CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 26 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément aux articles 110(1) et 111 du Règlement, examen de la nomination par décret C.P. 1998-36.
Madame Anna Terrana, je vous remercie de comparaître devant ce comité. Votre comparution a fait l'objet d'une demande, et conformément aux règles en matière de décret du conseil, les délibérations de ce matin vont porter pendant une demi-heure sur votre aptitude à occuper un poste à la Section du statut de réfugié en fonction de votre qualification, de votre expérience, de vos connaissances et de vos antécédents; voilà les paramètres en fonction desquels nous allons vous interroger. D'accord?
L'opposition va poser les premières questions. Excusez-moi un instant, s'il vous plaît.
Quelle est votre question, madame Augustine?
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Ne peut-on donner à Mme Terrana l'occasion de faire une déclaration avant qu'on passe aux questions?
Le président: Je ne sais pas., Mme Terrana ne m'a pas demandé de faire une déclaration liminaire; on peut passer directement aux questions.
Mme Anna Terrana (membre, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section du statut de réfugié): Monsieur Dromisky, je vous ai envoyé de l'information.
Le président: Oui. Nous avons votre curriculum vitae et divers documents qui l'accompagnent. Je vous remercie, du reste, de toute cette information.
Mme Anna Terrana: Je suis donc ici pour répondre à vos questions.
Le président: Oui. Merci.
Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président, et je vous remercie, madame Terrana, d'être des nôtres aujourd'hui.
En guise de préface à ma première question, je voudrais citer le rapport du vérificateur général:
-
Les commissaires de la CISR doivent prendre des décisions complexes
qui peuvent avoir un impact important sur la vie, la liberté ou la
sécurité du revendicateur et sur l'intégrité du système, impact qui
rapproche leur rôle de celui des juges de cours de justice. Il ne
doit exister aucun doute quant à leur compétence et à leur
indépendance. Il est donc essentiel que le processus de sélection
des commissaires soit basé sur le mérite et soit transparent.
Nous avons remarqué qu'au cours du débat sur le projet de loi C-44 auquel vous avez participé à la Chambre en septembre 1994, vos commentaires semblaient conformes à la déclaration du VG. Si vous deviez nommer quelqu'un à la CISR, quelles seraient, à votre avis, les trois principales caractéristiques essentielles du candidat?
Mme Anna Terrana: Je crois que la compétence est très importante, ainsi que la sensibilité. Certains peuvent considérer que l'origine est importante, et je le reconnais, mais il est indispensable de bien comprendre la sensibilité culturelle ainsi que l'expérience par laquelle passe le candidat à l'immigration ou au statut de réfugié. Encore une fois, la sensibilité est extrêmement importante.
• 1110
Les autres qualités importantes sont le jugement et la
compréhension.
M. Grant McNally: Merci. Je remarque que vous avez été nommée en même temps que M. Donald Galloway, qui est professeur de droit, auteur de plusieurs ouvrages et récipiendaire d'une bourse nationale de recherche sur les droits de la personne. L'information que vous nous soumettez indique que vous avez été directrice de la Société culturelle italienne dans la région de Vancouver, administratrice de la Commission de police de la Colombie-Britannique et députée; vous êtes très proche de la communauté italienne et vous avez une grande expérience culturelle dans d'autres domaines. Êtes-vous qualifiée pour interpréter la loi et la jurisprudence en matière de droits de la personne au plan international?
Mme Anna Terrana: Je pense que j'ai une très bonne connaissance du monde. Je suis arrivée ici en tant qu'immigrante. J'ai beaucoup voyagé. J'ai un diplôme en langues; j'ai donc été formée dans ce domaine. J'ai une bonne connaissance de l'histoire de différents pays.
Par ailleurs, je m'intéresse aux droits de la personne. Avant d'arriver en politique, je me suis occupée de tout ce qui concerne le multiculturalisme et l'immigration, et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai été élue.
J'ai participé à des activités communautaires, notamment auprès de la communauté italienne. Il fut un temps, dans les années 70, où j'avais un journal en italien et en anglais, et parfois en français. Je ne suis pas journaliste, mais j'avais remarqué qu'il fallait un deuxième journal dans la région, et j'y ai traité de tous les sujets dont on peut parler dans un journal. En outre, lorsque je suis arrivée au Canada, mon premier emploi concernait le domaine de l'immigration. J'ai fait partie de ceux qui ont été invités à Ottawa lors de l'étude de la Loi sur l'immigration en 1978. J'ai aussi fait partie des personnes consultées lors de l'entrée en vigueur de la loi créant la CISR. J'ai donc une expérience approfondie de toutes ces questions et je m'intéresse de très près aux droits de la personne.
M. Grant McNally: Merci. Dans quelle mesure êtes-vous qualifiée pour traiter de lois et de jurisprudence comme le ferait un juge? C'est l'une des qualités qu'évoque le rapport du vérificateur général pour les personnes nommées à la CISR: elles doivent avoir une bonne capacité d'analyse pour traiter de problèmes juridiques complexes. Avez-vous de l'expérience dans le domaine du droit, pour répondre aux critiques formulées à l'encontre de la législation applicable, et avez-vous la perspective globale du système juridique que nécessite ce poste?
Mme Anna Terrana: En tant que député, on acquiert ce genre d'expérience. En fait, j'ai été membre de ce comité et de divers autres, et j'étais là lorsqu'on a voté sur les modifications de la Loi sur l'immigration.
Je dois dire également que j'ai siégé pendant six ans à la Commission des libérations conditionnelles, où je représentais la communauté. Je ne voyais que des personnes condamnées à perpétuité, ce qui m'a amenée à m'intéresser aux lois et m'a fait comprendre le droit. En outre, j'ai été administratrice de la Commission de police de la Colombie-Britannique pendant dix ans et demi. J'ai fait partie de ceux qui ont obtenu l'adoption d'une loi concernant la police de la Colombie-Britannique en 1974. Par la suite, je suis également intervenue dans l'adoption d'une autre loi concernant les gardes de sécurité.
J'ai même fait beaucoup de rédaction législative.
M. Grant McNally: Merci.
Le président: De ce côté, y a-t-il quelqu'un qui voudrait poser une question à Mme Terrana? Mme Augustine.
Mme Jean Augustine: Tout d'abord, je voudrais dire que je suis très heureuse de voir notre collègue revenir devant ce comité dont elle a été membre et aux travaux duquel elle a grandement contribué; je n'ai pas de formation juridique, mais je sais qu'en tant que députés nous devons quotidiennement nous occuper de questions juridiques, de lois, de règles, d'orientations politiques, et je pense qu'au cours des quatre années que vous avez passées ici, indépendamment de la grande expérience que vous aviez avant d'arriver au Parlement, vous vous êtes bien préparée aux activités que vous allez avoir au sein de cette commission quasijudiciaire.
• 1115
En ce qui concerne les communautés et les personnes des
différents pays qui s'adressent à vous, quels sont les sujets dont
vous traitez et dont vous aimeriez nous faire part?
Mme Anna Terrana: Je ne suis pas sûre de ce qu'il faut entendre par les sujets qui nous sont soumis. Les personnes qui comparaissent devant nous ont fui des situations dramatiques dans leur pays d'origine. Compte tenu de ma personnalité, je suis bien consciente de leurs difficultés et, dans certains cas, de leur misère. Mais en même temps je dois également être en mesure de déterminer si ces personnes correspondent aux critères de la convention, puisque c'est là notre mandat et notre rôle. Si elles n'y correspondent pas, nous ne pouvons pas nous occuper d'elles.
Je suis encore nouvelle à la commission, où je suis arrivée il y a deux mois, mais d'après ce que j'ai déjà vu, je pense que la procédure suivie par la commission est excellente. Les gens sont très... C'est une tâche lourde et très exigeante. Les journées de travail sont longues, et il faut vivre avec sa conscience autant qu'avec les lois.
Je ne pense pas qu'il y ait tellement de problèmes qui puissent se présenter, car nous voyons les mêmes situations tous les jours, et je pense que le Canada applique dans ce domaine une politique très équitable.
Le président: Madame Meredith.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président.
Madame Terrana, je vous remercie de comparaître devant le comité. Je voudrais vous poser deux questions.
Tout d'abord, vous insistez sur l'importance de la sensibilité culturelle. Au cours de la dernière législature, j'ai fait partie de ce comité avec vous et je sais que vous étiez toujours prête à intervenir en faveur des réfugiés et des requérants du statut de réfugié lorsqu'il en était question. À votre avis, serez-vous en mesure de faire la part des choses lorsqu'elles ne seront pas toujours conformes à la réalité ou à ce que dira le requérant? Lorsqu'il y aura un conflit entre la cause du requérant et l'intérêt du Canada, serez-vous en mesure de prendre les décisions les plus difficiles, vous qui avez déjà pris fait et cause pour les réfugiés et les immigrants?
Mme Anna Terrana: J'ai également pris fait et cause pour le Canada et je tiens à dire que j'ai fondamentalement le sens de l'équité. Je dois tout ce que j'ai obtenu dans la vie à ma crédibilité et à ma réputation. J'ai passé ma vie à juger les gens, malheureusement, puisque c'est moi qui dirigeais la plupart des services où je suis passée, et je pense avoir un bon jugement. Je me suis très rarement trompée sur les gens que j'ai recrutés.
En ce qui concerne ce nouveau poste, il comporte également des règles à appliquer. Mais en même temps nous devons respecter certains critères, ceux de la Convention de Genève, et à moins de pouvoir appliquer les cinq exigences ou motifs de la convention, nous ne pouvons accepter le requérant. Tout dépend de sa personnalité, et je pense que je suis très douée pour déterminer si une personne peut être un bon citoyen ou si elle a quelque chose à se reprocher. Il arrive évidemment qu'on ne dispose pas de toute l'information nécessaire et qu'il faille alors faire appel au ministère, ou à la police, si c'est à cela que vous pensez.
Mme Val Meredith: Je voudrais plutôt savoir si vous êtes en mesure de prendre les décisions les plus difficiles et d'opposer un refus à un requérant parce que vous ne croyez pas à ce qu'il vous dit ou parce que vous avez la preuve qu'il ment. Êtes-vous capable de lui dire non et de l'abandonner à son sort, si déplaisant qu'il puisse être?
Mme Anna Terrana: Absolument. Je l'ai déjà fait. Je siège en tant que membre second, mais une situation de ce genre s'est déjà produite.
Mme Val Meredith: Pour ma deuxième question, je voudrais faire référence à la page 8 de votre curriculum vitae. Vous citez toute une série de nominations gouvernementales. Je suppose que ces nominations viennent de différents niveaux de l'appareil gouvernemental. Je voudrais savoir si vous vous êtes vous-même portée candidate à votre poste actuel ou s'il vous a été proposé parce que vous faites partie des candidats libéraux battus à la dernière élection.
Mme Anna Terrana: Non, je ne pense pas. J'ai envoyé ma demande le 17 juin, lorsque je suis venue ici pour vider mon bureau. J'ai envisagé différentes options. Je savais qu'il y avait des postes vacants à la commission, j'ai envoyé ma lettre, et on m'a demandé si j'étais qualifiée pour ce poste. J'ai estimé que j'avais quatre titres de compétence. Ensuite, j'ai présenté mes références, dont aucune ne provenait de la classe politique. J'ai reçu une lettre de la commission le 30 juin; c'était un accusé de réception, et on me signalait que ma demande serait prise en considération.
En août, j'ai rencontré Margaret Ford, qui est chargée des entrevues à Vancouver. Elle m'a posé ses questions. J'ai entendu dire par la suite que le comité m'avait recommandée, mais c'était tout. J'étais en Italie lorsque j'ai appris que j'avais été nommée.
Mme Val Meredith: À votre connaissance, vous n'avez pas eu de traitement de faveur et vous n'avez pas entendu dire que des candidatures antérieures avaient été rejetées parce qu'on vous avait donné la préférence.
Mme Anna Terrana: Je crois que mon curriculum vitae est assez éloquent. Je n'ai exercé aucune pression; je me suis simplement conformée à la procédure. Et c'est pourquoi je vous envoie toute cette information. Vous m'excuserez d'en avoir envoyé un tel volume. Je signale, du reste, que ce n'est là qu'une partie de mon dossier.
Mme Val Meredith: Je m'en rends bien compte. Êtes-vous tout à fait certaine d'avoir obtenu cette nomination parce que vous étiez plus qualifiée que les autres candidats?
Mme Anna Terrana: Je suis tout à fait qualifiée. Je suis certaine qu'il y en a d'autres qui sont aussi qualifiés, mais je ne sais pas qui étaient les autres candidats.
Mme Val Meredith: Merci.
Le président: Monsieur Saada.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais aborder deux sujets. Tout d'abord, je voudrais vous remercier d'être venue relever le défi d'établir votre crédibilité en quelques heures et d'expliquer comment toute votre carrière vous a préparée à ce poste. À mon sens, c'est là un défi très intéressant.
Mme Augustine vient de signaler que nous sommes élus députés parce que les électeurs estiment que nous pouvons assumer ces fonctions. Je ne connais aucune formation universitaire qui prédispose aux fonctions parlementaires. Les électeurs nous jugent par notre discernement et nos convictions; c'est leur tout premier critère.
Deuxièmement, à mon avis, nous sommes à une époque où la société fait de plus en plus confiance à la formation sur le tas pour l'acquisition des connaissances véritablement indispensables aux fonctions du poste, et à cet égard on ne peut qu'approuver votre nomination.
Troisièmement, et c'est très important pour moi... Je vois parfaitement où Mme Meredith voulait en venir. Ses questions me semblent tout à fait pertinentes, mais je crois qu'elle a fourni elle-même la réponse à ses propres questions lorsqu'elle a reconnu la valeur du travail que faisait notre ancienne collègue au sein de ce comité. Dans la mesure où elle a fait un excellent travail autour de cette table, cela suffit à apporter une réponse à la question de Mme Meredith.
Je voudrais moi-même vous poser une question. Lorsque vous avez décidé de faire acte de candidature, quel était votre...? Lorsque vous avez envisagé une nouvelle carrière, vous avez sans doute voulu qu'elle soit riche en émotions. Quel a été l'élément déterminant dans votre décision de vous porter candidate?
Mme Anna Terrana: J'aime le contact avec les gens. J'en ai rencontré dans toutes sortes de situations. Quand j'étais députée, j'avais, parmi mes collaborateurs, quelqu'un qui s'occupait uniquement des immigrants. L'immigration est un domaine très important dans ma région. Et même en tant que députée, je pouvais demander aux gens pourquoi ils étaient ici. Ce n'était pas uniquement parce qu'ils faisaient partie de mes électeurs, mais ils obtenaient ce qu'ils voulaient.
Voilà le dernier élément du casse-tête. J'ai abordé tous les aspects de l'immigration, et c'est pourquoi j'ai posé ma candidature.
• 1125
Par ailleurs, lorsque j'étais à la Commission des libérations
conditionnelles, même si je ne voulais pas de ce poste au début, je
me suis rendu compte que les prisons ne me convenaient pas. Lorsque
quelqu'un va en prison, il doit y rester—c'était toujours des
hommes; c'est pour cela que j'ai dit «il».
Ce fut quand même une excellente expérience. J'ai rapidement découvert que lorsqu'on a une loi, un mandat et un système, il faut respecter celui-ci et lui permettre de fonctionner. C'est pourquoi j'ai pensé pouvoir faire un compromis. Au début, je n'étais pas certaine de vouloir ce poste, mais je l'apprécie énormément, et il fait partie de ceux pour lesquels j'ai présenté une demande. Je m'intéresse aux gens et j'aime le côté humain de ce poste.
M. Jacques Saada: Merci. Une dernière et brève question, si vous me le permettez.
Je voudrais obtenir une précision. On vous a demandé si vous étiez en mesure d'accorder ou de refuser le statut de réfugié à un requérant, compte tenu de votre sens du contact humain, et vous avez répondu que vous aviez déjà refusé une demande. Vous rectifierez si je me trompe, mais vous avez dit, je crois, qu'en même temps vous êtes Canadienne. Dois-je en déduire que pour préserver les chances de tous ceux qui méritent d'être reconnus comme réfugiés, vous êtes prête à rejeter certaines candidatures, quoi qu'il puisse en résulter sur le plan humain?
Mme Anna Terrana: Absolument. Je n'aime pas les menteurs. Je n'aime pas ceux qui essayent de... On s'en rend parfaitement compte dans la salle d'audience. On voit si une personne se contredit. La crédibilité est l'élément le plus important au cours de l'audience, et on voit très bien si le candidat se contredit ou non, grâce au questionnaire et aux renseignements qu'il nous donne. Il doit répondre à tout un questionnaire et présenter un exposé narratif où il indique d'où il vient, qui il est, etc. Oui, je suis absolument capable de rejeter les candidatures de ceux qui ne sont pas de véritables réfugiés.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres questions? Oui, madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Cela me fait plaisir de vous connaître, madame. Je n'avais pas eu le plaisir de vous rencontrer auparavant parce que je suis une nouvelle députée et que j'ai été élue pour la première fois en juin dernier.
Je constate, et il est important de le souligner, qu'on acquiert une vaste expérience en tant que député et qu'on doit se servir de toutes ses cordes. Vous connaissez la politique Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada. Compte tenu du nouveau rôle que vous exercez au sein de la Section du statut de réfugié, de l'expérience que vous avez acquise en exerçant votre nouveau métier depuis janvier et de votre expérience passée et présente, que nous recommandez-vous de faire pour bonifier le sort des réfugiés qui sont ici au Canada?
[Traduction]
M. Jacques Saada: Puis-je faire un rappel au Règlement, s'il vous plaît?
Le président: Oui.
[Français]
M. Jacques Saada: Mme Girard-Bujold a fait allusion à une politique. Ce n'est pas une politique, mais plutôt un rapport qui a été suivi d'un communiqué.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: En effet, c'est un rapport. Excusez-moi de cette erreur, monsieur Saada.
Mme Anna Terrana: Je ne crois pas avoir acquis suffisamment d'expérience pour pouvoir vous répondre. Je suis actuellement en période d'apprentissage et je me familiarise avec la situation. J'apprends à me débrouiller. Je crois toutefois que les changements qu'on a apportés au système se traduiront par une plus grande productivité.
Le problème auquel nous faisons face, c'est qu'il nous faut interpréter la justice naturelle et l'appliquer. C'est pourquoi nos auditions sont parfois très longues. Ces longs délais sont l'un des problèmes. Et il y a aussi naturellement un manque de ressources.
Comme je vous le disais, je suis toute nouvelle au sein de cette commission et j'aimerais y servir pendant plus longtemps avant de faire des commentaires.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Quelle sera la durée de votre mandat?
Mme Anna Terrana: J'ai été nommée le 19 janvier 1997 et mon mandat doit se poursuivre pendant trois ans.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Bien que vous soyez nouvelle, vous côtoyez des gens qui sont là depuis plus longtemps. Qu'avez-vous constaté depuis trois mois, en travaillant avec eux? Quels points importants croient-ils que nous devrions améliorer? Quel son de cloche souhaitent-ils faire entendre au gouvernement? Qu'est-ce qui ressort de vos échanges avec eux?
Mme Anna Terrana: Comme vous le savez, beaucoup plus de personnes viennent à Vancouver qu'auparavant. Je crois me souvenir que 210 personnes entrent à Vancouver chaque mois. Nous devons accorder des auditions à un très grand nombre de personnes, bien que nous ressources en personnel soient insuffisantes. Nous devons aussi nous adapter aux changements. C'est ce dont j'entends parler. Mais je souligne à nouveau qu'au cours des trois derniers mois, j'ai dû me renseigner et me préparer. J'ai été présente dans la salle d'audition pendant trois semaines.
La prochaine fois, je pourrai vous dire plus de choses.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Parfait. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Quelques brèves questions, s'il vous plaît, monsieur le président.
Madame Terrana, vous avez parlé de vos fonctions à la Commission des libérations conditionnelles, que vous avez fini par assumer, même si vous ne le souhaitiez pas vraiment. J'aimerais savoir comment cela s'est produit. Avez-vous sollicité ce poste, ou est-ce que quelqu'un vous a invitée à y présenter votre candidature?
Mme Anna Terrana: J'administrais la Commission de police de la Colombie-Britannique à l'époque et j'avais une bonne réputation dans les milieux policiers; on m'a invitée à demander ce poste. Je ne l'occupais pas à plein temps; c'était un poste de commissaire communautaire, où l'on ne voyait que des individus condamnés à perpétuité. La commission avait besoin de quelqu'un qui parlait français et ne trouvait personne à Vancouver. Le mandat de mon prédécesseur arrivait à échéance, et c'est pour cela qu'on m'a invitée à me porter candidate. J'en ai parlé avec le président de la Commission de police de la Colombie-Britannique, qui était juge de la cour provinciale. Je lui ai dit que je n'étais pas certaine de pouvoir occuper ce poste, et il m'a dit: «Anna, vous pouvez le faire. Ne vous inquiétez pas.» Voilà comment cela s'est passé. Encore une fois, je n'étais pas membre à plein temps. J'ai continué à administrer la Commission de police de la Colombie-Britannique et j'allais aux libérations conditionnelles quatre ou cinq fois par an.
M. Grant McNally: Est-ce qu'on vous a aussi invitée à vous porter candidate à la CISR?
Mme Anna Terrana: Oui. On m'a aussi invitée à en faire la demande.
M. Grant McNally: J'aurais une autre question pour vous. Vous avez dit que vous vous trompez rarement. Je suppose que ce poste comporte de lourdes responsabilités, comme vous l'avez dit, et le VG signale même que les conséquences des décisions que vous prenez équivalent à celles des décisions d'un juge; lorsque vous décidez de la vie d'une personne, compte tenu de la sécurité du Canada... J'aimerais savoir si vous êtes vraiment capable d'éviter les erreurs dans ce domaine, si l'on pense que les juges eux-mêmes arrivent à se tromper.
Mme Anna Terrana: Non. Je voulais dire que je fais rarement une erreur de jugement. Mais vous avez raison. J'ai fait des erreurs à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je n'étais pas seule, et c'est cela qui est important. Lorsqu'on est deux, on a de meilleures chances de prendre la bonne décision, car chacun peut confronter son opinion à celle de l'autre. Mais avec le temps... J'ai peut-être été un peu vite en besogne lorsque j'ai dit que je ne me trompais jamais. J'ai fait des erreurs, grâce à Dieu, mais ce qui me réconforte, c'est que mon jugement est sûr et que j'ai le sens de l'équité. C'est pour cela que je me sens à l'aise au sein de cette commission.
M. Grant McNally: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Grose, avez-vous une question à poser?
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Me permettrez-vous de vous soumettre une situation hypothétique plutôt que de...? Vous savez que je ne parle pas à la légère. J'aime connaître l'opinion de mon interlocuteur. Quelqu'un est arrivé du Portugal au Canada à l'âge de trois ans, il n'est jamais devenu citoyen canadien, et son casier judiciaire contient des condamnations pour vol avec violence, agression, etc. Il fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion. Comment réagissez-vous?
Le président: Un instant. Il s'agit là d'une situation hypothétique...
M. Ivan Grose: Oui, tout à fait.
Le président: ...qui n'a vraiment pas de rapport avec l'article du Règlement qui nous occupe actuellement; vous n'êtes donc pas obligée de répondre à cette question, madame Terrana, puisqu'il s'agit d'une question hypothétique.
M. Ivan Grose: Mme Terrana a parfaitement le droit de ne pas répondre.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Monsieur le président, si vous me permettez de faire un rappel au Règlement, je voudrais dire que la situation hypothétique évoquée par mon collègue... Le problème, c'est qu'elle ne relève pas de la compétence de notre témoin. C'est la Commission d'appel de l'immigration...
M. Ivan Grose: Je le sais bien.
Mme Maria Minna: Il n'est pas juste de poser au témoin une question d'ordre politique qu'elle n'est pas censée trancher. Ce genre de question relève de la Commission d'appel de l'immigration, et non de la Commission d'appel du statut de réfugié. Monsieur le président, je pense que cette question est injuste.
M. Ivan Grose: D'accord, je retire ma question.
Le président: Bien, merci beaucoup.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je pense à ce que vous avez dit. Vous disiez que lorsque vous aviez vu qu'un poste était vacant, vous aviez manifesté votre intention de solliciter ce poste. Quand on manifeste son intention de postuler pour un emploi, on doit avoir une idée du poste qu'on convoite. Vous me disiez tout à l'heure que vous ne pouviez répondre à ma question puisque vous n'étiez pas là depuis assez longtemps.
Lorsque vous avez envoyé votre curriculum vitae et manifesté votre intérêt, vous deviez avoir une vision des choses que vous pourriez changer. Vous étiez une députée et vous étiez consciente qu'il y avait des bogues, dont un manque de personnel, et vous vouliez participer au processus. Vous aviez déjà un aperçu de ce qui se passait. Que vouliez-vous changer lorsque vous avez manifesté votre volonté?
Mme Anna Terrana: Je n'ai pas postulé pour cet emploi en vue de changer les choses. Je crois que les changements se font par une action concertée de gens qui travaillent ensemble. Je ne suis qu'un membre d'une équipe. Je suis un team worker, comme on dit en anglais. Je n'ai jamais pensé à changer quelque chose. Lorsque vous êtes dans le système, vous voyez ce qu'on doit changer et vous travaillez avec vos collègues pour apporter ces changements. Quand j'ai envoyé ma demande, je ne pensais certes pas à changer les choses.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Hier, à ce même comité, nous accueillions des fonctionnaires fédéraux qui étaient en poste dans d'autres secteurs du Canada et qui disaient que des changements devaient être apportés dans le processus de traitement des réfugiés. Tout le monde le dit.
[Traduction]
Le président: Un instant, s'il vous plaît. Nous savons qu'il faut absolument remplacer périodiquement le personnel de la Commission. Mme Terrana occupe son poste depuis un mois. Il est inadmissible de faire référence à l'ensemble du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté. Elle n'est pas en mesure de répondre à une question de cette nature.
Je voudrais mettre un terme à cet entretien, car la période prévue est écoulée.
Je voudrais vous remercier de votre présence. Nous sommes certains que vous saurez réaliser les engagements que vous venez de prendre. Nous sommes très impressionnés par vos qualifications; je vous connais personnellement, je sais ce que les gens de Vancouver pensent de vous et je suis persuadé que ceux qui ont décidé de vous nommer à la commission ont pris la bonne décision. Mme Anna Terrana a révélé sa vraie nature au cours de la discussion de ce matin. Je suis heureux de savoir que vous servez les intérêts de la population canadienne. Merci beaucoup de votre comparution. Et merci, Keith.
Mme Anna Terrana: Merci, monsieur le président. Merci à tous. J'ai été très heureuse de vous revoir. Je vous souhaite bonne chance dans vos travaux. S'il y a des changements à faire, je vous fais confiance, mesdames et messieurs. J'ai apporté ma contribution. Je vous souhaite bonne chance, et merci de m'avoir accueillie.
Le président: Bonne chance à vous. Merci.
Nous allons suspendre la séance cinq minutes.
Le président: Nous reprenons nos travaux. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons examiner la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation intitulé: «Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada», traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.
Nous avons l'avantage d'accueillir des personnes qui représentent le Inter-Clinic Immigration Working Group. D'où êtes-vous?
M. Alex Neve (membre, Inter-Clinic Immigration Working Group): Nous sommes de Toronto...
Mme Jean Augustine: Etobicoke—Lakeshore!
M. Alex Neve: Le groupe de travail est en réalité une coalition à l'échelle de l'Ontario.
Le président: Est-ce que vous êtes tous les quatre des témoins qui représentent le même groupe?
M. Alex Neve: Non. M. Virani et moi représentons le groupe de travail.
Le président: Il s'agit donc d'Alex Neve et d'Arif...?
M. Arif Virani (membre, Inter-Clinic Immigration Working Group): Arif Virani.
Le président: Merci beaucoup de votre comparution. Quelle forme prendra votre exposé?
M. Alex Neve: On nous a dit que nous aurions environ cinq minutes pour faire une déclaration liminaire. Je crois que nos collègues de Vancouver ont également une déclaration liminaire à faire. Ensuite, nous a-t-on dit, nous participerons à une discussion générale.
Le président: D'accord. Et de l'Association du Barreau canadien, Bureau de la Colombie-Britannique, Section de l'immigration, nous recevons Badiako Buahene et Brenda Muliner.
M. Badiako Buahene (secrétaire, Comité des réfugiés, Section de l'immigration, Bureau de la Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): Oui.
Mme Brenda Muliner (coordinatrice, conseillère juridique en immigration, Section de l'immigration, Bureau de la Colombie- Britannique, Association du Barreau canadien): Oui.
Le président: Merci beaucoup de votre comparution.
Nous allons tout d'abord entendre l'exposé d'Alex, puis nous passerons au vôtre, madame Muliner et monsieur Buahene. Après quoi nous aurons une discussion ouverte. Il s'agit d'une discussion où un membre du comité lance une idée ou formule une interrogation au sujet d'une question qui a rapport à ce que vous avez déclaré. Les autres membres du comité peuvent également participer, et les discussions se poursuivent jusqu'à ce que l'on passe à un autre sujet. Ainsi, si vous pensez pouvoir participer utilement à la discussion, n'hésitez pas à le faire. Comprenez-vous? Autrement dit, il n'y a pas d'ordre de participation. Il s'agit d'aborder la question et de battre le fer pendant qu'il est chaud.
Allons-y, Alex.
M. Alex Neve: Merci beaucoup; je tiens à souhaiter une bonne journée au président et aux membres du comité.
Comme nous l'avons dit, nous sommes ici au nom du Inter-Clinic Immigration Working Group. Il s'agit d'un réseau d'avocats et de travailleurs juridiques du secteur communautaire qui participent au système des cliniques juridiques communautaires de l'Ontario et qui s'intéressent aux questions relatives à l'immigration et aux réfugiés.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, il existe en Ontario un certain nombre de cliniques d'aide juridique—il y en a 71—qui sont financées par le truchement du régime d'aide juridique de l'Ontario. À l'heure actuelle, 28 de ces cliniques font partie du groupe de travail sur l'immigration, ce qui veut dire qu'une partie importante de leur travail concerne les questions d'immigration. Nous avons trouvé qu'il était utile de regrouper nos forces pour mieux communiquer entre nous et pour assurer ensemble la défense de certains intérêts.
• 1145
Nous servons notre clientèle de diverses façons. Dans un grand
nombre de cas, nous traitons de dossiers individuels et nous
fournissons des conseils particuliers. Cependant, nous accordons
une importance considérable à l'éducation du public, à la réforme
du droit et à la défense des intérêts du public.
Nous sommes certainement heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer ce matin pour aborder certaines questions et pour vous faire part de nos expériences et de nos réflexions au sujet des processus de mise sous garde et de renvoi en matière d'immigration. Voilà deux aspects du domaine de l'immigration et des réfugiés auxquels s'intéressent activement depuis longtemps les cliniques juridiques de l'Ontario, notamment en raison du fait que, dans ces deux domaines, il est très difficile d'être représenté par un avocat.
Les personnes qui sont en situation de mise sous garde ou de renvoi éventuel n'ont souvent pas les ressources financières voulues pour embaucher un avocat. Le volet du système d'aide juridique de l'Ontario qui permet aux avocats de pratique privée d'être rémunérés aux tarifs de l'aide juridique lorsqu'ils travaillent pour des particuliers ne vise ni la mise sous garde, ni le renvoi. Par conséquent, un grand nombre de personnes qui sont dans de telles situations finissent par venir nous voir. Au fil des années, nous avons réussi à accumuler une expérience et une compétence appréciables en la matière.
Ce matin, nous pourrions évidemment aborder toute une série de questions avec vous, et je suis convaincu qu'une fois lancée la discussion nous serons en mesure de le faire, d'autant plus que nos commentaires liminaires se doivent d'être brefs. Nous voulions tout simplement aborder deux ou trois aspects, portant tout d'abord sur la mise sous garde.
Je tiens tout simplement à rappeler aux membres du comité—il convient, je crois, de nous le rappeler à titre d'avocats et de le rappeler parfois à la population canadienne—que la détention, même en matière d'immigration, est une question extrêmement grave. Nous constatons souvent une tendance à considérer la détention, lorsqu'elle concerne un cas d'immigration, comme étant moins grave ou moins problématique que d'autres formes de détention, et notamment, bien entendu, la détention pénale.
Lorsque nous abordons la question de la détention en matière d'immigration, il importe de bien comprendre qu'un droit humain fondamental est en jeu, à savoir le droit à la liberté.
Mon collègue, M. Virani, vient de vous dire que nous avons souvent constaté à quel point les décisions en matière de mise sous garde peuvent être arbitraires et incohérentes.
M. Arif Virani: Je vous remercie.
Je vous répéterai tout d'abord, comme Alex l'a dit, que nous représentons ici un groupe de coordination. Pour ma part, je suis plus particulièrement le représentant de l'African Canadian Legal Clinic, dont le siège est à Toronto. Son mandat consiste à aborder des questions ayant rapport à la race et à la discrimination raciale, et visant plus particulièrement la collectivité noire.
[Français]
Malheureusement, nous n'avons pas la version française de ce document pour le moment, mais les députés qui le désirent pourront consulter ce dépliant qui est rédigé en français.
[Traduction]
Dans le cas qui nous concerne, lorsque nous parlons de détention ou de mise sous garde, je tiens à bien vous préciser qu'il est question de personnes qui sont détenues dans divers centres de détention au Canada à des fins de «surveillance». Ce sont des gens que le gouvernement s'apprête à expulser, à renvoyer du pays, et qui attendent la documentation nécessaire ou d'autres mesures administratives pertinentes.
Il y a trois aspects des mesures de détention que nous tenons à porter à votre attention: leur caractère arbitraire, leur manque de cohérence, et la discrimination raciale qui s'y rattache selon nous.
À la fin de la page 2 de notre document, nous abordons les dispositions qui, à l'heure actuelle, permettent la mise sous garde d'une personne. Une personne est mise sous garde lorsque les responsables de l'immigration sont d'avis qu'elle ne comparaîtra pas à l'audience d'immigration prévue pour elle, ou qu'elle constitue un danger pour le public.
Nous ne nous opposons pas nécessairement aux critères, mais à la façon de les appliquer. À la page 3 de notre document, nous signalons notamment que les décisions en matière de détention ou de libération sont très rarement expliquées ou motivées par les hauts fonctionnaires de l'immigration ou par le gouvernement.
• 1150
Il en résulte que la mise sous garde, qui est censée être
fondée sur les normes du droit international ou les normes du
système lui-même—à savoir une détention pour une durée
minime—finit par durer très longtemps. Les statistiques sont fort
éloquentes. Ce sont d'ailleurs celles du ministère lui-même. Nous
constatons que la durée moyenne de détention, à savoir le temps
écoulé avant que le détenu ne soit libéré sous caution ou acheminé
vers le pays d'expulsion, totalise huit mois. Nous jugeons cela
inacceptable. Une telle durée n'est pas justifiée. Quarante-cinq
p. 100 des détenus sont mis sous garde durant au moins six mois, et
la durée moyenne de détention est de huit mois. Nous parlons ici
d'une population de 184 détenus.
Les statistiques nous informent non seulement sur la durée de détention, mais également sur le type de détenu. C'est à cet égard que notre clinique, la African Canadian Legal Clinic, a un rôle à jouer comme participant au groupe de coordination des cliniques, étant donné que, d'après les renseignements que nous avons reçus de Citoyenneté et Immigration, 49 p. 100 des 184 personnes détenues sont d'origine africano-canadienne. Les Jamaïcains à eux seuls représentent 39 p. 100 de la population des détenus. Le nombre de personnes qui ne sont pas des Blancs, qui font partie de minorités raciales, représentent 86 p. 100 de cette population. Cette question a donc clairement une dimension raciale. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance des statistiques concernant les mises sous garde.
Le président: Permettez-moi d'intervenir brièvement. Vous avez une série de données statistiques qui proviennent du ministère de l'Immigration. Étant donné que vous les citez, pouvez-vous faire en sorte que nous en obtenions copie le plus rapidement possible?
M. Arif Virani: Certainement.
Le président: J'aimerais avoir les chiffres exacts dont vous parlez, pour pouvoir les transmettre aux membres du comité. Merci.
M. Arif Virani: Compte tenu de ces statistiques, les représentants de nos cliniques souhaitent faire valoir auprès du comité que, dans la mesure où les détentions et renvois sont de nature arbitraire et ne sont pas motivés, on peut supposer que le facteur de la race joue dans la prise de décisions et dans la nature même des décisions prises.
Nous aimerions également attirer l'attention sur les conditions de détention elles-mêmes. Les personnes concernées sont non seulement détenues durant huit mois en moyenne, mais également dans des conditions tout à fait déplorables. La situation a atteint un point culminant en août dernier, lorsque bon nombre des détenus du centre de détention de l'ouest de la région métropolitaine de Toronto ont fait la grève de la faim. Au nombre des raisons qui ont précipité cette grève de la faim, on peut citer le manque d'hygiène, l'insuffisance des soins médicaux, et l'impossibilité de communiquer avec un avocat, l'impossibilité pratique d'avoir des rapports valables avec des membres de la famille, ce qui mettait en péril la santé psychologique et physique des détenus. Voilà également un aspect que nous aimerions voir corriger.
Nous espérons que le comité prendra bonne note du fait que les lignes directrices en matière de détention qui sont proposées par le ministère à l'heure actuelle sont destinées à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il ne s'agit pas des lignes directrices qui visent plus particulièrement les agents d'immigration principaux, ceux-là mêmes qui décident de détenir les gens durant des mois et des mois. La décision de détention fait l'objet d'un réexamen aux trente jours; or, il ne s'agit habituellement que d'une formalité aux termes de laquelle la décision de détention est reconduite.
Le président: Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner des précisions au sujet de ce processus? Qui transmet quoi à qui, et qui fait l'objet...?
M. Alex Neve: Il parle de lignes directrices dont le comité a peut-être déjà reçu copie. Ce sont les lignes directrices récentes que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a formulées à l'intention de la section d'arbitrage. Ces lignes directrices sont censées être appliquées par les arbitres dans le cadre de réexamens relatifs à la détention, et je crois bien que tous les groupes qui travaillent auprès des détenus les accueillent favorablement en principe.
Nous aimerions peut-être voir les lignes directrices aller plus loin, mais, à part cela, je crois que M. Virani veut vous dire qu'il importe de faire en sorte que ces lignes directrices s'appliquent aux agents principaux eux-mêmes, à savoir ceux qui, au départ, prennent les décisions de mise sous garde. Les intéressés ne comparaissent souvent devant un arbitre que deux, trois ou quatre jours plus tard, et c'est à ce moment-là que les lignes directrices peuvent intervenir. Or, il nous semble que des lignes directrices du même genre doivent vouloir favoriser la cohérence et la transparence dès le moment où la décision initiale est prise.
Le président: Ce que vous nous dites donc—si j'ai bien compris—c'est que les lignes directrices en question ne s'appliquent qu'à un certain groupe, et non pas à un autre groupe chargé de surveiller un groupe subalterne.
M. Alex Neve: Les lignes directrices ne visent que les arbitres, à savoir ceux qui effectuent les réexamens en matière de détention. La décision de détention est prise au départ par un agent d'immigration principal. Il faut des lignes directrices pour que la décision prise au départ le soit également de façon cohérente et équitable.
Le président: D'accord, j'ai bien compris. Merci.
M. Arif Virani: Dans le cas de cette grève de la faim, un groupe de travail a été créé. Nous en sommes très reconnaissants. Le ministère, plus précisément la direction générale de la mise en application pour l'Ontario, a convenu de créer un groupe de travail qui serait chargé de réexaminer les dossiers des détenus, d'étudier chaque cas, de se pencher sur les situations les plus pénibles et, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les intéressés ne soient plus détenus. Nous y voyons un pas dans la bonne direction.
Cependant, dans le cadre du rapport «au-delà des chiffres», il est question notamment du statut provisoire et de son application à une personne pouvant être mise sous garde. Or, nous tenons à signaler au comité que si les dispositions relatives au statut provisoire impliquent davantage de détentions que par le passé, il s'agirait tout simplement d'une régression par rapport aux progrès qui ont été faits à partir du mois d'août dernier. Nous tenons ainsi à signaler que tout effort visant à réduire la durée de détention est à l'avantage de tous les intéressés, tant le gouvernement, pour ce qui est de l'économie des ressources, que les particuliers.
Alex va vous donner, je crois, certains détails au sujet des renvois—à savoir ce qui se passe après la mise sous garde.
M. Alex Neve: Tout d'abord, en matière de détention, j'aimerais aborder l'aspect de la représentation juridique. Je parle évidemment de l'Ontario plus particulièrement. Je crois bien que d'autres personnes vont vous parler d'une autre réalité: celle de la Colombie-Britannique.
En Ontario, il y a lieu de s'inquiéter sérieusement du fait que certaines personnes détenues pour des raisons d'immigration—et ici je rappelle qu'il est question d'une atteinte aux droits de la personne—sont souvent dans l'impossibilité d'avoir accès à quelque forme que ce soit de conseils ou de représentation juridiques. Le système d'aide juridique de l'Ontario comporte à cet égard de graves lacunes qu'il faut absolument corriger. La question relève évidemment des autorités provinciales, mais j'estime que vous devez savoir dans le cadre de vos délibérations au sujet de la détention pour motif d'immigration qu'un nombre important de personnes dont les droits sont sérieusement menacés n'ont pas accès à l'aide et aux conseils d'un avocat.
Il est pourtant très évident que les conseils d'un avocat sont extrêmement utiles dans une telle situation. Les gens sont mieux en mesure de comprendre la loi ainsi que la nature de leurs problèmes. Elles sont mieux en mesure d'exposer leur cas et de savoir quels éléments de preuve doivent êtres présentés, de sorte que leur dossier n'évolue pas de la même manière.
On a nettement l'impression également que le comportement et la responsabilité des arbitres et des agents d'immigration ne sont plus les mêmes lorsque l'intéressé bénéficie des conseils d'un avocat. On traite les gens tout autrement à ce moment-là. Il y a donc là une lacune grave qu'il faudrait très certainement corriger.
Je sais bien que le temps file. Nous souhaitions tout simplement aborder un certain nombre d'aspects ayant trait au renvoi. Il s'agit d'un domaine fort vaste, et nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir plus à fond au moment de la discussion.
Selon notre expérience, il arrive souvent que les responsables du processus d'expulsion soient insensibles ou trop peu attentifs à des situations graves en matière de droits de la personne.
Dans bien des cas, il s'agit de droits qui ont rapport à la famille, de décisions prises en matière de renvoi qui ont pour effet de séparer des familles. Nous parlons ici de familles nucléaires: du fait de séparer un conjoint à charge de l'autre conjoint, de séparer des enfants à charge de l'un de leurs parents ou des deux à la fois. Il peut également s'agir de situations familiales où ce n'est pas la famille nucléaire qui est directement touchée, mais où les personnes visées sont nettement les personnes à charge. Il semble de plus en plus difficile aux responsables de nos cliniques de convaincre les fonctionnaires d'aborder ce genre de questions, et ce, pour diverses raisons, dans le cas de résidents permanents qui sont menacés de renvoi et qui peuvent avoir été déclarés danger public. Ils ne peuvent plus interjeter appel auprès de la Section d'appel de l'immigration, où il leur aurait été possible de faire valoir des arguments liés à l'appartenance familiale.
Cependant, de façon plus générale, pour les personnes qui ne sont pas nécessairement un danger public, la seule occasion véritable de faire valoir ce genre d'arguments et d'éviter le renvoi consiste à déposer une demande fondée sur des motifs humanitaires. Or, comme vous le constaterez et pour certaines des raisons que nous vous soumettons et dont nous pourrons peut-être discuter tout à l'heure, le processus humanitaire est devenu passablement inopérant, de telle sorte que, d'après nous, il ne peut servir à protéger ni des droits de ce type ni d'autres droits qui méritent de l'être dans le cadre du processus d'expulsion.
• 1200
Enfin, nous aimerions terminer en racontant une histoire vécue
pour donner un visage plus humain à notre exposé.
M. Arif Virani: Cette histoire, en somme, est celle d'un homme du nom de Roberto San Vincente, qui, de l'avis général, a grandement contribué à la société canadienne. C'était un diplômé de l'Université McGill, il n'avait jamais compté sur l'assistance sociale et faisait bien son chemin dans la vie. Il a été reconnu coupable d'une accusation au criminel et a entièrement purgé sa peine.
Après avoir purgé cette peine, il a été détenu par les autorités de l'immigration sans qu'on lui en fournisse la moindre raison, et dans le but de l'expulser. M. San Vincente, malgré les raisons qu'il aurait pu faire valoir pour ne pas être expulsé, a été détenu pendant 25 mois à Toronto—et je le répète, après avoir entièrement purgé sa peine. Il a été pour ainsi dire doublement puni pour ce délit.
Et tout cela malgré le fait—et c'est là que le concept de danger pour le public commence à poser certains problèmes—que le juge qui l'avait effectivement déclaré coupable d'un chef d'accusation au criminel avait remis une lettre de référence aux autorités de l'immigration. Il avait aussi une lettre de recommandation du directeur d'une maison de transition qui avait veillé à sa réintégration dans la société, et qui exhortait les autorités de l'immigration à ne pas l'expulser.
Non seulement les autorités de l'immigration n'ont pas tenu compte de ces lettres de recommandation, mais elles ont entrepris de l'expulser au Venezuela, passant outre—alors que cela ne s'était pour ainsi dire jamais vu—à une directive d'un organisme appelé la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Cet organisme—qui est un organisme externe dont fait partie le Canada—a demandé aux autorités de l'immigration, et plus précisément au ministre, de suspendre l'expulsion jusqu'à ce qu'on puisse procéder à une enquête complète. On en a complètement fait fi. Et c'était la deuxième fois seulement que le Canada, le présent gouvernement, passait outre à une directive d'un organisme international. Étant donné le respect que nous avons pour les droits de l'homme, les normes, les documents et les traités internationaux portant sur les droits de l'homme, nous avons généralement beaucoup de respect pour les organismes de ce genre.
La deuxième question d'ordre juridique avait trait à un appel de M. San Vincente à la Cour fédérale, qui portait sur sa revendication du statut de réfugié. Il avait essuyé un refus. Il avait interjeté appel devant la Cour fédérale, et malgré cet appel en instance il a été expulsé.
Le dernier aspect qui rend cette affaire tout à fait regrettable, à notre avis, c'est la façon dont l'expulsion a été menée. Il y a vraiment lieu de s'interroger sur la procédure suivie par ces fonctionnaires qui procèdent à l'expulsion.
Alors qu'il aurait fallu informer sa famille, soit à Toronto, soit au Venezuela, des heures de ses vols de départ et d'arrivée pour qu'elle puisse l'accompagner à Toronto ou l'accueillir au Venezuela, tout cela a été gardé secret. On les a prévenus de son expulsion 24 heures à l'avance, pas plus. Sa famille n'a pas pu avoir le moindre contact avec lui, n'a pas pu lui dire au revoir. On a même demandé à sa femme de lui apporter ses effets personnels pour qu'il puisse les emporter au Venezuela. On ne lui a même pas permis de les lui remettre en personne. Elle a dû les confier à un agent d'immigration, qui s'est chargé de les remettre à l'intéressé. Ce traitement inhumain est à notre avis une marque d'intolérance.
Le fait que l'information soit transmise si tardivement pose vraiment un problème. Pour notre part, nous présumons que le fait—et ce n'est pas nouveau—d'avoir informé quelqu'un d'une expulsion 24 heures seulement avant celle-ci est en somme une tentative à peine voilée d'empêcher toute poursuite ou toute contestation judiciaire qui pourrait viser à suspendre l'exécution de l'ordonnance d'expulsion.
Voilà le cas de Roberto San Vincente, et je pense qu'il illustre bien ce qui arrive à certaines personnes qui sont détenues pendant de longues périodes, puis expulsées dans des conditions vraiment lamentables.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Brenda. Qui va prendre la parole?
Mme Brenda Muliner: Je vais présenter l'exposé avec M. Buahene.
M. Badiako Buahene: Je parlerai en premier; je parlerai principalement du chapitre 8.
Le président: Très bien; vous avez la parole.
M. Badiako Buahene: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, de nous avoir invités aujourd'hui. Je représente le comité des réfugiés de l'Association du Barreau canadien, Sous-section de l'immigration du Bureau de la Colombie-Britannique.
J'aimerais faire quelques observations au sujet du chapitre 8. Il rejoint un objet de préoccupation fondamentale—et j'estime qu'il n'en est jamais véritablement question dans le rapport. Est-ce qu'on se demande si nous ne détenons pas suffisamment de gens ou si nous devrions en détenir davantage? Est-ce qu'on se demande si nous n'expulsons pas suffisamment de gens? Est-ce qu'on se demande si nous ne sommes pas perçus internationalement comme n'ayant pas suffisamment de cran pour détenir ou expulser davantage de gens?
• 1205
L'esprit du rapport semble bien perceptible dans la section
qui traite d'une crise de confiance, autrement dit de la perception
du public selon laquelle l'Immigration n'en fait pas assez. Je
dirais que les recommandations découlant de cette perception
n'apportent pas vraiment grand-chose. En fait, nous dirions qu'on
ne peut pas voir comment le système proposé au chapitre 8 pour
accélérer la détention et l'expulsion pourrait dans les faits se
révéler plus efficace que celui que nous avons maintenant.
Chose certaine, si on l'appliquait, il ne serait pas juste, il manquerait à l'équité, et il criminaliserait tout revendicateur du statut de réfugié dès son entrée au Canada.
Ce serait aussi la toute première fois au Canada que la police deviendrait un service de mise en application du ministère de la Citoyenneté. La police aurait le pouvoir d'émettre des mandats d'arrestation, le pouvoir de détenir la personne visée, le pouvoir d'examiner les motifs de détention de l'intéressé, et le pouvoir de maintenir cette détention, tout cela concentré dans le même service.
À notre avis, on va certainement ainsi à l'encontre de l'idée même, si l'on peut dire, de jouer franc jeu, étant donné cette incapacité d'un organe de décision indépendant, comme le système d'arbitrage que nous avons maintenant, d'évaluer si, oui ou non, une décision prise par un agent d'immigration principal est effectivement une décision raisonnable qui justifie la poursuite de la détention.
Comme je le disais, les recommandations visant à imposer un statut provisoire et à imposer la détention à des individus qui ne se montrent pas coopératifs ou à des individus qui, par exemple, ne donnent pas leur adresse—et je pense précisément aux revendicateurs du statut de réfugié—ont pour effet de criminaliser ou de déshumaniser les revendicateurs du statut de réfugié dès leur arrivée au Canada. Je me demande si les auteurs du rapport savent vraiment ce qui se passe aux points d'entrée ou s'ils se sont jamais trouvés sur place, étant donné que quand des réfugiés arrivent à un aéroport, un bon nombre d'entre eux sont traumatisés.
Leur première réaction n'est pas de ne pas coopérer. Les revendicateurs du statut de réfugié qui ne coopèrent pas sont très rares. On constate que les réfugiés potentiels sont tout à fait disposés à collaborer. Ils revendiquent le statut de réfugié, ils veulent que le Canada les entende et ils coopèrent dans ce but.
Imposer des conditions telles que la moindre infraction entraîne une détention, c'est enfreindre les droits de la personne. Comme on l'a dit plus tôt, la détention est une question grave. Je ne pense pas que nous reconnaissions que pour un revendicateur du statut de réfugié—qui a peut-être déjà été détenu à l'étranger, et qui pour cette raison cherche peut-être précisément à fuir son pays—le fait d'être détenu est une expérience fortement traumatisante.
Il y a aussi des revendicateurs du statut de réfugié, dans la région de Vancouver notamment, qui souvent sont détenus avec des criminels canadiens, alors qu'eux-mêmes ne sont pas des criminels. Selon les recommandations, le fait de ne pas fournir une adresse pourrait entraîner la détention et pourrait faire en sorte qu'un innocent se trouve détenu parmi les criminels canadiens les plus endurcis.
Enfin, j'aimerais souligner que ce dont les auteurs du rapport ne semblent pas tenir compte au chapitre 8, c'est qu'essentiellement il est ici question d'êtres humains. Nous traitons de revendicateurs du statut de réfugié qui viennent ici et qui souvent sont traumatisés à des degrés divers, et nous traitons aussi d'agents d'immigration, et plus particulièrement de ceux de la direction de l'exécution de la loi, qui essentiellement se montrent très cyniques et très méprisants à l'endroit des revendicateurs du statut de réfugié.
• 1210
Ce qui fait que les agents d'exécution risquent fort, même par
inadvertance, d'abuser du système si celui-ci ne comporte pas,
contrairement à ce qui se passe maintenant, une division de
l'arbitrage. Là, l'arbitre peut indépendamment s'assurer que la
détention était justifiée et une façon acceptable de détenir la
personne.
Si l'on permet que tout le processus soit confié à ce seul service, à un service qui au départ est très hostile aux revendicateurs du statut de réfugié, et où l'on croit fermement qu'ils ne devraient pas se trouver ici et devraient être renvoyés aussitôt, nous aurons un processus extrêmement abusif. En tant que porte-parole pour la région de Vancouver, je pense que de façon générale on s'y montre assez peu respectueux.
Ma collègue va maintenant vous parler précisément du programme d'avocats de service à Vancouver, qui est unique au Canada.
Le président: Merci. Vous avez la parole.
Mme Brenda Muliner: Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à prendre la parole devant le comité permanent.
Le comité des avocats de service en matière d'immigration est une sous-section du comité de l'immigration de l'Association du Barreau canadien à Vancouver. Il a été créé en novembre 1995 par un groupe d'avocats, dont moi-même, M. Douglas Cannon, ainsi que Ian Goldman, pour répondre à un besoin au centre de détention de l'Immigration dans la région métropolitaine de Vancouver.
À cette époque, nous nous étions rendu compte que des détenus avaient beaucoup de mal à obtenir une aide juridique. Des arbitres nous avaient signalé aussi qu'ils étaient extrêmement contrariés par des cas de personnes qui étaient détenues pendant des semaines sans pouvoir trouver de représentant juridique.
C'est pourquoi un groupe d'avocats se sont réunis pour dresser une liste. Nous avons des avocats bénévoles qui se rendent quotidiennement au centre de détention de l'Immigration pour assurer la représentation juridique de personnes sans avocat qui ont besoin de conseils.
Le programme fonctionne depuis deux ans et demi et connaît beaucoup de succès. Il est très bien accueilli par les arbitres, et je crois qu'il rend de précieux services aux immigrants.
Avec le temps, certains problèmes sont apparus. Par exemple, un problème constant tient à la durée pendant laquelle des personnes sont détenues par le ministère de l'Immigration avant qu'on porte leur cas à l'attention de la direction de l'arbitrage. Le tiers environ de tous les détenus sont détenus pendant plus de 48 heures avant que la direction de l'arbitrage soit informée de leur situation. C'est contraire aux dispositions de la Loi sur l'immigration qui disposent que le cas doit lui être signalé dans les 48 heures, sinon sur-le-champ, dès que possible. Voilà un des problèmes que nous avons constaté.
L'autre a trait au fait que l'avocat de service à Vancouver coopère bénévolement avec le ministère de l'Immigration. Le ministère s'est montré compréhensif, c'est-à-dire qu'il nous permet de faire appel à ses interprètes, et il fixe les audiences de manière à nous faciliter les choses en matière d'entrevues et de détention. Un problème se pose toutefois parce que l'avocat de service ne peut pas rencontrer les détenus en personne. Nous devons compter sur les agents d'immigration pour qu'ils nous informent que tel ou tel détenu a demandé à rencontrer un avocat de service.
Il peut y avoir rupture des communications entre les détenus et les agents d'immigration. Certains détenus ont par la suite tenté d'attirer l'attention de l'avocat de service, et il se peut qu'ils aient mal compris les explications transmises par les agents d'immigration sur ce que pouvait faire l'avocat de service. Toutefois, dans l'ensemble, pour ce qui est de la représentation de détenus par des avocats de service au moment de l'enquête et des audiences sur la détention, je pense que le programme fonctionne très bien.
Comme le disait mon collègue, le centre de détention de Vancouver pose un problème parce qu'on peut se poser des questions sur les conditions de détention. Je suis allée à ce centre. Ce n'est pas un endroit où il fait bon se trouver; il n'est pas plus agréable d'en faire la visite. Les détenus côtoient des criminels.
Il y a un autre centre, plus petit, qui s'appelle le Centre de détention Skyline. Je crois savoir que le ministère s'apprête à le fermer pour rationaliser ses ressources.
Nous sommes réellement préoccupés par la situation des femmes et des enfants qui pourront être détenus dans l'avenir. Seront-ils écroués en compagnie des hommes qui se trouvent au centre de détention avant procès de Vancouver? Ce serait déplorable.
• 1215
Je le rappelle, la détention est un grave problème de droits
de l'homme. Je le crois certainement. À lire le chapitre 8, j'ai de
bonnes raisons de craindre que quelqu'un qui, par exemple, perdrait
ce qu'on appelle le statut provisoire, puisse être détenu pour un
présumé manque de coopération.
Au chapitre 8 il y a beaucoup d'incertitude entourant ce terme. Que risque-t-on de faire qu'un agent d'immigration pourrait considérer comme un manque de coopération? Par exemple, est-ce que l'agent d'immigration considérerait comme un manque de coopération le fait d'être accompagné d'un conseiller pour une entrevue? Peut- être que oui.
Comme je le disais, le chapitre 8 est bien vague, et les agents disposent d'une large marge de manoeuvre pour décider s'il y a lieu d'emprisonner quelqu'un ou non.
Or le gestionnaire de Vancouver m'a dit que cela coûte environ 200 $ par jour aux contribuables pour détenir quelqu'un. C'est ce qu'on paye dans le cadre d'un contrat avec le centre de détention de Vancouver. J'ai une question à poser en tant que contribuable canadien: est-ce que je souhaite payer 200 $ par jour pour faire emprisonner un revendicateur du statut de réfugié? C'est-à-dire quelqu'un qu'on a jugé peu coopératif parce qu'il a regardé un agent d'immigration de travers. Est-ce que je préférerais plutôt que cette personne puisse travailler et payer des impôts en attendant qu'on traite sa revendication du statut de réfugié? Je répondrai que je préfère que cette personne puisse travailler et payer des impôts plutôt que d'être détenue à mes frais. Je ne pense pas qu'on ait tenu compte de ce facteur, alors qu'on aurait certainement dû le faire.
Les détentions coûtent très cher. À certains endroits, aux États-Unis, on a mis en place des centres de détention d'immigrants. Je crois savoir que les États-Unis consacrent des sommes considérables à l'entretien de grands centres de détention. À nouveau, cela me semble inutile, et je trouve qu'on gaspille ainsi les deniers publics sans tenir compte de la liberté et de la dignité humaines.
Le président: Un instant, s'il vous plaît. Oh, vous ne faisiez que signaler... Je regrette, allez-y. Veuillez être brève, parce que nous manquons de temps, et nous aimerions vous poser des questions.
Mme Brenda Muliner: L'autre chose que je voulais dire a trait à la proposition visant la suppression du système d'arbitrage, des arbitres. Je pense qu'on rendrait un bien mauvais service aux Canadiens. On mettrait en place un système qui ferait en sorte qu'un agent d'immigration agirait effectivement et simultanément comme geôlier ou juré, juge, procureur. Je me demande comment les Canadiens accepteraient cela dans le contexte pénal. Par exemple, si une personne accusée d'un délit pénal était emprisonnée, poursuivie et jugée par l'agent de la GRC qui aurait procédé à l'arrestation, je pense que les Canadiens estimeraient qu'il s'agit d'une pratique tenant de l'inquisition.
J'estime que les personnes en territoire canadien doivent être traitées avec dignité et humanité, comme on doit traiter quiconque ici au Canada.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McNally, voulez-vous poser une question?
M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.
Merci pour votre exposé. Vous nous avez donné matière à réflexion. Je suis d'accord avec beaucoup de choses que vous dites en ce qui concerne les délais, le raccourcissement de ces délais, l'attente à laquelle ces personnes sont soumises et, comme vous le mentionnez, les huit mois pendant lesquels certains sont détenus.
Naturellement, nous avons aussi maintenant un système d'observation volontaire, et le fait est que certains réfugiés ne s'y conforment pas et nous échappent. Vous avez donné l'exemple que vous connaissez. Je peux pour ma part donner un exemple de la communauté environnante où un individu a violé plusieurs femmes pendant qu'il se soumettait à tout ce processus.
Le travail du comité consiste à trouver un point d'équilibre. Quelle est la réponse? Que faut-il faire pour mettre en équilibre les droits individuels tout en protégeant en même temps la société canadienne dans des cas comme ceux-là?
La grande majorité des réfugiés, bien sûr, respectent les règles. Ils ne causent aucune difficulté. Bien souvent, c'est un petit nombre qui cause des problèmes. Peut-être que le rapport en traitera, ou qu'il vise à le faire.
Quelle serait la solution pour les individus qui ne se conforment pas aux règles, ou pour les individus qui, comme vous l'avez dit, se trouvent sur place, et quelqu'un disparaît, s'évanouit dans la nature? Je pense que c'est ce que les auteurs du rapport essaient de voir. Nous, en tant que comité, devons l'examiner aussi. Quelle serait la meilleure solution?
Mme Brenda Muliner: Eh bien, je ne pense pas qu'il soit réaliste de souhaiter que tous les revendicateurs du statut de réfugié—ou la plupart de ces revendicateurs—soient expulsés parce qu'il se trouve parmi eux quelques mauvais sujets. Au point 8.3 du rapport, on dit que le battage publicitaire auquel quelques cas ont donné lieu ne rend pas compte de la réalité.
M. Grant McNally: Le fait est toutefois qu'un seul cas c'est déjà trop. Cette personne de la communauté où je vis a vu sa vie détruite—sa vie à elle, celle de sa famille et de l'entourage de celle-ci.
Nous essayons d'atteindre un équilibre. Je propose que nous allouions les ressources aux services de première ligne du système et que nous traitions les gens plus rapidement, pour ne pas les détenir, pour qu'on accélère le traitement de leur demande et qu'on établisse rapidement s'ils sont considérés ou non comme de véritables réfugiés. Pensez-vous que c'est la voie à suivre, d'allouer les ressources aux services de première ligne?
M. Alex Neve: Pour ce qui est du danger qu'on fait courir au public, des gens qui finissent par commettre des délits, nous voulons une réponse claire et simple à ce sujet, mais malheureusement il n'y en a pas.
M. Grant McNally: Je sais.
M. Alex Neve: Nous sommes tous d'accord pour dire que si quelqu'un présente vraiment un danger pour le public, la détention s'impose et est nécessaire.
Il me semble que ce qui nous préoccupe, c'est que nous voyons trop souvent des cas de violeurs, comme celui dont vous parliez, qui n'ont pas été relevés du tout par le système pour une raison ou pour une autre alors qu'il y a un grand nombre de personnes qui sont déclarées danger public pour des motifs très vagues et non fondés. Par exemple, Roberto San Vincente a enfreint la loi, a eu des démêlés avec la justice, a purgé sa peine, et a obtenu d'excellentes recommandations pour sa libération conditionnelle ainsi qu'une lettre de recommandation du juge qui l'avait condamné. Mais trop souvent on suppose automatiquement que si l'on a un casier judiciaire on demeure un criminel et constitue un danger, c'est tout.
Il me semble que cela montre qu'il faut assurer une véritable formation pour permettre de savoir comment évaluer si quelqu'un pose ou non un danger pour la population. Peut-être faudra-t-il songer à donner aux arbitres et aux agents d'immigration une formation similaire à celle que reçoivent les responsables de la Commission des libérations conditionnelles. C'est un tout autre processus décisionnel, qui est très difficile.
En fin de compte, et cela me tient vraiment beaucoup à coeur, je sais qu'on aime à penser que tous les réfugiés et tous les immigrants seront parfaits et ne commettront jamais de délits, et cela peut être vrai comme cela peut ne pas être vrai. Ce qui n'efface ni n'excuse en aucune manière les cas tragiques où un réfugié ou un immigrant se rend coupable d'un délit, mais ce genre de chose arrive.
Nous devons constamment réexaminer ces cas et voir ce qui s'est passé. Pourquoi n'a-t-on pas arrêté ce violeur? Est-ce qu'il y avait des indices qu'on aurait dû relever et qui montraient que cette personne présentait un danger pour le public, ou est-ce qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve, pas lieu de croire que cela allait se produire, et soudain pour une raison quelconque quelque chose s'est produit ou a tourné mal?
M. Grant McNally: L'individu en question avait déjà été accusé à plusieurs reprises et avait en fait quitté le pays pour y revenir plusieurs fois.
M. Alex Neve: Je pense que, dans un bon nombre de ces cas, quand on les réexamine, on peut voir là où il y a eu un problème, quand une mauvaise décision a été prise.
Le président: On a déjà fait valoir ces points. Y a-t-il d'autres questions concernant le sujet dont nous traitons maintenant?
Monsieur Saada.
[Français]
M. Jacques Saada: Vos présentations me perturbent beaucoup. Vous avez soulevé de nombreux points, mais je voudrais qu'on se concentre sur une seule chose pour commencer, quitte à revenir sur d'autres points par la suite.
J'aimerais revenir à la présentation qu'a faite M. Virani. Vous avez mentionné des chiffres qui m'ont estomaqué: vous avez parlé de 39 p. 100. Je pense que vous faisiez allusion à un centre de détention à Toronto ouest, n'est-ce pas?
M. Arif Virani: Métro ouest.
M. Jacques Saada: Vous avez dit que 39 p. 100 des détenus étaient des Jamaïcains. Est-ce bien ça?
M. Arif Virani: Oui.
M. Jacques Saada: Et vous avez dit que 86 p. 100 des détenus étaient des non-Blancs?
M. Arif Virani: Oui, c'est ça.
M. Jacques Saada: Est-il raisonnable de présumer qu'il n'y a pas 39 p. 100 de tous les demandeurs d'asile qui sont Jamaïcains? Est-il raisonnable de penser que ce pourcentage ne correspond pas à celui des Jamaïcains dans l'ensemble des demandeurs de statut de réfugié? Autrement dit, ce pourcentage de Jamaïcains en détention est beaucoup plus élevé que leur pourcentage dans l'ensemble des demandeurs de statut de réfugié.
M. Arif Virani: Si j'ai bien compris votre question, vous m'avez demandé si le taux des réfugiés qui...
M. Jacques Saada: Je formulerai ma question différemment. Est-ce que j'ai raison de croire que ce chiffre est extrêmement et anormalement élevé par rapport à l'ensemble de la population détenue?
M. Arif Virani: Oui.
M. Jacques Saada: Est-ce que j'ai raison de croire que le chiffre de 86 p. 100 de non-Blancs détenus est anormalement élevé par rapport à l'ensemble des détenus et inquiétant?
M. Arif Virani: Oui. Vous avez les chiffres devant vous, n'est-ce pas?
M. Jacques Saada: Oui.
M. Arif Virani: D'accord.
M. Jacques Saada: Je suis très préoccupé par ce que vous avez dit. Ce n'est pas la première fois que j'entends de tels témoignages à cette table. Divers groupes, dont des ONG qui ont comparu la semaine dernière, nous ont déjà alertés à ce problème.
Je vous poserai une question très simple, très directe et très controversée, j'en suis sûr. Est-ce qu'on constate du racisme dans le traitement des demandeurs de refuge?
M. Arif Virani: Il m'est impossible de répondre directement à cette question. La seule chose que je puis souligner à l'égard de ces chiffres, c'est que les statistiques qu'on a reçues du gouvernement nous portent effectivement à conclure qu'il y a une discrimination fondée sur la couleur d'une personne. Je ne suis pas en mesure de démontrer clairement qu'il y a effectivement eu racisme ici, à Ottawa, ou à Montréal, mais c'est ce que les faits tendent à nous faire croire. En général, lorsqu'on étudie la jurisprudence ou des cas de discrimination, on constate qu'on a l'habitude de chercher d'autres raisons. On cherche des raisons rationnelles ou logiques pour choisir ou employer une personne plutôt qu'une autre.
Ici, on ne peut pas trouver de réponses, bien qu'on en vienne effectivement à la conclusion que le racisme est un facteur.
[Traduction]
M. Jacques Saada: Pourrais-je poser une question complémentaire? Ces données qu'on nous présente ici, qui datent de juin 1997, et qui concernent la région de l'Ontario—pensez-vous qu'elles pourraient s'appliquer en gros à l'ensemble du pays? Je veux dire, constatez-vous les mêmes tendances dans tout le pays?
M. Arif Virani: Je pense qu'on trouvera certaines des mêmes tendances, mais pour différents groupes nationaux. Par exemple, à Montréal, je ne pense pas que nous voyons une prédominance de Jamaïquains. On pourrait voir une prédominance d'Haïtiens. À Vancouver, c'est peut-être une autre communauté ethnique qui s'estime visée par un plus fort taux de détention.
M. Jacques Saada: Merci.
Mme Brenda Muliner: Juste une chose: à Vancouver, nous avons un système informel de compte rendu dans le cadre duquel nos avocats de service nous font parvenir un rapport, et ils peuvent, à leur gré, répondre à l'une des questions où on leur demande s'ils constatent qu'il y a une différence de traitement entre les différents groupes ethniques? Il s'agit tout simplement d'un relevé informel des résultats, mais l'avocat de service fait état de problèmes de racisme, de racisme systémique, direct ou indirect, c'est-à-dire que si on n'est pas un Blanc on risque davantage d'être détenu.
J'aimerais que quelqu'un fasse une étude systématique sur cette question. Je pense qu'il serait bon d'en commander une.
Le président: Madame Minna.
Mme Maria Minna: J'aimerais que nous poursuivions dans le même ordre d'idée, car j'ai pris des notes pendant votre exposé et cette question est importante pour moi.
N'allez surtout pas croire que ma question vise à minimiser les problèmes ou à donner à entendre que le système n'en pose aucun, car nous ne serions pas ici s'il n'y avait pas de problèmes. Je veux examiner la question... Vous n'avez peut-être pas les données en main, mais j'ai demandé au cabinet du ministre, par l'intermédiaire de la présidence, de nous les fournir aussi, parce que c'est important pour moi de voir combien de personnes viennent des différentes régions du monde.
• 1230
Je crois savoir—je fais peut-être erreur, et je dois
vérifier, c'est pourquoi j'ai demandé ces chiffres—que la grande
majorité des réfugiés qui viennent au Canada viennent de pays du
tiers monde ou de pays en voie de développement. À en juger par
l'expérience que j'en ai à mon bureau seulement, je ne crois pas
depuis quatre ans avoir eu à faire à plus de un ou deux réfugiés de
minorités non visibles, qu'il s'agisse du Bangladesh, du Pakistan,
de l'Inde, du Sri Lanka, de l'Afrique, du Vietnam ou même de la
Chine, de façon générale.
Donc, étant donné le nombre des réfugiés et leur pays d'origine... Et c'est pourquoi j'aimerais voir si les chiffres sont élevés pour certains pays précis, ce à quoi nous viendrons dans un instant, parce que les données pour la Jamaïque sont très élevées, mais celles qui concernent le Vietnam sont aussi assez élevées comparativement à d'autres.
J'essaie de comprendre ce chiffre de 86 p. 100 que vous avez mentionné. Est-ce qu'il est dû au fait que 86 p. 100, ou presque, des demandeurs du statut de réfugié sont des non-Blancs? Ou est-ce que la répartition est de 50-50? Y a-t-il autant de réfugiés en provenance de pays comme ceux de l'Europe, ou la majorité de la population est blanche? Est-ce qu'il y en a beaucoup qui viennent de ces pays? Je ne le sais pas.
Je soupçonne que non. D'après les derniers chiffres que j'ai vus, de loin la majorité des réfugiés vient des pays que je viens de mentionner, car cela correspond à mon expérience personnelle. J'aimerais avoir plus d'informations car si on fait une telle déclaration, il faut savoir si elle s'applique à plusieurs pays précis, ou s'il s'agit d'un problème plus global.
J'aimerais en savoir plus long, car j'ai l'impression que la majorité des réfugiés proviennent de pays comme ceux que j'ai mentionnés.
Une voix: L'ancienne Yougoslavie.
Mme Maria Minna: C'est vrai qu'il y a aussi l'ancienne Yougoslavie. Mais je parle des pays d'où proviennent un plus grand nombre de réfugiés.
M. Alex Neve: Il est important d'examiner cette question. Puis-je vous encourager, madame Minna, d'élargir votre demande de statistiques? Car il ne s'agit pas uniquement de réfugiés.
Mme Maria Minna: D'accord.
M. Alex Neve: On peut détenir des gens qui viennent au Canada comme visiteurs si l'agent d'immigration à l'aéroport ne croit pas, pour quelle que raison que ce soit, que ce sont vraiment des visiteurs.
Mme Maria Minna: D'accord. Mais je ne conteste pas votre déclaration même si je la trouve inquiétante. Je veux avoir une ventilation des réfugiés et des visiteurs. Je veux analyser ces chiffres.
M. Alex Neve: Je vous encourage tout simplement à demander des statistiques qui ne se rapportent pas uniquement aux demandeurs du statut de réfugiés.
Mme Maria Minna: Oui, je pense qu'il faut le faire. Je cherche à dire au président qu'il faut examiner ces chiffres.
M. Alex Neve: Il faut avoir les chiffres pour toutes les catégories de personnes qui arrivent au pays, car elles peuvent toutes être détenues. Ce serait des statistiques beaucoup plus larges. Il est évident que vous avez raison: la majorité des demandeurs du statut de réfugié proviennent de pays en voie de développement. Mais la question devient beaucoup plus large lorsqu'on tient compte des visiteurs et des immigrants reçus qui sont expulsés pour cause de criminalité ou pour d'autres raisons.
Mme Maria Minna: J'aimerais donc voir ces statistiques, et je me réjouis que vous ayez soulevé la question. Le comité doit analyser ces données et en tirer des conclusions. J'aimerais donc demander au président de s'assurer que le comité recevra ces statistiques.
Le président: Oui.
M. Badiako Buahene: Je suis d'accord avec l'observation d'Alex. D'après mon expérience à Vancouver, beaucoup des détenus avec qui je travaille ne sont pas des demandeurs du statut de réfugié. Ce sont des personnes de couleur, mais ce ne sont pas des demandeurs du statut de réfugiés.
Mme Maria Minna: Là encore, c'est quelque chose qui n'a pas été présenté auparavant.
M. Badiako Buahene: Oui.
Mme Maria Minna: Il est important que le comité ait ces chiffres pour qu'il puisse les examiner.
Le président: Madame Augustine.
Mme Jean Augustine: C'est exactement ce que j'allais dire. Il importe de savoir que les gens qui entrent dans le système... C'est la raison pour laquelle je pose la question à certains témoins concernant la race, le pays d'origine et la couleur. S'il s'agit de facteurs qui jouent dans les activités quotidiennes de toutes nos institutions pourquoi penser que les agents d'immigration ou les responsables de la citoyenneté, de l'immigration ou des réfugiés seraient différents avec le reste de la société en général?
C'est une réalité de la société canadienne, et c'est pourquoi nous devons faire preuve de diligence pour nous assurer que l'équité et l'égalité existent dans notre société. Les personnes de couleur, les minoritaires visibles ne sont pas traités de la même façon que les autres, contrairement à ce que vous aimeriez croire.
• 1235
On refuse constamment de croire que, lorsqu'on va au Celebrity
Inn ou à un autre endroit de ce genre et qu'il suffit de voir la
couleur des gens qui y sont pour constater qu'il y a une
disproportion... Vous voyez la représentation et vous vous demandez
ce qui se passe. On peut en dire autant des très pauvres, de ceux
qui ont de graves problèmes socio-économiques et de la façon dont
on les traite. Tout cela fait partie de la façon institutionnalisée
dont on traite les gens.
Lorsqu'on met des gens en détention dans des installations insalubres, lorsqu'on pense qu'ils s'enfuiront et qu'on doit les menotter, alors que dans d'autres situations, on leur dirait gentiment de venir avec nous, de monter dans la voiture qui attend... Lorsqu'on fait de la discrimination dans la façon dont on traite les gens, cela fait tout simplement partie du système. Voilà pourquoi la formation des agents de police et de ceux qui accueillent les immigrants et les réfugiés est si importante.
C'est la réalité, et votre comité devra y faire face. On ne peut plus nier la réalité et prétendre que la société canadienne est parfaite.
Mme Maria Minna: J'aimerais que le président obtienne pour nous des données sur la détention en fonction de la race et du lieu d'origine, comme l'a dit mon collègue, ainsi qu'en fonction de leur statut de réfugié, de visiteur ou d'immigrant reçu, afin que nous puissions examiner ces chiffres et déceler les problèmes pour ensuite envisager des solutions. J'aimerais avoir le plus d'information possible—cela nous serait très utile.
Le président: Nous ferons des recherches.
M. Arif Virani: Je suis heureux de constater que vous êtes tout aussi abasourdis par ces données qu'Alex et moi l'avons été.
J'ajouterai un autre détail que les membres du comité ignorent peut-être: en préparation du rapport «au-delà des chiffres», la ministre a mené des consultations dans cinq grandes villes, dont Toronto, mais pas un seul groupe ou particulier afro-canadien n'était sur sa liste.
On a consulté divers autres groupes représentant des minorités visibles. A Vancouver, on a invité de nombreux groupes asiatiques et chinois. A Toronto, on a entendu la Fédération canado-arabe et la Metro Toronto Southeast Asian Clinic. Mais notre groupe, le African Canadian Legal Clinic, que Mme Robillard connaît assez bien—je ne sais si elle nous aime, mais elle nous connaît—ne figurait pas sur sa liste. Je peux vous donner la liste des groupes qu'elle a consultés, mais je peux vous dire que pas un seul représentant de la communauté afro-canadienne, que ce soit la Black Inmates and Friends Assembly, la Jamaican Canadians Association ou la African Canadian Legal Clinic ne figurait sur sa liste. Cela ne nous a pas plu.
M. Jacques Saada: J'invoque le Règlement.
Le président: Oui.
M. Jacques Saada: Je n'ai pas assisté à toutes ces réunions, mais j'ai participé à certaines d'entre elles où les minorités visibles étaient très bien représentées et ont fait d'excellents exposés. J'en ai été moi-même témoin.
M. Arif Virani: Je parle plus précisément...
Mme Jean Augustine: Il ne parle pas de groupes minoritaires, mais bien de la communauté africaine...
M. Arif Virani: C'est exact.
M. Jacques Saada: Je ne veux pas entrer dans le détail. Je ne veux pas interrompre la discussion. Mais j'ai vu des groupes représentant les minorités noires. J'ai vu des groupes asiatiques aussi. A mon avis, tous ont été bien représentés et, d'après ce que j'ai vu, je n'ai pas l'impression que certains groupes aient été laissés de côté.
Le président: La question n'est pas pertinente pour l'instant, mais je suis heureux que vous nous l'ayez fait remarquer. Nous connaissons les comités qui ont témoigné devant la ministre lorsqu'elle a parcouru le pays. Mais nous prenons bonne note de votre remarque. Si vous êtes associé à d'autres groupes, je vous saurai gré de nous indiquer les noms de tous ces groupes dans votre région.
M. Arif Virani: Certainement.
Le président: Et même des groupes nationaux et provinciaux.
M. Arif Virani: D'accord.
Le président: Nous devrions avoir ces informations étant donné que nous sommes saisis d'une question cruciale qui devra être réglée dans les mois qui viennent. Merci beaucoup.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.
Comme d'habitude, je ne gagnerai pas de concours de popularité. Pour ma part, j'estime que ces données sont stupides. Les grands pays de race blanche au monde ne produisent pas de réfugiés. Ils ne produisent pas d'immigrants. Voilà pourquoi on ne les voit pas dans ces données. Il n'y a personne qui vient au Canada de la Norvège, de la Suède, du Danemark, de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne comme réfugié.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Et qu'en est-il de l'Argentine?
M. Ivan Grose: Ces chiffres ne sont pas là.
Laissez-moi finir. Ce que je trouve intéressant dans ces données, c'est qu'on a pris comme exemple la Jamaïque. Or, la Jamaïque est une démocratie et fait partie du Commonwealth. Il n'y a pas de gardes armées devant le haut commissariat du Canada en Jamaïque. Comment se fait-il que 50 personnes arrivent ici sans documents? Elles n'ont qu'à se présenter au haut commissariat pour obtenir ces documents. C'est un autre aspect qui biaise les données.
Merci.
M. Alex Neve: Les statistiques ne portent pas seulement sur les immigrants qui ont des documents ou non. Ils ont peut-être été détenus pour d'autres raisons. Nous n'avons pas de détails sur ce qui a justifié la détention de ces 50... Dans le cas des Jamaïcains canadiens, il s'agit souvent de crimes. Dans leur cas, ce n'était pas probablement pas un problème de document, ce qui nous ramène à la question qui a été soulevée tout à l'heure à savoir, si on peut se fier au processus par lequel on détermine qui constitue un danger public, qui est mis en détention et qui est expulsé.
Nous voulons simplement vous dire que nous sommes honnêtement convaincus que certains de ceux qui ont été détenus n'étaient pas un danger public. Nous savons aussi que d'autres immigrants constituaient, eux, une menace pour le public, mais n'ont pas été mis en détention. Par conséquent, il faut prendre des mesures pour s'assurer que ces décisions sont bien les bonnes.
M. Ivan Grose: D'accord. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Je remercie les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Je dois vous interrompre maintenant parce que notre comité va se transformer en comité directeur. Notre réunion sera longue et nous devons être à la Chambre pour la période de questions, à 14 heures.
Merci d'être venus et merci de nous avoir donné toutes ces informations. Vous avez su susciter la discussion et avez soulevé bon nombre de questions que nous examinerons. Je vous remercie, au nom du comité.
La séance est levée.