CHER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 février 1999
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Nous allons débuter cette séance en nous excusant pour notre retard, parce que nous avons eu à peine une heure pour aller manger quelque chose entre les deux séances.
Je voudrais vous souhaiter la plus cordiale bienvenue à cette rencontre organisée par le Comité permanent du patrimoine canadien, dont l'objectif a été, durant cette tournée et depuis deux ans maintenant, de mener une étude sur le rôle du gouvernement fédéral dans la culture canadienne étant donné les défis de taille que l'on entrevoit pour l'avenir.
• 1910
Dans le contexte d'une telle étude,
tous les défis possibles n'ont pas été ciblés,
mais on a essayé de
cibler les trois grands défis qui se présenteront à nous
dans les années à venir:
premièrement, celui de la rapidité exponentielle de l'évolution des
technologies de communication, du multimédia, de
l'Internet, etc.; deuxièmement, celui de la mondialisation des
économies et du commerce
international qui a un impact important sur la culture,
comme on a pu le voir avec le projet de loi C-55, avec ce qui
s'est passé dans le projet de
l'Accord multilatéral sur l'investissement, etc.; et
troisièmement, celui des changements démographiques au
Canada, soit le vieillissement de la population, tout le
mouvement des jeunes avec ses propres perspectives et
aussi la mutation de la population
canadienne à la suite d'une immigration soutenue
depuis plusieurs années.
[Traduction]
Il s'agissait de voir si nous pouvions, par un rapport à la Chambre des communes, donner quelques idées sur l'orientation que devrait prendre le ministère du Patrimoine canadien pour s'acquitter de son mandat de soutenir la culture canadienne, surtout au vue des difficultés auxquelles elle sera confrontée au cours des décennies à venir.
[Français]
Nous avons pensé à l'idée de tables rondes, ce qu'on a déjà fait ce matin et cet après-midi, afin d'échanger plutôt que d'écouter des monologues et des discours de la part des députés ou autres. On a préféré faire un échange de vues de façon très informelle. L'idée est de pouvoir dialoguer, échanger, faire valoir votre point de vue, d'avoir une réelle discussion qui puisse nous éclairer. On vient vous écouter; alors, soyez tout à fait à l'aise d'émettre vos opinions. Si elles divergent de celles des autres,
[Traduction]
tant mieux. Nous aurons une bonne discussion.
[Français]
Je vous demanderais de vous présenter, en commençant par Mme Fuerstenberg.
[Traduction]
Vous pouvez peut-être d'abord nous dire brièvement ce que vous faites, pourquoi vous êtes ici, si vous représentez un groupe en particulier ou si vous êtes ici à titre personnel et à quel secteur culturel vous ressortissez.
Mme Anna Fuerstenberg (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Anna Fuerstenberg; je suis essentiellement femme de théâtre: dramaturge, metteur en scène, comédienne et enseignante. Je suis l'un des membres fondateurs de la Playwrights' Union of Canada et je suis actuellement membre du conseil du Playwrights' Workshop de Montréal, atelier de théâtre qui détient le record de longévité mondiale, je suis fière de le dire.
Je comparais ici à titre personnel parce que je me préoccupe au plus haut point des problèmes de l'artiste dans l'économie actuelle, dans cette culture, et de la capacité de l'artiste de faire entendre sa voix, c'est-à-dire de contribuer à la politique culturelle, en particulier la politique culturelle canadienne.
Le président: Monsieur Goddard.
[Français]
M. Patrick Goddard (directeur général, Festival Fringe de Montréal): Je m'appelle Patrick Goddard et je suis directeur général du Festival Fringe de Montréal. Je suis administrateur, écrivain de théâtre, comédien parfois et je siège au conseil d'administration, comme Anna Fuerstenberg, de
[Traduction]
Playwrights' Workshop à Montréal et, ce soir, je représente le Festival Fringe de Montréal.
[Français]
Le président: Monsieur Fournier.
M. Alain Fournier (président, Conseil québécois du théâtre): Bonjour. Je m'appelle Alain Fournier et je suis président du Conseil québécois du théâtre, organisme qui représente l'ensemble des activités théâtrales au Québec, aussi bien francophones qu'anglophones. Si certains d'entre vous veulent mieux connaître cet organisme, je pourrai vous donner de l'information. Nous sommes essentiellement préoccupés par les questions culturelles.
Le président: Inky Mark.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je m'appelle Inky Mark, et je suis député d'une circonscription qui s'appelle Dauphin—Swan River, située au Manitoba. Je suis le principal porte-parole de l'opposition pour les questions touchant Patrimoine canadien.
Le président: Monsieur Devlin.
[Français]
M. Eric Devlin (vice-président, Association des galeries d'art contemporain du Québec): Je me nomme Eric Devlin. Je suis vice-président de l'Association des galeries d'art contemporain du Québec. Je dirige une galerie qui porte mon nom, la Galerie Eric-Devlin, qui est située au centre-ville de Montréal. Je dirige cette galerie depuis 10 ans.
Le président: Madame Côté.
Mme Élise Côté (directrice du développement et du financement, Opéra de Montréal): Je m'appelle Élise Côté et je suis directrice du développement et du financement à l'Opéra de Montréal. J'y travaille depuis 1984. Une des choses qui me tiennent le plus à coeur, c'est probablement la politique culturelle qui touche les jeunes, entre autres les jeunes artistes.
Je parle ici non seulement au nom de l'Opéra de Montréal mais aussi au nom de toutes les compagnies d'opéra canadiennes. Nous avons, toutes ensemble, préparé un mémoire. J'exprime donc l'ensemble des recommandations de toutes les compagnies de Victoria à Terre-Neuve.
Le président: Monsieur Cleary.
M. Jacques Cleary (directeur général, Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal): Je suis directeur général du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal. Je représente ce conseil, l'un des plus anciens au Canada; il a été fondé en 1956 par la Ville de Montréal. Il est maintenant intégré, depuis 1980, à la Communauté urbaine de Montréal et c'est un des intervenants majeurs dans le domaine des arts sur l'île de Montréal, dans la région métropolitaine.
Je soulignerai tout à l'heure la dimension régionale, notamment par rapport aux changements démographiques, aux problèmes particuliers, aux enjeux, aux défis qui se poseront à nous au cours des prochaines décennies, et aussi par rapport aux besoins du milieu des arts dans une métropole.
Le président: Madame April.
Mme Danielle April (présidente, Regroupement des artistes en arts visuels du Québec): Bonsoir. Je m'appelle Danielle April. Je suis artiste en arts visuels multidisciplinaires. Je suis présidente du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, association accréditée pour représenter les artistes en arts visuels du Québec par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes et par le Tribunal canadien des relations professionnelles des artistes-producteurs.
Nous travaillons à améliorer les conditions d'ordre pratique des artistes et nous veillons à l'éthique de la profession et à la liberté de son exercice. Nous comptons actuellement 1 200 membres artistes professionnels du Québec. Bien sûr, nous voulons faire valoir les demandes plusieurs fois répétées que ce pays se donne une politique culturelle qui tienne compte avant tout des créateurs, qui sont le point de départ de toute culture.
Le président: Monsieur Bonneau.
M. Richard Bonneau (directeur, Métropole et Culture, Conseil régional de développement de l'île de Montréal): Bonsoir. Je m'appelle Richard Bonneau et je suis directeur de Métropole et Culture, au Conseil régional de développement de l'île de Montréal.
Le Conseil régional oeuvre principalement sur le plan de la concertation, rassemble tous les intervenants de l'île de Montréal et oeuvre aussi au développement social, culturel et économique de l'île.
Le président: Merci. Monsieur Lawton.
[Traduction]
M. Richard Lawton (professeur et doyen, Faculté de musique, Université McGill): Je m'appelle Richard Lawton et je suis doyen de la Faculté de musique de l'Université McGill.
Vous vous demandez peut-être pourquoi je suis ici. Comme vous le savez, le gouvernement canadien ne joue pas un rôle direct dans le domaine de l'enseignement. Toutefois, un grand nombre de nos diplômés ont trouvé des emplois dans les professions musicales et nous nous préoccupons des débouchés qu'ils auront après avoir obtenu leur diplôme.
Le président: Merci.
[Français]
Madame Tremblay.
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay. Je suis députée du Bloc québécois et je représente la circonscription de Rimouski—Mitis. Je suis également porte-parole, pour le Bloc québécois, en matière de Patrimoine canadien.
Je vous dirai que nous terminons avec vous notre quatrième journée d'audiences; après avoir fait Terre-Neuve, Halifax et Moncton, nous passons la journée ici. Nous avons été sensibilisés à de nombreux problèmes auxquels vous êtes confrontés. Bien que nous soyons tout oreilles et prêts à nous pencher sur les problèmes que vous vivez, nous aimerions que vous mettiez l'accent sur les solutions que vous envisagez ou les recommandations concrètes que vous souhaitez nous faire.
Ainsi, nous sommes très conscients et très informés du manque d'argent qui frappe chacun de vos secteurs. Vous pouvez nous le rappeler à l'occasion, mais nous aimerions que vous mettiez vraiment l'accent sur les solutions que vous avez à nous proposer. Merci.
Le président: Madame Wilson.
Mme Sandra Wilson (présidente-fondatrice, DÉBUT Inc. Série pour jeunes artistes): Bonjour. Je m'appelle Sandra Wilson. Je suis la présidente-fondatrice de DÉBUT Inc. Série pour jeunes artistes.
[Traduction]
DÉBUT est une série que j'ai fondée il y a 20 ans pour la promotion de jeunes musiciens professionnels. Nous sommes à notre 20e année, notre budget est plutôt modeste, et nous ne recevons pas un sou du trésor fédéral.
Mme Suzanne Tremblay: Nous n'en avons pas, de toute façon.
[Français]
Le président: Comme je vous l'ai expliqué, la discussion est très ouverte et sans formalités.
Oh, pardon! J'oublie toujours de présenter le gars le plus important. Allez-y.
M. Gaston Blais (attaché de recherche du comité): Bonsoir. Je m'appelle Gaston Blais et je suis délégué à la recherche pour le comité.
Le président: C'est lui qui va va compiler toute l'information que nous avons reçue. Il a donc tout un travail à accomplir.
Je m'appelle Clifford Lincoln, je suis député de la circonscription de Lac-Saint-Louis et je suis président du Comité du patrimoine canadien.
Le greffier du comité: Bonsoir. Je m'appelle Norm Radford et je suis le greffier du comité.
Le président: Si vous avez à communiquer avec le comité, quelle qu'en soit la raison, ou si vous voulez nous faire parvenir des renseignements ou de la documentation, adressez-vous au greffier, qui s'arrangera pour les transmettre à tous les membres du comité. Il vous donnera son adresse à la Chambre des communes à Ottawa.
Comme je le disais, la discussion doit se faire de façon très informelle.
[Traduction]
Signalez-moi votre désir de prendre la parole et je vous inscris sur la liste. Vous êtes parfaitement libres de parler en anglais ou en français,
[Français]
dans les deux langues officielles. Choisissez celle qui vous convient le mieux. Nous avons la traduction simultanée. Les jeux sont ouverts. Qui veut commencer? Madame April.
Mme Danielle April: Monsieur le président, avant de répondre aux trois questions posées sur les télécommunications, la mondialisation et la démographie, je voudrais plaider, en général, pour une grande générosité des gouvernements envers ceux qui créent l'art, les artistes.
Statistique Canada révélait, il y a trois mois à peu près, que les dépenses culturelles à tous les niveaux gouvernementaux étaient en baisse pour la septième année consécutive. Ce n'est pas rose. La situation économique des artistes en arts visuels est vraiment très peu brillante; les chiffres sont éloquents là-dessus. Les artistes vivent sous le seuil de la pauvreté; les revenus qu'ils tirent de leur création leur permettent à peine de vivre sous le seuil de la pauvreté.
Les analyses de type économique ne sont pas tout à fait adaptées au domaine de la création en arts visuels. Le but des créateurs est de produire des oeuvres innovatrices. Ils cherchent à faire connaître la valeur de leurs oeuvres, pas nécessairement leur valeur marchande, mais leur valeur du point de vue de leur apport à la culture, de ce qu'elles apportent à la société en général.
Ils travaillent à étendre leur rayonnement sur la scène internationale et à défendre des idées neuves, des concepts. Ils font de la recherche. Cette contribution doit être reconnue pour elle-même par des politiques et des programmes tangibles.
Nous avons trois pistes de solutions à proposer, madame Tremblay, dont la première, qui a déjà été réclamée dans le passé, est une modification à la Loi sur le droit d'auteur, notamment par rapport au droit de suite. J'élaborerai davantage plus tard, si vous le voulez bien.
Ce droit de suite permet tout simplement, lorsqu'une oeuvre d'abord vendue par son créateur est revendue plusieurs années plus tard, alors que l'artiste a gagné en notoriété, que celui-ci touche un pourcentage de cette plus-value. Aujourd'hui, un artiste qui s'est construit une carrière ne peut percevoir un pourcentage de cette plus-value.
Nous sommes un des rares pays à ne pas accorder ce droit de suite dans la Loi sur le droit d'auteur. Une quarantaine de pays l'accordent, notamment l'Allemagne. En Allemagne, on le fait et un pourcentage du droit de suite est utilisé par une association professionnelle semblable au RAAV pour assurer le soutien de régimes sociaux.
Notre deuxième piste serait de s'assurer que cesse le harcèlement fiscal dont les artistes sont victimes. La perspective marchande ne peut pas suffire à tenir compte de l'activité créatrice. Un orchestre symphonique ne fera jamais de profits, mais ce n'est pas une raison pour que la société s'en prive.
• 1925
Une troisième piste consisterait à améliorer la
protection sociale des artistes, laquelle est actuellement
inadaptée.
Le président: Madame April, afin qu'on sache exactement ce que vous entendez par «harcèlement fiscal», dites-nous si vous pensez aux faibles contributions d'argent qui sont consenties aux artistes ou aux...
Mme Danielle April: Non. C'est que le ministère du Revenu harcèle vraiment les artistes en leur demandant de devenir rentables, économiquement parlant. On leur parle d'expectative de revenus raisonnables, comme on le fait pour une fabrique de bottines. On leur assigne un délai; on leur dit que si dans cinq ans ils ne sont pas économiquement rentables, on n'admettra plus leurs dépenses professionnelles. Or, les dépenses professionnelles d'un artiste en arts visuels sont élevées. C'est du matériel, un atelier, le soutien à la diffusion, l'emploi de techniciens, etc. C'est vraiment beaucoup de monde, et l'artiste soutient cela vraiment tout seul.
Après un certain nombre d'années, le ministère du Revenu déclare qu'il n'admet plus ces dépenses parce que l'artiste n'est pas rentable. Il n'a pas une expectative raisonnable de profits. En création, la valeur n'est pas marchande mais culturelle. L'apport des créateurs à la société n'est pas toujours monnayable ou mesurable à l'étalon de l'or.
Le président: Madame Fuerstenberg.
Mme Anna Fuerstenberg: J'aimerais dire que je suis absolument d'accord sur tous ces points, spécialement sur le droit d'auteur en tant qu'écrivain. Le droit d'auteur au Canada n'est pas vraiment assez robuste et ne protège pas suffisamment les artistes. C'est aussi le point de vue de mes collègues membres du Playwrights' Union of Canada.
L'autre point dont je veux parler concerne une expérience personnelle que j'ai vécue pendant les quelques années que j'ai passées en Ontario.
[Traduction]
Pourquoi accordons-nous notre appui à des auteurs britanniques morts? Je pense qu'il est absolument merveilleux que nous ayons Stratford et le Festival Shaw. Par ailleurs, les écrivains de théâtre canadiens vivent en deçà du seuil de la pauvreté. Nos pièces de théâtre, même si elles réussissent à être présentées, ne sont pas assez souvent traduites, et certainement pas en français ou, d'ailleurs, en yiddish. Nous déversons des millions et des millions de dollars dans ce qui, pour l'essentiel, est une brillante et belle attraction touristique.
J'ai toujours estimé que nous devrions avoir une taxe sur les auteurs morts. Chaque fois qu'une compagnie de théâtre ou qu'une entreprise cinématographique décide de réaliser une oeuvre écrite par un auteur aujourd'hui décédé, surtout un auteur mort d'un autre pays, d'une autre culture, d'une autre langue, d'une autre société, et très certainement d'un autre contexte historique, cette réalisation devrait être taxée de façon telle que les jeunes écrivains de théâtre, les écrivains de théâtre vivants du Canada ou de ces pays qui sont notre identité, puissent obtenir une forme quelconque de soutien.
Je crois également que, jusqu'à présent, dans une grande mesure, comme l'a dit ma collègue Danielle April, la culture canadienne a été appuyée, inventée et créée par des artistes individuels, dont la plupart vivent bien en deçà du seuil de pauvreté, dont beaucoup n'ont aucun espoir d'obtenir une pension quelconque, dont beaucoup, surtout des femmes, près de 52 p. 100 de la population, ont décidé de mettre de côté leurs propres rêves de bonheur domestique pour se consacrer à leur art et faire d'incroyables sacrifices, contribuant ainsi à la culture que nous nommons Canada.
Enfin, une dernière observation. Avec les compressions budgétaires à Radio-Canada, qui se répercutent sur la culture et l'éducation, avec la disparition de l'Office national du film, nous faisons également disparaître le public des arts de la scène et le lieu intermédiaire de formation des artistes individuels. Jusqu'à présent, les pépinières, les lieux d'éclosion des metteurs en scène, des écrivains de théâtre, des comédiens et des techniciens ont été Radio-Canada, l'Office national du film et les petits théâtres. Ces derniers disparaissent rapidement. Les petits théâtres sont remplacés par des festivals, des événements qui se produisent une fois par année et traversent le pays. J'aime bien la création de ces festivals internationaux. Je les aime bien, mais je ne pense pas qu'ils répondent aux besoins. Je pense qu'au bout du compte nous sommes en train de corroder notre propre idée de ce qu'est la culture.
Je reconnais également que dès que nous avons commencé à parler des industries culturelles, nous parlions de babioles, pas de culture, pas de la culture qui définit un pays, un peuple, un lieu, une histoire, ses langues, ses préoccupations, ou son coeur.
• 1930
Je n'ai pas écrit tout cela. Je ne peux pas vous en remettre
des copies. Mais, ayant parlé de théâtre et de cinéma depuis plus
de 20 ans, je vous dis non seulement que les jeunes n'ont aucun
endroit où aller, où s'exercer, où se perfectionner, aucune
perspective d'avenir, mais aussi qu'ils vont quitter ce pays par
milliers. Et nous savons exactement où ils vont aller.
La distribution de films canadiens—cela existe-t-il? Les accords canadiens pour protéger les écrivains de théâtre canadiens, distribuer les pièces de théâtre canadiennes, organiser des tournées d'artistes canadiens à l'étranger—sont-ils assez solides? Je ne le crois pas.
[Français]
Le président: Monsieur Fournier.
Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, je voudrais poser une question pour m'assurer que j'ai bien compris ce que madame a dit. Est-ce que, selon le deuxième point que vous avez présenté, il y aurait une sorte de pénalité imposée aux troupes de théâtre qui joueraient les pièces d'auteurs décédés?
Mme Anna Fuerstenberg: Une taxe.
Mme Suzanne Tremblay: Une taxe?
Mme Anna Fuerstenberg: Ce ne serait pas une pénalité. Je suis tellement heureuse que nous puissions voir jouer Molière, Racine, Shakespeare ou Shaw, mais nous avons deux énormes festivals qui coûtent des millions et des millions de dollars. Je suis extrêmement heureuse que nous les ayons. Toutefois, je me dis qu'il y a aussi plusieurs artistes vivants qui ont besoin d'argent et d'appui.
Mme Suzanne Tremblay: Je voulais seulement m'assurer d'avoir bien compris.
Mme Anna Fuerstenberg: Je pense qu'en Angleterre, la taxe, à la base, est de 5 p. 100.
Le président: Monsieur Fournier.
M. Alain Fournier: Cette taxe est un projet sur lequel on réfléchit depuis longtemps en vue d'aider les auteurs vivants.
Je voudrais tout d'abord remercier le comité de nous avoir permis de participer à cette table ronde réunissant les représentants du secteur des arts et portant sur le rôle d'appui du gouvernement fédéral à la culture canadienne.
Cependant, il s'en serait fallu de peu pour que jamais nous n'entendions parler de ces audiences publiques. C'est grâce à un article paru dans Le Devoir que nous avons communiqué avec un représentant de votre comité afin de connaître les modalités de participation et l'objet des discussions.
Mon intervention portera donc, en premier lieu, sur la consultation elle-même et je reviendrai plus tard sur les questions qui nous sont adressées. En fait, ce sera une espèce de portrait global qui va situer mes interventions du reste de la soirée.
Selon la compréhension que nous en avons, la présente consultation permettrait au Comité permanent du patrimoine canadien de recommander au gouvernement fédéral l'élaboration et l'adoption d'une politique culturelle. Cette consultation ne porte donc pas sur la politique culturelle canadienne; elle constituerait plutôt une étape d'un processus qui pourrait mener à son élaboration éventuelle.
Nous nous voyons donc dans l'obligation de déplorer avoir manqué en quelque sorte la première étape. Si le comité décidait de poursuivre le processus eu utilisant les mêmes procédures, nous ne pourrions pas non plus contribuer à ses consultations. En effet, il est essentiel pour nous de connaître suffisamment longtemps d'avance les sujets et les différentes modalités de la consultation pour y participer efficacement et y faire entendre la voix du théâtre québécois.
Le Conseil québécois du théâtre présente une structure unique qui reflète la réalité et l'importance du théâtre au Québec en termes de diversité artistique, de bassin d'artistes et d'organismes professionnels, d'implantation sur le territoire et d'intégration dans la pratique des lois sur le statut des artistes professionnels.
Nous sommes donc un organisme de représentation et nous devons consulter nos membres. Le théâtre est de loin la discipline des arts de la scène qui compte le plus grand nombre de travailleurs autonomes, de compagnies de production et de lieux de diffusion spécialisés, pour la plupart organismes sans but lucratif, ainsi que d'associations syndicales.
Le théâtre attire, bon an mal an, plus d'un million de spectateurs au Québec, sans compter les représentations données dans les écoles, celles des théâtres privés et celles qui sont données à l'étranger par des compagnies québécoises. Le CQT est également le centre québécois de l'Institut international du théâtre, organisme affilié à l'UNESCO.
Au sujet de la première question que vous nous posez, à savoir les mesures fédérales de soutien, il n'est pas possible, pour les raisons invoquées précédemment, de présenter ici un bilan détaillé des interventions du gouvernement fédéral en matière de soutien aux processus de création, de production et de diffusion du théâtre.
Le Conseil des arts du Canada constitue de fait l'organisme de première ligne dans le soutien accordé par le gouvernement fédéral à notre secteur. À ce titre, les 10 dernières années ont été marquées par un recul de son financement. Un certain rattrapage a été effectué l'an dernier, qui a permis un retour au niveau des années antérieures. Est-ce que cela va se stabiliser? C'est à voir.
Sans pouvoir étayer la situation au sujet des programmes offerts par le ministère du Patrimoine canadien, je puis dire que son Programme d'initiatives culturelles est l'un des rares auxquels sont admissibles les organismes sans but lucratif, en dehors de ceux offerts par le Conseil des arts. Le financement de ce programme a connu un recul considérable. On constate que les budgets actuels ne servent qu'à défrayer le coût d'engagements antérieurs et que pratiquement aucun argent neuf n'est octroyé aux différents volets du programme.
• 1935
Les mesures fédérales existantes favorisent davantage
les industries culturelles que les organismes sans but
lucratif, qui forment la grande majorité des compagnies
théâtrales. Pourtant, une promotion et une diffusion
accrues à l'étranger seraient certes un enjeu majeur
pour le théâtre. Le gouvernement fédéral pourrait
jouer un rôle beaucoup plus important qu'il ne le fait
actuellement pour faciliter et soutenir l'accès aux
marchés étrangers et le développement.
Au sujet des deuxième et quatrième questions, nous ne pouvons vous livrer aucune position formelle aujourd'hui. La répercussion des nouvelles technologies, on peut en parler, mais je n'ai pas de mandat pour vous transmettre une position du conseil.
Quant à la mondialisation et à la libéralisation du commerce, nous sommes très préoccupés par leurs répercussions possibles sur les mesures de soutien au théâtre et sur l'accès de la population aux créations des artistes d'ici. À ce sujet, le CQT s'est joint à 12 autres associations pour former la Coalition pour la diversité culturelle, signataire d'une résolution dont nous vous remettons ce soir une copie.
Comme vous pouvez le lire dans le texte de la déclaration, elle réaffirme ce qui suit:
-
Nous affirmons que la diversité culturelle
est un droit fondamental de
l'humanité et que les États doivent en assurer la
sauvegarde et la promotion.
-
Nous proposons:
-
- que les États aient entière liberté
d'adopter les politiques nécessaires au soutien de la
diversité des expressions culturelles et de la
viabilité des entreprises qui les produisent et les
diffusent;
-
- que les accords commerciaux internationaux soient
assujettis au respect intégral de ces politiques;
-
- que l'application de ces politiques ne fasse l'objet
d'aucune représaille.
Cela a été présenté à la rencontre de la Conférence canadienne des arts en juin dernier et acheminé à Mme Sheila Copps lors de la rencontre des ministres de la Culture. Cette coalition regroupe l'ADISQ, l'Association nationale des éditeurs de livres, l'Association des réalisateurs, l'ARRQ, le CQT, le RAAV, la SARDEC, l'UNEQ et l'Union des artistes. Bref, le fait que les organismes sans but lucratif et les industries culturelles aient réussi à s'entendre m'amène à croire que c'est possible.
Le président: Excusez-moi. Est-ce que vous allez lire un mémoire?
M. Alain Fournier: Non.
Le président: Vous savez que nous n'avons pas beaucoup de temps.
M. Alain Fournier: Monsieur le président, ce n'est pas un mémoire, mais deux pages et demie. Nous n'avons pas eu le temps d'écrire un mémoire; nous avons appris la tenue de cette rencontre il y a trois semaines seulement.
Parmi les questions qui ont une incidence sur les artistes, producteurs et créateurs en théâtre et qui doivent être considérées dans la perspective de la mondialisation et de la libéralisation, citons le droit d'auteur, le droit de prêt public, le soutien des organismes culturels, l'exportation, la promotion du théâtre, la protection du secteur culturel dans le cadre des accords commerciaux, etc.
Au sujet d'une éventuelle politique culturelle canadienne, il nous apparaît important de souligner que le Québec est la seule province à s'être dotée d'une politique culturelle gouvernementale. Son élaboration a donné lieu à des discussions et à des échanges intenses avec les milieux dans le cadre d'un processus rigoureux et démocratique.
Une politique culturelle est un élément structurant, tant pour le milieu culturel que pour le gouvernement. Elle nous permet d'évaluer l'efficacité et la pertinence des décisions et des actions menées. Bien plus qu'un ensemble d'interventions telles que des programmes, mesures et déclarations sectorielles, une politique gouvernementale offre une vision de l'avenir au sujet de l'espace que les arts et la culture devraient occuper. Elle précise la route à suivre, identifie les objectifs et constitue un témoignage éloquent des priorités d'une société. Elle suppose d'abord une définition de ce qu'est la culture.
Comme organisme de représentation du théâtre professionnel, la politique culturelle est au coeur de notre action. L'élaboration d'un tel projet mérite tout le sérieux et l'attention nécessaires.
Encore une fois, si vous me le permettez, pour paraphraser le titre du dernier texte dramatique de Michel Tremblay, laissez-moi réaffirmer que nous souhaitons que le comité adopte un processus dont les participants sollicités, les contenus et les calendriers témoignent plus adéquatement de l'importance des arts et des milieux artistiques professionnels dans l'élaboration du projet d'une éventuelle politique canadienne.
À partir de là, je pourrai vous transmettre des opinions, personnelles parce que non mandatées, sur les questions qui sont là.
Le président: Monsieur Fournier, simplement pour tirer les choses au clair, ce processus que nous avons entamé se déroule depuis deux ans déjà.
M. Alain Fournier: Oui.
Le président: Nous avons reçu des mémoires. Le processus a été publicisé, lorsque nous avons débuté, dans tous les hebdos et dans tout ce qu'il y a de journaux. Plusieurs provenaient du Québec. La plupart des organismes que vous avez cités ont demandé à comparaître devant nous et nous ont envoyé des mémoires. Si certains n'ont pas été rejoints, je le regrette beaucoup.
• 1940
Dès que la décision a été prise de voyager, il y a
environ un mois ou un mois et demi, il a fallu obtenir
l'argent pour le faire. Nous
avons en fait deux équipes, une qui voyage dans l'Ouest
et l'autre qui voyage dans l'Est. Dès ce moment-là,
nous avons communiqué la nouvelle à tout ce qu'il y a
de postes de radio et au conseil de presse pour lui
demander de la diffuser. On a envoyé des messages sur
Internet à tous les gens qu'on pouvait rejoindre.
Ce travail ne débute pas aujourd'hui. C'est un travail qui s'est échelonné sur près de deux ans. Il a commencé avant les dernières élections fédérales. Je sais qu'on en arrive à l'étape où nous aurons à conclure. Si votre organisme a des recommandations précises à nous faire, les jeux sont encore ouverts. Vous n'avez qu'à communiquer avec notre greffier. Je peux vous assurer qu'il se fera un plaisir de les transmettre aux membres du comité.
Tous ces mémoires sont en train d'être étudiés. Il y a une équipe de recherche très étoffée, une équipe d'experts de la Bibliothèque nationale. M. Blais, qui est ici ce soir, est l'un d'entre eux. Toutes sortes de procédures ont été utilisées. On a pris toutes sortes de notes sur les mémoires qui nous ont été soumis, notamment celui de l'ADISQ, pour citer un exemple du Québec, qui a comparu devant nous. Ses représentants étaient parmi nous encore aujourd'hui.
Je peux vous assurer que nous voulons à tout prix écouter la plupart des gens qui veulent se faire entendre. Si vous avez un mémoire à nous présenter, je peux vous assurer qu'il sera accueilli avec grand plaisir et que nous y porterons beaucoup d'attention.
M. Alain Fournier: Permettez-moi de vous dire que je ne doute absolument pas de l'ouverture d'esprit du comité vis-à-vis des positions qui pourraient lui être exprimées.
Cependant, vous donnez l'exemple de l'ADISQ, que votre consultation intéresse évidemment. Cela fait ressortir ce que nous avons souligné dans notre présentation, à savoir que les industries culturelles sont intéressées et davantage au courant, et qu'il n'y a pas une politique qui permet de situer clairement le rapport entre les arts, la culture et les industries culturelles. Il s'agit de cas par cas, de mesures spéciales, sectorielles, souvent pertinentes, mais qui ne présentent pas de portrait global et ne permettent pas de faire consensus.
Il est très difficile d'harmoniser un développement culturel qui s'appuie à la fois sur un certain niveau atteint par les industries culturelles et sur celui d'artistes individuels qui représentent au départ—je suis d'accord là-dessus—des laboratoires, des lieux de recherche et de création. On s'occupe du produit commercial qui peut en sortir au bout de la ligne. Les laboratoires de recherche que sont les artistes ne font pas partie des préoccupations.
Ainsi, le Conseil des arts n'est pas touché par vos questions, à part celle de la technologie. La technologie et son influence, c'est simple: c'est son coût. Si elle devient accessible à tout le monde, aux artistes individuels, entre autres, et qu'elle ne fait pas seulement partie des programmes destinés aux industries, on pourra en reparler. C'est ce qu'il nous semble nécessaire de préciser d'abord. On peut quand même parler de ce qui se passera après, mais je me dois de vous signaler que c'est une approche sectorielle qui ne nous aide pas à avoir une vision d'ensemble d'une politique culturelle canadienne.
Le président: Mais, monsieur Fournier, c'est pourquoi nous sommes venus vous écouter. Vous ne parlez pas au nom d'une industrie, mais en votre nom. Mme Fuerstenberg parle en tant que créatrice. Mme April l'a fait. C'est pourquoi nous venons vous écouter.
M. Alain Fournier: Voilà.
Le président: Si nous étions venus ici avec l'attitude arrêtée de vouloir corriger les programmes sectoriels... Nous sommes ici pour vous écouter; autrement, nous ne serions pas venus.
Monsieur Devlin.
M. Eric Devlin: Mme April a abordé, pour le secteur des arts visuels, la question des conditions précaires dans lesquelles s'accomplit la création. J'appuie entièrement ce qu'elle a dit. Au fond, quand on parle de politique culturelle, il faut considérer deux choses: il y a la création et la diffusion. Vous abordez ce dernier point par votre question sur la mondialisation, ce qui devient un peu un enjeu pour le Canada à l'échelle de la planète.
• 1945
Le Canada est peut-être un pays important
géopolitiquement parlant mais, culturellement parlant,
il a encore beaucoup de chemin à faire parce que les
politiques pour la diffusion de la culture créée au pays
n'existent tout simplement pas.
Dans notre domaine, celui des arts visuels, par exemple, le gouvernement fédéral ne reconnaît d'aucune façon le rôle joué par les galeries. Si on s'adresse au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, il faut être un organisme sans but lucratif. Si on s'adresse au Conseil des arts du Canada, il faut être également un organisme sans but lucratif alors que dans le domaine de l'édition, les éditeurs sont majoritairement des éditeurs privés. Pour notre secteur, les arts visuels, cette aberration de ne pas pouvoir diffuser le travail de nos artistes fait qu'ils ne peuvent pas vivre de leur art.
Pour répondre à Mme Tremblay, je ne vous lirai pas mon mémoire, mais je voudrais apporter des recommandations très ponctuelles afin qu'on réinstaure des choses qui existaient il y a quelques années et qui ont été coupées littéralement par le fédéral. C'est un non-sens que d'avoir aboli, éliminé toute aide à la diffusion ou à toute action structurante sur le marché pour permettre à nos artistes de vivre.
Un soi-disant pays qui a la prétention d'avoir... Le titre «patrimoine» est un peu tourné vers le passé. C'est un peu aberrant que ce pays-là n'ait pas de ministère de la Culture. Je m'excuse, mais on est des êtres vivants autour de cette table. Les créateurs en théâtre, en arts visuels, dans tous les domaines sont des êtres vivants qui ne sont pas encore momifiés.
Ce soir, il y a un encan pour le Château Ramsay; c'est le passé, le patrimoine, alors qu'ici nous sommes en vie. Nous sommes les acteurs principaux de la culture. Il faudrait peut-être qu'un jour, à Ottawa, ils comprennent que la culture est un élément vivant.
Seulement aux États-Unis, qui est un lieu particulier maintenant, ce qu'ils appellent le divertissement—parce que la culture et le divertissement font l'objet d'un autre débat—est un des principaux produits d'exportation du pays. Notre problème est que nous sommes un petit pays en comparaison à ce géant.
En ce qui concerne la diffusion, la problématique est la même, quels que soient les domaines. Je ne peux pas parler pour les autres secteurs mais, en arts visuels, s'il n'y a pas de diffusion de la création, nos artistes ne pourront jamais vivre de leur art. On aura beau, comme Mme April le soulignait, réclamer un cadre légal pour le droit de suite, mais si on ne vend pas d'oeuvres, il n'y aura pas de droit de suite. Alors, il faut y arriver, mais Ottawa n'a jamais compris cela, malheureusement.
Le président: Monsieur Cleary.
M. Jacques Cleary: Je voudrais aborder quelques idées d'un point de vue un peu différent. Nous acceptons différentes approches pour venir en aide au domaine des arts. Seulement, si on veut qu'il y ait un secteur pour l'industrie culturelle, pour les arts proprement dit, et si on veut développer une industrie culturelle, il faut, au départ, soutenir les artistes dans leur processus de création.
On veut attirer votre attention sur l'importance de soutenir, dans les décisions que vous prendrez ultérieurement, la formule Conseil des arts. Cette formule a fait ses preuves; elle garantit une excellence, apporte un soutien au niveau de la création et peut même intervenir dans la diffusion et assurer un plus grand rayonnement de cette création.
En ce qui concerne notre région métropolitaine, on a l'avantage d'avoir un Conseil des arts tant au niveau de la région métropolitaine qu'aux niveaux des gouvernements provincial et fédéral. Ce sont trois structures qui permettent au milieu des arts de se développer et il faudrait garder cette approche dans vos politiques.
La dimension métropolitaine a son importance parce que, comme Conseil des arts au niveau de la communauté, on est plus près du milieu des arts. C'est le deuxième point que je veux aborder rapidement, mais je pourrai y revenir plus en détail par la suite.
Il faut vraiment mettre l'accent sur des formules de partenariat et sur la décentralisation. Dans vos concepts de développement culturel, il faut faire confiance aux organismes déjà en place et près des milieux. Ils peuvent développer des formules originales en étant près de la population, sentir l'évolution de leur milieu et être vraiment des partenaires.
• 1950
Il y a des réunions
régulières, appelées «au sommet»,
de type échanges, c'est-à-dire sans dossiers litigieux,
entre le Conseil des arts du Canada, le
Conseil des arts et des lettres du Québec et notre
Conseil des arts, ce qui permet d'échanger des points
de vue différents.
Le Conseil des arts du Canada représente l'ensemble du Canada, avec des problématiques différentes. Le Conseil des arts et des lettres du Québec représente tout le Québec alors qu'on représente la métropole. Il y a donc une dynamique à établir au profit des artistes, et c'est un point qu'on veut porter à votre attention.
Il y a trois régions métropolitaines au Canada et elles vivent des problématiques semblables. On a établi beaucoup de liens avec nos collègues de Toronto et de Vancouver.
De façon générale, dans les politiques fédérales ou même provinciales, on a toujours tendance à oublier l'intervention au niveau métropolitain. Il faut garder cela à l'esprit et, en ce sens, on est prêts à jouer un rôle accru. On serait même prêts à gérer, par entente, des fonds additionnels pour viser des actions ponctuelles. On pourrait participer à un fonds métropolitain de stabilisation des arts, projet à l'étude depuis déjà un certain temps.
Le Conseil des arts et des lettres a une formule, mais il y a place pour la compléter, au profit de la métropole, où il y a une concentration très forte de la population, des artistes et des organismes. Ce sont donc des pistes pour l'avenir.
Dans la recherche de solutions, il faut garder ce qui fonctionne et ajouter des outils pour aller plus loin.
Le troisième point est l'accessibilité. On a parlé de la diffusion. C'est l'enjeu numéro 1. Pour le développement des arts, il faut accentuer la diffusion ou l'accessibilité par une reconnaissance de la diversité et des jeunes. Il faut former les jeunes, préparer les publics de demain, comme on dit chez nous. On a un programme spécifique qui porte là-dessus; il a été élaboré en collaboration avec le ministère de la Culture et des Communications du Québec.
Il est très important que le financement des arts, la survie et le développement fassent l'objet d'une certaine cohérence. Il faut vraiment qu'il y ait une harmonisation au niveau de la communauté. Il faut être à la fois près de la communauté—et on peut assumer ce rôle-là—et avoir également une harmonisation au niveau national.
À titre d'exemple, on organise depuis une dizaine d'années des expositions itinérantes de très grande qualité avec le Musée des Beaux-Arts, le Musée McCord, le musée de l'île Sainte-Hélène, enfin tous les musées d'art contemporain. Ces expositions sont conçues pour être présentées dans des petites municipalités. Elles pourraient très bien circuler à travers le Canada, mais il n'y a pas de structure pour les accueillir. Les musées cherchent souvent à échanger de grandes expositions, mais ils ont de la difficulté car il y a très peu de mobilité. C'est toujours possible, mais on a développé un concept adapté aux petites municipalités; on pourrait même aller dans le Grand Nord.
On a présenté des collections inuits, autochtones et touché à toutes les facettes de l'art. Cela permet aux collections, aux oeuvres d'art contemporain ou aux collections de nos musées de sortir et d'aller vers la population. Ces initiatives peuvent être développées au niveau local, mais pourraient l'être à un niveau beaucoup plus national.
Au niveau international, on a établi des liens avec des municipalités. On a notre vis-à-vis dans la grande région de l'Île-de-France. On collabore beaucoup avec le Centre culturel canadien à Paris. J'ai cru comprendre de vos documents qu'une certaine réflexion était faite sur ce type d'organisme.
Il est très important qu'il y ait des organismes voués à la culture au niveau international. Ce peut être en lien avec le Conseil des arts, mais le concept «centre culturel» ou «maison de la culture» est l'instrument essentiel pour parvenir à une bonne diffusion. Il faut toujours des gens sur place pour ouvrir les portes et pour développer. On est ouverts à travailler en collaboration, comme on le fait déjà, mais il y a énormément de travail à faire pour arriver à une harmonisation. Si vous voulez faire une promotion de nos artistes en Europe, par exemple, il faut développer des amitiés, des liens avec des gens, mais également établir des réseaux entre les principales villes, Barcelone, Paris, Londres, et organiser toutes ces choses. Il faut donc une structure en place, ce qui est très long à établir et à maintenir.
• 1955
Dans ce sens-là, en ce qui touche à l'accessibilité,
nous avons appuyé, l'automne dernier, la création du
réseau des arts de la Société Radio-Canada. On
pourrait explorer plus tard d'autres formules. Il nous
semble essentiel, par rapport aux grands enjeux liés
aux nouvelles technologies et à la multiplication des
chaînes, que le contenu corresponde aux oeuvres
produites ici. Si on ne le fait pas, nous serons
dépendants de contenus étrangers pour la diffusion de
masse.
Il faut que des réseaux, comme celui que projette Radio-Canada, soient vraiment mis en place. Toutes nos compagnies artistiques réalisent année après année des productions extraordinaires et on ne fait jamais de captation. Elles ne reviendront donc pas dans le domaine des arts de la scène. Ce sont des chefs-d'oeuvre qui passent. Donc, il faut faire des captations, tourner des films de court métrage et développer les contenus.
C'est une autre piste relative à l'accessibilité, qui regarde le fédéral. C'est un projet que nous avons soutenu. Je sais qu'il y a des divergences de vues à propos de ce projet, mais nous le jugeons très important.
Donc, il y a quelques pistes.
Le président: Nous pourrons y revenir tout à l'heure.
M. Jacques Cleary: Absolument, car je ne veux pas prendre trop de temps.
Le président: Je vais revenir à vous tout à l'heure. Madame Côté.
Mme Élise Côté: Monsieur Cleary, vous m'avez ouvert plusieurs avenues.
M. Jacques Cleary: Allez-y.
Mme Élise Côté: D'abord, vous avez terminé en parlant de la Société Radio-Canada. Nous, de l'Opéra de Montréal, venons de faire l'expérience d'une sérieuse difficulté. Radio-Canada devait capter le Manon, qui sera présenté à compter du 13 mars. La société n'avait pas d'argent pour le faire. Finalement, un miracle s'est produit aujourd'hui seulement, alors qu'on annonçait depuis plusieurs semaines dans les journaux et partout dans les médias que Radio-Canada en ferait une captation. Cela s'est réglé aujourd'hui. Je ne sais pas ce qui s'est passé; ils ont dû trouver des fonds discrétionnaires.
Autrefois, l'Opéra de Montréal était capté par la radio de Radio-Canada. Toutes les productions qui étaient à l'affiche étaient captées et rediffusées. Il y a deux ans, on a dû payer pour avoir une captation radio de l'opéra Les Pêcheurs de perles, qui mettait en scène une distribution strictement canadienne. C'est un premier point. Ce n'est pas rose.
Vous avez également parlé du Centre culturel canadien à Paris. Par hasard, j'ai passé un week-end à Paris, il y a peut-être trois semaines. Je suis allée au Centre culturel canadien. Je me souvenais de ce centre parce qu'en 1986, nous y avions été invités avec les jeunes chanteurs de l'atelier. Nous avons en effet un programme de formation à l'Opéra de Montréal, où nous accueillons surtout des finissants d'université. Quelle ne fut pas ma surprise, quand je suis arrivée au Centre culturel canadien à Paris, de voir que la petite salle de concert qui s'y trouvait était disparue, qu'on ne pouvait plus y accueillir de chanteurs canadiens mais qu'on avait, par contre, réservé un très grand espace au rez-de-chaussée aux arts et à la technologie, donc à Bombardier.
J'ai l'air très agressive, mais je ne le suis pas. C'est que cela me tient beaucoup à coeur.
Donc, Bombardier pourra exposer là ses produits de nouvelle technologie. Pourquoi? Il y a des missions commerciales continuellement. Vous envoyez des missions commerciales partout. Pourquoi ne pas obliger les compagnies qui en bénéficient, comme c'est le cas de Bombardier...
Soit dit entre nous, je me trouvais là avec une personne de chez Bombardier qui allait organiser le air show au Bourget, en juin prochain. Pourquoi ne pas obliger ces missions commerciales à faire leurs devoirs et à diffuser l'image de l'art qu'on produit ici, au Canada? Je parle en faveur des chanteurs, mais il y a aussi les metteurs en scène, les éclairagistes et les concepteurs de décors.
C'est une chose qui m'a jetée par terre et que je voulais vous communiquer.
Mme Suzanne Tremblay: Heureusement que vous êtes revenue; vous pouvez nous le raconter.
Mme Élise Côté: Cela m'a vraiment bouleversée.
Mme Suzanne Tremblay: Je comprends.
Mme Élise Côté: Pour ce qui est de la diffusion, l'Opéra de Montréal remercie bien sincèrement... Je ne veux pas parler de la diffusion tout de suite, mais plutôt m'arrêter au Conseil des arts du Canada.
• 2000
Nous sommes très reconnaissants, et toutes les
compagnies canadiennes le sont également, qu'on ait
consenti 25 millions de dollars supplémentaires au
Conseil des arts l'an dernier, somme qui doit être
renouvelée pendant les quatre prochaines années,
puisqu'il y a déjà une année de passée. Cependant,
qu'arrivera-t-il après ces cinq années? Qu'en sera-t-il
de la stabilité des compagnies?
Nous, de l'Opéra de Montréal, et M. Cleary peut en témoigner, sommes souvent critiqués parce que nous présentons très peu de créations. Nous avons présenté l'an dernier une oeuvre canadienne et tout le monde nous le reproche: tous les paliers de gouvernements ainsi que tous les subventionneurs. Pour nous, c'est une question de stabilité financière. Nous produisons une oeuvre contemporaine à l'occasion. Cette année, sur sept productions au programme, nous en avons deux. Il est certain qu'il a fallu présenter La Traviata et Carmen pour compenser pour Susannah et Le Consul.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Anna Fuerstenberg: ...
Mme Élise Côté: Non. Nous payons toujours nos droits de suite.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Anna Fuerstenberg: ...
Mme Élise Côté: Nous sommes obligés de payer les droits de suite quand nous...
Le président: Si cela continue comme cela, les interprètes ne pourront pas suivre.
Mme Élise Côté: Quand nous louons le matériel, nous payons automatiquement...
Le président: Nous allons laisser Mme Côté parler et ensuite...
Mme Élise Côté: Non, c'est entendu. Quand nous présentons les Dialogues des carmélites, Poulenc étant encore du domaine public, nous payons. Quand nous présentons du Strauss, nous payons. Nous payons parce que c'est loué et que nous sommes obligés de le faire.
En définitive, par rapport au Conseil des arts du Canada, nous sommes très inquiets. Toutes les compagnies canadiennes d'ailleurs le sont. On se demande ce qui arrivera au terme des cinq années. En effet, le Conseil des arts du Canada joue un rôle très important, non seulement dans le domaine de l'opéra, mais aussi dans celui du théâtre musical au Canada.
Pour ce qui est de la diffusion, l'Opéra de Montréal est l'une des 10 compagnies les plus importantes en Amérique du Nord. L'Opéra de Montréal construit énormément de décors et donc fait appel à des gens d'ici, emploie des gens d'ici. Ces décors sont souvent faits en coproduction avec des compagnies américaines, canadiennes ou européennes et voyagent un peu partout dans le monde.
De plus, nous avons un programme de formation et nous avons déjà bénéficié, ce que j'ai porté à l'attention de M. le président, d'une subvention d'environ 1,4 million de dollars qu'Emploi et Immigration Canada nous a consentie pour les années 1986, 1987, 1988. On avait alors reconnu qu'il existait une pénurie de chanteurs d'opéra, de metteurs en scène et de régisseurs dans le domaine de l'opéra. On importait tout plein de talents qu'on n'avait pas chez nous.
Aujourd'hui, la situation a un peu changé. Après l'épisode Emploi et Immigration Canada, nous avons eu l'aide vraiment très ponctuelle du Conseil des ressources humaines dans le secteur culturel. Nous avons eu de l'aide, mais une aide très minime, qui représentait à peu près rien, mais qui nous a quand même permis de continuer à former de jeunes chanteurs, des régisseurs, des metteurs en scène et des coachs à l'Opéra.
Non seulement peut-on offrir un tremplin, une stepping stone à ces chanteurs entre leurs études universitaires et leur carrière, mais on peut aussi s'occuper de la diffusion et de la démocratisation de l'art lyrique. Non seulement faisons-nous des tournées au Québec, où nous allons, bien sûr, dans toutes les régions, y compris aux Îles-de-la-Madeleine, mais aussi en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario.
Il existe en Ontario une compagnie semblable à la nôtre, qui est même un peu plus ancienne que la nôtre, la Canadian Opera Company. Elle a aussi des problèmes budgétaires tels qu'elle a dû mettre fin à sa tournée. Donc, les compagnies de l'Ontario... Cette année, nous allons même jusqu'à Toronto en tournée avec l'Atelier lyrique pour leur présenter L'Elisir d'Amore, parce que même Toronto n'avait plus d'argent pour remplir cette partie de son mandat que constituent la démocratisation et la diffusion.
Donc, ce sont des questions sont importantes. C'est l'avenir des jeunes. J'ai une autre histoire.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le président: ...
Mme Élise Côté: La mondialisation des marchés constitue un problème très aigu, particulièrement pour les jeunes chanteurs. Vous savez que maintenant, aux États-Unis, les compagnies d'opéra n'ont plus le droit d'engager des chanteurs étrangers, y compris des chanteurs canadiens, à moins qu'il ait été formellement prouvé que personne aux États-Unis ne peut chanter un rôle donné. Cela nous pose d'énormes problèmes.
• 2005
Nous avons présenté Andrea
Chénier à Monte Carlo après l'avoir
présenté à Montréal. À l'heure actuelle, on le donne
à Newark, New Jersey, avec la compagnie d'opéra de
là-bas. Nos chanteurs, entre autres les jeunes, n'ont
pas pu y aller parce qu'ils n'ont pas obtenu de permis
de travail.
Le problème se présente sous deux angles. D'une part, le jeune chanteur n'a pas la chance de se faire entendre par un autre chef ou par des agents qui pourraient se trouver dans la salle. Or, on sait que Newark est plus près de New York que Montréal. D'autre part, cette coproduction oblige le metteur en scène à engager de nouveaux chanteurs et à reprendre sa mise en scène pour des rôles somme toute très secondaires.
Ces rôles secondaires, par contre, ont de l'importance pour le jeune chanteur parce qu'ils lui fournissent un tremplin et le familiarisent avec la scène, occasion qui peut se présenter assez rarement. À McGill, on présente toujours d'excellentes productions d'opéra, mais on en présente une par année, ce qui est un nombre plutôt restreint.
Nos présentations sur scène sont vraiment des productions professionnelles, et cet embargo sur les chanteurs, incluant les chanteurs canadiens, nous cause des problèmes. Quand je vois les jeunes chanteurs prometteurs de chez nous, je me dis qu'heureusement, certains sont passés avant que cette mesure soit en application. Mais voilà qu'elle existe et je pense qu'il est important d'y voir.
Le président: Nous allons donner la chance à Mme Wilson de se faire entendre et je donnerai ensuite la parole à Mme Fuerstenberg et à M. Devlin, qui ont demandé à parler.
Mme Anna Fuerstenberg: M. Goddard est avant moi.
Le président: Ah, M. Goddard! Nous allons donc entendre dans l'ordre Mme Wilson, puis M. Goddard, et ensuite Mme Fuerstenberg et M. Devlin.
[Traduction]
Mme Sandra Wilson: Monsieur le président, je veux en arriver tout de suite au coeur du problème: la culture n'est pas une priorité gouvernementale. Comment pouvons-nous assurer l'avenir de tous les artistes et de tous les musiciens si les personnes que nous élisons ne sont pas sensibilisées à cela? C'est très simple.
Silence de mort.
Une voix: Nous sommes tous d'accord.
Mme Sandra Wilson: Je n'ai pas la réponse. J'espérais que quelqu'un d'autre l'aurait.
[Français]
Le président: Monsieur Goddard.
M. Patrick Goddard: On a touché d'abord à la formation des jeunes, à la diffusion et à tout ça. Pour ma part, je vais parler de notre festival qui est un peu et même très bizarre, qui n'entre vraiment pas dans la catégorie des programmes culturels. D'abord et avant tout, c'est un festival qui rend compte de la démocratie du théâtre. Il fonctionne selon la règle du premier arrivé, premier servi, et absolument sans jury.
Nous avons comme a priori que tout le monde est capable de faire du théâtre, que tout le monde veut faire du théâtre et veut participer à des productions théâtrales. Un de nos problèmes avec le gouvernement fédéral, c'est que le Conseil des arts du Canada ne reconnaît pas les festivals sans jury. Les festivals dits fringe—expérimentaux ou d'avant-garde—sont parmi les festivals les plus importants au Canada, particulièrement dans l'Ouest, à Winnipeg, à Saskatoon, à Edmonton, à Victoria et à Vancouver, et à Toronto aussi. Il y en a plein.
Ces festivals expérimentaux ne sont pas reconnus comme faisant partie du théâtre professionnel, ce qui est un problème. Je m'en plains et ne sais pas comment le régler autrement qu'en vous demandant des sous.
C'est quand même un festival qui procure aux jeunes artistes leur première chance de jouer ou de voir jouer leurs propres oeuvres. Il y a de nombreux jeunes qui ont terminé l'école, qui n'ont jamais présenté leurs propres oeuvres dans leurs propres mots, ou qui ne sont jamais montés sur une scène, qui le font pour la première fois et qui, sans ce festival, n'auraient pas la chance de le faire. C'est donc une étape très importante par rapport à la formation ou du moins dans la carrière d'un jeune artiste individuel.
• 2010
Les festivals fringe existent un peu
below the radar, dirait-on en anglais.
Ils sont marginalisés, pour utiliser ce
beau mot politique. On oeuvre vraiment dans la rue.
Le président: On marginalisait à Vancouver.
M. Patrick Goddard: Tout dépend de l'endroit. Le festival fringe d'Edmonton existe depuis plus de 15 ans. C'est le plus grand festival d'été à Edmonton. Le festival fringe de Winnipeg est produit par un des théâtres à Winnipeg. Le festival de Saskatoon était produit par un théâtre à Saskatoon. Dans notre cas, nous le produisons nous-mêmes. Un de nos plus grands problèmes est qu'il n'y a pas beaucoup de mesures de soutien pour l'infrastructure. Notre administration est composée de deux personnes. On peut nous payer seulement six mois par année. C'est très difficile de produire un festival et de faire toutes ces activités de promotion, de diffusion, de sensibilisation, etc., en six mois. On doit donc se concentrer sur la production. On doit se concentrer très clairement sur ce qu'on fait sans recevoir beaucoup d'argent public. On travaille très fort pour acquérir des commanditaires, etc.
Mme Anna Fuerstenberg: L'Union des écrivains du théâtre du Canada, à Toronto, a décidé de publier des oeuvres qui sont produites dans les festivals fringe, surtout à Montréal. Il n'y a pas beaucoup de théâtres qui travaillent en anglais ici, à Montréal. C'est une décision récente.
[Traduction]
Première observation. Deuxièmement, le Conseil des arts du Canada, la raison pour laquelle je vis au Canada, la raison pour laquelle j'aime l'idée même du Canada, a rendu nécessaire de commencer à penser au secteur culturel comme si c'était une industrie. Une des choses qu'ils ont faites et dont j'ai eu connaissance, c'est l'élaboration d'un plan triennal. Presque toutes les institutions... Est-ce un plan triennal ou quinquennal? Cela me semble stalinien.
L'important est que dans n'importe quelle situation, celle de Patrick également, où il y a création spontanée, cela se produit. Cela se produit dans le monde de la culture. Les gens décident de monter un opéra, de créer de la musique. Je suis vraiment désolée de voir qu'il n'y pas plus de représentants du monde de la danse autour de la table, parce que, comme vous le savez, Montréal est l'un des grands centres nord-américains de la danse, et particulièrement de la danse moderne. Je regrette de ne pas voir ces collègues autour de la table, parce qu'ils auraient des histoires semblables à raconter.
Ce plan triennal est merveilleux pour les institutions, parce qu'il leur donne une certaine stabilité. Par contre, il est épouvantable pour les artistes individuels et pour les oeuvres d'art, parce que vous ne pouvez pas dire à un tableau de se laisser peindre en trois ans s'il veut prendre quatre ans pour se laisser créer. Il est animé de sa propre volonté. Cela est également vrai pour les courts métrages, qui ne reçoivent plus maintenant l'appui de l'Office national du film, bien sûr, puisqu'il n'existe plus. Cela est également vrai des pièces de théâtre. Et à Dieu ne plaise que vous vouliez écrire un poème: je ne sais pas ce qui arriverait.
Je dois dire que j'appuie à fond la Loi sur le tirage dédoublé des magazines. J'espère que nous aurons des magazines canadiens. J'espère qu'ils survivront à ces démêlés avec les États-Unis. Je sais que je vais évoquer le mot que personne ne veut entendre. Je vais recourir à une métaphore qu'un de mes collègues utilise beaucoup. Il dit qu'au plan culturel, le Canada est comme une petite souris qui chante et danse à souhait, habitant tout à côté d'un éléphant, et vivant constamment dans l'espoir que l'éléphant, dans son sommeil, ne se tournera pas pour l'écraser. C'est une métaphore que nous avons souvent entendue. Elle a été utilisée en 1955 et même avant, je crois, pour représenter le besoin d'une politique culturelle canadienne.
• 2015
J'ai parlé de ce que c'est d'être un artiste dans ce pays. Ce
dont je n'ai pas parlé c'est de la relation entre l'artiste et la
technologie. S'il existe une technologie qui sert l'artiste,
qu'elle serve la culture musicale, comme cela s'est produit,
qu'elle serve la culture des arts visuels, de la danse, des arts
classiques ou du théâtre, cette technologie, en dernière analyse,
tire son inspiration des artistes individuels. Au bout du compte,
ce gouvernement, tout gouvernement, surtout un gouvernement
canadien, rendra service à son identité et à sa finalité comme
gouvernement en appuyant les artistes, les artistes individuels.
Une dernière chose. Nous avons parlé du marché international. C'est une belle blague pour des gens qui, comme moi, écrivent des scénarios de film. Parlons de distribution de films à l'échelle internationale. Au Canada, 95 p. 100 de la distribution de films est faite par l'éléphant. Disposons-nous vraiment des moyens de protéger et d'appuyer les artistes qui font des films canadiens, de produire et de créer leurs oeuvres? En tout cas, les Canadiens ne voient pas ces oeuvres.
Je trouve très étrange de parler de cela à Montréal. Il m'est arrivé d'avoir écrit des scénarios de film qui ont été produits par des producteurs indépendants à l'extérieur du Québec en anglais et en espagnol. Il est pratiquement impossible à ces producteurs d'avoir les moyens financiers de faire sous-titrer leurs tout petits films pour qu'ils puissent être distribués au Québec. En effet, il existe une Loi de la protection de la culture québécoise selon laquelle, si l'on distribue un film en anglais, il doit simultanément être présenté en français. Je pense que c'est une excellente idée. Je pense également que, dans ce processus, le gouvernement fédéral devrait offrir de l'aide pour que cela se fasse.
Ici, à Montréal, j'ai plus de collègues qui ont vu des films américains au cours de l'année dernière que je n'en ai qui ont vu un ou deux des superbes films, des films vraiment très intéressants qui sont produits à l'extérieur du Québec, ailleurs au Canada. C'est tragique. C'est bête. J'aime bien l'idée que défend cette loi québécoise, mais je pense vraiment qu'il devrait y avoir moyen de faire sous-titrer ces films. Cela est une illustration de tant d'autres problèmes.
Le Playwrights' Workshop de Montréal participe avec la SAD, son compagnon de route francophone, à l'organisation d'un festival de la traduction, et je pense que ce sera notre troisième. Le dernier festival de la traduction a été effectué en collaboration avec le gouvernement du Mexique, en espagnol, français et anglais. Le prochain se fera avec la Belgique, en flamand, en français et en anglais. Je pense que c'est une idée splendide.
Je pense en termes mondiaux. Je ne vais même pas parler des marchés, parce que je ne crois pas être membre d'un secteur industriel; je pense être membre d'une sous-classe, la sous-classe des «artistes».
Je pense qu'il faudrait également réfléchir au mot «marginalité». Je suis marginalisée. Nous voyons bien que nos institutions sont forcées d'être marginalisées. Selon moi, le plan triennal de stabilité est une façon de les marginaliser, de les obliger à se penser comme des entreprises ayant des plans de croissance triennaux et des actionnaires; or, je pense que cela est criminel. Essentiellement, cela les empêche de prendre des risques et de permettre aux artistes individuels au sein de ces institutions de faire de la création spontanée.
Tout cela vous paraît-il compréhensible? Je vois que mes collègues me comprennent. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui me comprenne?
Mme Sandra Wilson: Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi vous avez tellement peur du mot «industrie».
Mme Anna Fuerstenberg: Je n'en ai pas peur. Je m'en sers tout le temps.
Mme Sandra Wilson: Très bien, parce que c'est ce que c'est. C'est une industrie dont le chiffre d'affaires représente des milliards de dollars. C'est une merveilleuse industrie.
Pour ce qui est du plan triennal ou quinquennal, comme vous voudrez, toute organisation devrait en avoir un.
Mme Anna Fuerstenberg: Je ne suis pas d'accord.
Mme Sandra Wilson: Très bien. Je pense qu'elles devraient en avoir, et je vais vous dire pourquoi.
Le président: Un instant. Madame Fuerstenberg, il est 8 h 20. Je ne veux pas jouer à l'instituteur, mais en même temps je pense que certains d'entre nous ont besoin d'une pause. Nous reviendrons ensuite à vous.
M. Devlin a demandé la parole. M. Bonneau a demandé la parole. Mme April a demandé la parole. Nous vous donnerons une chance ensuite, d'accord?
Mme Fuerstenberg: Des promesses. Nous sommes bien habitués.
[Français]
M. Eric Devlin: Tout à l'heure, M. Cleary a souligné l'importance des échanges avec l'étranger. Il parlait de ce que le CACUM avait fait avec le Conseil régional d'Île-de-France. Savez-vous que le gouvernement fédéral, dans le domaine des arts visuels, impose une taxe de 7 p. 100 sur tout échange de moins de 250 000 $ avec l'étranger? Lorsqu'une entreprise, une institution, une galerie privée ou un centre culturel fait venir une exposition de l'étranger et envoie des oeuvres d'artistes canadiens à l'étranger en échange, le gouvernement fédéral oblige cette entreprise canadienne à lui payer 7 p. 100 de la valeur des oeuvres quand les oeuvres valent moins de 250 000 $. Si ce n'est pas de l'arnaque, qu'est-ce que c'est?
• 2020
Évidemment, le fédéral, dans sa grande splendeur, va
dire: On va vous redonner l'argent quand les biens
culturels ressortiront du pays; on veut
s'assurer qu'il n'y ait pas de marché au noir. Big
deal! Supposons que la valeur des oeuvres est de
100 000$.
Qui a les moyens de faire un chèque
de 7 000 $ au
gouvernement fédéral et d'attendre un an pour se
faire rembourser?
Aucune entreprise culturelle au pays n'a les moyens
de faire cela. Alors,
on fait tous de la fraude, de la
contrebande. Cette situation absurde a
été créée par le Parlement canadien lors de l'adoption
de la loi sur la TPS. Pour simplifier la
loi, ils ont décidé d'imposer une taxe de 7 p. 100
sur tous les biens qui
entraient au pays.
Le lobby des musées canadiens s'est alors réveillé et a dit: Un instant, si on fait venir une exposition Monet, par exemple, et qu'on doit payer 7 p. 100 de plusieurs millions de dollars, on sera ruinés; on ne pourra jamais faire venir une seule exposition de l'étranger. Les députés à Ottawa ont été pris de panique et ont dit: Une exposition dans un musée vaut en général plus d'un quart de million de dollars; on va faire un amendement stupide, que pas un courtier en douanes au Canada ne comprend, disant que les biens de plus de 250 000 $ sont exemptés de taxe alors que ceux de moins de 250 000 $ sont taxés. Cela favorise les échanges avec l'étranger, n'est-ce pas? En voilà un irritant! Vous voulez des solutions? En voilà une solution!
En tant que directeur d'une galerie privée, je perçois les taxes pour le gouvernement. C'est déjà a pain in the ass que de faire la job du gouvernement. Je ne suis pas payé pour percevoir les taxes du gouvernement. Il faut que je les lui remette. Cela ne me dérange pas, mais cela me dérange de payer à l'avance une taxe sur des biens que je ne vendrai pas. Supposons que je fais venir une exposition de 100 000 $ des oeuvres d'un artiste étranger. J'en vendrai peut-être pour 10 000 $. C'est une probabilité. Sur 10 000 $ de ventes, je devrai remettre 5 000 $ à l'artiste, mais il faut aussi que je remette 7 000 $ en garantie au gouvernement fédéral. Pensez-vous que cela m'incite à faire des échanges avec l'étranger? Comment voulez-vous que je diffuse les oeuvres des artistes étrangers et de mes artistes canadiens à l'étranger si je ne suis pas capable de faire d'échanges? Le fédéral fait tout pour m'empêcher de faire des échanges avec l'étranger. Le fédéral fait tout pour empêcher la culture canadienne d'être diffusée à l'étranger. C'est un problème.
Le président: C'est sûr.
Monsieur Bonneau.
M. Richard Bonneau: Tout d'abord, je voudrais commenter ce que M. Goddard disait tout à l'heure. Je trouve intéressant qu'il parle de marginalisation de l'art ou du théâtre puisque c'est l'essence même du festival fringe. Est-ce que «fringe» veut dire marginal en français? À peu près, oui. C'est ce qui fait la beauté de ce festival, en passant. Je le suis depuis plusieurs années, et c'est effectivement son côté marginal qui crée son intérêt.
D'autre part, je voudrais aussi remercier et féliciter le gouvernement du Canada pour son initiative de tenir les présentes audiences. Je trouve tout à fait salutaire que le gouvernement prête oreille aux attentes et aux suggestions du milieu dans le cadre de la réforme de la politique culturelle. Je devais être à l'extérieur du pays, en même temps que M. Fournier, quand c'est sorti dans les journaux parce que je n'étais pas au courant non plus. Je l'ai appris par Le Devoir et habituellement je suis assez bien informé.
J'ai entre les mains le rapport préliminaire du Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle de la Conférence canadienne des arts, qui contient huit recommandations dont la dernière est que le gouvernement du Canada forme un comité pour étudier la question.
Comme ce rapport a été publié en janvier 1998 et recommande la création d'un comité, la Conférence canadienne des arts n'était possiblement pas au courant de cette démarche ou le gouvernement a été très, très rapide à réagir, mais enfin...
J'aurais aussi trouvé intéressant que le gouvernement sonde les attentes et les aspirations du milieu, mais ait en même temps certaines orientations, ne serait-ce que préliminaires. Quelle est actuellement la position du gouvernement fédéral? Je sais qu'on est en phase finale de préparation d'une nouvelle politique ou d'une refonte, mais il aurait été intéressant qu'on puisse réagir sur une certaine orientation que vous envisagez prendre vis-à-vis de cette politique.
On a mentionné tout à l'heure le Programme d'initiatives culturelles de Patrimoine Canada. Ce programme comportait trois volets au départ, soit aide à la gestion, aide à l'immobilisation et aide aux festivals. Les deux premiers volets, aide à la gestion et aide à l'immobilisation, ont disparu.
• 2025
C'est extrêmement malheureux
parce que, entre autres, le programme d'aide à la
gestion aidait beaucoup de petits organismes, surtout
les petits organismes en phase de démarrage ou en phase
de consolidation. J'ai trouvé malheureux que
ce volet disparaisse. Quant au volet qui existe
encore, celui de l'aide aux festivals, ses budgets fondent
année après année.
Faut-il en conclure qu'il y a un désengagement du gouvernement ou que le gouvernement s'est donné de nouvelles orientations? Des questions sont posées au sujet de la nouvelle économie, des nouvelles technologies, de la mondialisation et ainsi de suite. Oui, il faut regarder vers l'avenir, mais il faut aussi voir quelle est la situation actuelle du milieu culturel. Si, pour promouvoir les nouvelles orientations, on doit sabrer les acquis, on a un problème, à mon avis. Oui, regardons vers l'avenir, mais consolidons nos acquis. Le Canada est reconnu au plan international pour ses réalisation dans des domaines comme l'aérospatiale, la pharmaceutique, le transport et les nouvelles technologies. Des sommes considérables sont investies dans ces secteurs parce que ce sont des secteurs de pointe, des secteurs prometteurs.
La culture est un des secteurs pour lesquels le Canada est reconnu au plan international. Cependant, les artistes n'ont pas les moyens de leurs aspirations. Donc, la problématique fondamentale, du moins des arts de la scène ou des arts visuels—je ne parle pas nécessairement des industries culturelles ou de la télévision—est une question de financement. Quand on va bien saisir le rôle social et économique de la culture, je pense qu'on va pouvoir lui donner les moyens de se réaliser.
Le rôle premier du CRD de l'île de Montréal, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, en est un de concertation. Comme peu de temps a été imparti pour réagir, nous pourrions jouer un rôle de mobilisateur dans les semaines à venir afin d'aider les milieux à se concerter en vue d'émettre une politique.
Jusqu'à quelle date accepterez-vous les mémoires? On sait que vous voulez émettre de nouvelles propositions au début de l'été. Est-ce qu'il y a une date limite pour le dépôt de mémoires?
Le président: Monsieur Bonneau, il y a un malentendu ici. Nous ne sommes pas le gouvernement du Canada et il faut que ce soit bien clair. Vous parlez du gouvernement du Canada en parlant des membres de la Conférence des arts. On est un comité de la Chambre des communes dont les membres représentent tous les partis de la Chambre des communes. Mme Tremblay est du Bloc québécois, M. Mark fait partie du Parti réformiste, et il y en a d'autres du Parti conservateur qui ne sont pas ici; demain, le NPD sera avec nous. Donc, on est un comité de la Chambre des communes qui a une certaine indépendance. C'est nous qui avons décidé de faire cette étude. Ce n'est pas le gouvernement du Canada qui nous l'a imposée. C'est nous-mêmes qui avons décidé, comme comité, il y a deux ans, que quelque chose manquait.
Nous espérons influencer les décisions du gouvernement actuel en présentant un rapport à la Chambre des communes. Ce rapport ne sera pas présenté au gouvernement du Canada, mais à la Chambre des communes. Nous allons demander au gouvernement du Canada de réagir à ce rapport, qui va contenir toutes sortes de recommandations que les gens nous ont faites depuis que nous avons commencé ce travail, il y a environ deux ans.
On va demander au gouvernement de répondre, et il aura 150 jours pour réagir. Nous espérons que cela va exercer des pressions qui vont éventuellement aboutir à une révision des politiques et programmes actuels, et peut-être à une nouvelle politique de la culture. C'est ce que nous espérons.
Pour accomplir le mandat que nous nous sommes donné comme comité, nous avons un budget très restreint. Nous travaillons avec un budget que la Chambre des communes nous donne. C'est pourquoi nous n'avons pas toujours pu voyager. Nous avons pris contact avec la plus grande partie des intervenants des différents milieux depuis deux ans. C'est difficile parce qu'il faut faire venir les gens à Ottawa et que cela nous coûte de l'argent. C'est le comité qui paie et il a un budget restreint. Cette fois-ci, nous avons réussi à obtenir un budget supplémentaire de peine et de misère. On se présente devant un comité et on lui demande de l'argent. C'est ce qui nous a permis de faire ce voyage cette fois-ci.
• 2030
On ne pouvait pas annoncer cette tournée
avant d'avoir obtenu les fonds nécessaires
pour la faire. Quand on
les a eus, on a diffusé
l'annonce le plus possible. Le greffier
pourra vous dire que tous les organismes
l'ont reçue.
Peut-être que Le Devoir l'a prise,
mais que certains organismes
ne l'ont pas publiée. On a essayé de la diffuser le plus
possible. Le greffier
pourra vous dire par combien de chemins il est passé pour
diffuser la nouvelle que nous allions voyager à travers
le Canada.
On n'est pas un comité du gouvernement. On est un comité de la Chambre des communes. On va essayer, par nos pressions à la Chambre des communes, d'influencer les positions gouvernementales.
Quelle est la date limite? Nous avons commencé notre étude il y a deux ans. Il y a beaucoup de gens qui nous demandent où nous en sommes. On a écouté toutes sortes de groupes qui sont venus à Ottawa de partout au Canada. On a reçu des piles de mémoires qui sont en train d'être étudiés par les attachés de recherche. Il y a une équipe d'attachés de recherche qui travaillent à cela. Il y a M. Blais et deux ou trois autres contractuels qu'on a employés. Nous espérions terminer vers le mois d'avril, mais nous avons eu une discussion après avoir entendu les témoins à Montréal, à Moncton, etc. Peut-être faudra-t-il ouvrir un peu la porte parce que toutes sortes de gens nous ont dit des choses que nous n'avions pas encore entendues.
Quand allons-nous finir? Je ne le sais pas. Ce sera sûrement avant la fin de la session de la Chambre des communes, en juin. Nous devons influencer le gouvernement. Si nous attendons qu'il y ait un changement de ministre, nous devrons peut-être repartir à zéro. Nous devons envoyer notre rapport à la Chambre des communes avant qu'elle ajourne, en juin. C'est là que nous pouvons exercer des pressions. Le gouvernement sera tenu de nous répondre dans un délai de 150 jours et il va attendre à la dernière minute. À ce moment-là, c'est remis aux calendes grecques.
Nous avions espéré finir en avril, mais ce sera peut-être un peu plus tard. En tout cas, si vous avez un mémoire, envoyez-le le plus tôt possible. Je peux vous assurer qu'il va recevoir toute notre attention. Il sera distribué à tous les membres du comité, de tous les partis qui sont représentés au comité. Tous ils prennent cela bien au sérieux, et je puis vous assurer qu'ils vont les lire.
Le Conseil des arts, l'une des agences les plus importantes à comparaître devant nous, nous a donné toutes sortes de pistes de travail et nous a parlé de son rapport. M. Kelly est venu nous voir plus d'une fois, je crois.
Mme Suzanne Tremblay: Il a été l'un des premiers à venir au comité. C'est nous qui avons demandé au Conseil des arts de nous écrire quelque chose qui pourrait nous dire ce que pourrait contenir une politique culturelle canadienne. Donc, ils étaient très au courant. On a commencé ce travail avant même l'élection de 1997, pendant l'ancienne législature, et on l'a repris après l'élection de 1997. Dès le début, ils étaient au courant qu'on faisait cette étude
Le président: Le Conseil des arts a été l'une des agences qui ont accepté de diffuser le travail du comité. Ce sont eux qui nous ont demandé de diffuser ça à travers le Canada. Alors, ils ont diffusé partout la nouvelle. Il y a toutes sortes de journalistes qui assistent à nos travaux à Ottawa, lorsque nous siégeons. Il y a une journaliste, Mme King de CBC, qui publie souvent de petits entrefilets sur ce qu'on fait. Il y a peut-être des journalistes qui ne mettent pas de nos nouvelles dans les journaux, mais nous essayons de diffuser le plus possible ce que nous avons fait. Ce n'est pas facile pour un comité de la Chambre. Nos travaux ne sont pas une grande nouvelle, je vous assure. On a pris tous les moyens possibles pour diffuser nos travaux: le Conseil des arts, Internet et ainsi de suite.
Un instant, monsieur Cleary. Je pense que M. Lawton, M. Fournier et Mme April voulaient se faire entendre.
[Traduction]
M. Richard Lawton: Mes préoccupations sont celles d'un Canadien plus que celles d'un artiste, puisque dans mon emploi actuel, je ne dépends des arts ni pour mon gagne-pain ni pour le succès de mon institution. Mais en tant que Canadien, l'une de mes principales préoccupations, ce sont les compressions budgétaires à CBC, qui ont rendu plus ardue sa tâche de continuer à promouvoir et à financer la diffusion nationale des arts canadiens. Je pense que les tentatives de faire de CBC un autre radiodiffuseur commercial n'ont pas aidé les arts au Canada. Il faut se rappeler que l'un des principaux rôles de CBC était de définir la culture canadienne et pendant de nombreuses années, c'est ce qui a été fait. CBC présentait les artistes canadiens à l'auditoire canadien. Au Québec, Radio-Canada faisait la même chose avec l'auditoire québécois.
• 2035
Non seulement il présentait à son auditoire les diverses
facettes de la culture canadienne, mais il forçait l'auditoire à
penser à sa culture. Cela ne se fait plus, je crois. La
programmation de CBC semble de plus en plus destinée à encourager
l'auditoire canadien à penser en termes de culture américaine. Je
ne pense pas que cela soit une bonne chose.
Pendant des années, CBC a employé des musiciens, des metteurs en scène, des écrivains, des acteurs, des concepteurs, etc. On a sabré dans tout ça et je pense que cela a bouleversé le pays et la CBC. Comme on nous l'a dit ce soir, les artistes ont été de réels perdants, bien sûr, mais il faut aller plus loin et constater que les grands perdants ont été les Canadiens. Dans notre pays, à quelques exceptions près, nous n'avons pas de concentrations de population comme on en voit en Europe, et qui ont permis le développement de l'art de l'Europe occidentale, ni les concentrations de population qu'on trouve aux États-Unis, qui permettent à des compagnies d'artistes d'exister à temps plein et d'avoir des succès commerciaux comme ceux du Metropolitan Opera, de la Chicago Symphony, etc.
La CBC a rassemblé dans les centres du pays l'art et la culture du Canada, et c'est là qu'elle s'est reproduite et qu'elle a continué d'exister pour tous les Canadiens.
Les compressions budgétaires à la CBC qui ont donné lieu à la suppression de ce genre de programmation m'ont beaucoup attristé.
S'il y a un message que je veux vous transmettre ce soir, c'est que ce genre de travail de définition culturelle qu'a fait la CBC pendant de nombreuses années doit être rétabli, parce que je crois que nous voyons trop de programmation non culturelle.
En outre, au sujet des artistes canadiens et des festivals, il y a certainement, en effet, davantage de festivals de musique, maintenant. Les festivals, les gros certainement et peut-être aussi les petits, ne donnent pas de travail constant aux musiciens, aux artistes, aux comédiens, etc. Les artistes, les gens du spectacle, ne peuvent pas vivre du travail qu'on offre dans les festivals, parce que ceux-ci sont de nature régionale et locale et que les artistes ne font pas le tour du pays, d'un festival à l'autre.
Le travail accompli par la CBC était pour cela très important. Le travail fourni par les troupes artistiques—je pense au secteur de l'interprétation, soit mon secteur—ainsi que par les orchestres symphoniques, les troupes d'opéra, les troupes de théâtre, etc., quelle que soit leur taille, petits survivant à peine ou grands survivant à peine, peu importe, permettent la survie des artistes canadiens en les regroupant; autrement, ils seraient disséminés et disparaîtraient. Il y a déjà suffisamment de nos artistes qui émigrent aux États-Unis, certains d'entre eux, excellents, qui y travaillent et qui y font beaucoup d'argent. C'est déjà une tragédie, je crois. D'une certaine façon, il faut admettre qu'au moins, ils travaillent, ils produisent. Je vois qu'Anna n'approuve pas; ils ne sont peut-être pas aussi libres de produire quelque chose qui contribue à la culture canadienne elle-même, c'est vrai, mais au moins ils travaillent. Ils montrent la valeur de notre pays, de la formation et de la compétence qu'ils y ont acquises.
Je connais moins bien la situation des écrivains, des peintres et des artistes qui travaillent seuls. Je connais mieux celle des artistes qui se regroupent pour produire des oeuvres. On peut aussi revenir à la question de l'argent. Comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Lincoln, à un moment ou à un autre, c'est toujours une question d'argent.
Si je peux demander une chose, c'est que soit rétabli le financement de la CBC, dans le but de promouvoir la culture canadienne.
Des voix: Bravo!
Le président: Merci.
[Français]
Madame April.
Mme Danielle April: J'aimerais dire deux petites choses.
Je ne sais pas si je vous ai mentionné, en rapport avec le droit de suite, qu'une telle loi existait dans une quarantaine de pays, notamment en France depuis plus de 75 ans. Je voudrais ajouter que, selon les statistiques de l'ONU, parmi ces 40 pays, il y en a plusieurs qui se classent vraiment très loin derrière le Canada dans la liste des pays où il fait bon vivre.
• 2040
Deuxièmement, je voudrais revenir sur la protection
sociale adaptée aux artistes. Les
artistes sont des travailleurs indépendants. Le
système de sécurité sociale est fondé sur l'a priori que
toute activité assujettie est censée être toujours
rentable. Une activité comme celle des créateurs en
arts visuels ne l'est pas, et c'est clair. Alors, les
artistes sont vraiment tout seuls et
la charge financière des cotisations
sociales est absolument impossible à supporter pour
eux. Ils souffrent d'une sous-protection absolument
systématique.
Là aussi, en Europe, il y a des exemples fort différents les uns des autres de reconnaissance de la responsabilité d'une société à l'égard du bien-être de ses artistes. On parle de programmes d'accès à un revenu minimum garanti, de protection contre les risques d'accident, d'une retraite décente, etc. Nous souhaitons vivement que le gouvernement travaille à la mise en place de mesures sociales de ce type.
En terminant, comme d'autres intervenants l'ont dit, le Conseil des arts du Canada est une structure absolument essentielle pour les créateurs, et nous pensons que ce conseil ne devrait plus jamais subir les compressions importantes qu'il a connues il y a quelques années. Nous sommes revenus à un niveau sensiblement égal à celui d'avant ces compressions, et il ne faudra plus jamais recommencer ça.
Le président: Merci.
Monsieur Fournier.
M. Alain Fournier: Il y a des points importants qui indiquent l'ampleur de la problématique pour l'ensemble des intervenants. Je pense que M. Cleary a mis le doigt sur quelque chose d'essentiel. Les milieux de développement de publics et d'accès à l'art sont les communautés les plus proches et les mieux placées pour faire ce travail. Ce dynamisme doit être préservé parce que c'est là que sont les racines du travail artistique.
Les artistes vivent dans un environnement géosociohistorique qui les nourrit et ils interagissent avec leur milieu. Il est très important de maintenir cela. Cela a des conséquences, parce qu'on sait que le développement n'est pas le même dans toutes les régions. On peut comprendre qu'il faille, à certains moments ou pour certains niveaux, établir des critères différents d'activités culturelles.
On revient à la question de base: c'est quoi, la culture? Dans les régions du nord du Québec ou éloignées, c'est plus difficile. On ne peut pas espérer qu'il va se développer là un orchestre symphonique, mais si on place le critère de qualité professionnelle—on ne met pas fringe là-dedans—au niveau de la qualité internationale... C'est une arme à deux tranchants. On ne doit pas abaisser les critères de qualité professionnelle lorsqu'il s'agit du soutien pour l'international ou même l'excellence, mais il faut par ailleurs soutenir la vitalité dans les régions de façon à ce qu'il y ait des noyaux actifs qui restent là, qui puissent faire un travail de continuité avec leur milieu et avec les différents milieux d'affaires et de l'éducation qui sont là. C'est très important. Ça crée des problèmes de juridiction et on ne peut pas le nier, mais en négligeant de voir cela, on imposerait une vision culturelle qui ne correspondrait pas à la façon dont c'est vécu.
On a élaboré l'idée d'une écologie du milieu théâtral. Il y a quand même un écosystème entre les intervenants de la vie culturelle. Les artistes individuels sont au départ des chercheurs individuels. Il est possible que cela aboutisse à un produit de masse à l'autre bout. C'est une boucle. Quels liens y a-t-il entre les deux? Est-ce que l'État doit soutenir les chercheurs? Est-ce qu'il ne doit pas y avoir de retour lorsque cela devient une industrie culturelle?
Il y a une quantité de mesures qui peuvent être explorées selon les approches. Si on parle simplement d'économie, eh bien, je m'excuse. Le théâtre québécois exporte énormément et on l'a manifesté: on veut être dans les missions économiques.
• 2045
Les artistes devraient participer aux
missions économiques parce qu'ils vendent de l'art.
On est toutefois conscients qu'on est une petite
souris—cet exemple-là est valable—en tout cas une
petite souris historique, et qu'on a un héritage historique
de dettes. Lorsqu'on essaie de négocier avec nos
voisins, on ne parle pas d'une situation neutre et
égale, mais plutôt d'une situation historiquement
désavantageuse.
On ne peut pas partir d'un statu
quo et essayer de négocier cela.
C'est la même chose dans le domaine du livre. L'éditeur français représente un problème pour l'auteur québécois. C'est la même situation face au cinéma américain. Il est évident qu'au niveau des accords internationaux, c'est très, très important, mais avant cela, il faut se demander, et c'est l'essence d'une politique, si l'art et la culture sont un service public. Il faudrait décider cela. Une réponse positive justifierait des interventions. Est-ce que l'art et la culture sont l'expression d'une communauté? Si c'est le cas, on n'intervient pas, on laisse la communauté s'exprimer et on ne suppose pas que la même vision du multiculturalisme, par exemple, s'étend à l'ensemble de la mosaïque vue du satellite. Il n'y aura pas obligation pour chacune des régions de vivre cela de la même façon. Il y a des régions qui sont parfaitement homogènes, et ceux qui les habitent ne sont pas obligés de vivre autre chose que leur réalité. Il y en a d'autres, au contraire, qui vivent d'autres réalités.
Vous avez parlé de la démographie. Il va sans dire que la démographie, c'est l'intégration de nouveaux arrivants, qui, souvent, ont choisi de venir ici plutôt qu'ailleurs parce qu'il y a une liberté, mais aussi une image ou une perception qui les attire. Si je décidais d'aller en Israël, je serais prêt à apprendre l'hébreu. Si des immigrants viennent ici, ils sont prêts à apprendre l'anglais ou le français et à s'intégrer à un ailleurs qui va les compléter.
Ce ne sont pas des abstractions. On a vécu une situation semblable lors d'une tournée récente. Parce qu'il y avait plus de demandes qui venaient du Québec et que cette province exporte davantage en théâtre et en danse, on a décidé tout à coup de faire une répartition par habitant des subventions, en faisant fi du critère d'excellence qui gérait auparavant le soutien à la tournée. Si on veut changer les règles du jeu, il faut nous en informer à l'avance et non pas après la signature des ententes de tournée. C'est pour cela que la question du temps dont parlait M. Bonneau, et à laquelle je faisais allusion, est importante. Il y a des compagnies du Conseil québécois du théâtre qui font, comme l'Opéra, davantage de pièces de répertoire. La question du contenu canadien, qui est un des critères au Conseil des arts, nous a demandé des heures et des heures de discussion. On a souligné comment on l'a contourné: on a dit que c'était une production de Manon entièrement canadienne. C'est une façon de voir le contenu canadien, mais la question du contenu demeure bien sûr prioritaire.
Comment aborder cette question du contenu? Comment trancher ces questions centrales qui ont plusieurs ramifications et qu'il est difficile d'aborder d'une façon simple? Une fois qu'on a les idées claires et qu'on s'entend pour dire qu'il faut effectivement un contenu, on se penche sur les problèmes techniques de cette exigence et on convient de faire tout ce qu'on peut pour l'imposer. Là, c'est autre chose. Mais encore faut-il s'entendre sur une donnée de base, après quoi il est plus facile de concevoir comment la mettre en oeuvre.
Le président: Je donne la parole à M. Cleary et Mme Tremblay, puis on reviendra à Mme Fuerstenberg, qui n'avait pas terminé son intervention.
M. Jacques Cleary: On vient de souligner à nouveau l'importance de renforcer les initiatives au niveau local et au niveau d'une métropole ou d'une communauté au sens large. Lorsque vous présenterez vos recommandations au gouvernement ou que vous exercerez votre influence sur les politiques futures, il vous faudra quand même arriver au point crucial et déterminer quel est le rôle du fédéral par rapport aux provinces et à notre palier, le palier municipal.
Sans entrer dans des querelles, parce que c'est compliqué, je vous inviterais à vous pencher sur le modèle de la Grande-Bretagne. Il y a quelques années, le Conseil des arts de la Grande-Bretagne a décentralisé ses responsabilités vers 10 conseils des arts régionaux, dont le conseil des arts de Londres, le London Arts Board, qui est notre équivalent et avec qui on a beaucoup d'affinités, et ses 32 arrondissements qui forment la ville de Londres, le grand Londres. Cinquante pour cent du budget du Conseil des arts de la Grande-Bretagne a été déplacé vers les régions, dont Londres.
• 2050
Nous avons le même mandat que le Conseil des
arts de Londres. La seule chose qui nous
distingue, c'est que 97 p. 100 de son budget
provient du Conseil des arts de Grande-Bretagne, tandis
que notre financement vient essentiellement des taxes
foncières que perçoivent la Ville de Montréal et
les 28 autres municipalités de la Communauté urbaine.
Vous savez comme moi qu'il y a un plafonnement de ce
côté-là. On ne peut pas progresser. Cela fait cinq ou six
ans que nos budgets sont gelés et
on ne peut pas augmenter les taxes
des propriétaires. Il y a donc un problème.
Par contre, on peut jouer un rôle accru et un rôle efficace parce qu'on est près de notre communauté. M. Bonneau déplore qu'on abandonne certains programmes. Parfois, ce n'est pas tellement une question de perdre des programmes en tant que tels, mais plutôt de nous les confier parce que nous sommes beaucoup mieux placés pour les gérer ici. Nous déplorons qu'on perde l'argent qui était associé à ces programmes.
Il faut vraiment faire preuve d'un peu d'imagination dans la façon de gérer les programmes culturels et décentraliser une partie des sommes qui viennent de l'ensemble des citoyens vers des métropoles comme Montréal. Ce modèle pourrait très bien s'appliquer à Toronto ou à d'autres communautés importantes partout au Canada où peut s'établir une dynamique. Il est très important de conserver les trois paliers. On mentionnait tout à l'heure que le rôle qu'avait joué le Conseil des arts avait été essentiel au développement des arts au Canada. Mais je crois qu'il faut avoir le courage d'aborder un certain équilibre. Au niveau municipal ou communautaire, on a l'avantage de ne pas entrer dans les querelles fédérales-provinciales et de pouvoir agir rapidement.
On a parlé du projet du fonds de stabilisation. Il y a beaucoup d'idées qui peuvent être traitées, dont la diffusion et l'accessibilité. Il y a énormément de choses qui peuvent être faites d'une façon plus intégrée et en accord avec le dynamisme culturel d'une région. Comme vous le savez, la région de Montréal jouit d'un rayonnement international extrêmement important, d'une très très grande diversité et d'un niveau d'excellence exceptionnel. On voit une situation semblable dans d'autres communautés d'un bout à l'autre du Canada, mais particulièrement à Montréal. Il faut se doter d'outils modernes si on veut faire face aux nouvelles technologies et à tous les défis que présentent les questions que vous soulevez. Il faut avoir un certain courage pour regarder ces questions. Personne ne veut étudier cet aspect parce que chacun défend son territoire. Il y a 15 ans qu'on essaie d'innover et qu'on se heurte toujours à ce plafonnement. Il va falloir trouver une solution, sinon les municipalités vont décrocher complètement. On a d'ailleurs déjà reçu des signes dans ce sens-là. Il faut, pour la communauté artistique, protéger la formule Conseil des arts et peut-être lui donner un peu plus d'autonomie, mais prévoir également une certaine décentralisation. C'est le point sur lequel je voulais insister.
Le président: Je vous rappelle qu'il est un plus de 20 h 50 et que nos techniciens devront rentrer chez eux. Je donne la parole à Mme Tremblay, puis à Mme Fuerstenberg et à Mme Côté.
Mme Suzanne Tremblay: Merci, monsieur le président. Mon intervention sera brève.
Je voudrais d'abord remercier tous les participants et participantes de leur contribution à notre réflexion, qui est loin d'être terminée parce que plus on avance, plus on lève les coins de couverture et plus on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses en-dessous. Il nous faudra peut-être faire des apartés ou déroger de notre programme original.
Je voudrais quand même dire une chose. Je suis à Ottawa depuis 1993. Depuis 1994, le budget de la culture a été, toutes proportions gardées, l'un de ceux qui ont subi le plus de compressions. Bien que je fasse allusion au budget de la culture, je veux aussi parler des réductions imposées à toute l'enveloppe budgétaire du ministère du Patrimoine. Vous avez une idée du spectre que couvre le ministère du Patrimoine: on y retrouve les parcs, le gouverneur général, les lieutenants-gouverneurs, les visites de la reine, alouette, il y en a là-dedans, en voulez-vous, en voilà, les programmes aux langues officielles, les éditions et tout. Il y a toutes sortes de choses là-dedans, y compris Option Canada. Ça, c'est mon message politique.
Il y a eu des compressions budgétaires du côté de Radio-Canada. On en avait demandé certaines et j'étais de ceux qui pensaient qu'il devait y avoir certaines réductions du côté de Radio-Canada parce qu'il y avait du gras. Si on devait sabrer quelque part, c'était dans le gras de Radio-Canada.
• 2055
Entre autres, il y avait un siège social à Ottawa et on était
incapables de
savoir combien il y avait là d'employés. On pouvait
savoir combien il y avait de secrétaires employées à
Radio-Canada, mais cela comprenait toutes les secrétaires
d'un océan à l'autre. On ne pouvait
pas savoir où étaient assises ces secrétaires. Si
on faisait une émission de télévision à Halifax, il
fallait que le chèque vienne d'Ottawa, etc. Donc, il y
avait une gestion de luxe qui n'avait pas de bon sens.
Quand je suis arrivée à Ottawa, l'équipe des francophones et l'équipe des anglophones de journalistes constituaient deux mondes. Quand on allait chez les anglophones, on se faisait maquiller; quand on allait chez les francophones, on ne se faisait pas maquiller. La maquilleuse n'existe plus nulle part maintenant. Du côté des anglophones, il y avait quelqu'un qui tenait le fil, l'autre qui tenait la plug, l'autre qui tenait l'escalier, l'autre qui tenait l'escabeau dans lequel montait l'autre. C'était effrayant! Ils étaient cinq ou six. Il y avait de l'exagération de ce côté-là.
Il ne faut pas penser que Radio-Canada vit sous le seuil de la pauvreté. Ils vivent maintenant avec 800 millions de dollars qui viennent des contribuables, et on leur a donné la permission de faire de la publicité, ce qu'il n'y avait pas auparavant. Il n'y en a pas encore à la radio, Dieu merci, et je pense qu'on va les épargner de ce côté-là.
Il y a des choix politiques que fait l'administration de Radio-Canada. Quand elle décide de ne plus aller capter des émissions, ce n'est pas parce qu'elle n'en a pas les moyens. Elle a plus de un milliard de dollars à sa disposition et il faut s'entendre: ce sont des choix politiques que fait Radio-Canada. C'est là-dessus qu'il faut miser. Il ne faut pas penser qu'ils n'ont plus d'argent.
Ils ont assez d'argent pour demander au gouvernement de faire toutes sortes de nouvelles spécialités: nous donner des nouvelles à la radio 24 heures par jour, etc. Donc, Radio-Canada n'est pas sans argent, mais il faut bien voir que des décisions sont prises. Ce sont eux qui ont décidé d'acheter les Olympiques pour je ne sais combien d'années contre une somme de plusieurs millions de dollars. Donc, Radio-Canada fait des choix sur lesquels, personnellement, je ne suis pas toujours d'accord, mais ce sont des choix politiques. Quand ils décident d'acheter des films beaucoup plus chers parce qu'ils veulent damer le pion à TVA ou à CTV, ce sont des choix qu'ils font.
Il faut regarder ce que Radio-Canada fait de l'argent qu'on lui donne et, si on n'est pas contents, on peut le lui dire, parce que Radio-Canada nous appartient. On peut lui dire: Changez vos choses; ça ne nous plaît pas. Pour cela, il faudrait qu'on se mette à téléphoner. On ne doit pas croire le discours de Radio-Canada, qui dit qu'elle n'a pas d'argent. Si elle n'a pas d'argent, elle devrait fermer ses portes. Avec un milliard de dollars et plus, Radio-Canada peut capter certaines émissions qu'elle captait auparavant. Ce n'est pas cela qui coûte le plus cher.
Le président: Madame Côté.
Mme Élise Côté: J'ai une chose importante à dire au sujet du financement autre que celui du Conseil des arts et des autres niveaux de gouvernements. Il s'agit de l'argent qui nous vient des entreprises et des individus. C'est un outil de financement qui est de plus en plus important parce que les subventions décroissent sans cesse. Il serait important qu'il y ait une réforme de la fiscalité pour les individus. C'est bien beau, la nouvelle loi sur les exemptions en gains de capital, mais à l'heure actuelle, il y a une seule compagnie d'opéra au Canada qui a profité d'un don en vertu de cette loi-là. Cela s'adresse à une classe de citoyens très minoritaire. Puisque j'ouvre le courrier dans mon service, qui fait le financement, je sais que la plupart des dons sont de l'ordre de 100 $, 150 $, 200 $ ou 300 $. Il nous en arrive à longueur de journée. Il serait important d'encourager ces gens à donner davantage. Ils sont un outil important pour le développement de nos compagnies au Canada. Vous savez qu'on n'a pas le droit d'émettre un reçu de charité à une entreprise qui commandite. Si une compagnie donne 45 000 $ pour avoir son nom sur l'affiche, je ne peux lui émettre un reçu de charité parce que je lui donne de la publicité. Ça aussi, c'est important. Les entreprises sont de plus en plus difficiles à recruter, et je pense qu'il faut les encourager à nous encourager.
Mme Suzanne Tremblay: On ne leur donne pas de reçu de charité, mais elles déduisent ces montants de leurs dépenses. C'est beaucoup plus avantageux pour elles de les déduire de leurs dépenses.
Mme Élise Côté: Savez-vous ce qu'elles font pour contrer cette difficulté?
Mme Suzanne Tremblay: Je sais qu'elles se débrouillent bien parce qu'elles ne paient pas d'impôt là-dessus. Cela les aide.
Mme Élise Côté: Savez-vous ce qu'elles font? La plupart mettent sur pied des fondations et paient par l'entremise de leur fondation. À ce moment-là, nous avons le droit d'émettre un reçu de charité.
Le président: Madame Côté, vous n'êtes pas la première à parler d'incitatifs fiscaux. On en a parlé lors d'autres tables rondes. On a pris bonne note de cela. Je ne sais pas comment on va s'attaquer à cela. Il faudra voir ce que les gens ont à dire. Donc, on nous en a déjà parlé.
Madame Fuerstenberg.
[Traduction]
Mme Anna Fuerstenberg: Je vais parler très rapidement de certaines questions qui ont été soulevées.
Pour commencer, je n'ai jamais aimé l'expression industrie culturelle, quelle que soit la langue. Pour que le Canada demeure le Canada, pour que le Québec demeure le Québec, la culture et l'industrie ne doivent pas nécessairement faire un.
Deuxièmement, je crois que le professeur Lawton a soulevé une question très importante lorsqu'il s'est dit ravi que ses étudiants émigrent aux États-Unis, où ils pouvaient au moins gagner de quoi subsister. Je pense que c'est une tragédie qui deviendra de plus en plus importante au cours des prochaines années si nos institutions culturelles et nos artistes ne reçoivent pas davantage d'attention, de soutien, et certainement d'une façon plus humaine.
Je veux aussi signaler que chaque année, je suis frustrée d'avoir à présenter ma déclaration de revenu en tant que petite entreprise. Je ne me considère pas comme une petite entreprise et je suis convaincue que je n'en ai pas l'air non plus.
Par ailleurs, l'idée qu'on doive accorder davantage d'argent et de considération aux artistes, individuellement, et moins aux institutions, est un argument stupide et réducteur, tout comme il est réducteur de dire que la CBC devrait obtenir davantage d'argent, et quelqu'un d'autre devrait en avoir moins. Si l'on veut parler de culture, il faut soit soutenir la culture du pays ou accepter la disparition du pays et aussi, de ses gouvernements.
Je crois que c'est tout.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais ajouter une petite chose si c'est possible. On nous a dit—je pense surtout à vous, monsieur, quand je dis cela—que ce sont les banques qui cautionnent les prêts qu'on consent aux étudiants. Comme il y a beaucoup d'étudiants qui n'ont pas les moyens de rembourser les banques parce qu'ils ne se trouvent pas de travail, on nous a dit qu'il se pourrait que les banques refusent de prêter à des jeunes qui étudieraient dans des secteurs où il n'y a pas d'emploi.
M. Alain Fournier: Je peux vous dire que les banques refusent de prêter à des artistes qui n'ont pas de garantie à offrir. À 28 ans, même avec un contrat de 5 000 $ à Radio-Canada pour faire un téléthéâtre, j'avais été obligé de faire signer mon père. Ils me disaient que je pouvais tomber malade. Ils n'ont même pas voulu me prêter 1 000 $ sur 5 000 $. À un âge avancé, il a fallu que je me trouve un cosignataire, un endosseur. C'était insultant et humiliant. Ces choses-là existent encore. Mais on est dans les détails.
Il y a une chose importante. Il y a des artistes individuels, des OSBL, c'est-à-dire des organismes sans but lucratif, et des compagnies qui font du profit, et c'est un choix, qui font partie de cette même vie culturelle et qui ont des répercussions les uns sur les autres. Dans certains cas, les gens mènent une vie artistique très étroite, mais il y en a d'autres qui travaillent à l'occasion pour la télévision, pour la scène, pour l'écriture, pour les musées. Donc, ils se retrouvent à la fois dans des organismes à but lucratif et à but non lucratif, et il faut que la solution permette un roulement ou un échange. Par exemple, le secteur touristique est une industrie. Pour parler à ces gens, il faut être une industrie. Ce sont des perceptions qui doivent être changées, parce que la vie culturelle d'une ville attire les touristes. Donc, on peut travailler avec des partenaires qui sont en affaires. On sait compter. On gère et on n'est pas déficitaires. On fait beaucoup de choses avec de petits budgets équilibrés. Ce n'est pas parce qu'on gère des OSBL qu'on ne peut pas atteindre des chiffres d'affaires de millions de dollars. Ils calculent et ils ne sont pas déficitaires.
• 2105
Donc, il faudra
vraiment que les solutions permettent à tous ces gens
de travailler
ensemble et de ne pas accentuer les tensions entre ces
divers partenaires. Pour des raisons historiques, on
ne peut pas aller contre cette évolution.
Pour ce qui est de la question du disque par rapport aux Américains, il y a des industries qui se rencontrent. Cependant, l'artiste qui écrit n'est pas une industrie, mais un artiste. Il va falloir faire très attention aux ramifications de toutes ces choses.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fournier. Est-ce que quelqu'un dans la salle voudrait intervenir brièvement avant qu'on termine?
[Traduction]
Mme Sandra Wilson: Je voudrais proposer que le gouvernement du Canada ait un ministère distinct pour la culture, plutôt qu'une association avec le patrimoine.
Le président: Je pense qu'on a déjà fait cette suggestion.
Mme Sandra Wilson: J'en suis convaincue. Pourquoi n'a-t-on encore rien fait, alors?
Le président: Non, je dis que nous l'avons entendue, mais pas aujourd'hui.
Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup d'avoir pris de votre temps pour venir nous rencontrer ce soir et nous faire part de vos préoccupations. Nous vous en sommes très reconnaissants.
[Traduction]
Merci à tous d'être venus.
[Français]
Nous vous avons écoutés avec beaucoup d'attention et je peux vous assurer qu'il y aura une suite dans notre rapport. J'espère que vous pourrez vous y retrouver.
La séance est levée.