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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 avril 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Rey Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance est ouverte. Je sais que nous n'avons pas le quorum à ce stade. Il nous manque un député de l'opposition, mais afin de pouvoir passer à l'audition des témoins, j'aimerais le consentement unanime des membres présents pour commencer. Ai-je le consentement unanime à entamer notre vidéoconférence?

Des voix: D'accord.

Le président: Bien. Là-dessus, nous souhaitons la bienvenue aux représentants de l'Independent Immigration Aid Association, de Colombie-Britannique. Nous entendez-vous?

M. Alan Hackett (directeur, Independent Immigration Aid Association): Oui, très bien. Nous entendez-vous?

Le président: Oui, nous vous entendons.

Nous procédons à l'étude du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne, selon un ordre de renvoi de la Chambre en date du 1er mars 1999.

Avant de commencer, nous allons procéder aux présentations. Je suis le président du comité, Rey Pagtakhan.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Il y a un bruit terrible, comme une grenouille qui coasserait dans le microphone. C'est réellement terrible.

Le président: Un technicien pourrait-il nous aider? Il y a quelques problèmes techniques.

M'entendez-vous?

M. Alan Hackett: Oui, nous vous entendons maintenant.

Le président: Je vous remercie.

Voici les membres du comité présents. Je suis en compagnie de M. Patrick Martin, du Parti néo-démocrate; de Mme Raymonde Folco, de Mme Sophia Leung, de Mme Jean Augustine et de M. Andrew Telegdi, du parti gouvernemental; et M. Réal Ménard, de l'opposition. En fait, nous avons maintenant le quorum officiel.

Monsieur Hackett, lorsque vous ferez vos remarques liminaires et que les autres membres répondront aux questions ultérieurement, veuillez leur demander de se nommer afin que leurs noms soient correctement consignés par les traducteurs. Je vous remercie.

Vous avez la parole, monsieur Hackett.

M. Alan Hackett: Je vous remercie. Je suis accompagné de M. Robert Davis, de M. Jack Volrich et M. Quentin Walker.

Je remercie les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de leur invitation à comparaître pour exprimer nos vues sur le projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Il est particulièrement utile de pouvoir mettre à profit les avantages de la technologie, avec cette installation de vidéoconférence que vous avez mise à notre disposition, ce qui économise du temps et de l'argent. Nous apprécions grandement.

J'aimerais dire un mot sur notre groupe, l'Independent Immigration Aid Association, qui a été fondé il y a une douzaine d'années.

Le président: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que la traduction fonctionne?

• 1540

Le problème est résolu. Vous pouvez poursuivre, monsieur Hackett.

M. Alan Hackett: Je vous remercie, monsieur.

J'aimerais dire quelques mots sur notre groupe. Comme je l'ai dit, il a été fondé il y a 12 ans. Notre mission est d'encourager la venue d'immigrants indépendants, pourvu qu'ils contribuent à l'économie et à la société canadienne. Nous renseignons et aidons gratuitement ces personnes et nous nous mettons bénévolement à la disposition des candidats à l'immigration, où qu'ils se trouvent dans le monde. Au fil des années, nous avons assisté des centaines de candidats à l'immigration.

En ce qui concerne le projet de loi C-63, bien que nous souscrivions à maintes de ses dispositions, nous aimerions formuler des réserves concernant certaines. Avant de passer en revue ces dernières, je dois dire que nous nous étions attendus à ce que la question générale de la politique d'immigration soit abordée en premier lieu sous forme de projet de loi. Après débat et adoption de cette législation, le projet de loi relatif à la citoyenneté aurait pu être plus facilement structuré en conséquence. En effet le projet de loi sur l'immigration pourrait entraîner l'ajout ou la modification de dispositions de la Loi sur la citoyenneté.

À cet égard, nous relevons également que la recommandation 1 de Au-delà des chiffres proposait d'amalgamer l'immigration et la citoyenneté dans une même loi, tandis que la protection des réfugiés ferait l'objet d'une deuxième loi. Cette recommandation semble avoir été rejetée.

Passant en revue le projet de loi C-63, nous avons isolé les éléments suivants qui méritent commentaire.

À l'article 4, nous ne considérons pas qu'il soit approprié d'accorder à la citoyenneté à toute personne née au Canada indépendamment du statut des parents. À notre sens, cela ouvre la porte à de vastes abus.

En effet, il n'y a pas de registre des enfants nés au Canada de parents sans statut officiel. Par conséquent, il est impossible de prouver les abus ayant pu être commis par le passé. Toutefois, les médias font très souvent état d'incidents où des femmes sont venues en territoire canadien simplement pour accoucher.

Il conviendrait de protéger la population canadienne contre de telles pratiques. Ces immigrants nouvellement créés n'ont pas été sélectionnés selon le processus légal, représentent probablement un coût pour le contribuable et, du fait des dispositions sur le regroupement familial, pourront ultérieurement faire venir un grand nombre de parents qui ne seraient autrement pas admissibles.

D'autres circonstances encore peuvent faire que des enfants naissent en territoire canadien de parents sans statut. Quelles qu'elles soient, nous préférerions que les enfants nés de cette façon au Canada soient tenus de prendre la citoyenneté de leurs parents.

Le paragraphe 6(1) énonce des lignes directrices appropriées s'agissant de l'attribution de la citoyenneté. Toutefois, nous pensons qu'il faudrait ajouter à l'alinéa 6(1)b) l'obligation de prouver le respect de la condition de résidence...

Le président: Puis-je vous interrompre un instant? Je dois interrompre la séance car la traduction simultanée ne nous parvient pas et le comité a pour politique de ne pas siéger sans traduction simultanée. Je dois donc interrompre la séance à ce stade, avec l'indulgence de nos témoins.

• 1545

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le président, pour votre gouverne, je recevais bien la traduction française. J'ai voulu vérifier et j'obtenais une traduction française exacte de ce qui était dit à la télévision. Peut-être M. Ménard devrait-il changer de place.

Le président: Pourrions-nous vérifier de nouveau? C'est une bonne remarque. J'aurais dû faire cela moi-même.

Vous pouvez poursuivre maintenant, je vous prie, et nous verrons si le système fonctionne.

M. Alan Hackett: Je vais recommencer avec le paragraphe 6(1). Il établit des lignes directrices appropriées concernant l'attribution de la citoyenneté. Toutefois, nous pensons qu'il faudrait ajouter à l'alinéa 6(1)b) l'obligation de faire la preuve que la condition de résidence est remplie au moyen d'un système de contrôle et de tabulation des activités au Canada du requérant, ainsi que de ses déplacements à l'étranger. Nous préconisons également que le temps devant être passé au Canada soit de quatre ans et demi sur cinq. Nous pensons que les candidats à la citoyenneté devraient démontrer leur intention sincère d'acquérir la citoyenneté et de leur désir de vivre au Canada et non pas pour quelqu'autre fin. Il semble que des libertés soient prises avec les contraintes de résidence.

En outre, à l'alinéa 6(1)c), nous pensons que les connaissances linguistiques devraient être confirmées par un organe de contrôle agréé. Les tests sont actuellement fragmentés. Au-delà des chiffres recommandait fortement que le processus d'accréditation soit coordonné par un organe central et inscrit dans la loi.

Nous approuvons l'inclusion à l'alinéa 6(1)d) de la condition d'une connaissance suffisante du Canada, car le concept de citoyenneté est aujourd'hui plus complexe et il importe que les citoyens actuels sachent que les nouveaux citoyens pourront assumer leurs responsabilités.

L'alinéa 8b) facilite l'acquisition de la citoyenneté par les personnes adoptées. En fait, c'est le ministre, de par les alinéas 43f) et 43j) relatifs au règlement, qui détermine l'admissibilité. Le ministre peut donc unilatéralement déterminer si toutes les contraintes de l'alinéa 8b) sont remplies et peut déterminer qui est le conjoint et ce qu'est la relation de parent à enfant aux fins de la loi. C'est là une latitude excessivement vaste qui est conférée au ministre, et il pourrait en résulter les décisions les plus bizarres imaginables.

À notre sens, il faudrait définir dans la loi, après débat, les notions de «conjoint» et «famille». La définition admise de «famille» au Canada devrait être conservée et ne pas être modifiée ou abandonnée sans débat exhaustif. Il ne faut pas jeter par-dessus bord les traditions les plus importantes de notre culture en laissant le ministre imposer par décret des changements majeurs.

En ce qui concerne l'attribution par le ministre de la citoyenneté dans des cas exceptionnels, à l'article 9, nous aimerions que le nombre des citoyennetés ainsi accordées soit limité d'une certaine façon.

Dans la partie 5, l'article 31 crée les commissaires à la citoyenneté, en remplacement des juges de la citoyenneté. Les pouvoirs de ces commissaires ne semblent pas très grands, puisqu'ils sont tenus de suivre les directives du ministre. Les critères de nomination sont d'être sensible aux valeurs qui animent la citoyenneté et d'être reconnu pour avoir apporté une contribution civique importante. Aucune connaissance particulière n'est requise et il sera donc intéressant de voir qui seront les bénéficiaires de ces charges lucratives. Cette proposition semble n'être rien de plus qu'une porte ouverte au clientélisme et à la promotion des politiques d'immigration et de multiculturalisme du gouvernement.

L'article 43 traite des pouvoirs de réglementation. En ce qui concerne le règlement d'application établi par décret, nous avons déjà indiqué que le ministre peut unilatéralement prendre des décisions d'énorme importance, tel que définir la famille, et d'autres décisions imprévues d'importance aussi grande pourraient être laissées à la discrétion du ministre. Par exemple, l'alinéa 43p) autorise la prise de tout règlement nécessaire à l'exécution des fins et des dispositions de la loi. Cela nous préoccupe grandement.

• 1550

En résumé, nous souhaitons dire que pratiquement toutes les personnes avec qui nous avons été en contact, par écrit ou lors de réunions, s'accordent à penser que la citoyenneté devrait être attribuée selon des conditions plus restrictives. La citoyenneté se mérite et ne devrait pas être facilement accessible par le biais d'un système trop perméable et, de fait, dévalué.

Nous préconisons tout d'abord que, dans toute la mesure du possible, les conditions d'octroi de la citoyenneté soient intégrées dans une loi après un débat parlementaire exhaustif, de préférence en parallèle avec un référendum national.

Deuxièmement, nous préconisons que le ministre soit tenu de déposer chaque année au Parlement un rapport exhaustif contenant tous les renseignements pertinents sur le système de la citoyenneté, à savoir le nombre des certificats accordés dans chaque province et dans chaque catégorie, le nombre de demandes rejetées, une analyse de l'efficacité du système, etc. Le comité avait recommandé la présentation d'un rapport annuel de ce type, c'est-à-dire pas seulement des chiffres. Nous souhaitons vivement que cette recommandation soit suivie. Il est vital de structurer notre droit de la citoyenneté de manière à assurer la transparence et la reddition de comptes.

Voilà, monsieur le président, mes remarques liminaires. J'aimerais demander à l'un des membres de notre conseil d'administration, M. Jack Volrich, de dire quelques mots, car nous aimerions donner quelques précisions supplémentaires. Il possède beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Le président: Auparavant, pourrais-je juste vous interrompre très brièvement? J'ai remarqué qu'un membre du comité est parti et je ne sais pas s'il reviendra, mais nous avons toujours des problèmes avec l'interprétation simultanée. Je sais que nous avons ici des membres de la communauté francophone et j'aimerais m'assurer que nous pouvons poursuivre en l'absence d'interprétation simultanée, cette absence étant due à un problème technique du côté de Vancouver.

Est-ce que les membres du comité acceptent de continuer même si nous avons de la difficulté avec l'interprétation simultanée? Voyant qu'il y a consentement unanime, nous allons poursuivre.

Allez-y.

M. Jack Volrich (membre du conseil d'administration, Independent Immigration Aid Association): Monsieur le président, je me nomme Jack Volrich et je suis membre de ce groupe et membre de son conseil d'administration. J'aimerais ajouter quelques mots à ce que M. Hackett a dit, particulièrement au sujet des articles 4 et 6 du projet de loi.

M. Hackett a évoqué les abus qui pourraient survenir et qui ont eu lieu sur le plan de la mise au monde d'enfants au Canada et de parents qui viennent chez nous dans ce seul but. Mais il est une autre anomalie dans toute cette situation que j'aimerais porter à votre attention, et elle intéresse les familles.

L'exemple que je veux vous soumettre est celui des très nombreuses personnes qui demandent le statut de résident permanent au Canada. Elles peuvent présenter cette demande au Canada même, invoquant des raisons humanitaires, ou bien depuis l'étranger. En outre, comme vous le savez, beaucoup de gens viennent revendiquer le statut de réfugié au Canada et, très souvent, sont accompagnés de leur famille et mettent au monde des enfants au Canada.

• 1555

La situation sur laquelle j'aimerais attirer votre attention est qu'un très grand nombre—peut-être pas un très grand nombre, mais un grand nombre—de ces personnes qui demandent la résidence permanente au Canada, notamment les demandeurs du statut de réfugié, peuvent se voir déboutées. Un demandeur du statut de réfugié, par exemple, peut se voir refuser ce statut. Par conséquent, il y a un très grand nombre de personnes qui, pour une raison ou une autre, se voient refuser la résidence permanente au Canada, et pourtant leur enfant devient citoyen canadien. À mon sens, cela conduit à une anomalie en ce sens que si nous attachons de l'importance à la citoyenneté, aux valeurs et à l'esprit qu'elle représente, il y a contradiction avec le régime mis en place par l'article 4.

Le deuxième élément que j'aimerais aborder est celui de la condition de résidence, dont M. Hackett a également parlé. J'ai relevé dans le communiqué de presse du ministre que la résidence est entendue au sens d'une présence physique au Canada au cours des cinq années précédant la demande de citoyenneté. Je n'ai vu nulle part dans le projet de loi, à moins que cela m'ait échappé, les termes «présence physique». À ma connaissance, la «présence physique» n'est stipulée nulle part, bien que le ministre en fasse état.

J'estime qu'il y a lieu de clarifier cet aspect et si l'intention est réellement d'exiger trois années de présence physique au Canada sur les cinq, il faudrait l'indiquer très clairement, car sinon on aura les mêmes interprétations erronées que l'on a vues au cours des dernières années. Je pense que c'est un point auquel vous devriez réfléchir afin qu'il soit clarifié.

La troisième question que j'aimerais aborder est de savoir pourquoi trois ans sur cinq? Pourquoi ne pas conserver les trois années sur quatre? C'est la règle qui a été appliquée pendant de très nombreuses années.

L'explication du ministre est qu'il s'agit de «renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne... et démontrer leur attachement à notre pays». Je conteste réellement la validité de cette position. J'ai l'impression que la véritable raison, très franchement, est de faciliter les choses à certaines gens d'affaires. Très franchement, cette modification ne fait rien pour renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne ni démontrer un attachement à notre pays.

Je considère que la valeur de la citoyenneté canadienne et l'attachement au Canada sont le mieux démontrés par une période de résidence plus longue au Canada et non pas plus courte. Je recommande donc de revoir cette disposition de la nouvelle loi.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Volrich.

Pour la gouverne du groupe, au sujet de la présence physique, je signale que l'alinéa 2(2)c), à la page 2 du projet de loi, précise que: «il n'y a résidence au Canada que lorsque la personne y est effectivement présente». J'espère que cela lève l'une des préoccupations que vous avez soulevées.

Je vais maintenant passer à la période des questions. Monsieur Benoit.

• 1600

M. Pat Martin: Sur un rappel au règlement, monsieur le président, cela m'est déjà arrivé hier dans un autre comité, mais est-ce que ceux d'entre nous qui étions là à l'heure et ont écouté tout l'exposé et ont attendu patiemment l'occasion de poser des questions aux témoins ne devraient pas avoir préséance pour poser des questions sur ceux qui n'étaient pas là?

Je m'interroge sur l'utilité qu'il peut y avoir pour quelqu'un qui n'a pas entendu l'exposé d'être le premier à poser des questions aux témoins.

Le président: Je pense que c'est une objection valide et je décide de donner la parole à M. Martin.

M. Pat Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

Une voix: Vous ne vous attendiez pas à cela, n'est-ce pas?

M. Pat Martin: Non. C'est une première.

Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, de votre mémoire et de votre exposé.

J'ai plusieurs questions. Premièrement, j'aimerais en savoir plus sur les réserves que vous exprimez concernant la définition de la «famille». Votre position est-elle que la loi ne devrait pas reconnaître les mariages homosexuels? Voilà ma première question.

M. Alan Hackett: Notre groupe n'a pas de position particulière à ce sujet, mais nous aimerions que la question soit débattue au Parlement, car je sais que c'est un sujet de controverse à l'heure actuelle. Si ce projet de loi est adopté tel quel, le ministre pourrait retenir n'importe quelle définition qui lui convient. Nous pensons que c'est là un problème qui trouble beaucoup de Canadiens, c'est-à-dire la question de savoir si les familles homosexuelles sont réellement des familles, et elle devrait être débattue à la Chambre et inscrite dans la loi si la décision est affirmative.

M. Pat Martin: Je vous remercie, monsieur.

L'autre aspect que j'aimerais aborder sont les prétendus abus évoqués par M. Volrich, le cas d'enfants nés au Canada de parents qui ne sont pas citoyens canadiens et qui obtiennent la citoyenneté du seul fait de leur naissance sur notre sol.

Je ne vois pas en quoi cela est un problème. Pour y voir un problème, il faut partir de la prémisse que nous ne voulons pas que ces enfants deviennent Canadiens et donc que nous ne voulons pas de nouveaux néo-Canadiens. Cela semble être une position presque anti-immigration. Nous sommes nombreux à croire que nous devrions accueillir beaucoup plus de néo-Canadiens dans ce pays chaque année et c'est une façon d'assurer la croissance de notre population, en accordant la citoyenneté de cette manière.

Votre position est-elle catégoriquement que les enfants nés dans ce pays de non-Canadiens ne devraient pas recevoir la citoyenneté canadienne?

M. Jack Volrich: En gros, nous disons que ces enfants devraient avoir la citoyenneté de leurs parents.

Mon propos n'est pas du tout de décourager l'immigration—loin de là. Mais si les parents vont se voir refuser le statut de résident permanent au Canada, si les parents ne peuvent devenir citoyens canadiens, à quoi sert-il de donner la citoyenneté canadienne à leurs enfants?

M. Pat Martin: Monsieur Volrich, je serais intéressé de savoir avec quelle fréquence cela arrive ou dans quelle mesure cela est un problème. Cela m'intéresserait. Peut-être notre personnel de recherche pourrait-il se renseigner.

M. Jack Volrich: Je ne sais pas si l'on peut qualifier cela de problème. Je l'ai qualifié d'anomalie, et cela m'en paraît être une. Vous me demanderez où est le mal. Il n'y a peut-être pas de mal, mais lorsqu'on légifère, il faut savoir ce que l'on veut et être cohérent. J'estime que...

M. Pat Martin: Je pense qu'il serait erroné de façonner la politique en fonction d'anomalies plutôt qu'en fonction de la norme.

Ma dernière remarque, s'il me reste du temps, intéresse la durée de présence physique plus longue que vous demandez. J'y vois une autre barrière encore, un autre obstacle que les néo-Canadiens auraient à surmonter avant d'obtenir enfin la résidence permanente ou la citoyenneté. Pour quelle raison souhaitez-vous rendre encore plus difficile l'accès à la citoyenneté?

• 1605

M. Jack Volrich: Parlez-vous de la condition de trois années sur cinq?

M. Pat Martin: Oui. Il me semble que vous recommandiez une condition encore plus restrictive.

M. Jack Volrich: La condition de trois années de résidence sur quatre est appliquée depuis longtemps. Pourquoi la modifier? Y a-t-il une bonne raison d'opter pour trois années sur cinq? Pourquoi pas trois sur six pour rendre les choses encore plus faciles. Pourquoi pas sur dix?

Il s'agit de savoir quelle valeur on attache à la citoyenneté et la signification de la citoyenneté. Je ne vois pas de raison réelle de modifier la condition de trois années sur quatre, qui a été appliquée pendant de très nombreuses années. Cela me paraît plus raisonnable que la nouvelle.

Le président: Monsieur Benoit, je vous donne la parole.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Bon après-midi, messieurs. C'est un grand plaisir que de vous voir.

Ma première question fait un peu suite à la condition de résidence. Beaucoup de gens m'ont fait part de leur opinion à ce sujet. Certains se sont exprimés en faveur de cette condition. En fait, je dirais que la vaste majorité des gens à qui j'ai parlé, notamment dans les milieux d'immigration récente, sont en faveur de ce concept, mais ils s'inquiètent de l'application concrète et de la manière dont le ministère va déterminer combien de jours sur la période de cinq années les candidats ont effectivement passé dans le pays.

Lorsque j'y réfléchis, au cours des deux dernières années, je me suis probablement rendu dans cinq pays différents et jamais mon passeport n'a été tamponné, à moins que je ne l'aie expressément demandé. L'un de ces pays était la Roumanie, où l'on pourrait penser que les autorités prendraient grand soin d'estampiller les passeports, mais j'ai dû y exiger le coup de tampon. Dans d'autres pays, on me refusait le tampon même lorsque je le demandais.

Dans ces conditions, comment les fonctionnaires ministériels vont-ils pouvoir déterminer le nombre de jours que les gens ont effectivement passé dans le pays... Prenez la frontière avec les États-Unis, que vous pouvez franchir sans que rien n'indique que vous l'avez fait. Il y a donc la position de principe, que beaucoup de gens approuvent, voulant qu'il faille trois années de résidence sur cinq. Mais qu'en est-il de l'application pratique, sachant—et le ministre l'a confirmé—qu'il incombera au candidat à la citoyenneté de prouver qu'il a résidé effectivement au Canada trois années sur cinq.

Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous aurait un avis sur les difficultés que cela pourrait imposer aux personnes qui voyagent beaucoup, notamment pour affaires?

M. Alan Hackett: Eh bien, il me semble que la meilleure façon de déterminer la durée des absences d'une personne est au moyen des estampilles sur les passeports, mais souvent elles ne sont pas apposées. Nous avons vu de nombreux cas où les personnes ne pouvaient établir le temps qu'elles avaient passé au Canada, si bien qu'elles ont recours à toutes sortes de procédés pour tenter d'apporter cette preuve.

Il me paraît tout à fait approprié que le fardeau de la preuve incombe au candidat à la citoyenneté. J'ai vu quantité de situations où les gens ne pouvaient faire cette preuve et n'avaient pas les estampilles sur leurs passeports et devaient recourir à d'autres moyens, certains valides et d'autres non. Parfois, ils devaient recourir à des affidavits. Eh bien, ce n'est pas un très bon système.

Par conséquent, je pense qu'il faut rationaliser le système. Cela ne fait aucun doute. Il est tout à fait légitime que le candidat soit tenu d'apporter des preuves satisfaisantes, ce qui très souvent n'est pas le cas actuellement. Mais cela ne change rien à mon argument sur l'opportunité de changer la règle des trois années sur quatre. Je ne vois pas en quoi cela concerne le sujet dont nous parlons, à savoir les modalités de la preuve.

• 1610

M. Leon Benoit: Beaucoup de gens m'ont exprimé leur avis que le système actuel est excessivement tolérant. De fait, des exceptions ont été faites en faveur de gens qui n'avaient clairement pas la durée de résidence requise. Avec ce nouveau système, je pense que la théorie est bonne, à savoir qu'on exige effectivement que les gens aient résidé trois années dans le pays. Mais encore une fois, l'application concrète... Je pense comme vous que le fardeau de la preuve doit incomber au candidat, mais à l'inverse, il faut que la contrainte soit raisonnable. Le projet de loi ne dit pas comment procéder. C'est donc l'application pratique qui me préoccupe.

M. Jack Volrich: La raison pour laquelle il y a eu tant d'incertitude dans tout ce domaine tient à l'arrêt Thurlow, où il est dit que les dispositions de la loi doivent être interprétées de façon libérale. Cette politique, cet énoncé de principe, a été appliquée à maintes reprises par la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada. C'est pourquoi toutes ces autres façons de contourner la condition de résidence ont surgi.

J'estime, très franchement, que pour rationaliser tout le système et mieux préciser la durée qu'une personne doit passer ici, il ne faudrait pas donner une interprétation libérale. Je pense qu'il faudrait abandonner l'interprétation libérale et établir des règles très précises qui ne puissent pas être contournées comme elles le sont maintenant.

Le président: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.

Encore une fois, soyez les bienvenus au comité.

J'aimerais en savoir un peu plus sur votre organisation. Êtes-vous sans but lucratif? Vous offrez une aide avec les dossiers d'immigration. Est-ce que vous facturez cette aide, ou bien le faites-vous bénévolement? Pourriez-vous nous parler un peu de votre organisation?

Disiez-vous que vous aviez quelques réserves au sujet de la politique de multiculturalisme? En quoi cela se répercute-t-il sur vos avis concernant toute une série d'autres aspects?

M. Alan Hackett: J'ai précisé que notre organisation est actuellement composée entièrement de bénévoles et que nous travaillons gratuitement. Au cours de nos 12 années d'existence, nous avons traité avec un grand nombre d'immigrants ou de candidats à l'immigration au Canada. M. Volrich, en particulier, a une expérience considérable à cet égard, mais d'autres dans notre groupe en ont aussi.

Nous sommes actuellement un groupe assez peu nombreux, mais nous avons l'intention de poursuivre notre travail et de continuer à aider les immigrants en leur apportant des renseignements et une assistance.

J'espère que cela répond à votre question. M. Volrich pourrait peut-être compléter la réponse car il a une expérience considérable et a eu des contacts avec un grand nombre de candidats, au fil du temps.

M. Jack Volrich: La mission de notre organisation, son objectif, est d'offrir conseils et assistance gratuitement à toute personne désireuse de s'établir au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants, de quelque région du monde qu'elle vienne.

Mme Jean Augustine: Puis-je vous demander de passer à la deuxième page du mémoire qui nous a été distribué? Dans la troisième partie, vous élevez quelques objections concernant les commissaires à la citoyenneté. Que voulez-vous dire précisément?

• 1615

M. Alan Hackett: Nous n'avions rien contre les juges de la citoyenneté actuels. Nous pensons qu'ils remplissaient un rôle plus important que celui attribué à ces nouveaux commissaires à la citoyenneté. Nous avons des raisons de croire que les juges de la citoyenneté abattaient un travail considérable, en recevant les candidats à la citoyenneté et en les aidant de diverses façons.

Nous avons l'impression que les commissaires à la citoyenneté seront presque un groupe de gens qui sillonneront le pays pour promouvoir la politique du gouvernement en matière d'immigration, quelle qu'elle soit, et sans apporter grand-chose au système. Alors que par le passé, les juges de citoyenneté faisaient un travail bien précis et étaient bien considérés par le public, je ne suis pas certain qu'il en sera de même avec les commissaires à la citoyenneté.

M. Jack Volrich: Si je puis ajouter un mot à cela, dans le projet de loi, l'une des fonctions d'un commissaire à la citoyenneté sera «de présider les cérémonies de citoyenneté». Eh bien, diverses autres personnes peuvent faire cela très bien. Ils l'ont fait pendant de très nombreuses années.

Une deuxième fonction d'un commissaire à la citoyenneté est d' «encourager la participation active des citoyens au sein de la collectivité». Je dois avouer que je n'ai pas la moindre idée de ce que peut signifier «encourager la participation active des citoyens au sein de la collectivité». Va-t-on nommer un certain type de personnes pour faire cela? Je ne suis pas très convaincu de la nécessité de remplacer les juges de citoyenneté que nous avions par des commissaires de ce type.

Mme Jean Augustine: Monsieur le président, j'aimerais céder les quelques minutes qui me restent à mes collègues.

Le président: Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis curieux. Supposons qu'un immigrant indépendant vienne vous voir. Que faites-vous?

M. Alan Hackett: Une personne vient nous voir? Eh bien, tout dépend de son problème, évidemment.

Je dois mentionner que depuis quelques années Immigration Canada transmet quantité de renseignements aux candidats à l'immigration; cela ne fait aucun doute. Il y a des brochures, des renseignements sont donnés. Mais je peux vous dire que tel n'était pas le cas il y a quelques années. Quantité de gens, de toutes les régions du monde, étaient intéressés à s'établir au Canada et ne savaient pas où trouver l'information. Ils n'obtenaient guère de renseignements dans nos ambassades, ni d'aide particulière. Aussi nous avons rédigé des brochures et divers documents d'information. Aussi, quiconque nous appelait au téléphone, nous écrivait, etc., nous leur demandions quel était leur problème et nous leur répondions par écrit, en leur envoyant une brochure afin qu'ils soient informés des conditions à remplir, des procédures à suivre, etc.

Dans une grande mesure, ce que nous avons fait pendant toutes ces années est fait maintenant beaucoup plus efficacement par Immigration Canada qu'auparavant. Nous avons comblé pendant de nombreuses années une lacune, en informant des gens dans diverses parties du monde qui n'avaient guère de renseignements sur les modalités à suivre pour venir au Canada.

M. Andrew Telegdi: Avec combien de gens traitez-vous dans un mois ou une année typique?

M. Jack Volrich: Il n'y en a pas eu beaucoup au cours des deux dernières années, du fait qu'Immigration Canada renseigne beaucoup mieux. Pendant de nombreuses années, nous traitions plusieurs centaines de cas chaque année.

M. Andrew Telegdi: Eh bien, permettez-moi de vous remercier pour ces bonnes paroles concernant Immigration Canada.

• 1620

Je partage certaines des préoccupations de M. Martin. Lorsque je lis votre mémoire, vous semblez opposé à toutes sortes de choses, mais sans réellement les analyser. Avez-vous cherché à communiquer avec le ministère ou avec le cabinet du ministre ou quelqu'un d'autre? Par exemple, les commissaires à la citoyenneté—je n'ai pas l'impression que vous ayez une idée de quoi il s'agit ni quelles seraient leurs attributions.

Comme M. Benoit l'a dit, la nouvelle condition de trois années sur cinq est beaucoup plus restrictive que les trois années sur quatre antérieures. Avez-vous eu un dialogue avec quiconque à ce sujet à Citoyenneté et Immigration Canada?

M. Alan Hackett: Non. Nous avons lu les explications d'Immigration Canada, pas seulement des chiffres, et écouté des discours, et nous avons fait une analyse un peu plus poussée que le résumé que vous avez en main, et nous pouvons vous transmettre cela très facilement sous forme écrite. Mais donnez-vous à entendre que nous aurions tiré des conclusions différentes si nous avions parlé avec Immigration et Citoyenneté Canada avant de rédiger ce mémoire?

M. Andrew Telegdi: Je dis qu'il aurait peut-être été utile d'avoir un certain dialogue.

Pour prendre un exemple, les commissaires à la citoyenneté, une bonne partie du rôle que nous leur attribuons est d'aller promouvoir, auprès des néo-Canadiens ou des nouveaux immigrants qui vont devenir des Canadiens, de même qu'auprès des citoyens dans leur ensemble, toute la signification de la citoyenneté, mettant en jeu l'histoire de ce pays, mettant en jeu les lois de ce pays, pour expliquer cela aux gens qui ne les connaissent pas. J'y vois un rôle très proactif, très dynamique, et c'est à mes yeux une bonne chose.

M. Alan Hackett: Nous étions en faveur du système antérieur parce que les juges non seulement faisaient cette promotion, mais très souvent ils avaient des entretiens face à face avec les candidats et les aidaient dans leur travail et leur préparation à devenir des citoyens canadiens et en les informant de nos valeurs, mais ils avaient aussi le droit de prendre certaines décisions.

Les commissaires me semblent être surtout des exécutants et nous considérons, si vous voulez, que la promotion de l'immigration et de la citoyenneté au Canada et ailleurs pourrait être faite par d'autres moyens. Il y a toujours des gens du gouvernement qui font ces choses; le ministre fait constamment cette promotion, de même que les députés, etc. Nous craignons une situation où les gens seront nommés pour ce genre de choses, en étant choisis dans tel et tel groupe pour ne déplaire à personne, et qu'il s'agisse simplement de relations publiques et de rien d'autre. Nous pensons que c'est un net changement par rapport au système antérieur.

Le président: Monsieur Steve Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.

Un certain nombre de mes questions ont déjà été posées. En ce qui concerne votre remarque sur le serment de citoyenneté, vous dites qu'il n'y a pas de possibilité de participation du public. Pourriez-vous être un peu plus précis et nous dire ce qui vous préoccupe et quel changement vous préconisez?

M. Alan Hackett: Nous nous sommes penchés là-dessus et nous n'en avons pas fait état aujourd'hui parce que nous pensions manquer de temps, mais nous nous sommes surtout demandé comment ce serment a été rédigé. Nous avons conclu qu'avant de promulguer un serment de cette nature, il aurait fallu demander des avis à différents groupes ou personnes, des gens qualifiés, sur les éléments les plus importants de la citoyenneté canadienne. On aurait peut-être pu arriver ainsi à un meilleur serment.

Nous ne disons pas que ce serment est particulièrement déficient, mais vous vous souviendrez que lorsque le drapeau a été changé, une invitation ouverte à faire des suggestions a été lancée et il y en a eu un grand nombre pendant pas mal de temps. Nous pensons qu'on aurait pu avoir ce genre de débat ouvert sur le serment.

• 1625

M. Steve Mahoney: Mais vous n'avez pas de recommandations précises...

M. Alan Hackett: Il est tout à fait possible que lorsque les gens verront le serment ils ne l'aiment pas et se plaignent de n'avoir pas eu l'occasion de faire des propositions. Ce n'est peut-être pas un problème très grave, mais c'est l'une des choses que nous pensions devoir mentionner.

M. Steve Mahoney: Je suis un peu étonné, car c'est justement à cela que servent nos audiences, permettre au public de s'exprimer. Si vous n'aimez pas le serment, nous aimerions savoir pourquoi. Nous aimerions connaître vos suggestions. Vous pourriez donc y réfléchir et nous les transmettre ultérieurement, si vous ne pouvez le faire aujourd'hui.

M. Alan Hackett: Avez plaisir. Monsieur, pourriez-vous nous dire comment le serment a été élaboré en premier lieu? Qui a fait ce travail?

M. Steve Mahoney: C'est une question un peu académique. Vous avez le texte du serment. Vous déplorez le manque de consultation du public. Ceci est une consultation du public. Nous vous parlons, depuis la merveilleuse ville de Vancouver, et nous étant ici, à Ottawa. Nous recherchons vos avis.

Quoi qu'il en soit, vous avez dit que vous fournissez vos services gratuitement. Comment êtes-vous financés?

M. Alan Hackett: Nous sommes financés uniquement par nos membres et leurs contributions.

M. Steve Mahoney: Et qui sont-ils?

M. Jack Volrich: Nous n'avons pas de crédits publics, d'aucune sorte. Ce sont des contributions privées. Je peux vous assurer que nous avons donné des conseils et des renseignements à titre gratuit à un grand nombre de personnes dans toutes les régions du monde qui autrement ne les auraient obtenus d'aucune autre source.

M. Steve Mahoney: C'est excellent. Je vous en félicite. J'essaie de mieux cerner votre organisation. Je sais combien l'immigration est importante à Vancouver et dans l'agglomération, et j'essaie donc simplement de voir qui sont vos membres. S'agit-il d'entreprises privées? Quel est le coût de l'adhésion à votre organisation, si je voulais y entrer ou si certains de mes bons amis de Vancouver voulaient y entrer?

M. Jack Volrich: La cotisation est de 15 $ ou 20 $ à l'heure actuelle. Mais nous bénéficions également de contributions de personnes qui s'intéressent à l'immigration. Elles versent des contributions et reçoivent des crédits d'impôt. Mais c'est à peu près tout. C'est un financement privé. Nous n'avons pas de financement public d'aucune sorte.

M. Steve Mahoney: Vous venez de dire que vous émettez des crédits d'impôt, c'est donc un financement public. Donnez-vous des crédits d'impôt pour...

M. Jack Volrich: Nous sommes une organisation charitable.

M. Steve Mahoney: Il y a donc un financement public en ce sens que vous émettez des reçus d'impôt.

M. Jack Volrich: En ce sens, oui, bien entendu.

M. Steve Mahoney: Ma question est donc de savoir quelle est la taille de votre budget, puisque vous utilisez l'argent du contribuable, et quel niveau de services vous fournissez à la collectivité immigrante?

Je ne cherche pas à vous asticoter, mais j'essaie simplement de voir ce que vous faites pour les immigrants dans l'ouest du Canada.

M. Jack Volrich: Je ne peux que répéter que notre objectif premier est d'offrir conseils et assistance à qui nous le demande. Mais si vous souhaitez des renseignements financiers ou ce genre de choses, nous serons ravis de vous envoyer quelque chose.

M. Alan Hackett: Notre budget est très réduit. À l'heure actuelle, il est de moins de 10 000 $ par an, et nos bénévoles font don de leur temps, etc. Par le passé, il était nettement plus important, mais actuellement c'est à peu près tout. Nous ne recevons pas de subventions du gouvernement ni rien du genre. Ce sont strictement des contributions privées.

Le président: Il nous reste deux minutes avant prolongation, et M. Benoit et Mme Folco ont encore des questions.

Mme Raymonde Folco: Monsieur le président, mes questions ont déjà été posées par d'autres membres du comité.

Le président: Monsieur Benoit, vous avez une question.

M. Leon Benoit: Oui, je vous remercie.

Messieurs, je pense que votre remarque concernant le rôle du commissaire à la citoyenneté, qui va toucher un salaire substantiel simplement pour promouvoir le civisme correspond en gros à la réalité. Votre argument voulant que la loi n'indique pas clairement en quoi consistera leur travail est judicieuse.

• 1630

La critique que vous adresse le député, en disant que vous devriez parler aux fonctionnaires ministériels, trahit une différence de conception de la législation. Je considère qu'elle devrait être assez claire pour établir les objectifs et les règles que le ministère de l'Immigration—en l'occurrence le ministère de la Citoyenneté—devra appliquer. Ce député pense que l'on peut laisser les choses floues, et qu'il vous suffit de l'interprétation d'un fonctionnaire ministériel. Je ne pense pas que cela suffise dans une loi.

Je trouve vos questions tout à fait légitimes. Un député néo-démocrate a dit tout à l'heure qu'il ne faut pas faire la politique en fonction d'anomalies. Je pense que cela démontre également qu'il importe d'avoir une législation suffisamment détaillée pour couvrir toutes les situations possibles.

Je suppose qu'il y a une divergence réelle dans la manière dont le NPD et le gouvernement considèrent qu'il faut légiférer. J'estime que ce projet de loi, comme vous l'avez dit, est tellement flou que l'on voit mal l'intention poursuivie. Cela sera déterminé par le règlement. Je trouve donc votre position tout à fait valide.

Le président: Monsieur Hackett, souhaitez-vous répondre à cela? Nous dépassons le temps imparti.

M. Alan Hackett: Non, je n'ai rien à ajouter.

Le président: Au nom du comité, merci à tous. Comme vous le savez peut-être, dans ces vidéoconférences, nous devons respecter plus strictement l'horaire. Mais je sais que vous n'êtes pas responsable du retard avec lequel nous avons commencé. Vous étiez là largement à l'heure. Malheureusement, nous n'avons pas pu ici nous retrouver à temps. Là-dessus, je vous exprime nos remerciements à tous, au nom du comité. Merci.

M. Alan Hackett: Merci de votre invitation, monsieur.

Le président: Nous allons maintenant entendre les témoins suivants, soit SUCCESS. Est-ce que notre contact à Vancouver m'entend?

Je suis optimiste, monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): C'est le genre de groupe auquel j'ai appartenu.

Une voix: Attention, ne dites rien de partisan.

Le président: Est-ce que notre contact à Vancouver prépare les témoins suivants? Les voilà.

• 1635

Vous avez la parole, monsieur Wan et madame Tao, pour vos remarques liminaires.

M. Wilfred Wan (président, SUCCESS): Merci. Au nom de SUCCESS, nous voulons remercier le comité parlementaire permanent de nous autoriser à faire cette présentation.

Nous aimerions dire quelques mots de SUCCESS, qui est un organisme de service social sans but lucratif. Depuis 36 ans nous nous efforçons de construire des passerelles entre les nouveaux immigrants et les Canadiens. Nous offrons toutes sortes de programmes et de services, en matière d'établissement, d'emploi, de formation linguistique, de santé et de développement communautaire à l'intention des femmes, des personnes âgées, des familles et des jeunes, entre autres.

Nous avons un budget annuel de 9,2 millions de dollars, dont 50 p. 100 proviennent du gouvernement du Canada, 40 p. 100 de collectes de fonds dans la collectivité et 10 p. 100 du recouvrement de frais. Nous avons dix bureaux à Vancouver, un personnel de 200 employés, 7 000 bénévoles et nous servons chaque année plus de 230 000 clients.

En sus d'assister les Canadiens d'origine chinoise, nous avons de plus en plus une clientèle multiculturelle, surtout à notre bureau de l'aéroport et dans nos bureaux de banlieue. Nous proposons nos services dans plus d'une douzaine de langues. C'est nantis de cette riche expérience auprès des immigrants que nous réagissons aux modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur la citoyenneté.

Les remarques suivantes sont le fruit de forums publics, de consultations et d'interactions directes avec la collectivité et au-delà.

Nos préoccupations concernant le projet de loi C-63 sont de deux ordres. La première intéresse l'exigence en matière de résidence, soit les trois années de présence physique au Canada au cours des cinq ans précédant la demande de citoyenneté. La deuxième porte sur l'exigence d'une meilleure connaissance de l'anglais ou du français. Nous insistons sur ces deux propositions car elles suscitent beaucoup d'inquiétude dans notre collectivité, et ce pour diverses raisons.

Premièrement, la condition de trois années de présence physique au Canada au cours des cinq années précédant la demande de citoyenneté n'offre pas suffisamment de souplesse compte tenu de la réalité contemporaine qui est celle de la globalisation. De nos jours, beaucoup de Canadiens, tout comme les immigrants, sont employés à l'étranger. Dans le marché global actuel, il est courant que des immigrants s'établissent au Canada mais continuent à mener des affaires à l'étranger. Les contraintes économiques exigent souvent des séjours de travail prolongés à l'étranger. Ceux qui ont une expérience internationale mais des liens au Canada travaillent à l'étranger. De nombreux immigrants hautement qualifiés sont tenus de voyager à l'étranger pour mettre leurs compétences au service du développement d'entreprises canadiennes. Pendant qu'ils travaillent à l'étranger, ces nouveaux immigrants continuent néanmoins à payer leurs impôts au Canada, à y avoir leur famille et leur foyer.

La nouvelle exigence en matière de résidence interdirait à ces gens d'affaires et à ces spécialistes d'acquérir la citoyenneté canadienne. À toutes fins pratiques, les immigrants hautement qualifiés sont donc pénalisés.

• 1640

Un autre groupe qui pourrait être victime de cette mesure sont les étudiants immigrants qui étudient à l'étranger. Par exemple, si un étudiant obtient une bourse pour étudier à Harvard et qu'il passe donc beaucoup de temps à l'étranger, serait-il juste de lui refuser la citoyenneté, alors que lui ou sa famille résident au Canada et que cet étudiant a toute intention de revenir vivre au Canada une fois son diplôme en poche?

La rigueur de la condition de résidence compromettrait la capacité du Canada d'attirer et de garder des gens de talent. D'abord, comme je viens de le montrer avec ces exemples, de nombreux immigrants ne pourraient pas obtenir la citoyenneté. Par conséquent, beaucoup seraient même dissuadés de venir au Canada. Deuxièmement, le projet de permis de séjour renouvelable tous les cinq ans sous réserve d'une condition de résidence signifie que ces immigrants hautement attrayants pourraient se voir refuser le retour au Canada.

Nous considérons par conséquent que le système doit permettre l'octroi discrétionnaire de la citoyenneté aux requérants qui ne remplissent pas la condition de présence physique pour des raisons très valides. Nous comprenons votre crainte que la loi actuelle soit trop lâche et manque de définitions. Nous pensons que renforcer cette latitude et établir des conditions préalables et des définitions précises serait une alternative beaucoup plus viable que d'imposer simplement des conditions de résidence strictes.

Supposons un homme d'affaires immigrant qui a créé un partenariat avec une entreprise canadienne essayant de prendre pied en Asie. Cet immigrant se rend en Asie, y noue des relations et contribue à l'implantation de l'entreprise. Comme cette entreprise en est à ses débuts, il ne peut rentrer au Canada que pour des brèves visites, à intervalles réguliers. Néanmoins, il considère son lieu de résidence comme le Canada et a toute intention d'y revenir, là où vit sa famille aux besoins de laquelle il subvient et là où il paye l'impôt sur le revenu et d'autres taxes. La société qu'il possède en partenariat avec d'autres Canadiens a également son siège social au Canada. C'est une situation très, très courante.

C'est pour cette raison que nous demandons au comité permanent de tenir compte des effets de la globalisation et des télécommunications sur les mouvements des particuliers et de permettre l'accumulation de trois années de résidence physique sur une durée de six ans, au lieu de cinq. Deuxièmement, nous demandons la possibilité de décisions discrétionnaires bien définies dans le cadre du système.

Une autre préoccupation concernant le projet de loi C-63 que j'aimerais aborder est celle d'une meilleure connaissance de l'anglais ou du français. Nous pensons que la condition actuelle, l'aptitude fonctionnelle dans l'une des deux langues officielles, suffit et répond aux besoins et valeurs de la société canadienne. Adopter une exigence supérieure ne reflète pas adéquatement l'histoire et les valeurs du Canada, qui a toujours accueilli et intégré des gens de nombreuses cultures, religions, langues et expériences nationales.

Premièrement, il est avéré que de nombreux immigrants arrivés au Canada sans aucune connaissance ou presque de ses langues ont néanmoins contribué considérablement à notre société. Cela a été prouvé au cours des 125 dernières années.

Deuxièmement, une meilleure connaissance de l'anglais ou du français n'est pas un indicateur fiable de la capacité d'un immigrant de s'intégrer, de contribuer ou de participer fructueusement à la société canadienne. Si vous le voulez, nous pouvons vous en donner de nombreux exemples. Par exemple, à l'heure actuelle, la moitié des entrepreneurs immigrants et les deux tiers des investisseurs immigrants ne connaissent aucune des langues officielles; néanmoins, ils font leur part et ont un rôle positif dans la société canadienne.

• 1645

Dans les 11 années de la période 1986 à 1997, les investisseurs immigrants ont injecté 4,2 milliards de dollars dans le fonds des immigrants investisseurs. Et ce chiffre ne tient pas compte des retombées économiques, par exemple dans le domaine de l'immobilier, des dépenses quotidiennes et des impôts directs ou indirects.

Mais ce n'est pas que sur le plan financier que les immigrants sont une richesse. Il y a aussi le facteur humain, l'expérience, les connaissances, les réseaux internationaux, la diversité et la culture de ces personnes.

Nous savons bien qu'une aptitude fonctionnelle en anglais ou en français est nécessaire, mais le niveau de connaissance linguistique requis dans les divers rôles que jouent les immigrants dans la société varie grandement. Par exemple, un immigrant récent qui travaille comme cuisinier a besoin d'une connaissance beaucoup moindre de l'anglais que, mettons, un enseignant. Même si les connaissances du premier en anglais ne sont pas très vastes, il peut néanmoins contribuer et faire vivre sa famille, se déplacer en ville, obtenir un permis de conduire et communiquer avec l'entourage au quotidien.

Faudrait-il lui refuser la citoyenneté parce qu'il ne vient pas d'un pays anglophone ou francophone ou d'un milieu favorisé qui lui aurait permis d'étudier davantage après son arrivée au Canada? Cette personne qui n'a pas peur du travail n'est-elle pas qualifiée pour faire un bon citoyen?

Ceci est notre pays. Il a été construit dans une large mesure par des immigrants, dont beaucoup sont arrivés avec une éthique de travail solide mais ne possédaient pas nécessairement l'anglais ou le français. Nous estimons que le fait de porter le niveau de connaissances linguistiques requises plus haut que le niveau actuel, qui nous paraît adéquat, serait contraire aux valeurs du Canada et au respect pour les nouveaux immigrants.

Nous estimons, par conséquent, que les exigences actuelles en matière linguistique suffisent à répondre aux besoins de la société canadienne. En fait, selon le dernier recensement, bien que la moitié des immigrants ne parlent ni l'anglais ni le français à leur arrivée, cette proportion baisse de moitié après trois ans—les trois quarts acquièrent une meilleure maîtrise—et baisse de moitié encore au bout de huit ans. Mais tout cela étant dit, rendre plus contraignantes les normes de connaissances linguistiques rendra la vie dure à un certain nombre de personnes très laborieuses.

En conclusion, au nom de SUCCESS, je veux remercier le comité permanent parlementaire de son invitation à présenter ce mémoire. Nous réalisons que vous êtes confrontés à une tâche formidable et nous espérons que vous prendrez en considération les vues que nous avons exprimées aujourd'hui.

Merci et bonne chance.

Le président: Merci infiniment.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Bon après-midi à vous deux. Il est très agréable d'entendre vos avis.

Ma première question porte sur la condition de résidence. J'aimerais simplement que vous m'expliquiez comment, à votre avis, cette condition serait appliquée concrètement si le projet de loi était adopté tel quel.

M. Wilfred Wan: Si vous le permettez, Lillian Tao et moi-même répondrons successivement et alternativement à vos questions.

Mme Lillian Tao (directrice exécutive, SUCCESS): Le projet de loi C-63 propose une condition très précise de 1 095 jours de présence physique au Canada au cours des cinq années précédentes. Nous estimons qu'il devrait y avoir une marge de manoeuvre. Nous proposons l'ajout d'une clause stipulant que le ministre peut lever la condition de résidence sur preuve de l'intention de rester au Canada. Il faudrait énoncer pour cela des conditions très précises, comme celles que notre président a esquissées. Par exemple, le fait que la personne paie ses impôts, que sa famille soit ici et que les affaires soient la raison pour laquelle elle ne peut répondre à l'exigence officielle de résidence, le fait de travailler pour une compagnie canadienne à l'étranger ou de monter une compagnie à l'étranger.

• 1650

Nous disons en gros que la loi devrait donner la latitude au ministre de lever la condition de la présence physique.

M. Leon Benoit: Ma question était plutôt de savoir, puisque vous avez lu la loi et l'avez interprétée, comment à votre avis le ministère de l'Immigration va déterminer combien de jours les personnes ont séjourné dans le pays et combien de jours elles ont été à l'étranger sur cette période de cinq ans?

M. Wilfred Wan: Notre interprétation est très simple. La présence physique dans le pays est requise, et donc on compte le nombre de jours de présence au cours de cette période de cinq ans. Si le nombre sur cinq ans ne suffit pas, la citoyenneté est refusée à la personne.

M. Leon Benoit: Comment déterminera-t-on le nombre de jours? Seront-ils calculés par le candidat à la citoyenneté ou par le ministère de l'Immigration?

M. Wilfred Wan: Je suppose qu'il faudra un relevé des départs et des retours au Canada.

M. Leon Benoit: Comment ferez-vous pour établir ce relevé dans le cas des États-Unis, par exemple, où l'on franchit la frontière sans s'arrêter, la plupart du temps?

M. Wilfred Wan: Je suppose que ce sera une affaire de divulgation volontaire. Je ne connais pas tous les détails, mais si j'étais immigrant, avant de franchir la frontière, je pourrais demander que mes titres de voyage soient estampillés—comme le passeport de mon pays antérieur. Je crois qu'il y a des façons de le faire. Par exemple, lorsque vous allez aux États-Unis, on n'estampille pas automatiquement vos documents de voyage, mais on le fera sur demande.

M. Leon Benoit: Vous demandez donc une modification de la condition de résidence physique, pour en faire trois années sur six. Vous ne voyez pas de problème dans le fait que les candidats à la citoyenneté vont devoir demander un coup de tampon chaque fois qu'ils franchissent la frontière américaine—s'assurer de faire estampiller leur passeport chaque fois qu'ils vont à l'étranger. Ce n'est pas un problème?

M. Wilfred Wan: Je pense que c'est une question distincte. Nous parlons ici de la condition de trois années sur cinq, ou de trois années sur six, et non pas de la destination ou de la preuve des séjours, lesquels seront déterminés conformément aux politiques du ministère de l'Immigration.

M. Leon Benoit: Mais est-ce que la politique de ce dernier n'est pas imposée par la loi? Est-ce que ce n'est pas ce que devrait faire la loi—énoncer la politique concernant ces choses d'une manière compréhensible?

M. Wilfred Wan: Oui, nous sommes totalement d'accord.

Mme Lillian Tao: Le projet de loi indique très clairement qu'il faut avoir été présent pendant 1 095 jours sur cinq ans pour être admissible à la citoyenneté. La manière dont cette condition rigide sera appliquée est une autre question.

Nous convenons qu'il faut une certaine exigence de présence physique. Toutefois, nous pensons qu'il faudrait l'assouplir, pour en faire trois années sur six. Par ailleurs, nous souhaitons fortement que le ministre ait la latitude de lever la condition de résidence lorsque les personnes peuvent prouver qu'elles sont absentes pour de bonnes raisons.

M. Wilfred Wan: Vous parlez de l'application, et nous ne voyons absolument aucun problème à cet égard. Nous encourageons tous les citoyens potentiels à établir des dossiers et des pièces aussi clairs que possible, et en aucune façon n'encourageons-nous quiconque à contourner ces contraintes.

• 1655

M. Leon Benoit: Non. Bien entendu, je parlais uniquement de l'application concrète et demandais si ce genre d'exigence vous paraît raisonnable, et vous avez répondu ne pas voir de problème. J'en prends note.

L'autre question porte sur le deuxième problème que vous évoquez, celui de la langue. Vous savez, je suis d'accord avec vous que le Canada a bien été développé grâce à l'immigration au cours des deux derniers siècles. De même, lorsque vous dites que les immigrants ont une forte éthique du travail, cela est absolument irréfutable; je pense que c'est vrai.

De même, le fait que beaucoup d'immigrants soient arrivés au Canada par le passé sans connaître la langue et aient appris à la parler au fil du temps est vrai. Nous avons vu cela dans ma région du pays, où toute une région agricole a été colonisée par des immigrants qui ne parlaient pratiquement pas l'anglais et qui l'ont appris peu à peu.

Le rapport LRAG recommandait une condition linguistique. Le ministre a appuyé cette position. Dans ce projet de loi, du moins s'agissant d'acquérir la citoyenneté, il semble assuré qu'il y aura une condition linguistique. À votre avis, que serait un niveau raisonnable de connaissance de la langue à exiger, si vous trouvez que celui du projet de loi n'est pas acceptable?

Mme Lillian Tao: Tout d'abord, nous pensons que la norme actuelle est raisonnable. Mais le projet de loi C-63 va la modifier. Actuellement, un candidat à la citoyenneté passe un examen écrit. S'il échoue à l'examen écrit, il y a une épreuve orale. Pour réussir l'examen oral, il faut une connaissance fonctionnelle de l'anglais, qui peut être acquise d'une façon ou d'une autre. Lors de l'épreuve sur la connaissance du Canada, les candidats sont autorisés à venir avec un interprète. Cela signifie que la loi actuelle autorise quelqu'un à n'avoir qu'une connaissance fonctionnelle de l'anglais, mais n'exige pas une connaissance poussée.

Cependant, dans la nouvelle loi, le projet de loi C-63, il est dit très clairement à l'alinéa 6(1)d) que la personne doit avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté et être capable de communiquer cette connaissance dans l'une des langues officielles du Canada sans l'aide d'un interprète. On a donc relevé très certainement le niveau de l'anglais requis.

M. Leon Benoit: Qui, à votre avis, d'après le projet de loi, déterminera si les connaissances linguistiques sont suffisantes ou non? Qui fera cela? Seront-ce les nouveaux commissaires à la citoyenneté? Seront-ce des fonctionnaires ministériels? Selon votre interprétation du projet de loi, qui va déterminer les connaissances linguistiques et si elles sont suffisantes?

Mme Lillian Tao: J'ai l'impression que ce sera plutôt l'administration. L'administrateur de la citoyenneté déterminera cela au moyen d'examens écrits et, pour l'examen oral, ce sera le commissaire. Mais le grand changement semble être que l'on exige un niveau supérieur, puisque les candidats n'auront plus droit à un interprète lorsqu'on les examine sur leur connaissance du Canada.

Le président: Madame Sophia Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Lillian, Wilfred, je suis très heureuse que vous ayez fait l'effort et pris le temps de venir faire cette présentation. J'aimerais dire également que SUCCESS a fourni d'excellents services à Vancouver, Richmond et nombre de villes de la périphérie. Je suis donc très heureuse que vous vous soyez joints à nous.

Ma première question porte sur votre objection à la condition de résidence. Vous formulez dans votre mémoire un très bon raisonnement pour la justifier. Si nous prolongions la période de cinq à six ou sept ans, est-ce que cela faciliterait les choses? Dites-nous en quoi cela ferait une différence.

• 1700

Mme Lillian Tao: Le problème est que les gens qui traitent des affaires à l'échelle internationale doivent se rendre fréquemment à l'étranger. Si l'on porte la période de cinq à six ans, il leur sera plus facile de devenir admissibles à la citoyenneté—trois années sur six au lieu de trois sur cinq. Nous avons indiqué très clairement que c'est notre recommandation.

La deuxième recommandation très importante est qu'il faut néanmoins une latitude à l'égard des personnes à l'étranger qui n'ont qu'une année de résidence sur six. Elles devraient néanmoins pouvoir recevoir la citoyenneté; le ministre devrait pouvoir rendre ce jugement, à sa discrétion.

Mme Sophia Leung: Comme vous le savez, la raison pour laquelle nous exigeons trois ans est que nous voulons que les requérants puissent mieux s'adapter, puissent s'intégrer à notre société. Vous êtes probablement d'accord avec ce voeu.

M. Wilfred Wan: Oui.

Mme Sophia Leung: Ma deuxième question concerne l'exigence d'une bonne connaissance de l'anglais ou du français. Je suis très en faveur de cela, comme vous le savez tous deux. J'ai exprimé cette opinion et j'en ai débattu publiquement à Vancouver. En fait, je suis arrivée aux États-Unis comme étudiante avec une connaissance très limitée de l'anglais. Mon collègue, M. Telegdi, est le secrétaire parlementaire de l'immigration et de la citoyenneté. Il m'a dit être arrivé au Canada sans du tout connaître la langue. Il se débrouille évidemment très bien aujourd'hui. Nous y arrivons.

Pour cette raison, je suis tout à fait ouverte à ce que vous dites. D'autres membres ici partagent mon avis. Nous ferons de notre mieux. Nous ne disons pas que celui qui ne connaît pas la langue sera disqualifié. Ce n'est pas le cas. Nous disons qu'il faut essayer d'apprendre la langue ultérieurement. La langue ne représente qu'un quart des points—c'est un tout petit pourcentage. Voilà ce que je voulais vous signaler.

Aimeriez-vous réagir à cela?

Mme Lillian Tao: Nous sommes préoccupés par la modification du projet de loi C-63. Elle n'autorise plus la présence d'un interprète pour l'épreuve sur la connaissance du Canada. Il y a là deux problèmes. Premièrement, comme nous l'avons indiqué, il est prouvé qu'une personne qui ne connaît pas du tout l'anglais devra étudier à plein temps pendant au moins sept ans pour le maîtriser réellement. Mais quelqu'un qui arrive avec peu ou pas de connaissance de l'anglais et qui doit travailler à plein temps, comment pourrait-il maîtriser la langue en cinq ans?

Deuxièmement, est-ce que la maîtrise de l'anglais est l'apanage d'un bon citoyen? Comme Wilfred l'a indiqué, beaucoup de gens sont d'excellents citoyens et contribuent grandement à ce pays sans pouvoir lire ou parler l'anglais très bien. S'ils ont un niveau fonctionnel d'anglais, comme celui exigé actuellement, cela suffit pour communiquer ou voyager dans ce pays.

Mme Sophia Leung: Si je me souviens bien, le premier rapport—la recommandation du comité—sur l'exigence linguistique a été rejeté. Après que le ministre et beaucoup d'autres aient entendu les préoccupations et objections des collectivités, nous l'avons rejeté. Maintenant, le critère est la connaissance de l'une des langues. On n'exige pas une grande maîtrise. Merci.

• 1705

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Je vous remercie, monsieur le président.

Bon après-midi, monsieur Wan et madame Tao. Merci de votre excellent mémoire. Je le trouve très clair et très bien ficelé.

J'ai beaucoup appris récemment sur ces questions. Le 26 mars, Libby Davies et moi avons organisé une table ronde sur l'immigration au Centre culturel chinois. La communauté chinoise y était très bien représentée. Vos représentants ont très bien expliqué leur position sur ces deux points en particulier, si bien que non seulement je les comprends, mais suis sensible aux objections que vous soulevez.

Pour ce qui est de la langue, je suis très heureux d'entendre que la plupart des partis représentés ici sont ouverts à des changements. En tout cas, lorsque la ministre a fait sa tournée du pays et entendu les avis sur cette question, la plupart des groupes ethniques ont fait valoir les mêmes arguments et la même logique que vous.

L'élément que vous ajoutez au débat, et je m'en félicite, est celui de la classe sociale, en quelque sorte. Les Néo-Canadiens ou les nouveaux immigrants qui doivent occuper un emploi et peut-être même deux et élever des enfants n'ont tout simplement pas assez de temps pour acquérir suffisamment d'anglais ou de français. Ils peuvent être parfaitement capables de se débrouiller dans leur travail, connaître assez d'anglais pour appeler l'ambulance si leur enfant s'étouffe sur un os de poulet, mais ne pas être capables de réussir un examen sur la procédure d'adoption d'un projet de loi à la Chambre de communes ou quelque question technique sur le Canada dans cette langue. Je vous remercie donc d'avoir ajouté cet élément au débat.

J'ai également trouvé très utile d'entendre votre avis sur la condition de résidence ou de présence physique. Ma belle-soeur est une femme chinoise, d'une famille chinoise de Vancouver. Sa famille a des entreprises à Taipei, à Hong Kong, à Los Angeles, à Tokyo et à Vancouver—un peu partout. Ils sont sans cesse sur la route. Je ne pense pas que, même avec les règles actuelles, son père soit jamais admissible à la citoyenneté, car il est sans cesse en déplacement à gérer les entreprises de la famille, de même que tous les enfants qui ont aussi leurs responsabilités. Je suis donc très sensible à cela.

Dans notre cas personnel, en tant que député, nous devrions dormir dans notre propre lit 200 nuits par an pour accumuler 1 000 jours sur cinq ans. Je ne suis pas chez moi 200 nuits par an et beaucoup de mes connaissances dans les milieux d'affaires voyagent plus que moi. C'est une réalité dans le village global.

Là-dessus, je peux vous dire que notre caucus fera tout pour vous donner satisfaction sur ces deux éléments clés du projet de loi C-63. Nous ne voterons pas pour ce projet de loi tant que ces deux éléments ne seront pas modifiés à votre satisfaction. Je vous remercie.

Mme Lillian Tao: Puis-je juste faire une remarque?

Le président: Oui, très brièvement, s'il vous plaît.

Mme Lillian Tao: Je voulais simplement dire qu'une crainte est la suivante. Comme on l'a dit tout à l'heure, une personne recrutée par une société canadienne pour travailler en Chine ne répondra pas à la condition de présence physique. Donc, en cinq ans, cette personne ne sera pas admissible à la citoyenneté. Les changements proposés dans le livre blanc sur l'immigration disent qu'une forme de document ou de carte d'immigrant reçu sera émise. Cette carte devra être renouvelée tous les cinq ans et il y aura une condition de résidence pour cela.

Cela signifie que cette personne qui travaille en Chine pour General Motors ou Air Canada, peu importe, ne peut devenir citoyen et ne pourra même pas remplir la condition de résidence pour renouveler sa carte d'immigrant reçu. Cette personne ne pourra pas rentrer au Canada. Elle perdra son statut d'immigrant, même si sa famille vit ici, si sa maison est ici et qu'elle paye des impôts. Vous allez faire éclater toute la famille.

• 1710

Nous craignons donc beaucoup que si aucune latitude n'est autorisée, cela infligera beaucoup de difficultés aux immigrants et que nous perdions également des immigrants très précieux.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier tous deux.

M. Wilfred Wan: Merci, monsieur le président et membres du comité.

Le président: Nous allons entendre nos derniers témoins pour cette partie de l'après-midi. En attendant les prochains témoins, je rappelle au comité que nous ferons une pause vers 17 h 45. Nous reprendrons ensuite à 18 h 15, jusqu'à 20 h. Il était convenu que nous ayons une courte pause repas. Je pense que le greffier a commandé quelques sandwiches.

Je souhaite la bienvenue à M. Gordon Maynard, représentant la section de Colombie-Britannique de l'Association du Barreau canadien.

Je suis le président et à côté de moi vous voyez le personnel de recherche et la greffière du comité. Les députés ministériels sont M. Telegdi, M. Mahoney et M. McKay; les députés de l'opposition sont M. Benoit et M. Martin. Vous avez la parole pour vos remarques liminaires.

M. Gordon H. Maynard (membre exécutif de la Section nationale du droit de la citoyenneté et de l'immigration, Association du Barreau canadien): Merci beaucoup. Je suis ici aujourd'hui au nom de la section nationale de l'ABC.

Vous vous souviendrez que M. Stephen Green et Mme Tamra Thomson, du bureau national de l'ABC, ont comparu devant vous début mars. Ils ont dû vous remettre—et j'espère que vous l'avez avec vous aujourd'hui—le mémoire de la Section nationale de l'immigration de l'Association du Barreau canadien, en anglais et en français. Vous devriez également avoir mes notes. Avez-vous ces documents?

Le président: Oui, nous les avons.

M. Gordon Maynard: Je commencerai par faire ressortir un point qui a, je pense, était oublié dans les témoignages que vous avez entendus, bien qu'il ait été soulevé par le Conseil canadien des réfugiés.

L'effet d'ensemble du projet de loi C-63 est de transformer le processus de la citoyenneté, le faisant passer d'un processus mettant en jeu des organes de décision indépendants, le judiciaire—soit la cour de citoyenneté soit, en appel, la Cour fédérale du Canada—en un processus purement administratif, en ce sens que toute la prise de décision relativement à l'attribution de la citoyenneté appartiendra au ministère. La seule exception est le contrôle judiciaire par la Cour fédérale, qui est un processus très différent de l'appel.

• 1715

Cela est important aussi bien du point de vue de l'acquisition que de la perte de la citoyenneté. S'agissant de l'acquisition, le recours à un organe de décision indépendant, soit la cour de citoyenneté soit de la Cour fédérale du Canada, offre l'avantage de la cohérence et de l'indépendance judiciaires et confère un certain prestige au processus. Cela est perdu lorsque vous optez pour un processus administratif qui ne diffère guère de l'attribution des visas de touriste.

En ce qui concerne la perte de citoyenneté, lorsque les personnes sont menacées de perdre la citoyenneté et, souvent, celle du statut de résident permanent, l'absence d'un organe de décision judiciaire indépendant revêt une grande importance. Ce n'est pas seulement la perte d'indépendance, il y a aussi la disparition des dispositions de la Loi sur la citoyenneté actuelle qui assurent la justice et protègent les personnes menacées de la perte de leur statut.

À cet égard, j'aimerais passer en revue certaines des observations contenues dans mes notes, en commençant au bas de la page 1.

L'article 14 du projet de loi C-63 traite de la perte de la citoyenneté pour cause de naissance à l'étranger. La loi actuelle prévoit la transmission de la citoyenneté par filiation même lorsque la personne est née à l'étranger de parents canadiens. Le projet de loi C-63 met fin à cette transmission par filiation à la troisième génération. La première génération née à l'étranger et la deuxième génération née à l'étranger acquièrent la citoyenneté canadienne, mais la nouvelle loi stipule que la deuxième génération née à l'étranger perdra la citoyenneté à l'âge de 28 ans si la personne née à l'étranger qui a acquis la citoyenneté canadienne à la naissance ne demande pas de la conserver après l'âge de 28 ans et en justifiant de sa résidence au Canada pendant trois ans au cours des cinq années précédentes.

Où est le problème? Nous n'avons pas encore vu de tel cas car, selon la loi actuelle, les enfants risquant de perdre la citoyenneté sont mis au monde en ce moment. Le cas ne se présentera pas avant 2010, environ. Ces personnes risquent de perdre leur citoyenneté uniquement à cause d'un oubli. Le problème majeur est que cette disposition ne laisse aucune souplesse du tout.

Par exemple, un enfant peut être né d'un parent canadien à l'étranger, mais résider toute sa vie en dehors du Canada. Ou peut-être réside-t-il à l'étranger uniquement pour suivre des études. À la fin de ses études, la personne revient au Canada et s'aperçoit qu'elle ne remplit pas la condition des trois années de résidence avant l'âge de 28 ans. Aucune disposition du projet de loi C-63 ne permet à cette personne d'éviter de perdre sa citoyenneté. Ce n'est pas seulement la perte de citoyenneté, c'est aussi la perte du statut de résident permanent, puisque cette personne n'a jamais été un résident permanent, puisqu'elle était citoyenne par droit de naissance.

C'est cette rigidité qui nous préoccupe. C'est un manque de flexibilité qui se retrouve dans diverses dispositions du projet de loi C-63 et qui devrait nous préoccuper tous. À mon sens, dans le cas de la personne qui perd sa citoyenneté par application de la loi, il devrait exister un mécanisme qui lui permette de la réacquérir facilement.

Ce pourrait être sous forme d'une demande à un tribunal indépendant ayant pouvoir de considérer toutes les circonstances du cas. Ou alors, supprimez entièrement cette disposition. Pourquoi priver la deuxième génération de la citoyenneté à l'âge de 28 ans? Selon la loi actuelle, la citoyenneté était transmise de génération en génération. Cela disparaît avec la nouvelle loi. La transmission s'arrête après deux générations, au mieux. Si l'on va donner la citoyenneté aux enfants nés à l'étranger de parents canadiens dans la deuxième génération, pourquoi ne pas leur permettre de la conserver toute leur vie? Pourquoi les en priver à l'âge de 28 ans?

En ce qui concerne l'obligation de présence physique au Canada pour être naturalisé—acquérir la citoyenneté—je sais que c'est un sujet dont on vous a beaucoup parlé. Ma préoccupation ici est que les dispositions du projet de loi C-63 exigent trois années de présence effective au Canada. La question n'est pas de savoir si trois ans représente une durée appropriée—ou deux ans, ou deux ans et demi. La question est de savoir s'il faut en faire une condition rigide, sans souplesse aucune. Si c'est le critère qui va être imposé pour l'attribution de la citoyenneté, il ne fait aucun doute que des candidats vont être injustement déboutés.

• 1720

Les catégories de candidats qui seront déboutés sont les jeunes qui sont arrivés ici avec leurs parents, ont passé toute leur enfance et leur scolarité au Canada et sont partis faire des études supérieures à l'étranger. Pendant qu'ils sont à l'étranger, ils n'accumulent pas de journées de présence et cela sera retenu contre eux, nonobstant leurs liens étroits avec le Canada.

De même, les gens d'affaires seront fortement touchés. Nous vivons dans un village mondial et les gens d'affaires voyagent. Il y aura des cas où des gens d'affaires, souvent employés par des sociétés canadiennes actives à l'exportation, qui ont leur maison au Canada, des comptes bancaires au Canada et des membres de leurs familles proches au Canada, ces derniers étant peut-être tous citoyens canadiens, ne seront pas admissibles eux-mêmes à la citoyenneté, du fait de l'impossibilité pour eux d'accumuler trois années de présence physique au Canada.

Il faudrait prévoir une flexibilité à cet égard. L'Association du Barreau canadien plaidait pour une approche à trois paliers reconnaissant la résidence sous forme de présence physique, puis une deuxième catégorie permettant aux personnes de démontrer que le Canada est leur lieu de résidence ordinaire. Ce serait un mécanisme qui laisserait au ministère quelque flexibilité lorsqu'il s'agit de trancher la véritable question, à savoir s'il y a une connexion substantielle avec le Canada justifiant l'attribution de la citoyenneté. Encore une fois, le problème en est un de rigidité.

Dans le cas des enfants adoptés, l'article 8 du projet de loi C-63 prévoit l'acquisition directe de la citoyenneté par les enfants adoptés par des citoyens canadiens. C'est une bonne mesure. Nous sommes heureux que le ministère offre cet accès direct à la citoyenneté, au lieu d'obliger l'enfant adopté à devenir d'abord résident permanent. Cependant, il y a quelques difficultés avec le libellé de l'article 8 du projet de loi C-63.

Tout d'abord, il n'est pas du tout clair si le processus d'acquisition direct de la citoyenneté exige d'abord l'octroi du statut de résident permanent par un agent de visa à l'étranger. Y aura-t-il deux décideurs différents, l'un déterminant si l'enfant est admissible à la résidence permanente et un autre décidant si l'enfant est admissible directement à la citoyenneté?

En cas de refus, l'appel doit-il être interjeté auprès de la Cour fédérale sous forme de contrôle judiciaire, ou bien est-il interjeté auprès de la section d'appel, comme dans les cas de parrainage d'un enfant demandant le statut de résident permanent depuis l'étranger? Il y a là une terrible incertitude. Nous ne savons pas. Les dispositions du projet de loi C-63 ne nous renseignent pas.

Deuxièmement, l'exigence que l'adoption soit conforme au droit du lieu d'adoption et du lieu de résidence de l'adoptant est inappropriée, à notre sens. Selon la Loi sur l'immigration actuelle et selon le droit en matière d'adoption, une adoption est légalement valide si elle est faite conformément au droit du pays où se fait l'adoption. Il n'y a aucune nécessité d'ajouter une deuxième exigence, soit la conformité au droit du pays de résidence de l'adoptant. Cela me paraît être une disposition totalement inutile et contraire aux dispositions de la Loi sur l'immigration.

Nous formulons également des réserves sur les dispositions intéressant la révocation de la citoyenneté pour fausse déclaration, fraude ou dissimulation de faits essentiels—les articles 16 et 17 du projet de loi C-63. Ce sont là les critiques les plus complexes que nous ayons à formuler, et je vous demande donc votre patience. J'essaierai de les expliquer aussi simplement que je peux.

Je pense que personne n'objecte au fait qu'une personne voit sa citoyenneté révoquée si elle l'a acquise sous de faux-semblants—par exemple, mensonge sur la durée de la résidence au Canada ou fausse identité. Si vous ne dites pas la vérité, si vous dissimulez des faits essentiels dans la demande de citoyenneté, vous ne méritez pas la citoyenneté; il faut donc la révoquer.

• 1725

Là n'est pas notre souci. Notre préoccupation est l'application de cette disposition à des personnes dont on allègue qu'elles ont obtenu leur statut de résident permanent au moyen d'une fausse déclaration. Selon ce projet de loi et selon la Loi sur la citoyenneté actuelle, si vous êtes citoyen du Canada et qu'il est allégué que vous avez obtenu cette citoyenneté au moyen d'une fausse déclaration lors de l'admission au Canada à titre de résident permanent, cette disposition s'applique et le ministère peut vous priver de votre citoyenneté pour cause de fausse déclaration dans la demande initiale d'admission. Voilà la loi actuelle.

Voici ce que change le projet de loi C-63. La loi actuelle dit que pour établir qu'il y a fausse déclaration, vous devez avoir sciemment omis un fait essentiel. Le projet de loi C-63 supprime le mot «sciemment». La conséquence en est qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que votre omission était délibérée, intentionnelle. Ce peut être une omission accidentelle. Deuxièmement, le projet de loi précise bien que le critère déterminant la révocation est tout simplement la prépondérance des probabilités, et non la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Ce sont des changements importants. Ils sont importants parce que lorsqu'une personne perd sa citoyenneté par révocation, elle perd son statut—non seulement la citoyenneté, mais aussi celui de résident permanent. Elle devient expulsable. En outre, aucun appel n'est possible contre cette décision. Il n'y a pas de recours. Cela nous inquiète grandement.

Il n'est pas nécessaire que la dissimulation soit grave pour que cette disposition s'applique. Il peut s'agir d'un adolescent qui omet de dire au ministère qu'il a enfanté un enfant illégitime. Il peut s'agir d'une dissimulation ou omission où le père, le principal demandeur du visa d'immigrant, omet de dévoiler l'existence d'un enfant illégitime, peut-être d'un enfant pour lequel la famille n'a pas de responsabilité et avec lequel elle n'a pas de lien de dépendance réelle. Ce peut être l'omission de divulguer une ancienne condamnation pénale rayée du casier judiciaire en application de la loi du pays d'origine, peut-être par pardon. N'importe laquelle de ces omissions justifie l'application des dispositions sur les fausses déclarations et la révocation subséquente de la citoyenneté. Mais toutes ces fausses déclarations ne justifient pas nécessairement la perte complète du statut et l'expulsion de la personne hors du Canada.

Je considère que si le seuil va être abaissé, et c'est ce que fait le projet de loi C-63, il devrait exister un mécanisme permettant aux personnes perdant leur statut de se pourvoir devant un tribunal indépendant qui déterminerait si l'expulsion est justifiée. C'est un élément critique.

J'aimerais revenir très brièvement sur la question de la présence physique au Canada. Je signale à cet égard que la loi actuelle donne crédit aux requérants qui ont résidé au Canada, peut-être à titre d'étudiant ou de travailleur temporaire, avant d'acquérir le statut de résident permanent. Ces personnes pouvaient se voir reconnaître jusqu'à une année de résidence aux fins de leur demande de citoyenneté. La nouvelle loi supprime cela, ne fait aucune mention d'un tel crédit. Nous n'en voyons pas la raison.

Le président: Monsieur Maynard, pour combien de minutes en avez-vous encore? J'aimerais que vous nous laissiez amplement du temps pour poser des questions. Il ne nous reste déjà que quinze minutes pour les questions et réponses.

M. Gordon Maynard: D'accord. Est-ce que deux minutes conviennent?

Le président: Pouvez-vous terminer en deux minutes?

M. Gordon Maynard: Je peux.

À la page 5, la perte de citoyenneté par annulation, à l'article 18, c'est là une disposition nouvelle. Il n'existe pas de pouvoir similaire dans la Loi sur la citoyenneté actuelle. Si le ministre est convaincu qu'une personne a obtenu la citoyenneté sous une fausse identité ou en violation des dispositions sur les interdictions, le ministre donne avis à l'intéressé. La personne dispose alors de 30 jours pour présenter des observations écrites, après quoi le ministre peut annuler la citoyenneté. Il n'y a pas d'audience judiciaire. Aucun mécanisme n'est mis en place, hormis la décision du ministre. Selon mon interprétation, cette décision est finale. La personne n'a pas la possibilité future de redemander la citoyenneté. Je ne pense pas que ce processus soit adéquat dans ces circonstances.

• 1730

Le refus d'attribuer la citoyenneté dans l'intérêt public est un nouveau pouvoir donné au ministre de refuser la citoyenneté avec l'accord du Cabinet, dans l'intérêt public. L'intérêt public n'est pas défini et la disposition ne fait l'objet d'aucun appel ou contrôle et garde effet pendant cinq ans. Cette disposition appelle une définition. Qu'entend-on par «intérêt public»? Quelle est la portée de ce pouvoir discrétionnaire du ministre?

Enfin, je passe au dernier point de mon mémoire, les dispositions administratives aux articles 36 et 37 du projet de loi C-63. Selon ces dispositions, le ministre peut contraindre une personne de restituer son certificat de citoyenneté ou d'annuler le certificat s'il a des raisons de croire que le certificat a été obtenu indûment ou n'est pas valide.

Encore une fois, aucun recours n'est prévu. Nous ne tolérerions pas de perdre notre permis de conduire par un tel processus. Pourquoi devrions-nous tolérer la perte d'un certificat de citoyenneté au moyen d'un tel processus?

Je serais ravi de répondre à vos questions maintenant, et je vous remercie de votre patience.

Le président: Merci, monsieur Maynard.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président, et bienvenue, monsieur Maynard.

Une chose qui m'a frappé dans votre exposé est que, dans certains domaines clés, vous recommandez le retour à la loi actuelle. Est-ce que vous préféreriez, en fait, que la loi actuelle reste en vigueur à la place de cette nouvelle loi?

M. Gordon Maynard: Pas de façon générale. Je pense qu'il faut considérer de près chacun des changements et se demander ce qu'accomplit la nouvelle loi par opposition à l'ancienne. S'il y avait une faiblesse dans l'ancienne loi qu'il convient de rectifier, très bien, allons-y.

Ce qui me gêne dans le projet de loi C-63 sont les dispositions qui confèrent des pouvoirs au ministre, principalement la suppression du statut. Elles laissent à désirer, non parce que le ministre ne devrait pas avoir le pouvoir d'abroger le statut, ni que la loi ne devrait pas prévoir cela, mais parce qu'il devrait exister un recours adéquat pour assurer que cela est fait de manière appropriée et dans des circonstances appropriées. Je ne suis pas sûr que le projet de loi nous donne cela.

M. Leon Benoit: Sur l'un des points clés, la condition de présence physique trois années sur cinq, vous recommandiez une plus grande souplesse—autrement dit, une plus grande latitude. Si vous enlevez le caractère impératif, en quoi la condition serait-elle différente de celle qui existe aujourd'hui?

M. Gordon Maynard: Il n'y aurait pas de grande différence, mais vous pourriez avoir une situation où trois années de présence physique démontrable au Canada remplissent totalement la condition de résidence. Si vous pouvez prouver la présence effective au Canada, le problème ne se pose plus.

Il pourrait y avoir une norme moindre, par exemple, soit cinq années de présence au Canada pendant lesquelles vous étiez normalement résident, et ce genre de mécanisme pourrait apporter la flexibilité voulue.

Mais il est certain qu'une condition absolument stricte sera injuste à l'égard de certains requérants. La question que le ministère doit trancher est de savoir si nous acceptons ce degré d'injustice dans l'intérêt de la simplicité? La simplicité n'est pas toujours appropriée.

M. Leon Benoit: Il semble qu'en plusieurs endroits vous demandez la suppression du caractère impératif et une plus grande souplesse. Par exemple, s'agissant de la perte de citoyenneté, à l'article 14, vous demandez une plus grande flexibilité sur le plan de la présence physique au Canada. Vous demandez quelque chose de moins strict. Plus loin, vous demandez des changements à certaines autres clauses.

Par exemple, aux articles 16 et 17, la fraude ou la dissimulation de faits essentiels, les fausses déclarations, vous demandez le rétablissement de l'exigence que la fausse déclaration ait été faite sciemment. Très franchement, il me semble que vos recommandations consistent à remettre en place quantité de choses qui exigeront le recours à des avocats.

J'aimerais connaître votre réaction à cela. Il semble que vous demandiez la suppression de certaines des règles plus strictes mises en place. À mes yeux, cela va ouvrir davantage d'échappatoires, lesquelles constituent le problème de la loi actuelle, en tout cas de la Loi sur l'immigration actuelle.

• 1735

M. Gordon Maynard: Le problème avec cette échappatoire, monsieur, est d'assurer que ces décisions, qui souvent peuvent être irrévocables ou avoir des conséquences à long terme, soient prises de manière appropriée et juste, dans le meilleur intérêt des deux parties, le Canada et la personne concernée. Le particulier qui se heurte au pouvoir de l'État se trouve énormément désavantagé. Il peut choisir d'engager ou non un avocat.

À cet égard, permettez-moi de dire que je suis membre de l'exécutif de l'ABC, soit au niveau provincial soit au niveau national, depuis dix ans et pendant tout ce temps je suis intervenu à maintes reprises auprès de ce comité, du ministre et des fonctionnaires ministériels, ce qui m'a coûté beaucoup de temps et d'efforts bénévoles. Il semble que chaque fois que nous comparaissons devant le comité parlementaire, quelqu'un demande: «Est-ce que cela ne signifie pas tout simplement plus de travail pour vous?» Cette attitude est terriblement regrettable. Nous ne faisons pas cela par intérêt personnel. Nous le faisons par souci sincère de justice.

À cause du travail que nous faisons, nous connaissons particulièrement bien les répercussions de ces lois sur les particuliers. Le ministère voit les choses selon son optique. Nous tendons à les voir selon l'optique de l'individu. Il faut espérer que nous nous rencontrons au centre. Les lois ne peuvent pas être partiales, soit en faveur de l'État soit en faveur de l'individu. Il faut trouver un juste équilibre. Ma doléance est que le projet de loi C-63 n'établit pas un équilibre raisonnable dans maints domaines. Il faut y remédier.

M. Leon Benoit: Non, je comprends votre point de vue, mais il importe que nous recherchions chez tous les intervenants quel intérêt personnel ils peuvent avoir de façon à jauger leurs avis. C'est pourquoi j'ai fait cette remarque et posé cette question. Je m'attendais à ce que vous disiez non, que cela ne donnerait pas nécessairement plus de travail aux avocats, ou une autre explication. Mais je pense que nous devons poser la question, quels que soient les témoins qui comparaissent.

J'ai une autre question plus précise. En ce qui concerne l'adoption d'enfants, à l'article 8, vous avez dit—ou c'est peut-être l'article suivant—que nous devrions utiliser les lois du pays d'origine plutôt que la loi canadienne. J'aimerais savoir pourquoi vous préconisez cela. Il me semble que si nous faisons une loi canadienne sur la citoyenneté, le droit canadien en matière d'adoption devrait s'appliquer. Cela me paraît normal. J'aimerais votre réaction à cela.

Deuxièmement, des témoins se sont inquiétés de l'existence de règles d'adoption différentes selon les provinces. J'aimerais votre avis là-dessus et que vous nous disiez si c'est un problème.

M. Gordon Maynard: En réponse à la première question, celle de savoir si la loi canadienne devrait s'appliquer dans le monde entier, prenez le mariage. Si un couple se rend à Las Vegas pour se marier, on n'y applique pas la loi de la Colombie-Britannique; on y applique la loi sur le mariage de l'État du Nevada. C'est parce qu'en droit international le mariage est valide selon les lois du pays où la cérémonie a lieu.

De même, selon le droit international, les adoptions sont valides si elles sont effectuées conformément au droit du pays où l'adoption a lieu. Autrement, vous auriez une situation intenable où les adoptions seraient reconnues dans un pays et pas dans un autre.

La Loi sur l'immigration actuelle autorise les citoyens ou les résidents permanents à parrainer les demandes de résidence permanente de leurs enfants adoptés. Et la Loi sur l'immigration actuelle stipule depuis des années et stipule encore que l'adoption doit être valide selon les lois du pays où l'adoption a eu lieu. C'est simplement la procédure standard.

M. Leon Benoit: Pourquoi pensez-vous que cette exigence additionnelle a été inscrite dans le projet de loi?

M. Gordon Maynard: Je ne sais pas. J'ai essayé de comprendre mais je ne vois pas pourquoi on voudrait n'accepter que des adoptions conformes à deux ensembles de lois différents ni ce qu'on ferait en cas de contradiction entre ces deux ensembles. C'est contraire à la pratique internationale.

M. Leon Benoit: Avez-vous la moindre idée pourquoi cela figure ici, ou pouvez-vous tenter de deviner?

M. Gordon Maynard: Je n'aime pas les devinettes.

M. Leon Benoit: Moi oui. Non, je suis juste curieux.

Merci beaucoup. J'apprécie vos remarques.

• 1740

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Merci de votre exposé.

J'aimerais passer à l'article 6 du projet de loi. Comme vous le savez, ce qui motive cette modification de la condition de résidence est la prolifération d'approches contradictoires de ce qu'est la présence physique aux fins de la loi. Actuellement, c'est 1 095 jours dans les quatre années précédentes et c'est un fonctionnaire judiciaire qui le détermine. Nous passons maintenant à—comment dire?—un système plus transparent de trois années sur les cinq précédentes, sans réelle latitude judiciaire, éliminant la latitude judiciaire ou éliminant carrément toute latitude.

Dans votre recommandation de la page 17 et votre conclusion, vous abandonnez ce critère de cinq années. Vous établissez trois catégories. Premièrement, vous avez le premier palier, soit la présence physique pendant trois ans. Bon, cette catégorie est évidente et correspond à ce que le ministre propose, de toute façon. La notion de résidence ordinaire pendant cinq ans, je suppose que la présence physique trois années sur cinq correspond également à ce critère. Pouvez-vous m'indiquer la distinction que vous essayez d'établir entre la résidence ordinaire pendant cinq ans, par opposition à la proposition du ministre, soit la présence physique pendant 60 p. 100 de ce temps? Y a-t-il là une distinction significative?

M. Gordon Maynard: Pourriez-vous répéter?

M. John McKay: Y a-t-il une distinction significative entre ce que vous proposez comme définition de «ordinairement résident» et le critère de l'alinéa 6(1)b)?

M. Gordon Maynard: Oui. La «résidence ordinaire» serait quelque chose de moindre que les trois années de présence physique. Ce critère voudrait que la personne a conservé pendant cinq ans le statut de résident permanent, mais elle ne serait pas tenue de démontrer qu'au cours de ces cinq années elle a eu trois années de présence physique au Canada. Ce pourrait être moins. Cependant, il faudrait alors tenir compte d'autres circonstances, telles que les raisons de l'absence, la présence d'un membre de la famille au Canada, la présence d'investissement au Canada, le paiement d'impôts au Canada, tous ces éléments qui sont actuellement pris en considération par le ministère de la Citoyenneté.

M. John McKay: Il faudrait donc s'attendre à quelques absurdités juridiques. Vous pourriez n'avoir que dix jours et néanmoins prétendre être ordinairement résident.

M. Gordon Maynard: Et, effectivement, d'aucuns ont plaidé cela et ont été déboutés.

M. John McKay: Le dernier point concerne le troisième palier, l'absence pour des raisons contraignantes lorsque les activités à l'étranger sont dans l'intérêt du Canada. Cela ouvre la porte tellement grand que l'on pourrait y faire passer un camion.

M. Gordon Maynard: Non, ce pouvoir existe déjà dans la loi actuelle. Cela pourrait également autoriser l'attribution de la citoyenneté à des personnes ayant rendu des services exceptionnels au Canada, contournant ainsi les exigences habituelles de la loi. Ce ne serait pas une disposition largement utilisée. Ce serait uniquement dans des cas bien précis.

M. John McKay: Est-ce que vous ne préconisez pas en substance le retour au statu quo?

M. Gordon Maynard: Nous disons que le ministère devrait conserver la flexibilité. La simplicité d'un critère exigeant la présence physique absolue pendant une durée fixe est attrayante, mais ce critère ne va pas nécessairement couvrir toutes les personnes qui méritent la citoyenneté et va pénaliser certaines.

Dans la loi actuelle, il y a une flexibilité. La présence physique absolue n'est pas requise et les décisions de justice ont quelque peu fluctué au fil des ans. Si vous regardez la jurisprudence des deux ou trois dernières années, le régime a été plutôt strict.

Le tribunal considère s'il y a un lien substantiel avec le Canada, beaucoup plus substantiel que celui avec n'importe quel autre pays. C'est le critère imposé lorsqu'il n'y a pas présence physique absolue au Canada. À mon avis, c'est un critère qui fonctionne assez bien et il faut conserver une souplesse.

M. John McKay: Le ministère estime que la jurisprudence est contradictoire et entraîne l'imprévisibilité et l'incertitude. Partagez-vous cet avis?

• 1745

M. Gordon Maynard: Il y a eu un certain degré d'imprévisibilité et d'incertitude. Cela est dû à un jugement rendu il y a plusieurs années disant que le critère est la présence physique absolue, rien de plus. Ce jugement pêchait par excès contraire.

Le résultat est que tous les juges de la cour ont dû reconsidérer le critère appliqué et s'il devait être strict ou flexible. La cour a opté pour la flexibilité, mais s'assure davantage que la personne a un lien adéquat avec le Canada, un lien substantiel avec le Canada,—et pourquoi pas?

M. John McKay: Est-ce que votre opinion changerait selon le type de visa avec lequel la personne est arrivée au Canada? Quel serait votre avis si l'on établissait des conditions différentes selon que la personne est venue avec un visa d'entrepreneur plutôt qu'un visa de regroupement familial ou quelque autre visa?

M. Gordon Maynard: Je ne serais pas porté à établir cette distinction dans la loi. C'est un élément dont on peut tenir compte. Dans quelle circonstance la personne a-t-elle été acceptée comme immigrant au Canada? Était-il entendu qu'elle aurait des activités commerciales? Sa conduite actuelle est-elle conforme à ses antécédents?

Après tout, que faites-vous dans une situation où un fils adolescent vient au Canada, résident au Canada pendant cinq ou six ans, étudie au Canada puis va faire une maîtrise à l'étranger, travaille peut-être à l'étranger pendant un an, puis revient au Canada et demande la citoyenneté? Va-t-on lui dire désolé, vous ne serez admissible que si vous respectez strictement la condition de présence physique? Ou bien va-t-on tenir compte de ses antécédents au Canada?

L'être humain est merveilleux. Les êtres humains ont différents parcours, et il est très difficile de les saisir tous dans une loi. Voilà l'inconvénient de critères stricts dans tout domaine, et particulièrement dans celui de l'immigration et surtout de la citoyenneté. Lorsque vous êtes inflexible, vous tombez toujours sur des cas méritants qui échappent à ce cadre strict. C'est pourquoi il importe de maintenir une certaine flexibilité.

M. John McKay: L'envers de la médaille de la flexibilité est l'imprévisibilité, l'incertitude et les contradictions, qui, peut-on dire, ont entraîné une dévaluation de toute la notion de citoyenneté canadienne.

M. Gordon Maynard: Je ne suis pas d'accord. Je pense que la jurisprudence globale en matière de citoyenneté est marquée par une forte cohérence, dans l'ensemble. Il a pu y avoir des décisions individuelles qui se démarquaient de la majorité, mais la grande majorité des jugements était parfaitement acceptable. On tend à être obnubilé par les exceptions et à considérer qu'elles sont représentatives du tout. Ce n'est pas le cas. La cour est relativement stricte aujourd'hui. Ces décisions sont défendables.

En matière d'immigration, prenons l'exemple de l'annulation du statut de résident permanent au Canada. Ce n'est pas une question de citoyenneté, il s'agit d'annuler le statut de résident permanent, où il y a un droit d'appel auprès de la section d'appel, laquelle considère toutes les circonstances du cas. Vous ou moi pourrions tirer des conclusions divergentes, mais en règle générale, les décisions sont très défendables, car elles sont prises en audience publique, le juge est saisi de tous les faits et pèse toutes les circonstances. Mieux vaut cela qu'une règle stricte disant que c'est A, B, C; vous devez partir.

M. John McKay: Le problème est là. N'est-ce pas mieux ainsi?

Le ministre, pour le meilleur ou pour le pire, propose d'alléger la condition de temps, mais il n'y aura plus d'incertitude. Il n'y aura plus de latitude, par opposition à un système très similaire à l'actuel, celui que vous voudriez maintenir, qui est «un système plus flexible» et reconnaît les besoins des êtres humains, etc., mais qui n'est en fait rien d'autres qu'un mini mécanisme judiciaire. C'est là le noeud du problème, n'est-ce pas?

M. Gordon Maynard: Il y a des inconvénients de part et d'autre. Vous ne pouvez avoir un système fixe simple qui soit adapté à tous les cas, et si vous essayez d'introduire de la flexibilité, cela va coûter du temps et de l'effort, il y aura quelque incertitude. C'est la conséquence naturelle.

M. John McKay: Je vous remercie.

J'ai des questions sur l'adoption, et si nous avons le temps j'aimerais un autre tour...

Le président: Pourriez-vous poser une question tout de suite, car je ne pense pas que nous ayons le temps pour un autre tour de questions.

M. John McKay: En ce qui concerne l'adoption, et la position exprimée dans votre mémoire, je sais que vous êtes perturbé par le fait que l'adoption doit être conforme aux lois du pays où se déroule l'adoption puis, en sus, aux lois du pays de résidence de l'adoptant.

• 1750

Je réfute votre objection, en partie parce que des enfants adoptés viennent de pays où les lois d'adoption sont plutôt floues et ne correspondent en aucun cas à nos principes en matière d'adoption. L'existence d'un véritable lien de filiation me paraît également une condition essentielle. Ce que vise le ministre ici, c'est réduire les abus. J'ai du mal à comprendre pourquoi ce double critère vous perturbe tant.

M. Gordon Maynard: Tout d'abord, je n'ai jamais critiqué l'exclusion des adoptions de commodité. Cela existe déjà dans la Loi sur l'immigration actuelle et je n'ai rien contre cela, car moi non plus je n'aime pas les abus sous forme d'adoptions inappropriées. Mais le fait que divers pays aient des lois différentes en matière d'adoption n'est pas un problème à mon sens.

L'une des façons de régler le problème aux termes de la Loi sur l'immigration consiste à appliquer la convention de La Haye, par laquelle les pays signataires, dont le Canada, assurent que des mécanismes sont en place pour vérifier que l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant, par le biais de la recommandation d'organismes d'adoption légitimes. C'est une bonne façon de régler le problème, et la Loi sur l'immigration n'exige pas que l'adoption soit faite conformément aux lois de la Colombie-Britannique. Elle doit simplement être conforme au droit international.

Il n'y a dans chaque cas qu'une seule procédure d'adoption. Le droit international dit qu'elle doit être valide selon les lois du pays où intervient l'adoption. Si vous choisissez d'adopter un enfant par le biais des tribunaux canadiens, très bien, vous respectez la loi canadienne. Si vous choisissez d'adopter par le biais des tribunaux d'Haïti ou de l'Inde ou de la Russie, vous devrez respecter leurs exigences. Mais cela détermine uniquement la validité juridique de l'adoption. Cela ne signifie pas nécessairement que l'adoption sera jugée valide aux fins de l'immigration. Pour cela il faut déterminer si l'adoption en est une de commodité ou non.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Maynard.

J'ai une courte question. Il s'agit d'un domaine d'incertitude sur lequel je n'ai pu obtenir de réponse ferme des autres témoins et j'aimerais avoir votre point de vue. Dans les cas où un enfant atteint l'âge de 28 ans et risque de voir sa citoyenneté révoquée parce qu'il n'a pas les trois années de résidence, soit la question que vous avez soulevée, qu'advient-il de cette personne? Est-ce qu'elle devient automatiquement résident permanent ou bien devient-elle apatride? Quel serait le statut de cette personne, dans l'exemple auquel je songe, si elle réside au Canada à la date du 28e anniversaire et perd sa citoyenneté, à votre avis?

M. Gordon Maynard: Tout d'abord, je rappelle qu'un tel cas ne s'est encore jamais présenté car il ne s'est pas écoulé suffisamment de temps. Ces nouveaux cas ne se présenteront qu'aux alentours de 2010. Nous n'avons donc aucune expérience.

Cependant, mon interprétation du projet de loi est que, tout d'abord, si une personne perd la citoyenneté elle n'a plus de statut au Canada. Elle ne retourne pas au statut de résident permanent car elle ne l'a jamais possédé. Cette personne est citoyen canadien de naissance.

Deuxièmement, pour ce qui est des recours, il y a une disposition de réintégration. Elle se trouve à l'article 19. Elle dit que la personne qui a perdu sa citoyenneté et qui est ensuite légalement admise au Canada comme résident permanent et qui réside au Canada pendant un an au cours des deux années précédant la demande peut retrouver sa citoyenneté. Il semble donc que l'intéressé devra demander et obtenir le statut de résident permanent, puis attendre un an avant de redemander la citoyenneté.

C'est un fardeau terrible pour la personne qui a perdu sa citoyenneté à cause d'un oubli, alors qu'en fait elle peut avoir résidé au Canada pendant 24 ans sur 28. C'est insensé.

M. Pat Martin: Je suis d'accord.

• 1755

M. Gordon Maynard: Une autre disposition du projet de loi permet d'accorder la citoyenneté par décret dans des cas de détresse. C'est une autre possibilité, mais c'est extrêmement rare. Je ne pense pas que la personne puisse s'en prévaloir.

M. Pat Martin: C'est très utile. Je vous remercie.

Nous avons eu le témoignage d'un avocat du nom de David Matas, qui fait beaucoup de travail d'immigration et que vous connaissez peut-être. Il représentait à l'époque B'nai Brith. L'une des choses qu'il demandait était le regroupement des procédures dans les cas d'expulsion. Par exemple, la révocation de la citoyenneté, une poursuite pénale et une procédure d'expulsion reposent tous sur le même ensemble de faits. Que pense l'Association du Barreau canadien de cette requête, ou du regroupement de toutes les procédures en une seule audience, de façon à accélérer, par exemple, l'expulsion des criminels de guerre?

M. Gordon Maynard: Désolé, je ne connais pas la recommandation de M. Matas à cet égard. J'écoute ce que vous dites, mais j'ai du mal à imaginer ce que dit la recommandation. Y aurait-il une seule procédure pour décider d'une condamnation pénale, la perte de citoyenneté et la révocation du statut de résident permanent, que ce soit devant un tribunal judiciaire, la cour fédérale ou un autre tribunal? Vous me faciliteriez la tâche en précisant quelle est la recommandation.

M. Pat Martin: Je n'en sais pas beaucoup plus que ce que je vous ai dit. La recommandation est de regrouper les procédures, puisqu'elles reposent toutes sur le même ensemble de faits, de façon à éviter les retards dans l'expulsion, par exemple, des criminels de guerre. Est-ce que l'Association du Barreau canadien serait en faveur de ce principe, sans trop entrer dans les détails?

M. Gordon Maynard: Eh bien, j'hésite à me prononcer sans connaître les détails. Je peux dire que je suis partisan de la recommandation du ministre concernant le regroupement de toutes les procédures devant la section des réfugiés et l'examen de tous les facteurs de risque et programmes de protection. C'est raisonnable. Il ne devrait pas y avoir trois plaidoyers successifs sur la même affaire. On peut tout juger en une fois.

Mais je ne puis dire si ce type de procédure serait applicable aux circonstances que vous décrivez. Tant que je ne verrai pas les détails pour voir comment cela s'appliquerait à des cas individuels, par exemple, des personnes autres que les criminels de guerre, j'hésiterais à dire qu'elle est appropriée.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci.

Je respecte beaucoup les avis de l'Association du Barreau canadien sur ce type de législation. L'un des tout derniers éléments de ce projet de loi est un nouveau texte pour le serment de citoyenneté. Puis-je vous demander quel est, à votre avis, l'intérêt d'un serment de citoyenneté, tel que prévu dans cette loi ou dans l'absolu? A-t-il une valeur juridique pour les Néo-Canadiens—ou même une valeur spirituelle?

M. Gordon Maynard: Dans la Loi sur la citoyenneté actuelle et dans le projet de loi C-63, la prestation du serment de citoyenneté est une condition pour obtenir la citoyenneté. Vous ne pouvez devenir citoyen tant que vous n'avez pas prêté ce serment. En ce sens, oui, il a une valeur juridique.

Le texte du serment lui-même n'a pas de validité juridique au niveau du processus de la citoyenneté ou d'immigration. C'est purement une affaire de politique publique, de considérations politiques. Nous n'avons rien à reprocher aux changements apportés au serment.

M. John Bryden: Donc, à votre avis, le texte du serment ne représente nullement, comment dire, un contrat entre le Canada et le candidat à la citoyenneté. Autrement dit, actuellement, quoi que dise le serment, il n'y aucune obligation d'en respecter les termes.

M. Gordon Maynard: Si c'était le cas, monsieur, nous n'aurions pas de loi sur la trahison.

M. John Bryden: Poursuivons donc le raisonnement. Vous dites que le serment est un contrat, une forme de contrat entre la personne qui le prête et son pays d'adoption. Cela m'intrigue beaucoup. C'est un point important.

M. Gordon Maynard: Vous m'emmenez là dans des eaux où j'ai peur de nager.

M. John Bryden: Nagez.

M. Gordon Maynard: Nous n'avons pas élevé d'objection contre le texte du serment et n'avons pas réfléchi à la question de savoir s'il s'agit d'un contrat. Le mieux que je puisse dire est que nous n'avons pas pris de position à ce sujet.

• 1800

M. John Bryden: Très bien.

J'ai une dernière question. À votre avis, cela fait-il une différence qu'il y ait dans le serment une invocation de Dieu, un être supérieur? Je remarque que nous sommes le seul pays du monde qui accepte de nouveaux citoyens sans invoquer Dieu. Est-ce que cela diminue à votre avis la valeur du serment? Est-ce une chose qu'il faudrait envisager?

M. Gordon Maynard: Vous m'emmenez là dans des eaux encore plus troubles. Merci. Je ne me prononcerai pas sur le texte du serment.

M. John Bryden: Eh bien, si je puis me permettre de le dire en conclusion, je suis surpris que vous ne soyez d'aucun secours. Merci.

Le président: Monsieur Maynard, j'aimerais revenir sur un aspect de l'adoption. Est-ce que la restriction imposée au droit international par le projet de loi n'est pas justifiable, s'agissant d'accéder à la citoyenneté du pays, soit le fait d'imposer comme fardeau supplémentaire la conformité aux lois du pays de résidence du parent ou citoyen adoptant? N'est-ce pas une exigence justifiable, vu que l'adoption ici ne donne pas droit à l'immigration mais donne automatiquement le droit à la citoyenneté?

M. Gordon Maynard: Désolé, monsieur, mais votre microphone déforme le son et j'ai du mal à comprendre votre question. Pourriez-vous la répéter?

Le président: Oui. N'est-il pas justifiable, nonobstant le droit international, d'imposer comme exigence aux fins d'une adoption qui entraîne la citoyenneté automatique que la résidence du parent adoptant soit tout aussi applicable que le droit d'adoption du pays d'origine?

M. Gordon Maynard: Mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi. Le projet de loi ne dit pas que le statut de résident du parent adoptant doit être justifié en droit. Il dit que l'adoption doit être conforme aux lois du pays de résidence du parent adoptant. Nous parlons toujours là des lois régissant l'adoption, non pas du statut des parents. Les parents doivent être des résidents permanents ou des citoyens canadiens.

Le président: Non, je parle du droit d'adoption tel qu'il existe dans le pays de résidence des parents adoptants.

M. Gordon Maynard: Mais il n'a pas de rôle juridique dans l'adoption, la création légale d'un lien de filiation. Cela est régi par le droit du pays où a lieu l'adoption.

Bien sûr, le ministère de l'Immigration peut faire un ou deux pas de plus et dire qu'avant d'autoriser l'immigration de l'enfant ou d'accorder la citoyenneté, nous voulons l'assurance que l'adoption n'en est pas une de commodité, qu'il y a un véritable lien de filiation. C'est parfaitement approprié et je n'ai aucun problème avec cela. Tout cela est approprié. Le problème est de savoir s'il faut considérer le droit en matière d'adoption dans les deux pays avant de juger l'adoption valide? Je réponds non. Je ne comprends donc pas pourquoi cela figure ici.

N'oublions pas, monsieur, que selon la loi actuelle un citoyen canadien ou résident permanent peut adopter un enfant à l'étranger et le parrainer pour venir au Canada. On vérifie s'il s'agit d'une véritable adoption. Y a-t-il véritablement création d'un lien de filiation? L'adoption est-elle légale? Une fois que l'enfant arrive chez nous, les parents sont libres de demander sa citoyenneté. En tant qu'enfant d'un citoyen canadien, l'enfant a droit à la citoyenneté.

Tout ce que veut faire le gouvernement ici est de regrouper les deux procédures, afin que les parents canadiens n'aient pas à entreprendre deux démarches. Il suffit d'une seule. Cela est très bien. C'est un bon objectif. Mais la loi actuelle en matière d'adoption est parfaitement satisfaisante.

Les services d'immigration ont l'obligation de vérifier s'il s'agit d'une adoption de bonne foi. C'est parfaitement légitime. Vérifions. Une fois que l'on est convaincu que l'adoption est légale, allons-y, donnons la citoyenneté à cet enfant et évitons aux parents canadiens une démarche supplémentaire. Mais on semble avoir ajouté une considération qui n'existait pas auparavant, et je n'en vois pas le bien-fondé.

• 1805

Le président: Merci infiniment, monsieur Maynard. Au nom du comité, je tiens à vous remercier encore une fois pour votre contribution à notre étude de ce projet de loi.

M. Gordon Maynard: Puis-je vous demander, est-ce Tamra Thomson que j'ai vu assise au fond de la salle, de l'Association du Barreau canadien?

Une voix: Oui.

Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Bonjour, Gordon.

Le président: Vous avez la vue très perçante.

M. Gordon Maynard: La retransmission est très bonne, je dois dire. C'est une vaste amélioration par rapport à il y a quelques années.

Le président: On vous surveille.

Mme Tamra Thomson: Vous avez l'air en forme, Gordon.

Le président: Vous vous êtes bien débrouillé.

M. Gordon Maynard: Merci beaucoup aux membres du comité. Je suis reconnaissant de l'invitation.

Le président: Merci encore.

Nous allons maintenant suspendre la séance du comité jusqu'à 18 h 15, ensuite de quoi nous reprendrons l'audition des témoins.

• 1806




• 1826

Le président: Nous allons reprendre nos travaux. Nous entendons la Taiwanese Canadian Cultural Society et la Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association. Soyez les bienvenus à notre comité étudiant la loi concernant la citoyenneté canadienne.

Vous avez la parole, monsieur Chou, qui êtes le président, et je crois que vous êtes accompagné de M. Chang, votre conseiller. Si vous pouviez limiter vos remarques liminaires à cinq minutes, cela nous laisserait beaucoup de temps pour les questions des membres du comité. Vous avez la parole.

M. James Chou (président, Taiwanese Canadian Cultural Society et Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association): Avons-nous assez de temps pour présenter la délégation de notre organisation et décrire brièvement celle-ci?

Le président: Oui, allez-y.

M. James Chou: D'accord. M. Chang a présidé TCCS il y a quelques années et je viens d'être élu président il y a dix jours. TCCS a été fondée et enregistrée au palier fédéral en 1991 comme organisation charitable sans but lucratif, avec la mission clairement définie d'aider les familles immigrantes récemment arrivées à s'intégrer rapidement et sans heurts à la société canadienne, au moyen de programmes d'aide et d'échanges culturels. TCCS est la plus grande organisation taiwanaise canadienne autofinancée du Canada, ayant vu le nombre de ses adhérents passer de moins de 50 la première année à plus de 2 300 membres.

Par le biais de plusieurs bureaux situés dans l'agglomération de Vancouver, TCCS organise des centaines de manifestations chaque année pour aider les nouveaux arrivants à s'adapter rapidement à leur vie nouvelle au Canada et à s'intégrer dans notre société. Les clients servis par TCCS englobent près de 60 000 Canadiens taiwanais résidant actuellement dans l'agglomération de Vancouver. En outre, TCCS organise ou participe chaque année à des centaines d'autres événements et activités, allant de tournées environnementales à des visites annuelles au Festival international des enfants de Vancouver, qui attire plus de 50 000 participants tant nouvellement arrivés qu'anciennement établis.

• 1830

Au cours des cinq dernières années, TCCS a participé activement à des consultations sur d'importantes politiques publiques, particulièrement dans les domaines de l'immigration, de la fiscalité et de l'unité. Nos positions et recommandations sont fondées sur les avis recueillis lors de nos propres réunions et discussions. Nous sommes résolus à faire en sorte que les positions exprimées par TCCS reflètent le consensus des membres et de la collectivité dans son ensemble.

Passons maintenant directement au projet de loi C-63. Avant de formuler une recommandation, nous tenons à signaler que nous sommes tous des profanes. Ni M. Chang ni moi-même ne sommes juristes et nous parlerons donc la langue des profanes.

Notre recommandation est en trois parties. Premièrement, nous estimons qu'une connaissance adéquate du Canada est impérative. S'agissant de la maîtrise de la langue anglaise ou française, nous recommandons que cette disposition soit conforme à l'esprit de la Loi sur l'immigration. Nous voulons signaler, par exemple, que dans le cadre du regroupement familial, les personnes âgées—celles dans la soixantaine et la septantaine—viennent ici et essaient d'apprendre la langue. Elles peuvent accumuler une connaissance adéquate du Canada mais avoir néanmoins de la difficulté à parler couramment l'anglais ou le français. Nous croyons savoir que le ministre peut les exempter de cette exigence, mais nous nous demandons avec quelle flexibilité le permis du ministre sera employé dans la pratique.

Le troisième élément, qui forme le coeur de notre intervention ici, intéresse la présence physique pendant trois années sur les cinq précédant la demande de citoyenneté. Nous recommandons l'ajout d'un pouvoir discrétionnaire limité sous forme de nomination de candidats par les provinces. Nous recommandons cela parce que les candidatures proposées par les provinces sont l'une des options de la Loi sur l'immigration actuelle.

Voyons cela d'un peu plus près. Ce que nous entendons par «pouvoir discrétionnaire limité» est que la loi devrait donner une latitude limitée, au titre de la disposition sur les candidats des provinces, d'attribuer la citoyenneté à des personnes ne remplissant pas la condition de trois années de présence physique en raison de circonstances inhabituelles. Il s'agirait là d'une citoyenneté sur invitation. La citoyenneté canadienne conférée au titre d'une candidature proposée par les provinces le serait sur invitation, et non sur demande.

Comment cela fonctionnerait-il? Le mécanisme du candidat des provinces s'appliquerait uniquement à la condition de présence physique, la candidature étant présentée et approuvée par une organisation sans but lucratif active et éminente, dont la crédibilité et la fiabilité pourraient être beaucoup mieux mesurées par le gouvernement local que le gouvernement provincial. Les recommandations faites par ces organisations communautaires sans but lucratif seraient fondées sur une participation active de l'intéressé aux services communautaires plutôt que sur le montant des dons financiers de la personne recommandée.

• 1835

Nos recommandations sont fondées sur la compassion et le principe fondamental de l'intégration active des nouveaux arrivants. Nous mettons l'accent sur leur participation à la société canadienne. Le partenariat avec des organisations sans but lucratif de la collectivité locale représente l'élément que nous considérons comme le plus important.

Nous considérons que ces changements encourageraient grandement les nouveaux arrivants à participer activement aux services communautaires et accéléreraient le processus d'immigration. Nous aimons l'idée de promouvoir la participation active aux organisations communautaires pour intégrer les nouveaux arrivants dans la société canadienne. Nous privilégions la qualité et la volonté d'une intégration réelle plutôt qu'un simple décompte du nombre de jours de présence physique—autrement dit 1 095 jours sur cinq ans. À notre avis, le seul nombre de jours de présence au Canada ne signifie pas grand-chose à moins que les immigrants soient réellement désireux de devenir de vrais Canadiens.

Je vous remercie.

Le président: Merci infiniment.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Bienvenue, messieurs. Bon après-midi.

En ce qui concerne la condition de résidence dans votre proposition, qui semble être l'élément principal de votre intervention, qui déterminerait que les conditions que vous préconisez sont remplies? Pourriez-vous nous expliquer comment le mécanisme fonctionnerait dans la pratique?

M. Pang L. Chang (conseiller de la Taiwanese Canadian Cultural Society et de la Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association): Merci.

Tout d'abord, il faut souligner que le nombre de jours de résidence est une façon de mesurer l'admissibilité. Nous pensons que l'esprit est également essentiel—nous voulons que les nouveaux Canadiens soient réellement Canadiens. En ce sens, nous pensons que la participation est très importante; dans certains cas, elle est probablement encore plus importante que la présence physique au Canada.

Par exemple, au lieu d'exiger trois années de résidence, on pourrait demander aux requérants d'effectuer 1 000 heures de travail bénévole dans la collectivité sur la période de cinq ans ou de trois ans. Autrement dit, 1 000 heures représentent à peu près une heure de service à la collectivité par jour. De cette façon, nous pourrions presque garantir que cette personne aurait une connaissance intime du Canada et ferait un vrai Canadien.

Les 1 000 heures ne sont qu'un exemple. Chaque collectivité ou organisation pourrait certifier le nombre d'heures que la personne a consacrées à la collectivité. Nous pensons que le gouvernement local, par exemple le gouvernement provincial, pourrait probablement effectuer une sélection. Il pourrait dire que telle organisation a une bonne crédibilité...

M. James Chou: De bons antécédents.

M. Pang Chang: Le gouvernement pourrait se fier à elle pour émettre le certificat disant qu'une personne a effectué x nombre d'heures. Je pense que ce serait efficace et que l'on attirerait ainsi des gens désireux de s'intégrer au Canada.

M. Leon Benoit: Ainsi, chaque personne ayant l'intention de demander la citoyenneté tiendrait un registre qui serait estampillé ou contresigné par les organisations bénévoles ou, mettons, les groupes communautaires admissibles désignés par la province.

M. James Chou: C'est juste. Par exemple, en ce moment, je crois—je ne suis pas sûr, mais je pourrais vérifier auprès des administrateurs—TCCS a un grand bassin de bénévoles. Nous avons le directeur des bénévoles... et l'un des bureaux administratifs tient un fichier indiquant les aptitudes de chaque participant, de chaque bénévole et les types de programmes auxquels ils voudraient travailler. Lorsque les bénévoles participent activement, nous tenons un registre au bureau indiquant les heures. Chaque fois que nous organisons une manifestation, le superviseur du groupe de bénévoles doit s'assurer que nous avons suffisamment de personnel et de ressources pour ce programme. À la fin de la manifestation, un certificat est établi pour chaque bénévole. On dresse une liste des bénévoles et de leurs heures pour les archives du bureau.

• 1840

Par exemple, ma fille a participé au Festival international des enfants de Vancouver. Ses heures d'arrivée et de départ sont documentées pour chaque année. À la fin du festival, un certificat lui est remis.

Je pense que l'on pourrait officialiser cette méthode de façon à la rendre plus crédible. Je ne sais pas techniquement comment cela fonctionnerait, mais nous proposons cela dans l'esprit de la participation. C'est un engagement, une obligation pour les nouveaux arrivants, non seulement de compter leurs jours de présence au Canada, mais aussi un effort conjoint. Comme je l'ai dit, c'est un partenariat entre l'individu et l'organisation. C'est une collectivité qui les accueille dans la société canadienne. C'est une grande famille.

M. Leon Benoit: C'est une idée très intéressante. Vous ne parlez donc pas vraiment de services communautaires, vous parlez de participation à la collectivité, ce qui est...

M. James Chou: Exactement. C'est la clé.

M. Pang Chang: Je crois que tout le pays est en faveur de cela. Nous voulons modifier la loi parce que nous voulons attirer des gens de qualité, des gens qui veulent devenir de vrais Canadiens. S'il s'agit seulement d'avoir trois années de présence physique sur les cinq dernières, je ne pense pas que ces gens deviendront mieux qualifiés ou deviendront de «meilleurs» Canadiens. Je pense que par le biais de cette participation, vous forcez les immigrants à s'intégrer dans la société générale et à fournir le service chaque fois qu'ils le peuvent. Une heure par jour, ce n'est pas facile. Si une personne peut maintenir cela pendant trois ans, c'est excellent. Dans mon esprit, cette personne est qualifiée pour devenir Canadienne. Ceci servirait à combler un manque de jours de présence.

Nous formulons cette recommandation du fait de la réalité économique du monde d'aujourd'hui. Nous en parlions avant cette réunion. Si j'étais un expert du génie pétrolier, de compétence reconnue dans le monde entier, et si je débarquais aujourd'hui et étais embauché par Husky Oil, qui m'envoyait en Afrique, et de poste en poste pendant dix ans et que, tous les trois ans, on me donnait un congé pour rentrer voir ma famille au Canada... Au cours de ces dix années, je n'accumulerais pas assez de jours, 1 095 jours, en l'espace de cinq ans pour devenir admissible à la citoyenneté, mais j'aurais travaillé pendant tout ce temps pour cette compagnie pétrolière canadienne, j'aurais appartenu, bien que travaillant à l'étranger, à une organisation canadienne, par exemple la Chambre de commerce canadienne. Qui alors peut contester que je n'ai pas d'attache avec le Canada? Si on me disait cela, ce serait un coup psychologique. Comment établir mon attachement? Simplement compter jusqu'à 1 095 ne signifie pas grand-chose sur le plan de l'attachement de la personne à ce pays.

• 1845

M. Leon Benoit: Vous pensez donc que les personnes qui répondraient à la condition que vous proposez feraient preuve d'un plus grand attachement au Canada que par leur seule présence pendant un nombre de jours donnés.

M. James Chou: C'est juste. Exactement.

M. Pang Chang: Juste en passant, si le gouvernement ou vous, les politiciens, estimez que le bénévolat dans une seule collectivité ne suffit pas, on pourrait peut-être modifier cette idée, ce concept, en disant que la personne doit faire du bénévolat sur trois ans au total, mais pour deux ou trois organisations différentes. Ce serait une bonne idée de donner à cette personne...

M. James Chou: Ce serait une sorte de contrepoids.

M. Pang Chang: Si ces deux ou trois autres organisations communautaires sont accréditées par le gouvernement, cela devrait nous donner une assez bonne image de la personne.

M. Leon Benoit: C'est une idée intéressante.

Le président: Très brièvement.

M. Leon Benoit: Êtes-vous préoccupé non seulement par l'exigence de 1 095 jours mais aussi par le fait que le candidat à la citoyenneté devra faire la preuve de sa présence dans le pays pendant ce nombre de jours?

M. James Chou: Non. Permettez-moi de préciser ma pensée. Je ne pense pas que ce soit une contrainte supplémentaire. Ce que nous voulons souligner c'est la qualité de la participation à la société canadienne. Autrement dit, lorsque j'ai donné l'exemple de l'ingénieur pétrolier, au cours de la période de cinq années il a pu n'avoir une présence physique au Canada que de deux ans. Il pourra faire état des deux années, mais ajouter la qualité de sa participation à la société canadienne telle que démontrée par ses chiffres de service communautaire, qui combleraient le déficit de journées. C'est la clé. Ce n'est pas une obligation en sus des 1 095 jours. C'est ce que nous essayons...

M. Pang Chang: C'est une façon différente de mesurer.

Le président: J'aimerais donner la parole à ce stade à M. Bryden.

M. John Bryden: Je vous remercie, monsieur le président. Je m'intéresse tout particulièrement à ce projet de loi. Si vous le permettez, j'aimerais poser quelques questions qui débordent un peu de votre mémoire. J'ai un peu l'impression que le serment de citoyenneté constitue un élément accessoire de ce projet de loi. J'aimerais avoir votre opinion, même votre opinion personnelle si vous voulez, sur l'intérêt d'avoir un serment de citoyenneté que doivent prêter les nouveaux Canadiens. Pensez-vous que c'est un outil précieux qu'il faudrait conserver?

M. James Chou: Je ne suis pas très bien votre question, je suis désolé.

M. John Bryden: Il n'y a pas de mal.

M. James Chou: Pourriez-vous la répéter?

M. John Bryden: Oui. Selon votre expérience, est-ce que la prestation d'un serment de citoyenneté, comme le veut le projet de loi, par les nouveaux Canadiens ou ceux qui demandent la citoyenneté est un élément important du processus? Le serment de citoyenneté est-il important, à votre avis?

M. James Chou: Oui.

M. John Bryden: Vous pensez donc que les personnes qui prêtent le serment devraient avoir quelque obligation de respecter les termes et les valeurs contenus dans ce serment? C'est l'expression d'un engagement?

M. James Chou: Très franchement, en tant que profane, la compassion, le coeur, est plus important que les mots. Ce que je ressens, l'engagement de mon coeur envers ce pays est plus important. Pour moi, le seul mot «Canada» signifie plus que tous les autres serments, tous les mots. Voilà ce qu'il signifie pour moi. Ce mot, «Canada», signifie beaucoup pour moi. Il signifie la compassion, il signifie l'humanité, la justice, l'égalité, la liberté, la démocratie, toutes ces choses. Vous pouvez l'exprimer en 50 mots ou en 500, ce que vous qualifiez d'engagement solennel, mais cela ne signifie pas grand-chose pour moi. C'est la personne, quand elle prête serment, qui dit: «Je suis loyal envers le Canada». Cela me suffit.

• 1850

M. John Bryden: Merci beaucoup. Votre réponse était très éloquente et j'aimerais m'attarder un peu sur le sujet.

Vous avez très bien décrit ce que c'est que d'être Canadien au Canada, et nombre des mots que vous avez employés ne figurent pas dans le serment. Ne devrions-nous pas, en tant que Canadiens, Canadiens naturalisés, Canadiens de naissance, en tant que citoyens qui aimons ce pays, essayer d'exprimer dans le serment de citoyenneté, à l'intention des nouveaux Canadiens, les valeurs que vous venez d'énumérer? Je dois vous dire que le serment du projet de loi est une reformulation d'un texte rédigé en Grande-Bretagne. Mais vous venez d'énoncer presque parfaitement ce que c'est que d'être Canadien. Aussi, ne devrions-nous pas, à votre avis, saisir cette occasion pour reformuler le serment de manière à dire aux nouveaux Canadiens ce que c'est réellement que d'être Canadien? Pourrions-nous apporter des améliorations à ce texte, selon vous?

M. James Chou: Encore une fois, je suis profane. Je ne sais pas si 50 mots ici ou 500 mots de plus feraient une différence pour moi. J'ai déjà exprimé mes sentiments, ma compassion, et si vous, messieurs, ou si les juristes pensent que les mots que j'ai employés sont meilleurs, plus importants que ces quelques mots-là, allez-y. Simplement, cela ne signifie pas grand-chose pour moi. Je n'essaie pas de discréditer ce libellé; ce qui compte, c'est l'esprit... Pour faire une analogie avec le monde de l'économie, le marketing, si les mots Canada, ou Sony ou IBM ou Microsoft signifient quelque chose, alors ce logo en soi vaut plus que 1 000 mots. C'est ce que j'essaie de dire.

M. John Bryden: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Bryden.

Je pense que nous allons passer à Mme Folco.

Mme Raymonde Folco: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis désolée d'être arrivée un peu en retard, mais je veux vous souhaiter la bienvenue à tous deux à notre réunion de cet après-midi, monsieur Wan et monsieur Chang. Je signale que j'ai passé, en compagnie d'autres membres de ce comité, une semaine dans votre pays d'origine, Taiwan, il y a 15 jours. Nous avons été extrêmement bien reçus par votre gouvernement et la population, et votre comparution ici cet après-midi représente un peu une continuation de la semaine que nous avons passée à Taiwan, du moins pour moi.

J'aimerais vous poser plusieurs questions. Vous y avez peut-être répondu pendant mon absence, mais je devais siéger dans un autre comité, et veuillez m'excuser si c'est le cas.

À la page 3 de votre mémoire, vous dites: «Il est impératif d'être citoyen pour se présenter à l'examen du service extérieur et travailler pour le ministère des Affaires étrangères». C'est probablement vrai, mais je ne vois pas le rapport avec la Loi sur la citoyenneté.

M. James Chou: Vous avez le mauvais.

Mme Raymonde Folco: Le mauvais?

M. James Chou: Ce que vous lisez est nouveau pour moi. Cela ne me dit rien.

Mme Raymonde Folco: La Taiwanese Canadian Chinese Cultural Society?

M. James Chou: Je n'ai apporté qu'une seule page et je l'ai faxée à Mme Sirpaul.

Mme Raymonde Folco: Excusez-moi. Désolée. Je retire ma question. J'ai dû prendre le mauvais texte et la question que je viens de vous poser, je la poserai à ceux qui vous suivront, qui représenteront la Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association.

Est-ce exact, monsieur le président?

Le président: Messieurs, excusez-moi.

Le prochain groupe de témoins sera Pacific Coast. Ceux que nous entendons sont la Taiwanese Canadian...

Mme Raymonde Folco: Excusez-moi, monsieur le président. J'ai un document sous les yeux, dont la première page est le mémoire. La deuxième page porte le nom de James Chou. La page suivante a votre nom dans le coin supérieur gauche, avec une adresse à Kingston dans le coin droit, et il y a là trois pages, signées par Tang Fang Wang et Mai Yao Chen. D'où cela vient-il?

• 1855

Encore une fois, mes excuses, messieurs. Je retire ces questions, car ce texte n'est évidemment pas de vous. Permettez-moi simplement de dire que j'ai eu un voyage très intéressant à Taiwan. Tous mes voeux vous accompagnent. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

M. James Chou: Je suis James Chou, pas M. Wong. Permettez-moi de clarifier la situation. Je suis désolé si je me suis mal expliqué tout à l'heure. Vous avez envoyé l'invitation à moi-même, James Chou, en tant que conseiller à la fois de TCCS et de TEIA, Taiwanese Entrepreneurs and Investors Association. Malheureusement, le représentant de TEIA n'a pas pu venir aujourd'hui. Nous sommes donc seuls. Je représente TCCS en ma qualité de président de l'association, et je suis également conseiller de la TEIA. Le président de cette organisation m'a demandé d'excuser son absence aujourd'hui. Mais ce que j'ai dit a été approuvé par le président de TEIA.

Mme Raymonde Folco: C'est à moi de m'excuser. Merci.

Le président: Monsieur McKay, vous avez la parole.

M. John McKay: Merci, monsieur le président, et merci de votre présentation. J'aimerais simplement explorer cette idée des 1 000 heures de service communautaire. Tout d'abord...

M. James Chou: C'était juste un exemple.

M. John McKay: Oui. Pour rester un peu sur cette idée, s'agit-il là d'une alternative à la condition de résidence?

M. James Chou: Exact. Par exemple, vous pouvez fixer deux années comme minimum. Mais si vous avez effectué x nombre d'heures de service dans la collectivité et avez été recommandé et approuvé par une organisation communautaire locale de bonne réputation, cette recommandation est transmise au gouvernement provincial. Celui-ci procède à la nomination par invitation. Ce n'est pas à la demande de l'intéressé.

M. John McKay: Vous recommandez donc l'ajout d'une latitude limitée appelée disposition de nomination provinciale. Expliquez-moi. Comment cela se passerait-il? Je suis de Taiwan. Je suis immigrant reçu. J'ai passé deux années ici, mais je vais et viens sans cesse. Mais j'ai effectué x nombre d'heures.

M. James Chou: Mais pendant les deux années, ce sera la qualité de la participation. Non seulement vis-je ici—je ne joue pas seulement au golf et ne mange au restaurant, mais je participe à des services communautaires comme les discussions d'urbanisme, les réunions du conseil municipal et aux services de ce genre; je participe à un festival d'enfants comme bénévole, j'aide les banques alimentaires. C'est ce genre de choses, toute cette sorte de services de qualité et de participation. Je pense que la politique de participation renforce la qualité de la citoyenneté.

M. John McKay: Je ne conteste pas la qualité du service qui serait donné à la collectivité. Je m'interroge sur cette disposition de candidat provincial. Je n'ai jamais entendu parler de cela. D'où cela vient-il?

M. James Chou: Évidemment, elle n'est pas dans le projet de loi. Mais si vous regardez la Loi sur l'immigration actuelle, il y a des programmes de candidats provinciaux qui permettent à la province de proposer un nombre... mettons 200, 400 par an pour l'octroi de visas d'immigration. Pourquoi pas? Pourquoi ne pas appliquer la même idée à la Loi sur la citoyenneté?

M. John McKay: D'accord, vous transférez donc cela de l'immigration à la citoyenneté. C'est cela que je n'avais pas compris.

Une dernière remarque est que moi aussi, comme d'autres députés, j'ai été récemment à Taiwan. Cela a été une visite extraordinaire. C'est notre plus gros bureau de visas et c'est quelque chose que les deux pays veulent encourager.

• 1900

La question que je me pose est celle-ci: lorsqu'un immigrant potentiel vient au Canada, particulièrement dans la catégorie des entrepreneurs ou investisseurs, dans quelle mesure se renseigne-t-il pour comparer les conditions de naturalisation en Australie, aux États-Unis, au Canada, c'est-à-dire avec nos «pays concurrents»? Dans quelle mesure fait-il une comparaison détaillée? Est-ce que les gens s'assoient et dressent un tableau avant de décider s'ils veulent devenir citoyens de l'Australie, plutôt que du Canada ou de Grande-Bretagne ou des États-Unis? Selon votre expérience, est-ce que les Taiwanais s'assoient vraiment pour comparer ces choses et déterminer où la naturalisation est la plus facile?

M. James Chou: Non, je ne pense pas. Je ne peux pas vous dire comment la majorité choisit son pays d'immigration. Je connais uniquement mon cas particulier.

Je suis arrivé ici en 1976. J'ai présenté ma demande depuis San Francisco. J'ai évalué toutes les options, rester aux États-Unis ou aller au Canada, comme tout le monde. C'est un processus d'évaluation que chacun fait dans sa tête, et ce peut être une comparaison très matérielle ou bien très spirituelle, mais la décision est très individuelle, et je ne pense pas que la Loi sur l'immigration ou la Loi sur la citoyenneté canadienne devrait prendre cela en considération. Désolé, mais j'estime que cela n'a rien à voir avec les lois dont le Canada veut se doter.

M. John McKay: À votre avis, est-ce que la personne qui vient au Canada se renseigne sérieusement pour savoir si la condition de résidence sera de deux ans, trois ans ou quatre ans?

M. James Chou: Je pense que oui. Il est logique que ce soit l'une des considérations. Si je suis cadre d'une société multinationale et ne sais pas où je serai le lendemain ou le mois suivant, je voudrai me laisser une certaine flexibilité, mais cela ne signifie...

Pour moi, oui, selon cet angle, on peut juger. C'est une simple équation du nombre de jours passés au Canada. Mais si vous ne prenez pas en compte la qualité de la participation à la société canadienne, alors les 1 095 jours ne signifient pas grand-chose.

Oui, c'est l'une des considérations... Si vous me posez la question, oui, je prendrais certainement cela en considération.

Le président: La parole est à M. Benoit.

M. Leon Benoit: Merci encore, messieurs.

Vous avez dit, cependant, que vous accepteriez une condition minimale de présence physique au Canada. Je sais que vous privilégiez plutôt la qualité de la présence et...

M. James Chou: Oui, je n'ai pas fixé de limite précise, mais cela ne signifie pas que je n'attache aucune importance à la présence physique ici. Mais est-ce que deux années doivent être le minimum, ou bien 18 mois, du fait du service communautaire? C'est l'esprit qui compte dans notre recommandation. Nous ne rattachons pas cette recommandation à un minimum strict de deux ans ou de 18 mois. Nous nous en remettons à vous pour cela.

• 1905

M. Pang Chang: Si je puis faire une remarque, nous pensons que c'est une façon de voir créatrice. C'est probablement nouveau pour vous, pour beaucoup de gens, mais nous essayons simplement de vous aider, ou le gouvernement, ou le pays, à attirer des gens qui veulent réellement devenir Canadiens, qui veulent venir au Canada. S'ils peuvent faire du travail bénévole, mettons une heure par jour pendant deux, trois ou cinq ans...

Il faut se poser la question suivante. Combien d'entre nous, Canadiens, effectuons 300 heures de travail bénévole par an? Pas beaucoup. Si une personne peut s'engager à effectuer tant d'heures de travail bénévole à travers le pays, dans différentes activités, je pense que cette personne en est une de valeur et que nous pouvons croire qu'elle veut réellement devenir Canadienne.

M. Leon Benoit: Croyez bien qu'un nombre énorme de Canadiens font plus de 365 heures de bénévolat par an. Je sais qu'une petite ville ne survit que grâce à la participation bénévole de ses habitants.

Je trouve que c'est une idée créatrice. Je pense que c'est intéressant, et qu'il vaudrait la peine de réfléchir à une combinaison de cela avec un minimum de présence physique. J'apprécie donc...

M. James Chou: C'est notre recommandation. C'est une latitude limitée. Elle est retreinte, elle est équilibrée et nous avons essayé de mettre en jeu le gouvernement local ou provincial dans ce mécanisme.

Nous savons que tout le monde craint les abus. Nous voulons réduire la possibilité que les organisations locales se laissent soudoyer par de simples dons en argent à formuler des recommandations. Nous avons reçu beaucoup d'encouragements à cet égard.

M. Leon Benoit: En votre capacité de membre d'une association qui traite avec les immigrants investisseurs, pensez-vous que la condition de trois années de présence physique présenterait un problème à de nombreux investisseurs immigrants?

M. James Chou: Oui, nous voyons quelques problèmes. Certains ont ce problème parce que leurs affaires les emmènent aux États-Unis, ou en Chine, ou à Hong Kong. Ils sautent d'une ville à l'autre et essayent de...

Par exemple, je suis comptable, et je suis tombé sur deux messieurs qui vendent des produits pétroliers canadiens, des lubrifiants, sous une marque privée. Ils ont déposé une marque de commerce privée, ce qui ajoute une valeur d'au moins 30 p. 100 aux produits que fournissent les grandes sociétés pétrolières canadiennes et pour conclure leurs ventes, vu que leur marché est en Asie du Sud-Est, en Thaïlande, en Indonésie, en Chine et à Taiwan, ils passent plus des deux tiers de leurs temps sur la route.

Si nous ne donnons pas la citoyenneté à ces personnes, je ne sais pas quels types de gens nous recherchons. Ils vendent des produits canadiens chaque jour que Dieu fait. Ils ajoutent de la valeur à notre produit et ils apportent une contribution économique énorme à notre société. Leurs familles sont ici; lorsqu'ils reviennent, ils participent à notre travail communautaire et offrent leur aide dans les banques alimentaires, dans les hôpitaux, les foyers de vieillards. Travaillant dans la collectivité avec ce genre de personnes, nous pensons avoir notre mot à dire dans ce processus.

M. Leon Benoit: D'accord. Je vous remercie.

Le président: J'aimerais poser quelques questions dans le même ordre d'idée.

Tout en admettant l'importance du bénévolat, du service à la collectivité, toutes ces choses, mais en les laissant de côté un instant, avez-vous une recommandation quant au nombre minimum d'années de présence physique qu'il faudrait prévoir pour avoir un système simple, indépendamment de la participation à la collectivité et de tout le reste?

• 1910

M. James Chou: Je ne suis pas qualifié pour faire ce jugement. À mes yeux, un an et demi est le strict minimum, peut-être deux. Je ne sais pas. On pourrait faire valoir toutes sortes d'arguments, mais je ne sais pas. Je ne connais pas non plus les arguments spécifiques pour ou contre.

M. Pang Chang: Pourrais-je demander une chose? Auriez-vous des statistiques sur la question que vous avez posée, ou savez-vous si le gouvernement a des statistiques à ce sujet?

Le président: Eh bien, nous sommes là pour nous renseigner auprès de vous. Nous pouvons rechercher ces renseignements plus tard. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous adhérez au concept? Pensez-vous qu'il faille une condition de présence physique dans le pays ou pas du tout? Si oui, de combien d'années. Sinon, dites-le.

M. Pang Chang: Eh bien, je dirais qu'un an serait le minimum.

Le président: Je vous remercie.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier tous deux de votre exposé et de votre contribution à nos délibérations. Merci encore.

M. James Chou: Merci.

Le président: Je pense que M. Mason Loh est là, assistant à une autre conférence et a jugé bon de comparaître en personne devant nous.

M. Loh est du Royal Pacific Real Estate Group. Je pense que vous avez entendu nos mots de bienvenue à tous les témoins; vous êtes tout autant le bienvenu et nous sommes ravis de vous voir en personne.

Là-dessus, vous avez la parole pour votre exposé liminaire.

M. Mason Loh (CR, Royal Pacific Real Estate Group): Je vous remercie, honorable président et membres du comité. Merci de me recevoir et de m'accorder le temps d'exprimer mes vues.

Permettez-moi tout d'abord de me présenter. Je me nomme Mason Loh. Je suis avocat généraliste à Vancouver et je suis également le président sortant de SUCCESS. Je crois que vous avez entendu plus tôt cet après-midi l'actuel président et le directeur exécutif de SUCCESS. J'aimerais saisir cette occasion pour présenter personnellement mes excuses au président. La dernière fois que vous étiez à Vancouver, je sais que vous avez rendu visite à SUCCESS, mais j'étais malheureusement en dehors de la ville. Je n'ai pas pu vous rencontrer, mais j'espère que l'organisation vous a fait bon accueil.

Le président: Je vous remercie.

M. Mason Loh: Je comparais aujourd'hui au nom de Royal Pacific Real Estate Group, qui est l'une des grandes agences immobilières de Vancouver, comptant plus de 200 agents. Elle s'intéresse à tous les aspects de l'immobilier, depuis la promotion immobilière, la gestion, la vente, la location—tout l'éventail. Puisqu'il s'agit d'une société travaillant dans le domaine de l'immobilier, j'espère pouvoir répondre à toutes les questions sur le volet affaires que vous pourriez avoir dans le contexte de ce projet de loi.

Je sais que vous avez reçu le texte de notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de vous le lire. Je suis sûr que vous êtes capables et disposés à le lire à loisir. Je n'ai pas l'intention de gaspiller votre temps de cette façon.

Le président: Vous avez raison, nous sommes des lecteurs rapides. Poursuivez, je vous prie.

Mme Raymonde Folco: Puis-je faire remarquer peut-être, monsieur le président, que le mémoire n'est présenté qu'en anglais. Je crois savoir qu'il n'y a pas de version française.

Le greffier du comité: Nous l'avons fait traduire.

Mme Raymonde Folco: Ah bon? D'accord. Merci beaucoup.

• 1915

Bien que mon collègue du Bloc ne soit pas là, je suis également francophone et je représente aussi le Québec, et j'aimerais moi aussi le lire en français. Je voulais simplement faire ce rappel.

M. Mason Loh: Certainement, je comprends.

Le président: Vous pouvez poursuivre.

M. Mason Loh: Puisque je ne vais pas lire le mémoire, je pense pouvoir faire mon exposé sans que vous ayez en main la traduction. Mon thème principal est énoncé dans le mémoire, mais mon exposé sera légèrement différent. J'aimerais me concentrer sur deux aspects, à savoir la résidence physique, à l'alinéa 6(1)b) et la connaissance des responsabilités et avantages et de l'une des langues officielles à l'alinéa 6(1)d). Je vais me limiter à ces deux éléments.

Premièrement, pour ce qui est de la résidence, je crois que la Loi sur la citoyenneté actuelle comporte une déficience et c'est pourquoi on veut la modifier. Mais le problème que je perçois n'est pas nécessairement le même que celui auquel le projet de loi veut remédier. À mon sens, le problème de la disposition relative à la résidence est son ambiguïté. La loi actuelle ne définit pas la résidence. Par conséquent, deux interprétations divergentes sont données par la Cour fédérale du Canada.

À mes yeux, c'est là le réel problème de cette disposition de la loi actuelle. C'est l'incertitude de la loi, car il n'y a pas d'appel possible contre les décisions de la Cour fédérale en matière de citoyenneté. Par conséquent, ce problème n'a jamais été résolu. Si vous considérez toute la jurisprudence de la Cour fédérale, elle hésite entre deux possibilités, si bien que les juges peuvent opter pour celle qu'ils préfèrent, c'est-à-dire décider que la présence physique est requise ou non.

Je crois savoir que l'introduction d'une obligation de présence physique ne vise pas nécessairement à lever cette incertitude, mais davantage, espère-t-on, à pousser les candidats à la citoyenneté à s'engager. Mais je pose la question: Pense-t-on que les Néo-Canadiens qui sont devenus citoyens au cours des 20 dernières années—je crois que cette disposition a été révisée il y a 20 ans et n'a pas été touchée depuis—étaient moins engagés envers le Canada que ceux qui sont arrivés il y a plus de 20 ans ou sont devenus citoyens canadiens il y a plus de 20 ans?

Je ne sais pas si c'est le cas. Vous avez peut-être des données que je ne possède pas, mais je pense que les gens deviennent citoyens canadiens parce qu'ils le désirent. Pour ce qui est de notre engagement envers le Canada, c'est quelque chose de très personnel, vous savez, mais j'ai l'impression qu'une fois qu'ils ont décidé de devenir citoyens canadiens, ils veulent faire partie intégrante de ce pays. C'est naturel. Pour quelle autre raison voudraient-ils devenir citoyens canadiens? J'ai donc un peu de mal à voir pourquoi on veut pousser les nouveaux Canadiens ou les immigrants qui veulent devenir citoyens à s'engager davantage.

J'imagine que la raison—nous pourrons peut-être en reparler tout à l'heure—est le phénomène de ce que l'on appelle les astronautes, les gens qui viennent dans notre pays, prennent la citoyenneté canadienne et puis ne séjournent guère chez nous, ou encore s'absentent très souvent, même avant d'être naturalisés. Il y a la perception qu'un certain groupe d'immigrants fait cela.

Peu importe que tel soit ou non le cas, voilà la perception—ce pourrait être vrai. Je ne sais pas quelle est l'ampleur du phénomène, mais il pourrait avoir plusieurs raisons. J'irai jusqu'à dire qu'il n'a peut-être rien à voir avec l'engagement envers le Canada ou son absence. Il pourrait y avoir quantité de facteurs en jeu expliquant pourquoi les gens voyagent et se déplacent. Ce peuvent être des raisons économiques, des raisons professionnelles. Ce peut être dû aux affaires ou lié à des investissements. Cela n'a peut-être pas grand-chose à voir avec l'attachement au Canada.

• 1920

Si nous imposions une contrainte de résidence physique, je ne suis pas certain que cela instillerait nécessairement plus de loyauté ou d'engagement envers le Canada ou de patriotisme, ni rien de ce que vous cherchez à accomplir. En revanche—j'essaie de deviner vos intentions—cela pourrait avoir des conséquences néfastes imprévues dans d'autres domaines.

Je suis heureux de pouvoir m'adresser à votre comité. Vous êtes le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Je sais que nous ne traitons pas aujourd'hui d'immigration, mais de citoyenneté, mais le fait que vous soyez un comité traitant à la fois de citoyenneté et d'immigration est très utile. Je pense que notre droit en matière d'immigration et de citoyenneté doit être cohérent car les deux sont liés. Les membres ont demandé tout à l'heure si les immigrants potentiels se renseignent sur les conditions d'obtention de la citoyenneté; oui, ils le font, car ces deux lois sont étroitement liées.

Notre loi sur l'immigration contient une disposition destinée à attirer des immigrants qui sont entrepreneurs, investisseurs et travailleurs indépendants. C'est là une catégorie très différente des immigrants que le Canada recevait avant l'introduction de ce programme il y a 12 ou 13 ans. Pendant très longtemps, le Canada a été édifié par des immigrants venant du monde entier, dont la plupart recherchaient un meilleur avenir économique pour eux-mêmes et leurs familles et leurs descendants. Mais je dirais qu'au cours des 20 ou 30 dernières années, nous avons vu des flux migratoires dans le monde entier qui ne sont pas nécessairement motivés par des raisons économiques. Ces migrants de déplacent pour des raisons politiques, pour échapper à l'instabilité politique dans de nombreuses régions du monde. Les considérations économiques n'entrent même pas en ligne de compte pour eux.

Je pense que lorsque nous avons introduit notre programme d'immigration des gens d'affaires en 1986 ou 1987, l'objectif était d'attirer au Canada des gens d'affaires susceptibles de contribuer économiquement. Ce programme a été introduit dans l'intérêt du Canada. Il semble que la modification proposée à la Loi sur la citoyenneté soit destinée à bénéficier au Canada. Mais est-ce que les résultats seront nécessairement bénéfiques pour le Canada? J'en doute.

Si le programme d'immigration des gens d'affaires est dans l'intérêt du Canada et si la refonte de la Loi sur la citoyenneté est au détriment du programme d'immigration des gens d'affaires, il faut se demander si la seconde est dans l'intérêt du Canada? Lequel des deux est dans le meilleur intérêt du Canada?

J'estime que cette condition de présence physique proposée est un fardeau suffisant pour nuire à notre programme d'immigration des gens d'affaires. Je dirais même qu'elle lui nuira encore davantage, car il y a déjà eu des modifications à ce programme et à d'autres politiques et lois canadiennes qui l'ont déjà entamé de toute façon.

Vous avez peut-être des chiffres plus récents que moi sur ce programme, tel que le nombre de gens d'affaires arrivés l'an dernier comparé à l'année précédente. À ma connaissance, 1985 était l'année de pointe, celle où nous avons reçu le plus grand nombre d'immigrants entrepreneurs, et les chiffres sont en baisse depuis. Je pense qu'ils ont considérablement reculé en 1988 par rapport à 1987.

Donc, ce programme est déjà menacé. Avec ces modifications de la Loi sur la citoyenneté, je crains beaucoup que l'on nuise encore plus à notre programme d'immigration des gens d'affaires. Si, tout compte fait, après toutes les autres modifications à la législation sur l'immigration, nous décidons, en tant que pays, que le programme d'immigration des gens d'affaires n'est plus nécessaire, que nous ne voulons que des réfugiés, que nous recevons suffisamment de réfugiés et d'immigrants indépendants ou de la catégorie familiale pour nous passer entièrement des immigrants gens d'affaires, très bien. Ce sera la décision que nous prendrons.

• 1925

Mais je ne pense pas que cette décision ait été prise. J'ai entendu le ministre et le gouvernement affirmer à diverses reprises que l'immigration des gens d'affaires est importante pour le Canada, que ces derniers contribuent avec leurs capitaux, leur réseau et leur esprit d'entreprise à édifier notre pays.

Je n'ai pas besoin de vous dire, à vous parlementaires et dirigeants politiques—vous en savez beaucoup plus que moi et j'essaie de me mettre à votre place—que vous gouvernez notre pays et que gouverner, c'est faire des choix et établir des priorités pour le pays. Je vous exhorte à réfléchir au problème que j'ai soulevé, aux priorités sur le plan de l'immigration et de la citoyenneté, à déterminer lesquelles comptent le plus et ce qui est dans le meilleur intérêt du Canada.

J'ai quelques suggestions précises à vous soumettre sur cette question de la résidence physique. J'aimerais réellement qu'il n'y ait pas de condition de résidence physique. Il suffit de préciser dans l'ancienne loi ce que l'on entend par résidence. Si résidence ne signifie pas la présence physique, définissons-la. Si un candidat à la citoyenneté canadienne n'a pas la résidence physique, quelles conditions doit-il remplir?

Je crois que la nouvelle disposition établit déjà certaines exigences, notamment la manière de prouver la résidence physique, mais peut-être pourrait-on ajouter d'autres critères pour aider les juges de la citoyenneté à prendre leurs décisions. Mais à défaut, si ce n'est pas une option, si le comité a déjà convenu avec le ministère que cette option est la bonne, que la résidence physique est impérative, j'aimerais faire une proposition.

Je reviens à la question posée aux deux témoins précédents: si la décision leur appartenait, quelle durée de résidence physique leur paraîtrait équitable? Pour moi, je dirais de la laisser à trois ans, 1 095 jours, sans fixer de limite au nombre d'années, trois ou quatre, ou plus, pendant lesquelles on peut les accumuler. Si l'argument est que la résidence physique au Canada aide quelqu'un à mieux comprendre le pays et à s'engager davantage, alors un séjour de 1 095 jours devrait accomplir cette fin, censément. Importe-t-il que ce nombre de jours soit accumulé en l'espace de trois ans, ou de cinq ans ou de sept ans? Ils auront passé plus de 1 000 jours au Canada. Est-il indispensable d'exiger que ce soit fait à l'intérieur d'une certaine période? Voilà l'idée que je vous soumets.

Je traiterais rapidement de la deuxième question: l'obligation de l'alinéa 6(1)d) d'avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, et ce dans les langues officielles. Si j'ai bien compris, les alinéas c) et d) sont deux conditions distinctes.

Premièrement, l'alinéa c) porte sur la maîtrise de la langue et l'alinéa d) sur la connaissance du Canada et des droits et obligations. Pourquoi mélange-t-on les deux? Pour quelqu'un qui parle suffisamment l'anglais ou le français pour fonctionner comme citoyen canadien, est-ce que le fait de savoir exprimer sa connaissance du Canada et des droits et privilèges en anglais ou en français fait nécessairement de lui un meilleur citoyen canadien?

On mélange les deux alinéas. Un alinéa porte sur la langue, très bien. Tenons-nous en à la connaissance. Considère-t-on que l'anglais ou le français des gens devenus citoyens au cours des 20 dernières années n'était pas suffisamment bon et que cela a posé un problème au Canada? Je n'ai jamais rien entendu de tel. Mais s'il y a des faits à l'appui de cela, je suis prêt à les entendre.

À mes yeux, rien n'était cassé, il n'y a donc rien à réparer. Vous êtes des politiciens occupés et vous avez beaucoup de choses dans votre assiette, telle que la Loi sur l'immigration et d'autres sujets. Cette disposition particulière n'est pas défectueuse.

Je pourrais vous parler de la difficulté d'apprendre une langue et tout cela, mais je ne le ferai pas. Je sais que le temps est compté.

Le président: Merci. Je vous remercie de cet exposé très lucide.

Je donne la parole à M. Benoit.

M. Leon Benoit: Merci de votre intervention, monsieur Loh.

• 1930

Ayant entendu ce que vous venez de dire, j'aimerais vous demander pourquoi, à votre sens, le ministre a inscrit cette condition de résidence dans le projet de loi.

M. Mason Loh: J'ai essayé de répondre à cela tout à l'heure. J'ai l'impression qu'il y a une perception qu'un certain nombre d'immigrants ces dernières années sont des astronautes, qu'ils n'ont pas passé suffisamment de temps au Canada avant d'être naturalisés...

M. Leon Benoit: Vous croyez donc que le ministre a cette perception?

M. Mason Loh: C'est une supposition. Je ne connais pas la vraie raison. La connaissez-vous?

M. Leon Benoit: Je ne sais pas. Je n'ai jamais eu d'explications. Le ministre n'a pas donné d'explications et, d'ailleurs, semble vouloir éluder la question.

M. Mason Loh: Je ne connais réellement pas l'explication.

M. Leon Benoit: Nous recherchons donc tous deux la réponse.

Vous avez dit combien cette condition de résidence pourrait rendre les choses très difficiles aux immigrants investisseurs. Bien entendu, ces derniers représentent un très petit pourcentage de l'immigration totale dans notre pays, extrêmement faible, autour de 1 p. 100, je crois. Préconisez-vous que la condition de résidence soit levée pour tout le monde ou bien que l'on fasse une exception pour les immigrants investisseurs? Que recommandez-vous réellement?

M. Mason Loh: Non, ce n'est pas ce que je recommande. Ce serait discriminatoire d'accorder un traitement spécial à une catégorie d'immigrants. Ce n'est pas mon idée. Je dis que le problème avec la disposition de résidence actuelle est son manque de clarté et que c'est pour cette raison que tant de cas ont été portés devant les tribunaux.

M. Leon Benoit: Vous dites donc qu'il faudrait clarifier la loi et qu'alors les tribunaux ne pourraient plus l'interpréter d'une manière autre que celle voulue.

M. Mason Loh: Exactement.

M. Leon Benoit: D'accord, c'est suffisamment clair. C'est ce que j'avais cru comprendre en vous écoutant, mais je voulais confirmation.

C'est intéressant, car votre recommandation à cet égard diffère de celle qui figure dans votre texte écrit, où vous parlez de trois années de résidence sur six, alors que dans votre exposé vous demandez pourquoi on a besoin de cela, ce que l'on mesure réellement et quel est l'objet réel de cette condition? Il est intéressant de voir l'évolution intervenue chez vous. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Mason Loh: Oui. Je vous remercie de votre sagacité. Il y a eu une progression dans ma pensée, je crois.

En réfléchissant à cette question, je me suis dit que la loi actuelle exige trois années sur quatre et que l'on projette de porter cela à trois années sur cinq mais avec obligation de présence physique. Ensuite, lorsque nous en avons parlé dans notre groupe, nous parlions de trois sur six, soit environ 50 p. 100. Nous sommes arrivés à ce chiffre après une comparaison avec d'autres pays—l'Australie, les États-Unis, Singapour—et trois sur cinq étaient apparemment la condition la plus rigoureuse de tous les pays d'immigration. Nous nous sommes donc dit que trois sur six, 50 p. 100, nous placeraient dans la médiane des autres pays.

Mais j'y ai ensuite réfléchi davantage. Réellement, cela fait-il tant de différence que ce soit trois années sur quatre ou cinq ou six, lorsqu'il s'agit d'instiller la canadianité à quelqu'un?

M. Leon Benoit: Avez-vous suivi l'exposé présenté juste avant le vôtre?

M. Mason Loh: Oui.

M. Leon Benoit: Que pensez-vous de cette idée d'avoir une condition de résidence minimale? C'était un peu de la part des témoins précédents une vente aux enchères descendante. Ils ont commencé avec deux ans lorsque j'ai posé la question; puis c'était un an et demi lorsque M. Pagtakhan l'a posée la première fois, puis un an lorsqu'il l'a posée une deuxième fois. Donc, ils optaient pour une exigence de présence physique continuellement en baisse. Mais ils ont recommandé une combinaison d'une certaine présence physique minimale, le restant de l'engagement envers le Canada étant prouvé par une combinaison de service communautaire et de simple participation à la société.

• 1935

M. Mason Loh: J'aime cette idée. Je la trouve créatrice. Néanmoins, je m'inquiète un peu, car nous savons que notre gouvernement est financièrement très prudent et je cherche à réduire les frais administratifs et tout cela. Lorsqu'il s'agit d'examiner chaque demande en détail pour voir exactement les activités du candidat, cela peut entraîner des frais assez lourds.

J'aime le concept et j'aime la créativité et l'élément discrétionnaire. En gros, je pense que ce serait une mauvaise chose de vouloir tout couper en deux et dire que si vous ne remplissez pas la condition de résidence physique de 1 095 jours, vous n'allez pas devenir citoyen canadien. Je ne peux simplement pas admettre ce genre de concept.

M. Leon Benoit: Mais si vous regardez le fardeau du ministère de l'Immigration, s'il doit vérifier toute la documentation fournie par les candidats à la citoyenneté pour prouver leur présence physique, cela aussi exigera beaucoup de temps et de ressources. Est-ce que le type de programme préconisé par les témoins précédents serait beaucoup plus lourd ou coûteux à administrer par le ministère?

M. Mason Loh: Je suis d'accord avec la première partie de votre question. C'est beaucoup de travail pour le ministère s'il doit passer à la loupe chaque dossier pour voir si l'intéressé remplit ses obligations. J'aimerais donc simplifier les choses, c'est-à-dire clarifier la loi et voir si le candidat remplit les conditions. S'il ne le fait pas pour des raisons valables, il peut les exposer et le gouvernement peut les considérer.

Je trouve cette proposition attrayante, à condition qu'elle n'engendre pas des coûts et un fardeau administratif très lourd. Mais je ne la vois pas comme quelque chose de grande envergure qui s'appliquerait à tous les immigrants. Cela causerait beaucoup de travail et de frais administratifs supplémentaires.

Le président: J'aimerais donner la parole maintenant à M. Bryden.

M. John Bryden: Merci. Vous avez commencé par faire observer, en gros, que les gens veulent devenir Canadiens parce qu'ils veulent devenir Canadiens. Nous admettons cela, car je pense que des gens dans le monde entier veulent devenir Canadiens parce que le Canada a de très nombreux attributs positifs.

Vous avez conclu en vous demandant pourquoi il y a les alinéas 6(1)c) et d). Vous sembliez dire qu'on aurait pu les fusionner.

M. Mason Loh: Non, désolé. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. John Bryden: Oh, excusez-moi, dans ce cas.

M. Mason Loh: Voulez-vous que je précise ma pensée?

M. John Bryden: Oui, allez-y.

M. Mason Loh: D'accord. J'ai dit que les alinéas c) et d) sont distincts pour des raisons précises.

M. John Bryden: D'accord.

M. Mason Loh: Ils sont distincts pour des raisons précises, car l'un traite de la langue et l'autre des connaissances.

M. John Bryden: Ce que vous avez dit est que si l'on connaît la langue, alors, à votre avis, on a aussi une connaissance suffisante des droits et privilèges. La connaissance de la langue permet la connaissance des droits et privilèges.

C'est très bien. Mais je vous signale que l'alinéa 6(1)d) exige «une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages», pas seulement des responsabilités et avantages.

Je vous demande donc, à votre avis—et je suis sûr que vous me répondrez oui et c'est bien—lorsqu'on demande la citoyenneté d'un autre pays on devrait être prêt à assumer les responsabilités qui accompagnent cette citoyenneté. Êtes-vous d'accord?

M. Mason Loh: Absolument.

M. John Bryden: Ne convenez-vous pas aussi—et c'est là où intervient la langue dans une certaine mesure—qu'il est nécessaire aussi de comprendre la nature de ces responsabilités? Ces responsabilités doivent être définies.

M. Mason Loh: Oui.

M. John Bryden: Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Mason Loh: Oui.

M. John Bryden: Vous n'avez rien contre? Je sais que c'est...

M. Mason Loh: Non, non.

M. John Bryden: Vous êtes donc d'accord. À cause de ce raisonnement, la loi devrait tout de même énoncer très, très clairement ce que sont les responsabilités de la citoyenneté canadienne. Or, l'une des choses qui me paraît manquer dans la loi telle que présentée est l'affirmation que l'une des responsabilités d'un Canadien est le respect des droits de la personne. Cela ne figure nulle part dans la loi. Ce n'est pas dans le serment. Nulle part.

J'espère que vous êtes d'accord avec moi. J'espère que vous ne m'en voulez pas de vous avoir manoeuvré un peu, mais dans le contexte de ce qui se passe dans l'ancienne Yougoslavie et de ce qui s'est passé au Ski Lanka, par exemple—et je pourrais faire un tour du monde—ne convenez-vous pas qu'être Canadien ne se limite pas, comme dans le texte du serment actuel, à défendre les droits et libertés du Canada?

En tant que Canadiens, nous devrions nous soucier du respect des droits humains partout, et cela devrait figurer dans la loi.

• 1940

Cela dit, voyez-vous quelque possibilité, ou serait-il approprié selon vous, d'essayer de reformuler le serment de façon à saisir cet élément? Avez-vous des idées là-dessus?

M. Mason Loh: Oui, je dois dire que j'aime de façon générale le nouveau serment proposé. On peut ergoter sur les mots, mais je l'aime car il cherche à saisir l'essence des valeurs canadiennes. Les droits de l'homme et la liberté partout dans le monde sont importants. Le libellé actuel ne parle que des droits et libertés de notre pays. Vous parlez d'élargir cela un peu pour englober la compassion canadienne...

M. John Bryden: Oui.

M. Mason Loh: ... pour le monde entier et toute l'humanité. Je suis tout en faveur de cela car je pense, étant Canadien, que j'aimerais voir le Canada défendre ses valeurs et ce sont celles que nous enseignons à nos nouveaux citoyens aspirants.

M. John Bryden: Je vais vous poser une question de plus et elle est difficile et vous pouvez y répondre comme vous voulez.

Elle est partiellement hypothétique. Théoriquement, nous pourrions modifier la loi de façon à faire état du respect des droits de la personne et c'est d'ailleurs ce que je vais proposer ultérieurement car j'y vois une grave omission. Je veux proposer cela pour une très bonne raison. Voici la situation hypothétique. Comme vous le savez bien, il est possible d'avoir la double citoyenneté, et comme vous le savez bien, il y aura des cas où des gens ayant la double citoyenneté pourront retourner dans leur pays d'origine et y devenir d'importants dirigeants politiques. Cela est arrivé dans plusieurs cas dans le monde.

Que se passe-t-il, je me le demande, si une personne qui a prêté le serment de citoyenneté exigeant le respect des droits de la personne... que se passe-t-il si cette personne repart à l'étranger, devient le chef d'État de ce pays et se livre au genre d'exactions que nous voyons dans l'ancienne Yougoslavie, à une épuration ethnique? Ne pensez-vous pas que c'est une chose à laquelle nous devrions réfléchir, en tant que parlementaires, à l'heure où nous considérons le serment de citoyenneté, considérons la double citoyenneté et la possibilité que quelqu'un prête le serment, disant qu'il a l'intention de respecter les droits de l'homme, puis repart à l'étranger et fait exactement le contraire? Dans ces circonstances, ne pensez-vous pas que nous devrions à tout le moins considérer cela comme un motif de révocation de la citoyenneté?

M. Mason Loh: Eh bien, c'est une question très profonde. Elle me plaît. Je suis en faveur de l'idée que si nous avons une personne comme celle-ci, une situation très précise comme celle-ci, que nous ayons le pouvoir, que notre ministre ait le pouvoir, de révoquer la citoyenneté canadienne.

Évidemment, en tant que Canadiens, nous adhérons également à la règle de droit. Il faut donc qu'il soit prouvé que cette personne a commis ces crimes. Nous ne pouvons pas dire simplement que nous nous joignons à un autre pays pour faire la guerre et que l'ennemi est donc coupable. Si c'était le cas, je serais moins d'accord, mais s'il y a une protection en droit et si l'un de nos citoyens fait quelque chose de terrible et enfreint le serment de citoyenneté qu'il a prêté, j'aime penser que nous aurions le droit de révoquer sa citoyenneté.

M. John Bryden: Je tiens à remercier le témoin de sa franche réponse, car il est rafraîchissant d'avoir des témoins qui n'ont pas peur de répondre à des questions inattendues.

Le président: Sur cette note, la parole passe à M. McKay, un autre avocat.

M. John McKay: Je veux tout d'abord vous remercier d'un excellent exposé, très réfléchi. Votre réputation vous a précédé. Vous avez dit ne pas savoir ce que font les politiciens. Eh bien, j'ai l'impression que vous en savez beaucoup et si jamais vous souhaitiez travailler le double du nombre d'heures que vous faites, pour probablement une fraction de votre salaire, je suis sûr que nous pourrions vous trouver une circonscription.

Nous préférons une carrière inspirante à toute autre.

• 1945

J'aimerais revenir au coeur de votre témoignage, soit les deux tendances contradictoires de la jurisprudence. Dans un cas, on tend à regarder s'il y a un attachement important au Canada, si bien que l'on peut fermer les yeux sur de longues absences. Dans l'autre cas, on applique plus rigidement la loi, autrement dit: vous étiez là ou non, un point c'est tout.

Le ministre a choisi la deuxième option, a prolongé la période pendant laquelle on peut se rendre admissible, et rendu les choses extrêmement simples. Soit vous remplissez la condition, soit vous ne la remplissez pas. J'ai l'impression, en partie—et c'est davantage une impression qu'une certitude—qu'on considère qu'une personne qui n'est pas physiquement résidente... et c'est le seul critère objectif que l'on puisse appliquer à un candidat citoyen, pour mesurer son attachement au Canada. Le reste est un peu nébuleux, mettons. Les Canadiens se sentent un peu offensés à l'idée que des gens font un investissement, ou déposent de l'argent ici, mènent leurs affaires comme à l'accoutumée à l'étranger et, à la fin de la période, ramassent leur investissement et leur passeport en même temps. D'aucuns pensent que cela dévalue la citoyenneté canadienne, que beaucoup considèrent comme la meilleure du monde.

En quoi votre proposition renforcerait-elle la notion que notre citoyenneté est la meilleure du monde et comment combattriez-vous l'idée que la personne naturalisée ramasse simplement une prime sur son investissement?

M. Mason Loh: C'est une très bonne question, monsieur McKay. Je me débats avec cette interrogation moi-même. Lorsque j'ai ce genre de dilemme, j'essaie de voir ce qui est dans le meilleur intérêt du pays. En tant qu'avocat, chers confrères, vous savez parfois qu'un bon argument entraîne de mauvaises lois. Nous ne savons pas combien de pommes pourries il y a. Est-ce que pour écarter les pommes pourries il faut faire une loi qui va nuire encore davantage à nos intérêts? Il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain.

J'essaie de réfléchir à une situation—s'il y a un problème, voyons d'abord quel il est. Quel est le problème, et ensuite quelle est la solution? Il ne faut pas réagir viscéralement à des perceptions. Si nous agissons inconsidérément, nous risquons de faire de nouvelles lois ou modifier la politique de manière encore plus dommageable. Voilà la borne que je me fixe. Je sais que je ne réponds pas directement à votre question...

M. John McKay: Mais vous nous aidez à réfléchir tout haut, ce qui est important aussi. Vous m'avez particulièrement frappé en disant que l'immigrant type dans notre pays a changé depuis 20 ans, n'étant plus principalement un migrant économique mais un mélange plus subtil de réfugié politique et de migrant économique. C'est un point auquel je n'avais pas réfléchi et qui est valide.

Dès que l'on commence à dériver vers cette sorte de choses, nous engendrons davantage d'ambiguïté, d'incertitude, et puisque nous accordons un statut, nous finissons dans une situation où nous aurons divers mécanismes pour déterminer si le statut est valide—des indices, vous savez.

• 1950

Avez-vous envisagé de transformer le fardeau de la preuve, pour ne plus se contenter de probabilités mais d'appliquer un critère plus rigoureux? Je sais que vous avez rejeté l'idée d'un traitement différent pour les divers types de visas. Donc, encore une fois, je vous invite à explorer cela d'un peu plus près, davantage sous forme d'un dialogue que d'une question.

M. Mason Loh: Je pense qu'il y a différentes options. Je confesse n'avoir pas beaucoup réfléchi à la meilleure solution. Je crois qu'il y a quelques solutions et que l'on en discute, mais je ne pense pas que ce projet de modification va régler le problème. De fait, il pourrait engendrer davantage de conséquences néfastes que le problème que nous essayons de régler.

M. John McKay: En gros, votre message est de ne toucher à rien. La mécanique est cassée, mais pas tant que cela, alors n'y touchons pas.

M. Mason Loh: Non, je ne dis pas qu'il ne faut pas y toucher; je dis qu'il faut clarifier. Si j'avais le choix, je définirais mieux la notion de résidence, mais sans la restreindre à la résidence physique.

Le président: Mme Folco a maintenant la parole.

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président. Il se trouve que j'aimerais rester sur ce sujet. J'ai plusieurs questions, et en particulier sur celui-ci.

Sur la question de la résidence, contrairement à ce que M. Benoit a affirmé tout à l'heure, la ministre nous a bien expliqué pourquoi elle a fixé la période à quatre ou cinq ans. Vous l'avez dit vous-même—il s'agit du sentiment d'identité de ces Néo-Canadiens et de leur engagement envers le Canada.

Je n'ai certes pas encore décidé dans mon esprit si ce devrait être quatre ans, cinq ans, ou même une période précise du tout. Ce que je constate chez les témoins qui ont comparu devant nous, vous y compris, est qu'il s'agit là d'un problème épineux en ce sens que nul n'a encore pu nous dire ce qu'il faudrait exiger sur le plan de l'engagement et de l'identification. C'est en partie parce que cela varie selon les types et catégories de personnes. Je pense qu'il faudrait quelque chose de plus élastique. C'est la seule conclusion que je puisse tirer et je vois que vous hochez la tête en signe d'accord.

M. Mason Loh: Oui, je suis d'accord avec vous, madame. C'est mon sentiment aussi. Vous savez, la loyauté envers un pays, l'engagement envers un pays est quelque chose de très nébuleux. Nous arrivons ici, nous voulons tous appartenir à ce pays et nous pensons qu'il est le meilleur du monde. C'est pourquoi nous sommes là, si nous sommes immigrants. Si nous sommes nés ici, la situation est différente.

Mme Raymonde Folco: Vous n'aviez pas le choix.

M. Mason Loh: Oui, encore que l'on puisse partir une fois qu'on est assez âgé, mais si on choisit de rester, on est manifestement convaincu que c'est le meilleur endroit où vivre, l'un des meilleurs endroits.

Je veux vous faire part d'une anecdote montrant ce que les gens pensent de la résidence physique. Je ne sais pas si vous avez entendu cette expression qui a cours dans les milieux immigrants. Je sais que M. McKay a demandé au témoin précédent si les gens prennent en compte la condition de résidence avant de choisir le pays vers lequel ils vont émigrer. Eh bien, l'une des expressions qui a cours dans la communauté immigrante est celle de «prison d'immigration».

Je traduis littéralement. En mandarin, c'est yeeminjian et en cantonais yeamankam. La traduction littérale est prison d'immigration. Cette expression est réservée à la condition de résidence que nous avons toujours eue—accumuler trois années sur quatre. En gros, quantité d'immigrants estiment qu'ils ont choisi de venir dans notre pays, qu'ils veulent s'y intégrer, mais que ces exigences, tel que compter les jours... Même avant que ce soit une contrainte de résidence physique, même avant, les gens trouvaient que c'était un réel fardeau que de devoir compter... Ils vivent ici, leurs enfants y vont à l'école.

Mme Raymonde Folco: Je suis d'accord avec tout cela, mais il ne faut pas non plus être naïf. J'ai travaillé pendant longtemps dans le domaine de l'immigration. Je crois même que dans mes fonctions antérieures j'ai eu le plaisir de vous rencontrer, par le biais d'Access. Il y a un certain nombre de personnes—je ne sais pas combien et voilà le problème, mais il y a un certain nombre de personnes—qui viennent au Canada non pour s'y établir mais parce que, du point de vue des affaires, c'est une bonne décision. Il y a un certain nombre de personnes qui font cela. Dans tout système, vous allez avoir des profiteurs et c'est le cas ici. Je ne dis pas qu'à cause de ces quelques personnes il faut changer toute la loi. Je pense que notre système est bon, et ma religion n'est pas faite sur la manière de... sauf pour cette élasticité, cette flexibilité; je ne sais pas.

• 1955

Il ne faut pas être naïf et il faut admettre que, parce que le Canada a un bon système d'immigration, beaucoup de gens viennent ici non parce que c'est un bon pays, mais parce qu'ils savent qu'ils pourront exploiter le système. Cela peut paraître étrange de la part d'un député siégeant de ce côté-ci de la Chambre, mais je peux vous dire que j'ai travaillé de nombreuses années dans le domaine de l'immigration, et vous savez, vous aussi, que ce que je dis est vrai.

Je sais, pour avoir parlé à beaucoup de gens en Colombie-Britannique, qu'il y a eu un problème pendant pas mal d'années avec les immigrants venant, par exemple—c'est un exemple—de Hong Kong lorsque c'était encore un territoire britannique, une colonie. La famille vient ici, la femme et les enfants restent ici, mais le père repart ou parfois le couple repart en laissant les enfants seuls ici, à un âge où ils n'auraient pas dû être laissés seuls.

Voilà donc le genre de problème avec lequel nous nous débattons. Voilà les personnes auxquelles je songe du point de vue de cette élasticité. Je n'aimerais pas voir ces gens repartir à Hong Kong, ou d'où qu'ils viennent, en se disant, voilà, j'ai garé mes enfants là-bas et je sais que je peux y retourner plus tard parce que j'y ai acheté une maison et y ai investi.

Il faut remédier à cette situation particulière, non seulement dans l'intérêt de notre citoyenneté canadienne, mais aussi, très franchement, dans l'intérêt des enfants abandonnés à eux-mêmes ou avec une gouvernante qui n'a aucune autorité dans la plupart des cas. Je ne sais pas si vous avez un commentaire là-dessus.

M. Mason Loh: Oui. Je conviens avec vous qu'il faut cette élasticité, cette flexibilité dans la loi pour faire face à diverses situations. Le changement proposé, très rigide, 1 095 jours sur cinq ans, serait très problématique. Il déclencherait toutes sortes de situations que je n'aimerais pas voir. Comme je l'ai dit, étant en contact avec la collectivité, j'ai suffisamment entendu d'exemples, de diverses parts. Comme vous le dites, la flexibilité doit jouer dans les deux sens.

Il y a deux types de personnes. Il y a celles qui abusent du système et il faut trouver un moyen de combattre cela. Ensuite, il y a les personnes pour qui, si elles étaient prises dans un système trop rigide, ce serait très injuste et très problématique. Je conviens donc avec vous qu'il faut avoir cette flexibilité.

Mme Raymonde Folco: S'il me reste encore du temps, et si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais poser une autre question qui m'est venue pendant la discussion. Il s'agit de l'anglais et du français, la connaissance de la culture canadienne et des droits et responsabilités.

Je suis convaincue—et je vais m'exprimer très prudemment car je sais que cela est une épine dans le flanc de beaucoup de gens—il importe que, pour qu'une nation ait une identité collective, d'avoir une ou plusieurs langues en commun. Cela n'enlève rien à la liberté des gens qui veulent parler une autre langue de le faire.

Par exemple, dans ma famille, nous parlons français. C'est la langue que nous avons en commun, mais nous avons également des membres de la famille qui parlent italien, yiddish, allemand, etc.

Bien qu'il y ait un élément individuel, il y a un élément national. Donc, lorsque vous avez dit, si j'ai bien compris—rectifiez si je me trompe—que vous ne considérez pas la langue comme, comment dire, quelque chose qui fait un meilleur ou un moins bon citoyen, je ne suis pas d'accord, car en fin de compte—et j'insiste sur «en fin de compte»—notre objectif en tant que Canadiens est d'avoir une ou deux langues en commun. Je m'exprime avec prudence, car nous savons que les immigrants de première génération ne parviennent souvent pas à cet objectif ultime, mais nous attendons que les deuxième et troisième générations le fassent, tout en respectant leur droit de conserver leur propre langue. Je ne suis donc pas d'accord avec vous sur l'importance de la langue.

M. Mason Loh: Oui, madame. De fait, je ne suis pas en désaccord avec vous. Je ne me suis peut-être pas exprimé clairement.

Ce que j'ai dit, à propos de l'alinéa 6(1)c), c'est qu'il y a déjà l'obligation pour un citoyen aspirant de pouvoir s'exprimer dans l'une des langues officielles. Cette disposition est bonne. Elle existait auparavant, et elle est reprise dans la nouvelle loi. Très bien, je n'ai pas de problème avec cela. Je suis tout à fait en faveur de cela.

• 2000

Le problème, je le vois dans l'alinéa 6(1)d), celui qui traite de la connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté. Là non plus je n'ai rien contre. Je suis totalement d'accord avec cela. C'est la phrase suivante, les mots ajoutés dans cette nouvelle loi, que je réprouve:

    est capable d'exprimer cette connaissance dans l'une des langues officielles sans l'aide d'un interprète.

C'est contre cela que je m'élève, car nous avons déjà une disposition disant qu'il faut avoir une connaissance suffisante de l'une des langues officielles pour devenir citoyen canadien. La connaissance du Canada et des responsabilités et avantages de la citoyenneté... du moment qu'une personne les connaisse, est-ce qu'il importe avec quelle maîtrise elle peut exprimer ces choses dans l'une des langues officielles? C'est la question que je pose.

Mme Raymonde Folco: Puis-je poser une dernière question, monsieur le président?

Le président: D'accord, mais faites-la très courte.

Mme Raymonde Folco: Elle sera très courte. Il s'agit de la baisse du nombre d'immigrants dans la catégorie des entrepreneurs. Nous savons qu'il y a eu un recul spectaculaire au cours des dernières années et j'ai essayé, dans mes conversations, de voir quelle en est la raison. Nous savons qu'il y a eu des changements politiques en Asie, particulièrement à Hong Kong, par exemple, et l'on pouvait donc s'attendre à ce que les chiffres atteignent un sommet, puis retombent. C'est ce qui est arrivé.

Nous savons également qu'il y a eu un marasme boursier, notamment au Japon, à Singapour et en Malaisie. Mais j'étais à Taiwan récemment et l'on m'a dit que la bourse n'y avait pas tant chuté, or le nombre des gens d'affaires taiwanais qui viennent au Canada est en recul.

J'aimerais savoir quelle raison vous attribuez à la baisse si brutale du nombre des gens d'affaires immigrants venant au Canada.

M. Mason Loh: Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un ensemble de raisons. Il est difficile de mettre le doigt dessus. Je sais que notre ministre a dit que c'est la crise financière en Asie. Je ne crois pas que ce soit la seule raison, ni même la principale.

Du fait que la baisse a commencé il y a deux ans, avant la crise financière en Asie, je pense que c'est dû à... En matière d'immigration, c'est toujours un phénomène de répulsion-attraction; il faut que les gens veuillent, pour quelque raison, quitter l'endroit où ils sont et qu'ils soient attirés par le lieu de destination, comme le Canada. Je pense que cela tient beaucoup aux événements dans le pays d'origine.

À Hong Kong, il y a une perception de stabilité avec le changement de tutelle, et les gens sont moins intéressés. Au Canada, nous avons un problème économique, surtout sur la côte Ouest depuis un an. Il y a deux ans, ce n'était pas si mal, mais aujourd'hui la crise sévit. Donc, les gens ne sont pas réellement intéressés à venir investir, particulièrement dans la catégorie des gens d'affaires, ceux qui ont les capitaux et sont intéressés à investir au Canada.

C'est donc une combinaison de facteurs, et c'est dû également à nos politiques. Vous savez peut-être que lorsque notre gouvernement annonce des modifications de notre politique d'immigration, cela fait très souvent les grands titres dans quelques pays d'outre-mer, comme Taiwan, Hong Kong ou autre. Donc, lorsque nous avons un changement de politique... certaines des politiques que nous avons proposées ou mises en oeuvre n'ont pas été perçues comme accueillantes. Si vous avez visité Taiwan, vous saurez de quoi je parle; je ne veux pas vous faire perdre votre temps.

Le président: Le président aimerait poser quelques questions.

Selon vous, est-ce qu'il y a une différence entre posséder une connaissance et la capacité de communiquer cette connaissance?

M. Mason Loh: Oui.

Le président: En quel sens?

M. Mason Loh: L'alinéa 6(1)c) exige une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada. Je crois savoir que cette connaissance est évaluée à la lumière des circonstances propres à chaque demandeur.

Par exemple, je crois savoir que l'on ne fait pas passer l'examen aux personnes ayant plus de 60 ans, car nous admettons qu'elles peuvent avoir de la difficulté à apprendre une langue à un âge si avancé. Si c'est une femme qui ne travaille pas en dehors du foyer, se consacre aux enfants, ses connaissances linguistiques ne seront pas aussi grandes que quelqu'un qui travaille à l'extérieur. Il y a donc un éventail de connaissances linguistiques et il faut appliquer ces règles aux candidats individuels avec la flexibilité dont parlait madame.

• 2005

Ma crainte concernant l'exigence faite aux candidats d'énoncer leurs connaissances du Canada et des droits, responsabilités et privilèges qui accompagnent la citoyenneté canadienne est qu'il s'agit là d'un obstacle supplémentaire à franchir pour les immigrants, sans que cela n'apporte grand-chose. Je crois savoir que l'examen de connaissances linguistiques, très souvent, est assez facile. Nous admettons que ces immigrants ont suffisamment appris la langue pour fonctionner dans notre société. Cette norme a été déjà établie, alors pourquoi la porter plus haut et exiger que les gens puissent exprimer...? Parfois, il n'est pas facile d'exprimer des concepts tels que les responsabilités, les privilèges et la connaissance du Canada.

Le président: Avez-vous une question à poser?

M. John Bryden: Lorsque vous aurez terminé, monsieur le président.

Le président: C'est pourquoi je vous ai posé la question. Je comprends votre argument, dans la mesure où il y a une différence entre les niveaux de connaissance requis dans les deux alinéas. S'il n'y a pas de différence, il n'y a pas de reproche à formuler. Exact?

M. Mason Loh: Oui.

Le président: D'accord. Nous allons donc déterminer cela.

En ce concerne la présence physique, j'ai réfléchi à votre exposé très lucide. Si vous considérez les programmes sociaux de notre pays, tels que l'assurance-maladie, un programme social très important, il n'y a pas de différence entre un citoyen et un immigrant sur le plan de l'accès.

En matière d'emploi, sauf peut-être dans les cas particuliers mettant en jeu la sécurité nationale, la citoyenneté n'est pas requise. Sur le plan de la mobilité à l'intérieur du Canada, vous êtes protégé, avec des droits égaux, que vous soyez citoyen ou immigrant. Mais s'agissant de charges électives, certainement au niveau fédéral et je crois aussi au niveau provincial, la citoyenneté est impérative.

Il y a donc un élément de hiérarchie, car la citoyenneté confère le droit de se porter candidat à une charge élective et de voter. Supposons qu'il n'y ait pas d'obligation de présence physique et que la personne absente se porte candidate à une charge élective. Avez-vous réfléchi à cela?

M. Mason Loh: Je vous renvoie la question. Si quelqu'un ne vit même pas ici, pourquoi voudrait-il se porter candidat à une élection?

Le président: C'est pourquoi je vous pose la question. S'il n'y a pas de condition de résidence physique—cette dernière étant la preuve d'un attachement—s'il n'y a pas de présence physique et si la personne a déjà la citoyenneté, théoriquement il suffira à cette personne, conformément au droit électoral, d'avoir résidé pendant six mois dans une circonscription donnée, ou quelque chose du genre. La seule condition de présence physique sera alors celle imposée par le droit électoral, avec un droit automatique de se présenter aux élections et même de voter.

M. Mason Loh: Je conviens qu'il est logique de réserver la vote et l'éligibilité aux citoyens canadiens. Si vous êtes citoyen, vous avez prêté serment de loyauté au pays. Ainsi, lorsque vous votez, vous songez à l'intérêt du pays ou, lorsque vous vous portez candidat, c'est pour servir au mieux le pays une fois élu. Je suis d'accord avec cela.

Mais avant l'acquisition de la citoyenneté, est-ce que cela importe réellement? Prenons votre exemple. Si c'est quelqu'un qui n'a pas déjà passé beaucoup de temps au Canada et est indifférent au pays—c'est votre postulat—pourquoi cette personne serait-elle candidate à une élection dans ce pays? Même si elle a quelque intérêt à cela, pour n'importe quelle raison—un motif caché, mettons—pour se présenter à une élection au Canada, le fait que la personne ne connaît pas le pays, ne s'étant jamais réellement engagée dans ce pays—entraînerait sa défaite de toute façon.

Le président: Il peut se passer toutes sortes de choses. Poursuivez, je vous prie.

Mme Raymonde Folco: Et le vote ethnique?

Le président: Monsieur Bryden.

• 2010

M. John Bryden: Si je puis rester sur ce sujet très brièvement, à votre avis, faudrait-il être tenu de prêter le serment de citoyenneté dans l'une des langues officielles du Canada, ou être autorisé à le prêter dans la langue de son choix?

M. Mason Loh: C'est une très bonne question. Je vois des avantages des deux côtés, mais tout bien pesé il est probablement plus important que cette personne comprenne le sens de ce serment, par opposition à la langue qu'elle utilise pour le prêter.

M. John Bryden: Dans ce cas, ne convenez-vous pas que si le serment définissait les responsabilités et privilèges d'un Canadien—ce que le serment est censé faire et qu'il ne fait pas suffisamment, à mon avis—est-ce que cela ne remplirait pas la condition de l'alinéa 6(1)d), la capacité de communiquer les responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, dans la mesure où le futur Canadien est tenu de réciter le serment soit en anglais soit en français? Dans ce cas, il saurait ce que contient le serment et remplirait les conditions de l'alinéa 6(1)d). Tout serait bien alors, n'est-ce pas?

M. Mason Loh: Absolument. J'adore cette idée.

M. John Bryden: Merci.

Le président: Là-dessus, je tiens à vous remercier de nouveau au nom du comité de votre excellent exposé, monsieur Loh.

M. Mason Loh: Merci, monsieur le président et membres du comité.

Le président: Nous avons un dernier groupe de témoins à entendre par vidéoconférence.

Le dernier témoin—vous voyez que nous sommes des parlementaires acharnés au travail. Nous invitons l'Organization of Professional Immigration Consultants. Soyez les bienvenus au comité. Nous entendez-vous?

Mme Katherine Manvell (directrice, Canada Ouest, Organization of Professional Immigration Consultants Inc.): Oui, je vous entends très bien.

Bienvenue depuis le centre de Vancouver, où nous avons en ce moment une merveilleuse floraison de jonquilles et de cerisiers.

Le président: Ravi de l'entendre. Désolé de cette demi-heure de retard, mais nous nous sommes laissés emporter avec certains des témoins ici.

Je vous souhaite la bienvenue, madame Katherine Manvell. Vous avez la parole.

Mme Katherine Manvell: Merci.

Monsieur le président et membres du comité permanent, bonsoir.

Je suis Kate Manvell et, au nom de l'Organization of Professional Immigration Consultants, je tiens à vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous au sujet du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

• 2015

De 1989 à 1994, j'ai siégé à plein temps comme juge à la Cour de la citoyenneté en Colombie-Britannique. Auparavant, j'ai été mariée à un député. Que pensez-vous de ces antécédents?

En 1994, je suis retournée dans le secteur privé et je dirige depuis un cabinet d'expertise-conseil privé. Je comparais ce soir en tant que directrice nationale et présidente de la région Ouest de l'Organization of Professional Immigration Consultants.

À ma connaissance, cela fait au moins 15 ans que le gouvernement fédéral parle de modifier la Loi sur la citoyenneté. Aujourd'hui, le projet de loi C-63 a eu deux lectures à la Chambre des communes avant d'aboutir en comité.

En 1994, lorsque le gouvernement libéral a fusionné les deux ministères, celui de l'Immigration et celui de la Citoyenneté, l'objectif était de rationaliser et rentabiliser la procédure d'attribution de la nationalité. À cette époque, la procédure administrative a été modifiée. Les demandeurs devaient dorénavant envoyer leurs demandes à Sydney, en Nouvelle-Écosse, au lieu d'être reçus par un agent de la citoyenneté. Des examens écrits étaient organisés pour les demandeurs, au lieu que les juges de la Cour de la citoyenneté reçoivent tous les candidats pour vérifier leurs connaissances de la langue et du Canada.

Prenons par exemple la cour de Vancouver: ces modifications ont fait tomber l'effectif de fonctionnaires de 32 employés à cinq et celui des juges de trois juges à temps plein et deux juges à temps partiel à quatre juges à temps partiel, aujourd'hui, à Vancouver. Les statistiques nous disent que le nombre de demandes traitées en 1998 était équivalent ou supérieur dans certaines régions au chiffre de 1994. Une différence importante est qu'un dossier était typiquement traité en 1994 en l'espace de cinq à sept mois, comparé à 1998 où le délai moyen était le double, 10 à 14 mois.

À mon sens, le projet de loi C-63 n'accomplira pas ce que le gouvernement vise avec ces nouveaux règlements. À mon avis, la nouvelle loi devrait exiger, sur le plan de la résidence, qu'un candidat signale les absences du Canada d'une durée de plus de six mois. Cela permettrait aux gens d'affaires de voyager sans devenir inadmissibles à la citoyenneté canadienne.

Si un résident permanent du Canada établit son foyer au Canada et a tous les documents nécessaires prouvant qu'il a maintenu sa résidence, importe-t-il réellement qu'il ait physiquement séjourné au Canada pendant 1 095 jours? Acheter une maison, payer ses impôts et élever ses enfants au Canada signifie certainement que l'on fait partie de la société canadienne.

Songez que, dans 20 ans, la génération qui suit celle du baby-boom sera moitié moins nombreuse. Cela signifie 50 p. 100 de Canadiens en moins pour acheter nos maisons et payer les impôts. Nous avons besoin de nouveaux immigrants et nous avons besoin de conserver les résidents permanents auxquels nous refusons aujourd'hui la nationalité canadienne, pour survivre.

Ne sommes-nous pas en contravention directe de la Charte des droits et libertés lorsque nous refusons à un membre d'une famille la nationalité canadienne parce qu'il ou elle choisit ou doit continuer à travailler à l'étranger ou à faire des affaires à l'étranger?

Cette loi peut et doit être au diapason du XXIe siècle. Les voyages internationaux, comme vous le savez tous, sont une réalité de la vie et le resteront. Je vous demande de réfléchir à ma recommandation que seules les absences de plus de six mois doivent être signalées dans la demande de citoyenneté canadienne.

L'OPIC, l'Organization of Professional Immigration Consultants, considère qu'un appel devrait être prévu contre une décision de révocation de la citoyenneté par la Cour fédérale. L'OPIC souscrit à la disposition octroyant la citoyenneté aux enfants adoptés, mais est fortement opposée à la rétroactivité du projet de loi C-63.

En ce qui concerne la transformation des juges de la Cour de la citoyenneté en commissaires à la citoyenneté, j'estime que ce poste est rendu redondant par le projet de loi C-63 et devrait être supprimé. La suppression du rôle quasi judiciaire qu'avait le juge de la Cour de la citoyenneté élimine également le rôle de la cour dans la naturalisation, laquelle devient un processus purement administratif, ce qui est l'objet du projet de loi.

• 2020

Aux termes du projet de loi C-63, la procédure sera réduite à une simple présentation de demande de citoyenneté canadienne. Après l'examen du dossier, on passe un examen écrit. Ceux qui réussissent un examen écrit reçoivent un avis de comparution. Ils prêtent le serment devant un agent de la citoyenneté et reçoivent leur certificat de naturalisation. Ceux qui ne réussissent pas l'examen se voient refuser la citoyenneté canadienne.

Les cérémonies de prestation de serment pourraient toujours être tenues le jour de la Fête du Canada, pendant la Semaine du patrimoine et lors de manifestations scolaires spéciales. Ces cérémonies pourraient être présidées par le député de la circonscription, des membres du Conseil privé ou des titulaires de l'Ordre du Canada.

Pour terminer, j'aimerais citer l'honorable juge Southin dans la cause Law Society of British Columbia c. Mangat, le 27 novembre 1998:

    On ne peut oublier en l'occurrence qu'à l'époque de la Confédération, les lois relatives à «l'immigration» étaient des lois destinées à aider les gens à venir au Canada, et non des lois, comme celles promulguées ultérieurement, pour les tenir à l'écart.

Il se trouve que la citoyenneté canadienne est l'aboutissement naturel du statut de résident permanent et, à ce titre, il convient de lui appliquer les mêmes principes.

Veuillez faire en sorte que votre travail, votre décision en tant que députés membres du Comité permanent étudiant le projet de loi C-63, soit une loi sur la citoyenneté au Canada qui garde les gens au Canada.

Je vous remercie.

Le président: Merci infiniment de cet exposé très concis.

Monsieur Benoit, vous avez la parole.

M. Leon Benoit: Bonsoir. Moi aussi, j'apprécie votre concision.

Tout d'abord, en ce qui concerne la résidence et la condition de résidence telle que prévue, vous craignez que cette disposition soit contraire à la Charte des droits et libertés. Je n'entrerai pas dans les détails, mais j'aimerais m'enquérir plus avant sur votre idée d'ignorer les absences de moins de six mois. Dans la pratique, est-ce qu'on ne reviendra pas ainsi en gros à l'ancienne loi, lorsqu'on considère l'application de la loi actuelle?

Mme Katherine Manvell: Selon la loi actuelle, toutes les absences doivent être déclarées. La nouvelle loi prévoit la déclaration de toutes les absences si vous étiez à l'étranger pendant plus de 1 095 jours dans une période de cinq ans. Si vous n'avez pas séjourné au Canada pendant une période de 1 095 jours, vous êtes inadmissible. La plupart des gens d'affaires internationaux font fréquemment la navette entre le Canada et l'étranger à l'intérieur d'une période de six mois, par exemple. Avec cette condition de six mois, on assurerait que les candidats ont leur maison ici et leur famille ici. Seuls seraient visés ceux qui sont physiquement absents du Canada pendant plus de 183 jours, c'est-à-dire les personnes auxquelles on pourrait légitimement refuser la citoyenneté parce qu'elles ne vivent pas au Canada. Ainsi, les gens d'affaires que la loi actuelle et le projet de loi disqualifient ne seraient pas pénalisés.

M. Leon Benoit: Votre principal souci est donc de ne pas pénaliser ceux qui voyagent beaucoup pour affaires.

Mme Katherine Manvell: Oui.

M. Leon Benoit: En ce qui concerne les différences d'application, vous dites que toutes les absences doivent être signalées aujourd'hui.

Mme Katherine Manvell: C'est juste.

M. Leon Benoit: D'après ce que j'ai entendu, ce n'est pas réellement une obligation, c'est appliqué assez souplement. C'est pourquoi je demande s'il y aurait réellement une grande différence entre l'application réelle de la loi actuelle et le projet de loi, si l'amendement que vous proposez concernant les six mois est apporté.

Mme Katherine Manvell: Je ne sais pas trop qui vous a renseigné. Ils ont obligation de déclarer les absences. S'ils ne le font pas et que leur passeport est vérifié ou qu'ils sont pris dans un contrôle de la qualité à la cour, ils pourraient avoir de gros ennuis. Les gens sont actuellement censés signaler toutes leurs absences.

M. Leon Benoit: Vous pensez donc que c'est assez strictement contrôlé.

Mme Katherine Manvell: Strictement? C'est un régime de confiance, comme avez beaucoup d'autres lois canadiennes.

M. Leon Benoit: Particulièrement lorsqu'ils font la navette entre le Canada et les États-Unis.

• 2025

Mme Katherine Manvell: Exactement. Je n'aime pas l'idée d'avoir des lois encourageant les gens à tricher. Le critère de six mois éviterait à beaucoup de gens de paniquer, craignant qu'on leur refuse la nationalité.

M. Leon Benoit: Votre reproche concerne-t-il seulement la difficulté à remplir cette condition de résidence? Ou bien avez-vous également des préoccupations concernant la difficulté pour le candidat à la citoyenneté à faire la preuve du nombre de jours de présence physique?

Mme Katherine Manvell: Désolée, je ne comprends pas bien votre question. Pourriez-vous la répéter?

M. Leon Benoit: Selon le ministre, il incombera au candidat à la citoyenneté de faire la preuve qu'il a physiquement résidé dans le pays 1 095 jours sur les cinq ans. Pensez-vous que c'est une preuve difficile à faire, particulièrement lorsqu'on traite des affaires aux États-Unis? Il est très difficile de prouver si vous étiez au Canada ou aux États-Unis, car on passe la frontière sans contrôle, la plupart du temps.

Mme Katherine Manvell: C'est impossible et le ministère ne peut imposer ou légiférer cela. C'est comme si Revenu Canada vous demandait vos avoirs partout dans le monde. Comment peut-on contrôler cela?

M. Leon Benoit: Vous dites donc qu'une autre difficulté est au niveau de l'application par le ministère de cette loi, si nous l'adoptons telle quelle.

Mme Katherine Manvell: Il ne le peut pas. Nous le savons. Il ne peut l'appliquer aujourd'hui, alors pourquoi ne pas la rendre un peu plus souple pour l'adapter à ceux qui vivent légitimement ici? Ce critère de six mois résoudrait certainement ce problème.

M. Leon Benoit: C'est une déclaration réellement importante que vous faites en disant que le ministre ne pourra pas appliquer la loi qu'elle propose.

Mme Katherine Manvell: Comme vous l'avez dit, on peut circuler à sa guise entre le Canada et les États-Unis. Pour aller à Vancouver, ils peuvent passer par Seattle et franchir la frontière après un séjour d'un an ou deux à l'étranger. C'est possible. Comment puis-je vous prouver matériellement que j'ai séjourné ici toute l'année dernière? La ministre ne le peut certainement pas, à moins qu'elle mette un agent de la GRC devant ma porte pendant 1 095 jours.

M. Leon Benoit: C'est une préoccupation que j'ai exprimée au sujet de cette partie de la loi, mais les députés d'en face et le ministre prétendent qu'ils peuvent le faire, qu'ils vont trouver un moyen.

Mme Katherine Manvell: Eh bien, je peux vous dire que...

M. Leon Benoit: Ils ne peuvent pas.

Mme Katherine Manvell: Non.

M. Leon Benoit: D'accord, je vous remercie.

Vous avez dit clairement que, du fait que le rôle actuel de ces juges, qui est substantiel, sera confié au ministère, ce poste devrait être entièrement supprimé. Cela paraît rationnel.

Mme Katherine Manvell: Pourquoi le conserver, sinon pour offrir quelques sinécures à ses amis? Il y a toujours un fossé, il y en avait un lorsque j'étais à la cour, entre les fonctionnaires et les juges nommés sur décision politique. Avec ces changements, ils ne sont plus nécessaires.

Je pense que l'on pourrait néanmoins tenir des cérémonies, car le bureau de la citoyenneté subsistera pour les organiser. Je pense que nul n'est mieux placé qu'un député ou les membres du Conseil privé ou de l'Ordre du Canada si l'on veut tenir des cérémonies dans les écoles.

M. Leon Benoit: Ou bien ce pourrait être des élus locaux, les maires des villes. Il y a là quantité de bonnes idées.

Vous nous apportez quelques perspectives très intéressantes. Vous avez été juge de la citoyenneté; le projet de loi propose de confier cette responsabilité au ministère. Quel système fonctionnerait le mieux et serait le plus efficient? Lequel préférez-vous?

Mme Katherine Manvell: Désolée, quelle largeur d'analyse demandez-vous d'effectuer?

M. Leon Benoit: Aussi large que vous le voulez.

Mme Katherine Manvell: Après avoir travaillé dans le système pendant dix ans et plus, je pense que le plus gros problème est la condition de résidence. Comme nous le savons d'après les statistiques, 90 p. 100 et quelque des demandeurs n'ont pas de casier judiciaire et ne présentent pas de problème. Les dix autres pour cent ont un casier, ne parlent pas anglais ou ont moins de 60 ans et ne réussissent pas l'examen écrit. Le gros problème actuellement est la condition de résidence pour les gens d'affaires internationaux qui se déplacent souvent. Je pense que c'est la principale doléance. Si je devais changer quelque chose à la loi, c'est cela que je modifierais.

• 2030

M. Leon Benoit: En ce qui concerne les diverses modifications apportées aux règles d'adoption, représentent-elles une amélioration ou bien avez-vous des réserves?

Mme Katherine Manvell: Non.

M. Leon Benoit: Vous trouvez que ce sont des changements utiles?

Mme Katherine Manvell: Oui, et le groupe OPIC y souscrit également, comme je l'ai dit.

M. Leon Benoit: Tous?

Mme Katherine Manvell: Il faudrait que je vérifie. Je n'ai abordé ici que les grands éléments car je savais ne disposer que de sept minutes et je n'ai donc pas l'avis du groupe OPIC sur toutes les dispositions.

M. Leon Benoit: Un changement, en particulier, appliquerait le droit canadien en matière d'adoption, au lieu de s'en tenir aux lois en la matière du pays d'origine. C'est un sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises. J'aimerais connaître votre réaction.

Mme Katherine Manvell: D'accord, si vous voulez le savoir, je suis totalement d'accord avec ce qui est proposé et je suis sûr que les membres de l'OPIC partagent mon avis. Je sais pouvoir dire en leur nom que c'est une bonne idée. S'il y a des abus dans le système, cette mesure les fera certainement disparaître.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

Le président: Madame Folco.

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup. J'aimerais réagir à ce que vous avez dit. Tout d'abord, je trouve les six mois un concept très intéressant. Pour la première fois, du moins selon mon expérience, j'entrevois la possibilité de sortir de ce dilemme consistant à déterminer si ce devrait être x jours en trois ans ou x jours en quatre ans ou autre chose. C'était une réelle épine dans notre flanc et dans celui de nombreux témoins qui ont comparu ici.

Il est vrai que nous travaillons dans un régime de confiance. Il est vrai qu'avec nos lois canadiennes nous avons coutume, comme on dit en français, de donner la chance au coureur. Autrement dit, nous faisons confiance jusqu'à ce que nous ayons la preuve que ce n'est pas mérité. Mais, concrètement, comment fonctionneraient les six mois? Si je veux partir et ne pas dire au ministère que je suis partie pendant six mois, voyez-vous une méthode, que ce soit la vérification des passeports ou—je n'aime pas l'idée—l'établissement de cartes d'identité ou de choses comme cela pour vérifier les allées et venues des candidats à la citoyenneté? Voilà ma première question.

Mme Katherine Manvell: Quel que soit le régime adopté, il y aura toujours un petit nombre de cas d'abus et, oui, on pourra toujours contourner ma condition. Mais cette période de six mois serait destinée à ceux qui disent la vérité ou qui n'ont pas présenté de demande parce qu'ils ne répondent pas aux conditions. Cela leur permet d'être naturalisé.

Par exemple, cela n'enrayera pas les abus qui peuvent déjà exister, tels que l'utilisation de faux passeports pour transiter par les États-Unis, mais cela donnerait la citoyenneté canadienne à des milliers de gens qui, à mon avis, ont effectivement leur résidence chez nous.

Mme Raymonde Folco: J'aime beaucoup l'idée et pour la raison que vous avez dite: parce que cela permet aux gens de bonne foi de respecter la loi sans rencontrer de difficultés.

Ma deuxième question intéresse la cérémonie de citoyenneté. Nombre des députés auxquels j'en ai parlé m'ont dit déplorer, les fois où ils ont assisté à une de ces cérémonies, l'absence, justement, de cérémonial, en partie parce qu'il n'y a pas là de juge ou une autre personnalité. Voilà un problème.

L'autre problème, tout en appréciant l'idée d'avoir des députés—ou d'autres élus—assistant à la cérémonie... Je suis du Québec. Il se trouve qu'au Québec nous avons un grand nombre de députés qui n'aiment pas la citoyenneté canadienne. Si je regarde les choses concrètement, je me dis que je serais ravie de faire ce travail. J'aimerais cela.

• 2035

Je suis de Laval. Il y a trois circonscriptions. L'une est libérale et les deux autres sont bloquistes... Puis-je être certaine que les deux autres députés qui représentent le Bloc Québécois rendront justice à une cérémonie de remise de la citoyenneté canadienne avec tous les honneurs? J'y vois un gros inconvénient, pas sur le plan du principe—j'aime le principe—mais sur le plan concret. Je ne sais pas si vous avez une réaction à cela.

Mme Katherine Manvell: Très rapidement, qu'il s'agisse d'un membre de l'Ordre du Canada ou du Conseil privé ou d'un député ou, comme de mon temps, des juges, certains font un meilleur travail que d'autres et il en sera toujours ainsi. J'espère sincèrement qu'un jour il n'y aura plus de Bloc Québécois au Québec. Ce n'est pas une déclaration partisane. J'espère que nous pourrons tous très bientôt croire en la citoyenneté canadienne.

Mme Raymonde Folco: Eh bien, pas demain matin, c'est sûr. Merci beaucoup.

Mme Katherine Manvell: Il n'y a pas de quoi.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Merci, monsieur le président. Puis-je vous demander à quelle période vous étiez juge de la citoyenneté? Quelles années?

Mme Katherine Manvell: De 1989 à 1994.

M. John Bryden: Je suis très intéressé par l'article traitant de la cérémonie. L'alinéa 33(2)b) stipule que le commissaire à la citoyenneté doit «faire prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité». Je pense comme ma collègue. Je trouve qu'il y a eu une énorme érosion de la cérémonie et de son caractère sacré ces dernières années.

Le Canada est le seul pays d'immigration à avoir éliminé Dieu de son serment de citoyenneté. Les États-Unis ont une invocation de Dieu—de même que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne et tous les autres. Pensez-vous que l'on pourrait renforcer le caractère solennel de l'occasion, comme le prévoit le projet de loi, en ajoutant quelque référence à Dieu dans le serment? Pour votre gouverne, cette mention a été supprimée en 1973.

Mme Katherine Manvell: C'est très difficile, car nous ne sommes plus uniquement une population chrétienne au Canada. En tant que juge de la Cour de la citoyenneté présidant sur 25 000 personnes...

M. John Bryden: Permettez-moi de vous arrêter. J'ai dit Dieu, je n'ai pas parlé de Dieu chrétien.

Ma prochaine question est celle-ci: avez votre expérience de juge de la citoyenneté, les gens d'autres pays, qu'ils soient hindouistes ou musulmans ou autre chose, lorsqu'ils rencontrent le mot «Dieu», ils songent sûrement à leur Dieu. Ils ne songent pas à un Dieu chrétien particulier.

Voudriez-vous répondre de nouveau selon cette optique? Pourrait-on réintroduire quelque mention de Dieu dans le serment de citoyenneté et cela serait-il significatif pour ceux qui viennent d'autres pays?

Mme Katherine Manvell: Vous avez raison, et je vous demande de m'excuser. Vous m'avez bien reprise. Évidemment, tous mes amis musulmans et bouddhistes... Tout le monde dit «Dieu merci». Chacun a son Dieu. Il n'est pas nécessaire que ce soit un Dieu chrétien. Merci de m'avoir reprise.

Oui, j'allais dire que pour les 25 000 personnes que j'ai eu l'honneur d'assermenter, aucune ne s'est plainte du serment, ni de l'allégeance qu'il fallait jurer au pays. La majorité d'entre eux disent que lorsqu'ils s'installent dans notre pays, ils en acceptent les qualités et les normes. Je n'ai rien contre la réintroduction de cela, mais je dois dire qu'il n'y a pas eu de problème depuis 1973.

M. John Bryden: Permettez-moi d'expliquer. J'essaie de voir votre réaction. La raison pour laquelle c'est important est que nous vivons aujourd'hui dans un monde où les nouveaux Canadiens sont souvent déchirés entre leur ancienne patrie, dont ils conservent souvent la nationalité, et dans laquelle se déroulent des conflits, des conflits ethniques qui les déchirent. Si nous réintroduisons Dieu dans le serment, à votre avis, cela n'améliorerait-il pas, même marginalement, leur sens de la responsabilité envers le serment qu'ils prêtent, si on établit un lien avec le Dieu de leur religion? Est-ce que cela apporterait un tout petit quelque chose?

Mme Katherine Manvell: Je suis d'accord, mais j'aimerais ajouter rapidement que lorsque nous parlons de serment et de dignité et de rétablir le caractère solennel, l'époque d'une bonne cérémonie de la citoyenneté est révolue, car vous avez raison, sans la GRC en uniforme, la tunique écarlate, et un juge en robe, vous perdez tout le côté cérémonial. Désolée, c'est devenu tellement terne, à mon sens, que c'est comme faire estampiller un passeport.

• 2040

Donc, honorables membres du comité, il vous incombe de prendre ces décisions et de voir si vous voulez aller aussi loin. C'est le moment de le faire. Sinon, ce sera un processus administratif.

Actuellement, à Vancouver, on fait prêter serment à 500 personnes à la fois. Des gens me disent qu'à partir du quatrième rang ils n'entendent même pas le serment.

Donc, si la cérémonie va être tellement délayée, sans les cours, il n'y a aucune raison pour laquelle un fonctionnaire ne pourrait pas faire prêter serment à quelqu'un individuellement, car ce n'est plus une cérémonie intime, personnelle.

M. John Bryden: J'ai donc raison de penser que le serment a été ajouté dans ce projet de loi comme quelque chose d'accessoire, et que l'on n'a pas cherché sérieusement à l'améliorer, le modifier, le rendre plus significatif. Merci beaucoup de vos remarques.

Mme Katherine Manvell: Merci.

Le président: J'aimerais poser une question et nous rendrons ensuite la parole à M. Benoit.

Vous avez fait allusion à la discrimination potentielle, contraire à la Charte des droits et libertés, dont souffrirait un membre de la famille se voyant refuser la nationalité pour cause d'absence physique. Puisque vous avez mentionné la Charte des droits et libertés et qu'au Canada nous semblons hésiter à faire état de Dieu, je rappelle que dans le préambule de la Charte des droits et libertés on invoque la suprématie de Dieu et de la règle de droit comme fondement des libertés. C'est en plein dans la Constitution du Canada et je me demande pourquoi nous hésitons parfois à invoquer Dieu alors que sa mention figure dans la Constitution du Canada. Ai-je raison?

Mme Katherine Manvell: Tout à fait.

Le président: Merci infiniment.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: J'ai encore une question pour vous. Vous avez été juge de la citoyenneté pendant cinq ans, environ. Vous avez dû vous faire une bonne idée pendant ce temps des problèmes que pose la Loi sur la citoyenneté actuelle. Sur le plan de la résidence, j'aimerais que vous me disiez, ou peut-être deviniez, pourquoi la ministre a mis dans le projet de loi les conditions de résidence que nous y voyons.

Mme Katherine Manvell: Je serai parfaitement franche. Qu'il s'agisse d'immigration ou de citoyenneté, il y a aujourd'hui une tendance à serrer la vis et ce n'est pas seulement les membres de ma profession qui le disent. C'est pourquoi j'ai cité le jugement de novembre de madame la juge Southin ici, à Vancouver. Je suppose que si vous rendez les choses un peu difficiles aux gens, cela continue à faire tourner le système, l'administration. Mais je ne pense pas que l'on puisse, d'une part, séduire les gens à venir dans notre pays, comme immigrants entrepreneurs ou indépendants, et ne pas leur permettre de devenir citoyens canadiens autrement qu'en trichant ou mentant.

M. Leon Benoit: Pensez-vous que les conditions mises en place par ce projet de loi obligeraient les gens à tricher et à mentir pour répondre aux exigences?

Mme Katherine Manvell: Oui, sur le plan de la résidence.

M. Leon Benoit: Je veux dire, sur le plan de la résidence. Merci beaucoup. J'apprécie réellement votre franchise.

Le président: Madame Folco.

Mme Raymonde Folco: Monsieur le président, je manquerais à mon devoir si je n'ajoutais pas un ou deux grains de sel aux déclarations des membres de mon propre parti.

Pour ma part, pour ce qui concerne le serment et la mention ou l'absence de Dieu dans le serment, venant du Québec, où nous avons le choix lorsque nous comparaissons au tribunal de soit placer notre main sur la Bible soit de faire une déclaration solennelle, sur l'honneur, c'est un choix que nous avons. Je ne pense pas que l'existence de ce choix enlève au sérieux du témoignage ultérieur que nous donnons en tribunal.

Mon propos s'adresse en partie à vous, mais surtout à mon collègue. Tout en respectant la foi des autres en Dieu, et je la respecte hautement, je tiens à ce qu'autrui respecte mon refus d'invoquer Dieu dans une déclaration. Je veux faire ma déclaration en tant que personne de bonne foi et comme citoyen futur, si je prends la nationalité. Ma position est claire.

• 2045

M. John Bryden: Rappel au règlement, monsieur le président. Nous n'avons pas à débattre ici, nous posons des questions aux témoins. Je trouve les propos de madame Folco, qui visent les miens, irrecevables. Nous pourrons avoir cette discussion en privé ailleurs.

Mme Raymonde Folco: J'allais poser une question, si vous permettez.

Le président: Parfois le président laisse le champ à l'imagination.

Allez-y, madame Folco.

Mme Raymonde Folco: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous aurons certainement ce débat un de ces jours, car cela me tient très à coeur.

Ma remarque est pour dire, s'il est question de la Charte des droits et libertés, que les droits des personnes qui ne veulent pas invoquer le nom de Dieu, qui ne croient pas en Dieu—et ces gens existent—doivent être respectés. En ne mettant pas le mot «Dieu» dans une telle déclaration, on respecte le droit de ceux qui ne veulent pas invoquer le nom de Dieu.

J'aimerais avoir votre réaction à ce sujet.

Mme Katherine Manvell: Vous voulez que je saute dans l'arène pour vous départager tous les deux?

Mme Raymonde Folco: Non. J'ai simplement trouvé que l'on vous menait en bateau. Je voulais vous montrer qu'il y a plusieurs bateaux.

Mme Katherine Manvell: Désolée, mais je suis une personne très spirituelle, et j'opte donc pour A. J'aime l'idée de Dieu. J'ai de nombreux amis musulmans et bouddhistes, tout ce que vous voulez. Dieu revient souvent dans leur conversation.

Néanmoins, très rapidement, lorsque j'étais juge de la citoyenneté, la Société biblique canadienne distribuait le Nouveau Testament, mais ceux qui voulaient prêter serment sur le Coran ou autre chose pouvaient le faire. Les ouvrages religieux étaient toujours fournis. À un moment donné, on les a enlevés. Il n'y a jamais eu de tollé pour autant. C'est simplement une chose que le gouvernement a décidé de faire.

Encore une fois, on en revient à la question de savoir si l'on suit le consensus ou les protestataires. Une fois les bibles enlevées, pendant quelques années, pas mal de gens disaient le déplorer. Aussi, ils apportaient la leur et ils demandaient souvent au juge ou à l'agent de la GRC de la signer. Sur la couverture il y avait un emplacement où l'on pouvait inscrire la date de leur prestation de serment, etc., et c'était donc un petit souvenir qu'ils pouvaient ramener chez eux s'ils le voulaient. Lorsque la Bible a été supprimée, beaucoup de gens—probablement quelques centaines—disaient après la cérémonie, après la photo, qu'ils regrettaient le changement.

Mme Raymonde Folco: Si je puis répondre à cela, mon propos n'est pas de supprimer les droits des autres. Mon propos est d'ajouter les droits d'un autre groupe de personnes que l'on oublie, à savoir ceux qui ne veulent pas invoquer le nom de Dieu dans cela. Si vous êtes musulman, bouddhiste, chrétien, juif ou tout ce que vous voulez, je n'ai rien contre l'idée qu'ils prêtent serment sur un livre de prière. Je veux simplement rappeler qu'il y a d'autres gens qui ne veulent pas le faire.

Merci.

Le président: D'accord, monsieur Bryden, je vais vous donner la parole, mais vous devez me promettre de ne pas débattre.

M. John Bryden: D'accord, mais je veux revenir sur son argument.

Le problème est que nous avons sans doute exagéré dans l'autre sens en éliminant Dieu, en éliminant les instruments de toute affiliation religieuse. Je ne veux pas vous mettre de mots dans la bouche, mais pour le bien d'un très, très petit nombre d'athées—et je crois que le nombre d'athées réels chez les nouveaux Canadiens, ceux venant de la plupart des pays en tout cas, est très faible—nous privons la majorité de la reconnaissance du fait que, pour la majorité des Canadiens, comme le dit la Charte, nous sommes un pays uni devant Dieu, même si nous ne croyons pas tous au même Dieu. Certains d'entre nous, à tout le moins, voient dans cela une part d'eux-mêmes. C'est peut-être de cela que nous avons privé les croyants et nous pourrions remettre Dieu dans le serment afin que les gens sachent que Dieu existe pour la plupart d'entre nous. Ensuite, s'ils choisissent de prêter serment solennel en supprimant la mention de Dieu, qu'ils présentent une requête au commissaire à la citoyenneté en expliquant leurs raisons. Mais nous ne devrions tout de même pas automatiquement priver tous les nouveaux Canadiens de Dieu. Ne pensez-vous pas?

Mme Raymonde Folco: Je pense que cela ramènerait Dieu dans les écoles.

Le président: Madame Manvell, avez-vous une réaction au dernier commentaire?

• 2050

Mme Katherine Manvell: Eh bien, je dirais rapidement que c'est une option possible. On réinsère Dieu, mais ceux qui prononcent le serment la main levée, s'ils le préfèrent, ne prononcent pas le mot. Nous avions cela auparavant avec le serment, s'ils ne voulaient pas utiliser les mots «Je jure». Je m'en remets donc à votre sagesse à tous.

Le président: J'aimerais moi-même poser quelques questions.

Lorsque vous parlez de déclarer les absences supérieures à six mois, je ne vois pas si vous faites de la présence physique une condition. Établissez-vous une condition de présence physique ou pas?

Mme Katherine Manvell: Désolée, je ne suis pas très sûre de comprendre votre question mais je répondrai de mon mieux. Les candidats, au moment de leur demande, s'ils ont été absents du Canada, indiqueraient... On leur poserait la question de savoir s'ils ont été absents du Canada pendant une période de plus de six mois dans l'année? S'ils cochent oui, on leur demande de dresser la liste des absences. Donc seuls répondraient ceux absents plus de six mois.

Mais quiconque a été absent du Canada serait alors tenu de faire la preuve documentaire de la résidence—titre de propriété de votre maison, relevé des impôts payés, propriété de votre voiture, comme maintenant. Ce serait donc la preuve administrative que vous avez votre résidence au Canada

Cela répond-il à la question?

Le président: Ce serait donc un critère de respect de la condition de résidence. Avoir une maison, payer des impôts, avoir sa famille au Canada, même en l'absence d'un membre de cette famille qui demande également la citoyenneté—ces trois facteurs, ces trois critères, compenseraient l'absence physique du Canada. Est-ce là l'idée?

Mme Katherine Manvell: Je pense pouvoir répondre oui.

Le président: En ce qui concerne le commissaire à la citoyenneté, vous envisagez que des députés, des membres du Conseil privé et de l'Ordre du Canada—tous d'excellentes personnes, je le dis en toute modestie. Mais peut-être y aurait-il alors un manque de continuité et de régularité, si on n'a pas des fonctionnaires remplissant ces fonctions très importantes, dont la présence permet également d'accumuler une expérience et un savoir qui ne peut que contribuer au processus lui-même. Ne pensez-vous pas?

Mme Katherine Manvell: Non, car il en est déjà ainsi. Depuis 1994, les juges de la citoyenneté ne sont nommés que pour un an, et très souvent leur mandat n'est pas renouvelé, et même cela va changer. Auparavant, les nominations étaient de trois ou cinq ans, et certaines étaient à temps partiel, d'autres à temps plein. Il n'y a donc pas eu de continuité. Certains juges pérorent pendant 15 minutes et d'autres pendant cinq. C'est donc très difficile de dire: Voilà le programme de la cérémonie, respectez-le.

Le président: Mais une expérience de trois à cinq ans, vous l'avouerez, vaut toujours mieux qu'une expérience d'une semaine et d'un mois. Autrement dit, si l'on prenait un député une semaine par an et un autre élu une autre semaine, la continuité souffrirait certainement, ne croyez-vous pas?

Mme Katherine Manvell: Si j'avais le choix, je vous dirais de rétablir le juge de la citoyenneté, sans peut-être qu'il préside des audiences et tout le reste, mais rétablissez les juges. De transformer leur titre en «commissaire», cela les diminue et cela fait disparaître la GRC de la cour. Donc, soit vous gardez le poste de juge de la citoyenneté et rétablissez leur mandat de trois ou cinq ans, soit vous supprimez tout, car les transformer en commissaires est, comme je l'ai dit, redondant.

Donc, si j'avais le choix, j'aimerais les remettre avec leur robe, avec la GRC à leur côté, et le drapeau claquant au vent derrière eux.

Le président: Mais nous avons entendu dans des témoignages antérieurs, des législatures antérieures, que l'Association du Barreau canadien—j'espère ne pas déformer leur propos—ou en tout cas des membres de la profession juridique ont déclaré au fil des ans que le terme «juge» n'est pas approprié pour les juges de la citoyenneté tels que nous les connaissons aujourd'hui et depuis quelques années.

• 2055

Leur titre devient donc «commissaire» et leurs fonctions ont également été aménagées, mais un important volet sera conservé, celui de l'accumulation d'expérience et des conseils au ministre. Ne pensez-vous pas que c'est une fonction importante à conserver?

Mme Katherine Manvell: N'est-il pas triste qu'encore une fois cette loi se plie aux lubies de l'Association du Barreau canadien?

Le président: Non...

Mme Katherine Manvell: Est-ce pourquoi vous transformez le nom en «commissaire»? C'est ce que l'on nous a...

Le président: Ce n'est pas ce que je dis, mais c'est une réflexion que je vous demande, même si cela était vrai. Que nous nous soumettions ou non à un groupe, est-ce que le changement est bon ou pas?

Mme Katherine Manvell: Bien sûr que non. Il n'est pas bon.

Le président: Mais pourquoi la moitié n'est-elle pas supérieure à zéro?

Mme Katherine Manvell: Vous ne comprenez pas mon propos. C'était appelé Cour de la citoyenneté canadienne; par conséquent, on avait une cour et un juge. La raison pour laquelle un membre de la GRC était présent à la cour est que vous aviez un juge. Si vous n'avez pas de juge, la GRC n'a réellement plus de rôle à jouer et ne se montre plus que le Jour du Canada.

Donc, si vous allez changer, changez tout. Pourquoi avoir des commissaires? Ils ne jouent plus le rôle des juges. Ils ne sont plus chargés de—bla, bla, bla. Donc, pourquoi les conserver? Ils ne seront qu'une faction de plus. Je ne vais pas me répéter, car j'ai déjà dit cela dans mon exposé. Je sais que vous commencez tous à être très fatigués.

Le président: Je dirais seulement que vous savez bien que le nouveau commissaire à la citoyenneté aura quatre fonctions à remplir. Il ne s'agit pas seulement de présider la cérémonie, n'est-ce pas?

Mme Katherine Manvell: Ils ne servent à rien. C'est ingérable. Le juge de la citoyenneté fait partie de la routine quotidienne d'une Cour de citoyenneté. Maintenant on veut leur faire tenir des cérémonies certains jours et peut-être les envoyer dans une école pour faire des discours. Cela ne fait que libérer les fonctionnaires pou s'affairer à conserver leur emploi et leurs projets, parce que les commissaires ne feront plus partie du fonctionnement au jour le jour du ministère. Ce ne sera plus la cour, ce sera le ministère de la Citoyenneté.

Le président: Là-dessus, je vous remercie infiniment de votre comparution devant le comité.

Mme Katherine Manvell: Merci beaucoup. Bonsoir. Good evening.

Le président: La séance est levée jusqu'à demain 9 heures, dans la salle 209 de l'édifice de l'Ouest.