CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 31 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Nous sommes prêts à commencer.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons étudier la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation intitulé «Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada», traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.
Nous avons la grande chance de recevoir au cours de notre premier forum de l'après-midi les membres de la section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous accueillons Paul Thibault, directeur général, Marie Chaput, directrice générale, Michel Meunier, directeur, arbitrage, région de Montréal, et Philip Palmer, conseiller juridique.
Je vous remercie beaucoup, messieurs et Marie, de vous présenter devant nous.
Dans ce forum, vous présentez votre exposé, et nous nous concentrons alors simplement sur un concept donné. C'est l'opposition qui commence, et tout le monde peut approfondir la question, quelle qu'elle soit. Une fois qu'elle est épuisée, nous passons à une autre.
Nous ne procédons pas de façon très structurée. La discussion peut toucher toutes sortes de choses, dans la mesure où elle reste axée sur le sujet dont nous parlons. Et nous pouvons toujours passer à un autre.
Merci beaucoup.
Qui va commencer? Paul? Merci beaucoup.
M. Paul Thibault (directeur général, Section d'arbitrage, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de revenir ici.
Je pensais commencer en vous donnant d'abord un bref aperçu de ce que nous faisons dans le domaine de l'arbitrage. J'essaierai d'être très bref pour vous donner une idée générale de notre mandat et de ce que nous faisons.
[Français]
Essentiellement, ce que nous faisons est de trois ordres. Nous faisons des enquêtes sur les présumées violations de la Loi sur l'immigration. Il y a des ordonnances de renvoi, qui comptent pour environ 60 p. 100 de nos cas. Nous traitons également des appels concernant les mesures de renvoi prises par les arbitres de la CISR. Enfin, nous faisons les examens des motifs de détention.
[Traduction]
Pour ce qui est de nos rapports avec le ministère, comme vous le savez, nous sommes un tribunal indépendant. Nous étudions les cas que nous transmet la CIC, mais nous ne relevons pas directement d'elle à cet égard.
Je pourrai peut-être mentionner brièvement quels sont les rôles respectifs de la CISR et de la CIC dans ce processus.
Comme vous le savez, la CIC en administre la première et la dernière étapes. Elle examine les personnes qui arrivent au Canada. Elle fait enquête sur les violations présumées de la loi commises sur le territoire national. Elle renvoie devant la CISR les demandeurs du statut de réfugié présumés avoir violé la loi, risquer de s'enfuir ou menacer la sécurité publique. Le ministère exécute les ordonnances de renvoi conformément aux décisions prises par la CISR après étude des demandes d'établissement.
Il est important de signaler que les gens dont la CIC examine le cas ne sont pas tous renvoyés devant la CISR, puisque le projet de loi C-54 autorise les agents principaux à prononcer une ordonnance de renvoi lorsqu'il ne se pose aucune question particulière. En fait, une très faible proportion seulement des cas sont soumis à la CISR pour qu'elle fasse enquête.
Elle se prononce sur les cas que lui soumet la CIC, notamment en ce qui concerne les enquêtes, les appels, les demandes de statut de réfugié et les révisions des motifs de détention, les appels présentés par les personnes concernées au sujet des refus de parrainage et des ordonnances de renvoi, ainsi que les appels interjetés par le ministre, ce qui est très rare, à propos des décisions prises à la suite des enquêtes.
Je vais peut-être vous dire rapidement quelques mots au sujet de ces processus.
[Français]
Les enquêtes, les examens des motifs de détention et les auditions des appels et des revendications du statut de réfugié sont tous des processus quasi judiciaires. Toutes les décisions sont rendues par des décideurs indépendants. Les enquêtes et les examens des motifs de détention sont menés par des arbitres et déclenchés par le ministre.
Les auditions des appels et des revendications du statut de réfugié sont menées par des personnes nommées par le gouverneur en conseil et déclenchées par les intéressés ou le ministre.
[Traduction]
Il y a ensuite certaines des issues possibles, pour ce qui est du genre de questions que votre comité examine.
• 1540
La première sorte d'enquête concerne les décisions de
permettre à quelqu'un d'entrer ou de rester au Canada et les
mesures de renvoi, et la deuxième sorte, les décisions basées
strictement sur les preuves présentées à l'audience.
La deuxième grande catégorie est constituée par les appels contre les ordonnances de renvoi. Elle inclut les décisions d'autoriser quelqu'un à entrer ou à rester au Canada, de procéder ou de surseoir à l'exécution d'une ordonnance de renvoi, sous réserve d'une révision devant être effectuée après un certain délai. Les décisions reposent strictement sur les preuves présentées à l'audience.
La troisième catégorie concerne les révisions des motifs de détention. Il s'agit essentiellement de décider si on maintient quelqu'un en détention ou si on le libère avec ou sans conditions. Les décisions sont fondées sur les renseignements présentées à l'audience et sont prises en fonction de deux critères de base. Le premier est que la personne concernée se dérobera vraisemblablement à l'interrogatoire, à l'enquête ou au renvoi, et le deuxième, qu'elle est considérée comme une menace pour la sécurité publique.
Il n'y a pas de définition légale de ce qu'est une menace pour la sécurité publique. Nous tenons compte des arrestations antérieures, du casier judiciaire, des antécédents criminels, par exemple des gens ou des groupes fréquentés par la personne, son comportement dans le passé, etc. Toutefois, la criminalité n'implique pas nécessairement par elle-même la détention.
Pour la charge de travail, le nombre d'enquêtes a diminué et est passé approximativement de 10 000 à 5 000 par an à la suite du projet de loi C-54, qui a étendu les pouvoirs des agents principaux d'immigration, comme je l'ai mentionné précédemment. Cela veut dire que ces agents sont habilités à prendre des décisions lorsqu'il n'y a pas de gros problèmes en jeu.
Pour les appels contre les mesures de renvoi, il y en a approximativement 1 000 par an, sans compter les retraits ou les désistements. Le nombre de révisions des motifs de détention est stable à approximativement 9 000 par an. Environ 53 % des décisions que nous prenons à la CISR portent sur ces trois catégories: les enquêtes, les appels et les révisions des motifs de détention.
J'ajouterai brièvement qu'environ 95 % des appels d'ordonnance de renvoi sont présentés par des résidents permanents. Ils peuvent également l'être par les réfugiés au sens de la Convention et les détenteurs de visas valides, sauf avis contraire du ministre en raison d'une menace pour la sécurité publique. Pratiquement tous les gens qui appartiennent à ces catégories exercent leur droit d'appel. Approximativement 90 % des renvois de résidents permanents dont nous nous occupons sont motivés par des condamnations criminelles.
Si vous me le permettez, je dirai seulement quelques mots à propos des révisions des motifs de détention, pour lesquels certains délais sont fixés: 48 heures après qu'un agent principal a pris la décision de placer la personne en détention, sept jours plus tard et, ensuite, tous les 30 jours.
Comme vous le savez, nous venons de publier des directives sur la détention qui définissent celle-ci comme une mesure extraordinaire. Je pense qu'un exemplaire en a été envoyé au comité le jour de leur publication, le 12 mars, et nous en avons d'autres ici avec nous. Ces directives ont pour objet de répondre aux critiques portant sur le manque de cohérence et de transparence. Elles ont fait l'objet d'une vaste consultation aussi bien à l'intérieur du gouvernement qu'à l'extérieur, auprès des diverses parties concernées. Vu l'étendue de ce concept, leur contenu est axé sur la détention de longue durée, la notion de menace pour la sécurité publique, les solutions de rechange à la détention, la preuve et la procédure, et elles incluent aussi une compilation de la jurisprudence et des références aux instruments internationaux.
Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps, je conclurai donc en parlant simplement brièvement de la détention de longue durée qui, je le sais, suscite certaines préoccupations. Les détenus de longue durée sont ceux qui sont détenus plus de 90 jours, ce qui inclut moins de 20 % de l'ensemble des détenus. En 1997-98, 229 personnes sur un total de 1 209 ont été détenues pendant plus de 90 jours. Nous examinons périodiquement qui est détenu, qui ne l'est pas et qui sont ces détenus. En général, 60 % des détenus de longue durée sont d'anciens résidents permanents, et 40 % sont des gens dont la demande de statut de réfugié a été rejetée.
Le nombre de personnes en détention de longue durée est souvent lié aux difficultés entourant leur renvoi, qui sont essentiellement de deux ordres: la non-coopération de la personne concernée pour l'obtention des documents permettant son renvoi ou, dans certains cas, la non-coopération ou la non-assistance du pays où elle doit aller quant à la délivrance de ses documents de voyage. Voilà essentiellement à quoi correspond la détention de longue durée.
• 1545
Je m'en tiendrai à ces quelques commentaires afin que vous
puissiez nous poser des questions. Nous sommes, bien entendu, prêts
à répondre à tout ce que vous voudriez nous demander.
Le président: Très bien. Nous allons commencer par M. Doyle.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): J'ai une question. Je m'intéresse à l'expression «danger pour le public». Je sais que c'est un cas individuel, mais vous pouvez peut-être l'aborder et me prêter assistance.
Il y a deux personnes qui sont venues me voir hier; elles ont des demandes en instance. Leur préoccupation concernait les pouvoirs détenus par les agents d'immigration au point d'entrée. On a dit, par exemple, à un requérant qu'il était qualifié de danger pour le public et qu'il aura une audience en mai. D'après lui, l'agent d'immigration en question n'a pas voulu lui donner les raisons de cette désignation. Il avait un rapport de la police locale et un rapport d'Interpol disant qu'on n'avait absolument rien à lui reprocher, or, il est convoqué à une audience, et une menace pèse sur lui.
Qu'est-ce que tout cela va donner à l'audience? Va-t-on lui dire de quoi on l'accuse? Pourquoi le désignerait-on comme un danger pour le public si Interpol et la police locale disent qu'on n'a rien à lui reprocher?
M. Paul Thibault: Il est difficile pour nous de généraliser à propos d'un cas particulier. Mais peut-être que Michel, vu sa longue expérience, pourrait nous donner une idée du fonctionnement du système et nous dire ce qui est présenté à
[Français]
l'arbitre, et tout le reste, par exemple le type de documentation.
M. Michel Meunier (directeur, Adjudication, Région de Montréal, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): La question du danger pour le public est traitée à plusieurs endroits dans la loi.
J'ai eu certains problèmes avec l'interprétation et je n'ai pas tout à fait compris votre question. Quoi qu'il en soit, on peut parler d'un certificat émis par le ministre qui empêche la personne en cause, dans le cas où elle constitue un danger pour le public, de revendiquer le statut de réfugié ou de faire appel.
Ce qui est soumis à l'arbitrage, ce sont les cas de personnes au sujet desquelles Immigration Canada prétend qu'elles sont un danger pour le public. Généralement, pas toujours mais généralement, cette présomption est fondée sur des questions d'ordre criminel; la personne a été condamnée ici au Canada ou à l'étranger. Interpol et différents corps policiers peuvent donner à des gens d'Immigration Canada de l'information voulant que cette personne puisse être dangereuse et représenter un danger pour la société. En fonction de ces renseignements, en fonction des réponses que l'arbitre peut obtenir de la personne concernée ou de son avocat et, finalement, en fonction de la preuve qui est présentée, un arbitre rend sa décision.
[Traduction]
M. Norman Doyle: Donc, quand la personne qu'on considère comme un danger pour le public se présente à l'audience, on lui dit pourquoi on considère qu'elle est dangereuse.
M. Philip Palmer (conseiller juridique, Section d'arbitrage, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Oui. Toutes les preuves devant être prises en considération doivent être présentées à l'audience et communiquées à la personne concernée afin qu'elle puisse y répondre et savoir comment se défendre. À l'audience ou avant celle-ci, on lui divulguera toutes les raisons pour lesquelles le ministère de l'Immigration la soupçonne d'être un danger pour le public.
M. Norman Doyle: Combien de temps quelqu'un doit-il attendre avant de comparaître devant un arbitre?
M. Michel Meunier: L'Immigration peut détenir quelqu'un pendant un maximum de 48 heures puis doit soumettre son cas à un arbitre, qui décide alors si cette personne va rester en détention ou être libérée à certaines conditions.
M. Norman Doyle: À partir de ce moment-là, combien de temps faut-il pour qu'une décision soit prise?
M. Michel Meunier: L'audience pendant laquelle on écoute les personnes en cause dure en moyenne 40 minutes. L'arbitre peut ensuite se retirer pendant quelques minutes. Mais, habituellement, sauf dans des cas très exceptionnels, la décision concernant la détention ou la libération est rendue immédiatement.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Doyle.
Une autre question? Bon, j'aimerais en poser une.
• 1550
Je reviendrai d'abord sur un commentaire qui vient d'être fait
au sujet des renseignements présentés à propos de quelqu'un qu'on
soupçonne d'être une sorte de délinquant. Les sources sont-elles
identifiées et présentées au client dans un tel cas? Sait-il d'une
certaine façon qui l'a désigné ou est-il au courant d'une partie
quelconque des renseignements concernant son identification comme
délinquant?
Je ne parle pas des dossiers officiels comme ceux d'Interpol ou de quoi que ce soit de ce genre, mais des gens qui pourraient révéler des renseignements au sujet de cette personne si elle a des antécédents criminels.
M. Philip Palmer: Il s'agit-là de quelque chose qui serait très inhabituel. Normalement, les preuves présentées sont des documents publics d'une sorte ou d'une autre, par exemple une attestation de condamnation ou une déclaration d'un corps policier étranger ou canadien. Il peut y avoir des preuves provenant d'audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Il peut y avoir des rapports présentés au moment de la condamnation et de l'établissement de la peine, comme des rapports présentenciels, etc., documents qui peuvent tous être disponibles au moment de l'audience.
En règle générale, la CISR n'examinera pas le fait que quelqu'un ait pu signaler à la CIC qu'une personne est suspecte et présente peut-être les caractéristiques pouvant justifier un renvoi, parce que cela ne serait pas pertinent pour ce qu'elle doit déterminer. Cela ne constitue pas une véritable preuve. Ce serait comme les autres sources utilisées avant une enquête policière.
Ce n'est pas lié directement au fait de savoir si cette personne représente ou non une menace pour la sécurité publique, à moins, bien entendu, que quelqu'un n'ait des renseignements directs à fournir. Dans ce cas, on le convoquera si c'est la seule source d'information au sujet du comportement de cette personne. Mais ce serait un cas extraordinaire.
Le président: Mais, fondamentalement, le jugement serait basé sur un rapport très officiel.
Je demande cela pour aborder une autre question. Disons que nous avons visité un camp de réfugiés où nous avons choisi certaines personnes, qu'elles appartiennent à des groupes professionnels, soient parrainées ou je ne sais quoi. On choisit une personne dans le camp de réfugiés, et voilà que trois, quatre, cinq ou même une douzaine d'autres personnes disent que c'est un mauvais choix ou je ne sais quoi simplement parce qu'elle a commis toutes sortes d'atrocités à l'endroit d'où elle vient.
Ce ne serait donc pas un rapport officiel, légalement valable. Ce serait du ouï-dire présenté par un groupe de témoins, etc. N'en tiendrait-on pas compte dans la procédure? Est-ce que ce ne serait pas valide?
M. Philip Palmer: Eh bien, cela pourrait l'être. Comme je l'ai dit, la situation que vous décrivez est tout à fait extraordinaire, mais il se pourrait qu'on demande en fait à des particuliers de témoigner s'il n'y avait pas—très souvent, il n'y en a pas—de condamnation officielle.
Dans le cas des crimes de guerre modernes ou des choses de ce genre, il n'y a pas de casier judiciaire ou de dossier de la police. Les choses peuvent se passer comme vous le dites, c'est-à-dire que des gens de cet endroit ayant observé le comportement de cette personne dans son pays d'origine pourraient venir d'eux-mêmes présenter les preuves qu'elle n'a, en fait, pas le droit de rester au Canada, que ce n'est pas un véritable réfugié et qu'on devrait lui retirer ce statut.
Cela fait penser, bien entendu, à l'affaire Mugesera.
Le président: Donc, en gros, ce que nous disons est qu'il y a de grands trous dans le filet. Donc, il est tout à fait possible pour des délinquants d'entrer très facilement dans notre pays tant que nous n'avons pas des rapports très officiels.
Or, dans de nombreux pays où il y a des crises et des conflits, aucun rapport n'est établi parce que les institutions qui existaient dans le pays ont peut-être été détruites ou ne peuvent plus du tout fonctionner. Nous n'avons donc aucune preuve officielle des antécédents criminels de quelqu'un, par exemple dans un cas éventuel de génocide ou de n'importe quoi d'autre. Je pense là à des crimes graves.
M. Philip Palmer: Je pense que les trous ne sont pas aussi grands que vous pourriez le craindre. Je pense que les gens qui passent par des camps, par exemple, sont, en fait, très souvent triés par le HCR, les divers autres organismes et la population du camp. Je pense donc que c'est relativement rare. Il y a de temps en temps quelqu'un qui s'est échappé par d'autres voies et est arrivé au Canada par ses propres moyens ou est parvenu à obtenir ce statut auprès d'un poste qui lui a délivré un visa à l'étranger, mais il y en a extrêmement peu. Et, c'est vrai, aucune preuve n'est généralement communiquée au niveau international au sujet de ces gens-là, si bien que la situation n'est portée à l'attention des autorités canadiennes que tardivement, et nous devons alors souvent nous appuyer sur d'autres sources d'information. Je pense que nous avons montré qu'au Canada nous pouvons produire ces preuves et qu'elles peuvent avoir les sortes d'effets que nous constatons.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Minna.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une série de questions. J'en poserai deux, puis nous allons peut-être continuer, et je pourrai y revenir une autre fois.
Pour revenir à la détention, une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler par les gens, les divers groupes d'ONG qui sont intervenus jusqu'à présent, était le fait que, quand des gens sont détenus, nous ne nous en tirons pas très bien pour ce qui est du respect des principes de la justice fondamentale comme l'accès à des avocats, ou à des médecins, ou même à un représentant de leur religion ou quelqu'un comme ça. Cela nous a été répété constamment par beaucoup de témoins.
Vos directives font référence au principe de la justice fondamentale, et je me demande si c'est quelque chose que nous ajoutons parce que nous ne le faisions pas, ou si nous le faisions, si nous l'appliquions. Ce que j'essaie de déterminer est si les choses se passent ainsi dans nos centres de détention. Avons-nous ce genre de problème?
Je ne sais pas si vous voulez que je pose toutes mes questions en même temps. Je vais peut-être les laisser répondre...
Le président: Oui, parce que vous abordez des sujets différents.
Mme Maria Minna: Oui. J'en ai deux autres. Vous pourriez donc peut-être parler d'abord de cela.
Mme Marie Chaput (directrice générale, Arbitrage, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Je peux vous répondre là-dessus.
Les conditions mêmes qui existent dans un centre de détention ne sont pas de notre ressort; en fait, elles sont du ressort du ministère. Nous ne sommes donc pas réellement en mesure de vous donner des détails à leur sujet. La référence à la justice fondamentale dans les directives concerne la procédure à suivre pour décider de placer quelqu'un en détention ou de le libérer, et non pas ce qui se passe dans un centre une fois que quelqu'un y est placé en détention.
Mme Maria Minna: Permettez-moi alors de revenir sur la raison de la détention, parce que c'est par là que certains de ces problèmes commencent.
Un témoin a qualifié quelque chose—et, en fait, cela a été dit à quelques reprises—d'«expulsion éclair»; c'est quand un détenu se retrouve hors du pays, généralement dans les 48 heures, alors qu'il s'est plié aux conditions et a répondu à toutes les convocations. D'après les témoins, on tend même un piège à certaines personnes. On les invite à venir; on leur demande de se présenter. Elles se présentent, et on les place immédiatement en détention et elles sont en dehors du pays dans les 48 heures sans avoir eu la possibilité de parler à un avocat ou même de voir leur conjoint ou les membres de leur famille ou je ne sais qui encore. On nous a constamment...
D'après eux, on utilise les expulsions éclairs dans les cas faciles, c'est-à-dire pour les gens qui, en fait, ont toujours respecté les règles, plutôt que dans les cas difficiles de ceux dont on pense qu'ils ne vont pas se présenter et qui sont plus difficiles à atteindre.
C'est une impression, mais je pense qu'il est important d'en parler. Comment décide-t-on quand la détention est nécessaire? Je sais que les deux raisons sont la crainte qu'une personne ne se présente pas et la criminalité. Mais à quel moment et sur quelle base un agent décide-t-il que quelqu'un va vraisemblablement se dérober? Comme je l'ai dit, dans certains cas, on demande aux gens de venir, et ils se présentent parce qu'ils ont toujours fait ce qu'on leur disait de faire. Pourquoi, cette fois-là, l'agent estime-t-il que cette personne ne va pas se présenter la prochaine fois?
J'essaie de comprendre comment fonctionne cette partie de la procédure. Nombre des plaintes qui nous ont été exposées portent là-dessus.
Mme Marie Chaput: Bien souvent, l'agent prend cette décision sur la base de quelque chose que la personne a dite elle-même pendant l'examen des motifs de détention. Au fur et à mesure que la détention se prolonge, la personne concernée est évidemment consciente que la procédure avance et que le moment de son renvoi est de plus en plus proche et, dans certains cas, son désir de ne pas être renvoyée et les mesures qu'elle prendra pour l'éviter deviennent plus explicites.
• 1600
En outre, l'arbitre peut avoir un nouveau renseignement qui
montre que, dans un autre pays ou à une autre occasion, ou dans le
cadre d'une autre procédure, cette personne ne s'est pas présentée
ou a pris la fuite ou, par exemple, n'a pas respecté les conditions
de son cautionnement. Si c'est un nouveau renseignement qui n'était
pas disponible lors de la révision précédente, cela pourrait
motiver une décision différente.
Mme Maria Minna: Donc, à part quand la criminalité existe... ce qui est plus facile parce que la décision initiale en matière de détention est plus tranchée, mais la décision initiale relative à la détention des gens qui n'ont pas d'antécédents criminels et ont toujours collaboré avec le ministère, à part au moment de la dernière entrevue—il doit surtout s'agir d'un renseignement nouveau ou d'un jugement subjectif sur cette toute dernière réunion parce que la date du renvoi approche. J'essaie de déterminer comment nous décidons quand quelqu'un doit être détenu, quel...
Mme Marie Chaput: Ce que je décrivais était le cas où une personne est déjà détenue...
Mme Maria Minna: Non, je parle d'une personne qui n'est pas détenue.
Mme Marie Chaput: Si elle n'est pas détenue, nous n'avons pas d'entrevue avec elle. Donc, si l'enquête a eu lieu et qu'une ordonnance de renvoi a été émise sur la foi des résultats de cette enquête et que la personne n'est pas détenue pendant cette période, à moins qu'elle ne fasse quelque chose qui serait porté à notre attention et nous inciterait à l'arrêter, elle ne serait pas placée en détention.
M. Philip Palmer: Il serait peut-être bon de préciser que la décision initiale au sujet de la détention est normalement prise par un agent principal. Nous examinons cette décision pour voir si la personne doit continuer d'être détenue ou si elle doit être libérée avec ou sans conditions. Nous ne sommes donc pas dans la tête de l'agent d'immigration à ce moment-là.
Mme Maria Minna: Il faudra que nous abordions cela la prochaine fois. Je vais abandonner la question.
Je reviendrai dans une minute.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Madame Folco.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Pour préciser un peu la réponse à la question qui a été posée par M. Doyle sur les personnes qui pourraient présenter un danger pour la population d'ici, je me demande s'il est vrai—corrigez-moi si je me trompe—qu'une personne à qui on a accordé le statut de réfugié au Canada peut perdre ce statut si on peut prouver par la suite qu'elle n'a pas dit toute la vérité.
Évidemment, cela se fait en suivant un certain processus. Il serait donc possible, après que cette personne se soit vu accorder ce statut, que des compatriotes la reconnaissent parce qu'ils l'ont vue ou en ont entendu parler dans leur pays d'origine et qu'on lui retire son statut de réfugié une fois qu'on a les preuves permettant de le faire.
Je pense qu'il est important de souligner qu'une fois le statut accordé, on peut revenir en arrière et le retirer pour des raisons très sérieuses. Cela se fait. Corrigez-moi si je me trompe.
M. Philip Palmer: Vous ne vous trompez pas. C'est tout à fait vrai.
[Traduction]
Le président: Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'ai une série de questions brèves, monsieur le président.
Dans la brochure «Renseignements sur la Section d'arbitrage»—et je vous demande aussi bien votre avis que ce que vous savez de la situation—il est question, au premier paragraphe, du droit de retenir les services d'un avocat ou de tout autre conseiller et d'être représenté par lui à l'enquête. Étant donné que la liberté d'une personne est en jeu et que le rapport recommande de prendre pour conseiller un membre du barreau de la province, pouvez-vous nous faire part de votre expérience avec les gens qui ne sont pas des «conseillers juridiques» reconnus par le barreau de la province? Quelle est votre expérience à cet égard et que pouvez-vous dire au sujet du rapport?
[Français]
M. Michel Meunier: Il y a 20 ans que je transige avec des gens qui sont représentés autant par des avocats que par des conseillers profanes ou des ONG.
Ce que je peux dire, c'est que tout dépend de l'individu. Il m'est difficile de généraliser parce que j'ai connu et je connais des personnes qui représentent des gens aux enquêtes et aux révisions de détention, qui ne sont pas des avocats, mais qui font un excellent travail. Je connais aussi des avocats qui représentent des gens aux enquêtes, qui ne font peut-être pas un aussi bon travail.
Il m'est difficile de qualifier... Je crois que cela dépend beaucoup de l'individu et de son engagement envers la personne qu'il représente.
[Traduction]
M. John McKay: Je ne dirai rien à ce propos. Je veux surtout avoir votre avis.
La deuxième question concerne le document d'information, d'après lequel les arbitres prennent chaque année environ 16 000 décisions, dont 0,05 % sont annulées par la Cour fédérale. J'ai toujours eu des problèmes en math, mais il me semble que cela correspond à peu près à huit cas par an. Est-ce à peu près exact?
Puisque nous réfléchissons à la façon de remodeler le système, la procédure d'appel vous paraît-elle nécessaire pour l'arbitrage?
M. Paul Thibault: C'est réellement une question difficile pour nous. Je sais que je l'ai déjà dit devant votre comité à propos d'un autre sujet, mais notre rôle est d'agir dans le cadre des dispositions actuelles du système tel qu'il existe. Je pense que les faits que vous avez cités montrent que nous faisons un bon travail, un travail rapide et un travail efficace dans le cadre de ces limitations.
Il y a des gens qui penseront qu'il serait mieux d'avoir un autre filet de sécurité à un autre niveau et non pas juste un arbitrage dans d'autres parties des activités dont nous nous occupons. C'est une idée valable, mais, en toute déférence, je vous dirai que c'est une opinion, et je ne peux réellement pas la partager. Notre rôle est simplement de dire ce que nous faisons. Vous êtes là pour juger si nous avons raison ou tort, mais, en toute déférence, c'est à vous de décider si vous pensez que nous avons besoin d'un niveau supplémentaire d'examen.
Le président: C'est une réponse raisonnable. Merci.
M. John McKay: J'en suis pour le moment à deux à zéro pour les réponses équivoques.
Des voix: Oh, oh.
Mme Maria Minna: Vous posez des questions sur la politique.
M. John McKay: Oui, je pose des questions sur la politique. Nous posons des questions sur la politique pour une bonne raison: on nous a demandé de remodeler un système, et ces gens savent comment il fonctionne dans la pratique.
Permettez-moi donc de poser une troisième question.
M. Paul Thibault: Je vous dirai simplement, monsieur, que je suis sûr que vous aurez beaucoup de témoins qui auront des idées bien arrêtées pour vous aider à prendre votre décision.
M. John McKay: Oui, j'en suis sûr.
Voici l'autre question. Quelles sont les preuves présentées à un arbitre quand il prend une décision au point d'entrée? Quelles sont, dans les faits, les preuves qu'on produit? Dans le même ordre d'idée, procède-t-on à un contre-interrogatoire de la personne qui demande à être admise au sujet de ces preuves?
M. Michel Meunier: Il y a très peu d'enquêtes aux points d'entrée. Parlez-vous réellement de l'arbitrage ou de l'examen que pratique l'agent d'immigration au point d'entrée?
M. John McKay: Oui, je suppose que ma question concerne en fait cet examen.
M. Michel Meunier: D'accord. Parce que, dans la plupart des endroits, au Canada, les enquêtes concernant les points d'entrée sont effectuées dans la grande ville voisine, et les preuves sont celles que produisent le ministre et la personne concernée. L'arbitre doit faire la part des choses parmi ce qui est déclaré devant lui sous serment. Il pourrait s'agir de n'importe quoi, cela dépend des faits allégués.
• 1610
S'il s'agit d'antécédents criminels, la preuve sera le plus
souvent le casier judiciaire; si on dit que quelqu'un n'est pas un
véritable visiteur, ce sera principalement la déposition de la
personne concernée et sa réponse sous serment.
Après l'audience, après avoir écouté les interventions et examiné toutes les preuves, l'arbitre écoutera les conclusions des deux parties et rendra probablement immédiatement sa décision sur l'admissibilité de la personne concernée et il se prononcera probablement sur la détention si cette personne a également été placée en détention par l'agent au point d'entrée.
M. John McKay: Une dernière question, simplement sur...
M. Michel Meunier: Pour terminer cela, je pourrai dire que nous effectuons les enquêtes de cette nature très rapidement parce que c'est de ce genre de cas qu'il s'agit le plus souvent.
M. John McKay: Oui. Il y a une dernière chose au sujet de la décision du ministre; à notre connaissance, on est en train de faire déménager les arbitres de Mississauga au centre de Toronto, alors qu'en fait la plupart des cas dont ils s'occupent sont traités à Mississauga. À première vue, cela semble être une décision bureaucratique étrange. L'un de vous a-t-il un avis à ce sujet?
M. Paul Thibault: Oui. Ces questions évoluent souvent indépendamment du reste. Comme vous le savez peut-être, à Toronto, nous sommes obligés de déménager, pour toutes sortes de raison, et nous installons donc tous les services de la CISR au même endroit, à Toronto.
Pour ce qui concerne le choix entre Mississauga et le centre-ville, je pense que le principe fondamental est que nous essayons d'utiliser la vidéoconférence, que ce soit à Mississauga ou dans une prison quelque part. Quand c'est possible, c'est la façon la plus simple et la plus facile.
Nous utilisons déjà la vidéoconférence pour des audiences. Les audiences normales organisées par des arbitres pourraient se faire en utilisant la vidéoconférence, si bien que personne n'aurait à se déplacer. Dans les cas exceptionnels, c'est-à-dire les cas difficiles qui ne dépassent sans doute pas 10 % du total, les gens auraient à faire des allées et venues. Mais je dois vous dire que même maintenant, les gens font des allées et venues. Tout ne se fait pas à un seul endroit. Il y a des gens qui se déplacent pour aller d'une audience à une autre.
Il s'agit, comme vous le dites, d'un problème bureaucratique, mais nous essayons de le résoudre de la façon la plus simple et la plus efficace possible du point de vue technique.
M. John McKay: Je suppose que les arbitres n'accepteraient pas votre réponse.
M. Paul Thibault: Je ne pense pas que les arbitres aient beaucoup à dire en la matière, monsieur.
M. John McKay: D'accord.
M. Paul Thibault: Ils devront s'en accommoder.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question concerne la détention à longue durée, les personnes détenues pendant longtemps. Met-on les menottes aux détenus qu'on amène devant les arbitres?
M. Michel Meunier: Non, on ne leur met pas les menottes pour les amener devant l'arbitre, sauf dans des cas exceptionnels.
Mme Jean Augustine: Que serait un cas exceptionnel?
M. Michel Meunier: Si nous avons certains renseignements ou si nous nous rendons compte que le comportement de cette personne peut être dangereux pour les personnes présentes dans la salle et pour elle-même. Ce serait la règle générale. Mais je dois dire que cela se produit très rarement.
Mme Jean Augustine: Met-on régulièrement des menottes aux détenus?
M. Michel Meunier: Je peux dire que non, pas quand l'arbitre réalise ses enquêtes ou ses examens des motifs de détention. Je ne sais pas... peut-être dans la prison, cela dépend des règles de l'établissement, mais je dirais que non, je ne pense pas. Ils sont dans cet établissement. Peut-être que quand ils vont d'un établissement à un bureau ou quelque chose comme ça... Je dirais que non.
Mme Jean Augustine: Mais pas quand ils se trouvent devant l'arbitre.
M. Michel Meunier: Il faudrait peut-être poser cette question aux différents établissements.
Mme Jean Augustine: Pouvez-vous nous expliquer comment on pourrait définir le «caractère raisonnable du délai»? Que considérerait-on comme une durée raisonnable ou des raisons raisonnables de report, de délais? Citez-nous certaines des choses qui peuvent se produire et entraîner la détention de longue durée de quelqu'un?
M. Michel Meunier: Je ne suis pas sûr de comprendre...
Mme Marie Chaput: Les gens sont détenus en fonction de certains critères. Toutefois, comme vous l'avez signalé, quand il doit se prononcer sur la libération ou la détention, l'arbitre doit également examiner si, quand quelqu'un fait l'objet d'une ordonnance ou d'un renvoi, c'est un événement prévisible.
Donc, dans le cadre de l'examen des motifs de détention, l'arbitre vérifierait auparavant, ou demanderait au ministère, quelles mesures sont prises et où en est le ministère quant à l'obtention des documents de voyage, etc. Plus la situation se prolonge, plus elle devient déraisonnable. Mais il faut évaluer cela en même temps que les motifs de détention.
Il est clair qu'une libération est parfois retardée pendant longtemps à cause d'un manque de coopération, comme l'expliquait M. Thibault, de la part du gouvernement ou du détenu. À un certain moment, la situation devient déraisonnable, mais c'est un jugement subjectif qui repose sur de nombreux autres facteurs. L'arbitre doit donc évaluer chaque fois la situation.
Mme Jean Augustine: J'ai entendu parler à de multiples reprises des nombreux cas de décisions arbitraires. J'ai passé pas mal de temps à lire le document qui énonce les procédures pour les principes régissant la détention longue durée.
Mme Marie Chaput: Oui.
Mme Jean Augustine: J'essaie simplement de comprendre comment un arbitre, quand il applique cela, peut arriver à telle ou telle décision.
Il me semble qu'on trouve ici plusieurs expressions comme «dans un délai raisonnable», ce qui donne l'impression que c'est laissé à l'évaluation de l'arbitre. Le fait de laisser des éléments à sa discrétion ou à son évaluation donne l'impression au grand public que le système contient une part d'arbitraire.
M. Paul Thibault: Si vous le permettez, madame Augustine, c'est une question très difficile. Premièrement, il faut partir du principe que les arbitres sont des décideurs indépendants, personne ne peut donc leur dire que, dans un cas donné, ils doivent imposer une détention de sept jours ou je ne sais quoi. Leurs décisions sont fondées sur leur indépendance. Voilà une chose.
De toute évidence, les preuves qui existent sont les mêmes. Ce qui peut être raisonnable pendant un certain temps, le devient de moins en moins au fur et à mesure que le temps passe. C'est à ce moment-là que l'arbitre est seul dans son fauteuil et prend sa décision chaque fois qu'il examine la situation au bout de 30 jours.
Mais qu'en est-il des 30 jours supplémentaires? Ce qui a pu être raisonnable pendant 60 jours, ne l'est peut-être pas pour 90 ou 120. Chaque fois, il doit prendre sa décision en se fondant sur les preuves. Il n'y a pas de preuves nouvelles, ce sont les mêmes.
Je pense que c'est ce qui en fait un travail très complexe. C'est un travail difficile. Quand on met quelqu'un en détention pendant 120 jours, à quel moment dit-on qu'on ne peut réellement plus le faire parce que cela n'est pas justifié?
Pensez aux raisons de cette situation. Ce n'est pas une mesure punitive. C'est plutôt parce qu'on attend qu'ils signent un papier, un document de passeport ou quelque chose d'autre, ou qu'on attend un document d'un autre pays pour leur permettre de quitter le Canada. Ce sont donc des circonstances extérieures qui échappent à notre contrôle, et le temps passe.
Mais je conviens avec vous que c'est très difficile, et qu'il n'y a pas de démarcation nette entre le moment où cela s'arrête et où cela commence. C'est précisément en quoi consiste le rôle des arbitres.
Mme Jean Augustine: Y a-t-il des catégories de personnes, des pays ou des endroits dont il est plus difficile d'obtenir la coopération pour obtenir les documents nécessaires ou pour les renvoyer? Y a-t-il plus de gens qui restent en détention de longue durée du fait de ces facteurs?
Mme Marie Chaput: Nous avons constaté que nous avons du mal à traiter avec la Jamaïque et le Vietnam pour les renvois.
Le président: Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Voici ma dernière question: pourquoi est-ce difficile avec la Jamaïque et le Vietnam? Nous avons des échanges commerciaux avec ces deux pays. Nous avons un accès raisonnable à ces deux pays. Pourquoi?
M. Paul Thibault: Je pense que le ministère saurait mieux de quoi il retourne. La possibilité d'obtenir ou non les documents de voyage dépend des rapports que nous avons avec ce pays.
Vous avez raison de dire qu'il y a probablement un grand nombre de facteurs en jeu. Ce qui est difficile est de décider de maintenir ou non quelqu'un en détention, mais pour ce qui est de cet aspect, il faudrait vraiment que vous vous adressiez au ministère.
M. John Reynolds: Pouvons-nous obtenir une liste des pays vers lesquels il est difficile de renvoyer des gens?
M. Paul Thibault: Certainement.
M. John Reynolds: Merci.
Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions?
Mme Maria Minna: J'ai deux dernières questions.
Une des choses que nous avons apprises est qu'il y a plus de détenus à Toronto qu'ailleurs. Je ne parle pas des délinquants, mais de la situation en général. Cela est-il entièrement lié au fait qu'il y a plus de gens là? Ou est-ce parce qu'il y a plus d'immigrants ou plus de réfugiés qui vont à Toronto? Ou est-ce parce qu'on applique de façon un peu plus stricte les critères de détention à Toronto qu'ailleurs? Je me demande si le nombre de détenus y est plus important à cause de la façon dont on y interprète la politique.
Mme Marie Chaput: Vous avez raison. Il y a le fait que, vu la façon dont les gens voyagent, il y a plus de gens qui arrivent à Toronto. C'est une chose. Il y a le volume d'admissions. Il y a aussi le fait que la CIC cible plus particulièrement certains groupes dans certaines zones, et il se trouve que celle-ci est l'une d'entre elles.
Cela contribue donc au volume de cas confiés aux arbitres. Il y a également la composition du groupe qui se retrouve à Toronto pour ce qui est des antécédents criminels, etc.
Mais, comme nous l'avons dit, il y a aussi chaque fois l'élément humain. Chaque arbitre a ses propres expériences personnelles, ses antécédents et ses seuils de tolérance. Ils évaluent donc la situation de façon différente à des moments différents. C'est donc une explication partielle.
Mme Maria Minna: D'accord. En fait, je voulais parler des cas où il est clair qu'il n'y a pas d'élément criminel. Je ne tenais pas compte du fait que, si la question de la criminalité se posait, ils seraient détenus ou il y aurait des problèmes.
Mme Marie Chaput: Oui.
Mme Maria Minna: Je parlais de la situation générale, de la tendance à avoir plus de détenus là qu'il n'y en aurait ailleurs dans le pays.
Je suppose que je cherche une sorte de cohérence. Je comprends que les arbitres font ce qu'ils veulent. Finalement, c'est un jugement personnel. En fin de compte, comme l'a dit M. Thibault, ils doivent décider par eux-mêmes. Mais, certainement, ils suivent tous, dans une certaine mesure, certains critères établis sur lesquels ils fondent leurs décisions. Je me demande donc pourquoi le nombre de détentions est beaucoup plus élevé à un endroit qu'à un autre.
Mme Marie Chaput: J'ai l'impression que, si on ne prend pas en considération la question de la criminalité, cela tient seulement au volume d'admissions.
Mme Maria Minna: Merci.
M. John Reynolds: J'ai juste une brève question sur le même sujet.
Le président: D'accord, allez-y.
M. John Reynolds: Quand nous obtiendrons la liste des pays où il est difficile ou impossible de renvoyer des gens, pourrions-nous avoir également la liste du nombre de gens de chacun de ces pays qui sont soit maintenus en détention soit libres en attendant leur départ? C'est juste pour que nous puissions savoir combien il y en a.
Merci.
M. Paul Thibault: Oui.
Le président: Ces renseignements devraient être communiqués, à notre avis, à tous les membres du comité.
Merci beaucoup de vous être présentés devant nous.
Nous devons mettre un terme à cette moitié de la table ronde.
Nous allons continuer avec les représentants d'Amnistie internationale. Lynn Horton est coordonnatrice aux réfugiés, et Michael Bossin est membre de l'exécutif.
• 1625
Il y a également un membre du Vancouver Refugee Council qui va
se joindre à cette table ronde: Phil Rankin est président sortant
et membre de l'exécutif.
Si les membres du comité veulent prendre une tasse de café maintenant, c'est le moment de le faire.
Le président: Nous reprenons la séance. Nous allons continuer avec la deuxième partie.
Merci beaucoup. Vous avez une idée de la façon dont nous procédons. Qui va commencer?
M. Phil Rankin (président sortant, membre de l'exécutif, Vancouver Refugee Council): Je voudrais vous parler de la situation à Vancouver.
Je m'appelle Phil Rankin. Je représente le Vancouver Refugee Council et je pratique également le droit de l'immigration.
Je voudrais passer directement aux recommandations, parce qu'après avoir lu les débats et écouté les interventions, je pense que les gens ne se concentrent pas sur ce qui est recommandé ici.
On vous demande de remodeler le système. J'ai entendu des gens parler des défauts de la section d'arbitrage, mais, malgré tous ses défauts, elle est bien supérieure à ce qu'on recommande. C'est parce qu'on recommande fondamentalement un système prévoyant que les gens seront libérés par le ministère qui les a arrêtés au départ et cherche à les renvoyer. Il n'y aurait donc pas d'indépendance.
Quels que soient les défauts de l'arbitrage, il y a un procès-verbal des audiences, les débats sont enregistrés. De plus, les arbitres donnent les motifs de leurs décisions et, du point de vue institutionnel, ils sont indépendants de l'immigration.
Ce qu'on propose ici fondamentalement c'est de laisser les agents de détermination du statut décider s'ils peuvent être libérés. Ce seront, en fait, des membres du ministère.
• 1630
Dans les recommandations, rien ne prévoit qu'il y aura une
sorte d'audience, qu'elle sera enregistrée et que des décisions
seront prises; je pense donc que c'est bien inférieur à ce que nous
avons maintenant, malgré tous les défauts du système actuel.
L'autre chose qui est, je pense, bien inférieure, est ce qui figure à la recommandation 120, le statut provisoire, et à la recommandation 122, qui va ajouter certains motifs.
Actuellement, on ne peut être détenu que si on est considéré comme quelqu'un qui va se dérober à son renvoi ou qui est dangereux. On ajoutera maintenant comme condition qu'il faut collaborer avec les autorités ou se plier aux conditions, ce qui est très général.
Alors, même si le rapport dit que, maintenant, les décisions sont arbitraires et qu'il faut que les choses soient transparentes et objectives, quand nous examinons la recommandation 122, en particulier les points (iii) et (iv), on y voit une forte augmentation des motifs de détention. Je pense donc que le statut provisoire, les recommandations 120 à 122, permettra de détenir beaucoup plus de gens qu'à l'heure actuelle.
Maintenant, en ce qui concerne la détention de longue durée, on l'impose surtout aux gens qui ne collaborent pas d'une façon ou d'une autre. Mais il me semble que si le ministère... c'est, en fait, le ministère qui expulse des gens du Canada, pas l'arbitrage. Donc, si vous deviez recommander qu'au bout de 90 jours—le Code criminel prévoit, par exemple, une révision au bout de 90 jours—le ministère ait à prouver qu'il peut renvoyer une personne—sans quoi elle serait libérée—je peux vous assurer que les ressources nécessaires seront engagées pour la renvoyer. En d'autres termes, si vous voulez vous débarrasser des détentions de longue durée, vous devriez recommander qu'une audience soit tenue à la fin des 90 jours.
Le ministère dira qu'il peut la renvoyer ou la libérera. Vous lui aurez ainsi donné une priorité. C'est la priorité dont il a besoin au lieu de dire qu'il ne peut pas s'en occuper pour le moment ou je ne sais quoi. Je pense que c'est ce qui est nécessaire pour faire sortir les détenus de longue durée.
Je viens de Vancouver, où nous avons la chance d'avoir un très bon service d'arbitrage. Je me rends compte que la situation n'est pas la même à Toronto.
Notre service d'arbitrage de Vancouver n'a que deux membres, tous deux excellents. En fait, s'ils établissaient la norme pour le reste du pays, nous n'aurions aucun problème à ce sujet. Nous n'avons aucune plainte à propos des deux personnes concernées.
Je sais que c'est très inhabituel. Si je me présente au barreau à Toronto, on me regarde comme si j'étais fou, mais nous avons, en fait, un très bon service d'arbitrage. Il est très juste et raisonnable. Il n'y a pas de problème avec des gens subissant une détention de longue durée. Il n'y a pas des taux de détention comme on en voit ailleurs dans le pays. C'est à cause de la personnalité des gens de ce service.
Je pense que ces directives qu'il y a maintenant... Ces gens n'avaient pas besoin de directives. Ils les utilisaient. Ils les ont appliquées pendant des années et des années. Je pense donc que les directives sont très opportunes.
Mais je veux également revenir en arrière. Ce rapport recommande qu'on confie ce travail aux gens qui vont se prononcer sur la détention à la place des arbitres.
À l'heure actuelle, ils ont le pouvoir de libérer les gens dans les 48 heures. Sur la base de mon expérience, qui porte sur une vingtaine d'années, je dirais que, dans 99 % des cas, je n'ai jamais vu un agent d'immigration libérer quelqu'un dans les 48 heures. Quand ils arrêtent quelqu'un, ils le gardent jusqu'à ce que l'arbitre le libère.
Nous demandons donc maintenant au ministère—il a fait la preuve de son incapacité—qui a toujours eu le pouvoir de libérer les gens dans les 48 heures, de prendre maintenant tout cela en main. Je pense que c'est une erreur totale.
Ensuite, on veut créer quelque chose qu'on appelle un agent de détermination du statut à la fin de tout ce processus. Je ne sais pas pourquoi on invente cette personne, ce bureaucrate supplémentaire dans le ministère, pour examiner les décisions que l'agent d'immigration aurait normalement dû prendre.
S'il n'y a pas d'indépendance institutionnelle... L'arbitrage n'est pas parfaitement indépendant, mais c'est un service différent: il fait partie de la CISR. Les arbitres ne jouissent toutefois pas d'une garantie de maintien à leur poste, ce qui les rendrait plus indépendants, et ils n'ont pas de sécurité financière.
Ils sont fondamentalement rémunérés dans le cadre de la fonction publique, ce qui les rend moins indépendants que, disons, un juge ou un membre de la CISR. Mais, de façon générale, ils ont l'indépendance institutionnelle, et nous ne devrions pas éliminer cette indépendance institutionnelle au profit du système qui figure dans ce rapport et qui n'a pas fait ses preuves.
Je voulais en quelque sorte souligner cela. Je pense que le statut provisoire et les agents de détermination du statut ne résoudront pas les problèmes institutionnels qu'ils sont censés résoudre. Je pense que le fait d'ajouter des motifs supplémentaires... Cette histoire de statut provisoire va simplement être, en réalité, un cauchemar.
Nous voyons tout le temps des gens qui ont changé d'emploi sans demander l'avis de l'immigration. Nous voyons des étudiants qui ne demandent pas une prolongation de leur statut, changent d'établissement, interrompent leurs études ou échouent à leurs cours.
Pourquoi devrions-nous arrêter ces gens-là? On pourrait vouloir les renvoyer. On pourrait vouloir dire qu'ils ont violé la loi, mais pourquoi voudrait-on... D'après ce qu'on recommande ici, s'ils ont fait quelque chose qui viole leur statut, ils devraient être placés en détention. Cela n'a aucun sens. La détention coûte très cher, 200 $ par jour et par personne, et on peut utiliser cet argent pour faire autre chose. Je suis en faveur d'amendes administratives. Je pense qu'au lieu d'être renvoyés, les étudiants qui changent d'établissement sans autorisation devraient payer une amende de 500 $.
• 1635
Des clients que j'ai eus m'ont dit qu'ils aimeraient beaucoup
mieux cela plutôt qu'être renvoyés en Asie où leurs parents seront
prêts à les tuer parce qu'ils ont cessé leurs études et ne pouvoir
peut-être jamais revenir au Canada.
Je vais passer à la dernière partie: pourquoi est-ce que les gens ne s'en vont pas? Ce sur quoi ce rapport met réellement l'accent est que nous allons moins nous soucier du respect des droits et que nous allons être un peu plus stricts et détenir plus de gens pendant plus longtemps, et ensuite ils vont collaborer; nous obtiendrons des documents de voyage et, ensuite, nous les renverrons.
À l'heure actuelle, un des plus gros problèmes est que rien ne les encourage à partir. En d'autres termes, si j'ai des clients qui sont expulsés, le ministre pourrait les autoriser à revenir au Canada, mais, dans 99 % des cas, il ne le fait pas. Nous devrions donc peut-être trouver une façon de récompenser les gens qui quittent le Canada quand ils font l'objet d'une ordonnance d'expulsion.
En d'autres termes, ils sont prêts à payer pour partir. On pourrait transformer cela en une mesure d'exclusion aux termes de laquelle ils partiraient seulement pour... Je ne pense pas nécessairement aux délinquants, mais aux gens qui n'ont pas d'antécédents criminels: «Très bien, j'ai travaillé illégalement. J'ai été expulsé. Je ne suis pas parti dans les 30 jours de la proclamation de mon interdiction de séjour. Je fais maintenant l'objet d'une ordonnance d'expulsion. Mais, maintenant, j'ai une amie au Canada qui veut m'épouser et il faut maintenant que je remette de l'ordre dans ma vie, je vais donc accepter une exclusion d'un an comme pénalité.»
Si on pouvait trouver des façons de les encourager, les gens seraient prêts à partir. Ils paieraient pour s'en aller s'ils savaient qu'ils pourraient régulariser leur statut à un moment ou l'autre dans l'avenir.
Depuis l'adoption du projet de loi C-44, les agents d'immigration peuvent maintenant prononcer des interdictions de séjour, et les gens ont 30 jours pour quitter le Canada. Eh bien, beaucoup de gens ne peuvent pas régler tous leurs problèmes en 30 jours, si bien que leur interdiction de séjour se transforme automatiquement en une ordonnance d'exclusion. Rien ne les encourage à partir puisqu'ils ne reviendront jamais. Cette mesure rapide d'interdiction de séjour qu'on avait imaginée à leur intention a, en fait, donné le résultat contraire. À cause d'elle, beaucoup de gens vivent dans la clandestinité parce qu'ils espèrent qu'un jour, d'une façon ou d'une autre, quand ils auront un bébé ou qu'ils seront mariés, ils pourront régulariser leur statut.
Nous ne leur offrons aucun moyen de régulariser leur statut et nous avons un ministre qui n'a pas particulièrement envie de donner des autorisations ou des permis ministériels, si bien que nous n'avons rien pour encourager les gens.
La Loi sur l'immigration pourrait, en réalité, permettre de faire beaucoup de choses s'il restait une certaine marge de manoeuvre et si on récompensait les gens qui... Ils doivent être un peu pénalisés—il faut qu'ils s'en aillent pendant au moins un an, sinon tout le monde demandera à en profiter—mais, ils devraient pouvoir régulariser leur statut. Donnez-leur la possibilité de payer leur billet pour partir et encouragez-les à s'en aller.
Je me souviens que nous avions quelque chose comme cela dans le cadre de l'élimination de l'arriéré pour les Polonais, à qui on avait dit que, s'ils quittaient le Canada, ils recevraient une lettre leur garantissant une entrevue à Varsovie avec le ministère de l'Immigration. Nous sommes parvenus à convaincre ainsi beaucoup de demandeurs du statut de réfugié de s'en aller.
Il y a beaucoup de choses que je pourrais dire à propos d'autres aspects, mais je ne veux pas prendre le temps de mes amis.
Je voudrais simplement dire que, quand vous remodellerez le système, ne le rendez pas pire que celui que nous avons. J'aime mieux corriger celui-là que m'accommoder de celui qu'on nous prépare.
Le président: Merci beaucoup.
Lynn Horton, voulez-vous dire quelque chose?
Mme Lynn Horton (coordonnatrice aux réfugiés, Amnistie internationale): Je ne parle pas tout à fait aussi vite que Phil, et ma voix n'est pas aussi claire aujourd'hui.
Je m'appelle Lynn Horton. Je suis coordonnatrice aux réfugiés pour Amnistie internationale au Canada. Je suis accompagnée de Michael Bossin. Michael est avocat; il a travaillé sur de nombreuses affaires de réfugiés et il est membre du bureau exécutif actuel d'Amnistie. Il est également membre de notre réseau des réfugiés.
Amnistie est une organisation de droits de la personne qui a un mandat limité en ce qui concerne les réfugiés. Nous essayons de faire en sorte que les gens qui ont échappé aux pires violations des droits de la personne ne soient pas renvoyés pour y être exposés à nouveau.
Nous nous efforçons en particulier de prévenir le refoulement de gens qui risqueraient d'être détenus arbitrairement en tant que prisonniers de conscience, d'être torturés, de disparaître ou de subir une exécution extrajudiciaire. Voilà notre mandat. Il est limité à cela. Il y a donc de nombreux éléments de ce rapport qui ne nous concernent pas du tout.
Nous faisons un peu de travail au niveau politique, comme en ce moment, mais nous examinons surtout les cas de réfugiés qu'on nous soumet, cas qui semblent soulever des préoccupations du type de celles qui correspondent à notre mandat.
Une fois que nous avons fait nos entrevues et nos recherches, si nous pensons que quelqu'un est exposé à ce genre de risques si on le renvoie, nous intervenons, généralement en envoyant une lettre, pour essayer d'empêcher son expulsion, son renvoi. C'est sur cette expérience que sont fondés nos commentaires au sujet des renvois.
Dans le cadre de notre travail, nous recevons également régulièrement des appels de gens qui sont détenus, ce qui nous tient au courant des pratiques et des conditions de la détention.
Aujourd'hui, nous aimerions aborder ces trois questions avec vous. Michael vous parlera de nos préoccupations au sujet de la façon dont on utilise la détention et des propositions du Groupe consultatif sur la législation quant à son utilisation plus fréquente, et je parlerai brièvement des conditions de détention. J'interviendrai ensuite à nouveau à propos des pratiques en matière de renvoi et de la nécessité d'apporter des changements positifs dans ce domaine.
Le président: Michael.
M. Michael Bossin (membre de l'exécutif, Amnistie internationale): Merci. Je vais parler des cas où les gens devraient être détenus.
Il se trouve que j'ai assisté à une de vos séances la semaine dernière. Ayant entendu M. Rankin, j'ai été gagné par l'impression que vous avez peut-être déjà entendu certaines des choses que je vais dire. Je vais néanmoins les dire.
Je vous rappellerai peut-être quelque chose que le comité sait déjà quand je dirai que, quand nous parlons de la détention dans le contexte de l'immigration, nous ne parlons pas de punir des gens pour des délits qu'ils ont commis. Nous parlons de détention préventive. Nous parlons d'enfermer des gens pour les empêcher de mettre en danger le public canadien ou pour faire en sorte qu'ils se présentent à une future convocation. Ce n'est pas du tout la même chose que mettre en détention des gens qui ont commis un délit dans notre pays.
Au niveau international et dans notre pays, il y a eu de nombreuses décisions judiciaires d'après lesquelles on ne devrait y avoir recours que dans des circonstances exceptionnelles, la détention préventive étant une mesure exceptionnelle. Ce ne devrait pas être la norme. Cela figure également dans notre Charte et, comme vous le savez, il y a plusieurs dispositions dans celle-ci qui s'appliquent à la détention et aux droits des détenus. Cela ne devrait pas se faire de façon arbitraire.
Je suis également ici pour vous rappeler que le droit à la liberté est un droit fondamental, aussi bien dans notre pays qu'au niveau international, et on ne devrait jamais le retirer à la légère.
Ce principe, nous semble-t-il, n'a pas été retenu avec empressement par les auteurs du rapport sur la révision de la législation. Par exemple, en ce qui concerne les réfugiés, le rapport présume que le seul moyen efficace pour encourager les demandeurs d'asile à se conformer à la procédure de détermination est la détention.
Comme l'a indiqué M. Rankin, les auteurs ont créé une sorte de statut provisoire, et si les gens ne respectent pas les conditions prévues, la seule solution mentionnée dans le rapport est de les mettre en détention. Comme nous le disons dans notre mémoire, la détention devient le nouveau statut obligatoire par défaut. On dirait que, alors que ce groupe aurait dû faire preuve d'imagination, de réflexion et d'esprit d'initiative pour essayer de voir quels autres moyens on pourrait utiliser pour inciter les gens à faire ce que nous voulons qu'ils fassent, la seule chose qu'il a pu trouver est de les mettre en prison. C'est le seul moyen d'encouragement qui est mentionné.
Le rapport dit qu'une personne qui, sans motif légitime, ne peut pas répondre aux exigences du statut provisoire doit être détenue. L'expression «motif légitime» n'est pas définie dans le rapport. Je ne sais pas exactement ce qu'elle signifie. Le rapport n'indique pas non plus clairement qui jouerait le rôle d'arbitre pour déterminer ce qu'est un motif légitime ou une raison justifiant l'inobservation des conditions requises.
Ce qui est clair, comme le souligne M. Rankin, est que le rapport envisage d'étendre les motifs existants de détention. À l'heure actuelle, la détention est seulement prévue si quelqu'un constitue une menace pour la sécurité publique ou se dérobera vraisemblablement à une convocation. Mais, si ces recommandations sont acceptées, il y aura davantage de motifs de détention.
Un des exemples que nous citons dans notre mémoire est que les demandeurs du statut de réfugié devront, s'ils arrivent ici sans document, faire immédiatement une demande de passeport ou de document de voyage. Dans notre mémoire au ministère, nous avons fait part de certaines préoccupations à ce sujet dans le cas des gens qui viennent de pays où la découverte par les autorités qu'ils ont quitté le pays, qu'ils l'ont, par exemple, quitté illégalement, pourrait avoir des conséquences pour les membres de leurs familles.
Nous avons appris que, dans l'exemple de l'Iran, le formulaire de demande de document de voyage, que nous avons joint à notre mémoire, demande aux postulants d'indiquer comment ils ont quitté le pays. Beaucoup d'entre eux doivent le quitter illégalement. Ils doivent également faire amende honorable. Il n'est pas étonnant que de nombreuses personnes qui se trouvent dans une telle situation soient réticentes à demander un document de voyage à leur pays, en particulier s'ils viennent juste de le fuir. Devrions-nous enfermer des gens qui sont dans cette situation? Eh bien, nous ne le pensons pas. Or, c'est précisément ce qui est recommandé.
Comme nous le signalons dans notre mémoire au sujet des normes internationales, les lignes directrices du HCR sur la détention des demandeurs d'asile interdisent spécifiquement la détention pour cause d'inobservation d'exigences administratives. Le HCR s'y oppose. Nous y sommes opposés. Or, c'est clairement ce qui est recommandé ici.
• 1645
J'allais parler de la question de savoir quand un demandeur du
statut de réfugié devrait être détenu pour qu'on établisse son
identité et s'il était même nécessaire de le faire, mais je pense
que je vais manquer de temps. Si vous avez une question à ce sujet,
je serai heureux d'y répondre, et Lynn va parler des autres
questions que nous avons soulevées.
Le président: Très bien.
Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: J'ai juste une question. Je me demande ce que Mme Horton pense des commentaires de M. Rankin au sujet du remplacement de la CISR par un groupe de fonctionnaires de carrière. Est-ce une bonne décision? Est-ce, à votre avis, une bonne recommandation?
Mme Lynn Horton: Nous accordons une importance considérable à l'indépendance. Pour nous, un organisme spécialisé impartial et indépendant constitue la meilleure garantie que, dans ce domaine, les décisions seront prises de façon raisonnable. Nous abordons cette question brièvement dans notre mémoire d'aujourd'hui et nous la commentons très longuement dans le mémoire que nous avons présenté au ministre. Cette question me préoccupe fortement. Je vous remettrai avec plaisir un exemplaire de notre mémoire à ce sujet.
M. Norman Doyle: Vous avez donc l'impression que le système actuel, la CISR actuelle, aurait plus d'indépendance.
Mme Lynn Horton: Considérablement plus, oui, en effet.
Le président: Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds: Je voudrais poser une question à propos des arbitres. Voudriez-vous qu'ils soient nommés comme des magistrats plutôt que de faire partie d'un ministère—en d'autres termes, qu'on nomme des gens totalement indépendants?
M. Phil Rankin: J'aimerais qu'on améliore le mode de nomination. Il n'y a pas véritablement de système de nomination pour nos arbitres, ce qui est, à mon avis, un des principaux défauts de la CISR, parce que les nominations sont souvent politisées; certaines sont excellentes, et certaines des personnes nommées ainsi peuvent même bien faire l'affaire, mais ce n'est pas nécessairement prévu ainsi. Donc, oui, j'aimerais qu'on améliore la façon de procéder aux nominations.
À ma connaissance, pour les juges, il y a des institutions qui font des recommandations qui doivent être suivies. Il y a donc trois ou quatre organismes qui doivent donner leur approbation et, bien entendu, le candidat doit avoir l'expérience nécessaire pour faire ce travail et il ne doit pas dépendre du ministre, ce avec quoi je suis d'accord.
Le président: Lynn, voulez-vous dire quelque chose?
Mme Lynn Horton: Oui, excusez-moi, je voudrais traiter de deux autres questions.
Le président: D'accord.
Mme Lynn Horton: Je répondrai avec plaisir à des questions maintenant, si c'est ce que vous souhaitez, mais j'aimerais parler brièvement des conditions de détention et des renvois.
Le président: Allez-y, je vous en prie.
Mme Lynn Horton: Pour ce qui est des conditions physiques de détention, nous constatons avec satisfaction que le comité consultatif a recommandé que les détenus aient accès à des téléphones, à des avocats et à des ONG. Ce serait une amélioration par rapport à la situation actuelle.
L'accès à un avocat existe actuellement en théorie, mais, dans l'ensemble du pays, des détenus nous disent souvent qu'ils ne peuvent pas avoir accès à un avocat, parfois parce qu'ils n'en ont pas les moyens et que l'aide juridique n'est pas toujours disponible. Ceci nous gêne. Nous constatons que les gens qui n'ont pas accès à une aide juridique sont souvent contraints de rester en détention beaucoup plus longtemps qu'ils ne le devraient. Si les programmes provinciaux d'aide juridique ne sont pas aptes ou prêts à donner réellement accès à des avocats, il y a des précédents permettant aux autorités fédérales d'assurer une telle représentation.
Pour ce qui est de l'accès aux ONG, il est lui aussi limité. Nous savons par exemple que le nom d'Amnistie figure sur une liste de persona non grata au Celebrity Inn, à Toronto. Je ne suis pas tenue régulièrement au courant de cette liste, mais on m'a certainement dit l'avoir vue.
Une voix: Est-ce une liste positive ou négative?
Mme Lynn Horton: Eh bien, il nous arrive de vouloir aller là-bas pour parler à des gens, et on ne nous laisse pas entrer.
Mme Jean Augustine: Ce n'est pas un endroit où vous auriez envie d'aller.
Mme Lynn Horton: Nous proposons dans notre mémoire, à la page 7, un code qui régirait les conditions à respecter pour la détention des demandeurs d'asile. J'aimerais que vous portiez attention à cette question à un moment donné. Chaque élément figurant sur cette liste provient d'un instrument international. Ce sont des normes internationales que nous proposons.
Je vous demanderai maintenant de porter votre attention sur la question des renvois. Le Groupe consultatif sur la révision de la législation recommande une évaluation des risques qui devrait être effectuée par une agence de protection dont il propose la création. Nous avons des réserves au sujet de cette agence telle que l'envisage le groupe, surtout en ce qui concerne son indépendance, mais nous convenons que les décisions au sujet des risques devraient être prises par un organisme spécialisé dans la prise de décision au sujet des besoins en matière de protection.
Comme le groupe consultatif et comme M. Tassé l'a dit dans son rapport, nous pensons également que les risques doivent être évalués le moins de temps possible avant la date prévue pour le renvoi. Nous pensons toutefois qu'à part ces deux points, le régime de renvoi proposé dans le rapport du groupe consultatif ne fonctionnera tout simplement pas. Dans son rapport, ce groupe propose que les renvois aient lieu en fonction d'un plan. M. Tassé reconnaît que l'élaboration d'un plan peut prendre plusieurs mois, parfois jusqu'à six mois. Le rapport suggère ensuite qu'on devrait dire à la personne concernée quel jour, à quelle heure et vers quel pays elle va être expulsée, et elle aurait alors 48 heures pour faire une demande d'évaluation des risques.
• 1650
Il me semble, et je l'ai lu à de nombreuses reprises, que le
groupe consultatif pense qu'en 48 heures, la personne qui est sur
le point d'être expulsée doit obtenir l'aide d'un avocat ou d'une
ONG et pouvoir prouver qu'elle est exposée à des risques dans son
pays d'origine. À notre avis, c'est tout simplement impossible.
Dans notre mémoire, aux pages 8 à 10, nous examinons point par
point les questions qu'à notre avis, ce régime laisse sans réponse.
Nous abordons en particulier les impossibilités pratiques que
comporte ce système.
Au lieu de passer cela en revue maintenant, je pensais qu'il vaudrait mieux que je vous dise ce que notre travail dans ce domaine nous a enseigné au sujet des renvois. En premier lieu, Amnistie est un groupe auquel s'adressent souvent des gens qui veulent prouver ou savoir ce qui risque de leur arriver s'ils retournent dans leur pays. Amnistie internationale n'est absolument pas en mesure de préparer une évaluation des risques pour quelqu'un en 48 heures. C'est tout simplement impossible. Je vous expliquerais très volontiers pourquoi c'est impossible, mais il est inconcevable que nous puissions accepter de jouer régulièrement le rôle que, je pense, le groupe consultatif voudrait que nous assumions.
À notre avis, il faut prévoir suffisamment de temps pour pouvoir obtenir de bons renseignements. Nous estimons également que l'évaluation des risques ne sert à rien si, comme le propose le rapport, l'évaluateur est obligé de chercher à déterminer si de nouvelles circonstances sont intervenues depuis la décision de la CISR. La notion de «nouvelles circonstances» a déjà donné lieu à une quantité démesurée de jurisprudence et de débats. On cherche à déterminer ce qui a changé. Est-ce un changement durable? Est-ce un changement suffisant? Non. Nous pensons que ce qu'il faut se demander est ce qui va arriver à cette personne si on la renvoie dans son pays maintenant. Quand on parle d'une évaluation des risques, il faut qu'elle soit tournée vers l'avenir.
Le groupe consultatif dit aussi qu'il faut déterminer les risques pour la vie de la personne, savoir si, comme on dit, il y a déjà une balle sur laquelle son nom est inscrit. Même la norme actuelle n'est pas si élevée. Amnistie estime que les risques à prendre en considération sont les risques—et nous revenons là à notre mandat—de détention arbitraire, de torture, de disparition et d'exécution. Si ces risques sont établis, le renvoi ne devrait pas avoir lieu. Que se passe-t-il si une personne est exposée à des risques dans certaines parties du pays mais pas dans d'autres? Le groupe consultatif dit que le renvoi doit avoir lieu sauf si la personne est exposée à des risques dans toutes les parties du pays, ce qui correspond à la norme actuelle pour la révision des demandes rejetées.
Cela pose un problème fondamental, qui a été signalé à M. Tassé quand il faisait son enquête. Il est bien possible qu'une région du pays soit sûre. La CISR peut avoir refusé la demande parce qu'elle a déterminé qu'une certaine zone offre une possibilité de refuge intérieur, une PRI. Le problème est que la personne expulsée doit pouvoir s'y rendre. Quand nous soulevons ce genre de question au sujet des renvois, les gens du ministère affirment généralement qu'ils ne sont pas tenus de s'assurer que la personne peut, en fait, aller dans la zone que la CISR considère comme une PRI. Ils pensent qu'ils ont fait leur travail, qu'ils se sont acquittés de leur obligation envers les contribuables canadiens, nous disent-ils, s'ils ramènent cette personne dans ce pays.
La Somalie nous a beaucoup appris à cet égard. Depuis une décennie, les membres des clans sont généralement en danger à l'extérieur du territoire de leur propre clan, et on ne peut pas se rendre dans tous les territoires depuis le Canada. Dans quelques cas dont nous nous sommes occupés, des Somaliens ont quand même été renvoyés dans des régions de la Somalie d'où ils n'avaient pratiquement aucune chance de pouvoir gagner une région où ils seraient en sécurité.
Dans l'annexe A de notre mémoire, nous donnons des détails au sujet d'un cas de ce genre. Vous constaterez que même quand le bureau du ministre est intervenu et a garanti que la personne concernée serait ramenée dans la zone où elle serait en sécurité, cela ne s'est pas fait. On l'a simplement laissée à des milliers de milles du territoire de son clan, et on n'a pas répondu à nos demandes. Au bureau du ministre, je crois que l'adjoint ministériel était très gêné, mais le fait est que les employés responsables n'étaient tout simplement pas en mesure de réaliser le renvoi comme ils nous avaient assurés qu'ils le feraient.
• 1655
Cela a renforcé, tout au moins dans notre groupe, l'impression
que les renvois sont quelque chose à part et qu'ils échappent en
réalité au contrôle de qui que ce soit.
À Amnistie, nous pensons qu'il faut adopter une politique consistant à s'entendre avec les gens sur les modalités de leur renvoi, en particulier sur le moment où il aura lieu. Il faut ensuite leur donner suffisamment de détails sur la façon dont le renvoi va se dérouler, y compris par où ils vont passer, suffisamment longtemps à l'avance pour qu'ils puissent déterminer s'ils pensent ou non qu'il y a des risques de détention arbitraire, de torture ou de disparition. S'ils pensent que oui, ils devraient pouvoir examiner l'évaluation des risques. Nous supposons qu'une évaluation des risques serait automatiquement réalisée chaque fois. Cette évaluation devrait couvrir les risques que j'ai mentionnés et examiner s'ils existent dans toutes les régions par lesquelles les personnes concernées doivent passer pour gagner la zone où elles seront en sécurité.
Je ferai un autre commentaire au sujet des renvois. Le Groupe consultatif sur la révision de la législation examine l'évaluation des risques et son utilisation pour les personnes qui n'ont pas droit à la protection accordée aux réfugiés parce qu'elles ont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. D'après ce groupe, on pourrait procéder à une évaluation des risques pour ces personnes, mais elles devraient néanmoins être renvoyées même si on constate l'existence de risques. Il dit que la Convention de Genève l'autorise—c'est à la page 120.
Eh bien, c'est exact, mais c'est faux en même temps. D'après la Convention sur les réfugiés, ces personnes n'ont pas droit à la protection accordée aux réfugiés. Toutefois, le Canada a ratifié aussi bien la Convention des Nations Unies contre la torture que la déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la disparition forcée. Ces deux instruments interdisent de façon inconditionnelle et absolue l'expulsion de qui que ce soit, même des criminels de guerre, vers des pays où ils risqueraient d'être torturés.
Le groupe consultatif s'est à moitié engagé sur cette voie dans la recommandation 97 en disant qu'il faut évaluer les besoins de protection, qu'il faut tous les évaluer dès le départ en fonction non seulement de la Convention sur les réfugiés, mais également des considérations actuelles et virtuelles de droits de la personne et d'ordre humanitaire. Il a spécifiquement nommé les Nations Unies.
Il paraît évident que le Canada a le devoir inconditionnel de ne pas expulser quelqu'un lorsque de tels risques existent, et il faut alors non seulement évaluer les risques, mais aussi arrêter le renvoi. La section de première instance de la Cour fédérale est du même avis.
Vous avez peut-être lu hier dans le Toronto Star un article d'Allan Thompson au sujet du cas de Jamshid Farhadi. J'ai inclus une reproduction de cet article au verso de l'annexe A. C'est une décision fondée sur la Charte, sur la validité des attestations de sécurité. Essentiellement—et je viens juste de parler à l'avocat avant de venir—le jugement indique qu'en vertu de la disposition pertinente, il faut effectuer une évaluation des risques et vérifier la validité de l'attestation de sécurité. Cela ne figure pas dans la procédure prévue par la Loi sur l'immigration. Le jugement a empêché le renvoi de M. Farhadi parce qu'aucune évaluation des risques n'avait été faite et que des risques de torture étaient allégués.
Merci. Voilà ce que nous pensons.
Le président: Merci beaucoup, Lynn.
Un membre du comité veut-il maintenant poser des questions?
Madame Minna.
Mme Maria Minna: Oui, j'ai deux ou trois questions.
Je voulais poser la première à Mme Horton. Je vous ai peut-être mal comprise, mais il m'a semblé que vous disiez que vous ne pouviez pas entrer dans le Celebrity Inn.
Mme Lynn Horton: Nous avons entendu dire que notre nom figure sur une liste en tant que persona non grata, et la personne qui me l'a dit a vu cette liste en face d'elle quand elle faisait un appel téléphonique. Je l'ai entendu dire à plusieurs reprises.
Mme Maria Minna: En dehors du fait que vous l'ayez entendu dire, vous a-t-on empêchés d'entrer et de parler à qui que ce soit que vous avez essayé de...
Mme Lynn Horton: Non, nous ne sommes pas allés là-bas récemment. Depuis que nous avons entendu parler de cela, nous n'avons pas eu l'occasion d'aller là-bas.
Mme Maria Minna: J'essaie de voir quels sont les faits. C'est important. Donc, quelqu'un vous a dit que vous figuriez sur la liste, et vous avez cessé d'y aller. Cela n'a aucun sens. Y alliez-vous avant? Avez-vous rendu visite à des gens au Celebrity Inn auparavant sans en avoir jamais été empêchés?
Mme Lynn Horton: On ne nous en a pas empêchés. Nous n'avons pas fait ce genre de travail récemment. Nous n'avons pas eu l'occasion d'aller là-bas.
Mme Maria Minna: Donc, ce n'était pas parce que votre nom était sur la liste, n'est-ce pas? J'essaie d'élucider exactement ce qui se passe, parce que c'est important pour moi. Si vous n'y êtes pas allés parce que vous n'avez pas eu de raison d'y aller, c'est une chose, mais quand vous y êtes allés auparavant, vous y avez eu accès et les choses étaient normales. Par contre, si vous y étiez allés et qu'on ne vous a pas laissés entrer à cause d'une liste de ce genre, ce serait une autre histoire. J'essaie d'établir de quoi il retourne.
Vous n'y êtes pas allés parce que vous n'avez pas eu l'occasion d'y aller, c'est bien ça?
Mme Lynn Horton: C'est exact.
Mme Maria Minna: D'accord. Mais vous avez entendu une rumeur selon laquelle vous figuriez sur une liste.
Mme Lynn Horton: C'est plus qu'une rumeur. La personne qui a vu notre nom sur la liste travaille pour le Toronto Refugee Affairs Council. Nous n'avons toutefois pas vérifié la chose, c'est vrai.
Mme Maria Minna: D'accord. Je voulais simplement clarifier certains de ces renseignements et savoir de quoi il retourne.
Mon autre question porte sur tout ce qui concerne le statut provisoire. Je pense que M. Rankin a fait allusion à certains aspects de cela tout à l'heure, mais, quand nous avons rencontré certains autres groupes la semaine dernière, j'ai posé cette question plusieurs fois. Même les groupes de réfugiés—je crois que le CCR était l'un d'entre eux—m'ont apparemment dit qu'ils étaient en faveur de la notion de statut provisoire, mais qu'ils n'étaient pas satisfaits de la façon dont il serait appliqué, de ce qui se produirait ou de la façon dont on pouvait le perdre.
M. Phil Rankin: J'ai lu cela, moi aussi, mais j'ai eu l'impression qu'elle voulait dire... Ce qui lui plaisait à propos du statut provisoire était qu'on aurait ainsi au moins un morceau de papier accordant une sorte de statut. L'accès aux services sociaux dans chaque province dépend complètement de la possession d'un certain statut. Si on ne peut pas faire état d'un statut, on ne peut obtenir aucune prestation médicale ni rien d'autre. Il faut montrer qu'on possède un certain statut.
Je suppose qu'elle pensait qu'avec un statut provisoire, on aurait au moins un morceau de papier disant qu'on a un certain statut, même si c'était celui de demandeur du statut de réfugié débouté. On aurait alors un certain statut attesté par un morceau de papier à remettre aux services sociaux.
D'après les recommandations des auteurs du rapport, il faut avoir un statut pour ne pas aller en prison. Avec le régime prévu dans le rapport, on se retrouve en prison chaque fois qu'on n'a pas de statut.
Le seul avantage qu'on a à posséder un certain statut concerne les services sociaux. Franchement, j'aime mieux le système actuel avec ses quelques zones grises s'ils ne sont pas en prison plutôt que s'ils y sont. Si c'est le prix à payer, il n'est pas justifié.
Mme Maria Minna: Mais est-ce qu'avec le statut provisoire, on perd automatiquement...
M. Phil Rankin: Si on ne l'a pas, d'après la recommandation 122...
Mme Maria Minna: C'est ce que j'ai compris. On se retrouve en détention.
M. Phil Rankin: Oui, on se retrouve en détention. Si on n'a pas de statut, on est mis en détention.
Mme Maria Minna: Oui, je comprends cela. Mais puisque nous essayons de trouver des solutions, à votre avis, le concept de statut provisoire peut-il fonctionner si on ne peut pas le perdre si facilement?
M. Phil Rankin: Je pense franchement que c'est ce que nous avons actuellement. Tous les gens sans statut sont actuellement passibles d'arrestation. Les autorités ne se donnent simplement pas la peine de le faire. Avec le système actuel, personne n'existe nulle part. Il y a des gens qui sont sous le coup d'une ordonnance d'expulsion, et je suppose qu'ils n'ont pas de statut. On pourrait leur conférer une sorte de statut qui les aiderait à obtenir un permis de travail, à continuer leurs études, ou je ne sais quoi d'autre, si on n'est pas prêt à les renvoyer. Ce serait une bonne chose.
M. Michael Bossin: Je pense qu'on peut dire aussi qu'il n'y a rien de mal à essayer d'encourager ainsi les gens à respecter la loi et à continuer leurs démarches pour obtenir le statut de réfugié ou faire ce qu'il faut qu'ils fassent.
Ce qui nous préoccupe est que, d'après le rapport, la seule chose à faire quand quelqu'un ne respecte pas ces délais stricts ou ne se plie pas strictement aux conditions du statut provisoire est de le jeter en prison. Mais je ne pense pas que qui que ce soit trouverait à redire à l'inclusion dans la loi de mesures visant à encourager les gens à se plier aux conditions.
M. Phil Rankin: Le problème ne tient-il pas également au fait que les recommandations 122 et 123 disent «est disposé à se plier aux conditions du statut provisoire», alors que nous ne savons pas quelles conditions un agent d'immigration pourrait imposer? Elles pourraient être, en fait très étendues. Le groupe recommande ensuite que les conditions obligatoires et facultatives de diverses catégories soient énoncées avec précision, mais on ne peut pas énoncer avec précision toutes les choses que les agents d'immigration peuvent imaginer.
On peut par exemple exiger que quelqu'un se présente chaque jour à un bureau, mais si tout le monde déménage du centre-ville de Toronto à Mississauga, il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que quelqu'un qui est assisté social fasse 40 milles tous les jours pour se présenter au bureau. C'est ce qui risquerait de se produire.
Nous constatons cela très souvent à Vancouver: on a imposé de nombreuses conditions de ce type aux Thaïlandais, et ils ne les respectent tout simplement pas toujours. Ils ne prennent pas l'autobus et ne se rendent pas au bureau ce jour-là. À Toronto, je pense que c'est pire parce que l'endroit où le service responsable doit être installé à l'aéroport est à environ 40 milles du centre de Toronto.
En tant que criminaliste, je dis qu'il faut leur donner moins de pouvoir, leur demander de donner des précisions, en acceptant le risque de limiter trop fortement les conditions qu'on peut imposer à des gens, à moins qu'elles ne soient réellement nécessaires. Il ne faut pas leur donner carte blanche et dire que tout ce qu'on pourra imaginer sera une bonne idée.
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur McKay.
M. John McKay: Monsieur Rankin, pour ce qui est de la question que vous avez soulevée au sujet des 90 jours, je suppose que la limitation de la détention à 90 jours revient fondamentalement à exiger qu'on se décide une bonne fois.
M. Phil Rankin: Oui.
M. John McKay: Prouvez ce que vous avancez ou...
M. Phil Rankin: Prouver que vous pouvez renvoyer ce gars et que vous avez besoin de le placer sous garde parce qu'il va vraisemblablement se dérober ou bien laissez-le partir parce que vous ne faites pas votre travail. Cela les forcera à investir toutes leurs ressources dans ce renvoi dans les 90 jours pour se débarrasser de ce gars. C'est ce qui va se passer.
M. John McKay: Donc même dans les cas inhabituels où la personne ne collabore pas, ne présente pas une demande de passeport ou de documents de voyage...
M. Phil Rankin: Si elle ne constitue pas une menace pour la sécurité publique... Je pense également que beaucoup des documents qui sont nécessaires pour renvoyer des gens pourraient être obtenus auprès du gouvernement ou figurent déjà dans des dossiers, surtout s'il s'agit de résidents permanents, parce qu'ils se sont tous adressés à des bureaux à l'étranger pour obtenir un visa. Vous pourriez probablement vous rendre au bureau des visas de Kuwait et dire: «Ce monsieur a présenté une demande il y a trois ans. Ne vous a-t-il pas donné à ce moment-là une photocopie de son passeport?» Ce qu'ils veulent c'est obtenir de nouveaux documents. Franchement, si on les encourage un peu plus, ils feront preuve de plus d'imagination quant aux façons de renvoyer les gens.
M. John McKay: Pensez-vous qu'Immigration Canada pourrait faire un meilleur travail initial de collecte des documents?
M. Phil Rankin: Oui. Ce que nos amis des ONG disent me paraît préoccupant. Par exemple, je connais le cas d'un Chinois, demandeur du statut de réfugié, qui est immigrant reçu et s'est rendu à l'ambassade de la Chine pour obtenir son passeport. Celle-ci a pris les documents d'identité qu'il a présentés et lui demande maintenant pourquoi il est au Canada et veut en savoir plus sur sa famille. Il vient de se marier. Il a une femme et il veut la faire venir au Canada, et maintenant, il s'inquiète. L'ambassade ne va pas lui donner de passeport. Elle revient sur ce qu'elle a dit en déclarant: «Nous savons que vous êtes ici. Maintenant, expliquez-nous cela par écrit.» Il n'a pas dit qu'il demandait le statut de réfugié. L'ambassade l'a compris par elle-même. Maintenant, cela va remonter la filière parce que sa femme veut venir au Canada; les autorités vont se pencher sur son cas et ne lui accorderont peut-être pas un permis de sortie.
M. John McKay: Donc, ce qui vous préoccupe est que le document d'identité pourrait être utilisé contre le requérant.
M. Phil Rankin: Quand on en fait la demande dans le contexte du statut de réfugié, cela peut avoir toutes sortes de conséquences.
M. John McKay: La mesure d'encouragement peut donc avoir des effets pervers qui...
M. Phil Rankin: C'est exact. Je pense en particulier que les Chinois et les Vietnamiens ont un comportement très semblable; ils ne vous laissent pas tomber facilement. Une fois qu'ils ont déterminé que vous êtes ici pour une raison qu'ils n'arrivent pas bien à comprendre, ils veulent que vous donniez toutes sortes d'explications. Même pour mon client, qui est en fait un réfugié au sens de la Convention et qui ne va pas retourner en Chine, il lui faut faire toutes les démarches possibles, et ils vont maintenant remonter la filière. J'ai présenté une demande concernant la venue de sa femme. Je suppose qu'ils vont vérifier sa situation et peut-être ne lui donneront-ils pas de permis de sortie. Je pense que le prochain problème va être qu'elle ne pourra pas venir ici parce qu'il a fait une demande de passeport.
M. John McKay: Cela ne crée-t-il pas un dilemme sans issue pour le ministère? D'un côté, on veut encourager la collaboration, mais ce faisant, on finit par créer la situation très négative à laquelle on cherchait à remédier.
M. Phil Rankin: Beaucoup de ces pays laisseront les gens rentrer chez eux sans passeport. Ils exigent simplement une preuve de leur citoyenneté. Ils émettent des documents de retour pour un grand nombre d'entre eux. Il ne faut donc pas croire qu'on ne peut pas les renvoyer s'ils doivent faire une demande de passeport. Ce n'est pas vrai.
M. John McKay: Donc, à votre avis, Immigration Canada s'en débarrasse donc en les mettant à bord d'un avion?
M. Phil Rankin: Non. J'en ai fait revenir certains qui étaient déjà en Inde.
Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères peut s'entendre avec certains pays pour qu'ils reconnaissent et reprennent leurs ressortissants si on leur fournit une preuve raisonnable qu'ils sont bien citoyens de, disons, la Pologne ou n'importe quel autre pays.
De nombreux pays n'exigent pas un passeport et fournissent des documents de voyage pour le retour. Il y a néanmoins des pays déraisonnables, et il faut alors agir au niveau diplomatique. Il faut discuter avec les pays déraisonnables, ceux avec lesquels nous avons de bonnes relations et des relations commerciales.
M. John McKay: Je vais aborder une question distincte, mais liée à celle-ci: y a-t-il une raison intellectuelle ou juridique quelconque—et je m'adresse à tous les témoins—empêchant de réaliser simultanément l'évaluation des risques et la détermination du statut de réfugié?
M. Phil Rankin: Il y a le temps qui doit s'écouler entre l'une et l'autre. Je cite souvent l'exemple du Nigérien qui est arrivé après un coup d'État. Quand j'ai enfin pu obtenir une audience pour l'examen de son statut, les gens qu'il appuyait avaient repris le pouvoir. Quand sa demande a été rejetée et que le moment de son renvoi est venu, les gens qui avaient repris le pouvoir l'avaient perdu au profit d'un autre groupe qui était tout aussi mauvais. Environ 18 mois se sont écoulés entre ces événements. Voilà la raison réelle, et aussi, je suppose...
M. John McKay: En dehors de cela, on suit l'évolution des changements de gouvernement. L'Afghanistan est un exemple classique de cas où les vainqueurs sont perdants et les perdants sont vainqueurs. Cela dit, de façon générale, y a-t-il une raison quelconque empêchant de faire cela simultanément?
M. Phil Rankin: Je pense qu'on pourrait améliorer la situation de deux façons. Ce ne serait pas parfait. Il faudrait encore faire une évaluation des risques à la fin. On pourrait permettre à la section du statut de réfugié de rouvrir un dossier quand il y a des éléments nouveaux, comme dans mon cas du Niger. Ce n'est pas possible actuellement. Cela éliminerait de nombreux problèmes. On pourrait rouvrir les dossiers et dire: «Votre possibilité de refuge intérieur ne marche plus. Huit mois se sont écoulés, et vous êtes encore là.»
M. John McKay: C'est au requérant qu'il incomberait d'en faire la preuve.
M. Phil Rankin: Bien entendu.
M. John McKay: D'accord.
M. Phil Rankin: Je pense aussi que, dans certains cas, la section du statut de réfugié pourrait dire: «Vous ne répondez pas à la définition, mais nous pensons qu'un renvoi vous exposerait à des risques.»
M. John McKay: On prendrait cela pour acquis. Il devrait s'agir d'une double détermination.
M. Phil Rankin: Cela pourrait devenir une sorte de sous-catégorie de la prise de décision, mais, en fin de compte, il faut encore que... Et il ne faut certainement pas limiter cela à 48 heures; il faut prévoir une période raisonnable. L'évaluateur des risques dispose maintenant de 15 jours.
Pour ce qui est de mon exemple des 48 heures, à Vancouver, il y a beaucoup d'arrestations le vendredi. Le jeudi et le vendredi sont des jours où les agents d'immigration procèdent à de nombreuses arrestations, parce que cela veut dire que les gens arrêtés devront attendre quatre ou cinq jours avant d'être présentés devant un arbitre. La détention n'est pas toujours limitée à 48 heures. Si on prévoit 48 heures pour l'évaluation des risques, il y aura beaucoup d'arrestations le vendredi soir pour pouvoir pratiquer des détentions pendant la fin de semaine, et l'évaluation ne pourra pas se faire. On ne peut tout simplement pas imposer une limite de 48 heures. C'est tout simplement impossible.
• 1710
En fin de compte, pour un petit pourcentage de gens, il faut
avoir des gens prêts à dire qu'on ne peut pas renvoyer une certaine
personne du Canada même si on a les documents et qu'on pourrait la
renvoyer. C'est parce qu'elle risquerait d'être assassinée ou
d'être exposée à autre chose, comme la torture, la disparition ou
je ne sais quoi.
Ces critères seront pris en considération, et il ne peut pas...
M. John McKay: Je ne parle pas du fait de savoir s'il faut ou non procéder à une évaluation complète des risques. Je me demande si on peut combiner cela en faisant une double détermination. Au moment où on détermine si quelqu'un est ou non un réfugié, on peut également déterminer s'il est ou non exposé à des risques. Ensuite, si un changement se produit au moment où il doit partir, c'est à lui de démontrer que les risques auxquels il est exposé ont changé.
Y a-t-il une raison quelconque empêchant de procéder ainsi?
M. Michael Bossin: À l'heure actuelle, si vous ne remplissez pas les conditions pour être reconnu comme réfugié, même si vous êtes exposé à des risques, il faut que vous fassiez une autre demande séparée...
M. Phil Rankin: Pour motif humanitaire.
M. Michael Bossin: ... pour motif humanitaire ou quelque chose d'autre, ce qui entraîne une longue procédure. Ça coûte de l'argent au gouvernement et aux requérants.
Il n'y a aucune raison de ne pas procéder, comme vous le dites, à un examen au moment de l'audience initiale. Même si vous ne correspondez pas à la définition de réfugié, il peut y avoir une raison...
M. John McKay: Pourrait-on alors invoquer des motifs humanitaires?
M. Phil Rankin: Oui.
M. John McKay: On pourrait donc gagner sur trois tableaux en même temps, en quelque sorte.
M. Phil Rankin: On pourrait élargir les pouvoirs de la section du statut de réfugié pour lui permettre d'examiner des éléments nouveaux en ce qui concerne les risques et les préoccupations d'ordre humanitaire. Je ne suis pas sûr qu'elle veuille s'attaquer à tout cela, mais ce serait faisable.
Cela réglerait certains des cas problématiques qu'on a actuellement.
M. John McKay: C'est justement de cela qu'il s'agit.
M. Phil Rankin: Mais il faudrait néanmoins procéder à une évaluation avant le renvoi. Je ne pense pas qu'on devrait renvoyer les gens sans cela.
M. Michael Bossin: Cela ne devrait pas nécessairement être fait en même temps par le même organisme, celui qui s'occupe des demandes. Il y aura peut-être un service qui s'occupera de l'aspect humanitaire et un autre des réfugiés, mais il n'y a pas de raison de traiter les deux choses séparément et l'une après l'autre. On pourrait les faire en même temps.
M. John McKay: On s'appuie sur les mêmes preuves.
M. Phil Rankin: Les risques concernent parfois des problèmes graves, comme les gens qui ont des maladies rénales ou d'autres problèmes médicaux. Leur survie est irrémédiablement compromise s'ils retournent dans leur pays, mais cela n'a rien à voir avec leur idéologie ou le fait qu'on va les arrêter. Il y a d'autres éléments en jeu.
M. John McKay: C'est une préoccupation légitime. Si on pouvait combiner les trois aspects en une audience ou avoir une audience triple, en quelque sorte, on se retrouverait avec des délais plus raisonnables... Toutes les parties concernées conviennent que la procédure prend beaucoup trop longtemps. On pourrait alors s'occuper des renvois de façon expéditive.
M. Phil Rankin: Je pense que ce qui les inquiète est qu'on va donner une possibilité d'accès à plus de gens qui ne demandent pas le statut de réfugié mais peuvent invoquer d'autres motifs humanitaires devant la CISR. En augmentant ses pouvoirs, on crée, en fait, une sorte de monstre.
M. John McKay: Mais, quoi qu'il en soit, les gens concernés sont les mêmes, n'est-ce pas?
M. Phil Rankin: Oui.
M. John McKay: Il y a une trentaine de milliers d'arrivants et il faut s'occuper de leur cas d'une façon ou d'une autre.
Le président: Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds: J'ai juste une chose à dire, monsieur le président. Il s'agit du fait qu'ils ne sont pas les bienvenus au centre de détention. Je me demande si nous pouvons peut-être demander au ministère de poser la question suivante aux responsables de cet établissement: y a-t-il une liste de personnes qui ne sont pas les bienvenues chez vous? Si c'est le cas, qui figure sur cette liste? Il s'agit simplement d'élucider le problème. Je pense que c'est un problème très important.
M. Phil Rankin: Je pense que le problème s'est posé à propos des arbitrages réalisés en vidéoconférence. C'est un système de plus en plus populaire dans le cas des établissements installés dans des zones éloignées comme Laval. Mais je ne pense pas qu'on puisse ainsi avoir une audience satisfaisante, pas plus que si notre séance actuelle se faisait en vidéoconférence.
M. John McKay: J'aimerais savoir ce que vous pensez de ma question, parce que j'ai tendance à être d'accord avec vous. Je pratique le droit depuis 22 ans. Une vidéoconférence ne peut pas du tout remplacer une audience. C'est un instrument utile, mais on ne peut pas l'utiliser tout le temps.
M. Phil Rankin: En effet, pas si on doit se prononcer sur la détention de quelqu'un. Je pense qu'il faut le voir en chair et en os. Un poste de télévision ne permet pas de le faire.
M. John McKay: Certainement pas quand la liberté de quelqu'un est en jeu.
M. Phil Rankin: Comme madame Augustine l'a signalé, il y a la question de savoir si on met des menottes et des fers aux gens. Peut-être n'ont-ils pas les menottes quand ils entrent dans la salle devant l'arbitre, mais je peux dire qu'en règle générale, les gens qui sont transférés par des agents d'immigration de Vancouver ont toujours les menottes. On les leur retire dans le corridor, et ils entrent dans la salle, s'assoient à côté de leur avocat, et l'audience commence. J'ai souvent constaté qu'il en était ainsi en présence de l'arbitre, mais, pour leurs déplacements, on les traite comme des délinquants de droit commun, qu'ils soient ou non délinquants, en leur mettant les menottes dans les locaux de l'immigration, sauf s'ils ont été libérés sous caution et viennent avec leur avocat.
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Dans ce dernier cas, je les accompagne simplement à la salle
d'audience, mais sinon, ils ont les menottes aux mains. On les leur
retire parfois juste devant la porte, on peut même les entendre le
faire dans le corridor.
J'ai donc l'impression qu'on nous a donné, peut-être par inadvertance, une réponse erronée au sujet de l'arbitrage.
Le président: Merci beaucoup.
Je pourrais vous signaler, monsieur Reynolds, que le représentant du ministère qui est assis dans le fond de la salle prend des notes à un rythme effréné. Je pense qu'il a enregistré votre demande et que nous allons obtenir ce renseignement.
Toutefois, nous allons nous rendre à ce centre et nous pourrons également nous renseigner à ce moment-là.
M. John Reynolds: Il faudra d'abord que nous cherchions à savoir si nous y sommes tous les bienvenus.
Le président: C'est exact.
Je dois maintenant mettre un terme à cette table ronde et je vous remercie beaucoup.
M. Phil Rankin: Je me demande si je peux encore vous signaler une chose. J'ai examiné la recommandation 146, que j'appelle la recommandation d'une tolérance zéro, qui dit qu'on pourrait rejeter une demande à l'extérieur du Canada sans aucune révision du cas. J'ai découpé certains documents récents concernant l'accord de pouvoirs identiques aux agents d'immigration des États-Unis. Je suis sûr que vous êtes tous au courant, mais je voudrais les remettre au comité pour que vous puissiez lire quelques tristes anecdotes, comme le cas des gens auxquels on interdit à vie l'accès aux États-Unis parce qu'ils ont avoué avoir fumé de la marijuana il y a 30 ans, c'est-à-dire à peu près quand M. Clinton a avoué l'avoir fait. On accorde beaucoup de pouvoirs à certaines personnes, et je pense que la recommandation 146 constitue un problème grave.
Le président: Merci beaucoup. Ce document sera transmis à la greffière, nous en ferons des photocopies et nous les distribuerons.
Merci. La séance est levée.