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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 février 1999

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance est ouverte.

Comme vous le savez, conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions le Programme d'immigration des gens d'affaires. Aujourd'hui, nous accueillons plusieurs témoins représentant le Barreau du Haut-Canada, l'Association du Barreau canadien, ainsi qu'un cabinet d'avocats; ces témoins nous feront part de leur opinion et de leurs réserves à propos du Programme d'immigration des gens d'affaires du Canada.

J'aimerais signaler aux témoins qui représentent un groupe qu'ils doivent limiter leur déclaration liminaire à dix minutes, et que s'ils sont deux, ils doivent diviser ce temps de parole entre eux, au mieux. En ce qui concerne la présentation individuelle, nous allons évidemment y consacrer dix minutes. Donc, d'ores et déjà, les déclarations liminaires prendront un total d'une demi- heure, maximum. Si vous pouvez aller plus vite, tant mieux, parce que cela laissera plus de temps pour un dialogue avec les membres du comité.

J'ai pu constater que les membres du comité saisissent très rapidement les questions dont vous pouvez avoir souligné l'importance, même de façon succincte, et ils n'hésiteront pas à vous sonder en vous posant des questions.

Sur ce, qui aimerait faire la première présentation?

Monsieur Green, vous pouvez commencer, s'il vous plaît.

M. Mendel M. Green (président, Comité de spécialisation en droit de l'immigration, Barreau du Haut-Canada): Je vous remercie, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Mendel Green et je suis actuellement président du Comité de spécialisation en droit de l'immigration du Barreau du Haut-Canada. Cette association a créé un nouveau programme pour accréditer des spécialistes en divers aspects du droit, et le droit de l'immigration fait partie des spécialités en question.

L'objet de cette démarche est en fait d'assurer que l'on reconnaît la compétence, l'honnêteté et l'intégrité des spécialistes en question. Dans la province de l'Ontario, il n'y a que 17 spécialistes agréés par le Barreau du Haut-Canada.

• 0915

Vous avez entre les mains un mémoire de 32 pages qui a été préparé et avalisé par les spécialistes en droit de l'immigration dont je viens de parler. Tous ceux avec qui nous avons pu communiquer dans les brefs délais dont nous disposions ont approuvé ce mémoire. En outre, il a l'appui de la Section nationale du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien.

Le président: Permettez-moi de vous interrompre quelques instants. On me dit que le mémoire apporté par le témoin est en anglais seulement. Je sais que le comité a pour politique de fonctionner dans les deux langues officielles. Mais, bien entendu, il n'a pas le pouvoir de décider dans quelle langue sont écrits les mémoires qui lui sont présentés. Cela dit, j'aimerais demander, notamment aux membres francophones du comité, mais également aux autres députés, s'ils sont d'accord pour que l'on distribue maintenant le mémoire, en anglais seulement, pour qu'ils puissent le consulter.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Mais de qui est le mémoire traduit qu'on a reçu? Nous avons en main un mémoire qui provient des spécialistes en droit de l'immigration. Du Barreau peut-être? Est-ce un mémoire présenté par les témoins?

[Traduction]

M. Mendel Green: C'est exact. Nous avons préparé un sommaire qui vous a été transmis en français et en anglais, je crois.

Le président: Très bien.

M. Réal Ménard: Quel merveilleux pays. C'est une plaisanterie.

Le président: C'est un bon pays.

M. Ben Trister (secrétaire, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Ce mémoire n'a été adopté par l'Association du Barreau canadien qu'hier. C'est la raison pour laquelle il n'a pas été traduit. Je suis certain qu'il va l'être et que nous allons pouvoir vous en fournir une copie en français dans les meilleurs délais.

Le président: Le comité l'appréciera.

Continuez, monsieur Green.

M. Mendel Green: Comme je viens de le dire, ce mémoire a été examiné, à l'échelle nationale, par la Section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien et a été approuvé hier. Nous n'avons eu que six jours pour l'élaborer. En outre, la Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration de l'antenne ontarienne de l'Association du Barreau canadien a avalisé ce mémoire. Vous avez donc en fait entre les mains un mémoire qui est appuyé par les spécialistes du droit de l'immigration du barreau et par le groupe qui représente les quelque 600 ou 700 avocats spécialistes de l'immigration du Canada.

C'est le Programme d'immigration des gens d'affaires qui nous préoccupe au plus haut point. Je sais que vous êtes au courant que leur nombre décline. On vous a probablement dit que, dans l'ensemble, nous avons accueilli un très grand nombre d'immigrants, ce que ne confirment certainement pas ces chiffres à la baisse, mais en vérité, ce qui inquiète le plus tous les Canadiens, c'est le déclin des investissements effectués au Canada, à cause d'un système qui, permettez-moi de le dire, ne fonctionne pas de façon efficace.

Vous constaterez en lisant ce mémoire que l'énoncé de politique que l'on trouve dans la Loi sur l'immigration encourage évidemment l'immigration des gens d'affaires. Il s'agit d'une politique administrative conçue pour favoriser la réalisation des objectifs économiques et démographiques du Canada. Il faut bien comprendre qu'à titre de législateur, le gouvernement canadien a pour politique d'encourager les investissements dans l'économie canadienne. Les Canadiens en ont bénéficié de façon spectaculaire. Vous pourrez voir qu'entre 1995 et 1997, 1,32 milliard de dollars ont été investis dans ce pays par des entrepreneurs. Mais c'est 10 milliards de dollars que représentent les placements dus au Programme d'immigration des investisseurs.

Malheureusement, ils sont de moins en moins nombreux. On a constaté un recul dans cette catégorie de près de 35 p. 100 en 1998. Permettez-moi de vous dire que cela ne reflète pas toute la réalité, car les statistiques que l'on vous donne ne représentent que ce à quoi on aboutit. Le nombre des nouvelles recrues a diminué. Les gens ne sont pas intéressés à venir au Canada dans le cadre du Programme d'immigration des gens d'affaires à cause de la bureaucratie qui, malheureusement, crée pour eux des obstacles presque insurmontables.

Laissons pour le moment de côté la question de l'injection de capitaux; la création d'emplois a été un aspect du programme dont on peut aussi souligner l'importance. Les gouvernements provinciaux ont les chiffres qui le démontrent. Nous n'avons pas pu nous les procurer pour vous les donner, mais ce sont des dizaines de milliers de Canadiens qui ont trouvé du travail à cause du Programme d'immigration des gens d'affaires. C'est un fait établi. Mais encore une fois, cela ne démontre en rien.... Oubliez tout l'argent que les immigrants de cette catégorie injectent dans le milieu des affaires au Canada et pensez aux maisons et aux biens de consommation qu'ils achètent, ainsi qu'à tous les autres avantages que nous, les Canadiens, tirons du Programme d'immigration des gens d'affaires.

• 0920

Soyons franc, une des raisons pour lesquelles le programme se solde par un échec, c'est la diminution des ressources qui y sont allouées. Immigration Canada a coupé de 30 p. 100 ses effectifs à l'étranger ces dernières années.

Le ministère n'accorde plus la même priorité qu'auparavant au traitement des demandes provenant de gens d'affaires. En Europe de l'Est, ce sont les demandes des réfugiés qui passent en premier. Belgrade était et est encore un endroit où émergent des gens d'affaires intéressés à venir ici, mais les bureaux d'Immigration Canada à Belgrade ne peuvent pas traiter leurs demandes car ils s'occupent des réfugiés.

Pendant un moment, les demandes entrant dans la catégorie de la famille arrivaient en deuxième place sur la liste et ensuite, c'était les demandes des gens d'affaires. À l'heure actuelle, la priorité accordée aux demandes ne respecte aucun ordre, et celles qui émanent de gens d'affaires sont placées au bas de la liste.

On a refondu le Programme d'immigration des gens d'affaires et une des initiatives qui a été prise, c'est l'établissement de nouveaux centres où sont traités leurs demandes.

Nous ne sommes pas ici pour vous parler des problèmes de certains de nos clients, mais nous allons vous donner quelques exemples pour vous montrer comment fonctionne véritablement le système.

Prenons le cas numéro 1, dont je parle à la page 8 du mémoire et qui concerne un entrepreneur dont les avoirs se chiffrent à 1,5 million de dollars et qui a déposé sa demande à Bonn le 14 juillet 1998. Bonn est maintenant un centre d'immigration des gens d'affaires—très efficace. Les responsables ont transmis la demande à Moscou en juillet, et Moscou l'a reçue en juillet—ce qui est très efficace. Moscou a donné à cet homme d'affaires un rendez- vous pour une entrevue en l'an 2000.

Cela ne marque pas la fin du processus. Après l'entrevue, cet homme d'affaires devra passer des examens médicaux et faire l'objet d'un contrôle de sécurité. Donc, du début à la fin du processus, c'est un délai d'environ trois ou quatre ans que l'on impose à un homme d'affaires intéressé à venir au Canada.

En quoi cela est-il profitable sur le plan des affaires ou du point de vue économique pour nous qui, au Canada, tirons des milliards de dollars du Programme d'immigration des gens d'affaires? Selon moi, absolument en rien.

Les gens d'affaires doivent prendre des décisions de gestionnaires. À ce titre, vont-ils décider d'investir dans une affaire dans quatre ans? Je pense que non.

Il existe une disposition dans la Loi sur l'immigration qui porte sur ce que l'on appelle l'admission anticipée. C'est un concept fort mal interprété. Les fonctionnaires du ministère ont le pouvoir d'autoriser l'immigration anticipée des gens d'affaires, mais il règne dans ce milieu une paranoïa qui les amène à penser que les riches hommes d'affaires venant des économies émergentes cherchent à émigrer de manière illicite et que, s'ils laissent quelqu'un bénéficier d'une admission anticipée, ils ne pourront pas s'en débarrasser éventuellement. Cela n'a aucun sens commun.

Vous pourrez constater, d'après les exemples que nous citons, qu'il y a des gens qui, à l'heure actuelle, font des affaires qui se soldent par des exportations se chiffrant en millions de dollars et à qui l'on ne donne pas d'autorisation de séjour temporaire pendant que leur demande d'immigration est traitée. Le traitement des demandes des gens d'affaires... en toute franchise, les banques de notre pays auraient du mal à approuver leurs états financiers.

Dans les économies émergentes, où les mots «comptable agréés» étaient inconnus il y a cinq ans, ou dans les économies où l'on peut échapper à l'obligation de payer des impôts, ou encore au Moyen-Orient où il n'y a pas d'impôt, bien des gens ne déposent pas de comptes de résultat. À l'heure actuelle, les responsables de l'immigration, en Chine, en Russie et dans les pays d'Europe de l'Est, suggèrent aux gens d'affaires qui ont un semblant de documentation financière de s'adresser à l'un des six grands cabinets d'experts-comptables du Canada et de débourser entre 15  000 et 20 000 $ pour faire examiner cette documentation, afin que le ministère de l'Immigration puisse établir la source de leurs avoirs à partir du moment où ils ont commencé à les accumuler.

Voici un exemple classique: une Colombienne, dont les avoirs se chiffraient à 12,5 millions de dollars, a déposé une demande il y a deux ou trois ans et pouvait fournir d'excellents états financiers; toutefois, son mari, décédé onze ans plus tôt, était le frère d'un baron de la drogue. Cette femme a fait vérifier ses états financiers pendant onze ans. Bogota, l'ambassade chargée de son dossier ne sait pas comment le traiter. Le dossier a été envoyé à Ottawa où il a été perdu. Cette histoire est véridique. Il ne s'agit pas d'une exception qui confirme la règle; ce genre de chose arrive souvent. Pourquoi devrions-nous, nous, les Canadiens, subir les conséquences que peut avoir le fait qu'un investisseur, dont les avoirs se chiffrent à 12 millions de dollars, ne peut pas immigrer dans notre pays?

Il y a aussi le cas d'un homme d'affaires dont l'actif est de 75 millions de dollars et dont la demande a été approuvée par un bureau des visas; cet homme d'affaires possède des états financiers vérifiés par un cabinet d'experts-comptables britannique. Cependant, à cause de la paranoïa qui règne à Ottawa, cela fait deux ans et demi qu'on le fait attendre. Ottawa a décrété que l'on devrait rappeler cette personne, lui faire passer une nouvelle entrevue et s'assurer que l'on met bien les points sur tous les i.

• 0925

Cet homme d'affaires est venu passer son entrevue. Il a attendu pendant trois heures et demi, mais la personne qui était censée le rencontrer ne s'est pas montrée. Imaginez qu'un homme d'affaires canadien, représentant une société multinationale, soit traité de cette façon.

Lundi dernier, un homme d'affaires pakistanais—au Pakistan, il faut quatre ans pour qu'une demande soit traitée—s'est rendu par avion à Damas. Il y est allé sans sa femme. On l'a renvoyé chez lui en lui disant qu'il ne pouvait pas passer son entrevue si sa femme n'était pas avec lui. Il a répondu que sa femme venait d'avoir un bébé et qu'il n'avait pas pu la faire venir. On lui a dit de rentrer chez lui, au Pakistan.

Des centaines de milliers de dollars dont le Canada pourrait bénéficier sont, pour parler franchement, traités comme trois fois rien. Le ministère n'est sensibilisé ni à la psychologie, ni à la culture, ni à quoi que ce soit d'autre qui touche les affaires.

Mesdames et messieurs, à la page 23 de notre mémoire, vous pourrez voir quels sont les délais de traitement des demandes. Il s'agit de délais moyens dans les principales missions à l'étranger: New York, 32 mois; New Delhi, 22 mois; Pékin, 21 mois. Et les choses vont en empirant. C'est le temps qu'il fallait jusqu'ici pour traiter une demande. La bureaucratie et les bureaucrates du ministère de l'Immigration ont besoin de plus de ressources. Il leur faut plus de cours de formation. En réalité, ce dont ils ont besoin, c'est d'acquérir une plus grande compétence.

En ce qui a trait à la vérification des antécédents, personne ne veut que des criminels viennent au Canada. Tout le monde appuie cette proposition. Je ne sais pas quelle est l'envergure du processus de vérification des antécédents, mais même après que la demande d'un immigrant a été provisoirement approuvée, cela prend presque deux ans pour vérifier ses antécédents. C'est scandaleux. Certains de mes clients vont dans d'autres pays; ils investissent leur argent ailleurs.

Je dois dire que je pratique le droit depuis presque 39 ans. Pour la première fois, j'entends des gens dire: tant pis; ils n'attendent pas. Ils ne peuvent pas inscrire leurs enfants à l'école en septembre, parce qu'ils ne savent pas s'ils vont recevoir un visa d'immigrant.

Je veux aussi parler de la Loi sur la citoyenneté.

Le président: Vous avez maintenant parlé pendant près de dix minutes.

M. Mendel Green: Très bien.

Le président: Je vais donc passer la parole, je présume, à l'Association du Barreau canadien et à M. Trister.

M. Ben Trister: En fait, si vous êtes d'accord, je préfère laisser parler M. Rotenberg.

Le président: Je pensais que vous aviez discuté entre vous de la répartition de vos dix minutes.

M. Ben Trister: Excusez-moi, mais pourriez-vous me donner une précision: le Barreau du Haut-Canada dispose de dix minutes, et il y a dix minutes pour....

Le président: L'Association du Barreau canadien.

M. Ben Trister: Dans ce cas, je vais laisser la parole à Colin Singer, parce que j'aimerais vous transmettre nos commentaires à propos du mémoire sur les investisseurs que nous avons en main.

Non, excusez-moi, c'est Cecil qui va prendre la parole et ensuite, peut-être nous contenterons-nous de répondre aux questions. Nous ferons ce que nous pourrons.

Le président: Juste pour m'assurer que nous sommes d'accord sur le processus, étant donné que votre présentation prendra dix minutes de plus, allez-vous lui céder votre temps de parole?

M. Ben Trister: Non, il n'est pas essentiel que j'intervienne. Je laisse volontiers M. Singer prendre la parole.

M. Colin R. Singer (membre du Bureau, Section du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Je peux répondre aux questions, je peux prendre la parole ou encore, je peux laisser M. Rotenberg intervenir en premier et m'exprimer ensuite.

Le président: Très bien. Dans ces conditions, la présidence décide que M. Rotenberg disposera de dix minutes maximum. Après cela, nous passerons à M. Zaifman et ensuite, la période des questions débutera.

Une voix: Très bien.

M. Colin Singer: Pourrais-je parler après M. Rotenberg?

Le président: Eh bien, à condition de vous rappeler que le temps de parole de M. Rotenberg ne peut être prolongé.

M. Cecil L. Rotenberg (spécialiste du droit de l'immigration, Barreau du Haut-Canada, Association du Barreau canadien): J'essaierai de ne prendre que cinq minutes pour laisser du temps à M. Singer.

Monsieur le président, la question de savoir qui représente qui porte beaucoup à confusion. Disons que je me situe dans le milieu. Je représente à la fois l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Haut-Canada et je vais donc prendre deux minutes et demi pour m'exprimer au nom de chacune de ces organisations.

Le président: C'est pour cela que vous dites que vous vous situez dans le milieu.

Allez-y, monsieur Rotenberg.

M. Cecil Rotenberg: Merci. Je suis heureux que le comité nous ait donné l'occasion de nous exprimer.

La perspective dans laquelle je me place couvre une période de 40 années. Je pense que je suis l'avocat du barreau qui a le plus d'expérience dans la pratique du droit de l'immigration; je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un qui se soit occupé de questions d'immigration ou qui ait plaidé devant les tribunaux pendant plus longtemps que moi. Le message que j'ai à vous transmettre reflète mon point de vue, le point de vue de notre comité de spécialistes, le point de vue de milliers d'avocats à qui j'ai parlé d'un bout à l'autre du pays et le point de vue de l'Immigration Law Reporter—une publication que j'ai lancée et dont je suis maintenant le rédacteur en chef. Le message en question est le suivant: jamais la situation des gens d'affaires qui veulent immigrer n'a été pire. Les problèmes n'ont jamais été plus généralisés qu'ils ne le sont actuellement, ils n'ont jamais été plus endémiques. À mon avis, il y a plusieurs raisons à cela. Elles ont un caractère à la fois structurel et légal.

Les problèmes structurels touchent l'organisation du ministère de l'Immigration qui est en restructuration perpétuelle depuis que j'ai commencé à y faire des démarches. Il y a eu moult restructurations. Dans le passé, il existait une structure de gestion verticale, et les problèmes finissaient tous par être examinés au niveau le plus élevé de la hiérarchie. D'après ce que nous pouvons constater, il semble que désormais, les problèmes soient traités horizontalement, à un certain niveau de la structure de gestion. À notre avis, cela entraîne beaucoup d'inefficacité car il n'y a personne qui, au sommet de la hiérarchie, peut avoir une vue d'ensemble cohérente des problèmes qui se posent.

• 0930

Deuxièmement, les gens qui s'occupent de la politique ne sont investis d'aucune responsabilité en ce qui concerne le programme. Je me souviens d'un certain John Martin à qui nous pouvions parler et qui nous écoutait décrire nos problèmes, mais qui nous disait ensuite qu'il était désolé mais que, n'ayant aucune responsabilité vis-à-vis le programme, il ne pouvait rien faire.

Ainsi donc, les gens chargés du Programme d'immigration des gens d'affaires n'ont aucun moyen concret de le faire appliquer, de le modifier ni de faire quoi que ce soit en la matière.

D'un autre côté, en dépit de toutes ces restructurations, on ne trouve nulle part quelqu'un qui fasse office de poste d'écoute. On trouve dans la plus petite entreprise un mécanisme qui permet aux gens d'exprimer leurs doléances. Au ministère de l'Immigration, une entreprise dont l'envergure est des plus importantes, dont l'empire est des plus étendus, il n'y a personne à qui vous pouvez transmettre quelque doléance que ce soit, alors que nous en avons beaucoup à formuler. Il y a beaucoup de problèmes et, si vous lisez le mémoire, vous verrez qu'il ne fait état que d'un petit nombre d'entre eux. Les informations que nous vous donnons ne concernent que deux bureaux. S'il n'y a pas de poste d'écoute, aucune responsabilisation n'est possible, et lorsque les choses tournent mal, on ne peut mettre personne au courant.

J'ai évoqué dans le mémoire trois cas que j'aimerais que vous examiniez parce qu'ils reflètent les problèmes d'ordre légal que soulève ce programme.

Il y a l'affaire Ramoutar, qui est évoquée dans la documentation se trouvant sous l'onglet 5. Dans cette affaire, on peut voir que le principe, lorsque quelqu'un demande un visa d'immigrant, est que cette personne a l'obligation de satisfaire aux conditions stipulées dans la Loi sur l'immigration, selon les règles du droit civil, ce qui signifie selon toute probabilité. Toutefois, ce qui se passe en réalité, c'est que les agents chargés d'émettre ces visas exigent que les requérants fournissent des preuves qui ne laissent aucun doute raisonnable. C'est précisément ce que démontrent les deux affaires évoquées dans la documentation qui se trouve sous les onglets 4 et 6.

Le cas de M. Koo est mentionné et j'aimerais vous demander de vous imaginer dans la peau de M. Koo. Ce monsieur est le chef de l'exploitation d'une filiale d'une entreprise multinationale. Il dirige, je pense, un effectif de 20 à 40 personnes, et les ventes dont il est responsable se situent, environ, entre 17 et 20 millions de dollars. Il ne fait aucun doute qu'il «exploite, contrôle ou dirige une entreprise», et ce sont là des mots clés pour définir un investisseur.

Il a fait un placement de 350 000 $ en Colombie-Britannique et s'attendait à ce que sa demande soit approuvée étant donné qu'il est manifestement une personne qui exploite, contrôle et dirige une société ou une entreprise. Mais Mme Coutler, qui travaille au bureau des visas de Hong Kong, a dit non, il faut que vous exploitiez, que vous contrôliez ou que vous dirigiez le siège social de ladite entreprise. Ce pourrait être une interprétation légitime, si le juge Cullen, de la Cour d'appel fédéral, n'en avait déjà décidé autrement. Qui peut être mieux placé que lui, un ancien ministre de l'Immigration, pour le faire?

Non seulement le juge Cullen a-t-il dit à M. Koo que lui ou des gens comme lui étaient des investisseurs, mais deux autres juges ont également déclaré voir les choses de cette façon et pourtant, on en est arrivé à ce que cette demande passe à travers les mailles du filet et soit rejetée, parce que quelqu'un a violé les principes établis par le juge Cullen. Non seulement la demande a-t-elle été rejetée, mais ses mérites ont échappé à un gestionnaire de programme très sérieux et même aux fonctionnaires de l'administration centrale de l'Immigration. Le ministère de la Justice lui-même a essayé de prendre la défense de M. Koo. Le juge Muldoon a bien vu quelle était sa situation lorsqu'il a déclaré que l'on essayait de lui faire avaler une couleuvre, et c'est la raison pour laquelle l'affaire a été examinée à nouveau. M. Koo est content. On lui a donné raison.

Un deuxième agent chargé de délivrer des visas a commencé à agir de la même manière, et nous avons porté l'affaire devant les tribunaux pour tenter de mettre un terme à ses agissements.

Le problème qui se pose est le suivant: vous êtes un investisseur, il existe un processus légal et un juge s'est déclaré en votre faveur; comment peut-on ignorer cela? Pourquoi cela peut- il être ignoré? À qui se plaindre? À qui vais-je m'adresser pour signaler que ce facteur n'a pas été pris en compte? Il n'existe personne au sein du système qui soit investi de ce genre de responsabilité vis-à-vis le programme.

Le président: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais j'aimerais maintenant que ce soit M. Singer qui ait la parole.

M. Cecil Rotenberg: Oui, j'en ai terminé. Merci.

M. Colin Singer: Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais être très bref. La plupart des commentaires que nous avons à faire se trouvent dans le mémoire que nous avons transmis plus tôt sur les modifications réglementaires que l'on se propose d'apporter au Programme d'immigration des investisseurs.

Lorsque vous lirez ce mémoire, j'aimerais que vous vous posiez la question suivante: est-ce que l'intérêt économique du Canada est mieux servi lorsqu'il y a moins d'investisseurs? C'est la conclusion à laquelle sont parvenus tous nos membres, d'un océan à l'autre, lorsque nous les avons consultés. Nous sommes tous convaincus qu'avec les modifications proposées, on continuera d'attirer de moins en moins d'investisseurs au Canada.

• 0935

Il y a à cela plusieurs raisons que nous indiquons dans le mémoire, et peut-être que plus tard au cours de cette séance, nous aurons l'occasion de toutes les évoquer.

Nous estimons que ce n'est pas là promouvoir les objectifs de la loi et nous recommandons instamment que l'application de la réglementation proposée soit retardée, sine die, jusqu'à ce que CIC puisse tenir compte des études complémentaires que l'on envisage effectuer dans le proche avenir.

On considère actuellement des propositions législatives importantes. Par exemple, le livre blanc est une initiative du ministère dont la portée ne peut être ignorée et qui implique une refonte de la législation canadienne sur l'immigration. Le Programme d'immigration des investisseurs, comme l'a fait remarquer mon collègue, est un élément important des politiques économiques du Canada qui concernent l'immigration.

Si vous lisez ce mémoire, vous vous rendrez compte qu'essentiellement, on se propose d'appliquer des règlements avant que le texte législatif principal soit en vigueur; en effet, nous savons que CIC a l'intention de refondre un texte législatif qui porte, entre autres, sur le Programme d'immigration des investisseurs.

Si vous jetez un coup d'oeil à l'un des rapports qui a été déposé en 1998 et qui s'intitule Au-delà des chiffres, vous constaterez que la ministre a l'intention de modifier le processus de sélection des investisseurs qui cherchent à immigrer au Canada et de donner plus d'importance à l'âge, à la langue et au niveau d'instruction. Nous savons que ces critères peuvent influer sur les qualifications requises des gens qui veulent venir au Canada. Il est donc très discutable d'appliquer une réglementation qui découle d'un texte législatif, alors que nous savons qu'à l'avenir, ce texte législatif modifiera des critères très importants en ce qui concerne les qualifications requises pour immigrer au Canada. Si la ministre devait donner suite à ce projet, ce serait accélérer le processus qui va finir par faire tomber le Programme d'immigration des investisseurs en désuétude.

Sur ce, je passe la parole à mon collègue qui peut vouloir soulever certains points que je n'ai pas mentionnés.

M. Ben Trister: Je dirais que le barreau a bel et bien l'impression que le ministère régresse. Nous sommes, d'abord et avant tout, des avocats. Je crois que certains de mes partenaires estiment que je suis d'abord un homme d'affaires, mais c'est ce qu'on pense de beaucoup d'avocats spécialistes du droit de l'immigration. Je peux toutefois vous dire que nous sommes tous des avocats. Nous prenons le droit, la démocratie, le Parlement—et tout ce qui s'ensuit—très au sérieux.

Le ministère se lance dans plusieurs réformes touchant l'immigration, la citoyenneté et le Programme d'immigration des investisseurs qui, à nos yeux, sont très lourdes de conséquences. J'ajouterais une seule observation à la déclaration de Cecil: ceux d'entre nous qui pratiquent ce type de droit quotidiennement ne sont pas surpris de constater que le ministère fait constamment fi de sa propre politique et en cautionne une application qui n'est pas uniforme. CIC ignore de façon répétée les décisions prises par les tribunaux et ne montre aucun respect pour la cour. Les tentatives du ministère pour éliminer le droit à un recours judiciaire et à des procédures d'appel, en proposant des modifications à la loi qui imposent certaines obligations lorsqu'on veut interjeter appel, le démontrent. Nous estimons que tout cela va être source de nombreuses injustices et même que cela va aggraver celles qui sont déjà commises dans le cadre de notre système.

Il est très frustrant de déposer une demande dans le contexte d'un régime où la loi n'est pas respectée, ni d'ailleurs le principe de la transparence dont parle le gouvernement et que nous jugeons tous excellent, mais qui n'est pas appliqué. La façon dont les autorités envisagent la transparence, c'est de dire: «Voici comment nous allons vous prendre au piège. Nous n'allons pas vous dire comment nous allons procéder, nous allons simplement faire comme si tout est censé bien se passer, mais ensuite, ce n'est pas ce qui va arriver. Nous allons vous faire part de règles claires qui vont vous donner l'impression que votre projet va aboutir et ensuite, nous allons mettre de nombreux obstacles sur votre route sous la forme de délais, de vérification d'antécédents et d'exigences en matière d'information sur les fonds dont vous disposez, alors que vous venez de pays où les règles du jeu ne sont pas les mêmes». Ce sont tous ces obstacles que l'on est en train de mettre en place et ensuite, nous ajoutons: «Et par-dessus le marché, nous allons vous priver du droit de vous plaindre.»

• 0940

La situation est très grave. Je vous prie instamment d'examiner les textes législatifs qui vous sont transmis par le ministère et par le gouvernement, car à titre d'avocats, nous sommes outrés et nous en arrivons même au point de concentrer notre action sur l'exercice de pressions dont le but est de faire en sorte que ces propositions n'aboutissent pas. La situation, dans le domaine du droit de l'immigration, n'est pas brillante.

Le président: Merci, monsieur Trister.

Je passe maintenant la parole à M. Zaifman.

M. Kenneth Zaifman (président, Zaifman Associates): Merci, monsieur le président. J'aimerais saisir l'occasion pour remercier le comité de me permettre de témoigner.

Je voudrais faire essentiellement porter mes remarques sur le Programme d'immigration des investisseurs, qui fait partie des sujets que le comité a été chargé d'examiner. Venant du Manitoba, j'ai sur l'immigration un point de vue quelque peu différent de celui de certains de mes collègues de l'est du pays.

J'aimerais rapidement revenir un peu en arrière et poser la question suivante: quel était le but du Programme d'immigration des investisseurs? À l'origine, il avait pour objectif d'attirer des capitaux d'investissement dans les provinces où ne s'établissaient pas beaucoup d'entrepreneurs. Avant l'instauration de ce programme, le seul qui existait était celui qui concernait les entrepreneurs, lesquels n'étaient pas très attirés par des provinces comme le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. On en est alors venu à penser que si l'on ne pouvait pas attirer des gens, on pouvait peut-être attirer des capitaux d'investissement. C'est la raison pour laquelle on a mis en place le Programme d'immigration des investisseurs. Il a été conçu pour fournir du capital de risque.

Qu'en est-il à l'heure actuelle? Essentiellement, nous avons un programme qui a peu de retombées économiques, qui est garanti sur tous les plans et qui n'a pas permis d'atteindre l'objectif que sa mise en oeuvre devait à l'origine permettre de réaliser.

Dans sa présentation, le ministère a déclaré que la raison pour laquelle on veut porter à 500 000 $ le montant du placement, c'est que désormais, ce placement est garanti. Mais en réalité, les placements sont garantis dans le cadre du programme actuellement en vigueur. Il existe des facilités de financement qui permettent à un investisseur de placer une somme allant de 76 500 $ à environ 95 000 $, et le prêt n'est assorti d'aucun recours. Il y a donc des garanties dans le programme actuel et il n'y a aucune raison d'augmenter maintenant le montant du placement.

Mais la véritable question qui se pose est la suivante: qu'est-ce que le gouvernement veut tirer de ce programme? Et c'est une question à laquelle on n'a pas répondu dans l'annonce portant sur la refonte du programme. Dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, on indique que l'on veut accroître les retombées économiques. Pour les faire passer de quoi à quoi? Que l'on veut réduire la possibilité d'abus. Le programme québécois implique uniquement des fonds publics et des courtiers en valeurs mobilières. Où sont les abus? En quoi consistent-t-ils? Est-ce qu'on insinue que les pouvoirs publics utilisent abusivement le programme? On veut aussi abaisser le niveau des ressources publiques nécessaires pour administrer le programme. Il existe actuellement, au plus, trois ou quatre fonds mis en place par le gouvernement. Quelles sont les ressources que l'on va pouvoir réduire? Le gouvernement fédéral n'exerce aucune surveillance du programme offert selon le système québécois. On veut enfin donner aux provinces la possibilité d'utiliser les placements en fonction de leurs priorités économiques. C'est déjà possible.

Le véritable problème, c'est essentiellement que le Programme d'immigration des investisseurs est offert dans le contexte d'un seul pays, mais de deux systèmes. Tous les gens qui ont oeuvré dans ce domaine savent fort bien que le Québec reçoit plus de 80 p. 100 des fonds destinés à être investis par le biais du programme. Or, cette province n'accueille pas 80 p. 100 des immigrants. Les gens déposent des demandes dans le cadre du système québécois et ensuite, ils vont vivre à Vancouver ou à Toronto. Je ne remets pas en cause la façon d'agir du gouvernement québécois. Je pense que son système marche bien, que ce soit au plan des critères de sélection ou du délai de traitement des demandes et à cause de la méthode de placement utilisée. Mais le ministère n'a rien à voir avec tout cela.

À mon avis, le programme à guichet unique qui fait partie de la proposition avancée par le gouvernement attirera très peu de fonds, je le répète, très peu. Personne ne va placer 500 000 $ dans un seul fonds administré par le gouvernement fédéral, alors qu'il est possible de faire un placement de 130 000 $ dans un fonds québécois et de bénéficier d'un financement, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne le gouvernement fédéral. Je pense que c'est clair.

• 0945

Donc, tout simplement, la formule que l'on propose pour attirer des fonds à investir dans le reste du Canada n'est pas la bonne.

Quelles sont les provinces qui ont donné leur accord? Pourquoi une province garantirait-elle des fonds dans le cadre de ce programme? Le programme refondu doit l'être à nouveau.

Alors, encore une fois, je vous demande de vous rappeler quel est le but de ce programme. Il s'agit d'attirer des capitaux dans les provinces qui n'attirent pas les entrepreneurs. Si l'on se concentre sur cet objectif, tout le reste tombera en place, à mon avis. Ce n'est pas à quoi aboutit cette proposition.

Le ministère se trompe en augmentant les montants requis. Ce qui se passe dans le monde nous amène à conclure que ce n'est pas le moment d'augmenter le montant des placements si l'on veut attirer des capitaux. Ce n'est pas non plus le moment d'augmenter le montant requis en termes d'avoirs nets.

En ce qui me concerne, si je peux me permettre de faire une suggestion, je ferais le contraire. J'irais jusqu'à réduire les montants requis. J'irais jusqu'à assouplir également les critères de sélection pour permettre à des gens qui ont accumulé des fonds de façon licite d'investir dans ce programme.

En d'autres mots, laissons les gens qui veulent exploiter une entreprise libres de le faire. Mais les gens qui veulent placer leur argent dans un fonds du gouvernement ou le confier à un courtier en valeurs mobilières—ce qui revient en réalité à investir dans un fonds commun de placement—ne devraient pas être nécessairement tenus d'avoir de l'expérience en affaires. Ce sont des gens qui peuvent laisser quelqu'un d'autre faire en leur nom des opérations de placement.

À mon avis, c'est la bonne façon d'envisager les choses et non une vue simpliste, parce que cela permettra aux provinces de participer. Elles fixeront leurs propres besoins et leurs propres buts. Je prie instamment le comité de prendre ces facteurs en compte lorsqu'il examinera cette question. De mon point de vue, la création d'un fonds fédéral unique rendra ce programme inopérant ailleurs qu'au Québec.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Zaifman. Vous nous permettez de disposer de quatre minutes supplémentaires.

Nous allons commencer la série des questions en donnant la parole à l'opposition officielle, le Parti réformiste. Monsieur Benoit.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président et à vous, messieurs, bienvenue.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur Zaifman. Vous avez posé une question de pure forme: pourquoi un investisseur irait-il placer son argent n'importe où ailleurs au Canada alors qu'il peut investir très peu et emprunter le reste au Québec? Pourriez-vous dire plus précisément quel est l'objet de cette remarque?

M. Kenneth Zaifman: Dans le cadre de la structure des fonds qui existent actuellement, un investisseur peut placer dans chacun d'entre eux entre 250 000 et 350 000 $, tout dépendant de la province dans laquelle est effectué le placement. Il est également possible, pour investir dans chacun de ces fonds, d'assortir d'un financement un dépôt de 76 500 $, en ce qui concerne les fonds du gouvernement, ou d'environ 90 à 95 000 $, en ce qui concerne les fonds québécois. Le reste de l'argent vient d'un prêt consenti soit par le fonds du gouvernement soit, dans le cas du Québec, par le....

M. Leon Benoit: Un prêt contracté ici, au Canada.

M. Kenneth Zaifman: Un prêt contracté au Canada.

M. Leon Benoit: Alors, en réalité, le placement n'est pas du tout du niveau que l'on prétend.

M. Kenneth Zaifman: Non.

D'après ce que j'ai pu constater, la plupart des investisseurs choisissent de contracter un prêt. Donc, si je peux me permettre de le souligner, si l'on exige dans le cadre de ce programme refondu un investissement d'un demi-million de dollars dans un fonds fédéral, alors que le programme québécois reste tel qu'il est, la seule chose qui changera sera le montant du financement. Ainsi, il se pourrait que le montant du dépôt passe, disons, de 90 000 ou 95 000 $ à, disons, 130 000 $. Cela créera une telle disparité qu'aucune personne sensée n'ira investir un demi-million de dollars, alors qu'elle peut se contenter d'en placer 130 000 $.

M. Leon Benoit: Je peux comprendre que ce soit là le point de vue d'un investisseur, mais si l'on s'intéresse à ce que le Canada peut tirer de ce genre d'arrangement, je me demande quel avantage présente réellement, pour le Canada, le programme des investisseurs dans une situation comme celle-là, lorsque l'argent provient de prêts consentis ici?

M. Kenneth Zaifman: Au risque d'enfoncer des portes ouvertes, à partir du moment où vous injectez des fonds pour qu'un programme puisse fonctionner, les retombées économiques diminuent au point d'être pratiquement inexistantes.

M. Leon Benoit: Est-ce que le montant des placements que cite le ministère comprend également les sommes empruntées dans notre pays?

M. Kenneth Zaifman: Absolument.

M. Leon Benoit: Donc, en réalité, ce chiffre est faux. Il ne correspond pas au montant réel des investissements effectués dans notre pays.

Ces prêts sont-ils garantis par des avoirs à l'étranger....

M. Kenneth Zaifman: Non.

M. Leon Benoit: ...ou des avoirs ici, dans notre pays?

• 0950

M. Kenneth Zaifman: Habituellement, dans le cas du Québec, ces prêts sont garantis par l'entreprise qui en bénéficie sous la forme d'un placement.

M. Leon Benoit: Pouvez-vous nous expliquer comment on procède d'habitude?

M. Kenneth Zaifman: Comme je l'ai dit, il existe deux systèmes séparés et donc, si je peux me permettre, je vais essayer d'expliquer comment fonctionnent le système québécois et le système fédéral.

Dans le cadre du système fédéral, une personne qui dépose une somme d'argent et qui ensuite, donne ce billet à ordre en gage reçoit du fonds un cautionnement qui sert à garantir le prêt. Donc, dans un sens, après avoir déposé 76 000 $, l'investisseur bénéficie d'un prêt qui porte le montant de son placement à 250 000 $, et la garantie de ce prêt est le billet que reçoit l'investisseur ainsi que le rendement annuel qu'il obtient.

M. Leon Benoit: Qu'est-ce qu'on utilise comme nantissement?

M. Kenneth Zaifman: Le billet.

M. Leon Benoit: La résidence privée?

M. Kenneth Zaifman: Non.

M. Leon Benoit: Rien de ce genre? Rien qui se trouve ici, au Canada?

M. Kenneth Zaifman: Il n'y a pas de nantissement.

M. Leon Benoit: Il manque quelque chose aux explications que vous avez fournies jusqu'ici. Quel est véritablement le rôle du cautionnement dans tout cela?

Monsieur Singer, je remarque que vous êtes prêt à participer à la discussion. Je vous en prie, allez-y.

M. Colin Singer: Je vais essayer de vous éclairer un peu plus.

Les prêts consentis aux investisseurs sont garantis par le placement effectué dans l'entreprise admissible. Cela répond directement à la question que vous avez posée à ce propos. Mais vous vous interrogez aussi sur les retombées du programme. Vous laissez entendre que les chiffres qui vous ont été fournis sont faux, mais je pense qu'il faut chercher un peu plus loin et souligner les avantages que le pays a tirés du programme. Selon la ministre, pour le Canada, les retombées économiques depuis 1986 se chiffrent à 4 milliards de dollars.

Mais il faut aussi tenir compte du nombre d'emplois qui ont été créés, pas seulement des retombées économiques d'ordre financier. Lorsqu'un homme d'affaires, grâce au programme, engage un nouvel employé et lui verse un salaire hebdomadaire, c'est aussi un avantage que l'on doit aux investisseurs immigrants.

M. Leon Benoit: Mais pour ce qui est du chiffre que vous venez de mentionner, celui qui a été avancé par le ministère....

M. Colin Singer: On est d'accord là-dessus.

M. Leon Benoit: ...nous venons d'entendre qu'en réalité, ce chiffre n'est pas vraiment exact.

M. Colin Singer: Non.

M. Mendel Green: Monsieur Benoit, puis-je vous donner une explication plus simple?

Vous décidez d'investir 350 000 ou 250 000 $ dans une province autre que le Québec. Une société de financement canadienne vous dit: «Nous allons vous prêter de l'argent. Placez entre 73 000 et 79 000 $ et nous financerons le reste de l'investissement.» La somme totale, 250 000 ou 350 000 $, est ensuite versée dans le fonds d'investissement du gouvernement provincial, ce qui permet de créer des emplois. Cet argent ne pourrait pas être investi dans un fonds provincial si le Programme d'immigration des investisseurs n'existait pas. En réalité, ce qui se passe, c'est qu'après avoir investi 350 000 $, vous avez un morceau de papier, un billet à ordre, émis par le fonds public. Vous vous adressez à une société de financement....

M. Leon Benoit: Je comprends cela.

M. Mendel Green: ...et vous dites: j'ai fait un investissement en Saskatchewan ou dans l'Île-du-Prince-Édouard. Acceptez-vous de me prêter de l'argent sur la valeur de cet investissement? Et l'on vous répond: oui, d'accord. La société de financement prend la garantie que constitue ce morceau de papier, le billet à ordre.

Donc, en réalité, les provinces garantissent cet argent à un taux d'intérêt minimum dont elles ne pouvaient pas espérer bénéficier jusque là.

M. Cecil Rotenberg: Les choses se passent un peu différemment au Québec où les prêts sont avalisés par des garanties, des billets ou des fonds en fiducie ou encore des obligations d'Hydro-Québec ou quelque chose du genre. La garantie existe donc bel et bien au Québec.

M. Leon Benoit: Une très large part des placements sont effectués au Québec, n'est-ce pas?

M. Cecil Rotenberg: C'est exact.

M. Leon Benoit: J'ai oublié quel était le pourcentage.

M. Cecil Rotenberg: Cela monte à 70 p. 100.

M. Colin Singer: Cela monte actuellement à 70 p. 100, mais il faut savoir que c'est en partie parce qu'il y a eu un moratoire pendant la période 1994-1995. Le nombre de possibilités de placement offertes sur le marché a diminué, et la province de Québec est devenue de plus en plus intéressante pour les investisseurs, dans l'ensemble. À l'heure actuelle, Québec attire environ 70 p. 100 des investissements, mais si l'on prend en compte l'historique du programme, cette province, à cause du dynamisme du programme qu'elle a offert et de son attrait pour les investisseurs, a réussi à se tailler une participation au Programme d'immigration des investisseurs qui en fait un partenaire à 50 p. 100.

Lorsque j'ai suggéré plus tôt de retarder les réformes envisagées, c'est en partie parce que le gouvernement du Québec se propose actuellement de refondre son propre Programme d'immigration des investisseurs. Je ne peux imaginer que dans le milieu des affaires, une entreprise ne consulterait pas son partenaire à 50 p. 100 et ne lui dirait pas: définissons un programme modèle qui s'appuie sur notre partenariat. Le gouvernement du Québec est définitivement au moins un partenaire à 50 p. 100 et s'il a si bien réussi en ce domaine, c'est à cause du programme qu'il a instauré au fil des années—un programme réussi, cela ne fait aucun doute.

Il faut retarder la mise en oeuvre de ces dispositions réglementaires et en profiter pour consulter le Québec.

M. Leon Benoit: Quelle proportion de l'argent qui est recueilli par le biais du programme québécois est effectivement investie au Québec?

• 0955

M. Cecil Rotenberg: La totalité.

M. Colin Singer: Chaque dollar qu'un investisseur place dans le programme québécois est alloué à une entreprise admissible du Québec. Dans la Loi sur l'immigration, le terme admissible s'applique à toute entreprise qui peut participer et recevoir des fonds recueillis par le biais du Programme d'immigration des investisseurs. Chaque dollar ainsi recueilli est donc investi à 100 p. 100 dans une entreprise québécoise.

M. Leon Benoit: Je ne sais pas si cela répond exactement à la question que j'ai posée. Ce que je veux savoir, c'est quelle proportion de l'argent recueilli est effectivement investie au Québec. Les règles autorisent....

M. Mendel Green: C'est 100 p. 100, monsieur. Ce qui est plus important, c'est que dans le cadre du système de sélection du Québec, qui est différent de celui qu'applique CIC, on fait preuve de bon sens pour traiter les demandes des gens d'affaires. Disons que je me trouve en Chine et que j'ai choisi le programme du Québec qui me propose un placement sûr, je vais pouvoir arriver au Canada dans des délais raisonnables. Si je choisis le programme de la Saskatchewan ou celui de l'Île-du-Prince-Édouard, il va falloir que j'attende pendant trois ou quatre ans. Le Québec va sans doute réduire ce délai de moitié parce que les responsables du programme font preuve de sens commun.

M. Leon Benoit: Monsieur Zaifman, avez-vous des observations à faire là-dessus, sur le fait que la totalité de l'argent recueilli en vertu du programme québécois est effectivement investie au Québec? J'ai entendu divers points de vue à ce propos.

Le président: Monsieur Zaifman.

M. Kenneth Zaifman: Lorsqu'un fonds offre des moyens de financement, que ce soit dans le cadre du programme québécois ou dans celui du gouvernement fédéral, le prêteur va s'assurer que le financement est garanti, que cette garantie provienne de l'entreprise admissible ou, dans le cas d'un fonds fédéral, de l'entreprise dans laquelle l'argent est investi. Cette garantie a un coût.

La somme qui est effectivement investie dans une entreprise admissible peut varier entre aussi peu que 30 000 $ jusqu'à, disons, 100 000 $, tout dépendant de la transaction qui est envisagée. Je ne suis pas vraiment en mesure de vous donner des chiffres exacts. Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans le cas d'un fonds fédéral, et c'est le genre de fonds que je connais le mieux, un établissement financier ne va pas prêter de l'argent, même à un fonds administré par le gouvernement, sans qu'il y ait une forme de garantie. Pour obtenir cette garantie, il faut que le type des placements que les administrateurs de fonds sont obligés d'inclure dans le portefeuille réduisent le risque.

Ainsi donc, normalement, dans le cas d'un fonds public, au moins 50 p. 100 de la somme à investir le sera probablement dans un placement ne comportant aucun risque, une concession publique, ou un autre type d'investissement, un fonds d'infrastructure, qui permet de garantir au fonds le remboursement de la somme investie. Environ 30 p. 100 est probablement consacré à des placements dans de petites et moyennes entreprises. Je pense que c'est ainsi que fonctionne le programme en vigueur à l'heure actuelle.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Si j'avais à décrire votre exposé, j'emploierais trois mots: passion, frustration et honoraires. Je comprends évidemment ce qu'il en est de la frustration et j'aimerais qu'on en discute pour savoir comment on pourrait améliorer le programme.

Tout d'abord, il y a une seule année où le Québec a reçu 71 p. 100 des investissements, et c'est 1997. Si vous le souhaitez, monsieur le président, je suis prêt à déposer un tableau, qui pourrait aussi être remis aux témoins et à mes collègues, sur l'estimation faite par le gouvernement du Québec, sur la ventilation des fonds.

Revenons sur l'aspect administratif des choses. Nous allons déposer un rapport qui, espérons-le, sera pris en considération par la ministre. Concrètement, pour ce qui est de la façon de faire et des réalités administratives, quels amendements souhaitez-vous? Par exemple, j'ai vu qu'un d'entre vous, dans son mémoire, souhaitait qu'on fusionne les trois catégories. Pouvez-vous nous en parler? Vous souhaitez que l'on abaisse le montant; qu'est-ce qui justifie cette demande?

Donc, faites-nous part de vos préoccupations administratives en termes opérationnels pour qu'on puisse faire des recommandations très précises.

J'ai eu plaisir à voir que chacun d'entre vous faisait l'éloge du système québécois. Vous avez raison de rappeler que c'est lié à la sélection. Je pense que c'est l'élément fondamental; la capacité d'aller chercher les bonnes personnes fait qu'on peut avoir les bons investissements.

J'aurai deux autres questions par la suite. Peut-être pourrait-on faire une photocopie de ce tableau et le distribuer à tout le monde.

M. Colin Singer: Quelle était votre première question?

M. Réal Ménard: Que désirez-vous sur le plan administratif? Que souhaitez-vous voir changer concrètement?

M. Colin Singer: Je peux répondre à cette question?

M. Réal Ménard: Bien sûr.

• 1000

M. Colin Singer: Premièrement, je vais revenir un peu en arrière. Dans l'élaboration d'un plan, il ne faut pas commencer par débattre d'un nombre à déterminer en fonction de tel montant d'investissement. Ce n'est pas la bonne façon d'aborder la question. On doit commencer par déterminer combien d'investissements il faut chercher. Quel montant chercherez-vous à l'étranger? À l'aide de cette réponse, vous allez commencer à construire le modèle qui va vous permettre d'atteindre vos objectifs. Vous ne commencerez pas par déterminer un nombre parce qu'il y a de nombreux autres facteurs qui peuvent affecter le nombre d'étrangers que vous souhaitez attirer.

M. Réal Ménard: Si je vous comprends bien, vous souhaiteriez que, quand la ministre dépose annuellement...

M. Colin Singer: Chaque année, oui.

M. Réal Ménard: ...son plan concernant les quotas d'immigration, elle prenne d'abord en considération les besoins en investissements étrangers, par exemple deux millions de dollars. Vous dites que c'est par là qu'il faut commencer. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Colin Singer: En quelque sorte, oui. Cela signifie que le grand plan va maintenant changer. Cela veut dire que le plan n'aura pas connu, au cours des 28 dernières années, d'aussi grands changements que ceux qui se produiraient dans les prochains six mois, parce que cela aurait pour effet de produire un nouveau plan d'immigration. Cela touchera sûrement au programme des investisseurs.

Avant d'introduire une réglementation, il faut se demander à quoi sert une réglementation. Elle sert à apporter de légers correctifs à une loi ou à lui donner une nouvelle orientation. Il n'est pas approprié de commencer par fixer le nombre qu'on veut obtenir.

M. Réal Ménard: Vous êtes tous des avocats et fiers de l'être. Dans l'exercice de votre profession, vous rencontrez des gens qui aimeraient investir au Canada. Cependant, à cause de certaines difficultés administratives, on ne réussit pas à les faire venir. Qu'est-ce qu'on peut changer dans le fonctionnement du système?

[Traduction]

Le président: Monsieur Trister, s'il vous plaît.

M. Ben Trister: Il faut que nous traitions ces gens-là avec respect. C'est incroyable. Ce sont des gens qui ont réussi, qui dirigent des entreprises, qui ont des capitaux à investir au Canada, mais on les renvoie au Pakistan parce que leur femme vient d'avoir un bébé. Il faut que nous mettions en place un système comme celui du Québec, lequel comporte des délais plus précis, où l'on respecte ces délais, qui favorise la responsabilisation, qui détermine de façon assez rationnelle ce que l'on va demander à ces personnes de produire. Ce n'est pas ainsi que nous procédons. Les autorités gouvernementales fixent les résultats à atteindre dans un plan et ensuite, on se contente de hausser les épaules lorsque ces résultats ne sont pas obtenus. Mais on ne modifie pas le système pour corriger les erreurs. On se contente de hausser les épaules et de dire: «Eh bien, c'est qu'il n'y a pas assez de requérants.» Ce n'est pas acceptable.

Il faut dire aux gens clairement ce dont ils ont besoin pour être admissibles. Je vais vous donner deux exemples, dans la ligne des observations de Mendel.

On a parlé de procédures administratives et d'admission anticipée. J'ai un client qui est venu au Canada, qui a établi une entreprise, qui a investi 350 000 $ et qui a déposé une demande pour faire proroger son permis de travail après avoir passé un an ici. Ce monsieur a fait au Canada tout ce qu'un entrepreneur désireux d'obtenir le droit d'établissement promet de faire et fait effectivement après être arrivé ici, mais il est toujours travailleur temporaire. Il a quitté le Canada pour effectuer un voyage d'affaires. Il ne peut pas demander la prorogation de son permis de travail à Vegreville, où cette demande aurait pu être entérinée sans discussion. Il a déposé sa demande dans un bureau des visas du Canada à l'étranger et on lui a dit: «Non, le Canada ne tire aucun avantage substantiel de votre entreprise.»

J'ai appelé la responsable. Je lui ai dit: «C'est moi qui ai inauguré l'entreprise.» C'est assez pathétique; «J'ai inauguré l'entreprise. Je peux vous dire qu'il y a un entrepôt, qu'il y a des ordinateurs, qu'il y a tout ce qu'il faut, que les matériaux sont là. Il a investi son argent et en voici la preuve.» La responsable m'a répondu: «Désolée, le Canada n'en tire pas un avantage suffisant.» Je dis que si les lignes directrices qui s'appliquent aux entrepreneurs exigent un investissement d'environ 100 000 $, la création d'un emploi, pourquoi renverrait-on quelqu'un comme cela chez lui—mon client est resté coincé à New York pendant quatre mois en attendant que son permis de travail soit prorogé et au bout du compte, cette prorogation lui a été refusée deux fois, alors qu'il aurait dû obtenir le droit d'établissement en faisant exactement... car n'oublions pas qu'il a investi trois fois plus que ce que l'on exige d'un entrepreneur. C'est ainsi que nous traitons les gens.

• 1005

J'ai un autre client qui a acheté un restaurant et une salle de banquet. Il emploie je ne sais combien de personnes et il est dans la même situation. Nous ne traitons pas les gens comme il faut.

Le président: Excusez-moi. Monsieur Zaifman, souhaitez-vous faire quelques brèves observations là-dessus?

M. Kenneth Zaifman: J'aimerais répondre à la question, si vous le permettez.

M. Cecil Rotenberg: J'aimerais faire la même chose.

[Français]

M. Réal Ménard: Oui, mais auparavant...

[Traduction]

Le président: Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

Lorsque vous répondez, veuillez vous adresser directement au président.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce que je souhaite, c'est que vous mettiez par écrit les deux exemples que vous nous avez donnés et que vous les soumettiez au comité, sans les noms. Quand nous recevrons les hauts fonctionnaires, nous déposerons ces exemples pour qu'ils comprennent bien que la façon de faire actuelle est inacceptable. Le meilleur service que ce comité puisse rendre, c'est faire comprendre aux gestionnaires que la façon dont ils font les choses, telle que vous nous la décrivez, n'a pas d'allure. Là-dessus, je vous laisse poursuivre.

M. Ben Trister: Certainement.

[Traduction]

Le président: Qui veut répondre à la question?

La parole est d'abord à M. Rotenberg.

M. Cecil Rotenberg: Pour faire avancer la discussion, au lieu d'évoquer des cas particuliers, je vais parler des principes.

Dans la catégorie des investisseurs—au plan des principes—si l'objectif est de recueillir des fonds, en fait, pour dire les choses simplement, en vendant des visas, pourquoi se limiter à des gens d'affaires? Pourquoi ne pas inclure des gens qui ont de l'argent à investir? Des gens qui ont fait un héritage, les fils et les filles qui ont hérité de l'argent de leurs parents. Pourquoi pas? Pourquoi établir comme critère que l'investisseur doit être un homme d'affaires?

Pourquoi établir comme critère qu'il doit s'agir d'une personne qui exploite, contrôle et dirige une entreprise et, par dessus le marché, préciser que la personne en question doit avoir «réussi» en affaires? La réussite d'une entreprise est quelque chose que personne ne peut jamais vraiment déterminer; les états financiers ne sont pas une preuve. Un excellent homme d'affaires qui parvient à contenir les pertes d'une entreprise l'exploite de façon réussie. Alors, pourquoi utiliser ce critère subjectif?

Il y a un autre concept qui entraîne des difficultés systémiques, c'est la notion de «retombées économiques substantielles» qui est accolée à la définition d'entrepreneur, à la définition de travailleur indépendant.

Cette expression est dénuée de sens car elle est subjective et aussi peu susceptible d'être définie que des mots comme «amour», «fibre maternelle», «pays» et «national», etc. On ne peut pas définir cela. Même dans le Guide de l'immigration, on ne définit pas ce que l'on entend par retombées économiques substantielles—c'est écrit en toutes lettres. D'ailleurs, quelles retombées économiques, et encore moins des retombées économiques substantielles, peuvent être générées par un travailleur indépendant?

Ainsi, les mots deviennent des instruments que l'on peut utiliser, si l'on veut, pour rejeter des demandes ou ne pas les prendre en considération. Et pendant ce temps-là, le requérant, qui est dans l'obligation de démontrer qu'il répond aux critères qu'utilisent les agents chargés de délivrer des visas, se demande ce qu'il faut bien faire pour que les preuves qu'il peut fournir correspondent à cette expression si vague?

Le président: J'aimerais maintenant donner la parole à M. Green pour les dernières 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Mendel Green: Dans un rapport que j'ai fait pour l'honorable Sergio Marchi... lorsque j'ai étudié le Programme d'immigration des gens d'affaires, j'ai suggéré que l'on traite les immigrants qui entrent dans cette catégorie avec toute l'efficacité dont on doit faire preuve en affaires—une notion que l'on ne devrait pas prendre à la légère et que personne ne semble comprendre.

Pour parler franchement, il faut que le ministère de l'Immigration dispose de plus de ressources à l'étranger—cela ne fait aucun doute. Il faut que les responsables soient formés de façon à comprendre la psychologie des gens d'affaires. Il faut qu'ils fassent preuve de bon sens et agissent avec le même dynamisme exceptionnel que celui qui anime le programme d'immigration québécois. Ils ne doivent pas se montrer mesquins. Ils doivent respecter les gens d'affaires lorsqu'ils comparaissent devant eux et comprendre qu'ils essaient de venir au Canada pour créer des emplois pour les Canadiens et pour investir dans notre pays. Cela représente des avantages significatifs pour les Canadiens, mais en toute franchise, nous traitons les gens d'affaires comme des moins que rien.

Moi qui pratique le droit depuis près de 40 ans, cela me choque d'en arriver à dire que jamais le système n'a si mal marché. Il faut donc que nous nous attachions à bien former les agents d'immigration.

Le président: Je m'excuse, mais encore une fois, il faut que je me montre assez strict.

Monsieur Green, malheureusement, le temps alloué à cette intervention est écoulé et je vais donner la parole à M. Telegdi. Vous pourrez faire d'autres commentaires quand vous lui répondrez, et certaines questions seront peut-être soulevées à nouveau par d'autres membres du comité.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi à vous, messieurs, d'être venus témoigner.

Lorsque les représentants du ministère ont comparu devant nous tout récemment, je leur ai explicitement demandé s'ils communiquaient avec les avocats spécialisés dans ce domaine et j'ai dit que l'on pourrait peut-être utiliser vos compétences en la matière pour atteindre certains des objectifs qui ont été fixés.

Monsieur Rotenberg, vous avez dit qu'il n'existait pas de poste d'écoute. Quel genre de contacts entretenez-vous, en tant qu'association, avec les bureaucrates du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration?

M. Cecil Rotenberg: Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, je vais reprendre une expression utilisée par Mendel pour qualifier ces relations: cela s'est résumé à trois fois rien, jusqu'à aujourd'hui. Pour la première fois, la ministre a dit: Très bien, je veux créer une sorte de comité. Pour nous, c'est un comité chargé des affaires outre-mer et pour le ministère, il a pour mission «de faire en sorte que les choses marchent mieux».

• 1010

Nous allons être trois ou quatre à rencontrer les membres de ce comité aujourd'hui, à 15 h, afin de leur dire ce que nous pensons. C'est la première fois. Il y a des réunions de liaison semi-annuelles avec le barreau qui n'ont aucun sens. Les représentants du ministère n'approuvent rien, ils se contentent d'être présents—pour se dégager, en surface, de leurs responsabilités. Dans le passé, nous pouvions communiquer avec les missions où l'on délivre des visas. Des gens comme Mendel et moi, à cause de nos années dans le métier—parce que nous sommes des vieux de la vieille, comme certains de ces bureaucrates—avaient la possibilité de leur parler au téléphone, mais ce n'est plus le cas.

Le sous-ministre a dit à ces agents, il y a deux ou trois ans: «Vous n'êtes pas obligés de parler aux avocats, vous ne devriez pas leur parler et nous ne voulons pas que vous leur parliez», et à cause de cela, nous n'avons plus de contacts avec le ministère. Pour eux, c'est peut-être une très bonne chose car, de façon générale, il se peut que de leur point de vue, nous soyons des gens qui posent des problèmes. Mais nous avons un point de vue positif et ils devraient pouvoir nous entendre.

Pour traiter des affaires importantes, comme le cas de certains de ces hommes d'affaires, il devrait être possible de communiquer avec les missions concernées, ne serait-ce que par télécopieur. M. Green peut vous dire qu'il a envoyé bien des fax à certaines missions, sans jamais recevoir de réponse. Je ne me donne même pas cette peine, mais M. Green peut vous dire qu'il essaie de communiquer et qu'il n'y arrive pas. Je pense que cela répond à votre question.

M. Andrew Telegdi: Comme vous le savez sans doute, CIC n'a pas obtenu les résultats escomptés en ce qui concerne les investisseurs et l'immigration économique, et les mêmes objectifs ont été fixés pour l'année à venir.

M. Cecil Rotenberg: Ne pas atteindre les résultats escomptés n'est qu'une partie du problème, c'est aussi une question de qualité. Combien de personnes, parmi celles dont la demande a été approuvée, sont véritablement des investisseurs de qualité? C'est le deuxième volet du problème. Étant donné qu'il y a de longues listes d'attente, on peut en conclure qu'il y a beaucoup d'intéressés et que ce n'est pas très grave si nous faisons des erreurs; il est plus efficace de traiter tout simplement demande après demande. En réalité, nous y perdons sur le plan de la qualité. C'est pour vous dire cela que nous sommes ici.

J'aime citer un proverbe chinois pour décrire la façon dont nous avons envisagé l'immigration au cours de l'année écoulée. Peut-être que Mme Leung le connaît: Confucius dit que la grenouille qui est au fond du puits a une vue très limitée du ciel. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que les membres du comité ont fait preuve de clairvoyance en invitant les avocats à donner leur point de vue parce qu'ainsi, ils auront une meilleure vue du ciel. Vous voyez ce que je veux dire.

M. Andrew Telegdi: Monsieur le président...

Le président: Monsieur Telegdi, excusez-moi, mais M. Trister et M. Singer aimeraient également répondre à votre question. Je dois aussi m'en remettre aux membres du comité pour décider à qui adresser leurs questions, étant donné le peu de temps dont nous disposons. Êtes-vous d'accord pour laisser M. Trister et M. Singer répondre également à cette question?

M. Andrew Telegdi: Peut-être l'un d'entre eux, car il y a une autre question que je veux...

Le président: Très bien, monsieur Trister, allez-y et ensuite, nous passerons à la question suivante.

M. Ben Trister: Il fut un temps où le ministère considérait l'Association du Barreau canadien comme un partenaire. C'était l'expression utilisée au ministère lorsque le projet de loi C-86 a été élaboré. Certains d'entre nous—je ne faisais pas partie de ce groupe—ont été invités à s'asseoir avec les représentants du ministère et à procéder à une évaluation article par article de ce texte législatif qui y a beaucoup gagné.

Je viens de lire le texte portant sur la citoyenneté. Je peux vous dire que ce texte comporte des failles fondamentales au plan de l'énoncé, sans parler de la politique sous-jacente, et qu'il faudra y apporter des amendements; or, nous aurions pu aider le ministère en ce sens avant le stade de la première lecture. Le ministère ne considère plus l'Association du Barreau canadien comme un partenaire. On veut nous tenir à distance. On veut nous mettre dans la même catégorie que les experts-conseils et d'autres intervenants.

J'ai fait allusion au fait que nous avions décidé d'exercer de sérieuses pressions, même à nos propres frais, au nom de l'association—ou du moins c'est ce qui semble ressortir des votes qui ont été exprimés jusqu'ici—parce qu'à titre d'avocats, nous n'arrivons pas à nous faire entendre comme nous le devrions. Dans ce contexte, ce ne sont pas nos clients que nous représentons; nous représentons la population, les intérêts du Canada, comme vous le faites vous-mêmes. C'est le rôle que tient l'Association du Barreau canadien. Il faut que nous soyons autorisés à faire notre travail, et le ministère ne nous le permet pas parce qu'il veut avoir les coudées franches. Il veut continuer à rationaliser le système et à le rendre aussi rapide et aussi peu coûteux à exploiter que possible, et tant pis pour ceux qui passent à travers les mailles du filet.

Mendel a évoqué la question de la qualité et a dit que nous laissions échapper d'excellentes recrues. Lorsque nous reviendrons vous parler du texte sur la citoyenneté, si vous nous invitez, vous serez choqués de constater à quel point les dispositions qu'il contient nous interdiront de recruter d'excellents immigrants que tout pays voudrait accueillir.

• 1015

Le président: Excusez-moi, monsieur Rotenberg.

Monsieur Telegdi, s'il vous plaît.

M. Cecil Rotenberg: Pourrais-je juste ajouter une remarque?

Le président: Seulement si M. Telegdi est d'accord.

M. Andrew Telegdi: Très rapidement.

M. Cecil Rotenberg: Les représentants du ministère ont cessé de nous parler. Ils ne nous écrivent même plus au nom de certains clients à Pékin, à Bonn et à Vienne. Ils disent: «Nous ne voulons pas que vous interveniez de quelque façon que ce soit. Nous allons traiter directement avec le client et avec personne d'autre.»

M. Andrew Telegdi: Monsieur Green, dans vos remarques liminaires, vous avez mentionné quelque chose à propos de la citoyenneté. Si je comprends bien, vous avez un mémoire à nous remettre et j'espère que vous nous le laisserez.

M. Mendel Green: J'ai inclus dans le présent mémoire, à la page 31, un rappel du paragraphe 6(1) de la Loi sur la citoyenneté qui exige de ceux qui font une demande de citoyenneté d'avoir été présents physiquement au Canada au cours de quatre des cinq années précédant le dépôt de leur demande. Cela a pour effet d'«emprisonner» les gens d'affaires au Canada. Ils ne peuvent pas quitter le Canada s'ils veulent devenir citoyens. Un des grands incitatifs...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais il sera plus approprié d'étudier le projet de loi lorsqu'il aura été transmis au comité. Vous avez lancé l'idée...

M. Mendel Green: Oui, c'est dans le mémoire.

Le président: ...et nous allons nous concentrer sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Monsieur Singer, aimeriez-vous faire des observations sur cette question?

M. Colin Singer: Oui, si vous me permettez de faire tout simplement un résumé à l'intention du député: ce que nous avons essayé de souligner, c'est qu'il faut décider d'allouer plus de fonds à ce programme. Le système pose des problèmes, notamment celui des objectifs chiffrés qui doivent être atteints. Plusieurs députés ont posé des questions concernant les chiffres et l'importance qu'on leur accorde chaque année.

Tout d'abord, il faut bien comprendre que, selon nous, le processus qui a été suivi n'est pas approprié. En effet, on établit d'abord les cibles à atteindre et ensuite, on définit les objectifs. Il faut définir les objectifs et ensuite, dégager les fonds nécessaires pour les réaliser. Si l'on n'est pas prêt à allouer les sommes nécessaires pour atteindre les cibles qui ont été fixées, les chiffres ne veulent rien dire lorsqu'ils sont publiés.

Le président: Merci, monsieur Telegdi.

Madame Folco.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme mon collègue de l'opposition, je suis également très heureuse d'entendre dire que le Québec fait quelque chose de bien. Je viens du Québec, comme vous l'avez probablement deviné, et je connais assez bien le programme des investisseurs de cette province, étant donné que j'ai participé à son élaboration. Ce que j'aimerais que l'un d'entre vous, messieurs, m'explique, c'est en quoi consistent les avantages du système québécois et les défauts du système fédéral.

Au tout début, le Québec a connu de très sérieux problèmes. Le programme ne décollait pas et ensuite, quelque chose s'est passé et maintenant, tout va très bien. J'aimerais donc que vous me disiez ce qui, très concrètement, fait le succès du programme québécois.

J'aimerais faire remarquer que nous allons examiner la Loi sur l'immigration en temps opportun, après la deuxième lecture, cet automne, sans doute, et il serait peut-être alors bon de vous inviter, messieurs, ou un représentant de l'Association du Barreau canadien, à revenir et à nous parler des investisseurs et des gens d'affaires dans le contexte économique général, et au plan de l'immigration. Mais j'aimerais que vous répondiez à cette première question.

Le président: Qui va répondre? Commençons par M. Zaifman, étant donné qu'il vient de l'Ouest.

M. Kenneth Zaifman: C'est exact, et je me sens donc parfaitement à l'aise pour faire des observations sur le système québécois. Tout d'abord, il y a le financement accordé dans le cadre de ce système. Avec un niveau d'investissement de 350 000 $, le programme n'était pas concurrentiel avant que l'on y ajoute la possibilité de se prévaloir de moyens de financement. Deuxièmement, il y a le fait que les prêts consentis aux investisseurs sont sans recours; autrement dit, l'investisseur n'est pas redevable de cette somme. Troisièmement, les autorités québécoises sont beaucoup plus libérales—si je peux me permettre d'utiliser ce mot...

M. Réal Ménard: Avec précaution.

Mme Raymonde Folco: C'est un excellent mot. N'ayez pas peur de l'utiliser.

M. Réal Ménard: Madame Folco, contrôlez-vous.

M. Kenneth Zaifman: ...et beaucoup plus portées à apporter des correctifs à la façon dont on traite les immigrants, non pas en groupe, mais individuellement. Les critères de sélection entraînent des obligations beaucoup moins lourdes pour les requérants que le système fédéral, et le traitement des demandes est beaucoup plus rapide.

Ce qui est tragique—si je peux m'exprimer ainsi—c'est que les investisseurs sélectionnés par le Québec ne résident pas dans cette province. Si vous examinez les chiffres, vous verrez qu'entre 70 et 80 p. 100 des sommes investies dans le cadre du programme le sont au Québec. Or, je dirais que pas plus de 20 p. 100 des investisseurs eux-mêmes résident au Québec. Cela veut dire qu'ils ont choisi le Québec parce que le processus est plus rapide, que les critères de sélection sont moins étroits et qu'avec les possibilités de financement, le programme est désormais concurrentiel—c'est la raison pour laquelle cette province attire plus d'investissements et c'est aussi la raison pour laquelle elle en attirera encore davantage dans le cadre de ce nouveau système.

• 1020

Le président: Madame Folco, quel est le témoin...?

Mme Raymonde Folco: Peu importe, si vous êtes sûr de pouvoir répondre, allez-y, s'il vous plaît.

M. Kenneth Zaifman: Si c'était la condition à remplir, peut- être aurais-je mieux fait de me taire.

[Français]

M. Colin Singer: Je peux ajouter deux autres éléments.

Mme Raymonde Folco: Allez-y.

M. Colin Singer: C'est le secteur privé, au Québec, qui est mandaté pour administrer le programme. Il y a des sociétés de courtage qui sont responsables de mettre en place le programme. Cela exige un programme de marketing. C'est un élément qui existe actuellement dans le programme québécois et on pense qu'avec la nouvelle loi fédérale, il sera éliminé. Or, le marketing est très important pour le succès d'un programme d'immigrants investisseurs. C'est une des raisons du succès remporté au Québec.

[Traduction]

M. Kenneth Zaifman: J'ai juste une dernière chose à ajouter, à propos des commissions. Le programme québécois prévoit des commissions, pour les démarcheurs, les experts-conseils ou les avocats, sensiblement plus élevées que le programme fédéral. Je dirais que dans le cadre du programme québécois, un investisseur peut être appelé à verser 30 000 $ de commissions, alors que dans le cadre du programme fédéral, le maximum est peut-être de 20 000 $.

Le président: Monsieur Green.

M. Mendel Green: J'aimerais voir les choses de façon positive. Malheureusement, CIC va saboter l'efficacité du programme québécois parce que, récemment, le ministère a entrepris de vérifier les antécédents de candidats qui avaient été sélectionnés par le Québec et dont la demande avait été traitée de façon efficace et rapide. Et ce qui est vérifié, c'est la source de leurs avoirs, depuis le premier dollar acquis il y a 25 ans. Cela freine le processus en place au Québec.

Ce n'est pas une chose qui est connue de tous les avocats spécialistes du droit de l'immigration, mais récemment, trois avocats du Québec ont appelé notre cabinet pour obtenir de l'aide sur la façon de préparer les documents pour la division du crime organisé. Des gens appartenant au SCRS effectuent maintenant des vérifications dans le contexte du processus d'immigration qui, jusqu'ici, marchait fort bien dans la province de Québec. Je dirais donc qu'à l'avenir, à cause de cette nouvelle intervention axée sur la sécurité, le système québécois va être ralenti, comme dans le reste du Canada.

Mme Raymonde Folco: Est-ce que je dispose d'une autre minute, monsieur le président?

Le président: Oui, allez-y, s'il vous plaît, madame Folco.

Mme Raymonde Folco: J'aimerais vous donner ma réaction à une remarque qui a été faite. Je pense que c'est vous, monsieur Singer, qui avez parlé de cela plus tôt. Vous avez évoqué les critères ayant trait à l'âge, à la langue et au niveau d'instruction qui s'appliquent aux immigrants. La ministre a déjà rendu le livre blanc public. D'après ce que je comprends, un des importants critères qui déterminera l'orientation que reflétera probablement le projet de loi sur l'immigration et les réfugiés et qui sera appliqué aux immigrants indépendants, toutes catégories confondues, c'est la souplesse, la faculté d'adaptation au style de vie canadien, ainsi que les aptitudes requises pour trouver du travail, etc.—des critères d'ordre plus général. Ce sont des critères qui peuvent être très subjectifs, je l'admets, et qui par conséquent, ne sont pas sans risque, mais il me semble que nous nous éloignons ainsi des critères ayant trait à l'âge, à la langue et au niveau d'instruction.

M. Colin Singer: Madame la députée, ce n'est pas tout à fait exact. Si vous le permettez, j'aimerais apporter une petite précision. Je suis d'accord en partie avec ce que vous dites.

J'ai ici un exemplaire de «De solides assises pour le 21e siècle». C'est le document que nous appelons le livre blanc, qui renferme l'essentiel des propositions contenues dans le livre blanc. Dans ce document, il y a un paragraphe dans la section intitulée «Moderniser le mode sélection des travailleurs qualifiés et des gens d'affaires» où on peut lire la phrase suivante:

    Le gouvernement propose d'ajouter, pour les entrepreneurs et les investisseurs, des conditions explicites portant sur l'expérience des affaires

...et je le souligne...

    les études et la connaissance d'une langue officielle.

J'ajouterai que pour consolider l'intégrité du programme, on exigera également que les requérants établissent la provenance de leur capital.

D'après cette proposition avancée dans le livre blanc, CIC envisage d'accorder à ces facteurs une grande considération lorsqu'il mettra en oeuvre les nouveaux règlements ou, devrais-je dire, a nouvelle Loi sur l'immigration complétée par des règlements. Ces facteurs sont de première importance.

Mme Raymonde Folco: Merci beaucoup.

Le président: Je donne la parole à M. McNally.

Vous le savez sans doute, avec Mme Folco, nous avons commencé le cycle des interventions de cinq minutes. Monsieur McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

• 1025

Il me semble que vous vous accordez tous pour dire que le système pose de sérieux problèmes qu'il faut régler. Vous vous êtes concentrés sur un bon nombre d'entre eux. Nous avons en main beaucoup d'information, et le temps dont nous disposons est très limité; avant que vous nous quittiez, pourriez-vous juste nous dire où trouver exactement, dans les documents que vous nous avez transmis, les explications correspondant à vos recommandations, pour que nous puissions faire un suivi plus tard?

Il me semble aussi, d'après ce que vous avez dit, que le programme du Québec est plus concurrentiel auprès des immigrants pour qui il s'agit d'une destination possible parmi tant d'autres à travers le monde. Selon vous, semble-t-il, CIC, au lieu de chercher à rendre le Canada plus concurrentiel, tente de modifier le programme québécois et de le rendre moins attractif.

M. Colin Singer: C'est tout à fait vrai.

M. Grant McNally: Telle est la situation, selon vous. Je ne vais certainement pas discuter le bien-fondé des informations que vous nous avez transmises aujourd'hui.

Mme Folco et M. Ménard ont parlé des caractéristiques du programme québécois qui en font tout l'avantage, et vous nous avez aussi donné pas mal de renseignements à ce sujet. Quelle est maintenant la prochaine étape pour faire avancer les choses en ce sens?

Le président: À qui adressez-vous la question?

M. Grant McNally: À qui veut bien y répondre.

Le président: Je donne la parole à M. Green et ensuite, à M. Singer.

M. Mendel Green: Contrairement à ce qui est suggéré dans le livre blanc, la ministre pourrait peut-être décider que savoir compter, par opposition à savoir parler anglais ou français, est beaucoup plus important. Il faut faire preuve de bon sens. Le Québec envoie des gens sur le terrain et recrute des entrepreneurs. Récemment, j'ai fait quelques voyages pour promouvoir le Programme d'immigration des investisseurs de l'Île-du-Prince-Édouard et de l'Ontario. Voici ce que m'ont répondu les immigrants investisseurs: «Pourquoi irais-je placer mon argent dans vos fonds, alors que des agents du Québec viennent visiter notre usine?» Savez-vous que nos conseillers en développement économique en poste à travers le monde n'ont jamais de contacts avec les responsables de l'immigration et ne visitent pas les usines, ni les entreprises pour s'assurer que les immigrants potentiels sont bel et bien des entrepreneurs? Pour CIC, si un requérant ne peut pas présenter des états financiers de la qualité de ceux qui sont préparés par KPMG, on peut faire une croix sur sa demande.

C'est une situation impossible. Je dis qu'il faut faire preuve de sens pratique et de bon sens. C'est tout ce dont nous avons besoin, et c'est ainsi que procède le Québec. Le Québec est dynamique, et c'est tout à son honneur.

Le président: Monsieur Singer.

M. Colin Singer: Dans la ligne des remarques de mon collègue, personnellement, j'aimerais avoir des informations—je pense d'ailleurs que c'est vous, mesdames et messieurs les députés, qui devriez les demander—sur le coût de chaque heure consacrée par un agent des visas au dossier d'un immigrant investisseur pour lui permettre de venir au Canada. Combien de temps cela prend-il? C'est un facteur très important pour déterminer quelle somme nous devons allouer au programme destiné à faire venir des investisseurs au Canada. Si nous savons combien de temps on doit consacrer à chaque dossier, si nous savons quelle est la main-d'oeuvre requise, si nous savons combien d'argent il faut pour faire venir au Canada des gens qui vont investir des millions et des millions de dollars, nous aurons en main des renseignements qui ont beaucoup d'importance, et ensuite, on pourra élaborer un texte législatif pour mettre en oeuvre les objectifs qui auront été fixés.

Je me permets de signaler au comité qu'aujourd'hui, il n'existe aucune statistique de ce type dans le contexte qui nous occupe.

Le président: Monsieur McNally.

M. Grant McNally: J'aimerais m'attarder sur la notion de responsabilité, parce que vous avez tous indiqué, à un point ou à un autre, qu'il existait une différence à ce titre entre le système québécois et le système fédéral appliqué dans le reste du Canada. Selon vous, en quoi consiste la plus grande différence au plan de la responsabilité? Manifestement, ce que vous dites, c'est qu'au Québec, on fait preuve de responsabilité et qu'ailleurs, ce n'est pas le cas, du moins pas autant.

M. Cecil Rotenberg: Les responsables de l'immigration du Québec viennent de signer un accord avec le barreau québécois. C'est donc exactement le contraire de ce qui se passe ici. Nous, on nous dit de ficher le camp, alors que le ministère de l'Immigration du Québec dit aux membres du barreau de cette province: soyez les bienvenus, nous voulons entendre ce que vous avez à dire.

Pas besoin de nous dire que nous sommes des partenaires, mais le système nous concerne bel et bien. Nous représentons des clients. C'est l'un des titres auxquels le système nous concerne.

Autre chose: pour ce qui est de l'administration du programme touchant le reste du Canada, le ministère de l'Immigration utilise des agents des visas désignés sur place. Des gens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne, aucun lien avec le Canada, décident ce qui est dans l'intérêt du Canada, ce qui constitue des retombées économiques substantielles. Je n'arrive pas à comprendre cela. Je trouve cela absolument déconcertant.

Troisièmement, les missions à l'étranger consacrent plus de temps à la catégorie des conjoints qu'à celle des gens d'affaires. Voilà trois facteurs qui, à mes yeux, sont clairement liés à la notion de responsabilité.

Le président: Monsieur McNally, M. Zaifman voudrait ajouter quelque chose.

M. Kenneth Zaifman: Je pense que le critère que j'utiliserais se résumerait à traiter les avocats un peu moins bien que l'on traite les députés. Je vous invite donc à fixer les critères de responsabilité qui s'appliqueraient à vous-mêmes et à les faire respecter. Nous vous emboîterons le pas. Je sais par expérience que les députés ont de la difficulté à obtenir, au nom de leurs électeurs, des réponses claires en temps utile—alors, peu importe les avocats, alors qu'ils ont, en la matière, un intérêt direct.

• 1030

Je vous renvoie donc la balle. Si vous pouvez résoudre le problème ou si vous pouvez intervenir et vous faire entendre, je serai heureux de vous emboîter le pas.

Le président: Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

M. Grant McNally: Nous partageons certaines de vos frustrations.

Le président: Il nous reste 30 secondes. Monsieur Trister.

M. Ben Trister: Je veux simplement dire qu'en matière de responsabilité, l'exemple doit venir d'en haut. Pendant les inondations au Manitoba, le gouvernement a pris une initiative qui nous a rendus fous furieux: une modification de la réglementation a été déposée pour remplacer la CCDP, la Classification canadienne descriptive des professions par la CNP. Dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, on disait que seul un petit nombre de personnes allaient être affectées. De notre point de vue, en disant cela, le ministère transmettait au Parlement des informations erronées. En tant qu'avocats, nous avons trouvé cela extrêmement choquant.

Nous avons dit aux autorités qu'une telle modification allait faire disparaître 40 p. 100 de l'immigration indépendante. On n'a pas tenu compte de notre point de vue parce que, je pense, on voulait vraiment aller de l'avant. À mon avis, ce qu'on recherchait, c'était constituer une réserve de plus haut niveau. Peu importe que le nombre d'immigrants décline, si c'est ce que l'on gagnait en retour. Mais il n'y a pas eu de débat public. On a éliminé—d'après les chiffres, il y a eu une baisse de 30 p. 100. Ce n'est pas un hasard. Il y a plusieurs raisons à cela, entre autres, la mise en oeuvre de la CNP. Si la ministre et le ministère peuvent agir ainsi auprès du Parlement en toute impunité, vous pouvez facilement imaginer qu'en ce qui concerne les immigrants potentiels, le ministère est persuadé qu'il peut agir comme bon lui semble sans que personne s'en aperçoive.

Le président: Sur ce, je donne la parole à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, je vous annonce qu'à la fin de mon intervention, je vais déposer une motion, au sujet de laquelle je donne un préavis. Je souhaiterais la lire maintenant et j'aimerais qu'elle soit mise aux voix à notre prochaine réunion.

Je trouve nos témoins très intéressants et très attachants. Je crois qu'ils ont une grande expertise à partager avec les membres de ce comité.

J'aimerais revenir sur deux affirmations que vous avez faites. L'un d'entre vous—je pense que c'est le premier intervenant—a dit qu'il fallait attendre trois ou quatre ans avant que les gens d'affaires soient rencontrés en entrevue. Ai-je bien compris?

Deuxièmement, quel lien faites-vous entre tout cela et la déclaration de nos hauts fonctionnaires qui, lors de notre première rencontre de travail, nous ont dit, et je les cite:

    Le 1er juin 1998, neuf bureaux des visas à l'étranger ont été désignés comme centres d'immigration des gens d'affaires.

Tous les gens d'affaires doivent présenter leur demande dans l'un de ces neuf bureaux.

[Traduction]

Le président: Est-ce que cela fait partie de la motion ou du débat relatif à cette motion?

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous ne me suivez pas bien. J'échange quelques propos gentils et informels avant de déposer ma motion. Voulez-vous que je la dépose tout de suite?

[Traduction]

Le président: Non, non, c'est juste une question de procédure...

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux que vous soyez heureux.

[Traduction]

Le président: Si vous donnez un avis de motion, j'aimerais alors entendre d'abord cette motion. Je pense qu'étant donné que nous entendons des témoins aujourd'hui...

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord, mais n'abrégez pas le temps dont je disposerai par la suite. Autrement, je présenterai ma motion une fois écoulé le temps qui m'est alloué.

[Traduction]

Le président: Je vous permets de reprendre l'interrogatoire des témoins, s'il vous plaît.

[Français]

M. Réal Ménard: D'accord, et je poserai des questions ensuite.

    Considérant l'expertise considérable dont est détenteur le Barreau du Haut-Canada concernant l'immigration économique, il est proposé par le député d'Hochelaga—Maisonneuve que l'on organise une table ronde de discussions avec les hauts fonctionnaires responsables de l'immigration économique et les témoins qui ont représenté le Barreau du Haut-Canada, à savoir MM. Green, Trister, Rotenberg, Singer et Zaifman.

Je veux que les hauts fonctionnaires, ces avocats et nous, les députés, ayons un échange pour comprendre véritablement les problèmes.

C'est le texte de la motion, monsieur le président, et je souhaite pouvoir poser d'autres questions.

M. Colin Singer: Puis-je l'appuyer?

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de vérifier avec la greffière. Quelle est notre politique officielle à propos des motions? Devraient-elles être bilingues?

[Français]

M. Réal Ménard: Ne commencez pas, monsieur le président!

[Traduction]

Le président: Je voulais juste être tout à fait sûr, monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Pas du tout, pas du tout. C'est une excellente motion et je veux vous la dédier, madame Folco.

[Traduction]

Le président: Très bien, l'avis de motion est accepté.

[Français]

M. Réal Ménard: De très bons témoins, très, très bons témoins.

Monsieur le président, est-ce que mon temps recommence à courir à partir du point zéro?

[Traduction]

Le président: Vous avez donné un avis de motion au cours de la période consacrée à l'interrogatoire des témoins. C'est une façon de faire très novatrice, sauf que, bien entendu, votre temps de parole est diminué d'autant.

[Français]

M. Réal Ménard: Non.

[Traduction]

Le président: Il vous reste une minute.

[Français]

M. Réal Ménard: Non, non, non, non.

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Réal Ménard: J'ai aussi fait du droit, monsieur le président.

Ce que je veux comprendre, ce sont les causes qui, à votre avis, font qu'il peut s'écouler trois ou quatre ans avant que quelqu'un soit reçu en entrevue.

• 1035

[Traduction]

Le président: Qui veut répondre à la question?

Monsieur Green.

M. Mendel Green: Vous avez demandé que l'on vous donne des exemples de ce qui se passe depuis juin 1998.

Dans le mémoire, vous trouverez deux exemples de cas traités par des centres d'immigration des gens d'affaires, ainsi que les lettres fixant des rendez-vous au 12 mai 2000 et au 26 juin 2000. Après l'entrevue, il y a les examens médicaux et les vérifications d'antécédents. On parle donc, du début à la fin du processus, de trois ou quatre ans. Pour quelle raison en est-il ainsi? Je ne peux vous donner aucune raison qui tombe sous le sens.

M. Colin Singer: Je peux vous en donner une qui explique en partie la situation. C'est que les ressources consacrées à ce programme ont baissé, considérablement, année après année, depuis 1995.

Vous avez évoqué tout à l'heure un incident, et j'étais prêt à intervenir, mais cela ne se justifie plus maintenant.

Le problème qui se pose est le suivant: disons que vous retenez les services d'un avocat et que tout vous permet de penser que votre dossier est étudié par quelqu'un qui a x années d'expérience... mais si c'est à un agent parajuridique que le travail est confié, cela ne va pas vous plaire et vous allez craindre que votre affaire ne soit pas traitée comme il se doit.

Ce qui arrive à l'heure actuelle dans tous les bureaux des visas à l'étranger, c'est que le ministère embauche du personnel sur place. Il confie à ces employés toute la gamme des responsabilités liées à l'administration de notre Loi sur l'immigration et de nos règlements. Ces employés ne sont pas du tout bien formés, et ils sont probablement payés moins cher que des ressortissants canadiens et pourtant, le ministère prétend qu'à partir de maintenant, il va pouvoir mettre en oeuvre son programme. Ce qui arrive—et mon collègue a donné des exemples de difficultés législatives, de contestations devant les tribunaux, toute une série de problèmes—c'est que les délais se prolongent indûment.

La corruption est également un problème. Lorsque vous engagez du personnel sur place, vos coûts sont moins élevés, mais vous ne réalisez pas vos objectifs, cela entraîne des problèmes qui affectent tout le système et bien entendu, cela mène à des gros titres dans le Globe and Mail sur la corruption.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous avez parlé de corruption?

M. Colin Singer: Absolument. Cela existe.

M. Réal Ménard: Oui, cela existe. Ne nommez pas de noms, mais donnez-nous des exemples.

M. Colin Singer: Récemment, en 1997, à l'ambassade de Damas, il y a eu un problème, soit l'omission de 150 000 $ canadiens. Cela s'est produit parce qu'une personne locale était responsable de gérer les right of landing fees. Cela s'est produit après une année. Cela a créé un trou du même montant dans le système. Cela a été attribué à un peu de corruption. Je n'ai pas tous les détails.

Mes quatre collègues peuvent soutenir que la corruption n'est pas le problème, que ce n'est pas la raison pour laquelle il faut patienter pendant quatre ans pour obtenir une entrevue ou pour qu'on finalise un dossier. À mon avis, c'est dû au manque de financement du programme.

Le président: Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Voici une dernière question courte. Vous avez également mentionné une deuxième inquiétude. Vous dites que les agents d'immigration ne sont pas sensibles à la culture des gens d'affaires. Que voulez-vous dire exactement?

[Traduction]

Le président: Monsieur Trister.

M. Ben Trister: On ne fait pas la distinction entre les gens d'affaires et les autres requérants. Quand vous êtes agent de l'immigration, vous n'êtes pas appelé à traiter seulement les cas parfaits, notamment dans une situation où les cas vraiment solides font l'objet de dispenses, et bien des agents ont l'habitude de voir des dossiers peu convaincants. Si l'on vous transmet un dossier en vous demandant d'organiser une entrevue, vous vous demandez pourquoi le requérant n'a pas fait l'objet d'une dispense et vous avez des soupçons dès le départ. Alors, au lieu de vous montrer accueillant... la psychologie fondamentale, au sein du ministère, n'est pas la bonne. Elle est axée sur l'exécution de la loi; elle ne prend pas en compte l'intérêt supérieur du Canada. Les deux cas que je vous ai signalés sont des exemples parfaits à cet égard.

Je peux vous donner brièvement un autre exemple, celui d'un gars qui faisait partie des cadres d'une société chinoise. Il a créé ici une entreprise, il a investi ici 1,5 million de dollars provenant de cette entreprise, il est devenu en trois ans le plus gros producteur dans son secteur d'activités, il a enregistré des ventes de 11,5 millions de dollars et pourtant, sa demande a été rejetée.

Le président: Sur ce, je vais maintenant donner la parole à Mme Augustine.

M. Colin Singer: J'ai une observation à faire, si vous le permettez.

M. Réal Ménard: Je souhaite avoir certaines informations.

Le président: Si tout le monde est d'accord, allez-y.

M. Colin Singer: Merci beaucoup.

Vous savez, c'est un pur hasard si je suis ici aujourd'hui. Je dois assister à une autre réunion cet après-midi. J'ai préparé un document de cinq pages qui donne un aperçu des raisons pour lesquelles l'ambassade du Canada à Séoul, le centre d'immigration des gens d'affaires qui se classe troisième en importance, est devenu un véritable bourbier où les demandes s'enlisent pendant près de trois ans, comme l'ont mentionné mes collègues en donnant d'autres exemples.

J'aimerais vous lire quelque chose qui va vous donner une idée des problèmes que le programme a soulevés et auxquels il va falloir faire face à l'avenir. Il s'agit d'une lettre que j'ai obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il n'y a rien de secret. C'est une lettre de M. Stanley Pollin, gestionnaire de programme à l'ambassade de Séoul, dans la section des visas d'immigration. Il déclarait en 1997—et nous pourrions probablement savoir quelle est la source de cette information:

    Parmi les demandes à traiter, nous avons 1 664 cas actifs, dont 1 130 n'ont pas encore fait l'objet d'une évaluation sur papier. Pour cette raison, il faut prévoir que le traitement des demandes des gens d'affaires prendra de 30 à 36 mois (ce qui, pensons-nous, va aboutir concrètement à l'élimination des demandes dans les catégories des gens d'affaires et des entrepreneurs, étant donné que les dirigeants de petites et moyennes entreprises qui planifient leurs activités à si long terme sont rares).

• 1040

M. Pollin a signalé ces problèmes il y a deux ans et demi, et ils continuent d'exister dans une certaine mesure aujourd'hui.

Le président: C'est Mme Augustine qui a la parole.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens également à remercier les experts en droit qui sont devant nous. Quant à moi, qui suis députée, je vous demanderai de vous mettre à notre place car en bout de ligne, nous aurons à prendre des décisions.

Nous avons un nouveau Programme d'immigration des investisseurs qui doit être mis en oeuvre à partir du 1er avril 1999. Vous nous avez donné des preuves vraiment accablantes des problèmes liés à l'exploitation du programme, au comportement des responsables et aux véritables difficultés que présente le programme lui-même, selon vous. Il y a une chose que j'aimerais tirer au clair en vous posant une question très subjective. Avez- vous quelque chose à perdre si le programme est modifié comme prévu? Cela touche directement vos activités en tant que juristes. Je veux simplement commencer par tirer cela au clair.

Deuxièmement, j'aimerais vous demander si, à votre avis, le programme comporte certains points forts. Si vous étiez assis de ce côté-ci de la table, quel genre de suggestion feriez-vous? Vous nous avez dit quels sont les défauts du programme, mais a-t-il certains points forts ou existe-t-il un moyen pour que ce programme puisse...?

Le président: Monsieur Green.

M. Mendel Green: Permettez-moi de vous dire que plus le programme présente de difficultés, plus il devient impossible à gérer, plus nos revenus vont augmenter, en tant qu'avocats. Donc, nous avons tout à gagner d'un processus mis à mal par le ministère. En tant que Canadiens, cependant, nous voulons voir le programme bien fonctionner.

En ce qui concerne le Programme d'immigration des investisseurs que l'on se propose d'appliquer à partir du 1er avril, tous les avocats qui font partie de l'Association du Barreau canadien s'accordent pour dire que l'entrée en vigueur du nouveau système devrait être retardée. En toute franchise—et je ne dis pas cela à la légère—vous manqueriez à vos devoirs si vous laissiez ce programme entrer en vigueur, sachant ce que vous savez maintenant et ce que l'avenir réserve. Je ne pense pas que je puisse dire les choses plus simplement.

Le président: Monsieur Zaifman, souhaitez-vous répondre à la question?

Monsieur Zaifman.

M. Kenneth Zaifman: Je n'ai aucun devoir de réserve à cause d'une affiliation quelconque, et je peux donc dire ce que je pense. Si je devais rédiger les règlements portant sur l'immigration des investisseurs, j'éliminerais les possibilités de financement. Je laisserais le montant minimum des placements au niveau où il est actuellement, tout comme les exigences en matière d'avoirs nets. Rien, dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation ne démontre que les exigences concernant les avoirs nets stipulées dans l'ancienne loi ne conviennent plus. J'autoriserais les provinces à créer ce que j'appellerais des fonds à guichet provincial. Laissons les provinces décider où elles veulent que l'argent soit placé. Je modifierais la définition d'investisseur et, essentiellement, je laisserais les gens immigrer ici à titre d'investisseurs. La seule obligation à remplir serait de pouvoir certifier ou prouver que l'argent en question a été gagné de façon licite.

Autrement dit, vous avez entendu parler des problèmes administratifs liés au traitement des demandes transmises par des investisseurs. On vous a parlé du système québécois où nombre de ces obstacles ont été éliminés. Je dis, moi, que la définition d'investisseur devrait être beaucoup plus claire. Nous devrions permettre à certaines personnes qui ont les ressources financières nécessaires d'immigrer à titre d'investisseurs. Cela aurait des retombées économiques, même si les personnes en question n'ont pas d'expérience des affaires. Ceux qui veulent se lancer en affaires ou ont trouvé une entreprise dans laquelle ils souhaitent investir pourraient le faire. Il suffit de simplifier la définition.

• 1045

Peut-être n'est-ce pas prendre en compte la réalité que de se plaindre de la façon dont le programme est exécuté et d'un manque de ressources. Je pense que tous les ministères en sont au même point et que, peut-être, le ministère de l'Immigration a un peu trop serré les cordons de la bourse. Mais si vous me demandez quelles sont les quatre initiatives que je prendrais, ce sont celles dont je viens de parler.

Je limiterais également, dans une certaine mesure, les frais qui pourraient être perçus à un pourcentage de la somme qui est placée, de façon à ce que l'investissement net dans une entreprise admissible ou dans un fonds représente 90 p. 100 de la somme à placer. Si on limite les frais, les coûts de commercialisation, les frais généraux, on peut en avoir plus pour son argent. Voilà ce que je ferais.

Le président: Monsieur Singer.

M. Colin Singer: Monsieur le président, madame la vice- présidente, je vais adopter un point de vue un peu différent de celui de mon collègue, M. Zaifman, car je ne sais pas quelles sont les intentions de CIC en ce qui concerne le nombre d'immigrants investisseurs que ce ministère veut attirer. Les critères auxquels M. Zaifman faisait allusion, c'est-à-dire, financement ou pas de financement, un peu de ceci et un peu de cela—tout cela fait partie de la façon dont on peut mettre le programme en oeuvre. Cela fait partie intégrante du mode d'exécution du programme.

La première étape est de s'asseoir et de se demander: quel type d'investisseurs voulons-nous? Combien d'investisseurs voulons- nous attirer? Est-ce que nous voulons que ce soit des gens dont les avoirs nets sont importants? Est-ce que nous voulons des gens qui ont de gros avoirs nets et qui n'investiront que 100 000 $? Quelle est la nature du processus que nous voulons mettre en oeuvre? Il existe différents modèles. Mon collègue en a très bien exposé un. Dans le mémoire transmis par la Section du droit sur l'immigration de l'ABC, que j'ai rédigé et que vous avez devant vous aujourd'hui, nous avons proposé—mais il existe d'autres modèles possibles. Il faut être réaliste: il existe de nombreuses façons de réaliser vos objectifs. Par exemple, mon collègue, sans doute à juste titre, a exposé la façon dont il voit les choses du point de vue de quelqu'un qui réside à Winnipeg—bien entendu, moi je vis au Québec et je pense que nous avons un excellent programme.

Je pense que l'on devrait prendre en considération d'autres modèles—par exemple, celui du Québec. Lorsque la réglementation a été déposée le 22 mars 1997, elle renfermait des propositions qui correspondaient en partie au modèle québécois, le modèle qui a si bien réussi au Québec. Il y a des raisons qui expliquent pourquoi ce modèle n'a pas été retenu.

Au nom de la Section du droit de l'immigration de l'ABC, et après avoir enquêté auprès de tous nos membres d'un océan à l'autre, je proposerais ceci: un livre blanc a été publié; c'est une étape capitale. C'est un projet d'envergure. Je suis d'accord avec mon collègue. Retardons la mise en oeuvre d'une réglementation. Nous n'avons pas encore appris à marcher et nous ne pouvons donc pas courir en mettant en application un texte législatif qui prend la forme d'une réglementation.

Il faut que nous retournions voir notre partenaire à 50 p. 100, la province de Québec, et que nous lui disions: nous avons travaillé de concert sur le dossier de l'immigration des investisseurs. Attaquons-nous ensemble à ce projet et voyons comment nous pouvons favoriser nos intérêts mutuels et nos objectifs mutuels. Remettez votre ouvrage sur le métier et faites effectuer des analyses pour voir combien cela coûte de faire venir ces investisseurs au Canada. Engagez du personnel compétent pour travailler dans vos missions, des gens qui ont suivi des cours de formation appropriés au Canada, pas des gens qui sont embauchés sur place et à qui l'on demande de vérifier des documents auxquels ils ne comprennent absolument rien. Quand le dossier est trop épais, ils le mettent de côté. Cela prendra quatre ans pour que ce dossier parvienne au Canada et pour que quelqu'un, au Canada, qui a les connaissances nécessaires examine la demande en question et donne enfin au requérant une chance de défendre sa cause et de faire évaluer sa demande comme il se doit.

Nous reprenons les choses au début, nous évaluons nos objectifs, nous mettons le programme en oeuvre, nous allouons les ressources nécessaires et nous exécutons le programme. Si cela soulève quelques problèmes, nous apportons les petits correctifs nécessaires afin de nous réorienter vers la réalisation de ces objectifs. Mais en toute franchise, aucun de ceux qui sont ici aujourd'hui ne peut dire honnêtement ce que nous devrions faire, parce que nous ne savons pas quelles sont les intentions de la ministre à propos de ce programme.

Le président: Sur ce, je donne la parole à M. Sekora.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Merci. Je suis ici pour remplacer un autre député. À entendre la discussion d'aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi... nous avons probablement déjà entendu par le passé des témoins comme vous.

M. Green a beaucoup parlé de bon sens, et je pense que c'est la seule façon de fonctionner—avec bon sens. Il n'y a pas d'autre façon de procéder. Je suis dans les affaires depuis de nombreuses années, et ce que j'entends aujourd'hui m'effraie. J'ai l'impression qu'il y en a qui ont besoin de se faire secouer.

Je ne sais pas si c'est la bureaucratie qui s'est pris les pieds dans le tapis ou qu'est-ce qui se passe, mais on dirait... Je suis un homme d'affaires. Je suis dans l'hôtellerie et la restauration depuis de nombreuses années. Et si j'avais besoin de conseils éclairés sur l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration, ou quoi que ce soit, je m'adresserais à quelqu'un qui est dans le métier depuis de nombreuses années. Je n'irais pas voir un maître d'école ou qui que ce soit d'autre pour en savoir plus sur le monde de l'hôtellerie ou de la restauration.

• 1050

Quand vous dites que les choses fonctionnent bien au Québec, on a l'impression que dans le reste du Canada, dans les autres provinces, les choses ne vont pas bien. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi les premiers ministres et les ministres concernés de toutes les autres provinces ne disent pas haut et fort à notre ministre: il y a quelque chose qui cloche, tirons tous dans le même sens, regroupons nos troupes.

M. Mendel Green: Le fait est qu'ils le disent effectivement haut et fort. Le premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, je le sais, vient juste d'écrire à la ministre, ainsi qu'au Premier ministre, pour se plaindre du nouveau système. Le Nouveau-Brunswick aussi. Le Yukon également. Je ne peux pas parler pour la Saskatchewan, mais je sais personnellement qu'il existe d'énormes dissensions parmi les provinces et qu'elles se plaignent.

M. Lou Sekora: Effectivement. Je sais qu'il y avait avant beaucoup d'investisseurs, des investisseurs qui engageaient 250 000 $, en Colombie-Britannique, mais ils ont disparu depuis déjà quelques années.

M. Cecil Rotenberg: Vous voulez dire qui engageaient 350 000 $.

M. Lou Sekora: Quel que soit le montant, le fait est que cela a ralenti l'économie pendant de nombreuses années, mais tout cela n'est pas nouveau.

J'ai aussi entendu hier que si quelqu'un souhaite investir 500 000 $ ou plus, il doit savoir parler anglais. Ai-je besoin de vous dire qu'il y a des années, nous étions tous des immigrants. Je me souviens de l'arrivée de mon grand-père et de ma grand-mère—je ne m'en souviens pas, mais le fait est que lorsqu'ils sont arrivés au Canada en 1891, il est bien certain qu'ils ne connaissaient pas un traître mot d'anglais.

M. Mendel Green: Notre expérience collective est que l'énorme majorité des entrepreneurs et des investisseurs ne parlent ni l'anglais ni le français et dépassent la limite d'âge proposée qui est de 45 ans. Ce sont des gens qui pourraient avoir un impact important sur l'économie du Canada.

L'autre point que je voulais soulever dans la foulée de votre intervention, c'est que l'Association du Barreau canadien et un groupe d'experts en droit de l'immigration du Barreau du Haut- Canada sont prêts à offrir leurs services au comité ou à CIC et à collaborer pour élaborer un meilleur programme pour tous les Canadiens.

Comme le sait maintenant Mme Augustine, nous y gagnons si les règles et les règlements sont plus complexes, mais malheureusement, les Canadiens y perdent.

Le président: Cela dit, je vais maintenant donner la parole à M. Benoit.

M. Leon Benoit: Je vous remercie à nouveau, monsieur le président.

Je pense qu'il ne fait guère de doute que vous n'êtes pas satisfaits du système en place et que vous n'êtes pas satisfaits non plus des changements qui sont envisagés. M. Rotenberg a affirmé que la situation n'avait jamais été aussi mauvaise, ce qui est une affirmation plutôt catégorique. M. Trister a dit que CIC enfreint la loi de façon régulière, et il s'agit d'une accusation assez sérieuse selon moi. Vous avez dit que la psychologie foncière du ministère est totalement erronée.

Le président: Vous avez dit cela?

M. Ben Trister: Je n'ai pas réellement dit cela. Ce que j'ai dit, c'est que le ministère ignore les décisions des tribunaux qui vont à l'encontre de ce qu'il fait. Il ne demande pas à ses agents des visas d'appliquer les décisions des tribunaux.

Le président: Selon l'avocat que vous êtes, cela signifie-t-il que le ministère contrevient à la loi ou non?

M. Ben Trister: Oui.

Le président: Merci.

M. Leon Benoit: C'est ce qui a été dit, je crois, et ensuite...

M. Ben Trister: Je me suis simplement exprimé en termes plus diplomatiques.

M. Leon Benoit: Ensuite, monsieur Singer, vous avez cité le gestionnaire de programme de Séoul. Il s'agit d'affirmations plutôt accablantes. Par ailleurs, monsieur Green, on pouvait lire vos commentaires dans le National Post de ce matin sur le fait que le ministère ne gère pas l'immigration de façon sérieuse et qu'il lui faut discipliner des agents des visas plutôt simplistes et tatillons qui, selon lui, ne respectent pas toujours les règlements. On en revient à nouveau à dire que les règlements ne sont pas toujours respectés. Un peu plus loin dans l'article vous déclarez que ces programmes et ces investissements, qui donneraient du travail aux Canadiens, sont freinés par les formalités d'immigration et les longs retards que cela occasionne.

En l'occurrence, la critique du système en place est extrêmement sérieuse. Elle ne pourrait pas être plus catégorique, selon moi, et pourtant, vous pensez qu'avec les changements envisagés les choses seront encore pires.

Je pense que vous convenez tous de cela. Exact?

M. Mendel Green: Nous l'affirmons tous à l'unanimité, je pense.

M. Leon Benoit: Monsieur Zaifman, vous aussi?

M. Kenneth Zaifman: Oui, je suis d'accord avec cela.

M. Leon Benoit: Je n'ai pas vraiment entendu beaucoup de choses en faveur des changements qui sont proposés, et je me demande vraiment si une réforme de cette ampleur doit être effectuée par le biais d'une simple modification de la réglementation. Manifestement, cela devrait passer par le Parlement du Canada, pas par le biais d'une modification des règlements. Je pense que tout cela milite en faveur d'un report des changements proposés en attendant que l'on parvienne à élaborer un dispositif plus susceptible d'attirer les investissements dans le pays.

• 1055

La chose dont il n'a pas été beaucoup question—quelques-uns y ont fait allusion—c'est l'autre côté de cette médaille. La lenteur du système, comme vous le dites, est en partie attribuable au fait que le système est appliqué par le ministère, mais en partie aussi aux vérifications des antécédents. Nous avons un problème extrêmement grave au Canada, celui de l'entrée au pays du crime organisé. Il s'agit d'un danger réel pour la sécurité nationale; c'est un danger pour les Canadiens, et nous devons être sur nos gardes.

Je serais donc heureux d'entendre vos commentaires sur cet aspect de la question—je vois que M. Singer serait très heureux de prendre la parole en premier—et de savoir comment il serait possible de mieux aborder le problème.

Le président: Monsieur Singer.

M. Colin Singer: Je préférerais laisser à mon collègue le soin de répondre à cela, mais je voudrais affirmer clairement qu'aucun des membres de notre association ici présent ne suggère d'aucune manière que la politique d'immigration canadienne ne devrait pas être respectée et que l'on devrait céder devant un candidat à l'immigration qui essaie de forcer son entrée au Canada en envoyant fax après fax ou qui sait le mieux se faire entendre ou se montrer le plus déterminé. Personne ici n'essaie de dire que nous défendons le recours à l'intimidation pour entrer au Canada. Absolument pas. L'intégrité des programmes est nécessaire. Nous devons sélectionner les bons candidats.

J'aimerais que mon collègue réponde à votre question.

M. Cecil Rotenberg: Je veux tout de suite répondre sur le même ton, parce que nous sommes Canadiens et que nous sommes fiers de ce que nous avons, et que nous ne souhaitons pas que le crime organisé s'installe dans notre pays. Pour parler franchement, tout mon dispositif est organisé de manière à éviter de laisser entrer ce genre de personne, bien que je doive reconnaître qu'il n'est pas toujours possible d'y parvenir. Mais les méthodes utilisées pour traquer de tels candidats gênent l'entrée au Canada de gens d'affaires tout à fait convenables au sens que si l'on veut traquer les indésirables, si l'on veut empêcher les gens... alors il faut y affecter les ressources nécessaires. Cela n'a pas été fait.

Le président: Monsieur Green.

M. Mendel Green: Empêcher des criminels d'entrer, là-dessus tout le monde est d'accord; mais ne transformez pas le SCRS et la division du crime organisé en comptables qui cherchent à retrouver la trace de chaque dollar. La minimisation des impôts, comme vous le comprenez tous en tant que gens d'affaires, est une façon de procéder. Dans certains pays, on considère que les hommes d'affaires qui payent des impôts ne sont pas de bons hommes d'affaires. Faut-il en conclure nécessairement que si on les laisse venir au Canada, ils vont frauder le ministère du Revenu? Je dis que non. Vérifions comme il faut les antécédents—tout le monde est d'accord—mais ne transformons pas ces fonctionnaires en comptables. Mais c'est ce qu'on est en train de faire.

Le président: Votre temps de parole est épuisé, monsieur Benoit. Le reste revient à M. Ménard, mais je pense que je vais lui demander de laisser la parole à M. McKay pour lui donner la possibilité... et je pense qu'il sera d'accord.

Monsieur McKay.

M. Réal Ménard: C'est mon meilleur ami.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Nous avons eu beaucoup de plaisir à jouer au chat hier soir.

De combien de temps disposons-nous?

Le président: Cinq minutes. Et vous pouvez aussi vous montrer innovateur.

M. John McKay: Tout à fait.

Permettez-moi d'être très direct. Il y a manifestement beaucoup d'animosité entre le barreau et le ministère. Vous avez utilisé le mot «paranoïa» à de nombreuses reprises. J'ignore ce que le ministère pourrait répondre au barreau. Comme je pratique le droit depuis 22 ans, j'ai une idée de ce que le public pense du barreau, des avocats en général, et je ne m'étendrai pas sur la question.

Je pensais simplement à notre budget. Une des petites choses que nous avons fait adopter dans le cadre du budget, et à laquelle personne n'a véritablement attaché beaucoup d'importance, c'est que si un comptable, quand il remplit une déclaration de revenu, sait ou devrait savoir que la déclaration qu'il est en train de remplir est en fait une fausse déclaration, il aura, vis-à-vis cette déclaration, une responsabilité supplémentaire, à part la responsabilité criminelle. Je suis curieux de connaître votre réaction à l'égard d'un amendement du même ordre qui concernerait le barreau en particulier, mais aussi les consultants en immigration, en général, ou les gens qui produisent des demandes d'immigration, et qui ferait que si une déclaration est fausse ou aurait pu être considérée comme fausse, la responsabilité de son auteur serait engagée.

M. Cecil Rotenberg: Vous parlez de quelqu'un qui aurait omis de poser la question qu'il aurait dû poser. Je pense qu'il incombe aux avocats de poser les questions qui doivent être posées, et cela ne m'effraie pas.

Le problème, pour moi, c'est que lorsque l'on traite avec les consultants en immigration et d'autres de par le monde... l'article 94 ne touche que nous, les Canadiens. Il n'y a pas que des Canadiens qui sont impliqués dans le processus d'immigration, c'est quelque chose que je n'ai jamais compris. Lloyd Axworthy déclarait déjà en 1973 qu'il s'agissait d'un problème urgent.

• 1100

M. John McKay: Même en ce qui concerne les candidats importants, des gens qui investissent entre 200 000 à 300 000 $ ici, et qui produisent leurs demandes de l'étranger. Ou est-ce que je me trompe?

M. Cecil Rotenberg: Elles ne sont pas produites à l'étranger, mais les gens qui les représentent se trouvent à l'étranger.

La ministre de l'Immigration dit que nous sommes tous des consultants, que nous sommes tous au même niveau et elle ne reconnaît pas notre expertise particulière en la matière. En tant qu'avocat—et je l'ai dit de nombreuses fois à la ministre—chaque fois que je produis une demande, je tombe sous le coup de l'article 94, et si je fais quelque chose de mal, vous pouvez me coincer. Manifestement, ma déclaration a plus de poids que celle qui viendrait de quelqu'un qui vend des journaux au coin de la rue au Pakistan. Mais la ministre me répond que c'est bien dommage, que la notion d'égalité respectée par la société canadienne signifie qu'elle doit traiter tout le monde de la même façon. Je n'ai jamais compris cela.

M. John McKay: Effectivement.

M. Mendel Green: Pour enchaîner sur les observations de mon collègue, si votre chien de compagnie déclarait qu'il est consultant en immigration et s'il y avait des gens assez stupides pour lui verser de l'argent pour les représenter, CIC accorderait à ce chien la même reconnaissance qu'aux spécialistes en droit de l'immigration qui sont assis à cette table et qui sont agréés par la Société du Barreau du Haut-Canada. Telle est la situation actuelle en ce qui concerne le processus, selon Immigration Canada. C'est un fait. Il n'y a rien à dire.

Une voix: C'est ce qu'on devrait faire.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Monsieur McKay, avez-vous terminé?

M. John McKay: Ma deuxième question porte sur un autre domaine; elle concerne la déclaration du ministère au sujet du déficit, par rapport aux résultats escomptés, au plan du nombre d'immigrants qui ont été accueillis, le fait que ce déficit s'expliquerait par le recul de l'activité économique en Asie. Des visas avaient été accordés et la situation des intéressés était déjà réglée. Le ministère avait fait son travail. Mais les intéressés ont décidé de ne pas venir pour des raisons économiques. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Cecil Rotenberg: Il n'existe pas la moindre preuve qu'il s'agit d'autre chose qu'une pirouette.

Le président: Monsieur Trister, veuillez vous montrer très bref, car le prochain comité est sur le point de se réunir.

M. Ben Trister: Aucun de ceux qui connaissent le système n'a pris cela au sérieux, et il s'agit d'un autre exemple de la façon dont le ministère et la ministre présentent le programme, en cherchant à induire les gens en erreur et à camoufler les problèmes qui existent au ministère et dans le processus d'immigration.

Cela dit, je voudrais relever votre observation concernant notre animosité à l'égard du ministère. Je suis sans doute irrité, mais je n'ai aucune animosité. Je pense que si vous étiez fonctionnaire, qu'on vous donnait un certain montant d'argent pour administrer un programme et que vous sachiez qu'il arrive souvent que vos agents des visas ne prennent pas les décisions qu'il faut, mais que cela coûterait trop cher de leur demander de toujours photocopier les affidavits, vous voudriez aussi que l'on impose certaines obligations aux gens qui veulent interjeter appel. Dans leur perspective, ce qu'ils font a du sens. Ce n'est pas de leur faute. Ce sont des gens honnêtes, intelligents. Personnellement, je les aime bien et je les respecte. Mais le Parlement leur lie les mains en ne leur donnant pas les ressources nécessaires. On prend tout l'argent que les gens versent pour financer le traitement de leurs demandes, on le fait passer dans les comptes de la trésorerie générale, et on laisse les immigrants se débrouiller du mieux qu'ils peuvent dans un système qui est indéfendable.

Le président: Sur ces bonnes paroles, je dois interrompre le débat. Pour être juste avec le prochain comité, je dois lever la séance.

Il reste quelques questions que la présidence aimerait poser, mais j'attendrai la prochaine réunion pour le faire. L'étude continue. Comme vous le savez sans doute, nous étudions le programme d'immigration des gens d'affaires, dans son ensemble.

Je vous remercie tous au nom du comité.

La séance est levée.