob McPhee: Vous pourriez reprendre toutes les remarques que vient de faire Adriana et remplacer les musées par un orchestre, un opéra, une galerie d'art ou une autre activité culturelle. Elle a abordé bon nombre de problèmes que nous connaissons.
De ma part, ce qui me fâche vraiment—je suis peut-être ici depuis trop longtemps—c'est que depuis une vingtaine d'années, nous demandons une politique culturelle pour notre pays au nom des sociétés artistiques, et c'est parce que rien ne s'est fait au cours des 20 dernières années, voire davantage, qu'il existe une telle frustration. C'est ce dont je souhaite vous entretenir.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien, monsieur McPhee, avant d'aller plus loin permettez-moi de vous interrompre. Hier, nous avons reçu des représentants de la Conférence canadienne des arts, qui se sont constitués en groupe de travail, lequel se penche sur une politique culturelle pour le XXIe siècle.
Ce groupe a examiné entre autres choses la politique culturelle du Canada jusqu'ici, laquelle était évidemment en deux volets. D'une part, l'accent mis sur l'artiste et le processus de création, et d'autre part, l'accent mis sur l'infrastructure pour s'assurer que l'artiste a des endroits où présenter son art.
L'une des questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses est celle de savoir si cette politique est toujours pertinente aujourd'hui et, dans le cas contraire, pourquoi pas. Une des façons pour nous de le savoir, c'est de poser la question en vertu du... je vous laisse y réfléchir. Je ne vous demande pas d'y répondre sur-le-champ.
M. Bob McPhee: Évidemment, c'est en rapport avec l'aide offerte à chaque artiste, mais tout dépend de la discipline dans laquelle on oeuvre. À mon sens, ce n'est pas du tout la même chose que pour un orchestre, qui a besoin, pour ses musiciens, de l'infrastructure et de l'institution où présenter ses oeuvres. En dernier ressort, la formation et le perfectionnement de chaque artiste sont essentiels, mais on ne peut pas oublier les sociétés qui leur offrent l'appui nécessaire pour présenter leur travail.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Monsieur Janes, vous aviez la main levée.
M. Todd Janes: Oui, j'aimerais appuyer ce qu'a dit Mme Davies.
Une chose mérite d'être signalée: le monde des arts a continuellement été insuffisamment financé et fait l'objet d'attaques au cours des 20 dernières années au moins au Canada. On constate de plus en plus que, avec l'évolution ou la délégation de la responsabilité relative au financement des arts, les organismes—les établissements qui présentent les artistes, les institutions de formation pour les artistes également—ont besoin d'un financement de base stable et permanent pour survivre.
De plus en plus, les fonds d'exploitation dont disposent les organismes sont de moins en moins importants pour payer des choses comme le loyer, ou gérer les installations, récompenser et conserver les talents qui ont vu le jour dans le secteur des ressources humaines, et il faut absolument un engagement de la part du gouvernement fédéral. À mon avis, ce dernier doit faire preuve de poigne sur le plan politique et proposer un financement de base stable aux établissements artistiques et culturels de tout le pays. Cela peut prendre diverses formes et—pour en revenir pendant un instant à la suggestion du CCA—l'infrastructure est extrêmement importante. Il faut peut-être envisager de considérer l'infrastructure de façon un peu différente que par le passé.
Nous ne parlons pas simplement des édifices. Cela englobe également l'aide fondamentale et les programmes qui permettent aux rêves de devenir réalité, qui donnent aux artistes et aux producteurs du secteur culturel la possibilité de rêver et de concrétiser cette possibilité. Cela se passe dans le pays et nous en avons des exemples extraordinaires, mais il nous faut un mécanisme, les fonds et l'appui nécessaires pour donner forme à ce rêve. L'aide à l'infrastructure devrait viser à combler les déficits que connaissent actuellement les industries culturelles. Cela devrait permettre entre autres d'offrir une aide financière aux directeurs artistiques, pour les garder chez nous.
L'industrie artistique et culturelle compte énormément sur l'aide des bénévoles. Il faut bien comprendre qu'il s'agit également d'une ressource humaine et que celle-ci doit être gérée, appréciée et recrutée par les moyens voulus. Il faut donc offrir également un soutien aux professionnels compétents pour qu'ils gèrent et mettent en vigueur ces programmes. De plus en plus, on constate que nous devons nous adresser aux sociétés ou à d'autres personnes pour obtenir de l'aide.
• 1130
À mon avis, pour qu'un pays ait une vision, il faut que son
gouvernement soit convaincu que la culture et l'épanouissement des
arts sont non seulement des éléments d'importance vitale, mais
également essentiels à notre culture. Il faut en tenir compte dans
notre infrastructure. Il faut créer un milieu où, lorsque les gens
connaissent un certain succès, ils ne sont pas tentés simplement de
quitter notre pays. Il faut offrir de l'aide aux artistes novateurs
et aux producteurs culturels pour qu'ils prennent des risques de
façon à faire progresser la recherche artistique, et cela exige une
aide financière.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Janes.
Monsieur Varga, vous faites signe que oui de la tête, je vous donne donc la parole.
M. Vincent Varga: Merci beaucoup.
J'aimerais réitérer les remarques de Bob au sujet de la nécessité d'adopter une politique culturelle globale qui fasse mieux concorder—et je vais vous en citer un exemple—le programme d'aide aux musées et le Conseil des arts du Canada, par exemple.
Toutefois, cette politique devrait également tenir compte du fait que, même si la culture est importante pour définir l'identité nationale, elle fait aussi partie intégrante de notre capacité d'attirer les investissements internationaux dans notre pays. Il ne faut pas l'oublier. Cela fait partie intégrante de la façon dont nous attirons des entreprises dans notre pays et les incitons à y rester. Dans nos collectivités, nous mettons beaucoup l'accent sur cet aspect lorsque nous travaillons en collaboration avec nos associés en affaires dans la ville.
Pour revenir à ce que je disais au sujet du Conseil des arts du Canada, l'un des problèmes auxquels nous nous heurtons est lié à l'infrastructure actuelle. Ce matin, j'ai reçu un message télécopié au sujet des fonds supplémentaires alloués au programme d'aide aux musées, ce qui est formidable. Toutefois, il faut bien comprendre que, dans le cadre de cette augmentation, des installations comme le Musée des beaux-arts d'Edmonton ont de plus en plus de mal à obtenir des fonds du programme d'aide aux musées. Depuis 15 ans, notre budget est grugé tous les ans un peu plus, ce qui met le Musée des beaux-arts d'Edmonton et d'autres établissements semblables dans l'impossibilité de gérer, entretenir et développer nos collections historiques.
Le patrimoine national existe dans tout le pays, pas simplement à Ottawa. Je crains qu'il n'y existe un malentendu et que l'on pense à tort qu'aucune activité de collection ne se fait en dehors d'Ottawa. En réalité, le programme d'aide aux musées nous a fourni les fonds de base qui nous ont permis de préserver et accroître ces collections. Nous venons à peine de nous engager à recruter un conservateur pour les collections du Musée, mais il va nous être de plus en plus difficile de rémunérer ce poste, car nous constatons aujourd'hui que nous n'aurons plus accès au programme des services. Nous allons donc être confrontés à un problème très sérieux.
L'autre problème est lié à l'infrastructure matérielle. En réalité, bon nombre des établissements du pays, surtout les musées des beaux-arts, ont été fondés à titre de projets du centenaire. Nous arrivons tous à la fin du cycle de vie utile de nos édifices, et le moment est venu pour le gouvernement fédéral de reconnaître qu'il a l'obligation fiduciaire de maintenir cette infrastructure. Le gouvernement a encouragé les collectivités à construire ces immeubles il y a une trentaine d'années, il faut donc maintenant prendre les mesures nécessaires pour nous assurer qu'ils seront encore là pour les générations à venir.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Varga. Vous pouvez être certain que cette question est souvent revenue sur le tapis lors de nos consultations, pas simplement pour les musées mais aussi pour les théâtres, surtout lorsqu'ils n'appartiennent ni à une province ni à une municipalité.
Mme Rose Marie Sackela: Bon nombre des remarques qui ont été faites plus tôt s'appliquent également au programme d'immersion française—par exemple, lorsqu'on parle de créer de bons citoyens, de promouvoir notre identité, même des entreprises et du commerce. Je viens de lire un article du président de l'Université de l'Alberta selon lequel tous les étudiants universitaires devraient avoir à leur actif une expérience internationale, car ils ne vont pas passer toute leur vie en Alberta ou au Canada.
Nous avons le même problème, soit l'absence de financement stable et adéquat pour survivre. Lorsque le programme d'immersion a été lancé il y a environ 10 ans à Rocky Mountain House, le gouvernement, par l'entremise de ce qui est aujourd'hui le ministère du Patrimoine canadien, offrait un financement supplémentaire d'environ 300 $ par élève pour compenser le coût des enseignants supplémentaires—et parfois les classes étaient plus petites que d'autres classes—et pour compenser également le coût supplémentaire du matériel pédagogique en français, qui coûte plus cher. Nous pouvions obtenir les services d'un moniteur de français si nous en faisions la demande, comme dans d'autres collectivités au pays. Nous avons donc ainsi réussi à mettre sur pied un programme qui a eu beaucoup de succès.
• 1135
Aujourd'hui, nous ne recevons plus que 61 $ par élève. Il est
donc très difficile pour nous de maintenir même des classes
séparées lorsque nous avons un petit nombre d'élèves dans le
programme d'immersion en français. Nous n'avons pas suffisamment de
manuels scolaires. En Alberta, pendant trois ou quatre ans, nous
n'avons reçu aucuns fonds supplémentaires pour les programmes
d'immersion en français, essentiellement parce que le gouvernement
provincial n'est pas d'accord avec le concept.
J'ai apporté avec moi un document, et j'aimerais vous en lire quelques extraits pour vous donner une idée des avantages du programme d'immersion en français à part le fait d'apprendre le français et de pouvoir converser couramment dans deux langues. J'ai demandé à la conseillère en orientation de Rocky Mountain House Elementary School, qui est reconnue par la province et qui est l'une des deux seules conseillères enseignantes qu'on a envoyées à la rencontre de Mandela à Toronto cet automne, de mettre sur papier quelques-unes des choses qu'elle m'a dites au fil des ans au sujet des élèves d'immersion en français. Elle travaille dans une école à deux régimes pédagogiques, une école donc où il y a un programme d'anglais et un programme d'immersion en français de la maternelle à la sixième année. Voici ce qu'elle m'a écrit hier:
-
À Rocky Elementary, nous avons un très bon processus de résolution
des conflits où des élèves de cinquième et de sixième années
servent de médiateurs. D'après mon expérience, les élèves
d'immersion en français s'expriment mieux que d'autres. C'est peut-être dû
au fait que les élèves d'immersion en français ont de
meilleures techniques de communication grâce à leur capacité de
converser dans les deux langues. Ils semblent par ailleurs mieux
comprendre les différences entre les individus et font donc preuve
d'une plus grande tolérance. C'est sans doute dû au fait qu'ils
sont exposés à deux cultures, et ils semblent être davantage en
mesure de trouver des solutions créatives aux problèmes. Par
ailleurs, ces élèves ont un niveau plus élevé de confiance en soi
et de compétence.
J'aimerais dire qu'à Rocky Mountain House, l'immersion en français n'a pas toujours été, et n'est toujours pas accueillie avec beaucoup d'enthousiasme par la grande majorité des gens qui ne participent pas au programme. Nous avons lutté pour maintenir le programme. À un moment donné, la femme d'un médecin a annoncé qu'elle était à la tête d'un groupe qui s'appelait Canadian Parents for English. Nous avons dû lutter au sein de la communauté, et pourtant les gens qui travaillent dans les écoles nous disent que le programme d'immersion produit quelque chose de mieux que simplement des gens qui parlent deux langues.
Elle a donc demandé aux enseignants de l'école qui n'ont pas toujours appuyé le programme s'ils avaient quelque chose à ajouter. Elle a ajouté quelques autres commentaires. Une personne a dit que les élèves d'immersion en français semblaient être davantage ouverts aux différences et accepter davantage d'autres cultures. Une autre personne a dit que le fait d'être exposé à une deuxième culture aidait à comprendre sa propre culture. Une troisième personne a dit que le fait de parler une deuxième langue incitait parfois à en apprendre d'autres. Une quatrième personne a dit que les enfants retiraient une certaine satisfaction lorsque l'on reconnaissait qu'ils pouvaient converser dans les deux langues.
Lorsqu'un enseignant a mis sur pied un club de français pour les élèves d'anglais, cela a été un succès retentissant. Auparavant, chaque fois que l'on mentionnait le mot français, le club de français ou cours de base de français, on répondait qu'on ne voulait pas du Québec au Canada.
Nous parlons donc de langue, de développement cérébral et de développement des ressources humaines et on parle beaucoup d'unité canadienne également.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais mentionner que nous vous invitons également à nous présenter des mémoires écrits. Cela vaut pour tous ceux qui sont ici présents, et vous pourriez peut-être le dire également aux organisations dont vous faites partie. Nous aimerions recevoir ces mémoires écrits avant le 30 mars.
Mme Rose Marie Sackela: Peut-être pourrais-je ajouter un autre commentaire. Votre dernière question est la suivante: Le gouvernement devrait-il jouer le rôle d'un organe de réglementation? Je dirais que dans le cas des subventions pour les programmes d'immersion en français, à mon avis, il est important de faire une certaine vérification et de maintenir dans une certaine mesure le même niveau de financement partout au pays. Nous avons l'Alberta qui ne contribue pas, et dans le centre de l'Alberta on s'oppose souvent fermement à l'immersion en français, à l'apprentissage du français, pour lequel on établit un lien avec le Québec, etc. Ce sentiment est déplacé, mais c'est ce qui détermine dans une large mesure la politique de la région.
• 1140
Non seulement nous avons besoin que le gouvernement stabilise
nos programmes, mais nous avons besoin également d'une
vérification, même au niveau des conseils scolaires. J'ai entendu
un certain nombre d'enseignants et de gens dire qu'il est vraiment
important que le gouvernement fasse un suivi des fonds qu'il nous
donne; il faut faire une certaine vérification et un certain suivi
de façon à ce que nous utilisions les fonds que vous nous donnez
aux fins prévues. Et nous avons besoin d'une augmentation.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Madame Villeneuve.
[Français]
Mme Louisette Villeneuve: Comme vous pouvez le deviner, notre situation est aussi assez particulière. Non seulement nous vivons les mêmes problèmes que nos confrères les artistes, mais en plus, nous sommes minoritaires. Donc, en plus des difficultés spécifiques au domaine des arts et de la culture, nous éprouvons celle d'être en milieu minoritaire.
Nous avons donc des problèmes de diffusion des spectacles et des expositions de nos artistes visuels. C'est un problème très grave étant donné notre éloignement des provinces principales de l'est du Canada, l'Ontario et le Québec. Nous avons de la difficulté à faire venir des artistes ou à envoyer des artistes, ce qui fait qu'il arrive souvent que nos artistes professionnels nous quittent carrément parce qu'ils n'arrivent pas à vivre ici de leur art. Ils nous quittent pour le Québec. On perd à ce moment-là des formateurs pour nos artistes plus jeunes qui sont en voie de formation. Nous avons donc un problème très particulier.
Il faut aussi se rappeler que l'Alberta est une province qui n'a plus de ministère de la Culture. On a l'Alberta Foundation for the Arts, mais cela démontre quand même que, pour le gouvernement de l'Alberta, les arts et la culture ne sont pas une priorité. C'est aussi un problème qui est spécifique à l'Alberta. Il est très important, et on le vit sérieusement. Parfois, quand on fait des demandes d'aide dans le cadre de certains programmes fédéraux, il faut une participation de la province. Si notre province ne nous appuie pas parce qu'on n'investit pas beaucoup dans le domaine, on perd des subventions fédérales.
Il y a en outre le Programme d'initiatives culturelles, qu'on appelle le PIC, dont les montants sont gelés depuis de nombreuses années. Ce sont toujours les mêmes festivals très bien établis qui sont financés. À Edmonton, on avait le Jazz Festival et le Folk Music Festival. Ils ont des subventions. Nous avons un grand festival francophone provincial une fois par année. On célèbre notre dixième anniversaire. Depuis 10 ans, nous étions admissibles à ce programme, mais comme tout l'argent était donné aux festivals déjà bien établis, nous ne pouvions pas y toucher. Cette année, heureusement ou malheureusement, il y a un festival de jazz qui est disparu en Alberta, et on va pouvoir recevoir de l'argent du programme parce qu'il y en a un autre qui est décédé. C'est quand même assez malheureux. Si on veut encourager le développement de nouveaux festivals et donner à nos artistes la chance de se montrer, il va falloir que ce budget soit augmenté pour que de nouveaux festivals puissent en profiter.
Pour ce qui est de l'utilisation de la technologie, nous avons mis en place un réseau électronique, le FrancAlta, qui est disponible sur Internet. On a maintenant 300 sites en français et on essaie de l'utiliser comme un showcase pour nos artistes, afin qu'ils puissent se faire voir et se faire entendre. Donc, on utilise beaucoup la haute technologie étant donné les problèmes de distance dans l'Ouest canadien. C'est un facteur très important. Il n'y a pas beaucoup de population et de grandes distances à parcourir.
Voilà mon intervention. Merci.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Oui, madame Redfern.
Mme Heather Redfern: Je voulais tout simplement dire que c'était merveilleux. Merci.
• 1145
Pour ce qui est de ce qu'elle disait au sujet des festivals,
c'est un gros problème. Nous avons énormément de talents dans
toutes les disciplines. Nous avons de jeunes artistes qui sont
vraiment en train de se faire un nom et qui ont très peu
d'occasions de participer à des festivals au pays justement pour
les raisons dont vous parliez. Ces festivals bien établis qui
existent depuis de nombreuses années et qui reçoivent les fonds ne
sont pas nécessairement ceux qui vont présenter les artistes plus
jeunes, qui n'en sont qu'à leurs premières expériences.
Ce sera plus problématique dans deux ans, lorsque du Maurier ne financera plus ces événements, car bon nombre de ces festivals bien établis perdront alors un important partenaire commercial et auront besoin de fonds encore plus élevés de la part du gouvernement fédéral, j'imagine, qu'à l'heure actuelle. Cela va créer un grand vide.
J'étais en Australie à l'automne, et toutes les grandes villes d'Australie ont un grand festival interdiscipline où sont présentées de nombreuses oeuvres internationales mais également bon nombre d'oeuvres de jeunes Australiens. C'est certainement un modèle que le ministère et la ministre pourraient examiner, je pense.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): À titre d'éclaircissement, est-ce que votre festival est financé par le Conseil des arts du Canada ou directement par le ministère?
Mme Heather Redfern: Ma société ne reçoit pas spécifiquement de fonds de festivals. Nous avons été invités à deux festivals dans l'est au printemps, et étant donné que les fonds qu'ils recevaient de Patrimoine canadien ont été coupés, ils n'ont pas pu nous faire venir à leurs festivals. Je crois que les fonds viennent directement... John?
M. John Mahon: Patrimoine canadien finance quatre festivals à Edmonton. Le Conseil des arts d'Edmonton finance 17 festivals, plus un certain nombre de plus petits festivals.
Je ne veux pas interrompre votre exposé, Heather, mais j'avais autre chose à ajouter à cet égard.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
M. Mauril Bélanger: J'aimerais poser une question au sujet de cette notion particulière de festival.
Si on devait changer la formule, souhaiteriez-vous avoir un montant fixe pour les festivals établis et un autre pour les nouveaux festivals—soit 80-20, 60-40—ou préféreriez-vous un mécanisme d'élimination progressive de façon à ce que vous ne puissiez obtenir des fonds que pendant un certain nombre d'années après quoi cela ne serait plus possible, ou autre chose? Qu'avez-vous à proposer à cet égard?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Janes.
M. Todd Janes: Il y a deux choses que j'aimerais dire rapidement à cet égard. Latitude 53 n'organise pas de festival à l'heure actuelle, mais c'est certainement une possibilité que nous envisageons.
Tout d'abord, j'aimerais vraiment souligner que plutôt que d'utiliser une formule de financement pour les festivals, on aurait en fait un système selon lequel les pairs feraient la sélection. Je pense que le système d'évaluation par les pairs fonctionne mieux qu'un système fondé sur une formule.
La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que plutôt que de songer à une formule restrictive—naturellement, nous aimerions tous avoir davantage d'argent—si on ajoute de nouveaux festivals, je pense qu'il devrait incomber au fournisseur de fonds d'ajouter en fait de nouveaux dollars lorsqu'on ajoute de nouveaux festivals.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Mahon.
M. John Mahon: Merci.
Nous utilisons un système de sélection par les pairs au Conseil des arts d'Edmonton pour le financement des festivals. La ville d'Edmonton investit considérablement d'argent dans les festivals par rapport à d'autres municipalités. Elle investit autant dans les festivals que dans les autres groupes d'art.
En moyenne, je pense que les festivals ont besoin de financement public permanent. Nos chiffres indiquent qu'environ 20 p. 100 du financement d'un festival réussi proviennent des fonds publics d'un palier de gouvernement ou d'un autre. Les villes en particulier investissent considérablement d'argent dans les festivals à cause de leur impact économique évident sur la ville.
Nous avons un fonds de lancement des festivals également, qui représente un montant assez modeste. Ce fonds vise à aider les nouveaux festivals à s'établir. D'après notre expérience, il est assez difficile de lancer un festival. C'est l'ampleur, l'impact et la portée d'un événement qui déterminent réellement s'il s'agit d'un festival. Pour lancer un festival, il faut une certaine période d'incubation, mais une fois qu'il est lancé, il devrait être presque une machine commerciale dans le contexte des arts à but non lucratif.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Mahon, j'aimerais vous demander un éclaircissement, je ne comprends toujours pas. La ville finance tel nombre de festivals, mais d'où vient le financement fédéral? Est-ce qu'il vient de...
M. John Mahon: Patrimoine canadien.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Du ministère, non pas du Conseil des arts du Canada.
M. John Mahon: Non pas du Conseil des arts du Canada.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien, merci.
Mme Heather Redfern: J'aimerais poursuivre ce que je disais.
Une autre possibilité consiste à donner l'argent au Conseil des arts du Canada et à créer un programme de festivals. Il y a d'autres options. Il y a d'autres façons de voir les choses. C'est un gros problème. Je voulais tout simplement vous le laisser savoir.
Une autre chose que j'aimerais voir Patrimoine canadien faire en matière de politique culturelle, c'est intervenir au nom des artistes ou défendre ces derniers en ce qui concerne notre situation au titre de l'impôt sur le revenu. C'est un autre problème énorme pour nous, et pour nos sociétés, pour ce qui est de notre situation professionnelle ou de travailleurs autonomes et pour ce qui est de ce que nous avons le droit ou non de déduire. Il semble que la politique de Revenu Canada soit appliquée de façon inégale au pays. Il n'y a absolument aucune uniformité dans la façon dont elle est appliquée d'une province à l'autre. Nous ne savons vraiment pas où nous en sommes. Nous ne savons pas si nous faisons ce que nous sommes censés faire ou non. C'est donc quelque chose qui devrait être contenu dans une politique culturelle. Revenu Canada peut alors faire ce qu'il doit faire.
Une autre chose que je voulais signaler, c'est que cela me rend très nerveuse lorsque j'entends dire qu'on investit dans la nouvelle technologie. Oui, c'est là, et nous devons tous y faire face—et croyez-moi, c'est le cas. Nos enfants y sont exposés tous les jours à l'école et nous y sommes exposés également en tant que travailleurs dans le secteur de la culture. Je n'aimerais pas beaucoup que la nouvelle technologie soit financée au détriment des arts du spectacle, car je pense que c'est une expérience, une expérience coûteuse que nous ne pouvons pas remplacer par les films, les vidéos... écouter une symphonie sur Internet n'est pas la même chose que de l'écouter assis dans le Winspear. C'est une chose que je voulais souligner également.
L'autre chose que je voulais dire, et je serai très brève, c'est que j'aimerais qu'on reconnaisse dans la politique culturelle que l'un des plus gros subventionneurs des arts au pays sont les artistes et ceux qui travaillent dans le domaine des arts, en raison des salaires peu élevés qu'ils reçoivent pour le travail qu'ils font et en raison de tout le bénévolat qu'ils doivent faire pour maintenir leurs sociétés à flot. Je pense que parfois on considère les artistes comme des gens qui cherchent toujours à obtenir des subventions ou la charité du gouvernement. Nous devons nous rappeler que le billet de la personne qui est assise dans la salle de spectacle est subventionné par les artistes qui créent l'oeuvre.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Vous pouvez être certaine que toutes vos préoccupations concernant le statut des artistes par rapport au travail autonome en ce qui concerne Revenu Canada ont été portées à notre attention.
Cette question a été portée à notre attention à Thunder Bay avec la décision qui a été rendue par Revenu Canada. J'ai un intervenant qui peut peut-être faire des commentaires à ce sujet également. Je crois que c'est une question qui préoccupe beaucoup la communauté.
À Winnipeg, on a dit que l'une des raisons pour lesquelles nous avons mis tant de temps à mettre en place une politique culturelle tient peut-être à la complexité de la question étant donné que la culture touche à tous les ministères. Nous devrions peut-être envisager une politique selon laquelle tous les ministères doivent examiner de quelle façon cela va les toucher. Je dis cela pour vous donner matière à réflexion.
Madame Villeneuve.
[Français]
Mme Louisette Villeneuve: J'aimerais faire un commentaire sur une situation que peu de gens vivent ici, en Alberta. Lorsque nos projets sont rejetés par l'Alberta Foundation for the Arts, c'est souvent pour des raisons totalement aberrantes, et on se rend compte que le jury de pairs était entièrement composé d'anglophones qui n'ont absolument pas compris le projet. Nous sommes deux fois plus pénalisés que les artistes anglophones, qui présentent leur projet en anglais.
C'est extrêmement difficile quand on soumet une pièce de théâtre ou des choses semblables. On ne va quand même pas la traduire en anglais pour la faire évaluer. C'est une situation qui nous est particulière et qui est très difficile.
• 1155
Pour ce qui est de la question de M. Bélanger,
dans le cas d'un festival, par exemple,
le gouvernement fédéral retire
son financement. Supposons qu'il dise: On
vous donne un financement pour les cinq prochaines
années
et ensuite c'est terminé pour vous. Le risque,
c'est que la province nous enlève
l'équivalent. La province donnait de l'argent parce
que le gouvernement fédéral en donnait. On se
fait attraper. Si c'est le Conseil des arts qui nous
donne de l'argent,
cela nous oblige à n'avoir que des
professionnels. On perd les artistes en herbe,
nos futurs artistes parce qu'ils ne sont pas encore
dans la catégorie professionnelle et ne peuvent pas
être financés par le Conseil des arts. C'est
tout pour le moment. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Janes?
M. Todd Janes: J'aimerais en fait reprendre certains propos de ma collègue Mme Redfern. Je pense qu'il y a certaines choses qui sont très importantes et qu'il y a un certain nombre de choses que le gouvernement fédéral examine depuis longtemps et un certain nombre de projets de loi qui sont morts au Feuilleton à la fin de la session parlementaire. J'aimerais beaucoup que l'on réexamine les mesures législatives touchant les artistes. J'aimerais par ailleurs qu'on se penche sur la Loi sur l'importation et l'exportation des biens culturels. Je pense que ce sont deux questions qui méritent d'être examinées et revues et peut-être qu'un jour on adoptera un projet de loi sur le statut de l'artiste.
Il y a aussi la question de l'impôt sur le revenu. Comme le comité le sait, j'en suis certain, la capacité de l'industrie culturelle à établir des partenariats avec des entreprises ou des sociétés est attribuable en grande partie au fait que ces organisations artistiques sont officiellement reconnues comme ayant un caractère charitable.
Je me demande s'il y a une volonté de la part de votre comité de demander un genre de péréquation. Comme nous le savons bien, les crédits d'impôt accordés aux partis politiques ont davantage de poids dans un système d'impôt sur le revenu que ceux qui sont accordés aux organismes artistiques et culturels. Je pense que ce serait merveilleux—car nous ne faisons que rêver aujourd'hui—d'avoir en fait des règles du jeu équitables de sorte que la contribution à un organisme artistique ou culturel reçoive le même traitement qu'une contribution à un parti politique. Je me demande, étant donné que le comité compte un certain nombre de membres qui se retrouvent de temps à autre assis autour d'une même table ou dans une même salle avec le ministre des Finances, si c'est quelque chose que le comité serait prêt à proposer.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Janes.
Monsieur Muise.
M. Mark Muise: Pour reprendre les propos de M. Janes, je pense que nous reconnaissons tous qu'il faut un niveau de financement de base pour assurer la survie de la culture et des arts, mais j'aimerais examiner d'un peu plus près quelles sont les autres possibilités. Quels sont les autres incitatifs fiscaux? Il ne suffit pas d'injecter des dollars pour que les choses se produisent; il doit y avoir d'autres choses. J'aimerais que le débat aille un peu dans ce sens-là.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais faire un tour de table, pour donner à chacun l'occasion de réfléchir à la question.
Monsieur Savaryn.
M. Peter Savaryn: Madame la présidente, je ne sais pas si je m'intègre bien. Je suis d'origine ukrainienne, je crois au multiculturalisme mais je me demande parfois ce qu'est l'identité canadienne.
Permettez-moi de faire d'abord quelques propositions générales. Premièrement, je voudrais ajouter à la liste des libertés canadiennes la liberté de culture, tout comme la liberté d'expression, d'assemblée, de religion, etc. Cela est fondamental. Nous n'aurions pas alors à nous battre au sujet de l'identité; chaque groupe ethnique au Canada saurait qu'il a droit à sa propre culture.
• 1200
Ma deuxième proposition est que l'État, le gouvernement,
fédéral ou provincial, devrait avoir une politique culturelle
définie pour la préservation et l'amélioration des cultures, et
cela comprendrait notamment les opéras, les archives, les musées,
les écoles de langue, etc.
Pourquoi? Je crois qu'une nation sans culture est comme un arbre sans racines. Je me rappelle lorsque j'étudiais à l'université, notre professeur disait qu'un pays ne peut être un grand pays s'il n'a pas de culture et que tôt ou tard il perdra son indépendance. J'ai beaucoup de respect pour nos voisins du Sud, mais notre culture ne devrait pas être à vendre et nous ne devrions pas le dire, mais nous allons perdre des emplois. Je dis tant pis pour les emplois lorsque c'est l'âme de la nation qui est en jeu, c'est-à-dire notre propre identité, notre propre culture.
Qu'est-ce que l'identité canadienne? Vous souvenez-vous en 1964 du premier ministre Mike Pearson et de sa commission B et B, biculturalisme et bilinguisme? Et nous étions d'accord. Nous en sommes arrivés à un consensus selon lequel le bilinguisme était une bonne chose, mais pas le biculturalisme, pas un principe de deux nations ou deux races fondatrices.
Mes concitoyens canadiens-français se plaignent donc du fait que l'Ouest n'appuie pas la culture française, mais que peut-on dire des Canadiens d'autres origines? Madame la présidente, que pouvons-nous dire nous, qui sommes d'origine ukrainienne ou allemande ou juive? Nous n'avons même pas l'appui dont ils jouissent.
Homo sapiens, oui. Nous avons la technologie mais pas d'emplois, et ce, de plus en plus. J'ai un petit livret avec moi, intitulé Small is Beautiful par Schumacher. Il croit que dans les petits pots les meilleurs onguents, que la culture est une nécessité. Il y a environ 5 000 langues au monde. La Bible a été traduite dans près de 1 500 langues et pourtant, il n'y a environ que 200 États indépendants. Vingt pour cent de ces États indépendants consomment 85 p. 100 de tous les capitaux au monde, et les 20 États les plus pauvres n'en consomment que 2 p. 100. Quand en aurons-nous assez?
Voilà les questions que je pose. Je dis tout simplement que tant que nous n'aurons pas introduit le concept de la liberté de la culture, tant qu'un État et que chaque gouvernement n'auront pas introduit une mesure législative pour appuyer les cultures, on ne pourra pas avoir de paix au Canada au niveau du multiculturalisme et nous aurons toujours ces problèmes. Nous ne respectons tout simplement pas notre propre talent, nous nous tournons toujours vers nos voisins du Sud. Je ne crois pas qu'ils soient mieux que nous. Dans le magasine Maclean's j'ai lu il y a quelques mois un article intitulé Auf Wiedersein English. Je dirais qu'une, deux, trois ou cinq langues de plus, cela signifie autant de points de vue différents sur la vie, autant de fenêtres différentes sur le monde, ce qui est fondamental pour notre existence.
Le matérialisme ne nous mène nulle part. La culture est la solution, comme la tolérance. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Nous avons pris bonne note de vos observations.
Monsieur Mahon.
M. John Mahon: Merci.
Lorsque j'ai reçu la liste des questions, naturellement, je les ai trouvées très intéressantes, mais il m'a semblé que la question cinq était celle à laquelle je voulais répondre surtout. Je me demande maintenant si c'est une question pour la forme, si on se demande vraiment si le gouvernement fédéral devrait appuyer les arts et la culture au pays. Si on pose vraiment la question, alors je répondrais oui en ce qui concerne tous les rôles.
La position unique du gouvernement fédéral, son pouvoir législatif, son budget et son point de vue, font en sorte à mon avis qu'il a le devoir de jouer un rôle dans la préservation, le développement et le maintien de la culture canadienne; mais il joue un rôle de partenaire. Au palier municipal, nous avons aussi un rôle à jouer en tant que ville.
À titre d'information, et ce sont tous des chiffres, nous avons reçu cette année des demandes de financement d'environ 105 organismes, tous des organismes à but non lucratif, notamment 17 festivals, le reste étant des groupes qui s'occupent des arts. Nous leur allouerons 1,8 million de dollars de notre budget municipal. Sur ces groupes, 41 ont reçu des fonds fédéraux l'an dernier sous une forme ou une autre, surtout du Conseil des arts du Canada mais également de Patrimoine canadien, pour un total de 2,6 millions de dollars.
Ce qui est intéressant au sujet de ces 41 groupes, c'est que ce sont généralement des organismes qui prennent des risques artistiques. Le gouvernement fédéral, par l'entremise du Conseil des arts du Canada, est en mesure d'aider les groupes qui font un bon travail artistique, par l'entremise du système d'évaluation par les pairs. Même s'ils ont d'autres critères, ils n'ont pas les mêmes niveaux de critères que l'administration municipale qui finance beaucoup plus de groupes en raison de leur impact communautaire plutôt que parce qu'ils font un bon travail artistique.
Le gouvernement provincial a d'autres priorités. Nous sommes tous partenaires dans cette affaire. L'engagement de la ville d'Edmonton à l'égard des arts croît sans cesse. Les politiciens municipaux sont souvent très conscients des conséquences monétaires. Nous avons constaté dans cette ville que les activités culturelles et artistiques à but non lucratif apportaient une contribution à l'économie. Nos groupes ont un impact économique annuel de 75 millions de dollars et, pour établir une comparaison avec l'impact économique de la Coupe Grey, un tel événement a un impact de 37 millions de dollars—cela fait certainement les manchettes à Edmonton. Chaque année, nous avons un impact économique qui est l'équivalent de deux Coupes Grey.
Cependant, je pense que non seulement la ville bouge rapidement sur le plan financier, mais elle encourage également les gens à reconnaître généralement que le principal objectif des arts et de la culture est la qualité de vie. Je crois que nous nous apprêtons à passer à la prochaine étape et c'est là où je vois certains dirigeants municipaux qui croient que le principal objectif n'est pas la qualité de vie mais la raison de vivre. Cela étant dit, nous sommes ici en tant que partenaires.
J'aimerais par ailleurs préciser une chose. Le Festival de jazz d'Edmonton se porte très bien et est en plein essor. Il y aura également un festival de jazz à Calgary; il sera cependant organisé à partir d'Edmonton cette année.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Mahon. Pouvez-vous nous dire pourquoi il est organisé à partir d'Edmonton? Pouvez-vous nous donner cette information?
M. John Mahon: Les arts sont certainement une entreprise risquée et précaire. Il n'y a que des fous qui se lancent dans une telle affaire. Il faut savoir oser, et le Festival de jazz de Calgary a eu des problèmes au niveau du financement et de la vente de billets. En fait, pour être direct, la direction du Festival de jazz de Calgary s'est trouvée à court. Le jazz fonctionne sur un circuit. Les artistes de jazz coûtent cher; leur auditoire est relativement petit. La seule façon d'en avoir pour son argent pour les honoraires que l'on verse aux artistes, c'est de les faire jouer à plusieurs festivals, alors il était logique que le Festival de jazz d'Edmonton s'occupe d'assurer le maintien du Festival de jazz de Calgary car c'est un autre engagement. Voilà la raison.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Le prochain nom sur ma liste est celui de Mme Davies, suivie de M. Lowther.
Mme Adriana Davies: J'aimerais aborder la question de la nouvelle technologie, et naturellement je partage les préoccupations de mes collègues lorsqu'ils disent qu'on ne peut tout simplement investir dans la nouvelle technologie aux dépens de tous les autres domaines. J'aimerais parler des possibilités qu'offre la nouvelle technologie, plus particulièrement en ce qui concerne les musées, mais je sais que cela peut s'appliquer à d'autres organismes artistiques et culturels.
Dans les musées la technologie sert deux objectifs. Premièrement, la technologie électronique nous facilite la tâche dans tous les domaines, qu'il s'agisse d'administration, de gestion des collections, d'expositions, de programmes pour le public, de recherche—toutes ces tâches. Deuxièmement, elle permet aux musées de communiquer à l'extérieur les connaissances contenues dans les collections, les documents sur les collections et sur les artistes. Elle nous permet de diffuser ces renseignements tant sur les plans local que national et international.
• 1210
Je suis membre du Comité consultatif du Réseau canadien
d'information sur le patrimoine et notre prochaine réunion a lieu
à Ottawa dans deux semaines. D'emblée, nous leur avons dit,
constituer un répertoire électronique regroupant toutes les
institutions du pays ne pose pas de problème. Par contre, mettre
ces connaissances à la disposition du public, à la disposition des
écoliers qui font des recherches sur l'histoire canadienne, par
exemple—et il y a des milliers d'exemples concernant tant les
patrimoines naturel que culturel—pose un défi autrement plus
sérieux et il faut y trouver des solutions.
Ensuite il y a les possibilités inexploitées. Madame la présidente, vous avez dit tout à l'heure qu'il devrait y avoir un service culturel dans tous les ministères gouvernementaux. Je pense, par exemple, que le ministère de l'Industrie pourrait être le catalyseur de collaboration et de partenariat créatif qui pourrait associer le gouvernement, la communauté culturelle et le secteur privé. À mon avis, c'est indispensable.
Pourquoi laisser Bill Gates racheter des collections bibliothécaires entières, des collections archivistiques, etc.? L'État a des intérêts directs. C'est lui qui a financé avec le temps ces collections. Ne donnons pas à la seule industrie la possibilité de récolter les bénéfices car certains, d'après moi, devraient revenir de droit aux institutions chargées de ces collections. Je ne veux pas non plus que soit négligé le rôle de service public, d'éducation publique.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Davies. Ces intérêts directs de l'État qui ont financé la constitution de ces collections est un argument que nous avons déjà entendu à propos des initiatives culturelles précédentes et de la nécessité de maintenir cette infrastructure comme l'a dit M. Janes, et de préserver ces institutions d'art.
J'ai sur ma liste le nom de M. Lowther, puis de Mme Redfern suivis d'un certain nombre d'autres noms. J'aimerais ensuite donner la parole à notre auditoire pour qu'il puisse participer.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Merci.
En tant que représentant de Calgary je me sens un peu obligé de dire que si nous n'avons pas de festival de jazz, par contre nous avons gagné la Coupe Grey. C'est une petite compensation.
Je suppose que devant une telle audience, pour marquer des points, il suffit de tous chanter la même chanson et de réclamer un financement accru des arts. Pour rendre le débat un peu plus contradictoire et peut-être un peu exciter les passions, permettez-moi de contester la prémisse d'un des participants. Je ne me souviens plus exactement qui c'était. «La culture est une responsabilité gouvernementale». C'est ce qu'a dit quelqu'un un peu plus tôt. Cela me pose un petit problème car il y a des risques de dérapage. Il est tout à fait possible que la culture exprimée par le gouvernement ne corresponde pas à la réalité.
J'estime personnellement que la culture est une expression du peuple, une expression de sa réalité. C'est pourquoi je suis beaucoup plus favorable au concept de dons de charité, ou d'exemptions fiscales, qui permet à la population de s'exprimer librement sur la culture qu'elle souhaite plutôt que de laisser ce soin au gouvernement. Je sais que ce n'est pas tout. Il reste peut-être un rôle à jouer pour le gouvernement en matière d'archives, de célébrations, de commémorations, mais qu'il dicte la culture me pose un problème.
J'aimerais savoir si M. McPhee aimerait dire quelques mots sur ce sujet, à un moment ou à un autre. Je ne sais pas, madame la présidente, comment vous voulez procéder.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vais l'inscrire sur la liste.
M. Eric Lowther: Il a trop d'expérience pour rester silencieux aussi longtemps et j'aimerais bien entendre ce qu'il a à dire.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je l'ai inscrit sur la liste, monsieur Lowther, que cela lui plaise ou non. Ça vous va?
M. Eric Lowther: Excellent.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Mme Heather Redfern: Je voulais dire quelques mots sur ces questions.
Pour commencer, je crois que vous mélangez deux choses. D'un côté il y a la culture et de l'autre il y a tous ces trucs qui nous viennent d'au-delà de la frontière, vous savez, ces 30 chaînes ou ces 80 chaînes—je ne sais pas combien il y en a maintenant—qui diffusent jour et nuit. Je crois qu'il faut faire une différence entre ces deux choses. En ce qui me concerne, ce n'est pas de la culture. Ce n'est certainement pas de la culture canadienne.
La culture canadienne a le droit d'être ce qu'elle est et d'avoir sa propre souveraineté. La culture est faite par les artistes; elle n'est pas faite par les gouvernements. La culture est définie, si vous voulez, créée par les artistes, pas par les gouvernements. Il est très important de comprendre que la culture ne marche pas comme une industrie. Ce n'est pas comme d'acheter une paire de chaussures: si vous les aimez, vous payez. Cela ne marche pas comme ça.
Pour commencer, vous pouvez oublier tout espoir de financement du secteur privé pour les oeuvres plus expérimentales ou plus à risque. Ce n'est même pas sur le radar. Bien sûr, si vous voulez rejouer Hamlet, vous faire financer par Syncrude ne doit pas poser de problème. Mais si vous voulez faire quelque chose d'un peu plus expérimental, oubliez-le. Vous rêvez. Et pour revenir à ce que Peter disait, traiter les petites compagnies comme si elles créent un produit achetable, un bien de consommation, est tout simplement absurde.
La culture dans notre société a besoin d'être encouragée et de pouvoir s'épanouir dans un milieu sain. Vous n'envoyez pas vos enfants dehors en leur disant, si vous vous en sortez, parfait, sinon, tant pis—on ne vous avait pas demandés. Il est indispensable de considérer la culture de ce point de vue.
Pour revenir à ce que vous avez dit, les partenariats entre industries culturelles sont une excellente solution non pas pour dépenser plus d'argent mais pour le dépenser mieux. Nous sommes un grand pays et nous sommes très loin les uns des autres. C'est une des raisons pour lesquelles je préconise les festivals car ils nous permettent de nous réunir et de discuter. C'est ce que John proposait avec ses circuits. C'est ça qu'il faut. Créer un circuit. Partager les coûts de représentation des artistes dans tous les centres. C'est un exemple très simple de ce qui peut être fait.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces partenariats au sein des industries culturelles. Vous avez parlé de circuits. Pourriez-vous être un peu plus précise?
Mme Heather Redfern: J'ai cité, comme exemple, les festivals. S'il y avait un festival à Toronto, un à Edmonton ou à Calgary, ou dans les deux villes et un à Vancouver et à Montréal, nous rémunérerions collectivement, en groupe, nos artistes. Nous créons un partenariat. Nous créons un circuit. Nous créons une chaîne dans le pays qui nous permet de jouer dans les centres de chacun et de faire venir des oeuvres d'autres pays.
Au niveau international il faut que cela marche dans les deux sens. Actuellement, la priorité est donnée à l'exportation de nos artistes vers les autres pays et notre compagnie sur ce plan-là s'en sort très bien. Mais l'inverse est tout aussi nécessaire. Il faut que nous puissions nous aussi les inviter à venir dans notre pays en leur offrant des scènes où jouer. En Australie, c'est extraordinaire, il y a cinq festivals. Au Canada, il n'y en a qu'un.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien, merci.
Avant de revenir à ma liste d'intervenants—elle commençait avec M. Varga—j'aimerais demander si parmi les membres de l'auditoire il y en a qui aimeraient intervenir pour poser des questions ou pour nous critiquer. Ce qui nous intéresse, c'est le dialogue.
Dans ce cas, je vous reviendrai après ce tour d'intervenants. Réfléchissez. Je vous inscris sur la liste, monsieur Mahon.
Très bien, monsieur Varga.
M. Vincent Varga: Merci. J'ai un petit commentaire à propos du défi lancé par M. Lowther.
D'un point de vue personnel, je suis immigrant, et la culture pour moi et ma famille représente absolument tout. Si ce n'avait été de l'éducation qui m'a été donnée par mes parents au niveau de mes rapports avec la Hongrie, les arts et la culture de ce pays, et aussi comment me définir comme Canadien... L'identité est un élément critique de notre canadianité.
• 1220
En corollaire et par extrapolation, je crois que j'inviterais
le gouvernement fédéral à réévaluer son rôle d'investissement dans
les artistes canadiens dans un contexte international. Je cite
l'exemple de l'Allemagne qui a réussi d'une manière très efficace
à regrouper des partenaires industriels pour soutenir les
initiatives culturelles. Je pense en particulier à Daimler-Benz qui
finance l'Institut Goethe. Ils se servent de la culture comme moyen
de développement économique. Je crois que c'est une association
très intéressante et très appropriée et il est clair qu'ils s'en
servent comme d'un moyen de développement économique.
Je crois donc qu'il ne faut pas oublier qu'une partie du défi à relever surtout avec les États-Unis... tout le monde en parle depuis au moins une heure. La réalité est que les Canadiens—et je l'ai constaté personnellement en travaillant aux États-Unis—ne se projettent pas suffisamment sur le front culturel international. Lorsque nous le faisons, ça les intéresse. C'est la première chose que les gens veulent savoir. D'où venez-vous? Qui êtes-vous? Que faites-vous? Ce n'est pas pour parler affaires; c'est secondaire.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Varga.
Mme Rose Marie Sackela: J'aimerais faire un ou deux commentaires suscités par une partie antérieure de ma vie. J'ai enseigné dans une réserve autochtone du Nord qui n'était atteignable que par avion. J'ai toujours enseigné dans des régions très rurales; beaucoup plus rurales que Rocky Mountain House. Je n'habite pas vraiment à Rocky Mountain House; je viens d'un district différent. Je voulais simplement ajouter quelques petits commentaires à propos des collections itinérantes dont quelqu'un a parlé tout à l'heure, car ces collections itinérantes, ces pièces itinérantes, ces spectacles itinérants sont d'une importance capitale quand on habite dans des régions rurales et éloignées.
Je me souviens de l'époque où j'enseignais dans le nord de la Saskatchewan à environ 60 kilomètres de la frontière avec les Territoires. Une pièce que nous avions réussi à faire venir, un spectacle itinérant, était la première pièce que les habitants de cette communauté aient jamais vue. Ils n'avaient la télévision que depuis deux ans. C'était en 1978. Leur langue maternelle était le chippewyan.
C'était la même chose pour les livres. Nous pouvions faire venir par l'intermédiaire des prêts interbibliothèques des collections de livres que nous n'aurions jamais pu nous-mêmes acheter.
Même dans la communauté où j'habite actuellement, Alder Flats, qui compte 105 résidents officiels, nous avons fait venir des collections de musées dans les classes. Nous avions accès aux collections du musée mobile et c'était le seul musée auquel les gens avaient accès. Ils ne sont qu'à deux heures d'Edmonton mais les ruraux, et je pense surtout à l'Alberta du centre ou du nord, ne considèrent pas ça comme une priorité. Si on ne va pas à eux, ces enfants et ces adultes n'en font jamais un objectif prioritaire. Lorsqu'ils viennent en ville c'est pour faire leurs courses ou leurs affaires mais jamais pour la culture. Il faut que la culture vienne à eux.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Villeneuve.
[Français]
Mme Louisette Villeneuve: Je voudrais faire le même genre de commentaire que Heather. Lorsqu'on dépend du financement privé, on risque d'être obligé de donner à l'art la forme souhaitée par le subventionneur. C'est très risqué. On peut vivre la même chose. Je connais bien le Catalyst. Vous faites effectivement du théâtre plutôt expérimental. Quand on est francophone et qu'on a un petit public comme le nôtre, on ne va pas loin avec le financement privé non plus. C'est mon premier commentaire.
Deuxièmement, il ne faut pas avoir peur d'investir dans le domaine des arts parce que chaque dollar investi produit un revenu cinq fois supérieur. J'avais noté un chiffre. En 1996-1997, toutes les administrations publiques, c'est-à-dire les municipalités, les provinces et le fédéral, avaient investi 5,8 milliards de dollars. Les retombées annuelles de ces investissements ont été de 29,2 milliards de dollars. Je déteste parler d'économie, mais la culture rapporte à l'économie canadienne. Il ne faut pas s'imaginer que parce qu'une compagnie de théâtre ou tel groupe est subventionné, on lui fait carrément la charité. Ces groupes créent de l'emploi, ce qui rapporte des impôts au gouvernement. J'ai été beaucoup impliquée au niveau théâtral. Le théâtre crée beaucoup d'emplois. Il est très important que le gouvernement garde à l'esprit que ce n'est pas faire la charité aux groupes artistiques, mais bien investir dans l'économie, dans la culture canadienne. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur Janes.
M. Todd Janes: Merci. Je ne sais pas vraiment par où commencer. Je commencerai peut-être d'abord par répondre un peu aux commentaires de M. Lowther parce qu'il a réclamé de la passion, ce qui est un peu surprenant de la part d'un membre du Parti réformiste. Il semble généralement ne s'intéresser qu'aux chiffres. Un des côtés magiques de la culture et de l'art est qu'il favorise le dialogue.
Deuxièmement, la culture favorise l'expression et favorise l'expression de la vérité. Nous vivons dans une culture très dynamique et très diverse et il ne faudrait pas oublier qu'il n'y a jamais qu'une seule vérité; il y a tout un concert de voix différentes qu'il faut écouter en permanence. Je crois que c'est ce que font nos organismes culturels—par exemple, des archives qui conservent les voix d'autres observateurs que ceux de l'empire des médias dominé par Conrad Black. Elles nous permettent d'explorer notre passé pour façonner notre avenir.
Lorsque nous parlons de soutien des gouvernements ce n'est pas pour que ces derniers façonnent forcément notre culture. Cela fait un certain nombre d'années que je pratique dans ce domaine et je ne pense pas que cela arrivera jamais. Ce que nous souhaitons c'est un soutien, un financement de base pour encourager ces expressions, matérialiser ces vérités et écouter ces voix.
Je crois que les bénéfices que les particuliers, les organismes et le gouvernement tirent de cet investissement dans les arts et dans les organismes culturels sont immenses. Certains chiffres ont été cités aujourd'hui et ils sont loin d'être complets. Je crois que souvent nous oublions les retombées secondaires et tertiaires des initiatives culturelles. Elles sont vastes, elles sont très vastes.
J'aimerais aussi vous rappeler qu'étant donné la nécessité pour les gestionnaires de la culture d'avoir toujours été très novateurs, ils ont appris à faire des choses incroyables—comme le théâtre Catalyst, ils créent de la magie avec des bouts de papier et des bouts d'aluminium. C'est encore plus que cela. Nous avons une longue tradition. Ce soutien a toujours existé et il a permis à l'expression artistique et culturelle de s'épanouir.
Je suis inquiet parce qu'en Alberta, en tous les cas, nous faisons face à une succession de coupures. Mme Villeneuve a rappelé tout à l'heure que le budget de l'Alberta Foundation for the Arts qui est censé soutenir les arts au niveau provincial n'a pas été augmenté depuis pratiquement quinze ans. Nous sommes constamment obligés en Alberta de faire la même chose ou plus avec de moins en moins. Nous sommes d'incroyables gestionnaires culturels et de grands gestionnaires financiers. Je défie quiconque d'essayer de faire ce que font les organismes d'art et les producteurs culturels parce que rien que le niveau de risque a de quoi vous rendre fou. Aucun banquier ne vous financerait.
Je crois que pour aider à l'épanouissement de la culture au Canada tant sur le plan national qu'international, il est primordial de la soutenir et plus précisément de soutenir le travail novateur et expérimental. Si nous ne finançons pas, si nous soutenons pas et si nous n'encourageons pas les artistes et les producteurs culturels qui prennent des risques il est impossible de progresser. La croissance est bloquée.
• 1230
Si nous considérons les arts et les industries culturelles
comme des activités de R-D d'une grosse société, si nous
considérons le Canada comme une grosse société et si nous
considérons le secteur des arts et de la culture comme l'élément de
R-D de cette société, il est possible que cela soit un modèle un
peu dangereux à envisager. C'est parce que toute société qui veut
grandir, qui veut se renforcer et qui veut survivre sur le marché
international cherche, se développe et grandit.
C'est de cela qu'il s'agit. Il s'agit de pouvoir prendre des artistes novateurs, de les installer n'importe où dans le monde et de les laisser rivaliser avec n'importe quel autre producteur culturel et n'importe quel autre artiste et de pouvoir constater leur force, leur vigueur, leur intelligence, leur invention grâce au soutien qui leur est accordé par le gouvernement fédéral et d'autres partenaires—que nous ne connaissons peut-être pas encore mais qu'il faut trouver.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur McPhee.
M. Bob McPhee: Pour répondre à votre toute première question, la culture n'est pas la responsabilité du gouvernement. Cependant il a pour responsabilité, il a pour mandat—à mon avis, c'est son premier mandat—de donner à la culture les ressources pour se développer. Il n'y a pas que les ressources financières. Il y a l'infrastructure, cela concerne beaucoup de choses. Mais je crois que le gouvernement a la responsabilité d'aider la culture à se développer et non pas de lui dicter comment se développer.
J'ai quelques petits commentaires sur une ou deux autres petites choses. J'ai entendu à plusieurs reprises le terme «critique» utilisé autour de cette table. Dans notre monde c'est un terme que nous n'aimons pas beaucoup. Je ne sais pas si c'est la même chose dans le vôtre. Je crois que c'est la même chose quand vous êtes le parti au pouvoir.
J'espère que pour la culture vous en deviendrez les défenseurs plutôt que les critiques et j'espère que vous défendrez l'idée que la culture et la politique culturelle devraient être la première priorité de ce gouvernement.
Tous ces problèmes de financement, de conseil des arts, de Radio-Canada, de technologie, d'oeuvres nouvelles, d'infrastructure, de réforme fiscale, de festivals, seraient tous résolus s'il était entendu une fois pour toutes que la culture est un mandat prioritaire pour toute la population. Je ne sais si les statistiques sont toujours les mêmes, mais à un moment donné, le Québec, par tête d'habitant, était le plus gros bailleur de fonds d'institutions culturelles, d'organismes culturels et d'artistes. Je ne sais si c'est toujours le cas.
Il y a une raison à ce financement supérieur à toute autre province. Pour ce qui est de la dette, c'est vrai, l'industrie culturelle est endettée. Notre compagnie accumule des déficits. Je vous demanderais de ne pas oublier que nombre des partis politiques de ce pays assument un large endettement, tout comme le gouvernement fédéral, tout comme les gouvernements provinciaux, tout comme les gouvernements municipaux. Donc nous traiter d'irresponsables implique qu'il y a beaucoup d'irresponsables dans ce pays.
Pour ce qui est du financement—et j'ai horreur de mendier ou d'avoir l'impression de mendier tout le temps—je crois comprendre que le revenu de certains agriculteurs est subventionné à hauteur de 75 p. 100. Il n'y a pas une compagnie artistique, il n'y a pas un artiste qui reçoit ce niveau de subvention. Pourquoi est-ce acceptable pour les agriculteurs et pas pour les artistes?
Pour finir, avant de venir à Calgary—j'ai vécu à Calgary pendant quatre ans avant l'ouverture du centre des arts—j'étais avec le Royal Winnipeg Ballet et je suis parti pour Calgary. Quand j'ai pris cette décision, tous mes collègues un peu partout m'ont demandé: pourquoi est-ce que tu vas là-bas? Ce sont des réacs, ce sont des cow-boys, il n'y a pas de culture dans cette ville, il n'y pas d'arts dans cette ville.
Je me hasarderai à dire que cela a beaucoup changé depuis pas mal d'années. Le centre des arts, l'orchestre, sont excellents. Avant sa reprise en main par Bernardi dans la nouvelle salle, l'orchestre était terrible. La compagnie de ballet a fait des progrès. Beaucoup de chemin a été parcouru.
J'ai passé neuf ans à Edmonton. Ce sont des villes différentes. Il y a une énergie, il y a une vie à Calgary qui est infectieuse. Cette ville a une âme même si les arts ne l'ont pas atteinte mais ils finiront par le faire. J'aimerais que tous les Canadiens aient une âme et c'est la culture qui la leur donnera.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur McPhee.
Avant de passer à ma liste—M. Mahon, M. Bélanger, M. Muise, M. Savaryn, M. Sauvageau et Mme Sackela—j'aimerais redonner à notre auditoire l'occasion de se faire brièvement entendre. Déclinez votre nom et dites-nous qui vous représentez.
Mme Jo Braywater (témoignage à titre personnel): Je m'appelle... Jo Braywater. Je joue dans l'Orchestre symphonique d'Edmonton. J'aimerais donner un témoignage personnel de ce que peuvent être les arts et la culture. Je parie que toutes les personnes ici présentes qui travaillent dans le secteur culturel pourraient faire la même chose.
Si je devais paraphraser ce que je crois avoir entendu le député de Calgary dire, pour l'essentiel, la culture devrait être financée par ceux qui s'en servent. Si tel avait été le cas je ne serais pas musicienne aujourd'hui car l'intérêt pour l'art dans ma famille était pratiquement nul. C'est le hasard et un programme, le Camrose Music Workshop, financé par le gouvernement, qui m'ont initiée à la culture, à la musique.
Depuis cet atelier, à l'âge de 18 ans, la musique est devenue ma vie. J'ai joué pendant de nombreuses années en Allemagne dans un orchestre. Même avant la chute du mur de Berlin, il y avait 100 orchestres en Allemagne de l'Ouest et ils étaient pratiquement financés à 100 p. 100 par le gouvernement. Tous les musiciens de ces orchestres étaient des fonctionnaires avec tous les avantages et certains des inconvénients de la vie de fonctionnaire.
Je crois qu'il est très important que le gouvernement soutienne les arts pour ceux qui y croient et pour ceux qui n'y ont pas encore été exposés car les gens comme moi, une fois qu'ils y ont été exposés, voient tout un nouveau monde s'ouvrir devant eux.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup de vos commentaires.
Y a-t-il une autre question ou une autre intervention?
M. Michael Broodhagen (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Michael Broodhagen et je suis membre de la Ligue nationale des Noirs du Canada à Edmonton. Bien entendu, il n'y a pas de Noirs dans les arts à Edmonton. Il n'y a pas de Noirs employés à plein temps ou qui reçoivent des subventions du gouvernement à Edmonton. Je dirais que c'est pratiquement la même chose partout au Canada.
À écouter toutes ces interventions, j'ai l'impression que de toute évidence il y a quelque chose qui ne va pas chez les Noirs d'Edmonton car ils ne sont pas représentés. Nous sommes totalement inconnus et nous devons vraisemblablement être considérés comme de la viande contaminée parce que la majorité des gens ne veulent rien avoir affaire avec ce que nous faisons et qui nous sommes.
Par exemple, il y a un certain nombre de groupes à Edmonton qui sont directement dans le domaine des arts ou de la culture qui ont énormément de difficulté à accéder à un financement, quel qu'il soit, auprès de pratiquement tous les paliers de gouvernement. Lorsque j'entends parler de toutes ces institutions artistiques, qu'il s'agisse de musées ou autres, qui touchent de l'argent ou ont accès à de l'argent c'est merveilleux. Mais en revanche, il y a d'autres gens qui ont aussi besoin de survivre et qui ont quelque chose à montrer à ce pays et à cette ville.
Il y a quelques années nous voulions de l'espace pour monter une exposition d'art à Edmonton. Les principaux organismes d'art à Edmonton nous refusaient cet espace. Il nous a fallu essayer d'en trouver dans les centres commerciaux. Il nous est impossible d'organiser une exposition annuelle alors que nous adorerions le faire à Edmonton et par conséquent cela ne se fait qu'à l'occasion. Ce sont des problèmes fondamentaux auxquels nous sommes exposés.
Lorsque nous allons à votre ministère, nous sommes inconnus au bataillon; nous n'existons pas; personne ne nous connaît. J'ai appris la venue de votre comité à la radio et j'ai demandé à un certain nombre de membres de la Ligue nationale des Noirs s'ils avaient entendu quelque chose à ce sujet. Ils m'ont répondu qu'ils n'avaient rien entendu. Personne ne nous a écrit ou n'a communiqué avec nous. Il vous est donc facile d'imaginer notre sort à Edmonton et dans la majorité des autres endroits au Canada.
• 1240
En février, à Edmonton, nous célébrons le mois de l'histoire
des Noirs. Il y a un certain temps, nous avons essayé d'obtenir un
coparrainage de l'un des grands journaux locaux; on nous a répondu
que notre activité manquait d'intérêt journalistique. Personne ne
veut nécessairement entendre parler des Noirs et de leur histoire.
Nous n'avons donc même pas pu obtenir un coparrainage. Toutefois,
le journal était prêt à nous proposer d'acheter des annonces
publicitaires dans ses pages.
Nous n'avons aucun travailleur à plein temps dans notre bureau. Nous n'avons même pas un ordinateur moderne. Cela vous montre donc ce qui nous arrive. Je ne sais pas ce qui advient des délibérations d'un comité comme celui-ci, qui traverse le pays.
Il y a quelques années, m'adressant à des représentants du Conseil des arts du Canada, je leur ai dit: «Dans votre mandat, on ne prévoit rien en ce qui concerne les Noirs». Par exemple, nous dansons du ballet à l'occasion, mais nous organisons habituellement une danse afro-antillaise. Cela ne se retrouve nulle part dans le mandat; il n'existe donc pas de catégorie dont nous pouvons nous prévaloir pour demander de l'aide. Ce sont pourtant des choses fondamentales. Ce sont ces choses qu'il faut changer. Je ne sais pas ce qu'on peut faire au Canada pour au moins nous donner un soutien de base; je cogne à des portes depuis de nombreuses années.
Je suis ici parce j'ai un peu plus de chance que d'autres membres de ma collectivité: je travaille à mon propre compte. Il était difficile d'amener des gens ici. D'autres gens sont ici parce qu'ils sont employés par le gouvernement ou par d'autres secteurs; nous n'avons donc pas pu réunir beaucoup de gens ici pour appuyer ma position.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Une chose que j'ai dite au début, monsieur, c'est que nous en sommes encore à la consultation. Nous demandons des exposés écrits. Vous pouvez donc voir la greffière, et elle notera le nom de votre association. Je transmettrai vos observations au comité organisateur. Toutefois, je vous en prie, n'hésitez pas à demander à des membres de votre groupe et de tout autre groupe de nous présenter par écrit leurs préoccupations. Nous vous en saurions gré, parce que nous commençons à manquer de temps.
M. Michael Broodhagen: Oui, nous profiterons de cette occasion. Toutefois, nous demandons de ne pas passer inaperçus comme cela s'est déjà produit. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Vos observations sont notées.
Monsieur Mahon.
M. John Mahon: Merci. J'allais répondre à la question de M. Lowther. Je tiens également à féliciter Calgary pour avoir remporté la Coupe Grey. C'est la quatrième fois de mon vivant. Je suis de Calgary, et j'ai donc dû subir bien des sarcasmes au sujet de notre équipe au fil des ans.
Le préambule du document qui définit le mandat du Conseil des arts de l'Australie définit le rôle du gouvernement dans le milieu artistique de façon très intéressante. Le Conseil déclare, et je suis d'accord, que l'une des principales fonctions du financement gouvernemental est d'élargir l'horizon. Il faut qu'il soit suffisamment élargi pour que l'activité artistique ne se limite pas à une bande très étroite. Il ne faut pas que le prisme ne laisse passer qu'une seule des couleurs de la lumière, mais qu'il laisse passer une gamme de couleurs.
Cela se fait en appuyant la R-D expérimentale, c'est-à-dire les activités artistiques qui n'attirent pas nécessairement beaucoup d'intérêt commercial au début ainsi que des activités patrimoniales qui sont manifestement non commerciales. Cela permet également que les prix des billets soient assez bas et cela élargit les horizons des gens qui participent directement à des événements culturels.
Le budget annuel de la ville d'Edmonton est de 1 milliard de dollars. La ville d'Edmonton dispose d'un fonds discrétionnaire—un petit placard pour ainsi dire—de 1 million de dollars. Le montant consacré aux arts et à la culture est de 2,5 millions de dollars. En pourcentage des budgets gouvernementaux, les sommes consacrées aux activités artistiques ne sont donc pas très importantes, ce qui ne veut pas dire qu'un million de dollars, ce soit rien. Mais il faut regarder les choses en perspective.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Je voudrais poser deux ou trois questions à M. Mahon. Vous avez dit qu'Edmonton a deux enveloppes, l'une pour les arts, l'autre pour les festivals.
M. John Mahon: C'est exact.
M. Mauril Bélanger: Pouvez-vous nous donner une idée, par habitant ou en montant absolu, de ce qu'Edmonton accorde à ces deux enveloppes?
M. John Mahon: Je peux vous donner le chiffre exact. C'est 3,60 $ par habitant.
M. Mauril Bélanger: En tout?
M. John Mahon: En tout. Cette année, on alloue 867 000 $ aux festivals et 744 000 $ aux activités artistiques. En outre, il y a une réserve de 10 000 $ pour aider nos artistes à voyager.
M. Mauril Bélanger: Merci.
Comme vous le constatez maintenant, la question numéro cinq n'était pas de pure forme. La beauté du Canada, c'est que nous sommes une société empreinte de civilité. La plupart du temps, nous confrontons nos divergences de vues au moyen de la parole. Cela est légitime, et je ne critique pas; il se trouve simplement que j'ai une opinion différente. Nous avons, au gouvernement, des partis qui constituent un tiers de la représentation et qui peuvent avoir des vues différentes sur des questions de compétence provinciale ou fédérale, sur le fait qu'elle devrait ou non être exclusive et sur le fait que l'on devrait laisser aux consommateurs le soin de trancher.
Si cette question était là, c'était pour avoir une idée de la réaction des gens. Ce n'était pas seulement pour la forme.
[Français]
Monsieur Savaryn, je vais me permettre de parler en français parce que je me sens plus à l'aise dans cette langue lorsque je suis concerné au plan émotionnel.
Vous avez fait un commentaire tout à l'heure. J'espère l'avoir bien compris. Sinon, corrigez-moi. J'ai cru comprendre que votre communauté n'acceptait pas la notion des deux peuples fondateurs. Est-ce que j'ai bien compris?
[Traduction]
M. Peter Savaryn: Exactement.
[Français]
M. Mauril Bélanger: Merci. Je vais vous dire que pour moi, comme Canadien français, cette notion est extrêmement importante. Elle est même fondamentale à mon existence, et je pense qu'elle est partagée par un bon nombre de Canadiens français du pays, d'un océan à l'autre. Selon nous, on la retrouve dans le Pacte confédératif. Elle se manifeste dans la plupart ou dans plusieurs de nos institutions gouvernementales et judiciaires.
Le fait d'accepter cette notion des deux peuples fondateurs n'empêche en rien d'accommoder d'autres cultures, d'où le génie du multiculturalisme canadien. La tentative de notre pays est très peu commune au monde. On tente d'accommoder plusieurs cultures dans le respect mutuel. Ce n'est pas facile, on en convient. Il serait probablement plus facile de faire, comme d'autres pays, un melting pot, mais il découle une grande richesse du multiculturalisme. Vous disiez vous-même dans votre argumentation que le fait d'avoir trois, quatre ou cinq fenêtres sur le monde nous enrichissait. Il faudrait peut-être tenter, comme population, de s'accommoder un peu plus aisément.
J'ai eu la chance d'épouser une Hongroise, qui est maintenant une Canadienne, et cela m'a ouvert les yeux sur une autre culture et sur une façon de voir la vie à l'européenne, si je peux m'exprimer ainsi, qui m'a aidé à mieux comprendre ce qu'il y avait chez nous, au Canada. Donc, je pense qu'on a tous à gagner de cette ouverture sur le multiculturalisme et qu'on aurait beaucoup à perdre si on ne pouvait pas accepter cette notion des deux peuples fondateurs.
[Traduction]
Pour ce qui est des autres observations quant au rôle du gouvernement, je suis absolument convaincu que tout au long de notre histoire, lorsque les sociétés ont évolué, il y a eu diverses méthodes de soutien des arts, que ce soit le recours aux rois dans le système féodal ou le recours à des fondations privées aux moyens énormes, comme dans des pays capitalistes considérablement industrialisés tels que les États-Unis. Nous n'avons pas encore de fondations de ce genre au Canada.
• 1250
Dans un pays comme le nôtre, il a fallu et il faut encore
offrir un soutien. La situation pourrait peut-être changer au cours
des cinquante années à venir en fonction de notre développement
économique et des incitatifs fiscaux que nous pouvons prévoir pour
créer des fondations. S'il y a des gens qui sont en désaccord avec
cela, j'aimerais le savoir. Il reste nécessaire que l'État appuie
et fasse la promotion de l'expression culturelle et artistique de
la collectivité, faute de quoi nous nous ferons aplanir par le
rouleau compresseur des États-Unis.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Bélanger.
Monsieur Muise.
[Français]
M. Mark Muise: Je voudrais répondre au commentaire de M. McPhee sur le terme «critique». Je suis bien d'accord avec lui. Il y a d'autres termes utilisés au gouvernement que je n'aime pas, mais j'aime bien le terme «porte-parole», qui définit plus ou moins le rôle qu'on est censés jouer.
[Traduction]
Monsieur Varga, vous avez exprimé un peu plus tôt un sentiment que je partage depuis longtemps; toutefois, je me demande s'il est justifié de changer cette situation et comment y parvenir. Vous avez dit plus tôt que les Canadiens ne font pas adéquatement la promotion de leurs activités culturelles à l'échelle internationale. Lorsque l'on est aux États-Unis et que l'on entonne l'hymne national, tout le monde se lève et les gens ôtent leurs chapeaux. Par contre au Canada, il semble que l'on agisse différemment, et je crois que cela s'applique également à la scène internationale. Comment cela se fait-il, et comment pouvons-nous changer cela?
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Vincent Varga: ...
M. Mark Muise: Ma question portait sur la culture, pas sur l'hymne national.
M. Vincent Varga: Je tâcherai de répondre rapidement. Je crois que cela dépend de la façon dont on exprime directement sa fierté. J'ai longuement travaillé dans les milieux internationaux. J'ai vécu en Europe et aux États-Unis où la culture et les arts sont synonymes. Lorsque les gens se présentent dans un contexte international, on distingue très clairement ceux qui sont fiers de leur pays. La fierté est en réalité un signe de force. Lorsqu'on tâche de conclure une entente commerciale, cela est d'une très grande utilité.
M. Mark Muise: Oui. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il y a quelques mois, j'ai entendu Robert Lantos déclarer que nous ne devons jamais oublier que notre souveraineté économique est inextricablement liée à notre souveraineté culturelle.
M. Vincent Varga: Un autre Hongrois digne de ce nom.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, je sais.
Monsieur Savaryn.
M. Peter Savaryn: Merci, madame la présidente.
Premièrement, j'aimerais expliquer mon désaccord au sujet des deux races ou des deux nations fondatrices. C'est là, à mon avis, un vieux principe qui ne s'applique plus en ces temps démocratiques modernes. Peu importe qui nous sommes, quand nous sommes arrivés, comment nous sommes arrivés, ou quelle est notre race ou religion. Nous sommes tous égaux. Un statut spécial s'appliquait au concept des deux races fondatrices. Je me souviens qu'en 1992 la question a été posée lors d'un référendum, et la population a rejeté ce concept. Les Canadiens ont tout simplement refusé de croire qu'il fallait attribuer des privilèges spéciaux à telle ou telle catégorie de gens.
Je pourrais discuter de cette question en privé avec l'intervenant en question.
Permettez-moi maintenant d'ajouter quelques observations à ce que j'ai dit auparavant.
Peut-être qu'à la fin de nos débats nous devrions arriver à une entente qui devrait stipuler qu'il appartient à notre gouvernement de protéger et d'aider notre culture. Par culture, j'entends le patrimoine multiculturel qui est le nôtre. C'est ce qui nous distingue.
Nous devrions peut-être également nous tourner vers les grosses banques et multinationales et les Bill Gates de ce monde pour qu'ils deviennent les mécènes de la culture et de l'art. À une époque lointaine, toutes les églises, tous les bâtiments, toutes les activités artistiques étaient subventionnés par eux. Étaient-ils plus intelligents que nous le sommes maintenant? Si vous allez en Angleterre ou en Italie ou dans d'autres pays, vous constaterez que telle ou telle personne a financé la création d'une oeuvre quelconque. Or, de nos jours, tout ce qui les intéresse, c'est la technologie et le commerce, pas la culture. Ils devraient prêter leur appui au talent.
• 1255
Il faudrait peut-être voir ce qu'on pourrait faire du côté des
écoles. Au lieu de donner des cours d'éducation sexuelle aux
élèves, les écoles devraient peut-être leur enseigner la culture.
Je ne sais pas; peut-être devraient-elles au moins en parler.
Ce monsieur a parlé des deux millions de dollars qu'Edmonton réserve au financement de festivals, etc. Je suis d'accord avec lui, il était temps que cela se fasse. C'était mon cher ami, Laurie Decore, le maire de notre ville à l'époque, qui, dans les années 70, avait présenté ce concept. À l'époque, seul l'orchestre symphonique, l'opéra et le musée des beaux-arts étaient subventionnés. Ensuite nous nous sommes dit: pourquoi pas Shumka? Pourquoi pas Cheremosh? Pourquoi ne pas organiser des journées du patrimoine, qui rassemblent de 300 000 à 400 000 personnes en trois jours et qui fournissent 300 000 livres de produits alimentaires aux banques d'alimentation? C'est ainsi que les contributions ont commencé. Mais si vous me permettez, ce que fait la ville ne suffit pas, comme vous l'avez vous-même dit. Ce n'est pas assez. Elle devrait faire un plus gros effort. Je suis d'accord avec le monsieur ici qui disait que la culture est l'âme de notre nation et que nous devrions la protéger.
Là encore, je me retourne vers notre voisin du Sud. Les États-Unis devraient respecter notre identité. Les affaires, ce sont les affaires, fort bien. Mais laissez à notre identité multiculturelle canadienne une certaine latitude. Ne nous inondez pas avec tous vos ouvrages, toutes vos chaînes. Une centaine de chaînes, c'est trop; deux, trois ou cinq chaînes suffisent. Mais ils nous inondent de tous leurs trucs et nous font perdre notre identité. Que serait le monde si toutes les fleurs étaient des roses. La variété est le piment de la vie.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: J'ai apprécié énormément le calme avec lesquels vous avez exprimé vos passions. Je me demande comment vous faites pour vous retenir parfois, tous et toutes. Vous semblez très passionnés, mais vous livrez votre message de façon très calme. Je l'apprécie beaucoup. Je vous félicite. Je cherche mes mots.
Monsieur Savaryn, je suis en partie d'accord avec vous, au risque d'en surprendre plusieurs. Le concept des deux peuples fondateurs pose effectivement un problème. On oublie les autochtones. Il y a trois peuples fondateurs: les autochtones, les francophones et les anglophones.
Au niveau de la promotion et de l'expression de la culture à l'extérieur du Canada, il y a la grande culture et il y a la culture plus populaire. Je tiens à vous dire que les quatre plus grandes vendeuses de disques au monde aujourd'hui sont quatre Canadiennes. Donc, notre culture s'exprime. Peut-être que certaines Canadiennes sont plus difficilement identifiables. Tout le monde sait que Céline Dion est une Canadienne. Quant à Shania Twain, est-ce qu'on croit qu'elle est une Canadienne ou une Nord-Américaine? Je ne le sais pas, mais de toute façon, les quatre plus grandes vendeuses de disques aujourd'hui sont des Canadiennes et des femmes. Il est utile de le rappeler.
• 1300
Je vais faire une petite parenthèse
au niveau de l'art, de
l'histoire et de la culture.
Il est utile de connaître l'origine de notre hymne
national et l'ensemble de ses couplets.
Cet hymne a été composé au siècle dernier
pour la promotion et
la protection des Canadiens français.
J'aimerais maintenant répondre à M. Lowther. Le gouvernement devrait-il faire la promotion de la culture? Au Québec, on a réglé cette question. Il y avait autrefois un premier ministre qui disait qu'il ne fallait pas faire la promotion de la culture. Il s'appelait Duplessis. Les artistes lui ont répondu et, depuis 1960, on ne se pose plus cette question au Québec. Je pense que la question ne se pose pas, non plus.
J'ai entendu des choses très intéressantes et concrètes. Vous avez parlé d'augmenter les fonds disponibles dans les programmes. Je crois que cela doit être dans notre rapport. Il y a quelqu'un qui a parlé un peu du Livre rouge. Peut-être devrions-nous recommander l'abolition de la TPS sur les livres dans notre rapport. On a parlé d'une subvention plus durable, d'une subvention de deux ou trois ans.
Hier ou avant-hier, on parlait de l'éternité. Bien sûr, si on disait à chaque organisme, chaque musée et chaque festival qu'on va leur donner 20 000 $ chaque année pour toujours, ce serait l'idéal, mais on pourrait penser à des subventions assurées pour deux ou trois ans puisqu'une subvention annuelle ne vous permet pas de prendre votre envol. Ce serait logique, je crois.
On a parlé des incitatifs fiscaux, et j'aimerais que vous nous fassiez part de vos idées concrètes sur les incitatifs fiscaux.
Il y a autre aspect qui me pose un problème. Je suis peut-être né avec ce problème, mais je ne comprends pas comment on peut demander au gouvernement fédéral de gérer la culture canadienne. Je crois que la culture de l'Alberta est différente de celle de Terre-Neuve ou de celle de la Colombie-Britannique. Si le gouvernement canadien fait confiance aux gens, ne pourrait-il pas trouver une façon de redistribuer l'argent aux provinces? Au lieu d'établir un plan pancanadien, il pourrait donner l'argent soit aux gouvernements provinciaux, soit à des organismes de la place. Il existe une problématique bien réelle. C'est que la culture de l'Alberta est probablement différente de celle de Terre-Neuve et que, si on définit une politique pancanadienne de la culture, on va peut-être avoir des problèmes. Comme je vous le dis, je suis peut-être né avec ce problème. Merci.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Sauvageau.
Je crois qu'on vient de vous donner l'occasion de développer vos idées dans un mémoire par écrit que vous nous enverrez.
Madame Sackela.
Mme Rose Marie Sackela: J'ai pensé à une analogie pendant que nous parlions du rôle de l'État-nation dans le domaine de la culture. Je pense qu'on pourrait établir un parallèle avec le rôle que joue un parent lorsque son enfant a des devoirs à faire, et je veux parler d'un parent au meilleur sens du terme, non pas dans un sens paternaliste. Que ce soit en littérature, en français, en une autre langue, en danse ou en musique ou en théâtre, un bon parent donne de son temps, fournit le matériel, l'espace et l'aide désirée et lui demande s'il a besoin de quoi que ce soit.
Un excellent parent, c'est comme un excellent pays: il a l'intelligence et l'autodiscipline de ne pas faire les devoirs à la place de l'enfant et de reconnaître la différence entre faire le travail pour l'enfant et lui donner l'aide dont il a besoin pour le faire. Je pense que les témoins ont dit ce qui doit être fait.
Merci beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup pour cette analogie.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Madame, lorsque l'enfant fait bien ses devoirs, après que ses parents l'ont aidé, est-ce qu'il ne peut pas prendre son envol et les faire seul?
M. Mauril Bélanger: Il peut toujours rester dans sa famille.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Malheureusement, il ne nous reste plus de temps. Avant de vous remercier tous, je dois dire que le Livre rouge a été mentionné à plusieurs reprises. En général, je laisse le soin à M. Bélanger de s'occuper de cette question.
Cependant, je suis très fière d'une des réalisations accomplies à la suite du Livre rouge, et je n'en ai pas entendu parler aujourd'hui. Lors de nos déplacements au Canada, nous avons entendu beaucoup de louanges concernant le Conseil des arts du Canada.
Des voix: Bravo!
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il s'agit d'une promesse qui a été tenue. De plus, il y a les 10 millions de dollars prévus pour commander des oeuvres de création pour marquer le millénaire, qui est un programme à part, en plus du fonds de télévision et de câblodistribution. Ça ne fait qu'un an et demi, et il reste beaucoup de choses à faire, mais je pense qu'on a quand même réalisé certaines choses.
M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, à mon avis, nous ne sommes pas ici pour faire la promotion du gouvernement, et c'est la raison pour laquelle je me suis abstenu, dans la mesure du possible, de...
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je me demandais pourquoi.
M. Mauril Bélanger: Mais la liste est longue, très longue, à commencer par le programme des musées et tous les projets de loi qui sont devant nous, par exemple. Mais nous ne sommes pas ici pour parler de nos réalisations.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Non, ce n'était pas mon intention, mais je voulais mentionner le Conseil des arts, car lors de nos consultations des artistes et des organisations nous ont dit qu'ils ont bien aimé les changements qui ont été faits.
J'aimerais vous remercier tous d'être venus ici, de nous avoir consacré du temps malgré vos horaires très chargés. Merci beaucoup de votre contribution.
Il ne faut pas oublier que ce n'est pas la fin de nos consultations. Ce n'est que le début. Nous espérons que ces consultations continueront auprès des membres du comité individuellement. Nous vous demandons de bien vouloir nous appeler lorsque d'autres questions surviendront, pour nous signaler des cas comme celui de l'orchestre de Thunder Bay, afin que nous puissions défendre vos intérêts, en tant que porte-parole ou autrement.
Je pense que cela est très important. Je pense que nous avons beaucoup appris depuis que nous avons commencé nos audiences à Thunder Bay. Je sais que nous allons continuer à beaucoup apprendre, mais nous constatons que certaines questions reviennent constamment.
J'ai mis quelques astérisques à côté de certains points, et j'espère bien que certaines de vos recommandations figureront dans notre rapport. Merci encore une fois d'être venus.
Merci. La séance est levée.