CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons la séance d'information avec les fonctionnaires du ministère sur le fonctionnement du système.
Monsieur Grant, c'est vous qui êtes responsable du groupe ce matin?
M. Brian Grant (directeur, Développement du programme, Division de l'exécution de la loi, Citoyenneté et Immigration Canada): Non, c'est M. Sheppit.
Le président: Ah, c'est M. Sheppit et M. Fields. Ils se sont présentés hier, et je suppose que nous pouvons passer aux questions. D'après les règles que nous avons adoptées hier, nous commencerons par M. McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président. Je n'ai pas beaucoup de questions. Je crois que nous avons fait le point sur la plupart de ces questions l'an dernier, de même qu'à l'été.
J'avais une courte question que j'ai posée à M. Tsaï hier au sujet du centre de détention de Vancouver. Si je comprends bien, il n'y a plus de centre de détention à Vancouver.
M. Brian Grant: C'est juste. Le centre a été fermé. Nous nous servons maintenant des prisons.
M. Grant McNally: Oui, d'accord.
Monsieur Ménard, si vous avez des questions à poser, allez-y.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai beaucoup de questions.
Je voudrais vous parler d'abord d'un problème qu'on rencontre très souvent dans nos bureaux de comté. Vous savez que je suis un député de Montréal. Je dirais que 30 p. 100 de mon temps est consacré à la rencontre de gens qui ont des problèmes d'immigration; des problèmes, mais aussi des solutions, évidemment. Le plus difficile, c'est toujours au niveau de l'enquête de sécurité, où il y a des délais. Quand on communique avec le cabinet de la ministre ou encore avec vos autorités, on voit que le processus médical va bien et que le dossier est traité avec diligence dans l'appareil. On connaît les délais, qui sont d'un an ou un an et demi. Mais au niveau de l'enquête de sécurité, on a l'impression que tout ça est terriblement occulte, que tout est terriblement secret et ça m'apparaît un peu préoccupant.
Je sais qu'à proprement parler, cela ne relève pas de la CISR. On me dit que ça relève plutôt d'une autre autorité, qui est au ministère du Solliciteur général. Qu'est-ce que l'on pourrait faire pour que les députés puissent avoir de l'information plus rapidement? Comment expliquez-vous le fait que les délais soient longs et que ce soit souvent très occulte? On sait que les gens sont convoqués en entrevue, mais souvent, on ne sait pas pourquoi. On ne sait pas exactement comment on doit faire pour avoir ce type d'information. À mon avis, c'est vraiment un problème. J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
M. Bill Sheppit (directeur général, Direction générale du règlement des cas, Citoyenneté et Immigration Canada): Je crois que vous avez raison dans une certaine mesure. Tout d'abord, il est important de se rendre compte que, dans la majorité des cas, l'examen sécuritaire s'est fait en très peu de temps. Sans doute que de 95 à 98 p. 100 des cas à l'étranger sont traités sur le plan de la sécurité et des antécédents en moins d'un mois.
Au Canada, dans 95 p. 100 environ des cas, la vérification se fait en moins de deux ou trois jours, car elle se fait électroniquement entre le centre de traitement de Vegreville et l'administration centrale du SCRS.
Le gros problème qui se pose dans beaucoup de ces cas concerne ceux qui demandent le statut de réfugié au Canada et qui, bien souvent, arrivent ici sans papier ou avec de faux papiers. Nous ne savons pas qui ils sont. Quand ils arrivent, ils demandent le statut de réfugié en invoquant leur opposition au gouvernement du pays où ils vivaient. Ils appartiennent à des partis politiques qui s'opposent au gouvernement dans leur pays d'origine.
• 0915
La situation est bien plus difficile pour nous—et je suppose
qu'elle l'est aussi pour le SCRS—du simple fait que nous ne savons
pas qui ils sont. Ainsi, au départ, il y a tout ce problème de
l'identité. Dans bien des cas...
[Français]
M. Réal Ménard: Dans le cas des réfugiés politiques, qui sont souvent des gens un peu cachés dans leur pays, on peut comprendre qu'il soit difficile pour l'autorité centrale, pour le ministère de la Justice ou pour vos homologues de divulguer de l'information à des pays comme ceux-là. Toutefois, j'ai déjà vu des cas d'Iraniens, par exemple, qui sont en territoire canadien depuis plusieurs années et qui font une demande. Il y a un certain nombre de pays, par exemple l'Iran ou la Turquie, au sujet desquels le Canada ne reconnaît pas qu'ils produisent des réfugiés politiques. Dans de tels cas, c'est extrêmement difficile.
Expliquez-moi le processus. Que demandez-vous comme renseignements à l'étranger concernant la sécurité?
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Dans beaucoup de ces cas où les demandeurs appartiennent à un groupe d'opposition dans leur pays, l'opposition en question a un bras politique légitime, mais il se peut aussi qu'elle ait un bras terroriste.
Je ne me souviens pas des noms exacts des groupes, mais le défi est alors de déterminer ce que la personne a fait en sa qualité de membre du groupe en question. Cette difficulté vient s'ajouter au fait que la personne n'a pas de papier ou a de faux papiers quand elle se présente devant nous. Elle arrive donc avec des papiers, mais elle dit non, ce n'est pas là mon nom; voici mon nom et voici ce que j'ai fait. Il faut vérifier ces informations; et la chose devient extrêmement difficile.
[Français]
M. Réal Ménard: Par exemple, prenons un cas qui n'est pas trop problématique: une personne est dans le système, cette personne-là n'est pas un réfugié politique, elle a passé son examen médical et elle vient du Liban. Voilà qu'arrive l'enquête de sécurité. Que demandez-vous à vos interlocuteurs d'autres pays? Quel est le type d'information dont vous avez besoin pour vous assurer que le test de sécurité a bel et bien eu lieu? Quelle est la nature des échanges administratifs que vous avez avec les pays? Comment peut-on faire, nous, les députés, pour être mieux informés du processus et pour que cela ait un caractère moins secret? Est-ce que ce sont les services secrets canadiens qui conduisent ça? On a de la difficulté à savoir, par exemple, quand sera donné le rendez-vous. Tout ça est entouré d'un très grand mystère, et c'est souvent ce qui retarde le processus de détermination dans un dossier.
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Quand la personne se trouve déjà au Canada, la demande est renvoyée au SCRS pour un avis en matière de sécurité. Pour en savoir plus long sur la nature de ses échanges avec ses homologues à l'étranger, il faudrait que vous interrogiez le SCRS à ce sujet.
Dans le cas des demandes que nous recevons à l'étranger, nous examinons l'information fournie par le demandeur. Nous avons des profils de sécurité qui sont établis en fonction de divers groupes sociaux, politiques ou autres qui ont des antécédents de terrorisme, ou dont les membres seraient inadmissibles pour d'autres raisons. S'il semble que la personne est admissible, bien souvent, c'est l'agent des visas qui décide du risque qu'elle présente pour la sécurité. S'il a des doutes, il renverra le cas au SCRS. Encore là, le SCRS fera enquête et nous communiquera son avis.
La situation devient extrêmement problématique, particulièrement en ce qui a trait aux demandeurs qui se trouvent au Canada, quand la personne est membre ou a déjà été membre d'une organisation qui est actuellement ou qui a déjà été un groupe terroriste et qui, de ce fait, appartiendrait à une catégorie inadmissible aux termes de la Loi sur l'immigration. C'est notamment le cas de l'ANC, en Afrique du Sud, qui forme maintenant le gouvernement. La personne aurait pu faire partie de l'ANC il y a 10 ou 15 ans. À l'époque, l'ANC était peut-être un groupe terroriste. La personne a peut-être participé à des activités terroristes. Ou bien encore, elle a peut-être distribué des tractes. Elle était peut-être enseignante, et il y avait un avantage à être membre de l'ANC si on voulait obtenir un emploi.
La situation devient donc extrêmement problématique, parce qu'il ne s'agit pas simplement de déterminer si la personne a été membre du groupe en question. Il faut examiner la nature du groupe à l'époque où elle en faisait partie et déterminer si elle présente un risque pour le Canada ou si elle a déjà participé à des activités terroristes.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai le temps de poser une petite question?
• 0920
M. Telegdi a un peu abordé le sujet hier. Ce qui est
difficile à comprendre, c'est comment le Canada
détermine quels pays produisent
des réfugiés politiques. Par exemple, lundi,
avant de venir ici, je rencontrais un
concitoyen qui est menacé d'être déporté au Zaïre.
On a l'impression que ça ne va
pas trop bien au Zaïre. Je comprends qu'on puisse
appartenir à un
pays où il y a une guerre civile, où il y a des
conflits, sans nécessairement être menacé.
Par contre, j'aimerais que vous nous expliquiez
le processus que suit le
Canada pour reconnaître que certains pays
produisent des
réfugiés et d'autres, pas. Comment pourrait-on
davantage être associés à ça?
J'ai déposé une motion et j'ai bon espoir qu'elle sera adoptée par mes collègues. Cette dernière propose que l'on ait un briefing sur les pays à travers le monde. Selon le discours du vérificateur général, la communauté internationale prétend qu'il y a une douzaine de pays qui produisent des réfugiés, selon les règles de la convention, que vous nous avez présentées hier. En tant qu'officiel du ministère, que pouvez-vous nous dire sur la liste? Quelle est-elle et comment se fait le processus de décision?
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Je crois qu'il y a deux volets à votre question, qui sont en quelque sorte interreliés. Il semble que le premier volet concerne les pays où nous ne renvoyons pas les gens. Brian voudra peut-être ajouter plus de détails quand j'aurai terminé.
Nous avons un comité interministériel qui suit les pays où la situation, le bouleversement social, sont tels que nous ne voulons pas y renvoyer les demandeurs, sauf dans des circonstances très exceptionnelles.
Je crois qu'il y en a cinq, à savoir l'Afghanistan, le Zaïre, l'Algérie...
[Français]
M. Réal Ménard: Où vous ne déportez pas les gens.
M. Bill Sheppit: Oui.
M. Réal Ménard: L'Afghanistan, l'Algérie,...
[Traduction]
M. Brian Grant: Le Rwanda, le Burundi et le Zaïre.
[Français]
M. Réal Ménard: ...le Burundi, le Zaïre et le Rwanda. D'accord.
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Ce sont là des pays où la situation sociale est tellement dangereuse pour tout le monde que, normalement, nous n'y renvoyons pas des demandeurs.
Seuls font exception à la règle ceux qui présentent un danger pour la population canadienne. Ainsi, quand il s'agit d'un terroriste ou de quelqu'un qui a commis un crime grave, nous recommanderions au ministre de l'expulser, en dépit de l'interdiction qui s'applique normalement aux expulsions vers les pays en question.
Quant à l'autre volet, les pays d'où proviennent les réfugiés, vous savez, d'après les audiences du printemps dernier, que n'importe qui peut demander le statut de réfugié. Il suffit de répondre aux critères de la définition du réfugié.
Dans les cas de bouleversement social à l'étranger, nous consultons nos partenaires internationaux et les Nations Unies afin de déterminer si la réinstallation est l'option à privilégier.
En règle générale, quand le pays d'origine est en proie à une crise ou à un bouleversement social, il y a trois possibilités. La première est de rapatrier le demandeur. Il est déjà arrivé, par exemple, qu'un certain nombre de personnes aient quitté le Cambodge, la Birmanie et le Pakistan en raison du bouleversement social dans leur pays.
Quand le calme revient, l'option que nous privilégions est le rapatriement; les demandeurs sont renvoyés dans leur pays. Voilà essentiellement ce qui se passe dans le cas des ressortissants de l'ex-Yougoslavie, où les Nations Unies interviennent pour faire en sorte que les réfugiés puissent rentrer dans leur pays sans avoir à craindre pour leur sécurité.
La deuxième possibilité est la réinstallation dans le pays ou l'endroit où le réfugié se trouve. La troisième est la réinstallation dans un autre pays. Je songe ici finalement à des populations entières qui sont déplacées, comme dans le cas des réfugiés de la mer du Vietnam.
Comme on a pu le constater au début des années 90, le problème tient au fait que, bien souvent, la réinstallation a un attrait indéniable et contribue à aggraver le problème du déplacement des populations. Je songe notamment à ceux qui avaient quitté le Vietnam, le Cambodge, et même aux Vietnamiens qui s'étaient réfugiés en Chine qui voulaient qu'on leur permette de se réinstaller dans l'Ouest. Ils continuaient à s'entasser dans de petits bateaux et à risquer leur vie en haute mer, à risquer aussi d'être la proie des pirates, en raison de l'attrait irrésistible de la possibilité de réinstallation dans un autre pays.
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce que c'est terminé?
Le président: C'est terminé.
M. Réal Ménard: Allons-nous revenir à moi?
Le président: Oui.
M. Réal Ménard: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
[Français]
M. Réal Ménard: Je ne veux quand même pas abuser.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Je voudrais d'abord poursuivre la discussion sur le dernier point, puis j'aurai d'autres questions à poser.
Vous avez nommé cinq pays en particulier où vous ne renvoyez pas les gens. Que faites-vous de ces personnes? Les relâchez-vous simplement dans la population? Leur donnez-vous un statut? Les mettez-vous en détention? Que se passe-t-il dans leur cas?
M. Bill Sheppit: Elles font l'objet d'une mesure de renvoi à exécution différé, si je ne m'abuse, de sorte qu'elles sont toujours visées par une ordonnance d'expulsion. Elles sont relâchées si elles ne présentent pas de risque pour la population canadienne et si nous avons l'assurance qu'elles se présenteront quand le ministère les convoquera.
M. Steve Mahoney: Quel serait le nombre de ceux qui se retrouveraient dans chacune de ces situations à l'heure actuelle, celles qui seraient en détention et celles qui seraient relâchées parmi la population générale?
M. Bill Sheppit: Je ne saurais vous le dire. Je crois que le nombre dans les deux cas serait très petit, mais il faudrait que nous vérifiions pour voir si nous avons quelque chose là-dessus.
Brian?
M. Brian Grant: Il convient d'ajouter qu'il y a un sursis administratif. Comme l'a précisé M. Sheppit, ces personnes sont toujours visées par une ordonnance de renvoi. Elles n'obtiennent aucun statut au Canada. Nous ne leur octroyons pas le droit de s'établir ici. Par conséquent, si certaines d'entre elles sont des criminels et que le crime qu'elles ont commis est assez grave pour qu'elles présentent un risque pour le Canada, nous les expulsons en dépit du sursis.
M. Steve Mahoney: Vous les expulsez...
M. Brian Grant: Nous les expulsons...
M. Steve Mahoney: Vous les renvoyez?
M. Brian Grant: ...dans leur pays. Nous les renvoyons dans leur pays, même si l'exécution des ordonnances de renvoi vers le pays en question est différée pour la plupart des demandeurs. S'il s'agit de choisir entre une menace pour les Canadiens et une menace pour la personne, nous renvoyons la personne.
M. Steve Mahoney: D'accord.
M. Brian Grant: Nous voyons aussi certaines personnes qui rentrent dans leur pays volontairement, même si nous croyons qu'elles sont à risque dans leur pays. Leur nombre est sans doute très petit. La population algérienne, qui se trouve surtout centrée à Montréal, est sans doute la plus importante qui appartienne à cette catégorie. Il y a aussi un certain nombre d'Afghans qui quittent leur pays, non pas seulement pour le Canada, mais aussi pour les pays d'Europe de l'Ouest. C'est là un problème dans le cas de tous les pays qui sont en voie de... Dans des cas comme ceux-là, il y a toujours cet attrait irrésistible.
Les autres populations sont très petites, celle du Zaïre, du Rwanda et du Burundi. Leur nombre est très peu élevé.
Puis-je ajouter encore une dernière chose au sujet du processus? Le processus se fonde sur une politique qui précise que le Canada exécute les ordonnances de renvoi quel que soit le pays d'origine. Il y a toutefois, de temps en temps, de ces sursis administratifs.
Nous avons étudié le cas du Zaïre, il y a presque deux ans de cela, à l'époque où l'armée de Laurent Kabila est arrivée dans le pays. Comme vous le savez, c'est un pays immense. À un moment donné, l'armée se trouvait à 1 500 kilomètres de Kinshasa. Nous recevions des rapports quotidiens de Kinshasa, dans lesquels on nous disait que la situation était tendue dans la capitale, mais que la situation était quand même normale et ne présentait pas de risque.
Nous surveillions la situation et, quand nous avons vu... Il vient un temps où il faut prendre une décision. Quand on voit que la population se déplace, il faut prendre une décision, nos fonctionnaires travaillent de concert avec le ministère des Affaires étrangères pour en arriver à une décision à partir des rapports quotidiens que nous recevons.
Voilà donc ce que nous faisons dans les cas où nous nous rendons compte que la situation semble devoir se poursuivre pendant un certain temps. Nous déterminons qu'il y a lieu d'appliquer un sursis administratif, et le ministre prend la décision qui s'impose. À certains égards, c'est toutefois ainsi que le processus officiel se déroule dans tous les cas.
Hier soir, il a été question de la situation dans l'ex-Yougoslavie. Dans des situations comme celle-là, nous examinons très attentivement chaque cas, nous étudions chaque renvoi. Dans le cadre du processus de renvoi, nous sommes appelés à déterminer s'il est possible de renvoyer la personne dans le pays en question et de le faire sans trop de risque pour sa sécurité.
Si la personne décide de faire l'imbécile, nous n'y pouvons rien. Nous devons toutefois, dans le cadre du processus de renvoi, veiller à lui obtenir les visas nécessaires, à la guider pendant qu'elle est en transit ou dans les aéroports et, au besoin, l'accompagner, jusqu'à ce qu'elle entre dans son pays et qu'elle descende de l'avion. Nous ne voulons pas la livrer à un peloton d'exécution. Nous examinerions donc la situation.
S'il semble que la situation demeura instable pendant une assez longue période, nous déciderions alors qu'il ne sert à rien de perdre notre temps à prendre les dispositions voulues pour renvoyer des gens en Algérie, par exemple. La situation n'est pas près de se calmer. Nous continuerons à réévaluer la situation, puis il viendra un temps où il sera possible de renvoyer les gens au pays en question. Nous examinons toujours le bien-fondé de chaque cas.
• 0930
Bien entendu, nous surveillions donc la situation dans l'ex-
Yougoslavie de très près au cours des deux ou trois dernières
semaines pour voir ce qui se passerait.
M. Steve Mahoney: Ceux qui arrivent ici de pays où la situation est tendue et qui sont relâchés parmi la population parce qu'on a décidé de ne pas les renvoyer—même s'il s'agit d'une ordonnance de renvoi à exécution différée—ont-ils en règle générale... En règle générale, ont-ils quelqu'un à qui s'adresser?
Je sais bien que la question est assez générale, mais je me demande simplement s'ils fuient... Les pays d'Afrique sont-ils plus en cause en raison des liens plus étroits qui existent généralement avec des groupes d'aide pour les ressortissants de l'ex-République de Yougoslavie. Je ne suis pas sûr toutefois que les autres groupes aient des appuis semblables. Nous trouvons-nous à les jeter dans la rue sans aucun appui?
M. Brian Grant: Non. Il ne faut pas oublier que ces gens sont au Canada depuis déjà deux ou trois ans.
M. Steve Mahoney: D'accord.
M. Brian Grant: Ils sont ici et ils ont présenté une demande de statut de réfugié. Ils sont passés par le processus de détermination du statut de réfugié, qui, à l'heure actuelle, peut durer 13 mois. Ils n'ont pas été jugés admissibles au statut de réfugié. Ils ont pu demander une évaluation individuelle du risque qu'ils posent, processus qui prend plusieurs mois. Ils ont la possibilité de demander à la Cour fédérale de revoir... Quand on fait le calcul, on se rend compte qu'ils sont ici depuis environ deux ans et qu'ils ne viennent pas tout juste d'arriver. Ils se sont déjà acclimatés. Ils ont été autorisés à travailler pendant cette période, si bien que beaucoup d'entre eux auront travaillé. Ou encore ils auront réussi à obtenir une forme quelconque d'aide sociale.
Ceux qui arrivent ici cherchent généralement à se greffer à une communauté déjà existante. Vous avez raison, certaines de ces communautés sont très petites, mais ils peuvent trouver des appuis quelque part. En outre, il y a les organisations non gouvernementales qui leur offrent de l'aide.
M. Steve Mahoney: J'ai un membre de mon personnel à Mississauga qui consacre sans doute 90 p. 100 de son temps à des questions d'immigration. Comme l'aéroport Pearson se trouve dans ma ville, c'est un problème assez considérable pour mon bureau. D'après ce que me dit l'employé en question et d'après les dossiers que j'ai examinés avec lui, je constate que c'est surtout à l'étranger que le problème se pose. Quelle est la relation entre les fonctionnaires qui sont ici et soit les ambassades soit les consuls généraux ou autres instances intéressées?
À une réunion, par exemple, j'ai demandé si nous avions un service en Bulgarie, et je crois que nous n'en avons pas. Les demandeurs doivent se rendre dans un autre pays pour subir une entrevue ou pour présenter leurs demandes. Il semble toutefois... Encore là, il est toujours dangereux de faire des généralisations, mais l'expérience que j'en ai est en fait très révélatrice, en ce sens que l'attitude de ceux qui sont à l'étranger, notamment en Asie du Sud-Est, à l'égard du processus d'immigration... C'est presque comme s'ils avaient été si maltraités qu'ils ne croient plus rien.
L'employé en question passe un temps fou à tenter de dégager la vérité, de savoir ce qu'il en est, d'essayer de trouver une oreille compatissante. Il ne s'agit aucunement de faciliter l'entrée au Canada de quelqu'un qui ne devrait pas être autorisé à y entrer. Nous avons toutefois des électeurs qui font des pressions sur nous pour que leur cousin ou quelque autre membre de leur famille puisse entrer au pays, et on se heurte à une attitude intransigeante à l'étranger. Pour le bureau d'un représentant politique, les cas comme ceux-là sont très frustrants, et j'estime que la politique ne devrait pas du tout entrer en ligne de compte.
Quelle sorte de relation entretenez-vous? Ai-je raison de croire qu'on s'épuise rapidement dans ce secteur?
M. Bill Sheppit: J'espère que non.
Du point de vue administratif, les gestionnaires de programmes à l'étranger relèvent du directeur général de la région internationale, ici, à l'administration centrale. Ce sont Rod et son service qui sont responsables des questions liées à la qualité du service dispensé à l'étranger.
• 0935
Mon service, le service de règlement des cas, s'assure du
respect de la Loi sur l'immigration et de son règlement
d'application, ici au Canada et à l'étranger. Mais les agents de
visa ont le pouvoir d'accorder ou de refuser un visa. Personne ne
peut leur dire qu'ils doivent accorder un visa dans tel ou tel cas,
à moins qu'il y ait eu erreur flagrante. Si tel est le cas, pour
éviter de comparaître devant la Cour fédérale, nous demandons à
l'agent de revoir la demande en raison d'un précédent juridique, en
raison de ce que dit la réglementation et le manuel. Nous lui
faisons remarquer qu'il a peut-être commis une erreur dans ce cas
précis.
Comme je l'ai indiqué hier, surtout pour les visas de visiteur, la situation est très difficile et très problématique, car c'est très subjectif. Il faut tenir compte de l'intention du demandeur. Le problème, particulièrement pour l'Asie du Sud-Est, c'est que le niveau de vie y est très bas et que les habitants de cette région y gagnent beaucoup moins d'argent que nous au Canada.
Prenons le cas de celui qui demande un visa de visiteur et qui envisage de venir dépenser ici l'équivalent d'un ou deux ans de son salaire. Il n'a peut-être jamais fait de voyage auparavant. Moi, j'ai du mal à obtenir un congé de six mois. Je suis certain qu'il en est de même pour vous. Or, cette personne affirme vouloir venir au Canada pour six mois de vacances pendant lesquels elle rendra visite à des parents au Canada et dépensera l'équivalent de deux ans de salaire. L'agent de visa a pour tâche de déterminer si c'est logique et s'il est probable que cette personne rentrera dans son pays.
C'est donc un domaine très délicat. Avant d'envoyer nos employés à l'étranger, et une fois qu'ils sont à l'étranger, nous leur faisons suivre une longue formation pour nous assurer qu'ils connaissent bien les coutumes locales et la culture du pays.
Il arrive souvent, par exemple, que la situation des filles célibataires soit bien différente de ce qu'elle est au Canada. Au Canada, une jeune femme de 24, 25 ou 28 ans vit probablement seule de façon assez indépendante.
M. Steve Mahoney: On l'espère.
M. Bill Sheppit: Du moins, vous l'encouragez sûrement à quitter la maison et à devenir indépendante. Dans d'autres cultures, ce n'est pas le cas. Tant que votre fille est célibataire... Une femme de 28 ans qui n'est pas encore mariée est une vieille fille dans certaines cultures et, par conséquent, elle dépend encore entièrement de sa famille. C'est là le genre de choses que nos employés doivent savoir pour prendre des décisions éclairées.
Le président: Je cède maintenant la parole à M. Benoit.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.
Bonsoir, messieurs.
Le président: Ce n'est pas...
M. Leon Benoit: Bonjour, messieurs. Comment savez-vous si c'est le soir ou le matin? Cela a été toute une semaine.
Le président: Bien que ce soit le deuxième tour de questions, j'accorderai un peu plus de temps à Leon car Grant n'a pas utilisé tout son temps de parole pendant le premier tour. Merci.
M. Leon Benoit: Merci. J'aimerais poursuivre dans le même sens les questions de M. Mahoney, qui étaient très intéressantes.
Vous avez dit que les immigrants provenant de ces cinq pays qui ne peuvent être considérés comme des réfugiés se voient imposer un renvoi à exécution différée. J'aimerais vous poser quelques questions sur les cas où vous êtes certains que ces personnes resteront à votre disposition ou se présenteront aux rendez-vous qui leur sont fixés.
Combien respectent ces directives et comment assurez-vous le suivi? Quelle est la fréquence des contacts? Pourriez-vous m'expliquer un peu comment ça fonctionne?
M. Brian Grant: Je ne sais trop comment vous répondre. Je ne suis pas certain que ça se fasse de la même façon dans toutes les régions. Chaque localité a probablement sa façon de faire. Pour autant que je sache, il n'y a pas de directives exigeant de ces personnes qu'elles se présentent au centre d'immigration toutes les deux semaines, par exemple.
M. Leon Benoit: Combien de temps ces personnes peuvent-elles rester au Canada sous le coup de cette mesure de renvoi à exécution différée? Y a-t-il des gens qui font l'objet d'une telle mesure et qui sont au Canada depuis 20 ans?
M. Brian Grant: Depuis si longtemps, non, mais il est vrai que nous ne renvoyons plus de gens en Afghanistan depuis 1994. Ce serait la période la plus longue.
M. Leon Benoit: Vous vous attendez donc...
M. Brian Grant: Environ cinq ans.
M. Leon Benoit: ...à ce que ces personnes restent au Canada indéfiniment même lorsqu'elles font l'objet d'une mesure de renvoi à exécution différée?
M. Brian Grant: Oui, au sens de la loi.
M. Leon Benoit: Je vois.
M. Brian Grant: Il est possible pour ces personnes de présenter une demande fondée sur des considérations humanitaires.
M. Leon Benoit: Autrement dit, elles pourraient demander à devenir immigrants reçus?
M. Brian Grant: En effet.
M. Leon Benoit: C'est justement ce que je voulais vous demander. Quel pourcentage... Pourriez-vous me donner un chiffre susceptible de m'éclairer un peu? Combien de ces personnes ou quel pourcentage, sur une période donnée, demandent à devenir immigrants reçus ou présentent une demande fondée sur des considérations humanitaires?
M. Brian Grant: Je ne saurais vous dire, et je ne peux vous garantir de trouver une réponse à votre question. Mais je peux certainement faire des recherches.
Il nous faudra voir combien de demandes ont été faites aux termes du paragraphe 114(2), la disposition sur les considérations humanitaires. Nous pourrions ensuite déterminer combien de ces personnes faisaient l'objet d'une mesure de renvoi à exécution différée au moment de la présentation de la demande.
M. Leon Benoit: Il n'y a donc pas...
M. Brian Grant: Je ne peux vous répondre de mémoire.
M. Leon Benoit: Il n'y a pas de suivi...
M. Brian Grant: Ces personnes peuvent présenter autant de demandes qu'elles le souhaitent.
M. Leon Benoit: Il n'y a pas du tout de suivi? Si vous voulez évaluer le fonctionnement du système, l'efficacité des renvois à exécution différée, ne vous serait-il pas bon de savoir comment réagissent les personnes visées? Sont-elles nombreuses? Combien de temps restent-elles au pays même sous le coup de ces mesures? Combien deviennent immigrants reçus ou présentent une demande fondée sur des considérations humanitaires?
M. Brian Grant: Dans la mesure où nos systèmes actuels nous permettent de le faire, nous les retracerons. Comme je l'ai dit hier soir—et nous en avons déjà parlé avec votre comité dans le cadre des discussions qui ont mené à votre rapport—notre système n'est pas un système de suivi. Notre système, le système de soutien aux opérations des bureaux locaux, sert au règlement des cas. Il nous sera donc difficile d'obtenir ce genre de données à partir du SSOBL, car ce n'est pas un système de suivi. Nous sommes à concevoir un système de suivi qui nous permettra de faire cela beaucoup mieux.
Toutefois, il existe des systèmes de suivi régionaux qui nous permettent de retracer les cas. À Montréal, par exemple, il existe un système de ce genre.
M. Leon Benoit: Je suis allé au centre de Vegreville la semaine dernière et j'ai vu qu'on appose un numéro sur le formulaire. Lorsqu'une personne arrive au pays, on vérifie si elle est déjà venue. Si on lui a déjà attribué un numéro, on appose ce numéro sur le formulaire.
N'est-ce pas là une façon de suivre ces personnes? Ne pourrait-on pas facilement, avec les ordinateurs, retracer ces personnes à l'aide des numéros qui sont déjà utilisés et déterminer ainsi ce que font ces personnes visées par une mesure de renvoi à exécution différée qui peuvent légalement rester au Canada?
M. Brian Grant: Mon expérience de la technologie m'amène à conclure que rien n'est facile. Cela dit, ce que nous pouvons faire... Vous avez raison de dire qu'un numéro d'identification est attribué à tous ceux qui sont inscrits dans notre système de soutien aux opérations des bureaux locaux. Nous pouvons en effet retracer ce numéro pour déterminer ce qu'a fait cette personne.
Ainsi, dans chaque circonstance, nous pouvons établir si une personne a présenté une demande fondée sur des considérations humanitaires pour devenir immigrant reçu.
Il est cependant plus difficile de dire qu'un certain nombre de personnes sont au Canada et sont visées par une mesure de renvoi à exécution différée. Voici le pourcentage de ceux qui ont présenté une demande, voici le pourcentage des demandes qui ont été acceptées. Le système que nous avons s'y prête mal, car telle n'est pas sa raison d'être.
M. Bill Sheppit: Il ne faut pas trop s'en faire, je crois, car les quantités ne sont pas importantes. Si vous examinez les pays touchés, vous constatez qu'il s'agit de pays où il y a de fortes chances qu'une demande du statut de réfugié sera acceptée simplement en raison des bouleversements que l'on y voit.
Si une demande de statut de réfugié n'est pas acceptée, il existe des mesures de détermination du risque permettent à la personne de demeurer au Canada. Il y a de fortes chances que la demande soit acceptée pour des motifs humanitaires, encore une fois en raison de la situation qui prévaut dans le pays.
M. Leon Benoit: Quels sont les motifs habituels de refus d'une demande de statut de réfugié? Après tout on laisse... J'essaie de comprendre comment... Si l'on rejette la demande de statut de réfugié, il doit y avoir un facteur de risque qui entre en ligne de compte.
• 0945
Cela me semble un peu étrange qu'on laisse ces gens demeurer
au pays en vertu d'une mesure de renvoi à exécution différée s'ils
posent un risque réel pour la société canadienne.
M. Brian Grant: Je m'excuse, je n'ai pas bien saisi la dernière partie.
M. Leon Benoit: Quels sont les motifs de refus les plus communs?
M. Bill Sheppit: Ils ne répondent pas à la définition.
M. Leon Benoit: Mais pourquoi? Quels sont certains des motifs les plus communs?
M. Bill Sheppit: Ils ne font pas partie d'un des groupes sociaux désignés, ils n'étaient pas persécutés du fait de leurs opinions politiques, ils ne font pas partie d'un groupe minoritaire, ils ne craignent pas avec raison d'être persécutés. Ou encore, ils sont ce qu'on appellerait des «migrants économiques», des personnes qui n'aiment simplement pas la situation dans leur pays d'origine et qui l'ont quitté.
La CISR ne peut leur accorder le statut de réfugié que s'ils se trouvent dans des circonstances qui correspondent à la définition de réfugié. Il se peut qu'ils fassent partie de cette catégorie lorsque leur dossier est étudié à l'étranger mais qu'ils n'ont pas de chance de s'établir au Canada en raison de leur situation familiale, de leur formation scolaire ou de considérations de cet ordre.
Donc leur situation ne correspond pas à la définition mais ils pourraient... Les femmes maltraitées par exemple ne peuvent revendiquer le statut de réfugié au sens de la définition, mais il y aurait de bonnes raisons de les accepter au Canada pour des motifs humanitaires. Ce serait le cas d'une femme qui se trouve dans une situation où elle sera fort probablement victime de violence si elle retourne chez elle.
M. Leon Benoit: Combien de personnes en moyenne aurait-on désignées dans cette catégorie, par exemple au cours des cinq dernières années? Combien de personnes seraient autorisées à rester au pays en vertu d'une mesure de renvoi à exécution différée? Combien y a-t-il de gens au Canada qui sont visés actuellement par une mesure de renvoi à exécution différée?
M. Bill Sheppit: Je devrai me renseigner. Je crois qu'il y en aurait entre 100 et 200. Pas plus, selon moi.
M. Leon Benoit: Ah, si peu. Très bien. Il s'agit donc d'un très petit nombre.
M. Bill Sheppit: Oui. Mais nous pourrons nous procurer ce chiffre et vous le faire parvenir.
M. Leon Benoit: Très bien. Je suppose que si j'avais posé cette question en premier je n'aurais pas eu besoin de poser les autres.
Oui, j'aimerais avoir de plus amples renseignements à ce sujet.
Le président: Dernière question, monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: J'ai constaté quelque chose lorsque j'ai visité le centre. Dans l'ensemble, le système d'immigration et le système de visiteurs semblent fonctionner relativement bien.
Le problème survient lorsque l'on ne peut suivre le processus normal. J'imagine que ces cas qui sortent de l'ordinaire sont très coûteux pour le système. J'imagine aussi qu'on retrouve ces cas dans tout système.
Avez-vous une ventilation de ces coûts? Pourrait-on obtenir ces données afin d'avoir une bonne idée de ce qu'il en coûte au système pour traiter les différentes catégories d'immigrants, de réfugiés et de visiteurs?
Le président: Monsieur Sheppit.
M. Bill Sheppit: Dans son rapport de novembre ou décembre dernier, le vérificateur général a signalé que le ministère ne savait pas ce que coûte au Canada le système de détermination du statut de réfugié. Depuis le dépôt de ce rapport, nous travaillons avec diligence à l'établissement de ces coûts.
Je ne suis pas certain que nous ayons une réponse définitive, car il faut tenir compte des coûts que cela implique pour plusieurs ministères ainsi que pour la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et les provinces.
Je sais que nous n'avons pas encore établi ce coût total. Mais nous pouvons voir quelles sont les données dont nous disposons et vous les communiquer. J'ai l'impression que c'est comme pour le reste, que la règle du 80-20 s'applique, c'est-à-dire que 20 p. 100 des activités accaparent 80 p. 100 des ressources. C'est mon impression, mais la proportion n'est peut-être même pas aussi élevée. Mais nous tenterons de trouver ces chiffres pour vous.
Le président: Monsieur Ménard, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Réal Ménard: Cinq minutes, monsieur le président, c'est très vite passé. J'aimerais poursuivre sur la question du statut de réfugié et commenter votre allusion au vérificateur général. Depuis un certain nombre d'années, il n'est jamais arrivé qu'il n'y ait pas de retard considérable dans le traitement des dossiers concernant les réfugiés politiques.
Le vérificateur général a avancé une explication, et je serais curieux de connaître votre appréciation de cette explication. C'était la première fois qu'on la soulevait de front. Il expliquait cela par le choc entre deux cultures organisationnelles: la culture des commissaires et la culture des fonctionnaires. Le vérificateur général avait constaté que cette coexistence n'était pas toujours harmonieuse.
Comme membres du comité, on doit s'efforcer de comprendre pourquoi ça peut prendre deux ou trois ans avant qu'on ait finalement statué sur le cas d'un revendicateur. Est-ce que ça vous apparaît un élément d'analyse et d'explication que ce comité devrait examiner plus en profondeur? Est-ce que je me fais bien comprendre?
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Je ne suis pas sûr d'avoir compris ce que vous avez dit au sujet des deux cultures différentes.
[Français]
M. Réal Ménard: Le vérificateur général a parlé dans son dernier rapport, celui de décembre, auquel vous avez fait allusion, d'une des pistes qu'il fallait envisager pour expliquer pourquoi la CISR était incapable, depuis sa création, de rendre des décisions de façon diligente dans le processus de détermination du statut de réfugié.
Un des éléments d'explication que le vérificateur général a avancés, sur trois pages, c'est le choc entre deux cultures organisationnelle, la culture des commissaires et celle des fonctionnaires. Dans le cas des commissaires, c'est lié au fait qu'il y a souvent une grande rotation et qu'il faut investir un an et demi avant que les individus soient fonctionnels et aptes à rendre des décisions. Quant à la culture des fonctionnaires, elle est basée sur le fait que ces derniers sont évidemment permanents et appartiennent à la fonction publique. Il y a quelquefois deux cultures qui entrent en confrontation, et c'est pourquoi cette organisation qu'est la CISR n'est pas toujours, selon le vérificateur général, capable de poursuivre des desseins communs. Vu de l'extérieur, est-ce que ça vous apparaît une analyse ou un élément d'explication que ce comité devrait étudier de plus près?
[Traduction]
M. Bill Sheppit: C'est difficile à dire, car je ne traite pas avec les réfugiés quotidiennement et je fais rarement affaire avec la Commission. D'après ce que j'ai pu voir, on y a déployé de grands efforts pour réduire l'arriéré. Je n'ai pas participé activement aux discussions qui auraient indiqué que des raisons autres que les différences culturelles expliqueraient cet arriéré. Dans son rapport, le vérificateur général a indiqué que cet arriéré était peut-être attribuable au roulement important et aux lacunes du système de nomination.
Pour ma part, je dirais que c'est plutôt le déroulement même du travail qui explique ces arriérés plutôt qu'une différence culturelle; ainsi, lorsqu'un grand nombre de Chiliens sont arrivés en peu de temps, le système étant axé sur...
[Français]
M. Réal Ménard: Permettez-moi de faire un commentaire. Je partage votre analyse. Ma question, vous le savez, ne visait pas à vous embarrasser. Je voulais connaître la perception d'une personne qui n'est pas effectivement dans ce tribunal, le plus important au Canada au demeurant.
Quels sont les conditions ou les critères qui président à la décision du Canada de lever l'exigence de visa? Je vous donne deux exemples. Premièrement, il y a le Chili. Vous connaissez l'histoire aussi bien que moi. Pour beaucoup d'analystes, il y a un lien direct entre le fait que le Canada a levé les visas et l'afflux de 3 000 Chiliens, dont 1 000 sont retournés et 2 000 sont restés.
Mon deuxième exemple est le suivant. Récemment, j'ai eu le plaisir d'aller dans les États Baltes avec le Président de la Chambre des communes. À toutes nos réunions officielles, nos interlocuteurs affirmaient que pour les trois pays Baltes, il y avait de la discrimination parce qu'eux ne demandaient pas de visa pour le Canada, alors que nous, on en demandait. Quelles sont alors les conditions? Par quel processus le Canada détermine-t-il qu'il ne doit pas demander pas de visa d'étranger pour certaines gens qui veulent venir ici?
[Traduction]
M. Brian Grant: Je dirais d'abord que le ministre de l'Immigration et le ministre des Affaires étrangères doivent s'entendre pour lever ou imposer l'exigence de visa, et que, pour ce faire, ils tiennent compte de différents facteurs.
La loi exige un visa de tous. Il y a donc une exigence universelle sauf pour les pays faisant l'objet d'une exemption. Le statu quo veut qu'un visa soit exigé à moins que nous ne levions cette exigence. Lorsqu'un grand nombre des parties ont intérêt à ce que cette exigence soit levée, surtout pour des raisons commerciales ou pour faciliter les déplacements, nous n'exigeons pas de visa si c'est possible. Il y a des cas—celui du Chili, par exemple, ou de la République tchèque—où nous avons levé l'exigence, en espérant que le mouvement de population serait stable, que cela profiterait aux gens d'affaires canadiens...
[Français]
M. Réal Ménard: Est-ce une considération commerciale qui entre en ligne de compte?
[Traduction]
M. Brian Grant: Il s'agit en grande partie de considérations commerciales. On vise aussi à faciliter les déplacements des gens qui veulent visiter leur famille. Nous tentons de faciliter ces déplacements dans la mesure du possible. Dans les deux cas que j'ai donnés en exemple, le Chili et la République tchèque, nous avons été dépassés par les événements et nous avons dû exiger de nouveau un visa. C'est toujours difficile de le faire, car nous tentons plutôt de faciliter les déplacements, dans la mesure du possible.
Lorsque nous devons décider de ne plus exiger ou d'exiger de nouveau un visa, nos deux ministères tiennent compte de différents facteurs, entre autres, la qualité du document de voyage délivré par le pays—le passeport—et la qualité du processus de délivrance de ce document.
Nous tenons compte de la possibilité que les ressortissants de ce pays abusent du privilège d'entrer au Canada sans visa, mais aussi que des ressortissants d'autres pays utilisent leur passeport même s'il est de piètre qualité. Nous examinons donc la qualité du passeport. Comporte-t-il des éléments de sécurité? La délivrance...
[Français]
M. Réal Ménard: Cela signifie-t-il qu'on peut facilement le reproduire?
[Traduction]
Le président: Réal, excusez-moi, mais votre temps est écoulé.
[Français]
M. Réal Ménard: Permettez-moi de faire appel au Règlement. Lorsque les fonctionnaires ont comparu la dernière fois, je leur avais demandé de fournir à chaque membre du comité une copie annotée de la Loi sur l'immigration. Ils s'y étaient engagés, mais je ne l'ai jamais reçue. Avant qu'ils ne nous quittent, je voudrais réitérer cette demande.
M. Tsaï avait pris cet engagement-là, mais il a sans doute été dans l'impossibilité de le respecter dans les délais qu'on souhaitait. Il serait important qu'on ait une copie annotée de cette loi, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je suis certain que nous pouvons en obtenir une de la Bibliothèque du Parlement.
Je cède maintenant la parole à...
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'estime que tous les membres du comité devraient obtenir chaque année un exemplaire annoté de la loi et du règlement.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Je suis tout à fait d'accord.
M. John McKay: Je ne comprends pas pourquoi on devrait même le demander. Si ce document ne nous provient pas de la Bibliothèque du Parlement ou d'ailleurs, on devrait l'obtenir en puisant dans le budget du ministère ou du comité.
Le président: Je croyais que ce serait facile à obtenir, mais je ne m'oppose pas à votre suggestion. Si vous voulez de l'aide de la part des fonctionnaires et que les fonctionnaires ont la gentillesse de nous transmettre ces documents—j'espère que vous n'y voyez pas d'objection—afin que les membres du comité...
M. Bill Sheppit: Ils sont vendus dans les librairies. Nous les achetons de l'éditeur.
Le président: Est-ce gratuit?
M. Bill Sheppit: Non.
M. John McKay: Nous devrions les acheter avec notre budget ou...
[Français]
M. Réal Ménard: Oui.
[Traduction]
Le président: J'en tiendrai compte...
[Français]
M. Réal Ménard: Mais je souhaite obtenir une copie annotée.
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Nous préférerions que vous les payiez avec votre budget.
Le président: J'en tiendrai compte lorsque nous examinerons notre budget. C'est une bonne idée. Nous en avons pris note et nous y reviendrons.
[Français]
M. Réal Ménard: Il faudrait que notre copie soit annotée, c'est-à-dire qu'elle comporte des explications.
[Traduction]
Le président: Le règlement est annoté chaque année.
Monsieur McKay.
M. John McKay: L'immigration dépend essentiellement de deux facteurs: la baisse du taux de natalité et la fuite des cerveaux. Je sais qu'en Colombie-Britannique, on s'inquiète particulièrement de la fuite des cerveaux. Cette fuite des cerveaux n'a pas encore été prouvée par des données empiriques, mais elle n'en est pas moins réelle.
Une des questions qu'on soulève le plus souvent, est celle du temps qu'il faut pour traiter les demandes des gens d'affaires et travailleurs qualifiés immigrants. J'ai quelques tableaux sous les yeux dont l'un sur le temps de traitement. On y indique le temps qu'il a fallu en mois pour traiter 80 p. 100 des demandes reçues en 1997 dans toutes les missions. À Ankara, il a fallu 16 mois pour traiter les demandes des travailleurs qualifiés. À Beijing, cela a pris 25 mois et à Belgrade, 27 mois. Pour traiter les demandes des gens d'affaires, il a fallu 29 mois à Belgrade, 17 mois à Bogota, et ainsi de suite.
• 1000
C'est une source de grandes frustrations pour ces immigrants
qui sont les plus «attrayants», ceux que nous voulons accueillir
pour combler certains emplois. Des progrès ont-ils été réalisés à
cet égard? Pourquoi faudrait-il 16, 20 ou 25 mois, plus de deux
ans, pour traiter 80 p. 100 de ces demandes? Je présume que pour
20 p. 100 des cas, le processus est encore plus long. Pouvez-vous
nous donner une explication?
M. Bill Sheppit: Nous partageons votre impatience.
Le problème, c'est que les gens peuvent présenter leurs demandes là où ils le souhaitent. Nous prévoyons des ressources données pour nos bureaux à l'étranger d'après nos prévisions de la charge de travail, mais il arrive que, pour diverses raisons, cette charge de travail change considérablement.
Beijing en est un bon exemple. Jusqu'à il y a cinq ans environ, il était pratiquement impossible pour les Chinois de voyager à l'étranger. Le gouvernement chinois ne délivrait pas de passeport. Le tourisme n'existait pas. Nous y avions un petit bureau bien tranquille qui accordait des visas à des étudiants ou pour des réunions de famille. Puis, la Chine a libéralisé son économie. Elle a aussi assoupli ses règles internes de sorte qu'on a vu naître le tourisme, les déplacements internationaux, les délégations d'affaires, et qu'il y a eu croissance exponentielle des entreprises.
Nous avons entrepris de construire une nouvelle ambassade à Beijing, mais cela a pris 10 ans parce que le gouvernement chinois. a désigné les entrepreneurs. Lorsque la Chine a voulu accueillir les Jeux asiatiques, tous les entrepreneurs ont été affectés aux projets de construction des installations pour ces jeux. Je n'en suis pas certain, mais j'ai bien l'impression que la nouvelle ambassade venait à peine d'être terminée qu'elle était déjà trop petite pour nos besoins. Le manque d'espace fait donc obstacle à la réaffectation des ressources.
La question des ressources est importante. En général, à la suite de l'examen des programmes, l'effectif étranger ne représente plus que 20 p. 100 de l'effectif canadien en provenance du Canada.
De plus, comme je l'ai indiqué, nous affectons un certain nombre d'employés à un bureau puis, pour des raisons qui ne dépendent pas de nous, telles que les décisions des avocats et des experts-conseils, les gens présentent leur demande à un bureau plutôt qu'à un autre. Bonn en est un bon exemple.
Il y a quelques années, nous avions un bureau de visa à Bruxelles. Lorsque nous avons décidé de le fermer, 5 p. 100 de la charge de travail provenait de la Belgique et 95 p. 100, d'ailleurs. Il n'était pas logique pour nous d'y avoir un bureau si nous pouvions réaffecter ces employés-là aux bureaux des pays d'origine des demandeurs.
M. John McKay: En ce qui concerne Bonn, le temps de traitement semble être dans la moyenne, soit 16 mois.
M. Bill Sheppit: Vous constaterez toutefois que la plupart de ces demandes nous proviennent de gens qui ne sont pas allemands.
M. John McKay: Les demandeurs ne sont pas allemands.
M. Bill Sheppit: C'est tout un problème pour nous. Nous ressemblons à un chien qui court après sa queue. Et les coûts varient selon le pays. Ainsi, je crois savoir qu'il est plus coûteux d'ouvrir un bureau dans un pays d'Europe occidentale plutôt que dans le sous-continent. Dans certains bureaux, la demande est telle qu'il n'y aura jamais suffisamment d'employés.
Récemment, nous avons commencé à mettre sur pied des centres d'affaires qui reçoivent les demandes des gens d'affaires immigrants; 10 missions à l'étranger ont été désignées centres d'affaires, et c'est à ces endroits que les gens d'affaires immigrants, qu'ils soient entrepreneurs ou investisseurs, doivent présenter leur demande. Ainsi, nous pouvons disposer d'un bassin d'employés spécialisés.
M. John McKay: Ces centres d'affaires sont à l'extérieur de l'ambassade?
M. Bill Sheppit: Non, à l'ambassade même, mais ce sont des bureaux de visa spécialisés. Les personnes qui veulent présenter une demande à titre de gens d'affaires immigrants, doivent présenter leur demande à l'un de ces bureaux. Ils se trouvent...
M. John McKay: Cela a-t-il un effet incitatif ou dissuasif?
M. Bill Sheppit: Nous espérons ainsi encourager les gens à présenter des demandes. Ces bureaux se trouvent dans les pays où proviennent 85 p. 100 des gens d'affaires immigrants. Ainsi, les gens n'ont plus à aller à l'étranger pour présenter leur demande.
Je suis allé à Hong Kong, par exemple. Nous connaissions très bien les particularités des cas de Hong Kong, de Taïwan et du sud de la Chine. Un jour, un avocat spécialisé en droit de l'immigration nous a demandé si nous y traiterions des cas de la Russie. Nous ne connaissions rien de la Russie à ce bureau. Nous n'avions pas non plus les capacités linguistiques. Nous ne connaissions pas la situation économique, sauf ce que nous en avions lu dans les journaux. Il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour traiter une demande d'un immigrant russe que celle provenant des gens d'affaires de Hong Kong.
Par conséquent, en établissant ces centres d'affaires, nous avons voulu développer ces connaissances d'expert. Nous savons ce que nous recherchons. Nous saurons aussi ce que sont les documents que ces demandeurs nous présenteront.
Disons que vous traitez la demande d'une personne provenant d'un pays que vous connaissez mal et qui vous donne une lettre de référence de la banque 123. La banque 123 est peut-être la banque la plus connue du pays, mais ce peut aussi être une organisation bidon qui n'a rien à voir avec une banque au sens où nous l'entendons au Canada. Voilà où vos connaissances d'expert vous seront utiles. Nous espérons que ces centres d'affaires sauront attirer des demandes et nous permettront d'abréger le traitement des demandes.
Le président: Ce sera votre dernière question.
M. John McKay: Ma dernière question est dans un autre ordre d'idées, d'une certaine façon. Mais vous êtes d'accord pour dire que cela nuit à la réalisation de vos objectifs d'ensemble...
M. Bill Sheppit: En effet.
M. John McKay: Ma deuxième question porte sur les travailleurs qualifiés. Je ne comprends pas vos statistiques. Dans la catégorie des travailleurs qualifiés classés selon l'intention de travailler, je remarque que près de 25 p. 100 d'entre eux n'ont aucune intention de travailler. Pourquoi recruter un travailleur qualifié qui n'a pas l'intention de travailler?
M. Bill Sheppit: Où avez-vous trouvé cela?
M. John McKay: À la page 65 de votre document d'information.
M. Bill Sheppit: Je ne l'ai pas.
Je présume qu'il s'agit des personnes à charge des travailleurs qualifiés.
M. John McKay: Donc les personnes à charge sont aussi incluses dans la catégorie des travailleurs qualifiés.
M. Bill Sheppit: Oui. Si le demandeur principal est un travailleur qualifié, sa femme et ses enfants sont inclus dans cette catégorie. Si les enfants fréquentent l'école, ils n'ont pas l'intention de travailler.
M. John McKay: Je vois. Par conséquent, lorsque vous dites que 56 000 travailleurs qualifiés entrent au pays...
M. Bill Sheppit: Il s'agit des travailleurs et de leurs familles.
Le président: Merci.
Monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi: Comme toujours, quand vient le temps de prendre une décision, tout ce qui se trouve dans le blanc et le noir est facile à régler; c'est ce qui se trouve dans la zone grise qui pose des problèmes. Si nous faisons ce qui doit être fait, nous parviendrons à améliorer le système sans pour autant y ajouter des ressources.
J'ai des préoccupations concernant l'aspect de sécurité des renvois. L'ex-Yougoslavie en est un parfait exemple. À l'époque de Tito, tout le monde s'entendait assez bien.
M. Steve Mahoney: Ils n'avaient pas le choix.
M. Andrew Telegdi: En effet. Il y a eu de nombreux mariages mixtes. Les gens s'entendaient assez bien.
Puis, soudain, c'est la pagaille et la xénophobie règne. Si vous faites partie d'une minorité au sein de la majorité, vous risquez beaucoup. Si, en plus, vous êtes marié à un membre d'une autre minorité, vous êtes dans une situation impossible. Disons que vous êtes un Croate marié à une Serbe. Il en va de même pour les Musulmans. Il n'y a plus de place pour vous dans ce pays, peu importe ce que dit l'accord de Dayton. La haine est incroyable, et ce n'est pas nécessairement le gouvernement qui en est la source. Elle peut être fomentée par des groupes semblables au KKK, aux États-Unis. Les défenseurs des droits civiques n'ont pas été assassinés par le gouvernement, mais par le KKK.
• 1010
Lorsque vous évaluez les risques, il faut tenir compte de ces
facteurs car il arrive que des conflits éclatent. Je m'imagine bien
les épreuves que doivent traverser les groupes minoritaires de la
Yougoslavie. Ces groupes sont beaucoup plus à risque que dans une
situation normale—l'ONU même n'a pas de pouvoir et les
bombardements pourraient reprendre n'importe quand. Vous dites que
vous évaluez les risques avant d'ordonner le renvoi. Mais dans
quelle mesure tenez-vous compte des facteurs de ce genre, surtout
lorsque vous renvoyez des gens qui ne sont pas dangereux.
Le président: Monsieur Sheppit.
M. Bill Sheppit: Votre question comporte deux volets, et je demanderai à M. Grant d'y répondre aussi.
En ce qui a trait à la sélection des réfugiés provenant de l'ex-Yougoslavie, l'objectif du gouvernement cette année est établi à 7 300 personnes. Si ma mémoire est bonne, environ 60 p. 100 de ces réfugiés provenaient de l'ex-Yougoslavie et étaient passés par nos missions de Bonn, Vienne ou Belgrade. Je sais que bon nombre de ces cas représentent précisément celui que vous avez décrit—des personnes dans un mariage mixte qui sont plus à risque que la population en général. Nous sommes tout à fait conscients des problèmes auxquels elles font face et nous en tenons compte lorsque nous choisissons les réfugiés provenant de cette région.
Brian, vous voulez parler de l'évaluation du risque?
M. Brian Grant: Il est important de se rendre compte que la plupart de ceux qui sont visés par une mesure de renvoi, sinon tous, ont présenté une demande de statut de réfugié. La CISR a déterminé qu'ils ne répondaient pas aux critères pour être considérés comme réfugiés, notamment peut-être pour les raisons que vous avez évoquées. Voilà la première étape qui permettrait de repérer un certain nombre de ceux dont vous avez parlé.
Puis, les demandeurs ont la possibilité de demander l'examen administratif du risque pour leur personne. S'il y a donc quelque chose dans leur situation personnelle qui ne correspond pas à la définition—ils ne font pas partie de groupes, etc.—mais qui les mettrait en péril s'ils rentraient dans leur pays, ils seraient alors autorisés à rester; le nombre de ces personnes serait toutefois assez petit.
La situation est maintenant telle que, à toutes fins utiles, la personne n'a aucune raison de craindre de rentrer dans son pays, et ce, au regard du risque général que nous surveillons. C'est dans ces circonstances que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il pourrait y avoir un sursis. Le risque général est le risque qui existe à l'échelle du pays entier, si bien qu'aucune région n'y échappe. Voilà ce que nous considérons comme un risque généralisé.
À ce stade-là, les demandeurs seront déjà passés par deux étapes qui auront permis de repérer ceux qui, parce qu'ils sont mariés à quelqu'un d'une autre origine ethnique ou à cause de leur situation personnelle, peuvent être désignés et autorisés à demeurer au Canada. Il est peu probable qu'ils comptent parmi ce petit nombre de personnes que nous cherchons maintenant à renvoyer dans l'ex-Yougoslavie, par exemple. Si, dans l'intervalle, il arrivait quelque chose dans le pays d'origine, la personne pourrait demander à la toute fin du processus qu'on revoie l'évaluation du risque au regard de considérations humanitaires, auquel cas nous procéderions à une évaluation du risque immédiatement avant son renvoi. Nous tiendrions compte de ce qui aurait pu éclater entre temps. Ces évaluations se font littéralement dans l'aire d'envol. Car la personne peut présenter sa demande à l'aéroport même.
Le président: Dernière question.
M. Andrew Telegdi: Quand une personne n'a aucune raison de craindre—je ne sais pas ce que vous voulez dire par là. Voulez- vous dire que c'est la personne qui rentre dans son pays qui n'a aucune raison de craindre?
Mon autre question—et je veux être sûr de bien comprendre—est la suivante: la personne peut demander une évaluation du risque quand elle est déjà à l'aéroport?
M. Brian Grant: Elle peut demander une évaluation du risque à n'importe quel moment, dès qu'elle a des raisons de craindre de rentrer chez elle. La situation a peut-être changé. Elle a peut- être présenté sa demande de statut de réfugié qui a été refusée.
• 1015
Elle a aussi présenté une demande au titre du CDNRSRC, afin
qu'on évalue le risque pour sa personne en particulier. Entre-
temps, on aura pris des dispositions pour que la personne rentre
dans son pays. À ce moment-là, elle peut déclarer que la situation
a changé et qu'elle se trouve maintenant en danger. Nous
demanderons aux agents qui font l'évaluation du risque individuel
de procéder à une nouvelle évaluation. Les agents tiendront compte,
le cas échéant, des nouvelles circonstances qui entrent en ligne de
compte.
Le président: D'accord, monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Pour faire suite à certaines des questions de M. McKay, je voudrais rapidement obtenir de vous le pourcentage d'immigrants qui font partie des catégories dites économiques comparativement au pourcentage de ceux qui font partie de la catégorie de la famille. Pourriez-vous me donner rapidement ces chiffres?
M. Bill Sheppit: Pour la catégorie de la famille, je crois qu'il s'agit de 39 p. 100 du total, c'est-à-dire de 180 000.
M. Leon Benoit: Vous avez dit, en réponse à une des questions de M. McKay, que les personnes qui font partie de la famille des immigrants qui sont acceptés selon les critères de la catégorie dite économique—d'un travailleur spécialisé, par exemple, comme il disait je crois—seraient incluses dans les statistiques globales concernant la classe dite économique.
M. Bill Sheppit: La catégorie de la famille comprend les membres de la famille de citoyens canadiens ou de résidents permanents—conjoints, enfants à charge ou grands-parents surtout— et leurs personnes à charge. Cela représente 39 p. 100 du total. La catégorie des travailleurs spécialisés comprend les travailleurs eux-mêmes ainsi que les membres de leur famille immédiate qui les accompagnent et qui sont à leur charge.
M. Leon Benoit: Le nombre comprend donc les conjoints...
M. Bill Sheppit: Les conjoints et les enfants à charge.
M. Leon Benoit: Sur le nombre total des immigrants que nous avons admis au Canada au cours des cinq dernières années, mettons, en moyenne, quel serait le pourcentage approximatif de ceux qui auraient été acceptés en raison de leurs compétences ou de leur formation ou encore parce qu'ils avaient l'intention de se lancer en affaires au Canada? Les statistiques ne donnent pas cette ventilation.
M. Bill Sheppit: Nous n'avons pas le tableau auquel se reportait M. McKay, mais si je me souviens bien, le nombre moyen de personnes à charge par requérant principal était de l'ordre de 2,1, 2,2 ou un chiffre s'approchant de cela. Ainsi, dans la catégorie à caractère économique, qui comprend les entrepreneurs et les investisseurs, le tiers se destine directement au marché du travail, tandis que les deux autres tiers se...
M. Leon Benoit: Combien y en aurait-il eu environ au cours de la dernière année et de l'année précédente?
M. Bill Sheppit: L'an dernier, il y en aurait eu...
M. Rodney Fields (directeur général par intérim, Région internationale, Citoyenneté et Immigration Canada): Il y en a eu 220 000.
M. Bill Sheppit: Environ 40 000 auraient été choisis pour leurs compétences spécialisées et 80 000 étaient des personnes à charge qui accompagnaient les travailleurs.
M. Leon Benoit: Cela me préoccupe énormément qu'il y ait un si faible pourcentage du nombre total de ceux qui arrivent ici qui ont des compétences ou une formation ou encore qui ont les moyens de lancer une petite entreprise au Canada, alors que nous avons un système qui, d'après le rapport qu'a présenté la ministre cette année, n'a pas pu permettre d'atteindre l'objectif. Comme l'a dit M. McKay, c'est dans les catégories dites économiques que l'écart par rapport à l'objectif était le plus important. Cela me préoccupe énormément. Je suppose que cela vous préoccupe aussi.
Que faudrait-il changer au système afin de réaffecter les ressources et veiller à ce que nous puissions faire venir au Canada ces gens dont nous avons besoin maintenant? Je me suis rendu dans différentes régions du pays, comme la plupart des députés, et j'entends des gens d'affaires dire qu'ils ont désespérément besoin de travailleurs avec certaines compétences ou une certaine formation et qu'ils n'arrivent pas à les faire venir ici.
• 1020
Je sais que la question est très vaste, mais je voudrais
simplement savoir ce que vous en pensez. Étant donné les fonctions
que vous occupez, vous y avez sûrement beaucoup réfléchi.
J'aimerais bien que vous nous disiez franchement ce que vous croyez
pouvoir faire pour modifier le système de façon à pouvoir utiliser
les ressources afin de mieux cibler les personnes dont nous avons
besoin à l'heure actuelle.
M. Bill Sheppit: Je voudrais bien que la solution ne tienne qu'à cela.
M. Leon Benoit: D'accord, mais où est le problème? Qu'est-ce qui vous empêche de modifier ainsi le système?
M. Bill Sheppit: Ce serait bien que nous puissions arriver ici et vous dire que, si vous nous donniez tant d'argent, voici ce que nous pourrions faire et voici combien d'immigrants nous pourrions vous donner. D'une certaine façon, la question est bien plus vaste que cela, comme l'a fait remarquer la ministre quand elle a déposé le rapport sur les niveaux d'immigration. L'immigration en provenance d'Asie a baissé considérablement cette année en raison du ralentissement de l'économie asiatique. Dans une certaine mesure, c'est là une situation qui échappe à notre volonté à tous.
Comme je l'ai dit à M. McKay, j'ai été en poste à Hong Kong pendant un certain nombre d'années. À l'époque, l'économie était en croissance et le prix moyen d'un appartement était de 1 million de dollars canadiens. Les gens prenaient une hypothèque d'environ 800 000 $, mettons, et ils s'attendaient à ce que la valeur de leur appartement augmente, comme cela s'est effectivement produit pendant un certain nombre d'années. À l'heure actuelle, cependant, le prix de l'immobilier a baissé d'environ 40 p. 100, si bien que l'appartement qui valait 1 million de dollars n'en vaut plus que 600 000 $, mais l'hypothèque est toujours de 800 000 $. Le propriétaire de l'appartement a peut-être obtenu un visa et avait l'intention de venir au Canada, mais s'il vend son appartement maintenant, il se retrouvera avec une dette de 200 000 $. Il n'a pas les moyens de partir.
Il ne s'agit pas là d'un cas isolé. La situation ne se limite pas à Hong Kong, mais s'étend à toute l'Asie. Dans beaucoup de pays, les gens ont bien l'intention de partir, mais il n'est tout simplement pas dans leur intérêt économique de le faire maintenant. Ils doivent patienter, survivre à la tempête et attendre que la situation change.
La compétitivité du Canada à l'échelle mondiale est une considération. En tout cas, il existe une perception à cet égard qui, à mon avis, n'est pas très bien fondée. Cette semaine, le Winnipeg Free Press a publié une série d'articles où l'on comparait le coût de la vie à Winnipeg et à Minneapolis. D'après cette série d'articles, on avait l'impression que le Canadien qui irait s'installer aux États-Unis verrait aussitôt son salaire augmenter de 40 p. 100 et vivrait mieux. Je crois que c'est la Winnipeg Economic Development Corporation qui a publié une série d'articles destinés à contrer cette impression, où l'on disait essentiellement que, quand on y regardait de plus près, on se rendait compte que ce n'était pas tout à fait aussi simple que cela. En tout cas, on a l'impression dans certaines régions du monde qu'il coûte bien plus cher de vivre au Canada que dans bien d'autres pays. Je ne suis pas sûr que cette perception soit bien fondée, quand on tient compte de ce que l'on peut obtenir pour son dollar.
Le président: Je cède la parole à Raymonde, puis à Steve.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): J'aimerais revenir à la question de M. McKay au sujet des délais relatifs à l'obtention d'un visa par un entrepreneur ou un investisseur. Je voudrais préfacer ma question en précisant que je sais que la grande majorité de ces entrepreneurs ou investisseurs sont des personnes honnêtes. Cependant, je sais aussi qu'on a parlé de la possibilité d'un règlement ou d'une nouvelle façon de fonctionner, où les demandes de ces derniers seraient évaluées en fonction de la façon dont ils ont accumulé leur capital. On tenterait de s'assurer qu'ils n'ont pas blanchi d'argent avant leur arrivée au Canada.
Je me demande donc s'il y a effectivement une évaluation du capital de ces investisseurs. Si oui, quelle sorte de délais cela entraîne-t-il pour la délivrance des visas de ces investisseurs qui, corrigez-moi si je fais erreur, viennent en grande majorité du Sud-Est asiatique.
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Oui, nous cherchons à déterminer d'où vient leur argent. C'est en partie à cause de la définition de ce qui constitue un «entrepreneur» ou un «investisseur», définition selon laquelle l'argent doit avoir été gagné. Si elle a hérité de l'argent qu'elle a, la personne n'a pas nécessairement ce qu'il faut pour exploiter une entreprise. Si elle l'a gagné elle-même et qu'elle l'a fait fructifier, nous avons davantage confiance qu'elle pourra mettre sur pied une entreprise au Canada. Nous cherchons donc à déterminer d'où vient l'argent.
• 1025
Cela est extrêmement difficile dans certains cas. Je songe en
particulier à la Chine et la Russie, où l'économie croît et se
développe très rapidement sans qu'il y ait nécessairement en place
l'infrastructure gouvernementale nécessaire pour nous permettre
d'obtenir un rapport impartial sur le montant du revenu gagné. Au
Canada, nous n'aurions qu'à demander à voir le T-4 de l'année
précédente ou encore l'avis de cotisation à l'impôt comme
attestation des gains de la personne. Dans des pays où l'économie
se développe, bien souvent, il n'existe pas à proprement parler de
régime fiscal. Il devient donc bien plus difficile pour nous
d'avoir l'assurance que la personne a gagné l'argent par ses
efforts. Nous voulons par ailleurs nous assurer qu'elle l'a obtenu
de façon légale.
Nous convenons que la grande majorité des demandeurs sont honnêtes. Dans une certaine mesure, c'est pour cette raison que nous avons établi des centres à l'intention des gens d'affaires: nous voulons acquérir la connaissance et l'expérience voulues dans les divers pays d'où viennent la majorité des requérants qui appartiennent à la catégorie des gens d'affaires et faciliter ainsi les choses pour tout le monde.
Mme Raymonde Folco: Pouvez-vous nous dire quel est le délai qu'entraîne ce travail d'évaluation? Quel est le délai moyen?
M. Bill Sheppit: Idéalement, il n'y a pas de délai. Idéalement, la grande majorité des demandeurs sont représentés par des conseillers, des avocats ou des experts-conseils. Avec une bonne documentation, ils peuvent venir à bout des doutes que nous pourrions avoir.
Quand nous étudions le formulaire de demande, nous cherchons généralement des attestations concernant le revenu des trois dernières années de façon à pouvoir supprimer du calcul le revenu beaucoup plus faible que la personne a pu avoir au cours d'une année donnée. Nous cherchons à déterminer si la personne a établi une entreprise qui fonctionne bien et que la personne ne court pas simplement à sa perte avec l'entreprise en question. Si elle nous remet toute cette information avec son formulaire de demande, il n'y a pratiquement pas de délai. Nous faisons un échantillonnage au hasard et nous faisons des vérifications auprès des gouvernements hôtes, mais cela vaut pour un très faible pourcentage des cas et le processus est peut-être de ce fait allongé d'un mois. Cependant, comme je l'ai indiqué, le plus souvent, l'évaluation en question se fait dans le cadre du processus d'étude de la demande si l'information voulue nous est fournie en même temps que le formulaire.
Le président: Je cède la parole à Réal, puis à Steve.
[Français]
M. Réal Ménard: D'abord, j'aimerais dire que je compte vraiment sur vous pour nous faire parvenir copie annotée de la loi. C'est très important pour qu'on puisse poursuivre notre travail.
Je voudrais revenir sur la détermination du statut de réfugié et m'assurer que j'ai bien compris la réponse que vous m'avez donnée tout à l'heure. Lorsqu'il compile la liste de pays producteurs de réfugiés politiques qu'il reconnaît, le Canada se base sur deux conditions. Il y a d'une part la condition que vous avez fait valoir en vertu de la convention et le fait d'avoir quitté son pays. La liste est dressée en consultation avec le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ainsi que les organismes liés à cette question aux Nations unies. Est-ce que mon affirmation est correcte?
M. Bill Sheppit: Il n'y a pas vraiment une liste comme telle parce que toute personne peut déposer une demande de statut de réfugié, peu importe le pays d'où elle vient.
M. Réal Ménard: Ça, c'est au Canada?
M. Bill Sheppit: Même à l'étranger. Toute personne peut entrer dans une de nos ambassades à l'étranger, par exemple celle de Londres, dire qu'elle vient de tel pays et déposer une demande de statut de réfugié.
M. Réal Ménard: Mais voici ce que je veux comprendre. Je comprends déjà que peu importe l'endroit d'où on vient, il n'y a pas de raison pour qu'on ne puisse pas déposer une demande. À l'entrée même, on demande au requérant de remplir une fiche de renseignements personnels, et un agent l'analyse et détermine dans un premier temps s'il y a un minimum de fondement.
M. Bill Sheppit: Oui.
M. Réal Ménard: Je comprends ça. Mais je ne comprends pas pourquoi, dans nos bureaux de comté, on voit des gens qui sont renvoyés dans certains pays et d'autres qui ne le sont pas. Quel est le processus de décision qui fait en sorte qu'on reconnaît qu'un pays dans tel coin du monde produit des revendicateurs?
• 1030
En mars dernier, je suis allé en Inde avec le
gouverneur général. On y reconnaissait que
l'Afghanistan avait produit des réfugiés politiques, et
le Canada avait souligné la contribution de l'Inde, qui
avait accueilli plusieurs réfugiés afghans. Il y a
donc eu quelque part un processus de décision où on a
reconnu que tel pays produisait des revendicateurs.
Dans son dernier rapport, le vérificateur général,
selon l'information qu'il aurait obtenue de votre
ministère, parle d'une douzaine de pays. Quel est le
niveau de tension nécessaire pour qu'on reconnaisse
qu'un pays produit des revendicateurs?
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Je ne crois pas que les choses se passent vraiment ainsi. En réalité, il y a plutôt un nombre restreint de pays qui produisent des réfugiés à un moment donné, en raison de la situation qui y prévaut. La CISR fait sa détermination au cas par cas; elle décide si la personne peut être considérée comme un réfugié. On n'est pas considéré réfugié simplement parce qu'on vient de l'Afghanistan. On est plutôt considéré comme réfugié si on vient de l'Afghanistan et qu'on risque d'être en péril parce qu'on fait partie d'un groupe social en particulier, qu'on est membre de l'opposition ou pour quelque raison de ce genre. La décision est prise, non pas en fonction du pays d'origine, mais des antécédents de la personne.
[Français]
M. Réal Ménard: Donc, il y a une partie qu'on laisse à la discrétion de chacun des commissaires. Je suis allé visiter la CISR et je sais qu'elle a une indépendance administrative, étant un tribunal quasi judiciaire. On a un cahier bleu qu'on consulte et on maintient un centre de documentation qui s'alimente de données sur l'évolution des différents pays qui lui proviennent de l'ONU et de diverses autres sources afin d'aider les commissaires à se faire une idée sur la situation réelle d'un pays ou un autre. Mais s'il n'y ni liste, ni d'autorité, ni de directives de la part du ministère des Affaires étrangères ou de votre ministère, c'est peut-être ce qui explique qu'il y a une très grande variation régionale.
Dans le rapport du vérificateur général, on disait, par exemple, que telle communauté pouvait être acceptée à 40 p. 100 à Montréal, à 30 p. 100 à Vancouver et à 35 p. 100 à Toronto. Ce sont certainement des éléments d'explication qui peuvent nous permettre de comprendre les variations régionales.
[Traduction]
M. Bill Sheppit: Nous donnons certainement notre avis à la Commission et à son centre de documentation. Les Affaires étrangères en font autant. Mais je crois qu'il vaudrait mieux adresser vos questions à la Commission lorsqu'elle témoignera aujourd'hui, car c'est...
[Français]
M. Réal Ménard: J'aimerais poser une dernière question à ce sujet. Les groupes communautaires qui travaillent à l'accueil d'immigrants et de réfugiés politiques réclament depuis trois ans une diminution ou une abolition des frais d'établissement. Dans les documents du ministère, on dit que ces frais représentent des recettes de 216 millions de dollars. Il s'agit évidemment d'une somme considérable. Il y a deux types de frais: les frais administratifs et les frais d'établissement. Est-ce que la plupart des pays ont un comportement analogue à celui du Canada et exigent des frais d'établissement pour étudier des dossiers et pour accueillir des immigrants?
[Traduction]
Le président: Monsieur Sheppit, voulez-vous...
M. Bill Sheppit: Je ne sais pas. Ce n'est pas dans mon champ de compétence. Je sais que nous avons négocié avec les provinces pour leur transférer la responsabilité de l'établissement, mais je ne peux pas vous dire ce qu'il en est exactement. Nous pourrions vous préciser ultérieurement comment l'argent provenant des frais d'établissement est dépensé.
[Français]
M. Réal Ménard: Une toute dernière question? Non?
[Traduction]
Le président: Non, Steve, s'il vous plaît.
M. Steve Mahoney: Personne ne semblait avoir de question à poser lorsque nous avons commencé ce matin.
Il y a deux domaines que je voudrais explorer avec vous. Premièrement, dans votre exposé d'hier après-midi au moyen de PowerPoint, un des tableaux montrait les différences entre quatre pays, dont les États-Unis et le Canada. Je crois que c'était pour les réfugiés. Si je me souviens bien, nous avions un taux d'acceptation d'environ 70 p. 100 contre 30 p. 100 ou un chiffre de ce genre pour les États-Unis.
M. Rodney Fields: Quarante pour cent.
M. Steve Mahoney: C'était 40 p. 100? Il y avait peut-être aussi l'Australie et la France. Leur taux d'acceptation était beaucoup plus bas que le nôtre. Certains verront là quelque chose de positif, mais pas tout le monde. Je me demande quelles sont les principales raisons de cette différence. Pourquoi acceptons-nous les gens dans une proportion tellement plus élevée, surtout par rapport aux États-Unis?
M. Bill Sheppit: Je crois qu'il y a deux ou trois facteurs. Les pays d'Europe n'accordent pas nécessairement la résidence permanente aux gens qui ont besoin d'une protection. On accorde beaucoup plus souvent une protection temporaire, par exemple, dans le cas de l'Allemagne où un grand nombre de réfugiés de Yougoslavie sont allés s'installer temporairement pendant trois à cinq ans. Quand la situation s'est améliorée, on s'attendait à ce qu'ils repartent. La notion d'asile varie donc d'un pays à l'autre.
Pour ce qui est de nous comparer aux États-Unis, je ne connais pas suffisamment leur situation pour expliquer que leur taux soit plus bas que le nôtre.
M. Steve Mahoney: La dernière fois, nous avons discuté de la comparaison entre le Canada et les États-Unis à partir des cas de fraude et d'infraction criminelle chez les personnes qui demandent un visa de visiteur, le statut de réfugié ou autre chose. À titre de législateur ontarien qui s'occupait de l'indemnisation des accidents de travail, j'ai constaté qu'on se plaignait beaucoup des fraudes dont la Commission des accidents du travail était victime en Ontario, mais qu'en réalité, cela ne visait qu'entre 2 p. 100 et 5 p. 100 de tous les requérants et que ce chiffre pouvait même être exagéré.
Quelle est la situation selon vous? Je trouve également intéressant de voir la façon dont les organisations peuvent évaluer l'incidence de la fraude. J'ai l'impression que si l'on peut cerner le problème, on est en mesure de l'éliminer. Mais peut-on établir un parallèle? Est-ce une question de perception, une question de politique plutôt qu'une réalité?
M. Bill Sheppit: De quel genre d'infraction criminelle parlez- vous?
M. Steve Mahoney: J'allais vous poser la question. Nous entendons parler de blanchissage d'argent, de falsification de documents. À notre dernière réunion, nous avons cherché à faire inscrire à l'ordre du jour la question des permis ministériels délivrés à des personnes qui avaient peut-être un casier judiciaire. L'opposition voulait que nous obtenions tous les noms, les types d'actes criminels commis, les pays d'origine, etc. J'essaie d'établir si nous avons un système où règne la fraude et les criminels ou si c'est un simple problème de perception.
M. Bill Sheppit: Pour en parler, il faut tenir compte des millions de personnes qui traversent nos frontières et qui sont des visiteurs de bonne foi. Ces personnes n'ont aucun problème, elles se contentent d'aller et venir parce que les Américains sont nos principaux partenaires commerciaux et alliés comme nous sommes les leurs. Je ne sais pas exactement quel est le nombre de citoyens canadiens et américains qui traversent dans chaque sens, mais s'il y a 41 millions de visiteurs étrangers qui viennent au Canada chaque année, je suppose que 35 ou 36 millions d'entre eux sont probablement américains. Dans ce contexte, 4 000 permis ministériels, c'est très peu si l'on tient compte de la criminalité dans son ensemble.
Je sais que le solliciteur général a rendu visite au procureur général des États-Unis et qu'on examine ce dossier dans le cadre du forum sur la criminalité transfrontière. Les Américains considèrent certainement le télémarketing, par exemple, comme une contribution typiquement canadienne à la criminalité nord-américaine. À partir d'officines douteuses établies chez nous, des escrocs téléphonent aux personnes âgées des États-Unis pour leur vendre de la poudre de perlimpinpin ou Dieu sait quoi. La criminalité transfrontière est une réalité, mais...
M. Steve Mahoney: Ces questions semblent davantage du ressort du ministère de la Justice...
M. Bill Sheppit: Oui.
M. Steve Mahoney: ...que du ministère de l'Immigration.
M. Bill Sheppit: Cela se répercute sur nous étant donné que des gens sont en cause. Et nous travaillons en collaboration très étroite avec le ministère de la Justice, la GRC et le solliciteur général lorsque nous constatons que des gens sont dans cette situation, mais dans l'ensemble, étant donné le nombre de personnes visées, c'est...
M. Steve Mahoney: C'est mineur.
M. Bill Sheppit: Ce n'est pas inimaginable.
M. Steve Mahoney: Très rapidement étant donné que le président s'apprête à me couper la parole, je crois que le projet de loi—dont je ne me souviens pas du nom—actuellement devant le Congrès des États-Unis qui exige que les Canadiens obtiennent un visa pour se rendre aux États-Unis a été mis en veilleuse, du moins pour le moment.
Surveillez-vous ce dossier? Est-ce un dossier que notre comité devrait suivre?
M. Bill Sheppit: Le gouvernement canadien s'y est beaucoup intéressé par l'entremise de notre ambassade à Washington. C'est une question que nous avons abordée lors d'une réunion entre notre ministre et le procureur général. Il y a eu une liaison et un échange d'informations très étroits entre notre ministère et l'Immigration et Naturalization Service des États-Unis.
Mais c'est certainement une question sur laquelle il y a eu beaucoup... Il y a beaucoup de travail qui se fait sur ce dossier à d'autres niveaux. Les Affaires étrangères dirigent un groupe interministériel qui se penche sur nos relations avec les États-Unis et la frontière. Revenu Canada vient de publier un document de discussion sur la nature de la frontière. Encore une fois, étant donné les relations entre nos deux pays et leurs répercussions sur la société canadienne et le Canadien moyen, c'est une chose qui est très importante à nos yeux et pour l'ensemble du gouvernement.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Pour faire suite aux questions de M. Mahoney, je crois que si les Américains ont reculé c'est parce qu'ils se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient pas mettre en place tout le système que cela exigerait. Ce n'est pas qu'ils ne s'inquiètent pas vraiment de la contribution du Canada à la criminalité aux États-Unis ou de la menace pour la sécurité nationale, mais plutôt parce qu'ils ne peuvent pas mettre en place un système efficace.
Voilà comment je vois les choses.
M. Bill Sheppit: Je crois qu'il y a plusieurs facteurs. L'INS n'a certainement pas caché qu'il ne pourrait pas mettre en oeuvre le système requis. Il y a eu certainement des pressions intenses exercées des deux côtés de la frontière, par les gouverneurs des États américains, par exemple, et le milieu des affaires tant des États-Unis que du Canada. On a fait valoir que les camions mettraient 17 heures à traverser le tunnel entre Windsor et Détroit et que cela aurait de graves répercussions économiques.
Il y a eu une multitude de facteurs. N'y a-t-il qu'un facteur prédominant? Je n'en sais rien, je l'avoue.
M. Leon Benoit: Mais si nous prétendons, de notre côté, que nous ne voyons pas de sérieuses objections à ce que des criminels se frayent un chemin chez nous, nous jouons à la politique de l'autruche. Si nous ne réglons pas ce problème, cela pourrait avoir d'énormes répercussions sur notre économie, car si la circulation ralentit à la frontière entre le Canada et les États-Unis, cela nous coûtera très cher si nous avons d'énormes excédents.
M. Bill Sheppit: Je ne prétends pas que la criminalité soit inexistante, mais d'après ce que je constate, les criminels circulent dans les deux sens. Il y a des Américains qui viennent ici commettre des actes criminels. Des terroristes américains viennent au Canada. Et il y a aussi des Canadiens qui vont aux États-Unis.
J'ai été élevé à Niagara Falls où, pour moi, la frontière n'existait pas. Les gens allaient dîner à Niagara Falls, que ce soit dans l'État de New York ou en Ontario. Cette situation est la même pour beaucoup de Canadiens, tant pour les criminels que pour le Canadien moyen.
M. Leon Benoit: Oui, mais le problème existe et voilà pourquoi j'incite le comité à en faire sa première priorité. Il faudrait s'en prendre aux criminels qui viennent chez nous et à la menace qu'ils représentent pour la sécurité nationale.
M. Mahoney a mentionné le crime organisé. Il y a certainement des activités terroristes. Le directeur du SCRS a dit très clairement que le Canada était devenu une sorte de centre du terrorisme mondial. Cela devrait nous inquiéter. C'est un problème auquel il faut s'attaquer.
Vous avez un rôle à jouer. Je crois que c'est important pour le comité, mais nous en parlerons plus tard entre nous.
Le président: C'est votre dernière question.
M. Leon Benoit: Vous avez parlé du traitement des demandes d'immigration faites au Canada. Vous avez dit qu'environ 14 p. 100 de toutes les personnes qui ont obtenu la résidence permanente l'année dernière ont présenté leurs demandes au Canada.
Quel est le pourcentage approximatif de demandes qui ont été examinées à l'étranger pendant que ces personnes se trouvaient au Canada? Autrement dit, je parle des demandes adressées par la poste aux centres des États-Unis ou d'ailleurs.
M. Bill Sheppit: Nous l'ignorons.
M. Leon Benoit: Vous l'ignorez?
M. Bill Sheppit: Nous l'ignorons, car d'après nos dossiers, ces demandes sont examinées à l'étranger, ce qui répond aux exigences de la loi.
M. Leon Benoit: Avez-vous un chiffre approximatif?
M. Bill Sheppit: Non.
M. Leon Benoit: Vous ne pouvez même pas vous fier aux cachets de la poste?
M. Bill Sheppit: Avez-vous un chiffre?
M. Rodney Fields: Je ne peux pas en citer un de mémoire.
Il est parfaitement légitime que les gens qui se trouvent au Canada légalement demandent la résidence permanente à l'extérieur du pays. De nombreuses personnes font la demande au centre régional de Buffalo. La seule façon dont nous pourrions établir qui se trouve au Canada et qui n'y est pas serait de nous livrer à un examen approfondi pour vérifier l'adresse postale de ces personnes. C'est difficile à faire. Nous pourrions obtenir un chiffre approximatif, mais sans plus.
Le président: La parole est à Andrew, puis je voudrais moi- même poser quelques questions.
M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, je n'aime pas qu'on laisse entendre que le Canada est submergé sous la criminalité et qu'il est le centre du terrorisme mondial.
Je suis venu dans ce pays comme réfugié. Six ou sept millions de Canadiens ne sont pas nés ici. Notre pays a été bâti grâce à l'immigration. Je ne trouve pas normal qu'on laisse entendre tout à coup que nous sommes le centre de l'activité criminelle.
Si le Parti réformiste adopte la même attitude que pour la criminalité et tente de fausser la réalité, nous allons avoir des problèmes au sein de ce comité.
Il ne fait aucun doute que la présence même d'un seul criminel est inacceptable et qu'il faudrait tenter d'améliorer notre feuille de route à cet égard, mais dire que nous sommes envahis par des criminels, c'est vraiment aller trop loin.
M. Leon Benoit: C'est le directeur général du SCRS qui a dit cela, pas moi. Je ne faisais que le citer, pour l'amour du ciel.
M. Andrew Telegdi: J'aurais du mal à accepter cela, et j'espère que ce n'est pas là ce qui va nous guider, car j'estime que la plupart des membres du comité, ceux de ce côté-ci en tout cas, sont sensibles à la question de l'immigration. Ils reconnaissent que nous sommes un pays d'immigrants et que nous avons sans doute, quoique le Parti réformiste répugne énormément à le dire, le meilleur pays du monde et les meilleures institutions du monde.
Il ne faut pas conclure pour autant que nous n'avons pas de problèmes, et notre comité a justement pour tâche de se colleter avec ces problèmes et de tenter d'y trouver des solutions, mais nous ne voulons certainement pas donner à la population l'impression que le Canada est un refuge pour criminels. Tâchons donc de garder un esprit positif, de nous concentrer sur la façon d'améliorer les choses.
Monsieur Sheppit, je sais que, dans les pays membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, on est notamment très préoccupés, au fur et à mesure que se poursuit l'expansion en vue de la mise en place de l'Union européenne, par les contrôles aux frontières. Dans le contexte de la sécurité, les déplacements transfrontaliers deviennent ainsi un problème de contrôles aux frontières. Je suppose que le contrôle frontalier le plus faible devient le maillon le plus faible de la chaîne.
Nous avons d'excellentes relations avec les États-Unis d'Amérique à ce chapitre, et nous avons d'assez bons contrôles frontaliers pour ce qui est de ceux qui viennent au Canada à partir d'autres pays, car il n'est pas facile de venir ici. Aux États-Unis, ce sont surtout ceux qui arrivent du Sud qui causent le plus de problèmes. Il ne fait aucun doute, si les pays de l'OSCE tentent de resserrer les contrôles frontaliers, c'est qu'ils craignent, non plus tellement les conflits armés entre États, mais l'arrivée massive de terroristes, notamment de groupes intégristes. J'estime que, pour cette raison, il nous faudra sans doute avoir aussi des contrôles à la sortie du pays. Pouvez-vous me dire si le ministère se préoccupe de cette question, quelles sont les mesures qu'il entend prendre et comment nous pourrions peut-être en arriver à coordonner l'application de certaines normes en collaboration avec les pays européens.
M. Bill Sheppit: Je pourrais être tenté de vous accuser d'avoir lu notre courrier interne.
Chose certaine, comme je l'ai indiqué, la ministre a rencontré le procureur général des États-Unis il y a de cela un peu plus d'un an. Depuis, nous travaillons en très étroite collaboration avec les Américains en vue de la mise en place d'un cadre identique dans le contexte nord-américain. Les discussions vont bon train. Nous avons jusqu'à maintenant signé un accord sur l'échange d'informations et nous travaillons à la mise en place de deux autres accords, visant essentiellement à créer un périmètre nord-américain. Le ministre du Revenu national a indiqué la semaine dernière qu'il engagerait les discussions avec les Américains en vue de l'établissement de normes communes en ce qui a trait aux cartes magnétiques qui seraient exigées de ceux qui traversent la frontière.
• 1050
Nous discutons beaucoup avec nos homologues américains ainsi
qu'avec nos homologues du gouvernement canadien de l'établissement
d'un périmètre nord-américain, car la grande majorité de ceux qui
arrivent d'outremer, arrivent par avion—cela vaut surtout pour le
Canada, mais aussi pour l'ensemble du territoire. Il est plus
facile d'appliquer des normes et des critères de sélection à sept
ou huit grands aéroports internationaux qu'il ne le serait de faire
la même chose sur toute la longueur de la frontière de 3 000 milles
qui sépare le Canada des États-Unis. C'est donc un dossier que nous
étudions de près.
Dans le contexte international plus vaste, nous tentons, par l'entremise du G-8, de l'OACI et d'autres organisations, d'en arriver à des normes internationales communes—encore là, sur les échanges d'informations. Au Sommet du G-8 qui a eu lieu à Birmingham en mai, si je ne m'abuse, les pays membres ont parlé de l'importance de prendre des mesures pour lutter contre le crime organisé transnational, contre l'entrée et la sortie clandestines, notamment de femmes et d'enfants, et nous déployons beaucoup d'efforts dans ce sens-là.
M. Grant peut, si vous le souhaitez, vous donner beaucoup plus de détails sur nos activités à l'échelle internationale, mais chose certaine, nous sommes très actifs de ce côté-là.
Le président: Le président demande au comité de bien vouloir lui permettre de poser quelques questions.
Tout d'abord, vous savez que ceux qui obtiennent un visa de visiteur ont deux dates qui sont estampillées dans leur passeport. La première est la date à laquelle le visa a été émis, et l'autre est la date d'expiration du visa. Êtes-vous conscients de la confusion que ces dates suscitent quant à la durée autorisée du séjour une fois que le visiteur est arrivé au Canada? Certains s'imaginent qu'ils peuvent y rester jusqu'à la date d'expiration du visa. La loi stipule que le visa de visiteur est valide pour une durée de six mois à compter de la date estampillée dans le passeport. Pourtant, la date d'expiration qui est imprimée sur le visa que le visiteur obtient à une mission étrangère indique que le visa est valide jusqu'à une certaine date. La durée dépasse généralement de beaucoup le délai de six mois; elle peut aller jusqu'à un an ou deux ans parfois. Êtes-vous conscients des problèmes qu'entraîne cet état de fait?
M. Bill Sheppit: Pas vraiment, non. Je crois que la mention sur le visa indique qu'il peut être présenté jusqu'à telle date. Comme je l'ai dit, dans 95 p. 100 des cas, ceux qui arrivent chez nous passent par un agent des douanes. Chose certaine, il y a des affiches dans les aéroports qui indiquent que le séjour ne peut dépasser six mois à moins qu'une autre date n'ait été inscrite.
Je ne saurais vous dire quelle est l'ampleur du problème. Je peux vous dire de manière certaine que je ne suis au courant d'aucun cas de ce genre.
Le président: Je suis pour ma part au courant de beaucoup de cas de ce genre.
M. Bill Sheppit: Oui, de toute évidence.
Le président: Ensuite, vous avez parlé d'un des critères qui est appliqué aux amis qui, n'ayant aucun revenu ou n'ayant qu'un revenu très minime, souhaitent séjourner au Canada; vous avez parlé du montant qu'il leur faudrait pour payer leurs frais de transport et de séjour, pendant 12 semaines, mettons, au Canada. La mission à l'étranger tient-elle compte de l'engagement pris par les parents de la famille vivant au Canada à parrainer la famille ou à payer ses frais de transport?
M. Bill Sheppit: Oui. Comme je l'ai indiqué, on tient compte de tous les renseignements fournis sur la demande, y compris de la personne qui va accueillir le visiteur. Il est bien plus logique, par exemple, que quelqu'un veuille venir au Canada pour rendre visite à des proches...
Le président: Plutôt que de visiter le pays.
M. Bill Sheppit: ...plutôt que de visiter le pays. Il est plus logique, peu importe ce qu'en pense le secteur touristique, que les gens veuillent venir visiter le Canada à l'été plutôt qu'au milieu de l'hiver.
Le président: Est-il vrai que ceux qui souhaitent obtenir un visa de visiteur doivent présenter une attestation de soutien?
M. Bill Sheppit: Je crois que cela dépend du pays d'origine et du cas particulier. Chose certaine, il est utile d'avoir dans la documentation d'accompagnement une lettre d'invitation ou une attestation de soutien ou une preuve quelconque de soutien de la part de quelqu'un qui est au Canada, mais chaque bureau a ses exigences particulières, en fonction de l'expérience qu'il a de la clientèle avec laquelle il traite.
Le président: Auriez-vous l'amabilité de communiquer au comité les renseignements relatifs à l'application de ces exigences variables qui sont utilisées par nos divers bureaux à l'étranger? Les différentes communautés, philippine, chinoise, indienne, ukrainienne et polonaise, les échanges aidant, sont peut-être au courant du fait que les exigences varient. Les gens savent que dans certains cas, on exige telles choses alors que dans d'autres, on ne les exige pas. Il en résulte une certaine confusion et parfois aussi des difficultés.
• 1055
Vous pourriez peut-être faire part au comité de la pratique
courante en ce qui a trait aux exigences. C'est une question que je
me pose moi-même. Je sais que nous avons deux bureaux à l'étranger
où l'on dit que l'attestation n'est pas exigée, alors que ceux qui
présentent une demande affirment qu'elle l'est. Il y a une certaine
confusion du fait que la loi ne prévoit pas une documentation très
détaillée du soutien accordé.
M. Bill Sheppit: D'après moi, il n'y a rien comme le programme de l'immigration pour générer des mythes, la désinformation et la confusion. Nous serons heureux de vous fournir des précisions à ce sujet.
Le président: Au sujet de l'exigence de payer de nouveaux droits pour une demande de visa, prenons l'exemple d'un député qui demande un réexamen à la suite du refus d'un visa de visiteur. Est-ce qu'il y a des critères précis concernant une exemption de payer si un député a demandé un réexamen? En d'autres mots, le député veut aider le bureau à l'étranger en fournissant des renseignements utiles.
M. Bill Sheppit: Je crois savoir que si quelqu'un demande le réexamen d'une décision soit un député ou quelqu'un d'autre, les frais correspondants seraient couverts par...
Le président: Les droits versés initialement.
M. Bill Sheppit: ...les droits versés initialement. Si l'on ajoute des renseignements nouveaux qui ne faisaient pas partie de la première demande, il faudrait alors verser les droits à nouveau.
Le président: Quand les immigrants reçus mineurs peuvent-ils présenter une demande de citoyenneté? Sont-ils d'office inclus dans la demande présentée par les parents ou les adultes?
M. Bill Sheppit: Ils peuvent être inclus dans la demande des parents, mais les parents doivent le préciser. Il faut avoir 18 ans pour présenter une demande soi-même.
Le président: D'accord, c'était ma dernière question.
Leon, il ne nous reste qu'une minute.
M. Leon Benoit: D'accord, je passe.
Le président: Je donne la parole à John Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je suis content d'être ici pour écouter la discussion. J'espère que ce sera utile.
J'ai deux questions; vous en avez inspiré une. Des gens qui veulent visiter le Canada m'ont déjà demandé d'envoyer une lettre qu'ils peuvent présenter au Pakistan et en Inde pour les aider à venir ici. C'est le cas parce que je connais leur parenté qui habite ma circonscription.
Moi je me dis, monsieur le président, qu'il y a des règles et des procédures. Je leur dis de présenter une demande. Il y a ici un membre reconnu de la famille qui est disposé à vous appuyer, etc.
Je ne veux pas m'impliquer. Ce n'est pas que je ne veux pas rendre service, mais j'ai constaté au cours des cinq dernières années que si l'on s'implique trop, quelqu'un là-bas à Cuba, au Pakistan ou ailleurs en fait tout un plat. Un dossier qui me paraît parfaitement légitime ici provoque une espèce de problème administratif là-bas. Je sais que le ministre et vous-mêmes êtes aussi exposés à ces démarches. En fait, j'ai eu une conversation incroyable à trois concernant un cas où la personne disait ceci, notre employé a dit cela, etc.
Le président: John, voulez-vous poser la question, il faut quitter la salle dès 11 heures.
M. John Finlay: Je m'excuse.
Ai-je raison, ou devrais-je écrire une lettre chaque fois qu'on me demande de le faire? J'en conclus de votre réponse antérieure que je fais peut-être aussi bien de faire ce que je fais et d'attendre qu'il y ait un problème avant d'écrire une lettre.
M. Bill Sheppit: Je vais vous donner un exemple, lorsque Vancouver a été l'hôte en 1986...
M. Rodney Fields: L'exposition mondiale.
M. Bill Sheppit: ...de l'exposition mondiale. Le premier ministre de la Colombie-Britannique a envoyé des lettres d'invitation. Je ne peux pas vous dire combien de milliers de ces lettres ont été jointes à des demandes de visa de visiteur pour démontrer que la personne avait reçu une invitation personnelle du premier ministre.
M. Steve Mahoney: C'est une bonne raison de refuser.
M. Bill Sheppit: Je continuerais de faire ce que vous faites.
M. John Finlay: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Le président: Allez-y, s'il vous plaît.
M. John Finlay: M. Mahoney dit qu'il y a eu des préoccupations exprimées dans la presse concernant le nombre de permis ministériels et de permis spéciaux qui aboutissaient entre les mains de criminels. Je voudrais qu'on me rassure que la ministre ne savait pas qu'il s'agissait de criminels lorsqu'elle a autorisé ces permis et que cela a été découvert par la suite.
Le président: Monsieur Sheppit, vous pouvez répondre rapidement.
M. Bill Sheppit: Des personnes non admissibles peuvent se voir accorder un permis pour venir au Canada. Je peux vous assurer que la ministre examine la question en profondeur tous les ans. La définition d'acte criminel varie considérablement et peut viser aussi bien un camionneur reconnu coupable de conduite en état d'ébriété que des criminels endurcis.
Le président: Sur ce point, j'aimerais remercier les fonctionnaires du ministère.
Nous nous réunirons de nouveau à 15 h 30 le mercredi 4 novembre.
La séance est levée.