Passer au contenu
;

CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 février 1999

• 1536

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): J'ai le plaisir de vous accueillir à cette troisième table ronde que nous tenons à Montréal dans le contexte de l'étude que fait le Comité permanent du patrimoine canadien sur le rôle futur du gouvernement fédéral dans tout ce qui a trait au soutien de la culture et des programmes culturels.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre appel en aussi grand nombre. Nous nous sommes sentis choyés par la quantité de demandes d'audience que nous avons reçues de la part d'intervenants, à Montréal de même que dans toutes les parties du Canada où nous sommes allés jusqu'à présent. Nous vous remercions d'être venus.

Je voudrais situer un peu le contexte dans lequel vont se dérouler nos discussions. Puisqu'il s'agit ici d'une table ronde, il en découle que notre discussion sera très informelle. Il n'y aura pas de discours ou d'exposés. Chacun pourra intervenir très librement et nous souhaitons que chacun le fasse. Plutôt que des discours, nous souhaitons la tenue d'un débat, de quelque chose qui aille beaucoup plus loin que des présentations individuelles: nous espérons un échange d'idées.

Nous travaillons à cette étude depuis à peu près un an et demi. Nous avons reçu plusieurs groupes et beaucoup de gens à Ottawa. Nous nous rendons maintenant sur le terrain pour explorer, pour évaluer autant que faire se peut tout ce que nous avons entendu jusqu'à présent.

En premier lieu, nous aimerions savoir comment vous percevez le gouvernement fédéral du point de vue du soutien qu'il accorde à la culture et aux programmes culturels. Est-ce que ce soutien est adéquat et satisfaisant ou s'il comporte des lacunes, des carences?

Nous voudrions envisager l'avenir en tenant compte de trois défis majeurs. Le premier est le défi démographique: le vieillissement de la population et le changement dans le tissu de la population canadienne dû à une immigration soutenue depuis plusieurs années. Le deuxième défi se pose en rapport avec les changements technologiques qui se produisent à une rapidité extraordinaire: comment Internet et le multimédia vont modifier le rôle du gouvernement fédéral et de vos organismes. Le troisième défi est la mondialisation des marchés. On a vu ce qui s'est passé à propos du projet d'Accord multilatéral sur l'investissement, ce qui se passe actuellement à propos du projet de loi C-55, et ce qui se passera au moment des négociations de l'OMC qui se tiendront à l'automne.

Que sera, d'après vous, l'impact majeur de tous ces éléments mis ensemble dans le domaine de la culture? En fin de compte, quel rôle, selon vous, le gouvernement fédéral devrait-il assumer à l'avenir pour vous aider le mieux possible à faire face à ces nouvelles situations, pour vous appuyer le mieux possible?

[Traduction]

C'est une discussion libre. C'est une table ronde, et non pas une audience. Donc sentez-vous tout à fait libres d'intervenir quand vous voulez. Je vous donnerai la parole quand vous me la demanderez. Nous utiliserons évidemment les deux langues officielles. Nous disposons de services d'interprétation simultanée.

• 1540

Je commencerai par vous demander de vous présenter et de nous expliquer un peu qui vous êtes.

[Français]

Donnez-nous un aperçu de ce que vous faites, de votre aire de travail, et dites-nous quel organisme vous représentez, etc.

Cependant, j'aimerais auparavant demander à mon collègue M. Inky Mark, qui a présidé les rencontres préalables à celle-ci dans l'est du Canada, de nous donner un aperçu de ce qui s'y est dit.

[Traduction]

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Avant cela, monsieur le président, j'aimerais faire une brève intervention.

Le comité est allé visiter les studios de l'Office national du film, ce qu'il a trouvé très intéressant. Nous avons été très heureux de constater que l'Office a déjà établi certaines normes pour le prochain millénaire en matière cinématographique. Je propose donc que l'on annexe cette visite à notre rapport.

Le président: Certainement.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Cela me paraît fondamental qu'on ajoute en annexe à notre rapport une description détaillée de la visite que nous avons faite et de tout ce que l'Office national du film peut offrir à la population du Canada.

Le président: D'accord. Je vais maintenant vous demander de vous présenter. Commençons par

[Traduction]

Monsieur Liss. Pouvez-vous commencer par vous présenter?

[Français]

M. David Liss (directeur-conservateur, galerie d'art du Centre Saidye Bronfman): Bonjour, je m'appelle David Liss. Je suis directeur de la galerie d'art du Centre Saidyie Bronfman

[Traduction]

ici à Montréal. Si vous ne connaissez pas la galerie d'art du Centre Saidye Bronfman, c'est un espace d'art contemporain tout près du centre-ville. Notre mandat consiste à organiser et à faire venir à Montréal ou à faire circuler dans le monde des expositions d'art visuel contemporain. Nous organisons ici à Montréal environ huit expositions par an. Pour le moment, nous avons aussi une exposition de 16 artistes canadiens au Musée des beaux-arts de Kao- hsiung, à Taiwan. Cette exposition aura duré trois mois et va bientôt fermer. Voilà brièvement ce que nous faisons.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je m'appelle John Godfrey et je suis député libéral de la circonscription de Don Valley-Ouest, à Toronto.

M. Guy Landry (directeur général, Folklore Canada International): Je m'appelle Guy Landry et je représente l'organisme Folklore Canada International, dont je suis le directeur général. Cet organisme regroupe l'ensemble des intervenants dans le domaine du patrimoine d'expression, le patrimoine d'expression étant la danse, le chant, la musique, l'artisanat et les savoir-faire traditionnels qu'on trouve dans tout le pays.

C'est donc un organisme qui regroupe autant des membres des communautés culturelles et de la majorité francophone du Québec que des membres des minorités francophones ou des associations amérindiennes. On regroupe tout l'ensemble des éléments culturels dans le domaine de la tradition. Nous avons des organismes dans plusieurs provinces. Nous organisons des festivals et des activités de diffusion. C'est un organisme qui rejoint vraiment beaucoup de monde à travers le pays.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Je m'appelle Inky Mark et je suis député de Dauphin—Swan River. Je suis le porte-parole de l'opposition pour le patrimoine canadien.

[Français]

Le président: Monsieur Gauthier.

M. Yvan Gauthier (directeur, Conseil des métiers d'art): Bonjour. Je m'appelle Yvan Gauthier et je suis directeur du Conseil des métiers d'art. Le Conseil des métiers d'art est une association qui regroupe 800 artisans professionnels du Québec: joailliers, tisserands, ébénistes, gens de toutes les disciplines des métiers d'arts.

En tant qu'association professionnelle, le Conseil des métiers d'art dispense des services à ses membres et est reconnu par le Tribunal canadien des professions et par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes comme le représentant de tous les professionnels en métiers d'art du Québec.

D'autre part, le Conseil des métiers d'art a des corporations affiliées, comme le Salon des métiers d'art et le Festival Plein Art Québec, deux salons de métiers d'art, ainsi que des boutiques et une galerie de métiers d'art contemporain.

D'autre part, il gère aussi un bureau d'exportation des métiers d'art, actif aux États-Unis et en France particulièrement.

Le président: Nancy Dunton.

Mme Nancy Dunton (chef des programmes universitaires et professionnels, Centre canadien d'architecture): Bonjour. Je m'appelle Nancy Dunton et je suis chef des programmes universitaires et professionnels au Centre canadien d'architecture.

• 1545

Vous connaissez sans doute tous le Centre canadien d'architecture, qui est à la fois un musée et un centre d'études qui cherche à sensibiliser à l'architecture, même à celle des autres pays, les Montréalais et les Canadiens. Je suis responsable de la mise sur pied des programmes d'intérêt public, qui traitent de tous les enjeux portant sur le patrimoine bâti ou l'architecture. À titre bénévole, je suis aussi membre du conseil d'administration de la Fondation Héritage Montréal.

Le président: Monsieur Bumbaru.

M. Dinu Bumbaru (directeur des programmes, Fondation Héritage Montréal): Monsieur le président, je m'appelle Dinu Bumbaru. Je suis directeur des programmes à la Fondation Héritage Montréal, organisme créé en 1975 dans la foulée des démolitions massives qui ont malheureusement laissé beaucoup de traces dans la ville de Montréal, que nous connaissons comme étant une grande ville.

Nous sommes un organisme privé voué d'abord à la sensibilisation du public, ce qui est une mission éducative. Nous travaillons à rehausser la capacité des individus, des citoyens, à participer à la chose urbaine et, également, à contribuer à l'amélioration et à la conservation de leur milieu.

Nous avons également un volet qui nous amène à participer à un mouvement plus large. J'ai apporté, pour les membres du comité, un bottin des organismes. Il y en a une soixantaine, dans la région de Montréal, qui s'occupent de patrimoine. Ce sont souvent des associations de citoyens, qui témoignent donc de l'engagement des citoyens dans leur milieu. Nous travaillons principalement à ce niveau-là.

Nous menons également une action de représentation auprès des décideurs, que ce soit les propriétaires ou les pouvoirs publics, pour les amener à améliorer leurs attitudes à l'endroit du patrimoine, considérant que nous sommes tous un peu des fiduciaires du bien collectif.

Je mentionne également que je fais partie du comité directeur de l'ICOMOS, soit le Conseil international des monuments et des sites, organisme qui agit comme conseiller auprès de l'UNESCO en vertu d'une relation privilégiée dans le cadre des conventions internationales. À ce titre, j'ai été représentant de cet ONG à la conférence de Stockholm sur les politiques culturelles pour le développement.

Le président: Merci. Monsieur Garand.

M. Gilles Garand (président, Conseil québécois du patrimoine vivant): Je m'appelle Gilles Garand et je suis président du Conseil québécois du patrimoine vivant. En 1992, s'est exprimée au Québec, lors des États généraux du patrimoine vivant, la volonté de créer un organisme de regroupement ayant pour mission la sauvegarde, la protection, le développement et la mise en valeur du patrimoine vivant. En 1993, le Conseil québécois était fondé ici-même, à l'Université du Québec à Montréal, et il publie depuis ce temps un bulletin qui s'appelle, Paroles, Gestes et Mémoires.

Nous regroupons plus d'une centaine d'organismes et individus de toutes les régions du Québec, ceux et celles qui se manifestent par rapport à l'expression du patrimoine vivant. Nous sommes fiers de participer à cette rencontre pour en arriver à élaborer avec vous des perspectives quant à l'importance de la place qu'occupe le patrimoine vivant, à l'intérieur du Québec et du Canada, dans les politiques de développement. Nous nous sommes donc préparés aujourd'hui pour être en mesure, avec les partenaire ici présents, de dégager ces perspectives de développement.

Le président: Merci beaucoup. Madame Landry.

Mme Johanne Landry (présidente, ICOM-Canada): Je travaille à la Ville de Montréal comme conseillère en muséologie pour les institutions scientifiques de la Ville de Montréal, mais je me trouve ici à titre de représentante d'ICOM-Canada, le comité national d'ICOM, le Conseil international des musées.

ICOM-Canada est associé étroitement à l'Association des musées canadiens. Nous avons des membres individuels et des membres institutionnels, et notre mission est de promouvoir, de faciliter et de favoriser le rayonnement international de la muséologie canadienne à l'étranger. Donc, nous avons des publications, nous participons à des colloques et nous tentons de travailler en étroite collaboration avec les autres organisations, du type d'ICOMOS, pour favoriser le rayonnement international de la muséologie.

Le président: Madame Lelièvre.

Mme Francine Lelièvre (présidente, Société des directeurs des musées montréalais): Bonjour. Je m'appelle Francine Lelièvre et je suis directrice générale de Pointe à Callière, musée d'archéologie et d'histoire de Montréal heureusement construit sur le lieu de fondation de Montréal.

Je suis ici à titre de présidente de la Société des directeurs des musées de Montréal, association ou société qui existe depuis 13 ans et qui regroupe 22 musées, enfin, 22 musées de Montréal. Nous accueillons quelques millions de visiteurs chaque année.

À quoi sert cette société? À la mise en commun, par les musées, d'expertise, d'objectifs et de ressources dans le but de favoriser le développement touristique. Nous avons chaque année une activité spéciale, la Journée des musées. Nous avons déjà accueilli plus d'un demi-million de visiteurs. Nous avons créé la carte-musées; les gens en visite à Montréal peuvent acheter cette carte et fréquenter plusieurs musées de façon économique et concentrée.

• 1550

En somme, nous croyons que ce regroupement de musées contribue au développement de Montréal, métropole culturelle. D'après nos études, nous avons un impact assez important au niveau éducatif, culturel, économique et touristique évidemment, à Montréal.

Nous essayons aussi de contribuer au rayonnement de Montréal sur la scène internationale et au Québec.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Victoria Dickenson (directrice générale, Musée McCord d'histoire canadienne): Victoria Dickenson, directrice générale du Musée McCord d'histoire canadienne.

[Traduction]

Le Musée McCord d'histoire canadienne a l'une des plus belles collections de Canadiana et de documents historiques canadiens au pays. Ce musée a été créé en 1921 et était d'abord affilié à l'Université McGill, mais est maintenant un établissement indépendant. Il possède la plus belle collection de costumes au Canada et des archives énormes constituées de photographies et de documents privés liés à sa collection ainsi qu'une collection ethnologique et archéologique très importante.

Membre de la Société des directeurs des musées montréalais, de l'ICOM et de l'Association des musées canadiens ainsi que de Musées SNQ, le McCord s'efforce de soutenir les activités des musées en général. Il considère d'autre part qu'il a un rôle national en ce qui concerne l'enseignement de l'histoire canadienne et une meilleure compréhension de cette histoire.

[Français]

Le président: Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je m'appelle Suzanne Tremblay et je suis députée du Bloc québécois pour Rimouski—Mitis et porte-parole en matière de Patrimoine canadien.

Nous sommes allés au cours des trois derniers jours, comme M. Mark l'a expliqué, à St. John's, Terre-Neuve, à Halifax et à Moncton. Nous en sommes à notre quatrième journée de voyage.

Si je peux me le permettre, monsieur le président, je dirai que je suis très contente de rencontrer les personnes qui se trouvent autour de cette table. J'ai beau les regarder, je ne crois pas en avoir vu une seule à Ottawa. Je trouve donc excellent que nous ayons été capables d'atteindre un de nos objectifs, qui était de rencontrer des gens qui ne fréquentent pas régulièrement les séances du comité et dont nous ne connaissons pas déjà tous les points de vue.

Je me permettrai une autre remarque. Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes causés par le manque de financement dans le domaine de la culture. Nous sommes très au courant de cet aspect des choses.

Il serait bon que vous profitiez de l'occasion que constitue cette première rencontre pour nous parler, sans doute en vous reportant à votre expérience et aux difficultés que vous rencontrez, de solutions possibles ou de pistes de réflexion. Je serais très contente, comme monsieur qui semble tout prêt à nous parler de développement, qu'on envisage l'avenir selon une perspective un peu plus optimiste, qu'on ait quelques solutions à proposer. Je trouverais cela vraiment intéressant.

Le président: Comme d'habitude, madame Tremblay, votre remarque est très judicieuse.

Mme Suzanne Tremblay: Merci.

Le président: Je crois que c'est une très bonne suggestion.

Madame Pagé.

Mme Hélène Pagé (présidente, Société des musées québécois): Bonjour. Je suis présidente de la Société des musées québécois, une société de défense, un regroupement des musées. Il y a plus de 250 institutions muséales au Québec qui sont membres de cette société. Les musées d'État et les musées nationaux en sont membres et, évidemment, les musées de la région de Montréal, mais aussi des musées de partout au Québec, des musées en région. Par «musées», on entend les musées, les centres d'exposition et les centres d'interprétation. Il y a également 600 membres individuels, qui sont des muséologues.

Une étude très récente nous disait qu'en 1997-1998, plus de 14 755 000 visites avaient été faites dans les institutions muséales. Vous pouvez donc constater le potentiel immense de ces institutions muséales.

La société fait de la formation, celle de ses membres et de la formation professionnelle. Nous travaillons en collaboration à des projets de mise en réseau, entre autres à un projet majeur... En vérité, c'est plus qu'un projet; c'est une réalité. Nous travaillons à l'informatisation, à la numérisation des collections. C'est le champ dans lequel nous travaillons.

Mme Tremblay souhaite qu'on ne parle pas que de financement, mais il va bien falloir en parler un peu, surtout après que le discours du budget ait été très silencieux en ce qui a trait au secteur culturel.

Mme Suzanne Tremblay: Vous pouvez en parler, mais je veux vous dire que nous sommes très conscients du problème.

Le président: Monsieur Perron.

M. Michel Perron (directeur général, Société des musées québécois): Je m'appelle Michel Perron et je vous dirai brièvement que je suis le directeur de la Société des musées québécois. La présidente de la société ayant très bien présenté l'organisme, je vous suggère de continuer.

Le président: D'accord.

M. Michel Perron: Merci.

[Traduction]

Le président: Madame Dickenson, je ne savais pas que le McCord n'était plus... Le grand public croit que le McCord et McGill sont associés, mais vous dites que...

• 1555

Mme Victoria Dickenson: Depuis 1986, ces deux établissements sont distincts. Ils sont peut-être l'un en face de l'autre, mais ils ne sont plus liés.

Le président: On apprend toujours quelque chose.

Mme Victoria Dickenson: Ce ne sont que des liens historiques.

[Français]

Le président: Bon, les jeux sont ouverts.

Monsieur Godfrey.

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce qu'on pourrait présenter le...

M. John Godfrey: Il faudrait d'abord présenter M. Blais.

Le président: Oh, je m'excuse. M. Blais est un atout très important de ce comité.

M. Gaston Blais (attaché de recherche du comité): Je m'appelle Gaston Blais. Je suis délégué à la recherche pour le comité.

Le président: C'est lui qui a commencé à travailler sur une ébauche de rapport et qui va être en charge de l'équipe qui jettera tout cela sur papier.

Je m'appelle Clifford Lincoln et je suis député de Lac-Saint-Louis. Je suis président du Comité du patrimoine canadien.

Le greffier du comité: Je m'appelle Norm Radford et je suis le greffier du comité.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: J'ai une toute petite question, monsieur Garand. On dit «patrimoine vivant». Peut-on également parler de «patrimoine défunt» ou de «patrimoine qui se porte mal»? Qu'est-ce que cela signifie exactement?

M. Gilles Garand: Il faut y voir une définition très positive de ce qu'est la culture vivante traditionnelle. Les gens du Québec ont pensé que l'appellation «patrimoine vivant» était plus sympathique que «patrimoine immatériel».

M. John Godfrey: Oui.

M. Gilles Garand: Il valait mieux trouver une définition vivante pour parler de la culture qui se manifeste toujours au quotidien, dans les différentes régions du Québec, que ce soit par les festivals, par la musique, par la danse, par la littérature, par la poésie ou la chanson ou par les savoir-faire en général, donc par l'expression vivante d'une culture qui est encore agissante, non passéiste mais plutôt orientée vers l'avenir et l'an 2000.

Nous y serons nous aussi et nos objectifs sont de faire en sorte de développer des perspectives et des politiques en nous fondant sur les recommandations de l'UNESCO, qui sont très précises quant au développement du patrimoine immatériel et vivant et qui nous permettront, en l'an 2000, dans un contexte de mondialisation de l'économie et des marchés, de maintenir des cultures identitaires assorties d'un plan de développement ancré dans les milieux.

Nous pensons que le développement du Québec «dans sa culture vivante» doit se faire dans et par les régions, parce que la culture est un moteur économique. Quand on n'a plus de bois, de forêts, de richesses naturelles, la richesse qui nous reste est la personne humaine, la tradition, la vie, l'actualisation de la culture. Donc, dans cette perspective, on est prêts à travailler, à nous brancher aux différents réseaux pour que la culture vivante du Québec soit sur la place publique, qu'elle soit un moteur de développement économique et culturel et qu'elle soit intégrée aux différents réseaux Internet dans une stratégie planétaire.

Nos organismes et nos membres travaillent dans plusieurs régions en France, aux États-Unis et ailleurs, et sont branchés dans des réseaux traditionnels et folkloriques à l'échelle planétaire.

Nous pensons qu'il y a certainement moyen de bâtir au Québec une connivence territoriale en relation avec les autres partenaires canadiens. Je pense, par exemple, à tous les organismes qui oeuvrent dans le domaine des archives, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Moncton, à Sudbury; aux chansons traditionnelles de la région de Détroit; aux festivals du Folk Alliance aux États-Unis et au Canada. Il y a là une convergence extraordinaire. Je pense qu'au Québec, avec la complémentarité canadienne, nous sommes capables de bâtir un réseau planétaire de la tradition vivante. Merci.

Le président: Noble pensée, monsieur Garand.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Suzanne Tremblay: ...

Le président: C'est une bonne façon d'amorcer le débat. Ce matin, il y a des gens qui nous ont dit qu'il était malheureux que le ministère du Patrimoine canadien ne s'appelle pas le ministère de la Culture, parce qu'on parlait de culture. Alors, si je vous entends bien, il faudrait l'appeler le ministère du Patrimoine matériel et vivant.

M. Gilles Garand: Je pense que vous portez bien votre nom, à partir duquel on pourra vous faire des recommandations qui vous feront peut-être changer de vocation.

Le président: Donc, les jeux sont ouverts. Qui veut donner le signal du départ? M. Garand nous a fourni une piste. Qui veut continuer? Il ne faut pas être timide.

Monsieur Bumbaru.

M. Dinu Bumbaru: Je voudrais souligner un travail qui est en train de s'accomplir ici. Vous posez des questions dans lesquelles surgit souvent le mot «industrie». Je conçois cela comme étant une préoccupation car, effectivement, les gouvernements sont de plus en plus placés dans la situation où on leur demande de jeter des ponts avec le secteur de l'économie. Dans le domaine du patrimoine, on aborde le problème sous un autre angle. On parle d'égalité, de facteurs d'identité qui sont d'abord des valeurs.

• 1600

J'aimerais simplement mentionner qu'on a fait un constat ici, au Québec, à la suite des réflexions sur le patrimoine qu'on mène depuis quelques années. On a régulièrement tenu des assises, ce qu'il est important de noter. Pour illustrer ce à quoi nous en sommes arrivés, on peut se servir de ce qui s'est passé dans le monde religieux. D'un côté, vous aviez les Dominicains, d'un autre côté, les Jésuites, et d'un autre, les Franciscains. Ils avaient oublié d'intégrer leur spiritualité dans une foi commune. C'est un peu ce qu'on essaie de faire actuellement.

Vous avez posé une question concernant les désignations. Eh bien, le patrimoine constitue une valeur en soi. Sa première qualité est d'exister et d'évoluer en même temps que nous dans le temps. Il porte les traces de la grande marche à travers l'histoire, ce que nous vivons aujourd'hui.

On se rend compte qu'on a un réseau d'acteurs en train de se reconnaître comme constituant un mouvement plus large que chacun de ses morceaux collés ensemble: les musées plus les archives, plus les architectes et les urbanismes, plus les gens qui s'occupent de traditions et de métiers.

C'est une dimension qu'il serait intéressant de mettre au jour. En effet, il y a des forces centrifuges, des forces centripètes qui jouent dans les défis dont vous avez parlé, soit le défi démographique, le défi technologique et le défi de la mondialisation. Il y a là des phénomènes qui vont tendre à créer des bulles de spécialisation, alors qu'on parle d'une valeur plus large.

Selon nous, qui sommes un terme de l'équation, c'est là que réside le grand défi. Le patrimoine est une denrée qui peut disparaître en une seule fois; les bâtiments, on les perd en une fois; les oeuvres d'art, les archives, quand elles brûlent, cela se fait en une seule fois. On oublie alors quelque chose. Pourtant, la mémoire collective est très importante.

Je n'en parle pas qu'en rapport avec le Québec. Sur toute la planète, on se rend compte qu'on oublie de plus en plus.

Comment intégrer tout cela dans un contexte où la situation démographique fait qu'on doit relever le défi de l'acquisition d'une identité dans un monde où les choses changent? L'avance technologique nous porte à croire que c'est le court terme qui va compter dorénavant. Alors que les gens ont le nez collé sur un rythme rapide de consommation, on essaie, par un discours qu'on peut qualifier d'économique, d'introduire la culture dans ces nouveaux cycles. Or, la culture est une grande oeuvre de civilisation, ce qu'on oublie peut-être aussi.

C'est un peu notre point de vue que je vous expose dans des termes abstraits. Si on nous demande comment améliorer le rôle du gouvernement fédéral, je répondrai que ce pourrait être en renforçant sa cohérence par rapport à ces principes-là. Le fédéral est le gestionnaire d'un patrimoine immense qui se trouve au coeur de nos vies, au coeur de nos villes, et nous ne savons pas trop comment c'est géré.

Ici, à Montréal, il se présente des cas plutôt déplorables de cession ou de liquidation de propriétés. Ces situations nous embarrassent grandement parce que ce sont des pans entiers de l'histoire qui sont vendus comme s'il s'agissait de vieilles chaussettes. Est-ce qu'on pourrait intégrer dans cette démarche—ce que je recommanderais au comité—l'importance de l'idée de valeur, non pas de la valeur en vue d'une transaction, mais de la valeur de biens accumulables collectivement, à travers des gestes individuels ou institutionnels?

Le président: Monsieur Bumbaru, je pense que dans tout cela, vous faites une constatation très importante; le Conseil des arts, qui a comparu devant ce comité, à Ottawa, nous avait déjà indiqué que c'était la piste à suivre. Il avait dit que notre rapport devait peut-être porter sur les valeurs, sur un système de valeurs, plutôt que sur des points précis. Toutefois, nous voulons ne pas faire abstraction...

M. Dinu Bumbaru: ...des situations réelles.

Le président: ...des réalités que nous vivons. Quoi que nous fassions, si demain matin l'OMC prend de plus en plus d'importance et commence à diriger quelque peu tout ce que nous faisons chez nous, quelle sera notre position? On a vu ce qui est arrivé avec l'évolution du projet d'investissements multilatéraux. Ce matin, quelqu'un a dit que si cela avait été le cas, on n'aurait même plus été capables de protéger notre industrie du film, par exemple, parce que ce secteur aurait dû être tout à fait ouvert.

Donc, nous n'avons pas voulu faire abstraction des réalités que les gouvernements vont vivre, qu'ils le veuillent ou non. Je pense cependant que vous avez touché à un point très important: est-ce qu'on commence par les valeurs, etc.? Peut-être est-ce la piste à suivre.

Madame Lelièvre.

• 1605

Mme Francine Lelièvre: Je voudrais poursuivre dans le même sens que M. Bumbaru. Comme Mme Tremblay l'a dit, la grande question des ressources se pose à nouveau, mais justement, au moment où les ressources se font rares, il faut d'autant plus essayer de se donner des priorités ou faire des choix. Il m'apparaît que pendant une certaine période de temps, l'urgence serait de mettre l'accent sur la conservation du patrimoine ou sa préservation, quitte à ce que les générations futures aient les ressources nécessaires pour les mettre en valeur. Cela ne veut pas dire de tout mettre nos oeufs dans le même panier, mais je pense que ce sont les valeurs qui devraient sous-tendre une politique culturelle ou patrimoniale.

En deuxième lieu, on devrait favoriser, dans les programmes ou dans les modes d'action, les gens qui travaillent ensemble, qui essaient de s'entraider. En effet, nous sommes de Montréal, du Québec, du Canada, ce qui est quand même, sur le plan mondial, relativement petit. C'est en se mettant ensemble qu'on a une chance de faire plus. Nous, les musées de Montréal, le faisons déjà entre nous, mais nous voulons aller plus loin.

Nous considérons que les archives sont aussi importantes que les musées, que le patrimoine bâti est aussi important que les musées. De fait, nous prenons certaines initiatives en commun avec Héritage Montréal et plein d'autres collaborateurs. Prenons l'exemple de la crise du verglas de l'an dernier, à peu près à cette période-ci. Nous nous sommes trouvés un peu démunis, sur le plan du patrimoine, parce que nous n'étions pas nécessairement préparés collectivement à faire face à cette situation. Si tous les autres avaient été en mesure, très rapidement, d'aider celui qui avait un problème... C'est un exemple et, depuis, nous travaillons davantage à la mise en place de mesures d'urgence.

C'est un cas, mais on pourrait penser à plusieurs cas autres de ce genre. Si on savait que nos valeurs sont les mêmes que celles du gouvernement, on pourrait travailler dans le même sens et, je pense, les retombées s'en trouveraient multipliées.

Le président: Merci beaucoup, madame Lelièvre.

Qui veut continuer? Monsieur Landry.

M. Guy Landry: Je vais revenir sur certaines interventions qui ont été faites. Ainsi, M. Bumbaru a mentionné qu'un groupe s'était penché sur la situation du patrimoine au Québec. L'UNESCO a d'ailleurs mené une réflexion du même genre.

De plus en plus, on tente de mieux intégrer les divers éléments du patrimoine. Auparavant, on séparait vraiment le patrimoine intangible et le patrimoine tangible. On avait toutes sortes de subdivisions, comme ce qui touche à la nature, par exemple. On ne peut se contenter de sauvegarder des bâtiments pour le mérite de la chose. Il existe des bâtiments qui ne veulent plus rien dire pour qui que ce soit, parce qu'avec le temps leur histoire s'est perdue, parce qu'ils ne sont plus rattachés aux habitudes, aux traditions ou aux savoirs existants.

Il est donc nécessaire d'intégrer tout l'ensemble du phénomène patrimonial. C'est une tendance actuelle qui est importante, qui existe sur le plan international et qui est en train de se développer.

Dans ce sens-là, je pense que le gouvernement canadien a un rôle important à jouer pour ce qui est de nous obtenir l'information nécessaire. On vient à bout de l'obtenir, quand certains de nos organismes privés arrivent à se positionner sur le plan international. Mais, en soi, c'est au gouvernement que cela revient.

Prenons l'exemple de la recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle. Elle a été adoptée par le gouvernement canadien, présent à la conférence canadienne sur l'UNESCO, et par l'ensemble des pays. Il a donc un rôle de leadership à remplir, à partir du moment où il agit sur le plan international, pour que les organismes et l'ensemble des intervenants s'inscrivent dans ce mouvement qui existe.

Le patrimoine est important et il est question de la mondialisation, sur laquelle je reviens parce qu'on y a aussi réfléchi en relation avec l'identité. On sait que le Canada se cherche une identité; on dit qu'il en a une, mais il s'en cherche une, comme chaque province ou chaque village s'en cherche une. Pour se trouver une identité, il faut la chercher dans les traditions, dans les cultures traditionnelles, dans les bâtiments, dans les savoir-faire des gens, ce que le gouvernement ne peut pas ignorer. S'il méconnaît ces éléments, il refuse l'identité et l'histoire qui lui appartiennent. Donc, le domaine patrimonial comporte un aspect identitaire important.

• 1610

Mme Lelièvre a parlé de toute la question de la conservation et de la préservation. L'UNESCO, dans ses réflexions, dit que la conservation et la préservation sont importantes, mais que la transmission et l'appropriation sont aussi importantes. Simplement conserver des choses pour qu'elles soient là comme témoins du passé signifierait que, comme Canadiens, comme Québécois, nous n'avons pas conservé nos valeurs, nous ne les transmettons pas et nous les regardons un peu comme des objets de musée. Il faut aller plus loin. Il faut transmettre leur signification, se les approprier, les diffuser et les valoriser. Souvent, les aspects valorisants sont inexistants.

Hier encore, on attribuait les awards aux chanteurs. Qu'est-ce qui se fait dans le domaine du patrimoine? Comment valorise-t-on les gens qui réalisent des choses? En les valorisant, on leur donne de l'importance aux yeux de la société. Si on ne les valorise pas, on les maintient à un niveau très bas.

Donc, le gouvernement fédéral a un rôle important, celui de leader, de coordonnateur. Le patrimoine canadien, c'est le patrimoine de chacune des provinces et celui de chacune des communautés. Chaque palier de gouvernement a son rôle à jouer dans le domaine du patrimoine. À ce moment-là, il y a un rôle de coordination que le gouvernement fédéral doit jouer. Il a aussi un rôle de soutien. On a déjà parlé des aspects financiers.

Le domaine patrimonial peut être désigné par différents noms; ce peut être «patrimoine vivant» ou encore «patrimoine d'expression», que nous utilisons pour l'ensemble du Canada afin d'éviter certaines situations que monsieur a évoquées. Mais ces désignations reviennent toutes à la même chose: «patrimoine immatériel», «intangible», «héritage culturel», etc. sont toutes des dénominations différentes pour parler du patrimoine d'expression des gens.

Ce domaine en est un qui cause des difficultés aux gouvernements, surtout ceux des pays industrialisés. Ils ne savent pas trop comment traiter cela. Il faut être clairs: les trésors nationaux vivants, c'est au Japon qu'on les trouve. C'est en Asie. On n'en trouve pas ici dans nos sociétés, canadienne ou américaine. Par exemple, on va maintenant reconnaître des sites du patrimoine intangible dans le monde. Le Canada et les pays industrialisés, face à cela, ne savent pas trop quoi faire.

Pour nos gouvernements, les individus n'ont pas la même valeur qu'ils peuvent avoir dans certaines cultures. Comment peut-on imaginer la façon de soutenir et de valoriser de telles actions? Par la mise en valeur. J'ai vu que le gouvernement canadien avait commencé à diffuser des petites capsules qui apparaissent à l'écran et soulignent l'aspect historique. Je trouve cela très positif. Ce sont des éléments de valorisation.

Je pense qu'il y a des rôles à élaborer pour le gouvernement canadien dans le domaine du patrimoine, en particulier du patrimoine d'expression.

Merci.

Le président: Monsieur Garand.

M. Gilles Garand: Dans la foulée de ce que M. Landry a dit, nous avons précisé dans notre intervention certains de ces rôles qui nous semblent prioritaires. Par exemple, en tant que propriétaire de bâtiments historiques, le gouvernement fédéral devrait, lorsqu'il s'en départit, maintenir dans certains cas l'obligation pour les nouveaux propriétaires de perpétuer leur utilisation à des fins patrimoniales, pour la mise en valeur du patrimoine vivant. Ils pourraient devenir des maisons du patrimoine, etc., si on regroupe les organismes.

Nous avons environ six recommandations précises qui portent sur ces rôles. Le gouvernement fédéral devrait entreprendre une étude avec la collaboration de la Commission canadienne de l'UNESCO. Par rapport aux recommandations de l'UNESCO sur le patrimoine, il devrait y avoir un comité qui étudierait comment le gouvernement canadien les met en valeur. C'est d'ailleurs contenu dans les recommandations de notre mémoire.

Il nous semble aussi que le gouvernement fédéral devrait négocier, en partenariat avec les provinces, un fonds de subventions qui serait géré par les provinces, pour leur développement autonome, sur une base de 10 ans en vue de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine vivant. Ce fonds devrait inclure les volets recherche, promotion et diffusion. On aurait donc une vision globale.

• 1615

Le gouvernement fédéral est aussi subsidiaire des communautés francophones canadiennes. Il nous apparaît très important qu'il y ait des échanges interprovinciaux dans la francophonie canadienne à ce sujet. Il pourra s'agir, d'une part, d'échanges dans le cadre de colloques annuels propres à la francophonie canadienne et d'échanges de porteurs de tradition dans un but de formation, un peu comme on fait la recommandation sur les trésors vivants au Japon et sur les maîtres d'art en France se fait. On créerait donc des programmes qui pourraient permettre la transmission des savoirs de maîtres à élèves.

Dans le cadre de sa stratégie, le gouvernement canadien devrait développer des programmes d'emploi visant à faire en sorte qu'il y ait des emplois spécifiques relatifs à la mise en valeur des patrimoines dans les différentes régions du Québec et du Canada. On parle donc de création d'emplois dans la recherche et la diffusion entre autres. Il faut mettre les gens à l'ouvrage. Au Québec, on a des centaines d'ethnologues et de chercheurs autonomes qui ont besoin de travailler. Le gouvernement du Québec a développé une stratégie d'emploi relative à l'économie sociale dans le cadre de laquelle on crée des emplois en permettant à des gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté de travailler et d'acquérir des compétences.

Au niveau du gouvernement canadien, il y a certainement de l'argent: on nous annonce tous les jours qu'il y a maintenant de l'argent et que le budget est équilibré, bien que les cordons soient encore serrés. Vous devriez développer des programmes d'emploi pour la mise en valeur, le développement et la diffusion du patrimoine. Il y a une foule de jeunes qui pourraient travailler pendant l'été. Il y a des personnes compétentes qui sont sans emploi et qui pourraient se développer.

Il y a là toute une espèce d'écosystème de développement qui pourrait s'intégrer aux musées régionaux. Il y a une synergie à bâtir. Dans le cadre d'une table ronde comme celle à laquelle nous participons ici aujourd'hui et où nous sommes assis à côté des musées, on est certainement capables de développer une stratégie à long terme.

Évidemment, le nerf de la guerre est l'argent, mais il ne faut pas l'investir n'importe comment. Il faut investir dans des programmes, dans des perspectives et dans l'emploi. Je crois que d'ici 10 ans, nous serions capables de bâtir une stratégie très forte et très intéressante pour le développement d'une culture nationale, selon le point de vue où on se place, qui fera en sorte que les échanges se feront dans tous les sens en même temps. On pourrait réussir à bâtir un héritage collectif en l'an 2000, comme je le disais plus tôt, dans le cadre d'une stratégie de développement sur l'inforoute, par exemple. Nous sommes capables de mettre tout cela en réseau et de bâtir un réseau international du patrimoine vivant en lien avec les organismes et les individus dans le cadre d'une stratégie d'emploi.

Le président: Merci. Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: Je suis très tenté de classer les témoins. C'est très méchant de ma part, mais j'ai deux axes par lesquels j'essaie de vous comprendre tous. Le premier axe est la préservation du passé et celle du présent, du vivant. Par exemple, je constate que le Musée McCord s'occupe plutôt du passé alors que M. Bumbaru s'occupe plutôt du patrimoine.

L'autre axe est celui de l'élément populaire et de l'élément professionnel. Je parle, par exemple, des artistes qui sont représentés dans les trois musées. Quand je lis le mot «architecture» dans le cadre du patrimoine d'expression, je me demande si on parle d'architecture populaire ou d'architecture professionnelle. C'est pour vous provoquer tous que je tiens ces propos. Je veux que vous corrigiez cette classification tout à fait arbitraire que tout le monde fait.

Le président: M. Godfrey a l'art de jeter une pierre dans la mare. C'est bien, car cela suscite une belle discussion.

Commençons par entendre Mme Landry et ensuite Mme Dickenson. Il y a toute une liste de témoins qui ont exprimé leur désir de prendre la parole par la suite.

Mme Johanne Landry: Monsieur Godfrey, peut-être faut-il se poser à nouveau la question: Qu'est-ce que la culture? En fait, on revient à cela; ce n'est ni le passé ni le présent. Dans la culture, il n'y a pas une séparation aussi claire.

En 1995, la Commission mondiale sur la culture et le développement publiait un rapport où elle traitait justement de cette question. On y disait que traditionnellement, notre vision de la culture consiste à parler de patrimoine et d'art. La science a souvent été évacuée dans tout ça. On y affirmait que la vision qui commençait à émerger en était une où la culture correspondait davantage à notre façon de vivre ensemble dans notre vie de tous les jours. Vous ne pouvez pas séparer passé et présent.

• 1620

On revient à ce moment-là à ce que Dinu disait sur les valeurs. Il faut savoir quelles sont les valeurs qu'on veut privilégier et promouvoir. Quelles valeurs, que l'on soit de Montréal, du Québec ou du Canada, veut-on véhiculer lorsqu'on va à l'étranger? C'est une question fondamentale. Est-ce que notre société attache de la valeur à la tolérance, à l'équité ou à la liberté? À un moment donné, il faut identifier ces mots-là. Lorsqu'on va à l'étranger, on nous questionne souvent sur nos différences, mais on se rend souvent compte qu'il est plus intéressant de parler de nos ressemblances. Lorsqu'on va en Asie ou en Afrique, par exemple, il y a tellement de différences qu'on n'en finit plus. Il est parfois important de se concentrer sur les valeurs qui nous rassemblent, qu'il s'agisse de valeurs de respect, de tolérance, etc. On peut facilement se parler à ce moment-là.

Une des valeurs que privilégie le Canada depuis plusieurs années est celle du développement durable. Si on veut assurer le développement durable d'une culture, il faut qu'elle soit nécessairement intégrée à la vie de tous les jours. Je pourrais soulever encore beaucoup d'autres points, mais je céderai la parole au prochain intervenant.

Le président: C'est un débat très intéressant.

Madame Dickenson.

Mme Victoria Dickenson: J'aimerais revenir à la notion de leadership dont M. Landry a parlé.

[Traduction]

Je pense que le gouvernement a un rôle d'entraînement à jouer qui dépend de la façon dont il considère les valeurs... et nous revenons à cette idée de valeurs. Depuis une génération le gouvernement fédéral—et je remonte 20 ans en arrière—est passé de l'idée de bien public à celle du paiement par l'usager. C'est un changement énorme dans la façon dont les institutions sont considérées par le gouvernement fédéral.

Lorsqu'un gouvernement qui doit jouer un rôle dans la détermination des valeurs d'une société considère qu'il doit être l'allié du monde des affaires, que les usagers doivent payer pour obtenir les valeurs de leur société—accès au patrimoine et à l'histoire—ce n'est pas du tout la même chose que de considérer le bien public, de déclarer que ces institutions doivent être soutenues par l'ensemble de la population.

Cela, me semble-t-il, est une notion fondamentale. Plus nous négligeons la notion de ce que sont les biens de notre société qui doivent être soutenus par l'État, plus nous risquons de voir ces institutions incapables d'entretenir nos notions publiques de valeurs—les valeurs de notre société—et plus nous risquons de perdre le sens de notre culture. Nous ne pouvons laisser le monde des affaires déterminer la culture si nous ne voulons pas tous nous retrouver à Disneyland.

[Français]

Le président: Le greffier m'a fait remarquer que M. Gauthier avait été l'un des premiers à lever la main, et je lui cède donc maintenant la parole. Les gens semblent très intéressés à participer à cette discussion.

Monsieur Gauthier.

M. Yvan Gauthier: J'aimerais d'abord remercier les membres du comité d'être venus à Montréal dans le cadre de leur tournée. On sait que cette tournée est exigeante pour vous et on apprécie que vous soyez venus écouter le point de vue d'organismes du Québec, qui n'ont peut-être pas le temps d'aller souvent l'exprimer à Ottawa. Ce n'est pas parce que ce n'est pas important, mais la gestion en est parfois complexe.

Vous avez dit que, dans le cadre de son étude sur la politique culturelle fédérale, le comité veut entendre les organismes du milieu culturel. Je pense que c'est cela, le coeur de la chose politique culturelle fédérale. Je dois dire que nous cherchons aussi à définir cette politique culturelle fédérale. Je crois qu'on a jusqu'ici dit que pour établir une politique culturelle, il fallait d'abord définir nos valeurs. C'est la base de toute politique. Il faut savoir quelles valeurs on veut promouvoir. Un son important s'est fait entendre ici: l'identité est une valeur fondamentale.

On se reconnaît dans notre culture. On reconnaît les peuples et les civilisations parce qu'ils ont une identité. La culture est le premier portrait d'une identité culturelle. Il est difficile aujourd'hui de savoir si la politique culturelle fédérale encourage vraiment le développement d'une identité pour les citoyens canadiens.

• 1625

D'une part, je crois que ce qu'on a dit jusqu'à maintenant est fondamental, c'est-à-dire qu'une identité se base sur notre appréciation de notre propre passé et de notre propre patrimoine. Si on ne valorise pas ce qu'on a été, on a un énorme problème d'acceptation de son identité. C'est une grande priorité pour un gouvernement que de préserver et maintenir ce que nos ancêtres ont fait, créé et développé puisque notre identité est d'abord basée sur notre patrimoine. Je ne réponds pas nécessairement à la question de M. Godfrey, mais je simplifie peut-être les choses.

D'autre part, pour reconnaître une identité, outre le passé, il faut soutenir ce qui se fait et ce qui se crée dans la culture d'aujourd'hui, que ce soit dans les arts de la scène, dans les arts visuels ou dans l'ensemble des pratiques culturelles. Là aussi, il est difficile de comprendre la politique que suit le gouvernement canadien et de savoir quel appui il serait prêt à consentir à la création d'aujourd'hui.

Je parlerai maintenant un plus précisément de mon secteur, celui des métiers d'art. Sur quoi se base-t-on pour reconnaître une civilisation? On se base sur les poteries, les bijoux, les vêtements et les meubles que les gens avaient à l'époque. Les premiers signes d'une civilisation viennent d'abord des objets que les gens de l'époque ont laissés à l'histoire. Je dois dire qu'au Canada, on porte pas nécessairement une grande attention aux objets qui ont marqué notre pays.

Mais il y a encore pire: le Canada ne porte aucune attention aux objets qu'on crée actuellement, qu'il s'agisse de bijouterie, de joaillerie, de verrerie ou de céramique. Le gouvernement fédéral n'a prévu aucun programme pour soutenir les initiatives dans le domaine des objets d'art, il ne verse pas un seul sou pour soutenir les créateurs et il n'a dédié aucun musée à la création d'objets d'art. Il n'a mis sur pied aucun programme favorisant la coopération interprovinciale ou les initiatives visant l'exportation pour le secteur culturel dans la création d'objets. Il n'y en a pas un seul.

Nos préoccupations se rejoignent puisque pour développer l'identité, il faut à la fois savoir préserver notre patrimoine et développer le patrimoine de demain, c'est-à-dire les objets qu'on crée aujourd'hui. On rejoint ainsi une valeur fondamentale, qui est la découverte de l'identité et le maintien de cette identité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauthier. Vous avez su toucher à une question fondamentale.

Madame Lelièvre.

Mme Francine Lelièvre: J'aimerais simplement ouvrir une parenthèse et faire un commentaire à la suite des propos de M. Landry. Loin de me préoccuper uniquement de conservation, je crois que la diffusion et l'appropriation sont très importantes. D'ailleurs, comment pourrions-nous conserver si les citoyens étaient ignorants et inconscients de la valeur du patrimoine? Il faut donc qu'il y ait décision pour qu'il y ait un jour conservation.

Cela étant dit, j'aimerais revenir aux questions que vous avez posées. J'ai le goût de prendre la première question qui nous avait été préparée et d'y répondre au nom des musées que je représente. Quels sont, selon nous, les bons coups que le gouvernement du Canada a faits au cours des dernières années? Il y en a plusieurs. J'aimerais souligner les grands efforts qu'on a déployés en vue de l'informatisation des collections. Nous apprécions beaucoup ces efforts puisque nos collections seront désormais accessibles non seulement au Canada, mais aussi ailleurs, à l'extérieur du pays.

Il y a eu évidemment le programme d'assurance pour les expositions qui n'existe plus et qui est peut-être en train de renaître. Si tel est le cas, je n'en connais pas la forme puisque je ne l'ai pas encore vu. Je m'interroge donc sur ce nouveau projet de loi. Ma collègue en sait peut-être davantage.

• 1630

Je voudrais rendre un hommage à Parcs Canada, qui a fait un travail colossal au cours des 20 dernières années. Cette agence a vraiment développé une muséologie au Québec et au Canada et nous a dotés d'une certaine expertise qui est reconnue à l'étranger. Ce ne sont pas les seuls, mais par l'ensemble de leurs sites et des ressources qu'ils avaient, ils ont développé des choses qu'on apprécie beaucoup et formé des gens qui nous restent aujourd'hui.

Je souhaiterais que le gouvernement du Canada appuie davantage les Canadiens, c'est-à-dire les artistes canadiens, leurs oeuvres, le patrimoine et ainsi de suite. Je souhaiterais qu'on mette davantage l'accent sur le soutien, la valorisation et la promotion de ce qui se produit au Canada, plutôt que d'aller chercher des oeuvres à l'étranger pour les présenter chez nous. Si vous me permettez de parler d'une exposition en particulier, je vous parlerai du Musée des Beaux-Arts du Canada, qui a inauguré son grand musée avec une exposition Degas. J'aime bien Degas et je n'ai rien contre ses oeuvres, bien au contraire, mais il me semble qu'on aurait pu mettre en valeur des artistes canadiens lors d'un événement aussi important et aussi marquant. On a tendance à beaucoup favoriser et appuyer l'emprunt de pièces de l'étranger. C'est très important que les Canadiens aient accès à d'autres cultures, mais je pense que le gouvernement du Canada devrait d'abord les Canadiens et promouvoir les produits canadiens.

Je souhaiterais aussi qu'on ne mêle pas trop la politique à la culture et au patrimoine. Je crois que, chacun dans nos domaines, nous sommes des gens très professionnels et je souhaiterais que les enjeux soient davantage la qualité et l'excellence, plutôt que l'imposition de contraintes selon lesquelles il faut présenter XYZ dans trois provinces, dans trois régions, etc. Lorsque nous regardons le Programme d'aide aux musées, nous sommes très sceptiques, ou très interrogatifs pour le moins, sur les nouveaux critères et les nouvelles priorités qu'on y énonce.

Simplement au point de vue de la faisabilité et des exigences, les nouvelles technologies s'avèrent, à l'exception d'un site Web, très difficiles. Il est très difficile de les rendre accessibles dans plusieurs lieux parce qu'on sait qu'elles sont souvent réalisées en fonction d'un lieu particulier.

Le Programme d'aide aux équipements culturels continue d'exister en théorie, bien qu'on me dise toujours que l'enveloppe est vide. Il y reste peut-être quelques sous, mais il n'y a sûrement pas quelques dollars. Je reviens au côté financier.

Pourquoi avons-nous rétrogradé dans ce secteur de développement culturel et patrimonial?

Le président: Merci, madame Lelièvre.

Madame Pagé.

Mme Hélène Pagé: Je fais miennes ces remarques au sujet des bons coups du gouvernement et des problèmes. Une de nos très grandes inquiétudes, c'est qu'à mesure que l'enveloppe budgétaire dévolue aux programmes pour les musées rétrécit comme peau de chagrin, les exigences deviennent de plus en plus énormes et contraignantes. Il y a de plus une connotation politique.

On a beaucoup parlé de valeurs tout à l'heure. Effectivement, un des rôles de l'État est de reconnaître les valeurs d'une société, et non pas de les édicter. C'est un élément qui nous inquiète.

Pour en revenir aux bons coups, l'informatisation des collections est une excellente réalisation. Mais il ne faudrait pas oublier tout le secteur de la muséographie. De nos jours, il faut être à la fine pointe et les nouvelles technologies exigent l'investissement d'énormes sommes d'argent, mais il y a un vide; on n'a pas d'appui et nos systèmes deviennent vite désuets. La disparition de l'enveloppe du Programme d'aide aux équipements culturels est assez tragique pour nous.

Il y a des inégalités d'accès à des programmes selon les typologies. L'enveloppe du Conseil des arts du Canada a été augmentée et nous en sommes très heureux. Les musées d'art et les centres d'exposition ont pu bénéficier de cette augmentation des budgets. Par contre, les musées d'histoire, d'archéologie et de science n'ont pas bénéficié de telles augmentations, et un écart est en train de se creuser entre ces différents types de musées.

• 1635

Du côté de l'enrichissement des collections, grâce au Conseil des arts du Canada, un petit nombre d'oeuvres d'art contemporaines ont pu être acquises dans le cadre d'une enveloppe, mais si on veut acquérir des objets pour nos collections dans d'autres secteurs, il n'y a rien qui existe pour cela. Il y a donc un traitement inégal.

On a évoqué la circulation des expositions. Le milieu des musées se réjouit du dépôt prochain d'un projet de loi en vue d'indemniser les expositions itinérantes.

Par ailleurs, on a vu l'avant-projet et il est assez inquiétant parce qu'on ne semble pas savoir ce qu'est une exposition itinérante. Il y a deux conditions. L'exposition itinérante doit contenir plus d'objets étrangers que d'objets canadiens, alors qu'on sait qu'une exposition qui vient de l'étranger ne comporte pas d'objets canadiens, ou bien elle doit circuler dans deux provinces. Les grandes expositions internationales vont une fois sur le continent européen, une fois aux États-Unis et dans une seule province canadienne. Elles ne vont pas dans deux provinces.

Mme Suzanne Tremblay: Le projet déposé est identique à l'avant-projet.

Une voix: Il y a un problème.

Mme Hélène Pagé: Oui, il y a un gros problème.

Deuxièmement, les règlements sont inquiétants parce que, là encore, il y a une petite couleur politique. On va décréter par règlement ce qui fait qu'une exposition présente de la valeur pédagogique et de l'intérêt pour les Canadiens. Je ne comprends pas qu'on puisse faire cela par règlement. On ne fait pas confiance aux professionnels des musées. Qui va décréter que telle exposition intéresse les Canadiens ou pas, que l'exposition Monet, à Montréal, n'est pas intéressante pour les Canadiens? Il y a vraiment un problème, une connotation d'intervention politique dans ce projet de loi qu'on attendait pourtant.

Une autre chose est inquiétante. On a appris que ce ne serait valable que pour les expositions ayant une valeur de 500 000 $ et plus. Il n'y a que les grands musées nationaux qui soient capables de présenter des expositions de ce genre. Les autres n'en présentent qu'exceptionnellement. Pour un petit musée à Terre-Neuve ou au Québec qui présenterait une exposition valant 90 000 $ ou 200 000 $ qui serait par malheur est incendiée, ce serait la catastrophe la plus totale. Il ne serait pas indemnisé. Donc, c'est un projet qui sera utile aux grands musées mais pas aux petits musées. Présentement, partout au pays, les petits musées ont beaucoup de difficulté.

Je voudrais revenir à l'un des rôles de l'État. On a souvent dit que l'État devait aider ceux qui s'aident. Il y a des regroupements. On parle de mise en réseau, d'échanges, de soutien. C'est très important. Nous ne voulons pas que l'État fasse tout à notre place, mais qu'il nous aide à faire des choses ensemble.

On sent qu'il y a un grand vide du côté du Programme d'aide aux musées. La tendance veut que les Canadiens parlent aux Canadiens, mais il faut aussi que les Canadiens parlent au reste du monde et que le reste du monde nous parle. Il faut donc qu'il y ait cette ouverture et qu'elle se traduise par des mesures, par des programmes.

Il y a l'accord Canada-France dont le milieu muséal a bénéficié et qui a eu des résultats extraordinaires. Il a permis des projets constructifs d'échanges. Des coproductions ont résulté de cela. Pourquoi n'y aurait-il pas un accord Canada—Amérique latine, Canada—pays de l'Est ou Canada—Asie? Nous devons vraiment nous ouvrir à d'autres marchés parce que la muséologie de ce pays a une très bonne cote et est de grande qualité. On a des institutions remarquables, qui sont reconnues aussi, mais il faut nous aider à être présents et à continuer dans cette excellence.

Il y a environ 15 millions de visiteurs au Québec. Imaginez le nombre de visiteurs qu'il y a dans tout le reste du Canada. C'est une force incroyable. Il y a un engouement pour les musées. Le public s'intéresse aux contenus, aux lieux que préservent et diffusent les musées. Les musées ne sont pas que des conservateurs; ils sont des producteurs de savoir, des producteurs d'éducation. C'est un potentiel formidable sur lequel on peut compter. Les musées, c'est gagnant. Il faut les aider à aller plus loin.

Le président: C'est une discussion vraiment bien vivante et très enrichissante pour nous. Je vois notre attaché de recherche qui est en train d'écrire à grande vitesse. Il est présentement 16 h 40 et on doit terminer à 17 h 30. Pour que tout le monde puisse avoir du temps, je vous demanderais d'être concis.

• 1640

Plusieurs personnes m'ont demandé la parole. Madame Dunton, on va commencer par vous. Il y aura ensuite M. Mark, M. Bumbaru, Ms. Dickenson et Mme Tremblay.

[Traduction]

Madame Dunton.

Mme Nancy Dunton: J'aimerais rassembler certaines idées qui ont été avancées dans un certain nombre de discussions différentes à propos des valeurs et priorités. M. Gauthier parlait de politique générale. Je crois qu'à bien des égards, en particulier dans la région du monde que je connais le mieux, l'idée du patrimoine architectural semble pour le moment manquer. Nous sommes peut-être tous en mesure de définir les valeurs, et peut-être aussi les priorités, mais nous n'avons pas de politique générale, quelque chose qui déclare en fait que les signes les plus visibles et tangibles de la culture sont nos villes.

Pour répondre à votre question, monsieur Godfrey, il ne s'agit pas de faire la distinction entre telle ou telle architecture. C'est comme une notion très bizarre des antiquités—quand on dit qu'il faut que l'objet ait plus de 100 ans. Ce n'est pas du tout cela. En fait, aujourd'hui, ce que l'on entend par patrimoine urbain, c'est l'ensemble du paysage. Autrement dit, ce sont tous les éléments, y compris les immeubles, les musées, les grandes institutions culturelles, les routes, les allées et les parcs. Ici, à Montréal, cela inclut le mont Royal, qui est à lui tout seul l'un des éléments les plus importants de notre patrimoine.

Le problème que nous rencontrons pour ce qui est du patrimoine architectural, c'est que le gouvernement fédéral n'a pas de politique concernant le patrimoine architectural et ne fait pas preuve de leadership dans les domaines où il a compétence. Par les divers moyens qui lui restent au sein des sociétés d'État—et on peut penser à Parcs Canada—le gouvernement fédéral reste soit propriétaire, soit le premier intéressé dans de très nombreux sites et propriétés qui ont une importance patrimoniale énorme dans tout le Canada.

Ici, à Montréal, ces propriétés sont extrêmement importantes. Pensons évidement au canal Lachine et à un certain nombre de propriétés qui appartiennent au ministère de la Défense nationale, par exemple. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle directeur énorme en ce qui concerne les propriétés qui lui appartiennent ou qu'il a classées dans le patrimoine historique. Pensons à la gare Windsor, par exemple. Il est temps que le gouvernement fédéral se montre véritablement proactif en ce qui concerne le paysage urbain et la culture des villes. C'est en effet par nos villes que nous nous présentons à nous-mêmes comme Canadiens et que nous nous présentons à l'étranger. Nos villes sont le symbole tangible de notre culture et de notre identité.

Nous qui travaillons depuis longtemps dans tous ces domaines du patrimoine architectural souhaitons que le gouvernement fédéral adopte une politique dont pourra découler tout le reste—des actions, des réactions, des responsabilités particulières—et assume la direction de telles actions afin d'aider, dans certains cas, à protéger et à conserver des propriétés et des sites entiers.

Il ne s'agit pas d'attendre que quelqu'un d'autre le fasse. Il y a beaucoup de cas où tous les ordres de gouvernement sont concernés. Je ne pense pas qu'un ordre de gouvernement puisse dire que c'est à l'autre d'intervenir. Le gouvernement fédéral a un rôle terriblement important à jouer pour protéger et célébrer notre patrimoine architectural.

Le président: Merci, madame Dunton.

[Français]

Monsieur Bumbaru.

M. Dinu Bumbaru: J'aimerais vous rappeler que le thème que nous avions apporté à la conférence de Stockholm était celui du sense of place. C'était un très grand défi parce qu'à Stockholm, il y avait une espèce de course. On connaît cela à Montréal sous le nom de Blue Bonnets, c'est-à-dire les courses. Tout le monde va à la course. Les artistes avaient leur lobby ainsi que les autres. Tout le monde arrivait à la course et on a dit: La civilisation a besoin de travailler sur cette notion de sense of place. Cela inclut le bâti, mais le sens ne peut pas être porté que par la matière. Il est porté par le gens. Il est important qu'une politique culturelle reconnaisse le rôle des citoyens dans le transport, la valorisation et l'enrichissement de la culture. Également, il faut que cette politique intègre les définitions actuelles du patrimoine.

• 1645

Vos questions provocatrices, monsieur le député, ont tendance à nous amener dans un monde où on dit que le patrimoine est quelque chose d'autre. C'est comme le dodo bird. C'est un phénomène extérieur à nous, qui ne nous appartient pas. Présentement, les définitions vont dans le sens d'un spectre plutôt que d'un découpage. On passe des savoirs aux territoires. La notion de paysage est devenue une notion très intégratrice. La Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO est en train d'évoluer dans ce sens-là et les savoirs sont en train d'être reconnus, même au niveau international, comme des éléments qui ont une signification. Une définition comme celle-là est nécessaire, avec les traitements différenciés qu'il y a derrière cela.

J'entends dire ici que la mission par rapport au patrimoine n'est pas claire. Quelle est la mission de l'État par rapport au patrimoine? Doit-il se contenter de regarder cela et d'encourager un collage d'initiatives ici et là? Comme on est des archivistes d'une certaine façon, on se considère comme des partenaires de ce réseau de conservation. Je ne parle pas de la conservation dans le sens de garder dans le frigidaire. Parler, c'est conserver sa langue. Lire, c'est conserver ses idées, son cerveau. Apprendre, c'est conserver.

J'aimerais revenir sur des éléments qui nous touchent peut-être plus dans le domaine du bâti, mais qui ont une pertinence très grande. Il y a d'abord la question de la fiscalité. Il s'agit de reconnaître le rôle des citoyens dans la conservation des patrimoines. La fiscalité fait que, quand les gens réparent leur maison, on les impose plus que quand ils la laissaient pourrir. On pose des gestes imbéciles comme celui-là, mais il y a peut-être un progrès. Est-ce qu'une politique culturelle qui serait étendue à d'autres bras du gouvernement pourrait avoir une cohérence? À plusieurs conférences internationales dans lesquelles le Canada a joué un rôle fondamental, on nous a dit que la culture n'était pas un tube à côté d'autres tubes, que la culture passait à l'horizontale. Si on accomplissait ce progrès, ce serait déjà important.

Je veux aussi mentionner le leadership non quantifiable que le Canada assume. J'ai ici la Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO, que le Canada a signée. Il devrait peut-être la lire au complet. Les articles 4 et 5 sont très intéressants. Ils portent sur les obligations de l'État par rapport aux politiques et à la valorisation. Cela porte sur le patrimoine physique, mais je pense que beaucoup d'imagination peut être extraite de cela. La convention a été rédigée par des Canadiens. On est infiltrés à peu près partout. La notion d'authenticité a été réévaluée à Nara, il y a quelques années. Toute cette discussion sur le sens du patrimoine à l'échelle internationale a commencé au Canada. Ce n'est pas le Canada qui a joué ce rôle-là, mais des Canadiens, et je pense qu'il est important de le souligner.

On parlait d'aider ceux qui contribuent au progrès. Nous sommes une drôle de race ici, et je vous avoue que partout sur la planète, on nous apprécie parce que nous ne sommes ni américains ni européens, mais planétaires tout en venant d'un petit coin. Cela aide beaucoup. C'est très important, et je voudrais terminer sur cette valorisation du sense of place en prenant l'exemple d'une action un peu triste, dirais-je.

Je pourrais vous donner beaucoup d'exemples tristes, mais c'est pour vous aider à sourire par la suite. Il s'agit de la conférence Habitat. La dernière grande conférence Habitat des Nations unies a été celle d'Istanbul, il y a deux ans, je crois. Auparavant, il y avait eu Habitat à Vancouver. Ce n'est pas rien. Qui a dit qu'Habitat n'avait pas de sens, que c'était juste du housing? C'est le gouvernement fédéral. On a fait toutes sortes de représentations pour qu'il intègre la notion de culture de la ville, non pas les égouts et des choses comme celle-là, mais le sense of place en tant que motivation fondamentale qui nous différencie des fourmis. Nous n'habitons pas des fourmilières, mais des endroits qui signifient quelque chose. C'est quelque chose qui devrait faire l'objet d'une politique, et une telle politique pourrait être une contribution extrêmement importante. Le gouvernement reconnaîtrait que ses actions doivent aider les Canadiens à enrichir le sens des endroits où ils vivent, où ils se développent, où ils élèvent leurs enfants et où va vivre la prochaine génération. Je sais que c'est un peu théorique, mais la fiscalité, les politiques générales et le respect des engagements que nous avons pris au niveau international peuvent se mettre en place dans un plan d'action subséquent.

Le président: C'est théorique, bien sûr, mais c'est important.

[Traduction]

Monsieur Mark.

• 1650

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. Je ferai deux petits commentaires.

Tout d'abord pour répondre à Mme Pagé à propos du projet de loi... sur les expositions itinérantes. Je suis sûr que notre comité serait très heureux de recevoir vos recommandations, car nous sommes au tout début de notre étude. Le projet de loi n'a pas encore été déposé à la Chambre, et toute recommandation est donc bienvenue.

Deuxième commentaire à propos du paiement par les usagers. Lorsque nous étions à Terre-Neuve, on nous a dit que la culture, c'est l'estime de soi pour une société. Nous avons aussi discuté de la question des limites du modèle commercial. Nous ne pouvons appliquer un modèle commercial à la culture ou aux activités culturelles, ou encore aux organisations culturelles, parce que dans la plupart des cas il est difficile de récolter des fonds. Que doit-on penser du financement? Il peut être impossible de complètement s'autofinancer. C'est quelque chose qu'il faut à mon avis reconnaître.

J'aimerais donc interroger ce groupe sur la dissémination des fonds par le biais des programmes actuels liés au patrimoine. Lors d'une réunion, on a dit au comité que nous devrions éliminer toute considération politique du processus de subventionnement. J'aimerais poser la question à ce groupe. Comment cela se passe-t- il? Est-ce un processus ouvert, transparent? Vous demande-t-on conseil, ou ces décisions sont-elles prises indépendamment de votre organisation?

[Français]

Le président: Peut-être pourrons-nous aborder ces questions lorsque nous aurons l'occasion de parler...

[Traduction]

Madame Dickenson, pourriez-vous peut-être répondre à certaines de ces questions et à d'autres?

Mme Victoria Dickenson: J'aimerais revenir en effet sur ces questions, comme l'a fait Francine.

Tout d'abord, je dirais que bien que les musées aient apprécié les programmes d'aide aux musées qui ont été mis sur pied en 1972, si je ne m'abuse, par MM. Pelletier et Trudeau en vue de disséminer la culture du Canada, ils me semblent avoir perdu de vue l'idée que ces programmes étaient là pour aider. La politique concernant les musées remonte à 1972. Dans un sens, les musées sont aussi l'expression des peuples. Ils ne sont pas simplement—comme semble le penser M. Godfrey—des réceptacles du passé. En fait la majorité de nos...

M. John Godfrey: Je plaisantais.

Mme Victoria Dickenson: Je sais. Je voulais simplement m'assurer que tout le monde le comprenait.

En fait, la majorité de nos visiteurs viennent aux musées pour comprendre leur propre passé. Une récente étude aux États-Unis semble indiquer que les gens comptent avant tout sur les musées pour comprendre leur passé, et ensuite sur leurs parents et leurs grands-parents. Il est très important que nous comprenions le rôle des organismes de préservation du patrimoine.

D'autre part, lorsque nous recevons des subventions, nous voulons vraiment comprendre notre clientèle, nos publics et ce qui est vraiment bon. Cela repose toujours sur des valeurs, mais l'idée que l'on puisse nous dire que nous devons faire ceci ou cela et que nous devons satisfaire à tels critères n'est pas acceptable... Nous devons être aidés, parce que les musées sont en fait l'expression d'une idée du passé et sont, pour la plupart, tenus de faire rapport à des conseils d'administration qui représentent le grand public.

Je reviendrai aussi sur la question numéro 2. C'est très important, étant donné le nouveau genre de clientèle que nous avons, des jeunes, dont la principale base de recherche est le Web et l'Internet. Nous avons fait allusion au coût de la numérisation pour les fins du Web.

Je signalerai que 90 p. 100 du contenu du Web est actuellement américain. N'allez pas vous inquiéter de savoir si c'est en anglais ou en français; sachez que c'est américain, parce que ce n'est pas canadien. Souhaitez-vous vous retrouver, vous, ou souhaitez-vous que vos enfants et vos petits-enfants se retrouvent sur Internet? Vous n'y êtes pas. Ils n'y sont pas. Les seuls qui peuvent le permettre et qui ont une source d'information viable se trouvent aux archives, dans les bibliothèques et dans les musées et sont totalement à court de fonds de ce genre. Lorsque des programmes nous permettent d'obtenir des fonds, même d'extrêmement bons programmes comme ceux d'Industrie Canada et Rescol, nous n'avons pas ensuite les moyens d'entretenir ces sites ni d'en assurer le contenu.

Si nous voulons que le Canada soit reflété dans ce nouveau réseau international, il faut soutenir les organismes qui s'occupent du contenu et qui ont la responsabilité de fournir ce contenu. La question du contenu canadien, dont on parle depuis la Commission Massey, ne disparaît pas du tout avec cette nouvelle technologie.

Si nous ne réagissons pas, si nous ne comprenons pas combien le contenu canadien disponible est maigre pour le moment et si le gouvernement fédéral ne montre pas l'exemple, comme l'ont fait la France et l'Amérique... Si vous voulez regarder le site de la Bibliothèque du Congrès ou le site du gouvernement français, vous verrez que les deux ont mis dans un média électronique des ressources pour préserver leur culture qui défient toute description dans notre pays. Je n'insisterai pas davantage.

• 1655

[Français]

Le président: Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: J'essaie de résumer en quelques mots ce qu'on a entendu depuis lundi et certains mots que M. Landry a dits. Lundi matin, je suis partie avec quatre mots; j'en ai maintenant 10 sur ma liste. Donc, je me suis enrichie considérablement au cours de la semaine. Les quatre mots avec lesquels je suis partie correspondaient à quatre étapes: la création, la production, la promotion et la diffusion.

Vous avez parlé aujourd'hui de la valorisation. Je la joins à la promotion. Je vais essayer de valoriser les choses en en faisant la promotion. Vous avez parlé aussi de la transmission, qui peut s'assimiler à la diffusion. Quant à l'appropriation, il va falloir qu'on donne aux gens un certain temps pour qu'ils s'approprient les choses et les appréhendent. Cela va nécessiter beaucoup d'approches diversifiées parce qu'on n'a pas tous les mêmes modes d'appropriation. Vous avez aussi parlé de coordination. On a beaucoup entendu parler de conservation parce qu'on a rencontré beaucoup de gens des archives et des musées. Vous avez aussi parlé de leadership.

Devant tous ces mots, on a peu de ressources. Le budget pour l'ensemble du ministère du Patrimoine canadien est d'à peine plus de deux milliards de dollars. Il y en a une bonne partie qui va aux langues officielles et une grosse partie qui va à Radio-Canada. Pour ce qu'on appelle le monde culturel, il doit rester à peine 600 ou 700 millions de dollars—je ne suis pas sûre qu'on se rende à un milliard de dollars—pour tout dans l'ensemble du Canada, y compris tous les organismes comme Téléfilm, l'Office national du film et le Conseil des arts.

À quel niveau situez-vous le leadership du gouvernement fédéral? Qui doit recevoir en priorité le peu d'argent qu'il y a, d'après vous?

Le président: Voilà un bon défi. On va commencer par M. Garand. Quelles sont vos priorités?

Mme Suzanne Tremblay: Il m'en manque peut-être dans la liste.

M. Gilles Garand: Non, c'est bien. Cependant, j'aimerais d'abord répondre à une question de M. Godfrey. Je ferai allusion à un rapport de l'UNESCO de 1982 dans lequel on définit le patrimoine culturel. On parle de patrimoine bâti et de patrimoine vivant, mais on doit aussi parler de patrimoine culturel. Tout ce dont on entend parler ici, on peut appeler cela le patrimoine culturel. On définit ainsi le patrimoine culturel:

    Le patrimoine culturel d'un peuple s'étend aux oeuvres de ses artistes, de ses architectes, de ses musiciens, de ses écrivains, de ses savants, aussi bien qu'aux créations anonymes, surgies de l'âme populaire et à l'ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie. Il comprend les oeuvres matérielles et non matérielles qui expriment la créativité de ce peuple...

Qu'est-ce qui pourrait devenir prioritaire? On octroie certaines sommes d'argent à l'ensemble des institutions muséales, à Téléfilm, à Radio-Canada, qui sont tous des lieux de mise en valeur. Vous comprendrez que pour nous, du patrimoine vivant, il y a urgence parce que les sommes qui sont actuellement consacrées à cette culture sont minimales et que les artistes ont de la difficulté à y avoir accès. Il y a aussi la notion de professionnels et de porteurs de tradition. Les critères d'accessibilité sont très difficiles pour les porteurs de tradition.

Il y a urgence. Cette année, c'est l'Année internationale des aînés. Quelles sont les urgences qui pourraient être de nature canadienne, quant à l'héritage? Par exemple, on pense aux immigrants et immigrantes de la Deuxième Guerre mondiale. Il y a toute une génération de personnes qui va disparaître d'ici cinq à dix ans.

• 1700

Il nous semble donc essentiel et prioritaire qu'on refasse une grande collecte nationale, comme Barbeau l'a fait en 1920, en allant interpeller les gens. Une culture vivante est une culture qu'il faut capter pendant qu'elle est là. Les gens vont mourir. Donc, nous pensons qu'il faudrait adopter de toute urgence une nouvelle approche du travail sur le terrain: collecte des cultures, collecte du patrimoine rural ou urbain.

À Québec, on a fait une démarche pour étudier le patrimoine urbain. Il me semble qu'il y a là tout un chantier pour renouveler notre mémoire et faire en sorte que celle qui existe serve dans les musées, dans les lieux d'animation, dans les lieux du patrimoine, à notre visibilité de l'an 2000. Dans les parcs gérés par Parcs Canada, on peut créer de l'animation autour de la culture.

Nous pensons qu'un des rôles du gouvernement canadien serait d'assurer le suivi de ces rencontres actuelles, que je trouve très fructueuses. Nous voir ici rassemblés me semble très intéressant, parce qu'il y a des relations qui se font. Ce pourrait être fait au moyen d'une table nationale regroupant l'ensemble des organismes qui oeuvrent dans le domaine du patrimoine. On pourrait y poursuivre une réflexion commune à la grandeur du pays, par le partage de nos visions, puisqu'on parle d'identité.

Arrêtons-nous aux questions proprement dites. Nous nous réjouissons qu'il y ait plein de programmes qui portent sur la culture, sur les musées, sur les communautés culturelles et sur le multiculturalisme. De nombreux programmes sont positifs. Par contre, en ce qui a trait au patrimoine vivant, il faut parler de difficulté d'accès et de moyens.

À propos de l'inforoute, nous sommes en faveur de son développement, mais nous croyons qu'il amènera des difficultés, notamment par rapport à la protection des droits de création, des droits d'auteur, etc. Il y a certainement une bonne réflexion à consacrer à ce point.

En même temps, de quelle sorte de culture parle-t-on quand on parle de l'inforoute? Serons-nous inondés de culture américaine ou bien de culture planétaire? Comment l'inforoute nous aidera-t-elle à nous construire une identité ou à la maintenir?

Quand on parle de développement du patrimoine vivant, on ne parle pas de nostalgie; on parle d'une culture actuelle qui est là pour rester et se développer.

Toute la question de l'uniformisation de la culture, en rapport avec l'américanisation, et de l'identité nationale, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada, nous apparaît importante.

Il en va de même pour toute la question des récits de vie, de la culture, de la recherche sur le terrain de personnes encore vivantes. Le rôle du gouvernement canadien par rapport aux recommandations de l'UNESCO sur la façon dont il doit assumer sa responsabilité en élaborant des programmes nous semble une priorité.

Donc, nous sommes prêts à travailler avec vous à l'élaboration de tout cela au sein d'une grande concertation nationale.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Garand. Nous nous en souviendrons.

J'ai toute une liste d'intervenants qui veulent se faire entendre. Il y a d'abord Mme Landry, qui sera suivie par Mme Lelièvre, M. Gauthier et Mme Pagé. Comme il ne nous reste qu'une demi-heure, je vous demanderais d'être concis.

Madame Landry.

Mme Johanne Landry: Je voudrais répondre principalement à deux questions: celles qui tournent autour des nouvelles technologies. J'appuie totalement les commentaires de Mme Dickenson sur les sites Web et tout cela. C'est un outil, un simple support dans lequel mettre du contenu. C'est aussi clair que cela.

Maintenant, il existe un autre secteur des nouvelles technologies qui est beaucoup plus vaste et beaucoup plus coûteux, et c'est celui de la muséologie virtuelle. Je vais vous en donner un exemple très particulier.

Au Biodôme, les gens de Patrimoine Canada nous avaient demandé de développer un projet-pilote de muséologie virtuelle sur les bélugas. Nous avons réalisé le projet, croyant qu'il ne poserait pas de problèmes. Mais, pour ce qui est de la réalisation, cela a été une autre paire de manches. Nous avons l'expertise, en particulier à Montréal, pour produire un spectacle en images virtuelles. Vous avez vu, à Lisbonne, le pavillon qui s'appelle Oceania. C'est un succès phénoménal. Mais ce n'est pas demain la veille que les musées auront les budgets pour faire ce genre de choses.

Je pense donc, en ce qui a trait aux nouvelles technologies, qu'on a déjà de la difficulté à mettre du contenu sur Internet et à avoir le personnel qu'il faut pour entretenir ces sites. Donc, la muséologie virtuelle, c'est pour un peu plus tard. Il faudra vraiment que ce soit développé par des entreprises privées parce que pour les musées, étant donné l'état de leurs finances, c'est impossible.

Ensuite, en ce qui concerne la mondialisation, on peut la voir sous deux aspects, celui des échanges commerciaux et celui des échanges de collaboration.

Parlons d'abord des échanges commerciaux. L'expertise canadienne, comme le disait Mme Pagé, est très bien perçue au niveau international. Nous avons des experts, et pas seulement dans la conception ou dans la réalisation, et nous avons vraiment une muséologie qui est perçue comme une des meilleures au monde. Il faut toutefois pouvoir l'exporter. Des appuis sont alors nécessaires. Il faut pouvoir profiter des programmes de ministères tels qu'Industrie Canada ou de l'ACDI, parce que les autres ministères ne considèrent pas que la culture est un produit économique propice aux échanges commerciaux. Alors, on a un bon bout de chemin à faire. Par exemple, l'ACDI est habituée à promouvoir des entreprises qui construisent des barrages et des routes, mais la construction de musées, c'est une autre paire de manches. On peut toujours essayer de convaincre, mais on a encore beaucoup de chemin à faire.

• 1705

Quant aux échanges commerciaux, l'OCDE a fait une étude sur la diffusion internationale de tous les produits culturels en éducation, en sciences, etc. qui démontre que les autres pays y affectent un pourcentage pas mal plus élevé de leurs dépenses que le Canada. Vous pouvez toujours regarder les autres études, mais la France vient au premier rang avec 0,23 p. 100 de toutes les dépenses publiques; le Royaume-Uni, 0,21 p. 100; le Japon, 0,18 p. 100; et nous, 0,03 p. 100. C'était en 1990. Vous pouvez donc vous imaginer que ce pourcentage doit aujourd'hui être encore moindre. Pour exporter des produits culturels à l'étranger, il faut déjà avoir des intervenants canadiens à l'étranger. Dans les ambassades, il y a toujours des attachés scientifiques et des attachés économiques. Mais les conseillers culturels, cherchez-les!

Mme Suzanne Tremblay: Où avez-vous trouvé ces derniers chiffres?

Mme Johanne Landry: Ils figurent dans un rapport qui a été soumis par John Ralston Sawl en 1994 ou 1995. On y traitait de politique culturelle extérieure et on y démontrait que la culture n'était que le troisième pilier.

Mme Suzanne Tremblay: D'accord.

Mme Johanne Landry: Tous ces chiffres figurent dans ce rapport. Vous devez les avoir en mains parce qu'on vous les a remis.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: ...la Chambre des communes.

Mme Johanne Landry: Des réunions sur la culture et son exportation ont par la suite eu lieu à Ottawa. On vous a déjà dit tout cela. On a publié des rapports à ce sujet, mais rien n'a vraiment changé. Plutôt que d'améliorer la situation, on effectue des réductions budgétaires. Lors des rencontres, on a formulé de nombreuses recommandations très précises. L'information est là—peut-être pas sur Internet—et il suffit d'aller la chercher.

Je passe à la deuxième question au sujet des échanges et de la collaboration. ICOM-Canada a demandé à l'ACDI de mettre sur pied un programme d'aide aux pays qui sont moins avancés au niveau de la muséologie dans le cadre d'un échange de réciprocité. La Suède a justement l'équivalent de notre ACDI. Elle affecte quelque 300 000 dollars par année à la mise en oeuvre d'un programme semblable, tandis que notre contribution s'élève à zéro. On a fait des efforts en ce sens, mais on a toujours zéro. Il est nécessaire d'avoir de l'argent pour réaliser de tels projets.

Au chapitre de la collaboration internationale, le Canada est très présent au niveau de tout ce qui est Casques bleus ou Boucliers bleus. On est bien d'accord, mais le Canada a signé la convention de La Haye en 1954 et elle n'a été ratifiée qu'en décembre dernier. On est en 1999, 45 ans plus tard. Elle n'est pas encore vraiment officielle.

Quant à UNIDROIT, c'est pareil. Nous n'avons toujours pas signé l'entente relative à l'exportation illicite des biens culturels. Qu'est-ce qu'on attend? Des recommandations bien précises. Il y a une foule de cas semblables. Je crois donc qu'il y a des choses à faire au niveau international principalement.

Je voudrais traiter principalement de la question de la mondialisation. Comme Dinu le disait, la culture, ce n'est pas juste un tube. Il y a aussi toute une industrie, les relations extérieures et une foule d'autres domaines. Il faudrait qu'il y ait des programmes et que les personnes qui en seront responsables se parlent pour faciliter la coordination. Les gens sont déjà là, mais ils y vont sans l'aide du fédéral. Il pourrait certainement y jouer un rôle.

Le président: Merci beaucoup, madame Landry. Les questions que vous avez soulevées méritent d'être soulignées. Il y a des lacunes vraiment flagrantes.

Madame Lelièvre.

Mme Francine Lelièvre: Quand on sabre un programme, c'est parce qu'on juge qu'il n'est pas important. Quand on accorde peu à un ministère, c'est qu'on considère qu'il est moins important ou encore beaucoup moins important que ceux de l'Industrie, du Commerce ou tout autre.

Je voudrais juste émettre quelques commentaires à la suite des propos de Mme Tremblay.

• 1710

Je crois que le ministère du Patrimoine canadien doit devenir important. Comment peut-il devenir important? Il doit faire preuve d'un certain leadership puisqu'il est en grande partie responsable de l'identité canadienne. Cette valeur doit transcender le ministère du Patrimoine canadien, qui doit convaincre les autres ministères. C'est dans ces autres ministères, madame, qu'il faut aller chercher l'argent. Ce sont eux qui peuvent vous aider à vous acquitter de cette responsabilité canadienne.

Il y a des missions économiques qui vont à l'étranger. Quand a-t-on vu un représentant du patrimoine ou de la culture y participer? Très rarement. Pourtant, on devrait être là et promouvoir cette valeur. Vous devez faire la promotion de l'identité canadienne, et ce, avec les Canadiens, qu'ils soient des artistes ou qu'ils oeuvrent dans d'autres domaines.

Je ferai un dernier commentaire puisque je voudrais laisser à d'autres personnes la chance d'intervenir. Des entités importantes relèvent du ministère du Patrimoine canadien: Radio-Canada, le Conseil des arts, le film et l'audiovisuel. À l'exception des lieux historiques dont il est le propriétaire, des plaques qu'il installe sur certains bâtiments ou lieux historiques, et de Parcs Canada dont il assume la gestion, que fait le ministère du Patrimoine canadien pour mettre en valeur l'histoire et le patrimoine? Tout comme les arts, le cinéma et la vidéo, c'est un volet important dont doit s'occuper le ministère du Patrimoine canadien. Il y a une lacune au niveau de l'histoire et du patrimoine, qui sont le plus directement reliés à l'identité canadienne, qu'on devrait essayer de combler.

Mme Suzanne Tremblay: Je ne pense pas qu'il y ait un problème avec l'histoire parce qu'on ne sait pas quand elle commence et qu'on n'a pas la même.

Mme Francine Lelièvre: Non, c'est de la sémantique.

Mme Suzanne Tremblay: Oui?

Mme Francine Lelièvre: Il est facile d'utiliser comme prétexte qu'on essaie de ne pas toucher l'histoire parce que cela peut être problématique ou discutable. C'est un beau prétexte pour ne rien faire. Mais qui sommes-nous aujourd'hui? L'éphémère? Nous avons quand même des racines.

Le président: Afin qu'on divise le temps de façon équitable, j'aimerais maintenant céder la parole à M. Gauthier, puis à Mme Pagé et à M. Bumbaru. Est-ce que d'autres personnes, y compris celles qui sont dans la salle, aimeraient prendre la parole? Je vous invite à intervenir de façon concise pour donner à tout le monde une chance de prendre la parole.

Monsieur Gauthier.

M. Yvan Gauthier: J'aimerais répondre à la question que soulevait Mme Tremblay. Aujourd'hui, on a beaucoup parlé de l'importance de soutenir des institutions. Maintenant, qu'est-ce qu'on fait de la politique et de l'argent qui reste?

Fondamentalement, je crois que ce sont les citoyens qui sont les plus importants. Ce sont d'abord eux qui décident quel patrimoine ils veulent. Il est très important que, d'abord et avant tout, les citoyens préservent leur propre patrimoine. C'est là une valeur qu'on a perdue chez nos propres citoyens; on néglige de prendre soin de son propre passé comme famille, de son patrimoine familial et de son patrimoine artistique. La première grande valeur d'un peuple, ce sont ses citoyens qui vont la lui donner. L'État ne peut pas décider quelle va être la culture d'un peuple; ce sont les citoyens qui en décident d'abord et avant tout. Il faut aider les citoyens à préserver leur propre patrimoine. S'ils savent conserver et apprécier d'abord le leur, ils sauront reconnaître celui des autres par la suite.

D'autre part, ces citoyens achètent aussi des oeuvres et vont voir des spectacles auxquels ils s'identifient. Il est important de parler du rôle des institutions, mais le soutien aux citoyens, c'est cela qui est fondamental pour une société parce que c'est le citoyen qui décide en définitive du patrimoine qu'il aura, ainsi que de la création qu'il veut avoir.

Je voulais soulever cet élément-là parce que, dans le fond, on a peut-être oublié un petit peu que tout ce qu'on fait, c'est pour lui. Il faut aussi penser qu'il a un rôle fondamental et majeur au niveau du patrimoine, pour conserver ces traditions et pour encourager la création. C'est de cela que sera faite la société de demain.

• 1715

Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauthier. Madame Pagé.

Mme Hélène Pagé: On a beaucoup parlé du fait que les ressources financières diminuaient, mais quand on demande quelle devrait être la priorité de ce ministère-là, je dirais que la première priorité est de monter aux barricades pour faire la preuve de l'importance de la culture dans ce pays. Oui, il y a moins d'argent mais par ailleurs, dans ce pays, il y a eu des surplus d'argent qu'on a redistribués alors que la culture n'a rien eu. Pourquoi? Il faut donc monter aux barricades et aller défendre l'importance de ces budgets-là parce qu'il faut bien parler d'argent aussi, car c'est vraiment le nerf de la guerre.

Il faut effectivement, et là je rejoins Francine Lelièvre, que le ministère du Patrimoine canadien travaille aussi de façon transversale avec d'autres ministères; qu'on explore des mesures en matière de fiscalité; qu'on travaille davantage avec la Commission des biens culturels, qui a un rôle important à jouer; qu'on tente d'essaimer partout.

On a parlé de valeurs, et j'y reviens. Le rôle du ministère du Patrimoine canadien est aussi de reconnaître celui des institutions culturelles qui sont porteuses de savoir et ont une grande mission éducative. C'est à l'État de les aider dans la transmission de leur savoir.

Le président: Merci beaucoup, madame Pagé. Monsieur Bumbaru.

M. Dinu Bumbaru: Merci. Notre préoccupation va toujours dans le sens d'une politique qui apporterait une plus grande cohérence. Aucun budget n'est associé au décalogue, mais il donne une cohérence à la civilisation. Ce sont des conventions qui existent entre les gens et un élément qui devrait peut-être être essentiel dans une action comme la vôtre.

Je reviens à la mission de l'État en rapport avec le patrimoine. Pour nous, la première mission est de ne pas appauvrir le patrimoine. Je suggérerais de considérer à tout le moins ce qui existe aux États-Unis, à l'article 116 ou 106 du manuel du gouvernement américain qui indique que tout argent investi par le gouvernement fédéral doit respecter une éthique en matière de patrimoine. Il faut donc communiquer et clarifier cette mission de l'État qui consiste à ne pas appauvrir le patrimoine, pour que, par exemple, on ne fasse pas traverser les autoroutes dans un paysage vierge, ou qu'on ne brûle pas les archives en subventionnant les industries qui détruisent. Il y a donc une éthique nécessaire et on mesurera le succès d'une politique canadienne à l'existence et à l'application de cette éthique.

Je voudrais mentionner que cela ne devrait pas s'arrêter au Canada. On nous a rappelé que le Canada possède des ambassades, qui occupent souvent, dans ces pays, des bâtiments qui ont une grande signification locale ou nationale et que les conventions internationales nous permettent de dénaturer à qui mieux mieux. Il faudrait que nos gestes posés à l'étranger respectent également cette éthique, notamment par les programmes d'aide au développement. Quand on subventionne des programmes d'investissement à l'étranger dont l'effet est de détruire la culture locale, alors on détruit également notre culture. C'est peut-être un principe qu'il serait nécessaire d'établir: la culture de l'un est la culture de tous. Dans ce cas-là, la même chose s'applique au patrimoine.

Il faut donc revenir à ce principe de base qui veut que l'État ne contribue pas à l'appauvrissement mais bien à l'enrichissement du patrimoine.

Le président: Merci. Je pense que ce serait intéressant de demander à ceux qui ont assisté aujourd'hui à la séance, qui ont été très patients et très intéressés, s'ils veulent nous adresser la parole, s'ils ont des questions pour nos panélistes. Voilà...

[Note de la rédaction: Inaudible]

...notre étude.

Mme Roberta Anne Capelovitch (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Roberta Capelovitch. Je suis étudiante. La muséologie n'est pas mon domaine, mais je voudrais unir ma voix à celle de celui qui a demandé beaucoup plus de ressources pour les expositions consacrées à l'histoire canadienne. Même si cette dernière suscite des controverses chez quelques-uns, je crois que cela donne encore plus de raisons de créer de telles expositions. On crée des expositions sur l'histoire aux États-Unis, sur la bombe atomique ou sur l'histoire de Freud et cela crée des controverses. Je crois qu'il faut beaucoup plus de telles expositions ainsi que des sites sur l'Internet. Il y a une grande différence entre lire un livre ou voir un film et aller à un musée pour toucher et voir comment les soldats ont vécu, comment les choses se sont déroulées; je crois que c'est très important.

• 1720

Le président: Merci beaucoup. Est-ce que d'autres personnes veulent intervenir avant qu'on mette fin à la séance?

Oui, madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais faire un petit commentaire sur ce qu'on a entendu. Je veux remercier toutes les personnes qui ont participé à la table ronde cet après-midi.

Personnellement, cela m'a indiqué des avenues auxquelles je n'avais pas encore eu l'occasion de réfléchir. Je trouve que le contenu de notre échange a été très riche et je veux partager avec vous la tristesse des gens de Terre-Neuve, qui ont organisé une exposition sur les Vikings pour fêter le millénaire de leur arrivée au Labrador et qui se sont adressés à notre musée national et au musée de la Suède pour avoir des artefacts. La Suède leur offre les artefacts gratuitement alors que le musée national les leur fait payer.

Vous qui êtes responsable de l'association des musées, vous pourriez peut-être faire en sorte qu'on n'ait pas de politique d'utilisateur-payeur en ce qui concerne les artefacts qui sont acquis avec les fonds provenant des poches de l'ensemble des contribuables de ce pays. M. Mark présidait le comité, et M. Blais ainsi que notre greffier étaient là. Cela nous a un peu scandalisés. J'espère que vous allez faire les démarches nécessaires. Vous avez peut-être plus de pouvoirs que nous dans ce domaine-là.

Une voix: Non, aucun.

Mme Suzanne Tremblay: Le lobby a parfois plus de succès. On en a pris bonne note et on va essayer de faire des démarches par l'intermédiaire de notre président. Nous allons peut-être écrire à Mme Copps pour essayer de la rendre consciente de ce genre de chose. C'est un peu humiliant que la Suède prête des choses gratuitement alors que le Canada fait payer des gens de Terre-Neuve ou d'ailleurs au pays.

Le président: Avant de clore cette séance, je voudrais faire écho aux paroles de Mme Tremblay. J'ai trouvé la discussion de cet après-midi fort stimulante. Cela a été une table ronde excellente pour nous. Cela nous a donné toutes sortes de pistes. Cet après-midi, on a parlé bien moins des problèmes concrets de tous les jours, dont on a entendu parler plusieurs fois, que de toute la question de la qualité, des valeurs de base, d'une vision de l'avenir, etc., enfin de tout ce qui se rattache à des valeurs pour promouvoir la culture et de tout ce qu'on appelle la conservation.

Je reviens à ce que Mme Lelièvre disait. Quand on conserve quelque chose, on le transmet en même temps parce que tout cela se rejoint.

Je pense que nous avons tous trouvé cette séance très intéressante, car elle nous a donné toutes sortes de pistes. M. Blais a rempli plusieurs pages. Il a écrit sans arrêt. Il devra décoder tout cela. Nous avons également le mot-à-mot de ce qui a été dit aujourd'hui et nous pourrons piger là-dedans.

Nous vous remercions tous de vous être dérangés et d'avoir pris le temps de venir nous éclairer. Merci beaucoup à tous.

[Traduction]

Merci beaucoup à vous tous.

[Français]

La séance est levée.