CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 18 février 1998
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): À l'ordre! Je vous remercie tous de votre présence.
Conformément à l'article 12 du Règlement le comité va entreprendre l'examen de la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation intitulé «Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada», notamment des questions se rapportant à la détention et aux ordonnances d'expulsion.
Nous accueillons aujourd'hui un grand nombre de témoins. Greg Fyffe est sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes. Nous nous sommes tous déjà rencontrés. Brian Grant est directeur par intérim de la Direction générale de l'exécution de la loi. Susan Leith est directrice, Investigations et renvois à la Direction générale de l'exécution de la loi.
Nous avons également avec nous Neil Cochrane, directeur, Présentation des cas; Roman Borowyk, directeur de la Gestion de l'information et Mike Weber, conseiller financier.
• 1535
Avez-vous un format pour votre présentation, par exemple, qui
va prendre la parole en premier? On enchaînera à partir de là.
M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le président, je commencerai par quelques brèves remarques et je demanderai ensuite à M. Grant de faire une très courte déclaration. Nous serons alors à votre disposition.
Le président: Parfait.
M. Greg Fyffe: Vous avez déjà présenté les fonctionnaires qui nous accompagnent, qui viennent pour la plupart de la Direction générale de l'exécution de la loi ainsi que des secteurs des finances et des techniques d'information. Je suis sûr que ce sont des domaines qui s'avéreront intéressants.
Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant vous pour examiner la recommandation 155 relative aux détentions et aux expulsions. Comme vous savez, notre ministre a entrepris des consultations du 27 au 11, et nous nous attendons naturellement à beaucoup en entendre parler, ainsi que d'autres questions par la même occasion.
La partie du rapport «Au-delà des chiffres» qui porte sur la détention et l'expulsion est une partie essentielle du rapport, à laquelle nous allons accorder beaucoup d'attention. C'est un domaine excessivement complexe, comme s'en sont rendu compte, j'en suis sûr, les membres du comité qui ont déjà posé des questions à ce sujet. Nous espérons pouvoir bénéficier des suggestions que pourraient avoir les membres du comité.
Cela dit, j'aimerais donner la parole à M. Grant qui va faire quelques brèves remarques.
Le président: Monsieur Grant.
M. Brian Grant (directeur général par intérim, Direction générale de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Pour revenir à l'idée que nous espérons entendre de nouvelles suggestions, je dirais que nous sommes aux prises avec ce sujet depuis plusieurs années et que nous avons partagé notre expérience avec plusieurs autres pays. On croit parfois avoir fait le tour de la question et que tout a été dit, mais j'ai entendu parler, il y a une quinzaine de jours, de nouvelles approches introduites par la Suède. Elles se rapportent au problème posé par les gens qui arrivent sans documents et qui prétendent être d'une certaine nationalité. Nous avons tous été confrontés à ce genre de problème. Les Suédois font maintenant appel à des experts capables d'identifier la région d'un pays dont est originaire une personne, en se fondant sur le dialecte qu'elle utilise.
Ce n'est qu'un exemple qui montre qu'on peut toujours envisager des nouvelles façons de procéder. Pour cette raison, nous accueillons favorablement le rapport du GCRL et, bien sûr, vos suggestions se rattachant à la recommandation 155.
Je voudrais simplement dire deux choses concernant la façon dont nous situons la recommandation 155 dans le cadre du programme, afin de vous donner une perspective foncière du contexte dans lequel nous évoluons. Ensuite, nous suivrons le fil de vos questions.
On parle parfois de l'application de la loi comme s'il s'agissait d'une chose en soi, alors que cela fait partie intégrante du programme. On peut, bien sûr, s'interroger sur la manière dont on s'y prend pour appliquer la loi, et cela est tout à fait légitime. Disons que nous sommes confrontés à plusieurs cas d'expulsion. À combien d'expulsions procédons-nous effectivement? Il est tout à fait légitime d'examiner cela.
Nous essayons également de tenir compte du fait que cela est lié à tous les autres volets du programme. Les décisions prises dans le cadre des autres parties du programme détermineront le nombre de cas dans lesquels on doit effectivement procéder à une expulsion. Nous tâcherons d'attirer votre attention sur ce type de conséquence, quand vos questions s'y prêteront.
La deuxième chose que j'aimerais dire—et nous y reviendrons probablement au cours de notre témoignage—c'est que le programme, tel qu'il existe actuellement, est en fait fonction de quelques points de repère fondamentaux. En ce qui concerne les politiques que nous avons élaborées et les choix dont nous disposons en la matière, nous sommes toujours très conscients de ces points de repère. On peut parfois trouver quelque peu exaspérant de ne pas pouvoir faire telle ou telle chose du fait qu'on doit tenir compte de l'un de ces points de repère qui se situent à deux niveaux.
Il y a d'abord le repère légal. Nous fonctionnons naturellement dans le cadre de la Charte et du droit inconditionnel à une procédure régulière. Lorsque nous élaborons nos politiques, nous devons toujours tenir compte de cet aspect des choses, à moins qu'on veuille changer les repères, ce qui n'est pas de notre ressort.
Le deuxième repère est tout simplement la réalité financière: il faut en effet d'énormes ressources pour faire face à un grand nombre de ces problèmes, et nous devons par conséquent trouver des moyens efficaces de faire tout cela. À cet égard, nous avons été amenés à nous pencher de plus en plus sur la question de la gestion des risques—où devons-nous en fait affecter prioritairement nos ressources?—et à nous demander si la technologie peut offrir un recours dans certains cas? La technologie est pour nous un domaine relativement nouveau, mais nous nous efforçons d'apprendre le plus vite possible comment elle peut nous aider à rester tout aussi vigilants, tout en étant un peu moins consommatrice de main- d'oeuvre.
Je vous remercie.
Le président: Vous avez juste ces deux exposés, et si je comprends bien, vous êtes prêts à répondre à nos questions.
M. Greg Fyffe: C'est exact, monsieur le président.
Le président: Très bien. Notre période de questions est ouverte. Je demande aux membres du comité de se concentrer, autant que faire se peut, sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, à savoir la détention et l'expulsion.
La parole est à M. Reynolds.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Merci, monsieur le président.
Combien y a-t-il d'ordonnances de renvoi et d'expulsion actuellement en suspens au Canada?
Mme Susan Leith (directrice, Investigations et renvois, Direction générale de l'application de loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Il y a en ce moment 6 617 dossiers d'expulsion actifs dans notre système. Il y a 1 267 affaires criminelles et 411 personnes en détention.
Quand vous parlez d'ordres d'expulsion en suspens, il s'agit des cas dans lesquels nous sommes maintenant en mesure d'entreprendre des procédures d'expulsion. Il y a d'autres cas où, par exemple, une ordonnance d'expulsion a été émise mais où la personne purge actuellement une peine, ou il existe un obstacle d'ordre juridique à son expulsion.
M. John Reynolds: Il y a combien de cas de ce genre, où il y a une ordonnance d'expulsion, mais il existe un empêchement tel que l'emprisonnement?
M. Brian Grant: Je ne suis pas sûr que nous puissions vous donner ce chiffre immédiatement, mais je peux sans aucun doute vous l'obtenir.
M. John Reynolds: Le vérificateur général a parlé d'environ 20 000 ordonnances d'expulsion. De ce total, seules 4 000 personnes avaient été expulsées, ce qui signifie qu'il y a 16 000 ordonnances d'expulsion en suspens.
Mme Susan Leith: En fait, j'ai des statistiques à jour à ce sujet.
Nous avons récemment fait la revue de nos statistiques par rapport aux chiffres mentionnés dans le rapport du vérificateur général, et selon nos données, 7 097 demandeurs, qui soit ont été rejetés par la SSR, soit ont abandonné ou retiré leur demande, ont été expulsés depuis 1993. Le chiffre mentionné dans le rapport du vérificateur général était 4 300.
M. John Reynolds: Il s'agit de ceux qui ont été renvoyés. Combien en reste-t-il encore à expulser?
Mme Susan Leith: Je vous demande pardon?
M. John Reynolds: Vous avez dit que 7 097 personnes ont été expulsées depuis 1993. Combien en reste-t-il encore à renvoyer, à l'encontre de qui des ordonnances d'expulsions ont été émises?
Mme Susan Leith: Je vais tâcher d'obtenir ce chiffre.
M. John Reynolds: Parfait.
Combien de présumés criminels de guerre font-ils actuellement l'objet d'une enquête?
M. Greg Fyffe: Je ne peux pas vous fournir ce renseignement immédiatement, monsieur Reynolds. Je vous l'obtiendrai.
M. John Reynolds: Combien d'agents chargés d'exécuter la loi sont-ils à l'oeuvre aujourd'hui, et quelle est la différence par rapport à, disons, 1993?
Mme Susan Leith: Je peux vous fournir les chiffres concernant les fonctions liées aux renvois pour l'exercice 1997-1998. Nous utilisons approximativement 98 ETP. Un ETP est un équivalent temps plein. Nous en avions 94 l'année précédente et 85 en 1995-1996.
Nous avons par conséquent augmenté le nombre des ETP occupant des fonctions liées aux renvois. J'ajouterais également que nous avons fait en sorte qu'il y ait dans nos centres de détention un poste d'agent chargé d'exécuter la loi. Auparavant, il y avait des investigateurs en immigration, des agents chargés du renvoi et des agents d'escorte. Mais nous avons décidé d'amalgamer les descriptions d'emploi de manière à ce qu'il n'y en ait plus qu'une et que nous ayons plus de flexibilité pour affecter nos ressources d'une manière plus efficace.
Le processus est en cours actuellement. Dans certains endroits, il est déjà terminé. Ailleurs, il est encore en cours. Nous n'avons pas complètement terminé, mais nous avançons.
M. John Reynolds: Y a-t-il une différence au plan de la terminologie? Vous parlez de 98 agents chargés des renvois. Qu'en est-il des agents chargés d'exécuter la loi?
Mme Susan Leith: Il faudra que j'obtienne ce chiffre, et je pourrais également vous donner ceux qui correspondent à 1997 et 1998.
M. John Reynolds: Très bien. Pourriez-vous aussi me fournir ceux de 1993, juste pour voir quelle est la différence, s'il y a eu une augmentation ou une diminution?
M. Brian Grant: Pourriez-vous préciser quelle information vous souhaitez avoir en ce qui concerne les agents chargés d'exécuter la loi? Nous avons des agents dans les ports d'entrée, nous avons des agents qui s'occupent des investigations et organisent les expulsions—les escortes. Nous essayons d'amalgamer certaines de ces fonctions. Nous avons aussi des agents à l'étranger susceptibles d'accomplir des tâches d'exécution de la loi.
M. John Reynolds: J'aimerais avoir le tout. J'aimerais savoir exactement combien il y a d'agents qui s'occupent de l'exécution de la loi, quelque part à une frontière, en Europe, ou n'importe où.
J'aimerais savoir si les chiffres de 1997 sont plus ou moins élevés que ceux de 1993, simplement pour voir si les chiffres concernant l'application de la loi ont augmenté ou diminué.
Vous pouvez nous fournir toute l'information qui, selon vous, s'inscrit dans le cadre de ces paramètres. En fin de compte, nous devons essayer de nous faire une idée de ce à quoi nous voulons aboutir. Je souhaite simplement savoir dans quelle direction nous devons nous engager.
M. Brian Grant: Très bien.
M. John Reynolds: C'est tout pour l'instant, monsieur le président.
Le président: La parole est à Maria Minna.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): J'ai quelques questions, mais j'ai l'avantage d'en savoir un peu plus sur ce qui se passe.
Je me demande, monsieur le président—et ce naturellement, avec l'accord du comité—s'il serait utile que quelqu'un explique la procédure. Le problème est que je ne suis pas sûre que le fonctionnement du processus d'expulsion et ce qui se passe maintenant soient bien compris. Qui agit, quand et comment? Quelles sont les procédures, et ainsi de suite? Je crains que nos collègues soient un peu désavantagés pour poser des questions ou engager une discussion si le système en place et la façon dont il est structuré n'ont pas été décrits.
Je sais que certains ont lu, entre autres, le rapport Tassé, mais je me demande s'il ne vaudrait pas mieux, au départ, que nos témoins nous fassent un court exposé ou qu'on puisse discuter du système actuel. Cela pourrait aider nos collègues à poser des questions par la suite. Ou cela serait-il une perte de temps? Est- ce que tout le monde est au courant de la façon dont fonctionne le système? Je voudrais savoir pour être sûre que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes.
Le président: Nous savons ce qui ne fonctionne pas.
Mme Maria Minna: Bon. Alors, on décide d'oublier cela?
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Je pense que ce serait très bénéfique en ce qui me concerne. Je suis nouveau au comité et j'aimerais en savoir plus sur le processus.
Le président: Je pense que c'est une bonne idée. Je vous remercie de votre suggestion. Je trouve que c'est une initiative très positive.
Faites-nous la revue du processus du début jusqu'à la fin.
Par contre, je demanderais aux membres du comité—et à quiconque dans le groupe est susceptible d'intervenir—d'identifier honnêtement, au fur et à mesure, quels sont les points faibles, les aspects du processus qui causent beaucoup de problèmes ou au sujet desquels de graves réserves ont été exprimées à de nombreuses reprises. Autrement dit, ayez l'obligeance d'indiquer les défauts de la cuirasse, les dysfonctionnements, et même suggérez, si c'est possible, comment il serait possible d'y remédier ou ce qu'il faut faire pour améliorer les choses. Une présentation de ce genre nous donnerait une meilleure idée de toute la question.
Je vous remercie.
M. Brian Grant: Pourriez-vous préciser à quel moment du processus nous devons commencer? Nous avons répondu à la question de M. Reynolds. Nous pouvons reprendre le processus à partir de l'étranger et progresser jusqu'aux points d'entrée au Canada, ou débuter au moment où quelqu'un, au Canada, entre dans le processus qui aboutit à l'expulsion.
Mon interprétation de l'article 155 est qu'il se rapporte aux détentions et aux renvois, ce qui se situe à peu près à mi-chemin dans le processus. Est-ce satisfaisant?
Le président: Je trouve que vous devriez nous parler des deux parties du processus pour que nous comprenions mieux. Êtes-vous d'accord?
M. John Reynolds: Oui.
Mme Susan Leith: Parfait, je commence. L'exemple que je vais donner est celui d'une personne qui arrive à un port d'entrée. Ce sera plus clair pour vous.
Cette personne arrive à l'un de nos ports d'entrée, et un agent d'immigration procède à son entrevue. Si l'agent conclut que la personne n'est pas admissible au Canada, il rédige un rapport. À ce moment-là, la personne peut ou non demander le statut de réfugié, à moins qu'il s'agisse d'un criminel, auquel cas, c'est impossible.
Une fois le rapport rédigé, un agent d'immigration supérieur le passe en revue et décide si les allégations sont en fait fondées.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Combien de temps cela lui prend-il pour examiner le rapport?
Mme Susan Leith: L'agent qui fait l'entrevue initiale y consacre entre une demi-heure et sept ou huit heures, tout dépendant de la complexité du cas et s'il est nécessaire ou non de recourir à un interprète... En ce qui concerne l'agent d'immigration supérieur, je pense que cela prend, en moyenne, environ une heure, selon qu'on ait recours à un interprète ou non.
M. Deepak Obhrai: Entre le moment où le premier agent a écrit son rapport et celui où le document parvient à l'agent supérieur, est-ce immédiat?
Mme Susan Leith: C'est immédiat.
Dès que l'agent d'immigration a terminé, l'agent supérieur rencontre la personne. S'il doit en voir une autre, il se peut qu'il y ait un léger retard, mais habituellement cela se fait sans délai. Au moment où il examine les allégations, l'agent d'immigration supérieur doit aussi envisager la détention ou la libération du client. M. Cochrane vous parlera des questions liées à la détention.
Dépendant de la raison motivant l'inadmissibilité, nos agents d'immigration supérieurs ont l'autorité voulue, dans certaines situations, pour émettre une ordonnance d'expulsion sur-le-champ. Il en va ainsi dans le cas d'allégations peu compliquées et lorsque la personne ne satisfait pas aux exigences de la loi, par exemple, lorsqu'elle ne possède pas de passeport ni de visa.
Quand une personne a revendiqué le statut de réfugié, une ordonnance conditionnelle d'expulsion est émise à son endroit au point de traitement de la demande, mais la personne est référée à la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la SSR, pour faire une demande de statut de réfugié.
Je vais vous donner maintenant l'exemple d'une personne n'a pas revendiqué le statut de réfugié. La personne arrive et l'agent d'immigration décide qu'elle est inadmissible parce qu'elle a été reconnue coupable d'une infraction pénale à l'étranger. Le dossier est alors soumis à un arbitre de l'immigration, personne qui est au service de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dans la Section de l'arbitrage. L'arbitre entend l'affaire, décide si, en fait, la personne est inadmissible et émet ensuite une ordonnance.
M. Deepak Obhrai: Pouvez-vous nous donner une idée du temps que cela prend? Une journée...
Mme Susan Leith: M. Cochrane va vous parler des délais.
M. Neil Cochrane (directeur, Présentation des cas, Direction générale de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je peux peut-être apporter des précisions. Vous avez demandé quel était le délai entre le rapport de l'agent d'immigration et son examen par l'agent supérieur. Habituellement, cela se fait tout de suite, mais la procédure n'est pas uniforme d'un bout à l'autre du pays.
Certains ports d'entrée ont adopté un système de traitement par la poste pour faire progresser les dossiers plus rapidement. Les gens reçoivent une trousse d'information qu'ils doivent renvoyer dans les jours suivants. L'agent d'immigration supérieur décide ensuite s'il peut ou non prendre une décision en fonction des informations qui sont fournies ou s'il doit convoquer la personne pour une entrevue plus approfondie.
Dans le cas d'une personne dont le cas ne peut être tranché par l'agent d'immigration supérieur, le dossier doit être référé pour enquête à un arbitre d'immigration. Les délais sont relativement courts en ce qui concerne les audiences devant la section d'arbitrage. Dans de nombreux cas, une audience sera fixée environ quatre semaines après l'arrivée de la personne; habituellement, on peut compter sur un délai de quatre semaines.
Je ferais remarquer que la grande majorité des cas des personnes inadmissibles sont réglés par l'agent d'immigration supérieur, et que presque tous les demandeurs du statut de réfugié font l'objet d'une ordonnance d'expulsion conditionnelle, soit immédiatement, soit dans les jours suivant leur arrivée. L'ordonnance ne devient ensuite exécutoire que si et quand la Section du statut de réfugié au sens de la Convention décide que l'intéressé n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
M. Deepak Obhrai: Quel est le délai avant la décision de la SSR?
M. Neil Cochrane: Je pense qu'on peut parler actuellement d'environ 14 mois.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Excusez-moi, dans sa question, M. Obhrai a parlé de réfugiés. Je pensais que nous parlions des immigrants.
Mme Maria Minna: Nous ne parlons pas des réfugiés.
Mme Susan Leith: Je voulais, pour commencer, vous décrire un scénario pas compliqué où un criminel arrive à un de nos ports d'entrée. Le processus de reconnaissance du statut de réfugié complique un peu les choses, et j'essayais donc de commencer par vous décrire un cas assez simple avant de passer à une situation plus compliquée une fois que vous auriez compris comment les choses fonctionnent.
M. Brian Grant: Cela va peut-être encore plus compliquer les choses, mais nous parlons en ce moment des non-immigrants. Il faut savoir que dans certains cas, il y a deux processus simultanés.
• 1555
Nous sommes chargés d'examiner le statut d'immigrant de la
personne qui arrive à un port d'entrée. Cette personne est-elle
admissible au Canada ou inadmissible? Pour être admissible au
Canada, il faut être porteur des documents appropriés. Il ne faut
pas appartenir à une catégorie inadmissible pour raison médicale,
économique, sociale, criminelle, sécuritaire... ni avoir contrevenu
à la loi d'une manière ou d'une autre. Habituellement, cela
signifie que vous n'êtes pas titulaire d'un visa ou d'un passeport.
Nos agents déterminent l'admissibilité au statut d'immigrant— si vous pouvez ou non entrer dans le pays—et ils disposent de l'autorité nécessaire pour émettre des ordonnances dans certaines circonstances.
Prenez le premier exemple que vous a donné Susan Leith: tout va se passer d'une façon relativement efficace. Dans la plupart des cas, une ordonnance est émise par un agent d'immigration supérieur et la personne peut être renvoyée par le prochain avion. Si le dossier est un peu plus complexe, la question peut être litigieuse, et il peut s'avérer nécessaire de comparer les condamnations imposées à l'étranger et celles du Canada. Un tel dossier se retrouvera devant un arbitre d'immigration qui évaluera le problème avant de décider si une personne doit ou non être jugée inadmissible en vertu de la loi.
Le processus se complique ou s'interrompt dès que la personne prononce le mot «réfugié». À partir de ce moment-là, on a affaire à un demandeur du statut de réfugié. Il nous est possible de prendre une décision concernant l'immigration, mais ses conséquences sont suspendues. Toute ordonnance que nous émettons devient conditionnelle et est foncièrement suspendue jusqu'à ce que ce que la question du statut de réfugié soit tranchée, ce qui peut demander plusieurs mois.
M. Norman Doyle: Monsieur le président, au point d'entrée, comment l'agent d'immigration décide-t-il, disons dans le cas d'un réfugié, si cette personne répond aux critères d'entrée? Quels sont les critères utilisés pour un réfugié?
Mme Susan Leith: Dans la Loi sur l'immigration, il y a plusieurs articles qui décrivent qui est admissible au Canada et qui ne l'est pas. De façon générale, les gens qui arrivent et revendiquent le statut de réfugié désirent vivre ici de façon permanente. Par conséquent, ils ne détiennent pas de visa d'immigrant et sont donc inadmissibles. Quiconque arrive pour s'installer au Canada de façon permanente doit détenir un visa d'immigrant.
Nos agents demandent à la personne qui souhaite s'installer ici et qui revendique le statut de réfugié si elle possède un visa d'immigrant. Si elle n'en a pas, c'est enregistré dans le rapport. On se base sur l'article de la loi à ce sujet car quiconque arrive dans l'intention de vivre de façon permanente au Canada doit détenir un visa d'immigrant.
M. Norman Doyle: Dans le cas d'une personne qui s'enfuit d'un pays, elle est automatiquement référée à l'échelon suivant.
M. Brian Grant: Non, rappelez-vous que, dans ce cas, on fera deux choses. On procédera à l'examen d'immigration. Indépendamment du fait qu'une personne demande le statut de réfugié, on examine si elle est admissible au Canada en vertu de la Loi sur l'immigration. En outre, on vérifiera si sa demande de statut de réfugié peut être examinée par la CISR. Normalement, cette demande est admissible, mais certaines circonstances décrites dans la Loi sur l'immigration font que ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, si vous avez déjà été considéré comme réfugié, soit dans un autre pays, soit au Canada auparavant, votre dossier ne pourra pas être transmis à la CISR.
Si vous avez fait une demande et que vous avez été expulsé du Canada et que moins de 90 jours se sont écoulés, vous n'avez pas le droit de revenir et de présenter une autre demande. Il y a plusieurs autres... Nous pouvons vous donner ces renseignements par écrit si vous souhaitez étudier la question.
Si l'on se base sur les motifs à partir desquels un agent d'immigration peut prendre une décision, très peu de gens sont jugés inadmissibles. La plupart sont autorisés à aller de l'avant.
Il faut donc se souvenir qu'il y a deux choses: il y a la détermination de l'admissibilité au plan de l'immigration et ensuite, la question de savoir si la demande peut être considérée.
Le président: Oui, madame Folco.
Mme Raymonde Folco: J'aimerais vous remercier pour la première partie de votre exposé.
Je viens du milieu dont nous parlons, et je sais à quel point le processus décisionnel en matière d'immigration et de détermination du statut de réfugié est difficile et compliqué.
Pourrais-je vous demander, au nom du comité, monsieur le président, s'il serait possible d'avoir des diagrammes de processus. Le ministère pourrait-il nous fournir, par exemple, un ordinogramme montrant le processus à partir du port d'entrée et comportant un choix binaire de oui et non pour l'immigration et un choix binaire de oui et non pour le statut de réfugié? Il faudrait qu'on puisse suivre le processus jusqu'au bout, jusqu'à l'expulsion et la détention. On sait qu'en ce qui concerne l'expulsion, notamment, il y a un grand nombre de jonctions où le processus peut pratiquement repartir à zéro.
• 1600
Je pense que ce serait très utile pour les membres du comité
d'avoir une représentation visuelle du processus à laquelle on
pourrait s'attaquer, pour ainsi dire, car il s'agit d'un processus
extrêmement complexe.
Je vous remercie.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): À titre d'information, j'aimerais signaler, monsieur le président, qu'il existe, je crois, des diagrammes de processus dans les comptes publics ou dans le rapport du vérificateur général qu'examine actuellement le Comité des comptes publics. C'est très utile. Il nous suffit d'obtenir un exemplaire du rapport du vérificateur général à l'intention des membres du comité et l'on verra exactement comment s'organise le processus.
Le président: Très bien.
M. Greg Fyffe: Monsieur le président, quoiqu'il en soit, nous sommes prêts à faire en sorte que vous disposiez de toute l'information nécessaire pour avoir une idée claire du processus, qu'il s'agisse du rapport du vérificateur général ou que nous vous fournissions une documentation supplémentaire, de manière à ce que vous puissiez avoir une parfaite compréhension des diverses options que comporte le processus; il s'agit d'un processus très compliqué.
M. Deepak Obhrai: Pourriez-vous, dans ce diagramme de processus, indiquer les délais qui ont actuellement cours? Vous pouvez les ajouter au crayon. Vous venez de me dire qu'il faut 14 mois pour déterminer le statut d'un réfugié. Avez-vous une idée des délais qui ont cours dans le système tout entier?
M. Greg Fyffe: Oui.
Le président: Merci du renseignement. J'aimerais signaler aux membres du comité qu'à la page 25-10 du rapport du vérificateur général, il y a un ordinogramme détaillé qui fournit beaucoup d'information. Étudiez-le attentivement et vous aurez une meilleure idée de tout ce dont il s'agit.
Pourriez-vous poursuivre?
Mme Susan Leith: Le diagramme ne décrit peut-être pas précisément le mécanisme que doivent utiliser les agents pour procéder à des expulsions lorsqu'on en arrive à ce stade, ni certaines des difficultés auxquelles ils font face.
Le président: Très bien. Pourriez-vous, dans ce cas, continuer avec ce scénario s'il vous plaît?
Mme Susan Leith: Reprenons donc au moment où on a émis une ordonnance d'expulsion.
M. Steve Mahoney: Conditionnelle ou inconditionnelle?
Mme Susan Leith: Une simple ordonnance d'expulsion—une ordonnance d'expulsion inconditionnelle.
M. Steve Mahoney: Il ne s'agit donc pas d'un réfugié.
Mme Susan Leith: Non, c'est exact. On est prêt à renvoyer la personne, et l'ordonnance d'expulsion est donc maintenant ce que nous appelons «exécutoire».
M. Deepak Obhrai: S'il s'agit de quelqu'un dont la demande de statut de réfugié a été rejetée, on a affaire à un simple cas d'expulsion.
Mme Susan Leith: Ou s'il n'y a pas eu de demande.
Donc, quand les agents commencent à préparer l'expulsion, ils doivent avant tout avoir un document de voyage valide pour le client, afin de pouvoir le renvoyer dans le pays dont il est ressortissant. Vous nous avez demandé de vous indiquer les difficultés auxquelles nous faisons face. En l'occurrence c'est l'une des plus importantes.
Dans les cas d'expulsion, il y a deux types d'obstacles. Il y a les entraves légales, c'est-à-dire tout ce qui vient du fait qu'un client a logé une forme ou une autre d'appel ou qu'il s'est adressé à la cour fédérale pour faire réviser son dossier. Il y a aussi ce qu'on appelle les obstacles administratifs, et c'est dans cette catégorie que tombent les documents de voyage.
Tous les clients ne sont pas sans titres de voyage; certains en ont, mais nous nous concentrerons sur ceux qui n'en ont pas. Nos agents sont en contact avec les autorités consulaires au Canada. Ils s'efforcent de pousser le client à faire une demande de documents de voyage. Dans de nombreux cas, les clients se montrent récalcitrants et ne font pas la demande; par conséquent, cela présente tout un défi pour nos agents.
Nous étudions actuellement des initiatives qui pourraient encourager nos clients à se soumettre à nos demandes concernant les documents de voyage. Par exemple, quand ils sont en détention, avant qu'ils ne soient libérés, nos agents de présentation des cas interviennent auprès d'un arbitre d'immigration et font valoir que la personne devrait demander un document de voyage avant de pouvoir être libérée. Cela ne fonctionne pas nécessairement dans tous les cas, car les arbitres d'immigration prennent bien sûr leurs décisions en toute indépendance. Ils peuvent ne pas souhaiter faire de cela une condition de la libération d'une personne.
Lorsque les gens se montrent peu coopératifs et refusent de remplir une demande de documents de voyage, cela donne au pays auquel nous avons affaire un petit avantage par rapport à nous.
• 1605
Nous pouvons aussi faire appel à nos ARC à l'étranger lorsque
nos éprouvons des difficultés à obtenir un document de voyage.
Ainsi, nous pouvons leur demander de se rendre dans la ville où la
personne est présumément née et d'examiner les avis de baptême.
Je me rappelle d'un cas: nous essayions d'expulser une personne qui niait être originaire d'un endroit d'où il nous avait dit auparavant venir. Nous avons donc pris sa photo, et nos agents se sont promenés dans cette petite ville jusqu'à ce que quelqu'un nous dise, mais c'est untel, je ne l'ai pas vu depuis un bon bout de temps, où est-il? Au Canada, a-t-on répondu et nous avons alors demandé si on savait où il était né? Oui, ont répondu les gens, il a été baptisé dans telle ou telle paroisse. Nous avons donc pu obtenir un certificat. Mais c'est très coûteux. Notre informateur se promenait à bicyclette dans une petite ville dans un endroit perdu.
M. Steve Mahoney: Vous lui deviez bien 10 $, n'est-ce pas?
Mme Susan Leith: C'est un exemple du mal que nous devons nous donner dans certaines circonstances pour obtenir des documents de voyage.
Nous avons négocié des accords concernant l'expulsion avec certains pays afin de faciliter l'émission de documents de voyage. Par exemple, nous avons un accord de ce genre avec les États-Unis, la Jamaïque, le Vietnam, Hong Kong et la République tchèque. Nous invoquons ces accords afin de faciliter les pourparlers entre nos fonctionnaires et les représentants de ces pays étrangers, dans le but de déterminer le genre de documentation que nous devons fournir afin d'obtenir un document de voyage. Ces accords précisent également les délais dans lesquels nos demandes doivent être formulées. Dans certaines circonstances, ces accords nous facilitent beaucoup la tâche, mais parfois, ce n'est pas le cas.
Le président: Qui assume les coûts de tout cela?
Mme Susan Leith: De quels coûts voulez-vous parler, monsieur?
Le président: Ce qu'il en coûte pour expulser la personne concernée de notre pays au cas où elle n'a plus d'argent.
Mme Susan Leith: Si cette personne a pénétré sur le territoire canadien par un port d'entrée et si un rapport a été rédigé à cet endroit-là et que nous savons quelle est la ligne aérienne qui a transporté cette personne au Canada, c'est cette ligne aérienne, ou la compagnie de transport dans le cas des navires, qui doit assumer les coûts associés à l'expulsion de l'intéressé.
Le président: Nous nous écartons quelque peu des règles que nous suivons habituellement dans le cadre de nos audiences. C'est que nous sommes ici pour recueillir des informations, et on nous en fournit en abondance. Je vous encourage à intervenir dès que vous avez une question à poser pour ne pas l'oublier et pour la poser dans le contexte approprié.
Maria.
Mme Maria Minna: À propos des chiffres que vous avez cités, à quelle étape du processus commençons-nous à compter les gens parmi ceux qui doivent être expulsés? Est-ce au moment où ils sont, comme vous l'avez dit, considérés comme...? Vous avez dit que vous émettez des ordonnances conditionnelles.
Mme Susan Leith: Quand ils sont considérés comme inadmissibles.
Mme Maria Minna: Il y a différentes catégories. Il y a ceux qui déclarent être des réfugiés, qui, comme vous l'avez dit, font l'objet d'une ordonnance conditionnelle et à qui s'applique le processus de détermination du statut de réfugié. C'est bien cela? Est-ce qu'on les compte parmi les gens qui doivent être expulsés à ce moment-là—lorsqu'ils font l'objet d'une ordonnance conditionnelle? Ou bien est-ce qu'on les compte dans cette catégorie une fois le processus achevé et une fois qu'il a été déterminé qu'ils sont des réfugiés non reconnus? À partir de quel moment sont-ils inclus dans les statistiques?
Mme Susan Leith: Ce n'est qu'une fois une personne effectivement expulsée du Canada qu'on la compte dans les statistiques relatives aux expulsions.
Mme Maria Minna: Excusez-moi. Vous avez dit que 6 617 personnes attendent d'être renvoyées. Comment avez-vous calculé cela? Avez-vous commencé à compter les gens à partir du moment où ils ont fait l'objet d'une ordonnance conditionnelle ou lorsque, devenus réfugiés non reconnus au bout du processus destiné à déterminer leur statut, ils doivent être expulsés?
Mme Susan Leith: C'est à partir du moment où ils deviennent réfugiés non reconnus—à partir du moment où nous pouvons essayer de prendre des mesures pour les renvoyer.
Mme Maria Minna: Ce n'est donc pas dès le départ qu'ils font partie des statistiques.
Mme Susan Leith: Non.
M. Brian Grant: Dans notre secteur, c'est évidemment tout un défi d'établir des statistiques, étant donné le nombre de gens que cela implique. Il y a les statistiques qui sont établies aux ports d'entrée ou qui proviennent d'un rapport sur les réfugiés de l'intérieur qui ne sont pas admissibles. Nous avons des statistiques sur les ordonnances d'expulsion exécutoires et sur celles qui sont conditionnelles—les ordonnances qui sont émises lorsqu'il faut examiner le statut de réfugié. Il y a deux types d'ordonnances d'expulsion. Dans la plupart des cas, le seul acte illégal commis par des gens qui arrivent ici, c'est qu'ils n'ont pas les documents qu'il faut—ce ne sont pas des criminels et ils ne représentent pas une menace à la sécurité, etc.—dans ces cas- là, on va émettre ce que nous appelons une interdiction de séjour conditionnelle.
• 1610
Éliminons l'aspect conditionnel de cette ordonnance. C'est ce
qui se passe si, au bout du processus, il est déterminé qu'ils ne
sont pas des réfugiés. On leur donne alors 30 jours pour quitter le
pays volontairement. S'ils ne le font pas et ne confirment pas
qu'ils ont effectivement quitté le pays 30 jours après que cette
interdiction de séjour soit devenue exécutoire—c'est-à-dire au
moment où leur revendication du statut de réfugié a été jugée
irrecevable—alors, cette interdiction du séjour se transforme
automatiquement en ordonnance d'expulsion, et les personnes
concernées font l'objet d'un mandat d'arrêt enregistré dans le
système du CIPC et distribué à toutes les forces de police du pays.
L'information sera enregistrée dans l'ordinateur dont disposent
tous les policiers dans leur voiture et ainsi, ils sauront que ces
personnes-là font l'objet d'une ordonnance d'expulsion.
Dans un petit nombre de cas, il y a des gens qui arrivent et qui revendiquent le statut de réfugié alors qu'ils font l'objet d'une ordonnance d'expulsion. Dans ces cas-là également, une fois qu'une décision a été prise à propos de leur revendication, l'ordonnance d'expulsion devient exécutoire.
On peut établir des statistiques à n'importe quel stade du processus. Pour ce qui est des chiffres que nous vous avons donnés plus tôt, il s'agit des ordonnances exécutoires—l'ordonnance d'expulsion doit être exécutée, il n'y a plus de sursis et tout aspect conditionnel a disparu.
Le président: Et maintenant, reprenons l'ordre habituel.
[Français]
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Tout ce que vous venez de nous dire me semble extrêmement complexe. Franchement, j'aimerais comprendre. D'après vous, quelqu'un qui arrive à un port d'entrée sans visa d'immigrant, sans aucun papier, sera reçu par un agent d'immigration qui va lui poser des questions. Ensuite, l'agent d'immigration fait un rapport qui doit être entériné par un supérieur, ce qui peut prendre quelques heures, peut-être sept heures. Mais ensuite, que se passe-t-il? Que faites-vous de cette personne qui n'a aucun document? Où la mettez-vous? Là, je ne sais plus très bien ce qui se passe.
Deuxièmement, vous dites que, même sans documents, la personne peut saisir la Cour fédérale de son cas et faire appel de son statut. Cela peut prendre combien de temps? Je trouve cela bien compliqué.
D'autre part, combien est-ce que tout cela coûte? Combien de personnes entrent dans cette catégorie? Vous ne pouvez pas les expulser sur-le-champ? Si on payait, on ne pourrait pas les expulser sur-le-champ?
M. Neil Cochrane: Non, on ne peut pas les expulser sur-le-champ même s'ils n'ont aucun document. Qu'ils aient ou non de la documentation et même si la documentation est fausse, les procédures sont les mêmes puisque ces personnes peuvent revendiquer le statut de réfugié. À moins que la personne tombe dans une des catégories qui ne sont pas recevables, qui sont très limitées, le fait de ne pas avoir de documentation n'est pas une raison pour que la demande ne soit pas recevable.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Pouvez-vous me dire quelles sont les catégories non recevables, s'il vous plaît?
M. Neil Cochrane: Bien sûr. La demande d'une personne n'est pas recevable s'il s'agit d'une personne qui a été reconnue coupable d'un crime assez grave et qui représente un danger pour le public. Il peut aussi s'agir d'une personne qui aurait déjà revendiqué le statut de réfugié et qui aurait été refusée, ou bien encore d'une personne qui aurait quitté le Canada à la suite d'une décision défavorable et qui ne serait pas restée à l'extérieur pendant les 90 jours requis. Il y a encore une ou deux autres catégories, comme ceux qui sont responsables de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Cependant, le fait d'avoir ou de ne pas avoir de documentation ou de pièces d'identité n'a aucun effet sur la recevabilité.
Donc, la personne qui n'est pas munie de documentation sera probablement avisée d'une mesure de renvoi conditionnel, mais tout de même renvoyée à la division du statut de réfugié de la CISR pour que cette dernière puisse étudier sa revendication.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Combien de temps est-ce que cela prend, tout ça?
M. Neil Cochrane: Avant que nous ne renvoyions le dossier à la section du statut de réfugié, il faut environ un mois selon le bureau. Ensuite, si je me souviens bien des données les plus récentes, il faut à peu près 14 mois pour étudier la demande et prendre une décision sur la revendication.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Par conséquent, cette personne-là est chez nous pendant 14 mois. Qui va l'entretenir pendant tout ce temps?
M. Neil Cochrane: Ça dépend. Ils ont la possibilité de travailler.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ils peuvent travailler même s'ils n'ont pas le statut de réfugié?
M. Neil Cochrane: Oui, on leur permet d'avoir un permis de travail, parce qu'autrement, le bien-être social serait la seule possibilité.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Très bien.
[Traduction]
Le président: Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Une petite précision: lorsque vous parlez des expulsions ou des renvois, comme vous dites, quel est le pourcentage qui s'applique à des revendicateurs du statut de réfugié et combien concernent les gens qui ne sont pas dans cette situation?
Mme Susan Leith: En 1997, par exemple, nous avons expulsé 7 968 personnes du Canada. Soixante pour-cent d'entre elles, c'est- à-dire 4 800 personnes, étaient des revendicateurs non reconnus comme réfugiés...
M. John McKay: C'est donc 60 p. 100 d'un côté et 40 p. 100 de l'autre.
Mme Susan Leith: ...et 18 p. 100 d'entre elles étaient des criminels.
M. John McKay: Voulez-vous dire 18 p. 100 des 60 p. 100, ou...?
Mme Susan Leith: Non, 18 p. 100 du total.
M. Brian Grant: Il y avait 60 p. 100 de revendicateurs non reconnus comme réfugiés, 18 p. 100 de criminels et le reste était composé de personnes qui travaillaient illégalement, de gens qui étaient entrés sans les documents requis et qui repartaient immédiatement.
M. John McKay: Très bien.
Manifestement, ce que le comité essaie de faire, c'est de remettre de l'ordre dans un système qui, à tous points de vue, ne fonctionne pas. La première question que vous avez soulevée concernait les documents de voyage. Quand vous parlez de document de voyage, pour moi, cela signifie un passeport. Est-ce que cette expression s'applique à quelque chose d'autre qu'aux passeports?
Mme Susan Leith: Je parle de documents de voyage parce qu'effectivement, il y a autre chose que les passeports; il peut s'agir d'un document de voyage émis d'urgence, un passeport de dernière minute.
M. John McKay: Bien. Je voulais simplement m'assurer que nous étions sur la même longueur d'ondes.
M. Brian Grant: Il y a également les livrets d'identité des marins.
Mme Susan Leith: Oui, pour les membres de l'équipage d'un navire, le document de voyage est le livret d'identité de marin. Certaines personnes arrivent effectivement avec un laissez-passer spécial. Nous appelons donc toujours tous ces papiers des documents de voyage.
M. John McKay: Très bien. Ainsi donc, vous vous retrouvez dans cette situation bizarre où, pour exécuter une ordonnance d'expulsion, vous suppliez la personne concernée de déposer une demande pour être déportée du Canada. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut imaginer situation plus kafkaesque.
M. Deepak Obhrai: Surtout quand on parle de motivation.
M. John McKay: Oui—une motivation a contrario, s'il en est une.
Là où il est possible d'intervenir pour que cette situation ne se présente pas, c'est au point d'entrée, dans la façon dont on traite la demande de la personne concernée. Présumément, dans certains cas, les documents de voyage sont soit détruits, soit perdus, délibérément ou par inadvertance. Y a-t-il un moyen de régler la question au point d'entrée, de façon à ce que vous ne vous retrouviez pas, trois ans plus tard, dans une situation insensée où vous êtes obligés de supplier la personne en question de quitter le pays?
M. Brian Grant: Deux ou trois précisions. Premièrement, en ce qui concerne la situation kafkaesque que vous avez évoquée, il y a deux possibilités. Soit l'intéressé, pour quelque raison personnelle que ce soit, refuse de signer la demande; c'est la situation que vous évoquez. Ce n'est pas ce qui se passe le plus souvent. Soit la personne en question est disposée à coopérer, mais le pays d'où elle vient refuse d'émettre les documents. Il y a donc deux situations possibles.
M. John McKay: Oui, et le pays d'origine est un autre facteur.
M. Brian Grant: Nous examinons actuellement des mécanismes qui nous permettraient d'augmenter le nombre des renvois de revendicateurs non reconnus comme réfugiés. Un de ces mécanismes a trait aux documents—nous essayons de voir comment nous pourrions faire en sorte que les gens demandent les documents beaucoup plus tôt, lorsque le processus est déclenché.
Il y a une possibilité que nous avons envisagée, mais que nous n'avons pas encore approfondie; c'est une idée qui nous vient de l'Australie. En Australie, si une personne arrive sans papiers, on l'oblige à signer sur-le-champ une demande pour les obtenir. Cette demande est conservée par l'organisme qui joue le même rôle que notre CISR, et elle est donc en lieu sûr. On ne la donne pas aux autorités chargées d'appliquer la loi pour qu'elle soit envoyée dans le pays d'origine. Elle est donc en lieu sûr jusqu'à ce que le statut de la personne en question ait été déterminé, et alors, c'est déjà une chose de faite.
• 1620
Nous avons envisagé cela. La pierre d'achoppement, c'est
toujours: quelles sanctions prenez-vous contre quelqu'un qui refuse
de coopérer? Quelqu'un vous dit non, je ne vais pas signer cette
demande et vous, vous répondez, eh bien, si vous ne signez pas,
votre revendication du statut de réfugié va rester lettre morte.
Pour des gens qui émigrent pour des raisons économiques, une telle
décision est à leur avantage. Le plus longtemps ils restent ici, le
mieux pour eux. Si vous retardez la prise en considération de leur
cas, en fait, vous...
M. John McKay: Précisez un peu. Je ne comprends pas.
Vous êtes au point d'entrée. Les Australiens disent, faites une demande pour obtenir les documents de voyage dont vous avez besoin pour rentrer chez vous ou alors, nous ne vous mettrons pas sur... À partir de là, le système de revendication du statut de réfugié s'applique à votre cas. Exact?
M. Brian Grant: C'est exact.
M. John McKay: Donc, vous ne faites pas la demande. Que vous arrive-t-il?
M. Brian Grant: Deux ou trois choses. Si, comme je le disais, quelqu'un ne fait pas cette demande, il faut qu'il y ait des sanctions sous une forme ou sous une autre. Si vous dites, eh bien, nous ne traiterons pas votre demande de statut de réfugié, cela va probablement à l'encontre des intérêts de la personne concernée. On peut aussi envisager de priver cette personne d'autres services.
On peut dire, très bien, nous allons vous autoriser à travailler, mais si vous ne signez pas la demande et si vous refusez de coopérer, vous ne pourrez plus travailler.
M. John McKay: Alors, on finit par...
Mme Raymonde Folco: Qu'arrive-t-il à cette personne? On la laisse mourir de faim?
Une voix: On la fait participer à une émission de Oprah.
M. Brian Grant: Éventuellement, on est confronté à une décision qui est vraiment très difficile à prendre. Si on ne permet pas à ces gens-là de travailler, va-t-on, quand tout est dit, les laisser mourir de faim dans les rues de notre pays?
M. John McKay: Et si, tout simplement, au cas où ils ne voudraient pas faire de demande pour obtenir les documents de voyage nécessaire à leur retour, on les renvoyait chez eux sans ces documents. Dites-moi où est le problème?
M. Brian Grant: Le problème, c'est qu'un pays n'est pas dans l'obligation d'accueillir quelqu'un qui n'est pas en possession des documents appropriés. Le pays peut refuser. Nous pouvons arriver à l'aéroport et les autorités peuvent fort bien dire, désolé, étant donné que vous n'avez aucun document pour prouver le contraire, cette personne n'est pas un ressortissant de notre pays.
M. John McKay: Comment se fait-il que cela devienne notre problème?
M. Brian Grant: Parce que c'est chez nous que se retrouve cette personne. Si nous ne pouvons pas prouver qu'elle est ressortissante de ce pays, alors, en la plantant là, nous en faisons un apatride.
M. John McKay: Enfin, apparemment apatride.
M. Brian Grant: Apparemment apatride.
M. Steve Mahoney: Il y a une chanson sur Charlie et le MTA- -«Est-il jamais revenu?»
M. John McKay: On ne va quand même pas parler de ça, non?
M. Brian Grant: C'est la raison pour laquelle nous essayons de prendre des mesures pour nous saisir de ces documents chaque fois que nous le pouvons. Ainsi, nous avons maintenant le pouvoir de fouiller les gens à leur arrivée, parce que nous nous sommes aperçus que, dans certains cas, les gens avaient caché leurs documents sur eux, mais nous n'avions pas l'autorisation de les fouiller. Nous pouvions saisir ces documents si nous les voyions, sinon, nous n'avions pas la possibilité de fouiller les gens. Nous avons donc obtenu ce pouvoir.
Et puis, les gens ont cessé de cacher les documents sur eux. Ils se sont mis à les envoyer par la poste. Il fallait être autorisé à ouvrir le courrier pour trouver les documents, et nous avons obtenu cette autorisation. Hier, alors que nous témoignions devant un autre comité, nous avons expliqué que nous effectuons des contrôles au débarquement, toujours avec le même objectif: essayer de mettre la main sur un quelconque document.
Une fois en possession de ces papiers, nous pouvons nous-mêmes communiquer avec les autorités du pays concerné et essayer d'obtenir un document de voyage. Nous y réussissons parfois. Certains pays n'acceptent pas cette façon de procéder et exigent que ce soit l'intéressé qui fasse lui-même la demande. En revanche, il y a des pays qui nous remettent des documents de voyage si nous pouvons leur présenter les informations requises.
Par exemple, au Royaume-Uni, nous pouvons obtenir des certificats de naissance au bureau central d'enregistrement. Nous utilisons cela pour renvoyer quelqu'un, même si cette personne n'a pas de passeport. Dans certains cas, on peut le faire. Nous les renvoyons et nous pouvons dire, voici la preuve que cette personne est un de vos ressortissants. Elle n'a pas de documents de voyage, mais elle se trouve maintenant dans un de vos aéroports.
M. John McKay: Vous ne pouvez pas exiger que cette personne prenne le prochain avion pour retourner d'où elle vient sans être munie de documents de voyage. S'agit-il d'une prescription de la loi ou est-ce la pratique qui vous dicte de procéder ainsi?
M. Greg Fyffe: Si cette personne a déposé une revendication du statut de réfugié, non, nous ne pouvons pas faire cela.
M. John McKay: Mais disons que nous sommes dans la situation où la personne refuse de signer une demande de documents de voyage, et à moins qu'elle ne le fasse, le processus de détermination du statut de réfugié ne sera pas lancé; en conséquence, elle prend le prochain avion. J'essaie seulement de voir comment nous pouvons limiter les possibilités.
M. Brian Grant: Si quelqu'un débarque d'un avion et que nous savons lequel, et si elle n'a pas de documents, nous pouvons la renvoyer sur le même avion à condition qu'elle ne revendique pas le statut de réfugié. Si oui, cela complique les choses, parce que nous sommes obligés, en tant que pays signataire de la Convention des Nations Unies, de ne pas refouler cette personne-là avant d'avoir déterminé si, oui ou non, elle peut en fait prétendre au statut de réfugié. Les gens qui sont dans cette situation sont alors coincés ici pour plusieurs mois, et nous avons beaucoup de difficultés à les renvoyer.
M. Steve Mahoney: Ce n'est donc pas à cause de la Charte canadienne des droits et libertés, c'est à cause de la Convention des Nations Unies.
M. Brian Grant: Les deux. La Convention des Nations Unies nous oblige à prendre leur revendication en considération et à déterminer si, oui ou non, ces gens-là sont des réfugiés, avant d'engager quelque poursuite que ce soit.
M. John Reynolds: Si un Américain arrive à la frontière canadienne et déclare vouloir bénéficier du statut de réfugié, la Convention des Nations Unies stipule-t-elle que nous devons laisser entrer un Américain au Canada et considérer sa demande de statut de réfugié avant de pouvoir le renvoyer?
M. Brian Grant: Nous devons prendre tout le monde en considération, oui. C'est universel.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Oui, mais ma question vient s'ajouter à cela.
[Traduction]
Le président: Un instant, s'il vous plaît.
Mme Raymonde Folco: Je m'excuse, monsieur le président. Les questions fusaient de partout et personne ne levait la main, alors j'ai décidé d'intervenir moi aussi.
Le président: J'applique à nouveau le Règlement, et la parole est à M. Doyle.
Mme Raymonde Folco: Vous appliquez à nouveau le Règlement. Parfait. Je suis heureuse de vous l'entendre dire.
M. Norman Doyle: Qu'en est-il des gens dont le départ n'a pas été confirmé? Apparemment, le vérificateur général a indiqué qu'environ 31 000 demandes ont été rejetées depuis 1993 et qu'on n'a pu confirmer le départ de 78 p. 100 des personnes concernées.
Savons-nous où sont ces gens-là actuellement, ou combien d'entre eux pourraient encore être au Canada illégalement? De quel mécanisme de suivi disposons-nous? C'est évident, si nous ne pouvons pas confirmer le départ de 78 p. 100 des gens dont la demande a été refusée, c'est beaucoup.
M. Brian Grant: En bout de ligne, la réponse à votre question, c'est non, nous ne savons pas où se trouvent ces gens-là, et si nous ne le savons pas, c'est tout simplement qu'il n'existe pas de système de contrôle des sorties.
On a tenté, avec l'interdiction de séjour, de mettre en place un contrôle volontaire des sorties qui s'appliquait à une partie des gens renvoyés, si vous voulez. Cependant, il y a énormément d'allées et venues le long de la frontière entre le Canada et les États-Unis, et c'est une frontière qu'il est relativement facile de traverser. Environ 120 millions de personnes la franchissent chaque année, et nous n'avons donc pas la possibilité de savoir qui est parti. Par ailleurs, la dernière fois que vous avez pris l'avion, personne n'a vérifié votre passeport, comme on le fait dans certains pays européens, parce qu'il y a trop de monde pour cela.
Il y a peut-être une chose qui permet d'envisager des solutions, c'est la technologie, notamment si on examine la question dans un contexte un peu plus large que nous l'avons fait jusqu'ici. Si on se place du point de vue du Canada, il y a un incroyable défi à relever, même avec l'aide de la technologie: c'est la longueur de notre frontière avec les États-Unis. Il y a des réserves indiennes à cheval sur cette frontière. Il y a des endroits isolés où l'on ne rencontre que très rarement quelqu'un.
Mais en ayant recours à la technologie et en établissant des liens avec les États-Unis, par exemple, pour voir où les gens se présentent de préférence quand ils veulent pénétrer sur le continent, quand ils veulent demander le statut de réfugié... il se peut fort bien qu'ils déposent une demande ici et que, si elle n'aboutit pas, ils passent clandestinement aux États-Unis et déposent une demande là-bas.
Si nous pouvons collaborer et régler les problèmes de respect de la vie privée que de telles initiatives soulèvent, et si nous disposons également de la technologie nécessaire, nous pourrions déterminer de facto que telle ou telle personne a quitté notre pays, sans avoir concrètement constaté qu'elle a traversé la frontière. C'est donc un mécanisme qui ouvre peut-être de meilleures perspectives que le contrôle des sorties, mais à l'heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de déterminer cela.
M. Greg Fyffe: Monsieur le président, les mesures que nous pouvons prendre sont nombreuses mais, au bout du compte, on revient toujours au problème sur lequel on a insisté, soit le fait que les autres pays ne sont pas toujours prêts à reprendre leurs ressortissants. On peut bien avoir un système qui permet de retracer ou de détenir les gens, mais si les pays dont ils sont ressortissants refusent de les reprendre, c'est ici que leur nombre ira croissant.
Nous pouvons faire enregistrer les données qui les concernent par le CIPC et il se peut fort bien qu'ils soient arrêtés lors d'une vérification au hasard, pour excès de vitesse ou autre infraction, et qu'on découvre alors qu'ils devraient être expulsés. Nous pouvons déclencher le processus mais, s'il nous est impossible de les renvoyer du Canada parce que leur pays d'origine ne veut pas les reprendre, alors, nous sommes coincés.
Dans bien des cas, nous découvrons—et c'est un problème que nous cherchons constamment à résoudre—que ces pays ne veulent pas reprendre ces gens-là, parce qu'ils représentent une menace pour la société, là-bas comme ici. Peut-être avons-nous signé un accord avec ces pays—cela est vrai dans bien des cas—mais ils refusent de s'y conformer parce qu'ils ne veulent pas reprendre les individus en question. Souvent, nous pouvons prouver sans l'ombre d'un doute que telle ou telle personne est bel et bien ressortissante de tel ou tel pays, mais les autorités concernées refusent de coopérer et de fournir les documents de voyage requis parce qu'elles ne veulent pas le faire.
Deux problèmes se posent donc: il y en a un au départ—nous sommes obligés de les laisser entrer—et l'autre apparaît au bout du processus. Finalement, si nous ne pouvons renvoyer ces gens-là dans leur pays, tout ce que nous pouvons faire d'autre—les détenir, les retracer, appliquer la loi et je ne sais quoi d'autre—tout est finalement dérisoire puisque nous nous heurtons toujours à cet obstacle. C'est le problème le plus difficile que nous ayons à résoudre.
Le président: Monsieur Doyle, avez-vous d'autres questions à poser?
M. Norman Doyle: Non.
Le président: Très bien. Nous allons passer la parole à Mme Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président.
Je vais vous poser ma question en français, mais ça ne me dérange pas que vous me répondiez en anglais, s'il y a quelqu'un qui veut répondre.
La première concerne les documents.
Quand vous parlez de documents de voyage, est-ce qu'il s'agit de papiers d'identité seulement ou si vous acceptez aussi des certificats de scolarité, de travail, des certificats de baptême, etc.?
• 1630
Je voudrais me joindre à
mes collègues pour vous demander ce
qui nous empêcherait d'obliger les compagnies
aériennes—parce que c'est de
là que viennent la grande majorité des gens qui nous
arrivent au Canada—à demander les titres de
voyage avant même qu'un individu ne monte dans un avion et
à garder ces titres de voyage afin que nous puissions
renvoyer ces gens-là s'ils sont indésirables.
Il me semblait que cela se faisait déjà. Il me semblait que tous les transporteurs devaient s'assurer que les voyageurs aient un billet aller-retour quand ils venaient au Canada. Je vous pose la question au cas où je me tromperais.
Je vois ici un parallèle avec la question de la sécurité. Quand on a vu le nombre de terroristes et de bombes qui étaient placées dans les avions, on a instauré un système de sécurité coûteux qui a ralenti le processus des formalités de voyage mais qui a été installé dans tous les aéroports du monde.
Il est certain que certains systèmes fonctionnent moins bien que d'autres, bien entendu, mais qu'est-ce qui nous empêcherait d'instaurer un système parallèle à ce système de sécurité, qui empêcherait au moins un grand nombre de personnes de monter dans des avions—et je ne parle pas des conteneurs—ou des bateaux pour venir chez nous? Merci.
[Traduction]
M. Brian Grant: Il existe une convention internationale stipulant qu'un passeport et certains autres documents permettent de passer les frontières. Il peut y avoir des exceptions. Celle qui vient immédiatement à l'esprit, c'est le cas de la frontière entre le Canada et les États-Unis qui peut être franchie en présentant un certificat de naissance et, parfois, un permis de conduire prouvant qu'on est citoyen de l'un ou de l'autre pays. Mais la plupart des pays exigeront un document de voyage, en fait, un passeport.
Les papiers d'identité sont utiles si nous pouvons les obtenir, parce qu'ils peuvent être utilisés pour prouver que telle ou telle personne est ressortissante de tel ou tel pays, et cette preuve peut alors être utilisée par le pays en question pour émettre un passeport. Les papiers d'identité ne constituent pas, en tant que tels, des documents de voyage. Ce sont deux choses différentes. L'une est utile pour obtenir l'autre. Mais normalement, des papiers d'identité ne vous permettront pas de voyager à l'étranger.
En ce qui concerne les lignes aériennes, nous avons collaboré très étroitement avec elles, et la plus grande difficulté, en ce qui les concerne, est plutôt d'ordre opérationnel. Nous avons donné des cours de formation à leurs agents pour qu'ils apprennent à reconnaître les documents frauduleux. Certains de nos propres agents ont été détachés à l'étranger pour les aider à cet égard. Nous avons demandé aux lignes aériennes de faire les vérifications qui sont habituellement faites actuellement au Canada avant que les gens soient autorisés à monter dans un avion, afin de s'assurer que lorsqu'ils montent à bord, ils sont en possession du document de voyage requis. Nous leur avons donné l'autorisation légale de garder les documents des gens qui montent à bord.
La plupart des lignes aériennes ont des réserves à propos de cette façon de procéder. Certaines avancent que garder des documents de voyage est contraire aux lois de leur pays, même si je n'ai jamais vu quelque document qui le prouve. Garder les documents leur pose également un certain problème sur le plan de la sécurité. On craint que, dans le cas d'un 747 où s'embarquent plus de 400 passagers, il y ait énormément de documents et que cela présente des difficultés d'ordre opérationnel. Les lignes aériennes insistent beaucoup auprès d'organismes comme le nôtre sur le fait qu'elles souhaitent embarquer leurs passagers très rapidement. Si nous décidons de retenir les gens pendant une heure et demie pour vérifier à qui appartiennent les passeports, nous allons faire l'objet de critiques de plus en plus vives de la part des voyageurs et des lignes aériennes.
Mme Raymonde Folco: Avec tout le respect que je vous dois, je comprends évidemment que cela pose un problème, mais quand c'est une question de vie ou de mort, lorsque le problème de la sécurité des passagers s'est posé, nous avons mis en place un système. Les gens ont protesté à n'en plus finir. Ils n'étaient pas contents.
Je fréquente beaucoup les aéroports. Je déteste attendre. Je déteste qu'on me demande d'ouvrir ma valise, mais je le fais parce que je sais quelles seront les conséquences si je refuse de le faire.
Il me semble que c'est une solution qui pourrait régler une partie du problème. Je sais qu'il y en a d'autres. À mon avis, c'est quelque chose qu'on devrait envisager très sérieusement, en dépit du fait que les lignes aériennes refusent de le faire.
• 1635
À l'heure actuelle, les lignes aériennes ne sont pas très
satisfaites d'avoir à effectuer des contrôles de sécurité, mais
elles le font quand même. Peut-être pourrions-nous transférer les
pouvoirs légaux en la matière des lignes aériennes à votre
ministère. Un de vos agents pourrait peut-être faire ce genre de
chose à l'aéroport, en partant, pour ainsi dire, et ainsi, ce ne
serait plus les lignes aériennes qui détiendraient ces pouvoirs.
J'ai travaillé avec des réfugiés, et je sais ce qui se passe. Certains ont des papiers lorsqu'ils montent à bord. Ils les mangent ou ils les jettent dans les toilettes. D'autres les passent à quelqu'un à bord de l'avion... ou alors, juste au moment où ils sont prêts à embarquer, ils laissent tous leurs papiers à quelqu'un avant de monter à bord.
Ils agissent ainsi pour toutes sortes de raisons, mais il reste qu'à un moment ou à un autre, il faut qu'ils montrent un billet et un autre document. Il y a un moment où ils doivent le faire; autrement, on ne les autorise pas à monter à bord.
C'est à ce moment-là qu'il faut faire quelque chose, pas quand ils arrivent au Canada; alors, c'est trop tard.
M. Brian Grant: Nous exigeons qu'au moment où ils montent à bord, ils montrent leur carte d'embarquement et leur passeport; nous savons alors qu'ils embarquent munis d'un document. Mais ce qui se passe, c'est que les lignes aériennes ne prennent pas ces documents et ne les gardent pas pendant toute la durée du voyage.
J'aimerais ajouter que nous étudions un autre mécanisme. Il s'agit d'un système de renseignements anticipés sur les passagers. Essentiellement, on nous transmet à l'avance des renseignements pris sur les billets d'avion, le nom, l'adresse, etc. des passagers. Nous avons lancé un projet pilote à Vancouver où nous recevons ces renseignements bien avant l'arrivée de l'avion.
Nous pouvons alors, avec cette information, faire des vérifications dans nos banques de données et savoir qui arrive à bord de cet avion et si, au plan de la criminalité ou de la sécurité, il y a des gens qui sont indésirables. Cela ne règle pas le problème des documents de voyage. S'ils ont été donnés à quelqu'un d'autre et s'ils ont disparu, cela ne nous aide guère. Par ailleurs, les renseignements pris sur les billets d'avion peuvent fort bien ne pas être exacts, mais c'est un autre moyen d'essayer d'obtenir cette information.
Le président: Merci.
M. Deepak Obhrai: J'ai deux ou trois questions à poser, si vous voulez bien me donner un peu de temps.
Le président: Vous avez cinq minutes.
M. Deepak Obhrai: Nous comprenons que l'absence de documents de voyage pose un problème, mais je ne pense pas que ce soit le seul. À mon avis, il y a deux ou trois facteurs qui entrent en jeu, et j'aimerais que vous me disiez, en y accolant un pourcentage, quel rôle jouent ces autres facteurs.
Le plus important, c'est le fait qu'il vous manque les ressources nécessaires pour exécuter les renvois. Même si vous avez dit que cela touche les immigrants, il faut aussi compter avec les expulsions qui doivent se faire plus tard, dans les cas où l'on a accordé la citoyenneté à certaines personnes qui doivent être déportées parce qu'on a découvert qu'elles avaient menti.
Quel rôle joue le manque de ressources, le manque d'argent—ce que je trouve difficile à comprendre, étant donné qu'on exige maintenant le paiement d'un droit pour l'établissement et d'une foule d'autres droits—et quel rôle joue dans tout cela le manque de volonté politique d'appliquer la loi dans toute sa rigueur?
M. Greg Fyffe: Vous pouvez, en effet, je crois, présumer qu'avec le droit exigé pour l'établissement, nous disposons d'un énorme montant d'argent. En réalité, ces droits sont versés au Receveur général, essentiellement. Rien n'a été ajouté aux ressources dont nous disposions auparavant. Nos ressources pourrait-on dire, correspondent à une partie de cet argent.
Avoir des ressources est toujours utile, mais cela ne résout pas le problème auquel nous faisons face lorsque nous arrêtons quelqu'un et que nous prenons toutes les dispositions nécessaires pour organiser son départ, mais qu'en définitive, son pays d'origine n'accepte pas son retour. Alors, rien ne tombe en place.
M. Deepak Obhrai: Dans l'ensemble, quel rôle joue le manque de ressources et l'absence de volonté politique? Est-ce un rôle majeur, ou bien est-ce que c'est le document de voyage qui est le plus important?
M. Greg Fyffe: La question des documents de voyage est une question-clé.
M. Deepak Obhrai: C'est une question-clé?
M. Greg Fyffe: C'est la question-clé. Prenons la façon dont les choses se passent au départ; il se peut que la technologie nous offre une solution, mais comme M. Grant l'a fait remarquer, nous nous assurons déjà que lorsque les gens montent à bord d'un avion, ils ont un document en plus de leur passeport.
L'étape suivante, et je ne suis pas sûr qu'à l'heure actuelle cela soit même possible, techniquement parlant, c'est de trouver un moyen d'associer de façon permanente une personne et un billet d'avion ainsi que le document de voyage. Si c'était possible, en prenant une photographie ou par un autre moyen—je ne suis d'ailleurs pas sûr que la technologie nécessaire existe—mais si c'était le cas, ce serait une possibilité. Il y a également la solution dont M. Grant a parlé.
En Australie, tout le monde a besoin d'un visa pour entrer. Le visa fait partie de la procédure à suivre quand on voyage dans ce pays. Lorsque l'avion décolle, les Australiens savent qui est à bord, parce qu'ils ont tous les visas et tout le reste. Mais il y a beaucoup moins de gens qui entrent dans ce pays que chez nous.
M. Deepak Obhrai: Et en conséquence, le problème des réfugiés ne se pose pas.
M. Greg Fyffe: Oh, si, mais pas sur la même échelle. Comme vous l'avez certainement remarqué, on parle de détention dans le rapport. Je le signale parce que dans le rapport, pour tenter de résoudre cette question—et c'est l'une de celles que vous aurez à examiner—on suggère que si quelqu'un ne coopère pas et ne demande pas les documents nécessaires, on ne lui accorde pas le statut provisoire qui lui donnerait la liberté de mouvement. Autrement dit, on mettrait cette personne en détention.
Bien évidemment, cela entraîne des frais, mais il faut se dire qu'au bout du compte, la détention incitera les gens à remplir les formulaires nécessaires. Une des questions qu'il faut se poser à propos de cette recommandation, c'est: que se passe-t-il s'il n'en est pas ainsi? Que se passe-t-il si on tombe sur des gens pour qui cela ne pose aucun problème d'être détenus pendant une période indéfinie? Il y a des gens qui sont comme ça.
On pourrait facilement se retrouver à détenir une foule de gens, alors que, rappelons-le, dans tout le système pénitencier fédéral, on compte à peu près 13 000 détenus.
M. Deepak Obhrai: S'agit-il là de la motivation dont vous parlez dans ce nouveau rapport qui vient d'être publié? Cela m'intrigue beaucoup qu'on parle de «motiver» les gens à se conformer à la loi. Est-ce la motivation dont vous parlez?
M. Greg Fyffe: Le Groupe consultatif sur la révision de la législation a estimé que les gens qui ne sont pas des visiteurs, mais des immigrants devraient bénéficier d'un statut provisoire. Pour l'obtenir, ce qui vous donnerait le droit de vivre au sein de la collectivité, pour ainsi dire, il faudrait que vous coopériez dès le départ en demandant des documents de voyage, au cas où on aurait à vous renvoyer. Donc, pour le GCRL, il s'agit d'une mesure qui devrait motiver les gens à éviter la détention.
Mais si vous estimez qu'il s'agit là d'une solution, il faut également être persuadé—à cause de l'investissement considérable que cela représente sur le plan financier et sur le plan des installations nécessaires, sans parler des questions philosophiques que cela soulève, et qui sont très sérieuses pour certains pays— que la détention est un moyen de dissuasion suffisant et que les gens ne souhaitent pas être détenus éternellement.
M. Deepak Obhrai: Une dernière question.
Le président: Désolé, votre temps de parole est écoulé.
Madame Minna.
Mme Maria Minna: J'aimerais revenir aux pourcentages qui ont été cités plus tôt, soit qu'on compte 60 p. 100 de revendicateurs du statut de réfugié non reconnus, 18 p. 100 de criminels et 22 p. 100 de cas divers. J'ai l'impression que nous tournons un peu en rond, que nous grattons les fonds de tiroirs. À moins que je ne me trompe complètement, les gens qui refusent de signer le formulaire ne forment pas une majorité, mais une minorité.
Est-ce que les gens qui ont un casier judiciaire et que leur pays d'origine ne veulent pas reprendre forment aussi une majorité? Y a-t-il vraiment beaucoup de pays qui réagissent ainsi?
Peut-être devrions-nous séparer les deux—les criminels d'une part et les autres. Dans la catégorie de ceux qui ne sont pas classés comme criminels, c'est-à-dire, de loin, celle où l'on retrouve le plus grand nombre de revendicateurs du statut de réfugié, si un petit nombre d'entre eux refuse de signer le formulaire, pourquoi compte-t-on autant de cas problématiques? Est- ce parce que, d'une façon ou d'une autre, le processus n'est pas terminé, que leur cas fait toujours l'objet d'une demande de révision judiciaire, même si une ordonnance d'expulsion a été émise, ou alors, quoi?
Procédons par ordre, pourriez-vous répondre à cette question avant que je passe à la suivante.
Mme Susan Leith: Je peux vous donner une liste et vous dire que depuis 1993, nous avons renvoyé 16 000 revendicateurs du statut de réfugié non reconnus. Toutefois, cela ne correspond pas aux chiffres cités dans le rapport du vérificateur général, parce que les gens ne sont pas expulsés dans l'année où ils déposent une revendication du statut de réfugié.
Donc, pendant la période examinée par le vérificateur général, nous avons expulsé beaucoup de revendicateurs du statut de réfugié. C'est juste que la personne qui a été renvoyée en 1995 avait peut- être déposé sa demande en 1992. Il y a donc un décalage.
Est-ce que cela répond à votre question?
Mme Maria Minna: Oui et non. D'après ce que je comprends, vous dites que le rapport du vérificateur général n'est peut-être pas tout à fait à jour en ce qui concerne...
M. Brian Grant: Non, c'est juste qu'il envisage la situation sous un angle différent.
Mme Maria Minna: Bon. Oublions un peu le rapport du vérificateur général. Vous nous avez dit plus tôt qu'à l'heure actuelle, 6 617 personnes tombent sous le coup d'une ordonnance d'expulsion. C'est le chiffre le plus récent, n'est-ce pas?
M. Brian Grant: Oui.
Mme Maria Minna: D'après vos calculs, 60 p. 100 de ces personnes sont des revendicateurs du statut de réfugié non reconnus.
Mme Susan Leith: Non. Vous avez mal compris. Permettez-moi de revenir en arrière. En 1997, nous avons renvoyé 7 968 personnes.
Mme Maria Minna: Bien. C'est le chiffre de 1997. Alors, sur les 6 000 personnes, combien...
Mme Susan Leith: Parmi celles qui ont été expulsées, 4 800 personnes étaient des revendicateurs non reconnus. Les chiffres que j'ai cités plus tôt en réponse aux questions de M. Reynolds correspondaient au nombre total des cas de renvois non exécutés que nous avons recensés dans tous nos bureaux à travers le Canada.
Mme Maria Minna: Bien, il s'agit de 6 000 personnes.
M. Brian Grant: Parmi elles, on compte 1 267 criminels.
Mme Maria Minna: Très bien. En ce qui concerne les gens qui n'entrent pas dans la catégorie des criminels, les gens qui attendent simplement d'être renvoyés, quelle est la raison majeure pour laquelle l'exécution de l'ordonnance d'expulsion est retardée? Est-ce principalement pour des raisons administratives? Nous parlons beaucoup de ceux qui refusent de signer ces formulaires, mais j'ai l'impression qu'ils ne sont pas nombreux. Ce n'est pas là le problème majeur.
Mme Susan Leith: Un grand nombre de ces personnes attendent les résultats d'une évaluation des risques de retour. Avant juin dernier, chaque fois que quelqu'un revendiquait le statut de réfugié, on faisait obligatoirement une évaluation des risques de retour. Les règlements ont été changés et maintenant, il faut que les revendicateurs non reconnus demandent que cette évaluation soit faite. Je crois que, dans tout le Canada, il y a environ 4 500 personnes qui attendent que leur cas soit examiné.
Mme Maria Minna: Donc, dans la grande majorité des cas, le retard n'est pas dû au problème des documents de voyage. Cela ne concerne qu'un petit nombre de personnes. La raison principale est d'ordre administratif, dans le sens où les dossiers n'ont pas encore franchi les étapes finales du processus pour...
Mme Susan Leith: Oui, ou alors c'est que la Cour fédérale est encore saisie des dossiers sous une forme ou...
Mme Maria Minna: Il y a dans tous ces cas-là un processus administratif qui est encore en marche. Concrètement, ces affaires- là ne sont pas classées, vous n'êtes pas en mesure de dire, bon, il faut que vous partiez demain.
M. Brian Grant: Je pense que nous vous avons induite en erreur par inadvertance.
La question des documents de voyage est très sérieuse, c'est un problème auquel sont confrontés tous les pays. Lorsque nous avons dit que cela ne concernait qu'un petit nombre de personnes, il faut voir aussi que le problème c'est que, soit les intéressés ne veulent pas signer la demande, soit nous n'avons pas de preuves. Il y a aussi la situation inverse, lorsque nous avons la preuve qu'une personne fait partie des ressortissants d'un pays donné, ou lorsqu'elle a signé la demande, ou encore lorsque nous avons en notre possession un passeport périmé, mais que le pays concerné refuse d'émettre des documents de voyage. Ce genre de situation se présente aussi.
Mme Maria Minna: Oui, mais quel pourcentage de cas cela représente-t-il?
M. Brian Grant: Nous n'avons pas ces chiffres ici. Nous...
Mme Maria Minna: J'essaie d'avoir une idée du nombre de cas où se pose ce genre de problème et de déterminer si, comme l'un d'entre vous l'a laissé entendre plus tôt, la plupart des dossiers des revendicateurs du statut de réfugié sont encore en suspens à cause de retards d'ordre administratif... Soit ils se trouvent dans la catégorie de ceux qui refusent de signer le formulaire, même s'il y en a qui le font, soit ils tombent dans l'autre catégorie.
Je présume que ce sont les criminels que leurs pays d'origine refusent de reprendre.
M. Brian Grant: Pas nécessairement.
Mme Maria Minna: Ils ne veulent pas des criminels. On se renvoie la balle.
Si vous pouviez nous donner une ventilation de ces chiffres, je pense que ce serait utile...
M. Brian Grant: Très bien.
Mme Maria Minna: ...notamment, si vous pouviez nous dire dans combien de cas, sur les 6 617, il y a encore un processus en cours, que ce soit une révision judiciaire, le classement dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada ou dans la catégorie désignée pour considérations humanitaires, ou quoi que ce soit d'autre, parce que selon moi, cela signifie que le dossier n'est pas clos et que par conséquent, vous n'êtes pas en mesure d'arrêter ces gens-là et d'exécuter l'ordonnance de renvoi. Donc, tant que le processus administratif n'est pas achevé, cela ne signifie pas grand-chose que les gens soient, en fait, expulsables. Je pense qu'il est important d'avoir des chiffres précis.
Mme Susan Leith: Nous ferons de notre mieux, mais certaines des raisons pour lesquelles ces gens-là n'ont pas encore été renvoyés ne sont pas nécessairement enregistrées dans notre système. Prendre le total et le diviser afin de vous indiquer quel pourcentage... Par exemple, si quelqu'un purge une peine, nous indiquons dans notre système que même si cette personne a été condamnée, nous ne pouvons pas l'expulser.
Mme Maria Minna: Je comprends cela, mais je ne parle de cette catégorie. Je connais tous les problèmes que cela pose.
M. Greg Fyffe: Vous voulez que nous vous disions combien de personnes devraient être renvoyées à titre de revendicateurs non reconnus, mais ne peuvent être expulsés parce que leur pays d'origine refuse de collaborer avec nous et que nous ne pouvons obtenir de documents de voyage.
Mme Maria Minna: C'est une raison qui est souvent citée, mais j'aimerais avoir une idée de l'ampleur du problème que cela pose. Si ce n'est pas un gros problème et si la majorité des cas— 60 p. 100, 50 p. 100, je ne sais combien—ne sont pas liés à ce problème, alors, comme vous venez de le dire, c'est qu'il y a un processus quelconque qui est encore en marche. Éventuellement, lorsque ce processus aboutit, est-ce qu'il est facile de renvoyer ces gens-là, et est-ce que cela signifie, pour nous qui essayons de régler le problème des expulsions, qu'il s'agit d'un problème qui est lié à 40 p. 100 des cas ou bien à 100 p. 100?
Voyez-vous ce que je veux dire? Quelle est l'ampleur du problème et où se pose-t-il?
M. Greg Fyffe: Oui, nous vous donnerons des précisions à ce sujet. Nous allons examiner nos statistiques et voir quelles données nous pouvons vous transmettre.
Mme Maria Minna: Ce serait utile. Merci.
Le président: Madame Hardy.
Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Pourriez-vous nous dire quel rôle joue l'agent d'immigration au point d'entrée en ce qui a trait à l'application d'un certain pouvoir discrétionnaire, et quelle est l'étendue de ce pouvoir. On recommande de le limiter; quels sont les risques et quels sont les avantages qui en découleraient?
M. Neil Cochrane: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'exercer un pouvoir discrétionnaire au point d'entrée. Vous parlez des gens qui n'entrent pas dans la catégorie des immigrants?
Mme Louise Hardy: Je parle des réfugiés.
M. Neil Cochrane: En ce qui concerne les réfugiés, l'agent d'immigration ne jouit d'aucun pouvoir discrétionnaire au point d'entrée. Il existe une disposition permettant à quelqu'un qui ne remplit pas toutes les conditions prescrites par la loi d'entrer au Canada à titre de visiteur et d'y rester pour une période donnée. Je pense que c'est 30 jours. Mais cette disposition ne s'appliquerait pas à une personne dont l'intention est de s'installer de façon permanente. L'agent d'immigration jouit donc d'un certain pouvoir discrétionnaire qui lui permet de laisser entrer quelqu'un de façon temporaire quand, par exemple, cette personne n'a pas de visa de sortie, alors qu'elle vient d'un pays qui en exige un, mais que par ailleurs, elle remplit toutes les conditions stipulées dans la loi à la satisfaction de l'agent d'immigration.
Je crois toutefois que dans le rapport sur la révision de la législation, on parle des pouvoirs discrétionnaires, de l'autorité qu'on peut exercer pour permettre à une personne de rester au Canada de façon permanente à cause de considérations humanitaires. Est-ce à cela que vous faites allusion?
Mme Louise Hardy: Je veux juste savoir quelle est l'étendue de ces pouvoirs discrétionnaires. Comment cela se traduit-il et, si on les limite, quels sont les avantages et les...
M. Brian Grant: À l'heure actuelle, toute personne peut, dès le moment où elle arrive au Canada jusqu'à ce qu'elle soit renvoyée, demander que sa situation soit réexaminée pour considérations humanitaires. Une telle demande peut être renouvelée aussi souvent qu'on veut. Il en coûte 500 $ par demande.
Il y a deux sortes de facteurs qui entrent dans les considérations humanitaires. À l'heure actuelle, la Loi sur l'immigration s'agence autour du principe énoncé à l'article 9.1 qui stipule que tous les immigrants doivent demander un visa à l'étranger. Une personne qui est déjà au Canada et qui fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion pourrait dire, ce que je voudrais, c'est ne pas avoir à rentrer chez moi, alors, pourrais-je obtenir une dérogation et déposer une demande au Canada? C'est une des catégories de cas auxquels peuvent s'appliquer des considérations humanitaires.
L'autre est celle où la personne concernée ne répond pas à la description habituelle d'un immigrant. Disons, par exemple, qu'il s'agit du frère de quelqu'un qui est déjà établi au Canada, alors que, selon la définition donnée dans les règlements sur l'immigration, les frères ne font pas partie des membres de la famille qui peuvent bénéficier du programme d'immigration du Canada. Cette personne peut dire, bon, à titre de frère, je n'ai pas le droit de faire parrainer ma demande dans le cadre du programme qui concerne les membres d'une même famille, mais pouvez- vous quand même m'autoriser à rester? Pouvez-vous déroger aux règles dans mon cas parce que ma famille a besoin de moi et que je peux l'aider; il y a quelqu'un de malade dans la famille—ou alors, ce sont d'autres circonstances malheureuses qui sont invoquées— alors, vous pouvez bien faire une entorse aux règlements. C'est le genre de considérations humanitaires qui entrent dans la deuxième catégorie.
Il y en a une troisième: elle concerne les personnes jugées non admissibles. Il se peut que ce soit pour des raisons médicales. Il se peut aussi que ce soit des criminels. Ce sont des gens qui, peut-être, ont prolongé leur séjour sans autorisation et tombent sous le coup d'une ordonnance d'expulsion. Ils diront, étant donné les circonstances particulières et très pénibles dans lesquelles je me trouve, pouvez-vous me faire bénéficier d'une dérogation en vertu de laquelle je ne serai plus classé dans la catégorie des personnes non admissibles?
Pour peser le pour et le contre de pareilles déclarations, si je peux m'exprimer ainsi, on prend en compte essentiellement deux critères. Premièrement, quel risque courez-vous si l'on vous renvoie dans votre pays d'origine? Cela peut ne pas vous arranger d'y retourner pour faire une demande, mais courez-vous un risque? C'est un facteur dont on tiendra compte.
Le deuxième a trait aux liens que vous avez avec le Canada. Il y a les liens sentimentaux, le nombre d'années que vous avez passées au Canada, le fait que vous ayez des enfants qui sont nés au Canada, et il y a aussi les liens financiers. On prend en compte un certain nombre de facteurs. Il n'y a pas de grille d'évaluation. On ne dit pas vous avez un point pour ceci et un point pour cela. Tout est pris en compte pour déterminer les attaches du demandeur avec le Canada.
Ces deux derniers critères n'entrent pas en jeu quand on examine une demande pour considérations humanitaires.
Mme Louise Hardy: Est-ce que la décision revient à la personne à qui sont présentés tous ces arguments? Est-ce que tout dépend de son expérience et des pouvoirs discrétionnaires dont elle jouit?
M. Brian Grant: Oui.
M. Greg Fyffe: En partie, car nous faisons tout en notre pouvoir pour fournir des directives qui garantissent l'uniformité des décisions qui sont prises. De fait, nous sommes en train d'élaborer des lignes directrices afin d'assurer, autant que faire se peut, la cohérence des décisions prises pour considérations humanitaires. Manifestement, il faut trouver le juste milieu. Si ces décisions reposaient avant tout sur des règlements, on ne parlerait pas de prendre en compte des considérations humanitaires.
Mme Louise Hardy: Vous estimez donc que dans ces cas-là, le fait que les responsables des décisions jouissent d'une certaine latitude est une bonne chose.
M. Greg Fyffe: Oui.
M. Brian Grant: C'est une bonne chose dans ces circonstances- là, mais cela montre bien à quel point le programme d'immigration pose un défi, parce que ce sont des gens que cela concerne, c'est leur vie qui est dans la balance, et tout n'est pas toujours clair et net. D'un côté, on nous dit, regardez, il y a tous ces revendicateurs du statut de réfugié qui sont non reconnus, ils devraient être expulsés du Canada; ils ne sont pas reconnus comme des réfugiés; ils sont entrés illégalement dans notre pays; ils n'ont pas les documents qu'il faut, etc., alors, ce ne sont pas des réfugiés; renvoyez-les. Et puis, d'un autre côté, nous sommes également censés reconnaître que dans tel cas particulier, il faut prendre en compte ceci, cela et encore ceci. Nous essayons de mettre en place un programme en conciliant des ordonnances parfois contradictoires, et c'est là, je pense, où nous avons tendance à nous embourber. Quoi que nous fassions, on nous critique. Trouver une solution pour nous tirer de ce mauvais pas est en fait l'objet du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation et, bien évidemment, c'est également ce qu'on vous a demandé d'étudier.
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Et on se demande pourquoi les gens ne savent pas très bien quoi penser.
Peut-on raisonnablement imaginer qu'une personne peut arriver dans notre pays sans aucun document et tout simplement demander qu'on lui accorde le statut d'immigrant reçu?
M. Brian Grant: Excusez-moi...
M. Steve Mahoney: Quelqu'un arrive ici et présumément, cette personne avait certains documents lorsqu'elle a pris l'avion quelque part; elle débarque et n'a plus quelque document que ce soit. Que va-t-elle demander?
M. Brian Grant: Probablement qu'on lui accorde le statut de réfugié.
M. Steve Mahoney: Elle ne va pas demander le statut d'immigrant reçu et, si c'est le cas, l'agent d'immigration n'aura aucune hésitation à lui dire qu'elle ne remplit pas les conditions requises; ensuite, on va la faire remonter dans l'avion et on va la renvoyer à son point de départ, sans l'entendre, sans rien.
M. Brian Grant: Oui, c'est exact. C'est le processus administratif qui sera suivi.
M. Steve Mahoney: En ce qui concerne les immigrants... en général, ils sont munis de tous les documents requis.
M. Brian Grant: Oui.
M. Steve Mahoney: Bien. C'est donc uniquement dans le cas des gens qui arrivent sans document... Disons les choses autrement. Les gens qui arrivent sans document sont ceux qui revendiquent le statut de réfugié.
M. Brian Grant: En gros, oui.
M. Steve Mahoney: Par conséquent, la question des documents n'a pas vraiment grande importance car, même s'ils en avaient, ces gens-là pourraient débarquer sur nos côtes et dire, voici mes documents de voyage, mais je suis réfugié, avec ou sans document. Donc, remonter la filière jusqu'où ils se sont embarqués et retracer les documents n'a guère d'importance.
M. Brian Grant: Vous êtes tout près de mettre le doigt sur ce qui est au centre, au coeur de la question, parce que...
M. Steve Mahoney: Cela m'a pris seulement six mois.
M. Brian Grant: ...tout ce que nous faisons en matière d'interdiction, même si c'est nécessaire pour empêcher que le système soit submergé, et je pense qu'il le serait... Quoiqu'il en soit, nous opposons une certaine résistance. Si nous pouvions faire notre travail parfaitement, si nous pouvions empêcher tout le monde de monter dans un avion, je suppose que c'est par bateau que les gens arriveraient sur nos côtes. Ils essaieraient de venir ici, par n'importe quel moyen.
M. Steve Mahoney: Ce que j'essaie de dire—et vous assistiez à la réunion du Comité des comptes publics où j'ai tenté aussi de souligner cela, ce que je n'ai fait que partiellement, je pense— c'est que nous ne devrions pas être surpris de voir arriver des gens ici sans documents et demander le statut de réfugié. S'ils demandent qu'on leur accorde ce statut, c'est présumément qu'ils ont fui pour avoir la vie sauve, ou, tout au moins, pour se mettre en sécurité ou encore pour rester libres et par conséquent, ils ne vont pas s'arrêter à l'ambassade et dire, pouvez-vous me donner un passeport ou encore un visa? Soit ils vont avoir de faux documents ou alors des documents qui... Ils veulent simplement sortir de leur pays sans se faire remarquer, venir au Canada et demander le statut de réfugié.
Ce que j'ai un peu de mal à comprendre... J'ai entendu mon collègue dire que la raison pour laquelle vous avez besoin de ces documents, c'est pour être en mesure de renvoyer ces gens-là, pour savoir d'où ils viennent. Je comprends cela. Mais s'ils demandent le statut de réfugié, ils vont être ici pendant 14 mois, quoi que nous fassions...
M. Brian Grant: Exact.
M. Steve Mahoney: ...et ils vont suivre toutes les étapes d'un certain processus, lequel va présumément vous permettre de découvrir qui ils sont, quel genre d'existence ils ont menée, et ainsi de déterminer si, oui ou non, ce sont des réfugiés légitimes. Si c'est le cas, nous n'avons sans doute que faire de leurs documents.
Mme Raymonde Folco: Mais vous en avez besoin de ces documents lorsque vous vous préparez à comparaître devant la Commission.
M. Steve Mahoney: Pourquoi? Allez-vous dire, non, retournez d'où vous venez parce que vous n'avez pas de documents?
Mme Raymonde Folco: Non, mais cela facilite le processus.
M. Steve Mahoney: Cela peut fort bien le faciliter, mais cela ne nous permet pas, tant et aussi longtemps que nous sommes partie prenante de...
• 1700
Je respecte l'expérience acquise par Mme Folco au sein de la
CISR, mais c'est plutôt du point de vue d'un profane que j'envisage
la chose. Le fait est que vous n'allez pas leur refuser la
possibilité de bénéficier d'un processus qui permet de déterminer
le statut de réfugié, qu'ils aient ou non des documents de voyage.
Tant et aussi longtemps que nous sommes signataires de la
Convention des Nations Unies et tant et aussi longtemps que la
Charte canadienne des droits et libertés existe, pratiquement tout
le monde, un Américain, n'importe qui, peut arriver au Canada,
demander le statut de réfugié, avec ou sans documents, et être
autorisé à suivre le processus établi. La façon dont la décision
est prise est une question complètement différente.
M. Greg Fyffe: Mais cela met toutefois en cause l'intégrité fondamentale de la décision qui est prise, à savoir est-ce que le Canada, en bout de ligne, offre sa protection à quelqu'un qui le mérite vraiment ou à quelqu'un qui a présenté son cas de façon mensongère, en partie parce qu'il a pu cacher ce qu'il est véritablement. Par exemple, on va avoir des doutes sérieux à propos de quelqu'un qui arrive du Sri Lanka parce qu'on le soupçonne d'avoir fait partie des fameux Tigres Tamil. C'est un cas connu, sans doute. Prenons cela comme exemple. Si nous savons qui sont ces gens et s'ils reconnaissent les faits honnêtement lorsqu'ils présentent leur demande, il y a toutes les chances que la CISR l'évalue en se fondant sur leur version des faits.
M. Steve Mahoney: Et ce, assez rapidement.
M. Greg Fyffe: Si toutefois nous avons affaire à une personne qui, en réalité, vient du Kenya tout en prétendant qu'elle vient de Somalie et si elle a jeté les documents de voyage qu'elle possédait, dans ce cas, nous sommes d'autant moins en mesure de savoir si l'histoire qu'elle raconte correspond bien à la réalité.
Donc la question des documents entre en partie dans le cadre des problèmes de contrôle que nous avons évoqués. Au bout du compte, elle est liée à la quantité d'information dont la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a besoin pour prendre une décision basée sur la crédibilité de l'histoire qu'a racontée la personne concernée et, si cette histoire est crédible, pour déterminer si c'est bien une situation qui requiert le statut de réfugié.
Si au départ, l'intéressé n'a aucun document, la décision est d'autant plus difficile à prendre. Si en plus de cela, la personne en question refuse de coopérer et ne dit même pas qui elle est, la décision est encore plus problématique. Donc, oui, dans son ensemble, le processus doit déboucher sur une décision. Si nous n'avons pas de documents de base, si l'on part du principe que les personnes concernées sont arrivées avec de faux documents, si nous n'avons pas de point de départ, nous avons d'autant moins de chances de prendre la bonne décision.
M. Steve Mahoney: Ce qui rend votre tâche plus difficile. Je comprends parfaitement ce que vous dites.
J'en arrive très rapidement à la conclusion que cela n'a rien à voir avec l'efficacité du système qui s'applique aux réfugiés. Le fait qu'ils aient des documents ou non modifie simplement la charge administrative que doit assumer votre ministère pour en arriver à une décision appropriée. Au bout du compte, la seule chose que détermine le fait de posséder ou de ne pas posséder de documents, c'est le temps que cela va prendre pour mener à bien le processus et non l'approbation ou la non-reconnaissance du statut de réfugié.
M. Greg Fyffe: Je dirais que c'est plus grave que cela. Il y a certainement des circonstances dans lesquelles une personne se retrouve sans documents sans avoir pour autant enfreint la loi. Pour des réfugiés, ne pas avoir de documents est tout à fait plausible. Mais personne ne peut débarquer dans un aéroport en prétendant avoir trouvé les faux documents en sa possession dans les toilettes. Ces documents lui ont été vendus par un passeur. Cette personne s'est adressée à un passeur parce qu'elle voulait pénétrer au Canada. Le passeur lui a donné des conseils sur la façon de se présenter et sur ce qu'elle devait faire de ses documents, parce que, selon toute apparence, cela lui donnait de meilleures chances que de se présenter sous sa véritable identité. Par conséquent, cela rend les choses très difficiles.
Dans le lot, il y a des gens en possession de faux documents qui ont été obligés de se les procurer parce que ce sont de véritables réfugiés, mais il y a un autre groupe qui a considéré cette façon de procéder comme le meilleur moyen de pénétrer au Canada. On leur a appris à se présenter, etc. Séparer le bon grain de l'ivraie est fondamental si l'on veut préserver l'intégrité du processus de détermination du statut de réfugié.
Le président: Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds: J'aimerais revenir à la Convention des Nations Unies et avoir quelques précisions. Vous dites que quiconque arrive à nos frontières... L'an dernier, 12 500 personnes sont entrées au Canada en provenance des États-Unis et ont demandé le statut de réfugié.
J'ai parlé à des Américains à l'aéroport de Vancouver, parce qu'on m'avait dit que si quelqu'un arrive au Canada en disant être réfugié, même s'il est Américain, nous le laissons entrer et nous lui donnons sa chance. Je leur ai demandé ce qui arriverait si je me présentais à leur frontière aujourd'hui, avec mon billet, comme réfugié en provenance du Canada. Je ne répéterai pas ce qu'ils m'ont dit, mais on ne me laisserait pas entrer.
Je leur ai demandé pourquoi ils font les choses différemment de nous. Ils m'ont répondu qu'aux États-Unis, le nombre de pays d'où peuvent venir les gens qui prétendent être réfugiés est beaucoup plus restreint qu'au Canada. Ils ont ajouté que même si l'on vient d'un de ces pays, on peut être refoulé. Les autorités ont 72 heures pour faire intervenir un juge en ce sens, et les gens sont détenus jusqu'à ce que la décision ait été prise.
• 1705
Alors, pourquoi ont-ils, eux, institué un règlement selon
lequel ils n'acceptent pas tout le monde, alors que nous, nous
ouvrons nos portes à tous ceux qui, à travers le monde, veulent
venir chez nous?
M. Brian Grant: Je crois savoir que les États-Unis viennent d'instaurer ce qu'on appelle un «processus d'expulsion accélérée». Même si je ne suis pas expert en la matière, je sais que dans la Convention des Nations Unies, rien n'oblige un pays à déterminer, d'une façon ou d'une autre, le statut d'une personne qui demande à être traitée comme un réfugié. Nous avons un système particulièrement minutieux et compliqué.
Aux États-Unis, on a récemment mis en place un système qu'on pourrait qualifier de système à deux vitesses, je suppose. Je n'en connais pas tous les détails, mais je pourrais obtenir cette information pour le comité. Essentiellement, il s'agit d'un système accéléré dans le cadre duquel la demande de toute personne qui arrive sans documents est traitée à l'aéroport. Je crois savoir qu'il s'agit d'une décision administrative prise par un agent d'immigration spécialisé, alors que nous, au Canada, nous faisons intervenir la CISR. Rien ne dit que vous êtes obligés de procéder d'une façon ou de l'autre.
Ce système a été instauré il y a environ un an pour essayer de régler le problème que posent ces demandes. La théorie sur lequel il repose, une théorie que nous connaissons tous et que nous avons essayé d'appliquer depuis le dépôt du projet de loi C-55 en 1989, une théorie connue de tous à travers le monde, c'est que, en vertu de la Convention des Nations Unies, vous êtes obligés de déterminer si ces gens-là sont bel et bien des réfugiés, mais le secret de la réussite, c'est de trouver un moyen de le faire aussi rapidement que possible. C'est ainsi que vous pouvez décourager les demandes non fondées, parce que si vous pouvez faire ressortir ces personnes aussi vite qu'elles sont entrées, elles n'ont pas la possibilité de travailler, ni de toucher des allocations d'assistance sociale, ni de bénéficier de quelque avantage que ce soit.
M. John Reynolds: Avons-nous étudié leur système? Je sais que les États-Unis sont en train de construire un grand établissement dans la région de Buffalo. Il y aura des cellules où l'on pourra détenir les gens pendant 72 heures, des juges et des tribunaux sur place. Avons-nous étudié ce système pour voir si nous pouvons l'envisager?
M. Brian Grant: Nous nous sommes renseignés sur ce qui s'est passé au cours de l'année écoulée pour voir comment le système fonctionnait. À l'heure actuelle, il fait l'objet de contestations devant les tribunaux. Mais pour ce qui d'étudier le système, c'est ce qu'on a demandé au Groupe consultatif sur la révision de la législation de faire—analyser ce système.
En Hollande, on traite ces demandes en 24 heures, à l'aéroport. S'il est prouvé que sa demande n'est pas crédible, l'intéressé repart dans les 24 heures. Cela cause quelques problèmes aux Hollandais, et ils pensent qu'ils vont être obligés de porter ce délai à 48 heures; mais le Parlement tient à ce que cela soit fait en 24 heures.
Lorsque rien ne prouve de façon évidente qu'on n'a pas affaire à un réfugié, l'intéressé est dirigé sur un centre de traitement, et le processus est lent, laborieux et soulève les mêmes problèmes que nous rencontrons tous, parce que le nombre des cas à étudier ralentit tout.
M. John Reynolds: Vous serait-il très difficile de nous fournir des renseignements sur les deux systèmes, celui des Hollandais et celui des Américains, et sur la façon dont ils procèdent?
M. Brian Grant: Nous pouvons obtenir ces renseignements.
M. Greg Fyffe: Dans un plus large contexte, monsieur Reynolds, si vous essayez d'inclure dans la législation une disposition vous donnant la possibilité de rejeter certaines personnes en fonction de leur pays d'origine, avant même que leur cas soit examiné par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, cela irait sans doute à l'encontre de la Charte. Ce n'est pas un avis juridique, mais je pense que c'est le premier obstacle qui surgirait.
Ce genre de considération est en fait prise en compte dans le cadre du processus interne de la Commission. Bien sûr, si une personne venant des États-Unis demande le statut de réfugié, son cas sera étudié, mais il faudra que ce soit quelque chose d'assez spectaculaire, et je crois que c'est extrêmement rare.
Si, même dans le cadre du processus appliqué par la Commission, vous aviez la possibilité d'exclure toute une série de pays, vous aboutiriez probablement à ne laisser pour compte qu'un très petit nombre de réfugiés reconnus. Comme vous le savez, il y a plusieurs autres domaines qui ont été extrêmement contestés. Mais cette question-là est essentiellement prise en compte dans le cadre du processus interne de formation, d'information et de documentation de la Commission.
M. John Reynolds: N'oublions pas que, dans le rapport, on recommande d'abolir la Commission, et il faut donc que nous examinions... Si on abolit la Commission, quel genre de système allons-nous instaurer, et en quoi est-ce que cela va améliorer les choses?
Je me suis trouvé récemment à l'aéroport de Vancouver qu'on me faisait visiter parce que je voulais savoir comment le système fonctionne. Je suppose que j'ai eu de la chance, parce qu'il y avait là une famille d'environ 11 personnes qui n'avaient aucun papier d'identité, qui ne savaient pas quelle était la ligne aérienne qui les avait amenés là, et qui ne savaient pas non plus d'où elles venaient. Elles ne prononçaient qu'un mot: «Réfugié». Je sais que vous avez parlé d'un processus qui dure huit heures, mais il était 10 heures et on m'a dit que cette famille serait dans la rue à 16 heures. C'est effectivement ce qui s'est passé. J'ai attendu et on est venu les chercher; donc, quelqu'un savait qu'ils arrivaient.
C'était censé être une famille. Rien ne le prouvait. Ils ont dit être membres de la même famille. Tout ce qu'on a pu faire, c'est prendre leurs empreintes digitales et leur photographie. Maintenant, il y a 11 personnes de plus dans les rues de Vancouver. Pour commencer, nous ne savons rien de leur état de santé, ce qui pourrait poser un grave problème. Nous ne savons pas si nous avons affaire à des criminels, ce qui serait encore plus grave. Il ne nous reste qu'à espérer qu'ils reviennent et qu'ils fassent ce qu'ils sont censés faire.
En ce qui me concerne, c'est un système proprement ahurissant, et je sais que ce n'est pas ce qui se passe aux États-Unis. Je pense que nous devrions étudier la façon dont ils procèdent et essayer de faire passer le message que le Canada n'est pas l'endroit du monde où il est le plus facile d'entrer et de rester, où l'on peut retenir les services d'un avocat et...
On peut bien utiliser le mot «réfugié», mais la plupart de ces gens-là dépensent beaucoup d'argent pour acheter un billet d'avion, notamment un billet de retour qu'ils ne vont pas utiliser. Pour une famille aussi nombreuse, si l'on découvre un jour d'où ils sont venus—des États-Unis, c'est entendu, mais s'ils venaient d'outre- mer, cela leur a coûté très cher. Il est donc évident qu'ils ont de l'argent. Il y a des gens qui les attendent à l'aéroport de Vancouver. Tous les jours, il y a des camions qui attendent, c'est ahurissant.
M. Brian Grant: Puis-je apporter quelques précisions? C'est un point que le comité peut vouloir prendre en considération dans le cadre de ses recherches.
En ce qui concerne les États-Unis, il faut faire attention. Leurs chiffres sont faussés de façon notable par le nombre de Mexicains qui traversent la frontière et dont le cas est traité de façon très expéditive. Essentiellement, on leur demande: voulez- vous comparaître devant un juge de l'immigration; la plupart d'entre eux refusent. Ils veulent retourner là d'où ils viennent parce qu'ils vont revenir la nuit suivante. Ce sont des millions et de millions de gens qui traversent la frontière chaque année, et seulement certains sont pris.
D'un autre côté, les États-Unis ont par le passé investi des sommes considérables pour multiplier le nombre des arbitres d'immigration ou des juges chargés d'examiner ces cas. Avant que le processus accéléré soit introduit, il y avait un arriéré qui, je crois, se soldait par un retard d'environ deux ans avant que les gens puissent comparaître à une audience. Les États-Unis faisaient donc face au même problème. La solution qu'ils ont adoptée, dans une large mesure, c'est d'investir plus d'argent dans cette activité qu'ils ne l'avaient fait auparavant.
Mais encore une fois, la question-clé demeure la même: comment doit-on s'y prendre pour accélérer le processus que doivent suivre ces gens-là?
Le président: Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Qu'arrive-t-il lorsque nous émettons une ordonnance d'expulsion et que la personne visée n'est pas autorisée à rentrer dans son pays d'origine? Quelle sorte de responsabilité avons-nous envers cette personne? Qu'en faisons-nous si elle n'est pas autorisée à rentrer dans son pays d'origine?
M. Brian Grant: Il y a deux ou trois possibilités. Cela peut vous surprendre, mais il n'existe aucune loi internationale stipulant qu'un pays doit reprendre ses ressortissants, même s'il existe à cet égard un accord tacite que nous respectons et même si nous avons eu recours à des accords comme celui de l'OACI pour essayer d'obliger certains pays qui en sont signataires à reprendre leurs ressortissants dans un certain délai.
Pour revenir à l'expulsion, la première possibilité est le pays d'origine. Nous pouvons parfois renvoyer l'intéressé dans le pays d'où il est arrivé. S'il s'agit d'un pays tiers, s'il est arrivé par les États-Unis, nous pouvons le renvoyer dans ce pays, même s'il n'est pas citoyen des États-Unis, parce qu'il a passé du temps dans ce pays avant d'arriver au Canada. On va le refouler étape par étape.
Le président: Du point de vue légal, est-ce que les États-Unis sont obligés de laisser ces gens-là pénétrer sur leur territoire si on les expulse? Peuvent-ils refuser?
Mme Susan Leith: Nous avons un accord réciproque avec les États-Unis. Il y a des circonstances dans lesquelles le Canada et les États-Unis sont tenus de laisser entrer certaines personnes sur leur territoire. En règle générale, lorsqu'une personne est venue directement des États-Unis au Canada et qu'elle est passée à travers toutes les étapes de notre processus, on la renvoie aux États-Unis.
Le président: Même si elle vient d'un pays tiers.
Mme Susan Leith: Oui.
Le président: Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je ne sais si c'est aussi votre cas, mais je commence à avoir le cerveau en ébullition à essayer d'absorber toutes les informations que vous nous donnez, ce dont je vous remercie tous.
Vous avez fait une observation intéressante: la rapidité du processus décourage les demandes non fondées. Si la rumeur qui circule à l'étranger est qu'actuellement, si vous venez au Canada, vous pouvez vous attendre à passer par un processus qui dure 14 mois au moins, avec toutes les portes de sortie et toutes les ramifications que cela implique, est-ce que, comme certains de vos collègues l'ont fait remarquer, vous pensez que c'est en consacrant plus de ressources à des mesures qui seraient prises dès le départ qu'on pourrait transmettre à l'étranger le message que les choses ne vont plus se passer comme cela? S'il était décidé de faire ce genre d'investissement—et je sais que la décision ne vous appartient pas à vous, mais aux membres du comité et au Parlement— pensez-vous que ce serait une solution possible aux nombreux problèmes que vous avez évoqués ici aujourd'hui?
M. Greg Fyffe: Les problèmes sont dus à la fois aux ressources et au processus.
M. Grant McNally: Exact.
M. Greg Fyffe: Une bonne partie du processus est tout à fait justifiée.
Lorsque nous parlons processus, toutefois, il y a toujours deux objectifs à prendre en compte. Lorsque le vérificateur général fait des observations—et en l'occurrence, ces observations portent sur la question de l'expulsion, etc.—, il reste que nous devons nous assurer que le processus permet également d'accorder une certaine protection lorsque cela est approprié. Nous ne voulons pas qu'un processus rapide nous empêche de reconnaître les gens qui ont authentiquement besoin de protection.
Les ressources seules ne nous permettraient pas de résoudre les problèmes. Il faut combiner des ressources et un processus approprié. Bien entendu, il y a certaines recommandations dans le rapport que nous étudions de très près.
M. Grant McNally: Une autre question se pose—je pense que nous l'avons évoquée auparavant—c'est la perspective philosophique liée à la notion de respect volontaire qui existe dans le système actuel et dans laquelle se placent ceux qui ne veulent pas le respecter ou ceux qui savent que c'est dans leur meilleur intérêt de ne pas le respecter. Il me semble que c'est également une question qu'on devrait examiner, pas seulement les points que vous venez de mentionner. Peut-être devrions-nous modifier cette perspective et remplacer le respect volontaire par... On revient alors à la question que vous avez posée: Est-ce que la réponse, c'est la détention? Ou alors, quelle est la réponse? Il semble que la solution soit quelque chose d'autre que le système qui est actuellement en place.
M. Greg Fyffe: Essentiellement, dans le rapport, la détention est considérée comme faisant au moins partie de la solution; la détention est liée à un statut provisoire. C'est évidemment quelque chose que nous examinons.
Le problème a été débattu bien des fois. S'il y avait une solution évidente, je pense que nous l'aurions adoptée. Il se peut que la détention soit la solution, mais ce n'est pas clair. Cela soulève toute une série de questions, des questions philosophiques, des questions de coûts et des questions d'efficacité.
M. Grant McNally: Oui; et je pense que nous sommes chargés de répondre à ces questions difficiles et d'avancer. Les observations que Mme Folco a faites précédemment à propos des documents de voyage et des transporteurs...
J'ai trouvé vos commentaires à ce propos très intéressants.
Mme Raymonde Folco: Merci.
M. Grant McNally: Encore une fois, c'est une question de volonté politique: si la législation appropriée était en vigueur, on pourrait faire assumer une partie des responsabilités aux transporteurs en leur demandant de prendre, au point de départ, certaines des mesures dont vous avez parlé. À l'heure actuelle, les lignes aériennes craignent de ralentir leurs opérations avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour elles. Eh bien, peut-être devraient-elles accepter ces conséquences pour le bénéfice de la société canadienne et peut-être devrions-nous nous orienter également dans cette direction—combiner toutes ces mesures.
M. Greg Fyffe: Malheureusement, tout cela, c'est donnant- donnant. Je pense qu'en règle générale, les lignes aériennes se sont montrées très coopératives dans le cadre du système actuellement en vigueur. Si nous instaurons un système plus rigoureux—et je ne suis même pas sûr que nous disposions de la technologie nécessaire—il faut voir les conséquences que cela aura aussi sur vos électeurs et sur tous les gens qui voyagent en toute légitimité, pour leurs affaires ou pour toute autre raison. Si vous soumettez les 400 passagers d'un avion à une série de vérifications rigoureuses, vous allez vous retrouver face à un bon nombre de Canadiens exaspérés. Cela fait également partie du problème.
M. Grant McNally: Je suppose qu'alors la question qui se pose est la suivante: est-ce une concession—Mme Folco en a parlé lorsqu'elle a mentionné que les contrôles de sécurité dans les aéroports sont maintenant devenus chose habituelle—que les Canadiens sont prêts à faire en bout de ligne, s'ils savent que cela va servir à régler certains des problèmes qui se posent en ce domaine.
M. Greg Fyffe: Tous les pays se débattent avec ce genre de problème. M. Grant, notamment, est en communication avec beaucoup de gens à travers le monde et dans tous les pays, on essaie de trouver une solution. Parce que les lois sont différentes d'un pays à l'autre, on n'autorise pas la même chose ici ou là. C'est un problème à multiples facettes. Si vous avez de nouvelles idées, n'hésitez pas à nous en faire part.
M. Grant McNally: Juste une dernière question à propos des documents à produire avant de monter à bord et à propos de la technologie dont il a également été question. Je ne veux pas tout reprendre au début, mais si on balayait au lecteur optique ces documents de voyage au moment où les gens montent à bord de l'avion... Comme M. Grant l'a mentionné, on commence à prendre des mesures en ce sens pour envoyer des informations à l'avance. Ne pourrait-on pas aussi faire cela? Une personne se présente. Le document de voyage est balayé. Il est envoyé avec une liste des passagers là où le transporteur doit arriver, que ce soit à Vancouver, à Montréal ou à Toronto. Encore une fois, c'est une question d'argent et d'avoir la volonté de le faire ainsi que les ressources nécessaires. À votre avis, pensez-vous que des mesures de ce genre sont utiles?
M. Brian Grant: En tenant compte des réserves que j'ai exprimées plus tôt, rappelez-vous, lorsque j'ai dit que notre rôle était uniquement d'opposer une certaine résistance. Ce n'est pas là la solution du problème. Il s'agit de faire contre-poids, en quelque sorte, lorsqu'on sait que parmi les gens qui se présentent, il y en a qui vont d'un pays à l'autre et qui demandent le statut de réfugié.
Nous avons testé une technologie qui, parfois, s'est révélée de quelqu'utilité, mais qui a eu aussi des effets un peu plus cocasses. C'est très difficile. Nous avons essayé un système de balayage des documents au lecteur optique. Nous avons commencé par balayer nos propres visas. Ensuite, nous avons rencontré quelques difficultés, parce que les lignes aériennes étaient obligées d'avoir tous ces appareils sur leurs comptoirs pour pouvoir utiliser un système de balayage différent selon les documents qu'on leur présentait. Elles sont maintenant passées à une technologie un peu plus sophistiquée qui permet d'emmagasiner l'information par balayage. Je soupçonne que ce système n'enchante encore pas tout le monde.
Le problème vient en partie de la forme du passeport. Il y en a qui sont très bien. Par exemple, le passeport américain est lisible par machine. Mais il y a aussi des passeports dont la méthode de fabrication est assez ancienne. Dans ce cas, la machine ne peut rien lire. Mais on peut néanmoins balayer le passeport.
La stratégie que nous avons essayé de suivre au cours des 10 dernières années est d'assurer que les employés des lignes aériennes sont aussi vigilants que possible, car en réalité, ce sont les seules personnes qui aient le pouvoir d'empêcher quelqu'un de monter à bord. Je ne dis pas qu'on ne peut pas avoir recours à un tel système, mais j'exprimerais la réserve suivante: on peut fort bien enregistrer l'information contenue dans un document par balayage et voir la personne qui présente le document, le cas échéant, mais rien ne dit que le document en question appartient à la personne qui le présente.
• 1720
Par conséquent, la formation que nous avons donnée aux
employés des lignes aériennes consiste à leur apprendre certaines
techniques d'observation pour essayer de détecter si le document...
Bien évidemment, ce ne sont pas des spécialistes des analyses
judiciaires et ils ne disposent pas de l'équipement approprié, mais
ils peuvent vérifier en même temps le document et la personne qui
le présente, car nombre de nos problèmes viennent du fait que
quelqu'un est en possession d'un document parfaitement légal, mais
qui ne lui appartient pas. Il faudrait donc faire un examen
minutieux pour s'assurer que ce genre de chose n'arrive pas.
Par exemple, à un moment donné, nous avons demandé aux lignes aériennes de faire des photocopies des documents de voyage qui étaient présentés, pour au moins voir quels étaient les papiers qui avaient permis aux gens de s'embarquer. Les compagnies ont réagi en disant: nous vous donnons les photocopies, mais alors, nous nous dégageons de toute responsabilité vis à vis les gens qui débarquent de nos avions; libérez-nous de toute obligation en la matière, et nous vous donnerons vos photocopies.
Le problème, c'est qu'une photocopie ne suffit pas pour examiner comme il faut un document, pour voir ce qui a été modifié sur le document original. Si nous pouvons nous procurer cet original, en le plaçant sous des lampes munies de filtres spéciaux, on peut voir comment les passeurs ont altéré le document avec de l'acide, comment la souche du passeport a été soulevée pour changer la photographie; et c'est le genre d'information qui est utile. Elle peut être transmise à qui de droit et nous sommes mieux en mesure de faire des recherches.
À la condition de partir toujours du principe qu'il faut viser des mesures qui fonctionnent bien, cela vaut la peine d'essayer. Au fur et à mesure que la technologie évolue, il devient plus facile de faire ce genre de chose.
Le président: Madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco: J'aimerais revenir sur une question que j'ai posée tout à l'heure et l'élargir.
Tout d'abord, je pense qu'il serait extrêmement utile pour les membres de ce comité de recevoir la partie de la Loi sur l'immigration qui touche removal and detention, parce qu'il y a tout un processus qu'il faudrait connaître. J'ai l'impression que plusieurs des membres du comité n'ont pas eu l'occasion de lire cette partie de la loi et je pense que ce serait une bonne occasion d'en prendre connaissance.
Ensuite, je voudrais reparler de la suggestion que j'avais faite concernant l'organigramme. J'ai bien regardé l'organigramme qui est présenté ici, à la page 25 du rapport du vérificateur général, mais il ne semble pas suffisamment détaillé. Ce qui est important pour nous, c'est qu'avant la déportation définitive d'un individu, il y a trois moments pendant lesquels on peut arrêter le processus de déportation. Je vais les nommer en anglais, si vous me le permettez, parce que je n'ai pas le texte français devant moi: le premier étant un appeal to a superior court, le deuxième étant le risk in their home country, et le troisième, acceptance on humanitarian grounds.
Si je comprends bien le processus, je crois que cela peut revenir à différents moments. C'est pourquoi je demanderais que l'organigramme préparé par le ministère soit assez détaillé, en particulier en ce qui concerne la fin du processus, c'est-à-dire toutes les entrées et les moments où les entrées peuvent se répéter.
Comme plusieurs membres du comité l'ont déjà demandé, je voudrais savoir quel est le temps normal requis pour chacune de ces étapes. Si on avait ces informations, pas nécessairement sur papier mais sous forme de diapositives, on les aurait sous les yeux au moment de poser des questions et cela nous faciliterait la tâche.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Excellente observation, oui.
Je passe maintenant la parole pour une minute à M. Reynolds.
M. John Reynolds: Peut-être devrais-je attendre demain pour en parler, parce que...
Le président: Vous voulez attendre demain?
M. John Reynolds: Non, parce que je veux leur dire quelles sont les questions que je vais leur poser. Demain, ma première question portera sur les lecteurs optiques et peut-être sur les appareils photographiques numériques, parce que je me suis renseigné auprès de certaines entreprises qui ont fait valoir les avantages que peuvent nous offrir les nouvelles technologies.
Par ailleurs, en ce qui concerne le processus, je sais que vous n'aimez pas parler de cas particuliers, mais le Toronto Sun s'est fait l'écho de l'histoire d'un individu appelé Fitzroy Ellsworth Dixon. Il a 31 ans. Il était immigrant reçu. Il est arrivé au Canada avant 1991. Il s'est ensuite rendu aux États- Unis où il a été condamné pour homicide involontaire en 1992. Il a passé cinq ans en prison. Les États-Unis ont émis une ordonnance d'expulsion à son endroit pour le renvoyer en Jamaïque. Au lieu de cela, il est revenu au Canada. Je suppose qu'il a déclaré qu'il n'allait rester qu'une semaine, mais qu'en fin de compte, il a réussi à rester à cause de son statut d'immigrant reçu.
Par la suite, il a demandé la citoyenneté et on la lui a accordée. Il n'a pas dit qu'il avait commis un crime aux États-Unis ni qu'il avait purgé une peine de prison. D'une manière ou d'une autre, en dépit des vérifications que nous avons pu faire, on lui a accordé la citoyenneté. À l'heure actuelle, il fait à nouveau l'objet d'une chasse à l'homme à cause de crimes assez graves qui ont trait au trafic de stupéfiants.
J'aimerais savoir comment cela peut arriver. Cette histoire a été rendue publique. Comment est-ce que quelqu'un qui a été condamné pour meurtre dans un autre pays peut obtenir chez nous la citoyenneté? Il est revenu ici alors qu'il était sous le coup d'une ordonnance d'expulsion vers la Jamaïque, et c'est une chose qui nous a échappé. Je veux savoir si nous disposons aujourd'hui de moyens technologiques qui empêcheraient que ce genre de chose arrive et sinon, pourquoi, parce que cela fait partie du processus.
• 1725
Comment pouvons-nous maintenant nous débarrasser de cet
individu? Il a obtenu la citoyenneté, manifestement, en utilisant
un subterfuge.
On ne peut tolérer un tel système. Je veux parler de cela demain. Je me suis simplement dit que je vous le mentionnerai ce soir pour que vous puissiez faire quelques vérifications.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais seulement poser une ou deux questions pour obtenir rapidement quelques précisions.
En ce qui a trait aux chiffres que vous avez cités au début de votre présentation, j'ai cru comprendre—reprenez-moi si je me trompe—que les ordonnances d'expulsion qui n'ont pas encore été exécutées ne comprennent pas celles auxquelles le ministre a décidé de surseoir ni celles à propos desquelles une demande pour considérations humanitaires a été déposée.
Par ailleurs, j'ai cru également comprendre que certaines évaluations des risques de retour ont été effectuées avant que les ordonnances aient été émises, alors que je vous ai entendu dire, je crois, que l'évaluation des risques de retour est faite a posteriori.
Mme Susan Leith: Oui. Le problème vient en partie du fait que lorsque nous parlons de tout ça, nous utilisons des expressions précises et que parfois, lorsque vous posez une question, nous ne l'interprétons pas comme il faut, parce que vous utilisez une expression comme «ordonnance d'expulsion non exécutée» ce qui peut vouloir dire deux choses différentes pour vous et pour moi. Demain, je vous donnerai des chiffres qui préciseront davantage la situation concernant les ordonnances d'expulsion qui ne sont pas exécutées.
Voici ce qu'il en est: il y a des mesures de renvoi conditionnelles, comme nous l'avons mentionné aujourd'hui, qui s'appliquent dans les cas où une personne a déposé une revendication du statut de réfugié, mais il y a également des ordonnances d'expulsion exécutoires dans les cas où l'on a déterminé qu'une personne ne pouvait être reconnue comme réfugié et où l'évaluation des risques de retour a donné des résultats négatifs. À ce moment-là, l'ordonnance devient exécutoire. Ce qui arrive d'abord, c'est que la personne concernée a...
Mme Sarmite Bulte:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Susan Leith: Il y a également l'interdiction de séjour. Cela devient une ordonnance d'expulsion si la personne concernée n'a pas quitté le pays dans les 30 jours.
C'est donc très compliqué.
Mme Sarmite Bulte: Puis-je faire une suggestion? Peut-être que ce dont nous avons besoin pour nous assurer que nous parlons de la même chose—et pas seulement en ce qui concerne les statistiques— ce sont des définitions.
Mme Susan Leith: Demain, j'essaierai d'apporter quelque chose qui clarifiera la situation.
Mme Sarmite Bulte: Nous parlons des ordonnances d'expulsion et autres choses du même genre. D'après mon expérience, l'ordonnance, une fois devenue exécutoire, ne fait pas partie du processus, et un des sujets que nous n'avons pas abordés, c'est ce qui arrive après aux gens qui entrent dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Je sais que les ordonnances ne sont pas émises à ce moment-là, mais peut-être que si nous avions ne serait-ce qu'un glossaire... Si nous parlons de la même chose, cela facilite la tâche de part et d'autre.
M. Brian Grant: C'est tout à fait juste. Cela se révélerait sans doute très utile pour vous si nous faisions une liste de toutes les formes de recours dont dispose quelqu'un qui n'a pas été reconnu comme réfugié par la SSR, des recours qui sont parfois assortis de sursis légaux—tant et si bien que nous ne pouvons pas expulser les personnes que cela concerne, même si une ordonnance à cet effet a été émise—et qui, dans certains autres cas, sont accompagnés de ce que nous appelons «des sursis administratifs» qui peuvent se transformer, sur demande adressée à la Cour fédérale, en sursis légaux. Si un tribunal international décide d'examiner un cas et nous demande de ne pas expulser la personne concernée, le ministre peut décider d'accorder un sursis administratif. Et il y en a beaucoup.
Le président: Monsieur Grant, vous allez nous procurer cette liste. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails maintenant. Demain, quand vous nous aurez donné cette liste, nous pourrons passer un peu plus de temps sur ce sujet au cas où nous aurions quelque difficulté à...
Mme Sarmite Bulte: Malheureusement, je ne serai pas ici demain, parce que je dois assister à l'audience d'un autre comité. Néanmoins, je pense qu'il est très important que nous sachions de quoi nous parlons et que, vous et nous, parlions de la même chose. Autrement, c'est source de confusion.
D'autre part, si vous dressez cette liste, pourriez-vous y inclure des références aux articles de la loi? Est-ce possible?
Mme Susan Leith: Oui.
Mme Sarmite Bulte: Cela serait utile. De cette façon, nous pourrons simplement prendre le texte de la loi et l'examiner nous- mêmes.
Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs. La séance est levée.